Réunion de la commission des affaires européennes du mercredi 12 mai 2010



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Élargissement

Relations entre l'Union européenne et l'Ukraine 

Communication de MM. Gérard César et Simon Sutour

M. Gérard César :

Je vous rappelle que, pour établir ce rapport, nous avons effectué un déplacement à Bruxelles puis rencontré l'ambassadeur d'Ukraine à Paris. Nous nous sommes également rendus sur place, à Kiev et Odessa, du 28 février au 5 mars dernier, soit juste après l'investiture du Président Ianoukovytch, élu quelques jours auparavant. Je vous présenterai la situation intérieure de l'Ukraine, avant que Simon Sutour vous expose l'état des relations de ce pays avec l'Union européenne, celles-ci étant très largement conditionnées par celle-là.

C'est dans un pays en quête de stabilité que nous nous sommes rendus. L'Ukraine est assurément aujourd'hui un État démocratique, même si la démocratie y demeure fragile. La forte conflictualité de la vie politique porte préjudice au bon fonctionnement de l'État.

La « Révolution orange », à l'automne 2004, avait donné la victoire à Viktor Iouchtchenko face à Viktor Ianoukovytch à l'issue d'un « troisième tour » de l'élection présidentielle organisé en raison du caractère frauduleux du second tour. Elle a permis de mettre un terme au système incarné par l'ancien Président Koutchma et a notamment favorisé l'épanouissement de la liberté d'expression et d'une société civile extrêmement dynamique. Elle a fait de l'Ukraine une démocratie qui choisit aujourd'hui librement ses dirigeants et l'on peut espérer que cette évolution restera irréversible. Il convient d'insister sur ce point, car, les pays baltes exceptés, c'est sans doute le seul cas, peut-être avec la Géorgie, parmi les anciennes républiques soviétiques.

Pour autant, la « Révolution orange » n'a pas atteint tous ses objectifs et les espoirs qu'elle a engendrés ont été déçus et ont laissé la place au désenchantement et à un certain fatalisme, l'instabilité politique provoquant la lassitude, voire l'agacement des citoyens. Ses dirigeants ont en effet manifesté une irresponsabilité évidente. Les querelles à la tête de l'État, notamment entre le Président Iouchtchenko et son Premier ministre, Mme Ioulia Tymochenko, pourtant sa principale alliée en 2004, sont devenues permanentes et ont provoqué des crises politiques qui ont régulièrement bloqué le fonctionnement des institutions. Nous en donnons plusieurs exemples dans notre rapport. Cette situation a naturellement porté préjudice à la conduite des réformes dont le pays a pourtant un besoin urgent. De surcroît, l'influence des oligarques sur la vie politique demeure importante.

La situation constitutionnelle contribue à accroître l'instabilité politique, en raison de la répartition peu claire des pouvoirs consécutive à l'affaiblissement des prérogatives présidentielles au profit de celles du gouvernement et du parlement résultant d'une révision constitutionnelle votée à l'époque de la « Révolution orange ». Aussi une nouvelle révision de la Constitution ukrainienne est-elle indispensable. L'Ukraine est également en proie à des divisions d'ordre géographique, politique et linguistique, entre l'Est et le Sud du pays, russophone et bastion du Parti des régions du président Ianoukovytch, et l'Ouest et le Centre, tourné vers l'Europe et où la langue ukrainienne est utilisée.

Si l'Ukraine est une démocratie, elle n'est pas encore un véritable État de droit et les résultats en matière de bonne gouvernance se font attendre. Trois domaines au moins doivent faire l'objet de progrès :

- d'abord, la loi électorale doit être réformée, notamment en vue d'établir un code électoral unifié conforme aux normes européennes, de même que la situation du système judiciaire qui reste particulièrement préoccupante, les avis de la Commission de Venise du Conseil de l'Europe étant insuffisamment pris en compte ;

- ensuite, de graves atteintes aux droits de l'Homme continuent de se produire en Ukraine, en particulier, selon Amnesty International, des actes de torture et des mauvais traitements, tandis que les cas d'impunité demeurent trop nombreux ;

- enfin, la corruption, qui prend des formes variées et plus ou moins graves, atteint des proportions inquiétantes et la situation se détériore. Le climat des affaires n'est donc guère favorable et l'insécurité juridique pénalise les investissements étrangers.

