Problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols

Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur les conclusions du rapport de la commission d'enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice de la commission d'enquête . - Ce débat fait suite aux travaux de la commission d'enquête sur la pollution des sols. Elle a constitué une réponse au mutisme et au manque de réactivité des autorités après les inondations de la vallée de l'Orbiel en octobre 2018. Je les avais interpellées en vain sur le sort des habitants et des élus, laissés sans solution face au risque sanitaire et écologique lié à une dérive d'arsenic provoqué par les inondations.

Cet exemple n'est pas un cas isolé : collèges bâtis sur des terres polluées dans le Val-de-Marne, terres agricoles contaminées au plomb et au cadmium dans le Gard et le Pas-de-Calais, pollution au mercure en Guyane... Hélas, la lutte contre la dégradation des sols et ses effets ne constitue pas une priorité des pouvoirs publics.

Aussi, je remercie le groupe SER d'avoir accepté la création d'une commission d'enquête sur le sujet. Ces travaux étaient nécessaires ; aucun territoire n'est épargné.

La commission d'enquête a émis pas moins de cinquante propositions, autour de six axes, pour refonder la politique de gestion des sols pollués.

Elle a d'abord souhaité une amélioration de l'information sur la pollution des sols, par analogie avec les règles applicables sur l'air et sur l'eau. Elle réclame l'affirmation d'un droit à l'information, l'établissement d'une cartographie nationale des risques et une enveloppe de 50 millions d'euros pour achever le diagnostic et l'inventaire des sols sur lesquels sont implantés crèches et établissements scolaires. Je regrette la suppression des 50 millions d'euros votés à cet effet par le Sénat en projet de loi de finances dans la mission « Écologie ». Quel est le soutien envisagé par l'État pour les collectivités territoriales confrontées à cette problématique ?

La commission d'enquête recommande également la création d'un véritable droit de la protection des sols, avec une définition de cette pollution dans le code de l'environnement, et la fin de l'asymétrie entre code de l'environnement et code minier s'agissant de la responsabilité des exploitants en matière de gestion des risques, en ajoutant dans ce dernier la santé publique comme objectif des entreprises minières.

Nous appelons en troisième lieu à renforcer la surveillance des installations industrielles et minières, actuellement limitée à la naissance et à la cessation de l'activité. Il convient d'améliorer les contrôles en l'absence de déclaration de cessation d'activité et d'instaurer une surveillance régulière des sites à risque.

Le quatrième axe concerne l'amélioration de la gestion et de la prévention des risques avec la création de structures départementales et l'introduction d'un volet d'alerte, de protection et de soutien à la population dans le plan de sauvegarde de toute commune comptant un site recensé sur Basol.

Il faut également améliorer la prévention et la réparation du préjudice écologique par un mécanisme de garantie financière.

Enfin, nous souhaitons que les friches minières soient mobilisées dans le cadre de la politique de lutte contre l'artificialisation des sols et l'étalement urbain, en facilitant la mise en oeuvre de la procédure du tiers demandeur et en créant un fonds pour la reconversion des sites orphelins et de ceux dont le propriétaire ne peut assurer les travaux de dépollution. Les collectivités territoriales héritant de friches polluées doivent être aidées. Le fonds de reconversion du plan de relance n'est pas assez ciblé. Le Sénat avait voté la création d'un tel fonds dans le plan de relance lors de la dernière loi de finances, hélas écarté en nouvelle lecture.

Je remercie mes collègues, ainsi que président Lafon, pour la qualité des débats et l'excellent état d'esprit qui a présidé à nos travaux.

Nous avons tous partagé le même terrible constat et proposé des mesures d'envergure pour nos territoires. J'espère que notre débat mobilisera les pouvoirs publics au-delà des réponses ponctuelles. Il faut une politique ambitieuse pour protéger nos concitoyens : une loi s'impose.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - « Être contemporain, c'est avoir conscience de ses héritages, consentis ou contestés », écrivait René Rémond. La pollution est un héritage dont nous nous serions bien passés. Lié à l'industrialisation rapide du pays, il a creusé notre dette environnementale. De fait, l'écologie a longtemps été le parent pauvre des politiques publiques.

