Réunion de la commission des affaires européennes du mardi 3 février 2009


Table des matières

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Institutions européennes

Révision de la directive de 1995 relative à la protection des données personnelles et sur la prédominance de la langue anglaise au sein des institutions européennes

Communication de M. Alex Türk, président de la CNIL,
président du « Groupe des CNIL européennes »

M. Hubert Haenel :

Notre collègue Alex Türk, président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), m'a saisi du problème de la composition d'un groupe d'experts mis en place par la Commission européenne sur la protection des données personnelles. Plus généralement, il s'inquiète de la régression de l'usage du français dans les institutions européennes. C'est pourquoi je lui ai proposé de s'exprimer aujourd'hui devant la commission des affaires européennes.

M. Alex Türk :

La Commission européenne a décidé de mettre en place un groupe d'experts chargé d'engager la réflexion sur la révision de la directive européenne de 1995 relative à la protection des données personnelles. Je rappelle que cette directive a une très grande importance puisqu'elle est à l'origine des législations nationales dans ce domaine.

La mission de ce groupe d'experts est à la fois large et délicate puisqu'il devra faire des propositions à la Commission européenne sur la révision de la directive de 1995, mais aussi sur la question de la protection des données dans les matières régaliennes relevant du troisième pilier.

Or, la composition de ce groupe d'experts suscite de très lourdes interrogations. Il est en effet composé de cinq personnes qui, pour quatre d'entre elles, sont issues soit de sociétés américaines, soit de cabinets d'avocats dont les principaux établissements sont également situés aux États-Unis. Un seul membre de ce groupe est originaire d'Europe, il s'agit du président de l'Autorité néerlandaise chargée de la protection des données qui, en tant que vice-président, représente le groupe dit « de l'article 29 » (regroupant les vingt-sept autorités de l'Union européenne) que je préside.

Ayant manifesté ma surprise à la Commission européenne devant la composition de ce groupe, il m'a été répondu que le concept de nationalité était dépassé et qu'il était surtout important de trouver des experts compétents.

Le commissaire Jacques Barrot, que j'ai rencontré, a reconnu que cette situation était anormale. Il a avancé l'idée de fondre ce groupe d'experts dans une concertation plus large. Mais, à ce stade, je n'ai pas eu confirmation que cette idée allait être concrétisée.

Je tiens à souligner que ma position est partagée par l'ensemble des autres autorités des États membres, à l'exception du Royaume-Uni. J'ai en outre appris que, d'ores et déjà, l'agenda de ce groupe d'experts avait suscité un débat en son sein entre, d'une part, le représentant du groupe de l'article 29 et, d'autre part, les experts américains qui s'étaient concertés au préalable. 

Je veux par ailleurs attirer votre attention sur la régression de l'usage du français dans les institutions européennes. La situation s'est nettement dégradée depuis 17 ans que je siège dans des instances de l'Union européenne pour le compte des instances de Bruxelles pour le compte de la CNIL au sein de laquelle je représente le Sénat. L'anglais est désormais la langue utilisée dans 98% des cas. J'en citerai trois exemples récents.

En premier lieu, la prochaine conférence européenne sur la protection des données qui doit se tenir à Édimbourg pourrait avoir l'anglais pour seule langue, sans qu'aucune traduction ne soit assurée. J'ai exprimé mon opposition à cette situation et indiqué que si, tel était le cas, je ne me rendrais pas à cette conférence.

En deuxième lieu, il est demandé à la France d'assurer le coût des traductions nécessaires dans le cadre de la procédure d'évaluation « Schengen » qui sollicite à la fois le ministère de l'Intérieur et la CNIL.

Enfin, dans le cadre des réunions du groupe de l'article 29, j'observe que de plus en plus de membres s'expriment en anglais, même si cette langue n'est pas leur langue maternelle, ce qui pose un problème sérieux au service de traduction. Je relève également que de plus en plus de hauts fonctionnaires français s'expriment désormais en anglais dans des réunions au niveau européen. À tort, la France a refusé, il y a quelques années, le passage à un système à trois langues (allemand, anglais et français), qui aurait convenu à nos partenaires allemands. Ce serait pourtant la bonne solution.

Au sein même de la CNIL, dont le quart des activités a un caractère international, les documents juridiques sur lesquels nous devons nous prononcer sont désormais rédigés en anglais. En conséquence, nos homologues anglais disposent d'un pouvoir exorbitant d'arbitrage juridique par le biais de la langue.