L'Ukraine connaît une situation économique et sociale très dégradée. Si elle dispose d'un potentiel économique important, elle a connu une croissance trop fortement dépendante de la valorisation des ressources énergétiques et des matières premières et n'a pas suffisamment investi, de telle sorte que ses infrastructures sont largement obsolètes.

Le pays a été durement touché par la crise économique actuelle. Son produit intérieur brut a chuté de 15 % en 2009 et la production industrielle de 20 %. Les conséquences sociales de cette crise sont particulièrement rudes. Les conditions de vie de la grande majorité de la population sont encore très difficiles, en particulier dans les campagnes. Le salaire moyen ukrainien était de 155 euros en janvier 2009. L'espérance de vie n'est que de 68 ans. Le système de santé est très délabré et l'alcoolisme constitue un grave problème de santé publique.

Dans ces conditions, l'Ukraine dépend largement de l'aide que la communauté internationale lui apporte. Le Fonds monétaire international (FMI), en particulier, lui a octroyé, en novembre 2008, une aide de 16,4 milliards de dollars sur 24 mois, versée en plusieurs tranches. Le versement de la 4e tranche, de 3,8 milliards de dollars, a été suspendu en raison du non respect par le pays de divers engagements pris envers le Fonds.

Ce tableau de la situation intérieure du pays peut paraître sombre. Cependant, les développements politiques récents permettent d'espérer que les conditions qui permettront à l'Ukraine d'engager d'indispensables réformes sont désormais réunies.

En premier lieu, les élections présidentielles des 17 janvier et 7 février derniers ont été conformes aux standards internationaux, notamment ceux de l'OSCE et du Conseil de l'Europe. Ces élections, bien que perdues par les dirigeants de la « Révolution orange » au profit du candidat malheureux de 2004, ont confirmé l'ancrage démocratique de l'Ukraine. Le processus électoral n'a certes pas été irréprochable, en particulier du fait de modifications permanentes de la loi électorale, y compris quelques jours avant chacun des deux tours. Pour autant, les observateurs internationaux présents sur place ont considéré que les élections présidentielles s'étaient bien déroulées et que le scrutin avait été sincère.

En second lieu, l'Ukraine a connu des évolutions politiques récentes plutôt positives. Le Président Ianoukovytch, qui, en 2004, apparaissait comme un « tricheur », cherche à corriger son image d' « homme de Moscou ». Il avait déjà beaucoup changé bien avant les dernières élections présidentielles. Alors qu'il était Premier ministre, il avait négocié l'adhésion de son pays à l'OMC et, s'il a toujours été hostile à ce que l'Ukraine devienne membre de l'OTAN, comme la grande majorité de ses compatriotes du reste, il n'a pas réduit sa collaboration avec l'alliance militaire. En réalité, on peut penser que le nouveau président est avant tout un pragmatique qui essaiera de stabiliser son pays. C'est d'ailleurs ce qu'il a déclaré dans son discours devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le 27 avril dernier.

De ce point de vue, l'évolution observée en Ukraine est plutôt encourageante. L'alternance s'est déroulée dans un climat apaisé. Les résultats des élections n'ont pas fait l'objet de contestations vraiment sérieuses de nature à remettre en cause leur légitimé. Mme Tymochenko a d'abord annoncé qu'elle ferait appel des résultats devant les tribunaux afin d'en obtenir l'annulation, avant d'y renoncer, même si elle n'a jamais reconnu sa défaite.

De même, la passation de pouvoirs a été rapide et une nouvelle coalition au Parlement a permis d'éviter une longue période de transition. Nous assistions d'ailleurs tous les deux, Simon Sutour et moi-même, à une séance de la Rada, l'assemblée parlementaire ukrainienne, lorsque son président a annoncé la fin de la coalition soutenant Mme Tymochenko. Une nouvelle coalition a été formée une dizaine de jours plus tard, autour du Parti des régions, et un nouveau Premier ministre, Mykola Azarov, a été nommé.

