Loi n° 2005-47 du 26 janvier 2005 relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance (Journal officiel du 27 janvier 2005 ).

Cette proposition de loi, déposée en première lecture sur le Bureau du Sénat le 26 octobre 2004, par MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat et François Zochetto tend à compléter et adapter le dispositif résultant de la loi d'orientation et de programmation pour la justice n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 ayant institué des juges de proximité appelés à régler les petits litiges de la vie quotidienne et à leur fournir une réponse judiciaire simple, rapide et efficace.

La proposition de loi étend les compétences des 300 juges de proximité en exercice à la fin de l'année 2004 et tend à mieux les intégrer au sein de l'institution judiciaire. Elle relève ainsi les taux de ressort du tribunal d'instance et de la juridiction de proximité et redéfinit le champ des compétences respectifs du tribunal de grande instance et du tribunal et du tribunal de proximité tout en élargissant le périmètre d'intervention de ce dernier. Elle permet en outre au juge de proximité de siéger dans les formations collégiales correctionnelles et de clarifier les compétences respectives du juge de police et du juge de proximité.

Première lecture.

Au cours de la discussion générale au Sénat , M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois a rappelé que le double objectif poursuivi par la commission à moyen terme tendant à doter notre appareil judiciaire de structures adaptée au contentieux de masse et à mieux insérer la société civile dans le fonctionnement de la justice. Notant que la création des juges de proximité n'avait pas permis d'atteindre les objectifs définis à l'origine, en raison notamment d'un champ de compétence trop étroit, le rapporteur a exposé les ajustements proposés tendant à compléter le champ des compétences et à prévoir que les juges de proximité puissent siéger au sein des formations collégiales des tribunaux correctionnels. Il est ainsi prévu de porter à la connaissance du juge de proximité les affaires jusqu'à 4 000 € et de supprimer l'exclusion des litiges d'intérêt professionnel et de ceux intéressant les personnes morales. M. Pierre Fauchon a confirmé le rôle essentiel du juge d'instance appelé à connaître des affaires à compter de 10 000 €, du contentieux du crédit à la consommation, des actions aux fins d'expulsion des occupants sans droits ni titres et des impayés de loyers, des questions de pensions alimentaires, de litiges de copropriété ou des poursuites pour diffamations ou injures.

Le rapporteur a estimé que cette étape ne devait pas être considérée comme définitive mais qu'il conviendrait au terme de quelques années d'expérimentation de tirer les enseignements de la réforme et notamment de choisir entre la formule de la juridiction autonome, choisie au départ, et celle d'un regroupement organique des juges aux côtés des médiateurs et conciliateurs au sein d'une justice d'instance repensée.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice a rappelé que la création des juges de proximité avait répondu à une forte attente des citoyens et a souligné la qualité professionnelle des 172 juges de proximité déjà nommés. Il a donc souscrit à l'objet de la proposition de loi tendant à accroître leurs compétences dans le respect de celles du juge d'instance et à moderniser certaines procédures. Le garde des sceaux s'est donc déclaré favorable à ce texte permettant « un meilleur ancrage des juges de proximité au sein de l'institution judiciaire et une plus grande ouverture de cette institution aux citoyens ».

Dans la discussion générale sont alors intervenus MM. Robert Badinter, Christian Cointat, François Zochetto, Mme Nicole Borvo et M Michel Dreyfus-Schmidt.

Le Sénat s'est ensuite prononcé sur la motion présentée par Mme Nicole Borvo et les membres du groupe communist républicain et citoyen tendant à opposer la question préalable, considérant d'une part, que les juges d'instance remplissent d'ores et déjà avec une certaine efficacité, une mission de proximité et que, par ailleurs, la création des juges de proximité est un échec, et estimant, d'autre part, que l'extension de leurs compétences à des litiges plus importants, l'ouverture à des plaideurs professionnels, l'insuffisance de la formation de ces juges non professionnels et l'empiètement sur les domaines de la médiation et de la conciliation justifient le rejet de la proposition de loi. Par scrutin public n° 46 demandé par le groupe socialiste le Sénat a rejeté la question préalable.

Le Sénat a ensuite commencé l' examen des articles sur lesquels sont également intervenus M. Patrice Gélard, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, Mme Bernadette Dupont et Mme Josiane Mathon.

L' article premier portant sur l' article L. 321-2 du code de l'organisation judiciaire relatif à la compétence générale du tribunal d'instance en matière civile à des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10 000 € a été adopté dans le texte proposé par la commission des lois.

L' article 2 insérant des articles L. 321-2-1 à L. 321-2-4 dans le code précité relatif aux compétences spéciales du tribunal d'instance en matière de contrat de louage d'immeubles ou d'occupation de logement jusqu'à une valeur de 4 000 € a été adopté dans le texte proposé par la commission des lois.