M. Hubert Haenel :

En décembre dernier, le Président du Bundestag allemand a adressé au Président du Sénat la motion qui avait été adoptée à l'unanimité, le 16 octobre 2008, par le Bundestag sur la politique de l'Union européenne en matière de traduction. Je crois que cette motion rejoint en large partie le deuxième problème soulevé par notre collègue Alex Türk.

La motion du Bundestag relève que « au cours des dix-huit derniers mois, le Bundestag allemand a, à de multiples reprises, fait savoir clairement à la Commission européenne que la traduction intégrale de l'ensemble des documents de l'Union est une demande primordiale pour l'Allemagne ». Elle ajoute que « à titre d'exemple, les rapports de suivi relatifs aux pays candidats n'ont été traduits en allemand que pour la Croatie et la Turquie ; les rapports sur la Macédoine et sur les pays candidats potentiels - Albanie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie - et sur la province serbe du Kosovo, où des soldats et policiers allemands participent aux missions de l'Union européenne, ne sont disponibles qu'en anglais, malgré la demande de traduction a posteriori ». Le problème apparaît également en matière budgétaire. Le Bundestag se trouve de ce fait dans l'impossibilité de débattre à propos de nombreux documents.

La motion souligne que le Bundestag cherche, sur cette question, à assurer la cohésion avec d'autres États membres et leur parlement. Je crois que nous devons appuyer la position allemande pour avoir une démarche coordonnée sur cette question linguistique.

M. Pierre Bernard-Reymond :

À propos de la mise en place d'un groupe d'experts, y a-t-il une procédure d'appel d'offres au sein de l'Union européenne pour traiter ce type de question ?

Et, pour la régression de l'usage du français, avez-vous saisi le ministère des affaires étrangères et celui de la culture ?

M. Richard Yung :

Après avoir reçu votre courrier, j'ai moi-même écrit au commissaire européen pour m'étonner des conditions de désignation de ce groupe d'experts.

Notre commission doit clairement signifier qu'elle ne sera pas prête à travailler à partir des conclusions d'un groupe d'experts constitué dans ces conditions. Il faut par ailleurs alerter les instances compétentes, notamment notre Représentation permanente à Bruxelles, le ministère des affaires étrangères et le Secrétariat général des affaires européennes.

Je rappelle par ailleurs que, en matière de brevets, on a eu beaucoup de mal à convaincre en France qu'un système à trois langues (allemand, anglais, français) prévu par l'accord de Londres permettait en réalité de défendre l'usage du français. C'est pourtant la bonne démarche qu'il faut adopter dans les autres domaines.

M. Alex Türk :

Il n'y a pas eu de véritable appel d'offres pour la constitution de ce groupe d'experts, mais je crois pouvoir dire qu'il n'y a pas eu d'irrégularité juridique dans la procédure suivie.

J'ai saisi le Premier ministre, les ministères ainsi que nos ambassadeurs concernés par cette question.

J'observe par ailleurs que cette question linguistique ne concerne pas seulement la France et que d'autres États membres réagissent face à la généralisation de l'usage de l'anglais. Il me semble qu'un système à trois langues (allemand, anglais, français) pourrait faire l'objet d'un consensus.

M. Simon Sutour :

La commission des affaires européennes pourrait prendre une position dans ce domaine et saisir le Président du Sénat pour en assurer une large diffusion.

Mme Bernadette Bourzai :

La commission des affaires culturelles se préoccupe de cette question de l'usage du français dans les institutions européennes. Il est vrai qu'une dégradation peut être constatée depuis quatre ans.

M. Alex Türk :

Il me semble que la création d'une mission parlementaire serait très utile, notamment pour vérifier les consignes qui sont données à nos administrations et évaluer la stratégie de la France en matière linguistique.

M. Hubert Haenel :

Depuis la révision constitutionnelle de juillet dernier, le Sénat et l'Assemblée nationale peuvent adopter des résolutions « sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne » et non plus seulement sur les propositions de textes européens soumis aux assemblées par le Gouvernement. En conséquence, je vous propose que la commission des affaires européennes dépose deux propositions de résolution : l'une sur la composition de ce groupe d'experts en matière de protection des données personnelles, l'autre sur l'usage du français. Il me semble que cette dernière pourrait utilement faire l'objet d'un débat en séance publique.