Pour autant, il convient de rester vigilant. Les conditions dans lesquelles la Rada a été tout récemment amenée à ratifier l'accord prolongeant le stationnement de la flotte russe à Sébastopol ont en effet bafoué les principes de la démocratie parlementaire et du respect des droits de l'opposition.

Enfin, le Président Ianoukovytch a choisi d'effectuer son premier déplacement à l'étranger à Bruxelles. Rappelons qu'il avait fait le même choix lorsqu'il était Premier ministre, alors que le Président Iouchtchenko s'était d'abord rendu à Moscou. Si le nouveau président cherchait évidemment à rassurer les dirigeants européens, il n'en demeure pas moins que ce déplacement illustre l'intérêt que porte l'Ukraine au développement de ses relations avec l'Union européenne.

M. Simon Sutour :

Les relations entre l'Union européenne et l'Ukraine sont empreintes d'une certaine ambivalence. Toutes deux cherchent à les développer, mais attendent de l'autre qu'elle fasse les efforts que réclame leur approfondissement.

L'Ukraine nourrit de fortes attentes à l'égard de l'Union européenne, qui ne sont pas toujours réalistes. Nous avons pu constater au cours de notre déplacement en Ukraine combien les dirigeants de ce pays, quelles que soient leurs opinions politiques, voient l'avenir de leur pays dans l'Union européenne et souhaitent qu'il en devienne un État membre. Sur cette question, il y a consensus parmi la classe politique ukrainienne, ce qui est assez rare pour être souligné. Cette perspective est aussi largement souhaitée par l'opinion publique. Les principaux candidats à l'élection présidentielle avaient pris des engagements pro-européens pendant leur campagne et le Président Ianoukovytch, lors de son déplacement à Bruxelles, a affirmé que, « pour l'Ukraine, l'intégration européenne est la priorité clé de sa politique extérieure ». Gérard César et moi-même avons reçu hier une délégation de parlementaires ukrainiens du Parti des régions qui se rendent dans les différents États membres, et qui ont réitéré les aspirations européennes des nouveaux dirigeants du pays.

Les Ukrainiens ont pourtant le sentiment que, en dépit de leurs fortes aspirations européennes, l'Union européenne se montre frileuse à leur égard. Pour résumer, on pourrait dire qu'ils veulent de l'Europe, mais ils se demandent si l'Europe veut vraiment d'eux. Nous avons parfois perçu de la part des personnalités que nous avons rencontrées un certain découragement, voire un sentiment d'injustice. Les dirigeants ukrainiens ne comprennent pas que l'Union européenne ne prenne pas davantage en compte les efforts accomplis. Ils regrettent l'existence d'un « double standard » défavorable à leur pays, par rapport aux États des Balkans par exemple, qui, contrairement à l'Ukraine, bénéficient d'une perspective européenne.

Deux dossiers illustrent cette frustration envers l'Union européenne.

Le premier concerne la politique européenne de voisinage (PEV), dans le champ de laquelle entre l'Ukraine. La PEV reste distincte du processus d'élargissement et ne préjuge pas de l'évolution future des relations des États concernés avec l'Union. Or, l'Ukraine accepte mal la PEV et considère qu'elle risque de la maintenir durablement dans un statut de voisin, alors qu'elle aspire à devenir un État membre à part entière de l'Union européenne. Elle estime que c'est une manière de lui refuser la perspective européenne qu'elle demande. Elle est plus intéressée en revanche par le développement du Partenariat oriental. Nous pouvons toutefois rappeler que l'Union européenne apporte une aide financière substantielle à l'Ukraine, en particulier dans le cadre de la PEV. Elle lui fournit une assistance macro-financière exceptionnelle sous forme de prêt d'un montant maximal de 610 millions d'euros, qui s'ajoute à une aide annuelle de 130 millions d'euros versée à l'Ukraine au titre de l'Instrument européen de voisinage et de partenariat. Au titre du cadre financier actuel, c'est-à-dire pour les années 2007 à 2013, l'Union européenne aura aidé l'Ukraine à hauteur de plus de 960 millions d'euros. Depuis 1991, ce pays a bénéficié d'une assistance communautaire évaluée à 2,5 milliards d'euros.

