Projet de loi Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice

Direction de la Séance

N°230

8 octobre 2018

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 13 , 11 )


AMENDEMENT

C Favorable
G Favorable
Adopté

présenté par

Le Gouvernement


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 26

Après l'article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre VII du titre I du livre II du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié : 

1° Au début, est ajoutée une section 1 comprenant les articles L. 217-1 à L. 217-4 et intitulée : « Les parquets spécialisés près le tribunal de grande instance de Paris » ;

2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée : 

« Section 2

« L’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme 

« Art. L. 217-5. – Le tribunal de grande instance de Paris a compétence exclusive pour connaître, en matière civile : 

« 1° Des demandes formées par les victimes mentionnées à l’article L. 126-1 du code des assurances contre le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, après saisine de ce dernier et relatives :

« - à la reconnaissance de leur droit à indemnisation ;

« - au versement d’une provision ; 

« - à l’organisation d’une expertise judiciaire en cas de contestation de l’examen médical pratiqué en application de l’article L. 422-2 du code des assurances ou en cas de refus du fonds de garantie de désigner un médecin à cette fin ; 

« - à l’offre d’indemnisation qui leur est faite ;

« 2° Des recours subrogatoires du fonds de garantie en remboursement des indemnités ou provisions mentionnées au 1° ;

« 3° Des demandes formées contre toute personne, autre que le fonds de garantie, en réparation du dommage résultant d’un acte de terrorisme. »

II. – Le titre XV du livre II du code de procédure pénale est complété par des articles 706-16-1 et 706-16-2 ainsi rédigés :

« Art. 706-16-1. – Lorsqu’elle est exercée devant les juridictions répressives, l’action civile portant sur une infraction qui constitue un acte de terrorisme ne peut avoir pour objet que de mettre en mouvement l’action publique ou de soutenir cette action. Elle ne peut tendre à la réparation du dommage causé par cette infraction. 

« L’action civile en réparation de ce dommage ne peut être exercée que devant une juridiction civile, séparément de l’action publique. L’article 5 n’est alors pas applicable.

« Lorsque la juridiction répressive est saisie d’une demande tendant à la réparation du dommage causé par cette infraction, elle renvoie l’affaire, par une décision non susceptible de recours, devant la juridiction civile compétente en application de l’article L. 217-5 du code de l’organisation judiciaire qui l’examine d’urgence selon une procédure simplifiée déterminée par décret en Conseil d’État.

« Art. 706-16-2. – La juridiction civile compétente en application de l’article L. 217-5 du code de l’organisation judiciaire peut procéder ou faire procéder à toutes auditions et investigations utiles, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. Elle peut notamment se faire communiquer, par le procureur de la République ou le juge d’instruction, copie des procès-verbaux constatant l’infraction ou de toutes autres pièces de la procédure pénale, même en cours.

« Elle peut également requérir :

« 1° De toute personne ou administration, la communication de renseignements sur la situation professionnelle, financière, fiscale ou sociale des personnes ayant à répondre du dommage causé par l’infraction ou du requérant ;

« 2° De tout service de l’État, collectivité publique, organisme de sécurité sociale, organisme assurant la gestion des prestations sociales ou compagnies d’assurance susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la communication des renseignements relatifs à l’exécution de leurs obligations éventuelles. 

« Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction de la demande d’indemnité et leur divulgation est interdite. »

III. – Le code des assurances est ainsi modifié : 

1° Après l’article L. 422-1, il est inséré un article L. 422-1-1 ainsi rédigé : 

« Art. L. 422-1-1. – Le fonds de garantie peut requérir de toute administration ou service de l’État et des collectivités publiques, organisme de sécurité sociale, organisme assurant la gestion des prestations sociales, établissements financiers ou entreprises d’assurance susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la réunion et la communication des renseignements dont il dispose ou peut disposer et relatifs à l’exécution de ses obligations éventuelles, sans que ne puisse lui être opposé le secret professionnel. 

« Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction du dossier d’indemnisation et leur divulgation est interdite. Les personnes qui ont à connaître des documents et informations fournis au fonds de garantie sont tenues au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. » ;

2° L’article L. 422-2 est ainsi modifié : 

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« Pour procéder à l’examen médical de la victime mentionnée à l’article L. 126-1, le fonds de garantie choisit un médecin spécialisé en dommage corporel inscrit sur les listes des experts judiciaires dressées par les cours d’appel. » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé : 

« Le présent article s’applique lorsque la juridiction reconnaît le droit à indemnisation de la victime. En ce cas, le délai mentionné au troisième alinéa court à compter du jour où la décision de la juridiction est exécutoire. »

IV. – Le présent article, à l’exception du a du 2° du III, entre en vigueur le premier jour du mois suivant la publication de la présente loi. À cette date, les procédures en cours devant les juridictions civiles sont transférées en l’état au tribunal de grande instance de Paris.

Les affaires peuvent être renvoyées par la juridiction initialement saisie avant la date d’entrée en vigueur de cet article pour une audience postérieure à cette date devant le tribunal de grande instance de Paris.

Il n’y a pas lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus avant le transfert des procédures. Les parties sont informées par la juridiction antérieurement compétente qu’il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure devant le tribunal de grande instance de Paris. Les archives et les minutes du secrétariat de la juridiction antérieurement compétente sont transférées au greffe du tribunal de grande instance de Paris.

Le a du 2° du III entre en vigueur le premier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi.