Par ailleurs, nous pourrions proposer à la commission des affaires culturelles de mener une réflexion conjointe sur cette question.

M. Serge Lagauche :

Il devrait s'agir, à mon sens, d'une mission d'information conjointe aux deux commissions.

M. Pierre Bernard-Reymond :

Nous pourrions également saisir les chefs de délégations françaises au sein des groupes politiques du Parlement européen ainsi que l'Assemblée de la francophonie. Il serait aussi utile de relancer le groupe de défense de la francophonie qui avait été créé au sein du Parlement européen.

*

À la suite de ce débat, la commission a décidé de déposer les deux propositions de résolution ci-après :

Proposition de résolution sur la nomination, par la Commission européenne,
d'un groupe d'experts sur la protection des données

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu l'appel à candidatures publié par la Commission européenne en vue de mettre en place un groupe d'experts chargé de réfléchir sur le cadre juridique de la protection des données dans l'Union européenne ;

Vu le compte rendu de la première réunion du groupe d'experts qui s'est tenue le 4 décembre 2008 ;

Le Sénat juge inacceptable :

- que ce groupe d'experts, qui doit notamment identifier les défis de la protection des données personnelles dans l'Union européenne au regard des questions de sécurité publique en prenant en compte le nouveau cadre institutionnel tel que prévu dans le traité de Lisbonne, et qui est appelé, à ce titre, à traiter de questions qui intéressent très directement les missions des États membres en matière de libertés publiques et de sécurité publique, soit composé de cinq personnes qui, pour quatre d'entre elles, sont issues soit de sociétés américaines soit de cabinets d'avocats dont les principaux établissements sont situés aux États-Unis ;

- que l'appel à candidatures visé ci-dessus ait prévu que la langue de travail du groupe d'experts serait l'anglais et que, au cas où les participants aux réunions s'entendraient en vue d'ajouter d'autres langues de la Communauté pour les communications écrites et orales, la Commission européenne n'offrirait aucune infrastructure ou service d'interprétation ou de traduction.

Le Sénat demande, en conséquence, au Gouvernement :

- de solliciter des explications de la Commission européenne sur les conditions dans lesquelles ce groupe d'experts a été nommé et d'agir auprès d'elle afin que les propositions qui seront prises en considération pour toute évolution du cadre juridique de la protection des données dans l'Union européenne  soient élaborées dans des conditions qui préservent l'indépendance d'analyse de l'Union européenne dans l'évaluation de ses propres règles juridiques et respectent le principe du multilinguisme ;

- de s'opposer à toute proposition de la Commission européenne qui ne serait pas élaborée à partir d'une réflexion conduite sur ces bases.

Proposition de résolution sur le respect de la diversité linguistique
dans le fonctionnement des institutions européennes

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu les rapports de progrès de la Commission européenne de novembre 2008 disponibles exclusivement en langue anglaise, sur les pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne, à savoir la Croatie (SEC(2008) 2694), la Turquie (SEC(2008) 2699) et l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine (SEC(2008) 2695), et sur les pays candidats potentiels, à savoir l'Albanie (SEC(2008) 2692), la Bosnie-Herzégovine (SEC(2008) 2693 final), le Monténégro (SEC(2008) 2696), la Serbie (SEC(2008) 2698) et le Kosovo (SEC(2008) 2697).

Vu les documents budgétaires disponibles dans la seule langue anglaise, tel le document de travail « Bodies set up by the Communities and having legal personality » consacré aux agences communautaires et publié avec l'avant-projet de budget 2009 en mai 2008 (COM(2008) 300).

Vu la motion adoptée à l'unanimité par le Bundestag allemand le 16 octobre 2008, intitulée « Revoir la politique de l'Union européenne en matière de traduction - Permettre aux Parlements nationaux de participer à l'ensemble des affaires de l'Union européenne » ;

Le Sénat :

- souligne que l'Union européenne se fonde sur « l'unité dans la diversité » et que cette diversité s'exprime notamment dans le multilinguisme ;

- rappelle que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne proclame dans son article 22 que l'Union respecte la diversité linguistique et interdit, dans son article 21, toute discrimination fondée sur la langue ;

- constate que le respect de la diversité linguistique et la prohibition de toute discrimination fondée sur la langue sont de moins en moins assurés dans le fonctionnement des institutions européennes.