La deuxième source d'incompréhension majeure porte sur la politique européenne des visas. L'Ukraine réclame avec insistance un régime de circulation sans visa en Europe pour ses ressortissants, ce qui n'est actuellement pas le cas. L'Union européenne lui refuse la feuille de route qu'elle demande et qu'elle a pourtant accordée aux États des Balkans occidentaux. Cette situation est extrêmement mal ressentie par les Ukrainiens qui estiment que les démarches exigées d'eux pour obtenir des visas sont humiliantes.

Il est cependant indéniable que l'Ukraine envoie des messages contradictoires qui suscitent des inquiétudes en Europe. Afficher sa foi européenne ne suffit pas. L'intégration européenne implique des devoirs et des obligations et il n'est pas certain que les dirigeants ukrainiens en aient pleinement conscience. Ils n'ont pas toujours tenu un discours réaliste à leurs compatriotes, laissant supposer que l'adhésion à l'Union européenne serait rapide.

En outre, la volonté politique pour engager les réformes nécessaires à l'adoption des standards européens a souvent fait défaut. C'est le cas, par exemple, de la réforme du secteur gazier. L'Ukraine a adhéré à la Communauté de l'énergie en décembre 2009, ce qui devrait lui permettre de reprendre l'acquis communautaire en la matière, alors que ses infrastructures sont largement obsolètes. Mais cette adhésion n'est pas encore devenue effective, faute pour l'Ukraine d'avoir rempli les conditions qui avaient été exigées d'elle, l'augmentation du prix du gaz en particulier.

De même, certaines déclarations du candidat Ianoukovytch ont pu jeter le trouble en confortant son image « pro-russe ». Il a ainsi évoqué la possibilité pour l'Ukraine de reconnaître l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie ou encore de participer au projet d'union douanière que pourraient constituer la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, mais qui serait contraire à la fois aux principes de l'OMC et aux négociations en cours avec l'Union européenne en vue de la création d'une zone de libre-échange. Le nouveau président a toutefois indiqué par la suite qu'il avait renoncé à faire participer son pays à ce projet d'union douanière. Il a aussi confirmé vouloir proposer à Gazprom et à diverses sociétés européennes du secteur de l'énergie liées à cette compagnie de prendre des parts dans la gestion des gazoducs ukrainiens. Or, la Russie poursuit l'objectif de prendre le contrôle du réseau ukrainien de transit de gaz vers l'Europe.

Enfin, l'Ukraine a récemment conclu un accord avec la Russie en vertu duquel le bail de la flotte russe à Sébastopol, sur la mer Noire, serait prolongé de 25 ans, soit jusqu'en 2042 au lieu de 2017, en échange d'une réduction de 30 % du prix du gaz livré par la Russie. Gérard César a évoqué la profonde division que cet accord a provoquée dans le pays.

Les relations qu'entretient l'Union européenne avec l'Ukraine sont forcément influencées par ce contexte, qui explique la prudence, voire la frilosité de la première envers la seconde.

Ces relations sont régies par un accord de partenariat et de coopération de 1998. Des négociations ont été ouvertes en 2007 dans l'objectif de conclure un accord d'association, dont le cadre politique a été défini au Sommet de Paris du 9 septembre 2008. La présidence française de l'Union européenne s'est beaucoup impliquée dans la négociation de cet accord, que les Ukrainiens revendiquaient depuis plusieurs années. Le consensus a été très difficile à dégager, compte tenu de la division des États membres sur la meilleure façon d'encourager les réformes en Ukraine. Certains, comme les États baltes, la République tchèque, la Slovaquie, la Pologne ou la Suède, souhaitent lui offrir une perspective d'adhésion, d'autres, en particulier le Benelux, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, préfèrent s'en tenir à la politique européenne de voisinage.

La présidence française a finalement réussi à faire valoir son objectif d'un « paquet politique », comportant trois principaux éléments :

- l'affirmation du caractère européen de l'Ukraine, « pays européen » qui « partage avec les pays de l'Union européenne une histoire et des valeurs communes » ;

- la conclusion d'un accord d'association ne préjugeant pas de l'évolution des relations Union européenne/Ukraine ;

- le lancement d'un dialogue sur les visas en vue de leur suppression à long terme, sans feuille de route.