La France compte quelque 320 000 anciens sites d'activités industrielles ou de services et près de 3 000 anciens sites miniers. Il faut faire face à cet héritage et changer les règles ; cela relève d'un impératif de santé publique et de développement durable. Aussi, je vous remercie pour votre implication sur le sujet.

La première mesure à prendre, le B.A.-BA, est la prévention.

L'État exerce avec diligence son pouvoir de police et de contrôle des installations. Mon ministère effectue près de 18 000 contrôles par an, chiffre appelé à augmenter de 50 % d'ici la fin du quinquennat. Parfois, les contrôles ne suffisent pas et les pouvoirs publics doivent se tourner vers les exploitants en application du principe pollueur-payeur.

Les exploitants d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) sont soumis à des obligations que l'État vérifie. Au total ce sont 800 ICPE susceptibles de causer des pollutions importantes qui font l'objet de garanties financières, pour 650 millions d'euros provisionnés et mobilisables.

S'agissant des mines, l'existant ne suffit pas, d'où la réforme du code minier dont j'ai décidé de profiter pour faire évoluer la réglementation. Ainsi, la responsabilité de la maison mère pourra être invoquée même si la filiale est fermée ou insolvable. Nous étendons également la responsabilité résiduelle des exploitants jusqu'à trente ans après la cessation des travaux miniers.

Faire face à cet héritage nécessite d'assurer la mémoire des sites et la transparence. Aussi, mon ministère a mis à disposition du public des outils, comme la liste Basias qui recense plus de 300 000 terrains.

Cela permet également de lutter contre l'artificialisation des sols, véritable bombe à retardement pour la biodiversité. Pour offrir aux friches une nouvelle vie, le plan de relance prévoit, dans le cadre d'appels à projets lancés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), une enveloppe de 300 millions d'euros, dont 40 millions d'euros sur deux ans pour la reconversion d'anciens sites miniers. Ce travail de fond durera aussi longtemps que nécessaire.

Faire face à cet héritage demande aussi de parer aux urgences quand une pollution menace de s'étendre. De nombreuses pollutions historiques sont antérieures à la prise de conscience écologique. L'Ademe traite en urgence une vingtaine de sites par an.

L'État assume ses responsabilités pour protéger les populations, réparer le passé et préparer l'avenir. Nous viendrons à bout de cet héritage contesté et laisserons à nos enfants une terre plus propre que celle que nous avons trouvée. Je partage votre combat. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Maryse Carrère . - Si la nécessité de la préservation de l'environnement est largement partagée, la pollution des sols est le parent pauvre de cette politique.

Le Gouvernement a prévu d'y consacrer 300 millions d'euros ; cela sera largement insuffisant compte tenu des dégâts constatés sur nos territoires : sols pollués plus que de raison, impossibilité d'appliquer le principe pollueur-payeur en raison de la disparition ou de l'insolvabilité de l'exploitant. Finalement, la charge revient aux collectivités territoriales qui n'en ont pas les moyens. J'ai en tête l'exemple du site exploité à Pierrefitte-Nestalas par la société Penarroya.

Que compte faire le Gouvernement, après s'être opposé aux 50 millions d'euros de crédits votés par le Sénat ? Irez-vous chercher la responsabilité de la maison mère quand la filiale est défaillante ? Comment faire payer les pollueurs ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - La réforme du code minier inscrite dans le projet de loi relatif au climat et à la résilience améliorera la concertation dès les premières étapes de la procédure et prendra en compte les enjeux environnementaux en post-exploitation.

Les sanctions seront renforcées pour s'harmoniser avec les obligations pesant sur les ICPE dans le code de l'environnement. La police résiduelle sera portée à trente ans pour rechercher la responsabilité des exploitants jusqu'à la maison mère en cas de nouveaux désordres. Cette réforme favorisera une meilleure gestion de l'après-mine.