Le Sénat demande, en conséquence, au Gouvernement :

- de réaffirmer auprès des institutions européennes l'attachement de la France au strict respect de la diversité linguistique et à l'exclusion de toute discrimination fondée sur la langue ;

- de prendre sans délai toute initiative auprès de ces institutions pour assurer la mise en oeuvre concrète de ces principes ;

- de se rapprocher du gouvernement allemand pour agir en commun en ce sens.

Subsidiarité

Subsidiarité et proportionnalité : examen des textes transmis par la Commission européenne aux parlements nationaux

M. Hubert Haenel :

Nous devons d'abord examiner le texte qui a été retenu, dans le cadre de la COSAC, comme test de subsidiarité.

Je vous rappelle que la COSAC sélectionne chaque année quelques propositions législatives envisagées par la Commission européenne afin que tous les parlements nationaux de l'Union examinent ce même texte au même moment et qu'il soit possible d'avoir un débat commun au sein de la COSAC.

Le texte qui a été retenu est la proposition de directive relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation. L'objectif est de mettre en place un cadre communautaire afin de garantir des normes de qualité et de sécurité identiques pour tous les organes humains utilisés à des fins de transplantation. La Commission européenne fait valoir qu'il existe des divergences de législations entre les États membres qui sont de nature à gêner les échanges transfrontaliers d'organes. Elle estime que la mise en place de normes communes devrait permettre de constituer, au niveau européen, un vaste réservoir de donneurs qui devrait étendre les possibilités de compatibilité pour les receveurs.

L'intervention communautaire paraît tout à fait justifiée sur le principe. Tout au plus, peut-on regretter que la Commission se contente, pour légitimer sa proposition au regard de la subsidiarité, d'une de ses formules-type qui ne démontrent rien : « Étant donné que l'objectif de la présente directive, à savoir l'établissement de normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation, ne peut être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc, en raison des dimensions de l'action, être mieux réalisée au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité ». La phrase ne comporte aucune démonstration, mais est une pure et simple affirmation. On voit que les services de la Commission ont encore quelques progrès à faire en ce domaine. Mais, sur le principe d'une action communautaire, il me semble qu'il n'y a pas lieu à contestation.

Si l'on est d'accord avec le principe d'une action communautaire, encore convient-il de vérifier que la proposition de directive ne va pas plus loin que nécessaire.

Les principales mesures de la directive portent sur la qualité et la sécurité des organes ainsi que sur la protection du donneur et du receveur. La directive prévoit notamment que chaque État membres établisse un programme national de qualité définissant des règles et des procédures normalisées pour chaque étape de la chaîne de transplantation. La responsabilité et le suivi de ce programme doivent être confiés à une autorité nationale qui sera compétente par ailleurs pour toutes les questions relatives à l'obtention et à la transplantation d'organes. Il n'est toutefois pas nécessaire de créer une nouvelle autorité et chaque État peut désigner, pour cette mission, un organisme national déjà en place.

Les règles et procédures figurant dans ces programmes nationaux doivent être conformes aux exigences fixées par la directive. Celles-ci prévoient que :

- l'obtention des organes doit être pratiquée dans des organismes (hôpital, clinique) bénéficiant d'une organisation adéquate, d'un personnel qualifié et d'installations et de matériel appropriés ;

- une caractérisation des organes, c'est-à-dire la collecte d'informations et de données médicales pertinentes sur l'organe et le donneur, doit être effectuée. Cette démarche doit permettre de conduire une évaluation adéquate des risques pour le receveur et d'optimiser l'attribution des organes ;

- le transport des organes doit s'effectuer de telle manière que l'intégrité de l'organe soit garantie et la durée du transport réduite au maximum. De plus, un étiquetage mentionnant un certain nombre d'informations utiles est exigé sur les conteneurs utilisés pour le transport d'organes ;

- la transplantation des organes s'effectue dans un « centre de transplantation » agréé par l'autorité nationale compétente qui définit précisément les activités de transplantation que le centre est autorisé à conduire ;

- un système de traçabilité des organes, du donneur au receveur et inversement, doit être mis en place par les États membres. Grâce à ce système, il doit être possible d'identifier un donneur et les dons et organes qui lui associés, dans les limites fixées par la législation relative au traitement des données à caractère personnel. Les informations pourront être conservées pendant une période de 30 ans minimum ;

- un système de notification des évènements et des réactions indésirables graves après transplantation, liés ou intervenus pendant l'obtention, le contrôle ou le transport des organes, doit être mis en place par les États membres ;

- le personnel intervenant dans la chaîne qui va du don à la transplantation doit être qualifié et avoir suivi à cet effet une formation appropriée.