Le Sommet de Paris n'a pas offert de perspective d'adhésion à l'Ukraine et ses résultats sont donc restés très en-deçà des ambitions de celle-ci. Il lui a toutefois donné l'occasion d'obtenir une avancée majeure dans la reconnaissance de ses aspirations. L'accord d'association offre l'opportunité de rapprocher l'Ukraine des standards européens grâce aux coopérations sectorielles qu'il prévoit. Il comprend également un accord de libre-échange.

Les négociations sur le contenu de l'accord d'association se sont poursuivies en 2009 et sont quasiment achevées sur le volet politique. En revanche, peu de progrès ont été enregistrés sur l'accord de libre-échange et la date de conclusion de cet accord a été reportée à plusieurs reprises, compte tenu des sujets sensibles abordés, en période électorale notamment. Lors de son déplacement à Bruxelles, le 1er mars dernier, le Président Ianoukovytch a souhaité que l'accord d'association avec l'Union européenne soit conclu au premier trimestre 2011 au plus tard.

La prudence européenne est également justifiée par le caractère complexe, et même passionnel, des relations qu'entretient l'Ukraine avec la Russie. Ces relations sont denses pour des raisons évidentes, historiques et linguistiques en particulier. Elles sont aussi marquées par de nombreux sujets de tensions, dont le plus médiatisé concerne le gaz. L'Ukraine a parfois ressenti la politique extérieure russe comme une menace, plus encore après la guerre entre la Russie et la Géorgie en août 2008.

L'élection de M. Ianoukovytch va fort probablement se traduire par un renforcement des liens de l'Ukraine avec la Russie. La conclusion du récent accord sur le prix du gaz russe démontre que ce rapprochement a déjà commencé. Pour autant, le nouveau président devrait surtout chercher à établir des relations plus apaisées avec la Russie, ce qui contribuera à la stabilité de la région, et à promouvoir une politique étrangère multilatérale visant l'équilibre avec ses différents partenaires. C'est en tout cas ce qu'il a déclaré dans son discours devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, à Strasbourg, le 27 avril dernier.

Pour approfondir ses relations avec l'Ukraine, l'Union européenne attend de ce pays qu'il effectue un certain nombre de réformes. Le Conseil Affaires étrangères du 22 février dernier a précisé ces réformes, de façon informelle toutefois : le respect des conditions du FMI, la modernisation du secteur gazier, l'amélioration du système de contrôle migratoire, le rapprochement des normes communautaires en matière commerciale de manière à faciliter la conclusion de l'accord de libre-échange, le renforcement de la lutte contre la corruption.

Les Ukrainiens ont désormais pris conscience qu'ils ne pouvaient réclamer une adhésion de leur pays à l'Union européenne à brève échéance. Ils souhaitent en revanche obtenir une perspective d'adhésion, au motif que celle-ci aurait une dynamique d'entraînement sur le mouvement des réformes.

Nous considérons, Gérard César et moi-même, que le moment d'accorder une telle perspective d'adhésion à l'Ukraine n'est pas encore venu. Ce ne serait pas réaliste. Ni la situation intérieure de ce pays ni l'état de l'Union européenne ne sont actuellement favorables. L'Ukraine doit démontrer concrètement qu'elle souhaite un jour devenir un État membre de l'Union.

Pour autant, nous estimons que les réformes attendues d'elle doivent rester réalistes. Compte tenu des enjeux que représente ce pays, de son caractère démocratique et des derniers développements qu'il a connus, nous pensons que l'Union européenne doit faire un geste supplémentaire en faveur de l'Ukraine.

Même si ce n'est pas la position du gouvernement français, nous sommes personnellement favorables à ce qu'une feuille de route vers un régime sans visa, assortie de critères précis, soit accordée aux Ukrainiens, dès lors que ceux-ci auront rapidement accompli les réformes visant à :

- stabiliser durablement la vie politique du pays ;

- régler les problèmes qui empêchent actuellement l'exemption de visas, en particulier les lacunes en matière de contrôle des documents d'identité et des mouvements migratoires ;

- lutter contre l'insécurité juridique qui pénalise les investisseurs étrangers.