L' article 3 portant sur l' article L. 331-2 du code précité relatif à la compétence générale de la juridiction de proximité en matière d'action personnelle ou mobilière jusqu'à une valeur dont le montant n'excède pas 4000 € a été adopté dans le texte proposé par la commission des lois.

L' article 4 portant sur l' article L. 331-2-1 du code précité relatif à la fixation par décret en Conseil d'Etat de compétences spéciales de la juridiction de proximité en matière civile a été adopté dans le texte proposé par la commission des lois.

L' article 5 portant sur l' article L. 331-5 du code précité prévoyant la participation des juges de proximité en tant qu'assesseur à la formation collégiale du tribunal correctionnel a été adopté dans le texte proposé par la commission des lois.

L' article 6 portant sur l' article L. 312-7 du code précité précisant que les actions possessoires relèvent de la compétence exclusive du tribunal de grande instance a été adopté dans le texte proposé par la commission des lois.

L' article 7 portant sur les articles L. 521 à L. 523-1 du code précité proposant une nouvelle répartition des compétences entre le tribunal de police et la juridiction de proximité a été adopté dans le texte proposé par la commission des lois.

L' article 8 portant sur les articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale relative à la compétence du juge de proximité en matière de composition pénale a été adopté dans le texte proposé par la commission des lois.

A l' article 9 portant mesures de coordinations dans le code pénal et le code de procédure pénale afin soit de remplacer l'expression « tribunal de police » par celle de « juge de proximité » soit de faire référence au juge de proximité, le Sénat a adopté un amendement rédactionnel de MM. Christian Cointat et François Zochetto précisant le texte retenu par la commission des lois.

L' article 10 habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures permettant de rendre applicables les dispositions de présente proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française à Wallis-et-Futuna et à Mayotte dans un délai de douze mois après la promulgation de la loi et prévoyant le dépôt du projet de loi de ratification dans un délai de quinze mois a été adopté dans le texte proposé par la commission des lois.

L' article 11 portant mesures transitoires a été adopté dans le texte proposé par la commission des lois.

Le Sénat a adopté les conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi qui a été transmise à l'Assemblée nationale pour examen en première lecture.

Lecture définitive

Lors de la discussion générale M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice a présenté les points sur lesquels l'Assemblée avait apporté des modifications. Il a ainsi rappelé que la juridiction de proximité serait compétente pour les actions mobilières ou personnelles et a salué la simplification ainsi apportée à l'accès à la juridiction de proximité. Il a précisé que le tribunal d'instance resterait compétent pour le contentieux du crédit à la consommation et le contentieux locatif, les demandes en restitution de dépôt de garantie liée à l'exécution d'un contrat de bail d'habitation restant de la compétence du juge de proximité. Le ministre a indiqué que le tribunal de police serait compétent pour les quatre premières classes de contravention s'il s'agit d'affaires connexes avec des contraventions de cinquième classe. Enfin, il a évoqué le délai d'entrée en application fixé à trois mois à compter de la publication de la loi. Le ministre a souscrit à l'ensemble de ces mesures « permettant de donner à la justice de proximité des moyens d'action plus importants et d'accélérer un certain nombre de processus judiciaires et d `ouvrir l'institution judiciaire sur la société civile ».

M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois s'est félicité des conditions de discussion de la proposition de loi et de la concertation établie avec l'Assemblée nationale. Il a insisté sur la pertinence du concept de justice de proximité regroupant autour d'un pivot constitué par les juges professionnels, toute une palette d'intervenants allant du médiateur aux conciliateurs et au juge de proximité et permettant d'allier le professionnalisme à une meilleure participation de la société civile. Il a en revanche repoussé l'idée d'extensions successives de la compétence des juges de proximité allant jusqu'à absorber celle du juge d'instance et a confirmé la nécessité que la justice soit rendue par des juges professionnels.

M. François-Noël Buffet, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Michel Dreyfus-Schmidt sont intervenus dans la discussion générale

Le Sénat a alors adopté sans les modifier les articles restant en discussion, soit l'article 2, l'article 4, l'article 7, l'article 9 et l'article 11.

Puis le Sénat a adopté définitivement cette proposition de loi par un scrutin public n° 68 demandé par le groupe socialiste .

Conseil constitutionnel.

Saisi en application de l'article 61, alinéa 2 de la Constitution par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, le Conseil constitutionnel a dans sa décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005 validé les articles 3, 5 et 7. Il a en revanche sanctionné d'office l'article 10 autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures d'adaptation de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-Futuna et à Mayotte.