Objet

Le présent amendement vise à simplifier le parcours procédural des victimes d’acte de terrorisme en renforçant les garanties qui leur sont offertes dans la phase amiable et en mettant fin aux compétences concurrentes du juge civil et du juge pénal pour ce qui concerne l’indemnisation.

Tout d’abord, il est donné compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris pour connaître, en matière d’indemnisation des victimes de terrorisme, de l’ensemble des litiges liés à la reconnaissance de leur droit à indemnisation, à l’organisation d’une expertise judiciaire et à la réparation de leur préjudice, au fond comme en référé. Cette juridiction sera ainsi seule compétente pour connaître, selon les règles applicables à la procédure civile : 

des contestations portant sur la reconnaissance du droit à indemnisation au titre d'un acte de terrorisme : la personne qui ne se sera pas vu reconnaître ce droit par le FGTI pourra saisir le juge civil qui appréciera sa demande au vu des éléments produits ; 

des demandes d’expertise médicale : la victime qui se voit refuser la désignation d’un médecin par le FGTI ou qui conteste les conclusions du rapport de l’examen médical réalisé à l’initiative de ce fonds pourra également demander au juge, l’organisation d’une expertise judiciaire ; 

des demandes de provisions, notamment celles pouvant être formées en référé en application du premier alinéa de l’article L. 422-2 du code des assurances ; 

des demandes tendant à la liquidation du préjudice à tout moment de la procédure pénale : la juridiction civile pourra toujours connaître des demandes de réparation sans être tenue de surseoir à statuer dans l’attente de la décision pénale. Désormais, elle pourra également être saisie de la liquidation du préjudice sur renvoi de la juridiction pénale, après décision sur l’action publique ; 

des recours subrogatoires du fonds de garantie, en application du sixième alinéa de l’article L. 422-1 du code des assurances. 

Cette compétence exclusive sera de nature à simplifier le parcours des victimes, accélérer leur indemnisation et favoriser l’unité de la jurisprudence et l’égalité de traitement des victimes d’acte de terrorisme. Tel est l’objet du I du présent article.

Le II du présent article modifie le code de procédure pénale afin de prévoir que les juridictions pénales ne sont pas compétentes pour connaître de l’action en réparation du dommage causé par une infraction qui constitue un acte de terrorisme. Toutefois, les victimes d’un acte de terrorisme conserveront la possibilité de se constituer partie civile devant les juridictions pénales afin de mettre en mouvement ou de soutenir l’action publique et se voir reconnaître la qualité de victime. A cette fin, elles pourront notamment avoir accès au dossier de la procédure, formuler toute demande d’acte utile à la manifestation de la vérité. Dans l’hypothèse où la juridiction pénale serait saisie de demandes indemnitaires, celle-ci renverra l’affaire à la juridiction civile qui statuera en urgence sur la réparation des dommages. Afin de permettre un accès de cette juridiction civile aux pièces de la procédure pénale, il est également prévu que celle-ci soit dotée des prérogatives actuellement dévolues aux commissions d’indemnisation des victimes (CIVI) par l’article 706-6 du code de procédure pénale, à savoir des pouvoirs d’investigations, d’auditions, de réquisitions auprès des administrations ou organismes détenant des informations utiles à l’évaluation de l’indemnisation et de communication des pièces de la procédure pénale

Le III apporte plusieurs modifications au code des assurances.

En premier lieu, il est prévu de doter le fonds de garantie de prérogatives lui permettant de disposer des informations utiles à l’exercice de sa mission. Le fonds de garantie pourra ainsi requérir auprès de toute administration, collectivité ou organisme d’assurance les informations nécessaires à l’indemnisation des victimes. Sur le plan réglementaire, l’article A1 du code de procédure pénale sera également complété pour ajouter le FGTI à la liste des organismes habilités à se faire communiquer des pièces des procédures pénales en application de l’article 11-1 du code de procédure pénale.

En deuxième lieu, il est par ailleurs précisé que le FGTI, lorsqu’il fait procéder à l’examen médical de la victime prévu par le code des assurances, est tenu de choisir le médecin dans la rubrique des experts spécialisés en dommage corporel inscrits sur l’une des listes des experts judiciaires dressées par les cour d’appel. Sachant que les médecins auxquels le FGTI a aujourd’hui recours ont naturellement la possibilité de solliciter leur inscription sur ces listes. Ainsi, les garanties d’impartialité du médecin intervenant dans la phase amiable se trouvent renforcées. Sur le plan réglementaire, des dispositions viendront préciser les modalités de déroulement de cet examen médical.

En troisième lieu, il est précisé dans la loi que les dispositions relatives au délai d’un mois dans lequel le FGTI doit verser une provision s’appliquent lorsque le juge reconnaît à la victime son droit à indemnisation du préjudice causé par un acte de terrorisme. En ce cas, ce délai court à compter de la date à laquelle la décision du juge est exécutoire. Dans cette même hypothèse, le fonds sera tenu de choisir le médecin sur l’une des listes précitées.  

Le IV prévoit les dispositions d’entrée en vigueur de la loi et le transfert de l’ensemble des affaires civiles en cours devant le tribunal de grande instance de Paris.

Les dispositions obligeant le fonds de garantie à désigner un médecin spécialisé en dommage corporel inscrit sur l’une des listes des experts judiciaires dressées par les cours d’appel s’appliquent à compter du premier jour du douzième mois suivant la publication de la loi et ce, afin de laisser le temps aux médecins spécialisés choisis par le fonds de procéder aux démarches nécessaires à leur inscription sur lesdites listes et aux cours d’appel, d’instruire ces demandes.