Projet de loi Bioéthique

Commission spéciale sur la bioéthique

N°COM-251

2 janvier 2020

(1ère lecture)

(n° 63 )


AMENDEMENT

Rejeté

présenté par

M. MILON


ARTICLE 4

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Alinéas 21 à 31

Remplacer ces alinéas par dix alinéas ainsi rédigés :

« Art. 342-11. – Que le couple soit formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes, la filiation est établie à l’égard de chacun de ses membres par la reconnaissance qu’ils ont faite conjointement devant le notaire lors du recueil du consentement mentionné à l’article 34210.

« La reconnaissance conjointe est remise par l’un d’eux, ou, le cas échéant, par la personne chargée de déclarer la naissance, à l’officier d’état civil qui l’indique dans l’acte de naissance de l’enfant. La filiation de la femme ayant accouché est ainsi établie à la fois en référence à la reconnaissance conjointe et à l’accouchement figurant dans le certificat établi par le médecin, la sage-femme ou l’officier de santé ayant assisté à l’accouchement.

La filiation de la femme non mariée est établie à la fois par la reconnaissance qu’elle a faite devant le notaire lors du recueil du consentement mentionné à l’article 342-10 et par l’accouchement figurant sur le certificat de naissance.

« Tant que la filiation ainsi établie n’a pas été contestée en justice dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 342-10, elle fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation dans les conditions du présent titre.

« Art. 342-12. – Lorsque la filiation est établie par reconnaissance conjointe, les deux parents qui y sont désignés choisissent le nom de famille qui est dévolu à l’enfant au plus tard au moment de la déclaration de naissance : soit le nom de l’un d’eux, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. En l’absence de déclaration conjointe à l’officier d’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique.

« En cas de naissance à l’étranger d’un enfant dont l’un au moins des parents est français, les parents qui n’ont pas usé de la faculté de choix du nom de famille dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article peuvent effectuer une telle déclaration lors de la demande de transcription de l’acte, au plus tard dans les trois ans après la naissance de l’enfant.

« Lorsqu’il a déjà été fait application du même article, de l’article 311-21, du deuxième alinéa de l’article 311-23 ou de l’article 357 à l’égard d’un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour les autres enfants communs.

« Lorsque les parents ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu’un seul nom à leurs enfants.

« Lorsqu’il est fait application du troisième alinéa de l’article 342-12 et que la filiation de l’enfant s’en trouve modifiée, le procureur de la République modifie le nom de l’enfant par application des dispositions du présent article.

« Art. 342-13. – Le parent qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, fait obstacle à la remise, à l’officier d’état civil, de la reconnaissance - mentionnée à l’article 342-10, engage sa responsabilité.

« En cas d’absence de remise de la reconnaissance mentionnée au même article, celle-ci peut être communiquée à l’officier de l’état civil par le procureur de la République à la demande de l’enfant majeur, de son représentant légal s’il est mineur ou de toute personne ayant intérêt à agir en justice. La reconnaissance est portée en marge de l’acte de naissance de l’enfant. Toutefois, la filiation établie par la reconnaissance ne peut être portée dans l’acte de naissance tant que la filiation déjà établie à l’égard d’un tiers, par présomption, reconnaissance volontaire ou adoption plénière, n’a pas été contestée en justice dans les conditions prévues à la section III du chapitre III du présent titre, par une action en tierce opposition dans les conditions prévues à l’article 353-2, ou par un recours en révision dans les conditions prévues au titre XVI du livre Ier du code de procédure civile. » 

Objet

À l’Assemblée nationale, l’article 4 du présent projet de loi a été modifié pour entendre les craintes des associations, qui considéraient que la création d’un titre VII bis du livre Ier du code civil applicable aux seuls couples de femmes créait une double discrimination entre les couples et entre les enfants.

L’article 4, dans sa nouvelle rédaction, complète le titre VII du livre Ier du code civil en y insérant un nouveau chapitre portant sur le recours à l’AMP avec tiers donneur pour tous les couples sans distinction, qu’ils soient hétérosexuels ou lesbiens. Dans ce nouveau chapitre, il est prévu que les couples de femmes signent  une reconnaissance conjointe anticipée (RCA) devant le notaire au moment du recueil de leur consentement au don.