A propos de l'article 3 et de l'article 7 étendant les compétences des juridictions de proximité respectivement en matière civile et en matière pénale, le Conseil a estimé que ces extensions restent bien limitées par rapport aux compétences traditionnelles des tribunaux d'instance et de police. Il s'est fondé tant sur le nombre, la complexité et la nature des affaires qui seraient soumises aux juges de proximité que sur l'exclusion des contraventions de cinquième classe qui leur échapperaient.

En ce qui concerne l'article 5 concernant la participation des juges de proximité aux formations collégiales de jugement du tribunal correctionnel, le Conseil constitutionnel a tenu à préciser, outre la règle, prévue par le législateur, selon laquelle un seul juge de proximité pourra siéger au sein du tribunal, que les autres membres du tribunal devront être des magistrats professionnels. Ainsi il ne sera pas possible de faire siège un juge temporaire ou un avocat concomitamment avec un juge de proximité.

Enfin le Conseil a annulé d'office l'article 10 habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures d'adaptation de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-Futuna et à Mayotte. Il a en effet considéré que l'article 38 de la Constitution ne peut être mis en oeuvre que sur demande du Gouvernement et non pas résulter d'une initiative parlementaire ; cette décision n'empêchant toutefois pas le Gouvernement de recourir à l'article 74-1 de la Constitution lui permettant de recourir aux ordonnances pour procéder à l'actualisation du droit applicable outre-mer sous réserve d'une ratification expresse.

Travaux préparatoires

Sénat :

Première lecture (24 novembre 2004) : n°s 41, 66 et adoption 31 (2004-2005).

Nombre d'amendements déposés 21

Nombre d'amendements adoptés 1

Nombre d'amendements retenus par l'A.N. 1

(Scrutin n° 46)

Assemblée nationale :

Première lecture (8 décembre 2004) : n°s 1957, 1971 et adoption 363 (12 ème législ.).

Sénat :

Deuxième lecture (22 décembre 2004) : n°s 111, 120 et adoption 42 (2004-2005).

Nombre d'amendements déposés 5

Nombre d'amendements adoptés 0

(Scrutin n° 68)

Rapporteur au Sénat : M. Pierre Fauchon, commission des lois.

Conseil constitutionnel :

Décision n° 2004- 510 DC du 20 janvier 2005 ( Journal officiel du 27 janvier 2005).

Table de concordance

Numérotation articles en cours de navette

Numérotation articles texte définitif

Articles déclarés non conformes par le Conseil constitutionnel

1 er à 9

Idem

 

10

10

10

11

id

 

Analyse politique du scrutin n° 46

Séance du mercredi 24 novembre 2004

sur la motion n° 1, présentée par Mme Nicole Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à opposer la question préalable aux conclusions de la commission des Lois sur la proposition de loi de MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat et François Zocchetto relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance.

Nombre de votants .........................................................

320

Suffrages exprimés ........................................................

313

Pour ......................................................

117

196

Contre ..................................................

GROUPE COMMUNISTE REPUBLICAIN ET CITOYEN ( 22 ) :

Pour ...................................................................................

22

GROUPE DE L' UNION CENTRISTE ( 33 ) :

Contre ................................................................................

33

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DEMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPEEN ( 15 ) :

Contre ................................................................................

8

Abstention ..........................................................................

7

MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin,

Gérard Delfau, François Fortassin, Daniel Marsin

GROUPE SOCIALISTE ( 97 ) :

Pour .....................................................................................

95

N'ont pas pris part au vote ...................................................

2

Mme Michèle André - qui présidait la séance

M. Henri d'Attilio

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE ( 156 ) :

Contre ................................................................................

155

N'a pas pris part au vote ....................................................

1

M. Christian Poncelet - président du Sénat

SENATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE ( 7 ) :

N'ont pas pris part au vote .................................................

7

Analyse politique du scrutin n° 68

Séance du mercredi 22 décembre 2004

sur l'ensemble de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance.

Nombre de votants .........................................................

315

Suffrages exprimés ........................................................

315

Pour ......................................................

192

123

Contre ..................................................

GROUPE COMMUNISTE REPUBLICAIN ET CITOYEN ( 22 ) :

Contre ................................................................................

22

GROUPE DE L' UNION CENTRISTE ( 33 ) :

Pour ....................................................................................

33

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DEMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPEEN ( 15 ) :

Pour ....................................................................................

8

Contre ................................................................................

7

MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin,

Gérard Delfau, François Fortassin, Daniel Marsin

GROUPE SOCIALISTE ( 96 ) :

Contre ...............................................................................

94

N'ont pas pris part au vote ................................................

2

Mme Michèle André - qui présidait la séance

M. Henri d'Attilio

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE ( 152 ) :

Pour ....................................................................................

151

N'a pas pris part au vote .....................................................

1

M. Christian Poncelet - président du Sénat

SENATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE ( 7 ) :

N'ont pas pris part au vote .................................................

7