En ce qui concerne la protection du donneur et du receveur, il est important de noter que la Commission ne propose aucune mesure visant à modifier les pratiques existant au sein des États membres en matière de consentement à donner un organe. Elle souligne à juste titre que cette question fait appel à des préoccupations éthiques et culturelles propres à chaque pays. Enfin, pour ce qui est de l'autorité désignée par chaque État membre, la Commission montre une préférence pour une organisation unique, mais elle permet à chaque État membre d'opter pour l'association de diverses instances locales, régionales, nationales ou internationales.

Au final, il apparaît que les mesures proposées sont respectueuses des législations nationales et ne donnent pas lieu à une intervention communautaire qui irait au delà de ce qui est nécessaire. Tout au plus peut-on regretter que la Commission européenne n'ait pas fourni une véritable justification au regard de la subsidiarité.

Êtes-vous d'accord avec cette conclusion ?

Il en est ainsi décidé.

*

Parmi l'ensemble des autres textes que la Commission nous a adressés récemment, il n'y en a qu'un qui paraît poser problème au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité.

Il s'agit de la proposition de directive établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire.

Ce texte renforce l'obligation pour les États membres de respecter, d'une part, les fondements de sûreté de l'Agence internationale de l'énergie atomique et, d'autre part, les exigences de la Convention sur la sûreté nucléaire du 5 juillet 1994.

Pour justifier son intervention, la Commission européenne remarque que, bien que tous les États membres soient parties contractantes à la Convention sur la sûreté nucléaire et bien qu'ils aient d'ores et déjà mis en oeuvre un niveau élevé de sûreté nucléaire, il n'existe pas de règles spécifiques à la Communauté en ce domaine. La Commission estime qu'elle respecte le principe de subsidiarité en proposant un cadre législatif commun sans fixer de modalités contraignantes pour les États membres. Il s'agirait seulement de renforcer le rôle et l'indépendance des organismes nationaux de réglementation et de développer des exigences supplémentaires de sûreté en ce qui concerne les nouveaux réacteurs électronucléaires.

Il apparaît clairement que les États membres satisfont actuellement à toutes les exigences découlant des textes internationaux régissant la sûreté nucléaire. Or, et cela paraît sage, la proposition de directive ne définit pas d'objectifs spécifiques à la Communauté en matière de sûreté nucléaire. Dans ces conditions, on comprend mal l'intérêt et surtout la nécessité d'une action communautaire. Il apparaît clairement que les États membres parviennent aujourd'hui à atteindre de manière suffisante, par leurs actions propres, les objectifs recherchés.

Par ailleurs, la Commission européenne préconise un renforcement des organismes nationaux de réglementation qui est en contradiction avec le dispositif actuellement en place en France. La France associe en effet :

- d'une part, une autorité administrative indépendante qui est chargée de préciser la réglementation, de délivrer des autorisations et d'effectuer des contrôles ;

- d'autre part, un ministre chargé de la sûreté nucléaire qui édicte la réglementation technique générale et qui prend les décisions majeures relatives aux installations nucléaires de base.

Le dispositif français répond pleinement aux objectifs poursuivis par la directive, mais il serait remis en cause par les dispositions que prévoit la proposition de directive en matière d'indépendance. Là encore, il semble donc que la proposition de directive ne respecte pas le principe de subsidiarité.

Je vous propose donc d'adopter le projet d'observations suivant :

- Proposition de directive établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire (COM (2008) 790 final) ;

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La proposition de directive ne définit pas d'objectifs spécifiques à la Communauté en matière de sûreté nucléaire. Elle se limite à rappeler aux États membres leurs obligations au regard des conventions internationales en la matière. Or, les États membres appliquant par eux-mêmes ces conventions, depuis plusieurs années et de manière satisfaisante, on peut estimer que l'objectif poursuivi peut être atteint de manière suffisante par les États membres.


En outre, le renforcement des organismes nationaux de règlementation, tel qu'il est préconisé par la proposition de directive, remettrait en cause l'organisation existant dans certains des États membres bien que ceux-ci réalisent actuellement de manière suffisante les objectifs poursuivis.

En conséquence, la commission des affaires européennes du Sénat estime que cette proposition ne respecte pas le principe de subsidiarité.

Il en est ainsi décidé.