Au-delà du caractère symbolique d'une telle décision, l'octroi d'une feuille de route à l'Ukraine permettrait non seulement de favoriser la coopération concrète de ce pays avec l'Union européenne, mais aussi de mettre les Ukrainiens face à leurs responsabilités sur un sujet qui leur tient à coeur, la feuille de route supposant l'accomplissement d'un certain nombre d'exigences préalablement définies.

L'Ukraine, qui a une histoire longue et riche, est un pays méconnu, en particulier en France, alors que les Ukrainiens sont francophiles. Nous avons pu le constater lors de la discussion très intéressante que nous avons eue avec des étudiants de l'Alliance française à Odessa.

Compte rendu sommaire du débat

M. Jean Bizet :

Je me félicite du caractère très équilibré de votre rapport. L'Ukraine est en effet un pays stratégique, ne serait-ce qu'en raison des liens qu'elle entretient avec la Russie. Pour autant, il est nécessaire, comme vous l'avez indiqué, de rappeler à ses dirigeants qu'ils ont aussi des devoirs.

M. Jacques Blanc :

À l'occasion de la préparation de mon rapport d'information sur la politique européenne de voisinage, j'avais rencontré des responsables ukrainiens et j'avais pu me rendre compte combien cette politique était mal vécue en Ukraine. Ce pays souhaite en effet obtenir le statut de pays candidat. En revanche, il est un acteur important du Partenariat oriental ainsi que dans la région de la mer Noire.

Compte tenu de la façon dont se déroulent les négociations avec la Turquie, il me semble raisonnable de ne pas promettre à l'Ukraine une perspective d'adhésion, même si des gestes positifs à son endroit, sur les visas par exemple, sont bienvenus.

M. Simon Sutour :

Le caractère européen de l'Ukraine est une évidence. En revanche, il est certain que ce pays n'a pas encore atteint le niveau de développement de la plupart des États membres de l'Union européenne.

M. Gérard César :

Les Ukrainiens considèrent comme des brimades les formalités exigées d'eux pour l'obtention d'un visa vers les pays de l'Union européenne, d'autant plus que, depuis plusieurs années déjà, les ressortissants européens n'ont plus besoin de visa pour voyager en Ukraine. Le dépôt d'une demande de visa est soumis à des conditions difficiles à remplir pour la plupart des Ukrainiens, l'ouverture d'un compte bancaire suffisamment approvisionné par exemple.

M. Charles Gautier :

Je voudrais savoir combien de Français sont établis en Ukraine et obtenir des informations sur les relations économiques entre ce pays et les principaux États membres de l'Union européenne.

M. Simon Sutour :

La communauté française établie en Ukraine compte environ 800 personnes. Il est indéniable que le climat des affaires est rendu particulièrement complexe par la forte insécurité juridique qui existe en Ukraine. Nous avons ainsi rencontré, dans la région d'Odessa, un viticulteur français installé en Ukraine depuis plusieurs années qui connaît d'importantes difficultés pour développer son exploitation.

Lorsque nous abordons l'Ukraine, nous devons éviter toute approche manichéenne selon laquelle le camp « orange » serait démocratique et pro-européen, tandis que le Parti des régions serait peu respectueux des droits de l'Homme et excessivement proche de la Russie. La situation est plus nuancée. Certains responsables ukrainiens ont eu tendance à instrumentaliser le nationalisme à des fins politiques. Il n'en demeure pas moins que l'Ukraine connaît différents clivages, par exemple linguistiques et religieux, les catholiques se situant plutôt à l'ouest du pays tandis que les orthodoxes, dont il existe de nombreuses obédiences, sont plus nombreux à l'est et au sud.

Il me semble que nous devons continuer à aider les Ukrainiens et à les faire progresser.

M. Yann Gaillard :

Les liens entre l'Ukraine et la Pologne sont forts et anciens. L'un des plus grands écrivains polonais est d'origine ukrainienne.

M. Gérard César :

Nous avons pu constater que le sentiment religieux était extrêmement prégnant en Ukraine et que les églises orthodoxes étaient très fréquentées.

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La commission a adopté à l'unanimité la publication du rapport d'information, paru sous le numéro 448 et disponible sur Internet à l'adresse suivante :

www.senat.fr/europe/rap.html