C’est un dispositif simple qui permet de sécuriser pleinement la filiation de l’enfant à l’égard de ses deux mères dès sa naissance. De plus, la RCA, en  valorisant de façon forte l’engagement solidaire des deux mères dans un projet parental commun,  permet de ne pas introduire de hiérarchie entre l’une et l’autre, et cela sans aucun déni de l’accouchement de l’une d’entre elles, dont le nom figure sur le certificat d’accouchement, indispensable à la rédaction de l’acte de naissance.

Ce dispositif, qui a été conçu pour répondre aux besoins des familles issues de don, apporte aux enfants les meilleures garanties. Sa mention en marge de l’acte de naissance permet de sécuriser la filiation en empêchant toute contestation fondée sur l’absence de lien d’hérédité, tout en garantissant à l’enfant devenu majeur la possibilité d’exercer le droit d’accès à ses antécédents médicaux et à ses origines que le présent projet de loi lui reconnaît.

Le problème majeur, cependant, est que dans son état actuel, l’article 4, en réservant la RCA aux seuls couples de femmes, maintient une discrimination en matière d’établissement de la filiation entre couples de sexes différent et de même sexe, alors même que l’objectif de la nouvelle rédaction était inverse.

Le présent amendement a donc pour objet de supprimer cette discrimination en étendant la  RCA aux couples de sexe différent, qui bénéficieront ainsi des mêmes garanties que les couples de femmes. Il s’inscrit ainsi pleinement dans l’état d’esprit du texte, dans une logique de responsabilité et de valorisation du projet de couple et de l’engagement solidaire des parents. 

L’objet de cet amendement est aussi de préciser explicitement que la valorisation du projet parental et de l’engagement solidaire des parents par la RCA n’induit aucun déni du rôle de l’accouchement dans l’établissement de la maternité de la femme qui accouche. Cela était implicite dans le texte, mais les inquiétudes nombreuses  qui se sont manifestées à ce sujet montrent qu’il est nécessaire de l’expliciter : pour la femme qui a porté l’enfant, la filiation est établie à la fois par l’accouchement et par la RCA.

Mais c’est surtout au regard de l’idée que la filiation doit être établie en référence prioritaire à l’intérêt et aux droits de l’enfant que cet amendement apparaît indispensable. En effet, dans sa rédaction actuelle, l’article 4 du projet de loi cumule deux discriminations entre les enfants conçus par don :

a) les enfants des couples de femmes ont un mode d’établissement de leur filiation conforme à leur histoire mais réservé à eux seuls, ce qui est une façon injustifiable de les traiter « à part » au regard du droit de la filiation, alors même que leur naissance est issue d’un processus de recours au don de gamètes absolument identique aux autres. Ce traitement à part injustifié peut induire pour eux une forme de stigmate.

b) les enfants des couples de sexe différent ne bénéficient pas d’un mode de filiation conforme à leur histoire. Tout à l’inverse, cet article fait prévaloir la liberté des parents de cacher le don à leur enfant, sur le droit de l’enfant de connaître son histoire et son identité personnelle. Une telle disposition est contraire aux droits de l’enfant en général, et en particulier au nouveau droit d’accès à ses antécédents médicaux et à ses origines que le projet de loi lui accorde dans son article 3. Elle introduit sur ce plan une discrimination caractérisée entre enfants conçus par don, au détriment des enfants nés de parents de sexe différent.

Face à ce double risque de discrimination, l’extension de la RCA à tous les couples recourant au don est la seule façon d’assurer aux enfants nés au terme de parcours semblables d’AMP avec tiers donneur de bénéficier d’une modalité d’établissement de leur filiation à la fois conforme à leur histoire, garante de leurs droits d’accès à leurs origines ainsi qu’aux renseignements non identifiants sur leurs antécédents médicaux, et identique quelle que soit la composition du couple et l’orientation sexuelle de leurs parents.