M. Pascal Savoldelli . - J'ai participé à la commission d'enquête. Mon département du Val-de-Marne a souffert de la désindustrialisation engagée à une époque où les entreprises n'avaient aucune obligation forte en matière de dépollution.

Une loi fondatrice est nécessaire, comme sur la pollution de l'air et de l'eau. Les questions sanitaires et écologiques ne peuvent se résumer au principe pollueur-payeur ou à un fonds doté de seulement 4 millions d'euros en crédits de paiement quand le Sénat proposait 25 millions d'euros.

J'ai trois exemples en tête dans mon département. Le collège Saint-Exupéry à Vincennes est fermé depuis 2017 en raison d'une pollution au trichloréthylène antérieure aux années 1960 ; la dépollution coûterait 17 millions d'euros. Le collège Audin, à Vitry, doit faire l'objet d'une dépollution pour un coût de 8 millions d'euros avant même son ouverture. Le collège Assia Djebar, à Ivry-sur-Seine, enfin, ne peut ouvrir en raison de taux de mercure au-dessus des normes. La pollution empêche les collectivités territoriales d'accomplir leur mission d'accueil des élèves.

Que compte faire le Gouvernement pour régler ces situations impossibles pour les collectivités territoriales, les collégiens et leurs parents ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - Une loi sur la pollution des sols serait un beau sujet. Le projet de loi climat et résilience prévoit une aggravation des sanctions lorsque la pollution est due à une mauvaise gestion des déchets, jusqu'à dix ans de prison et à 4,5 millions d'euros d'amende.

Les cas cités ne seront pas traités de la même manière. À Vincennes, l'origine de la pollution est industrielle et remonte à plus de cinquante ans, à une époque où il n'existait pas de réglementation. La responsabilité de l'exploitant ne peut être recherchée ; le coût des travaux revient donc au conseil départemental du Val-de-Marne et à la commune de Vincennes. Un soutien de l'État pourrait être envisagé.

À Ivry-sur-Seine, la remise en état des terrains a été effectuée en 1994 selon les règles. Le préfet a émis des réserves sur le permis de construire, mais l'aménageur n'a pas respecté les préconisations ; il est donc responsable. Nous travaillons sur ces dossiers au cas par cas.

M. Pascal Savoldelli. - Si vous aviez accepté les 25 millions d'euros votés par le Sénat, madame la ministre, vous seriez plus crédible dans votre enthousiasme !

À Vincennes, les frais de dépollution s'établissement à 17 millions d'euros. Comment pouvez-vous dire que cela incombe au conseil départemental quand on connaît le coût de construction d'un collège ? Il y a un devoir de responsabilité à assumer ! L'entreprise a créé de la croissance sur ce site.

Je fais appel à votre responsabilité, madame la ministre.

Mme Sonia de La Provôté . - Ma question porte sur le financement de l'aménagement des sites pollués dans le cadre du plan de relance. La reconversion des friches est difficile, en raison notamment du coût de la dépollution, surtout quand il s'agit de construire des logements.

Le plan de relance représente une belle opportunité de développer ces projets. Hélas, le fonds de 300 millions d'euros géré par l'Ademe est réservé aux seules friches minières ou ICPE. Toute friche industrielle devrait être accompagnée par le plan de relance. Les obstacles administratifs et financiers devraient être levés, d'autant qu'un risque de sous-consommation des crédits existe dans certains départements.

Ne faut-il pas prioriser les projets déjà engagés et élargir les critères d'attribution ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - Les friches représentent un important gisement foncier contribuant à la stratégie zéro artificialisation nette et un enjeu majeur pour la reconquête des territoires et la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

Le fonds précité de 300 millions d'euros comprend 40 millions d'euros pour les friches minières et les ICPE et 260 millions d'euros pour le recyclage foncier, la revitalisation des coeurs de ville ou les friches non minières ou les ICPE qui resteraient déficitaires. Cette seconde enveloppe sera décentralisée et utilisée selon un cahier des charges fixé par le préfet de région.

Les opérations de mise en conformité et de simple démolition décorrélées d'un projet global ne sont, en revanche, pas concernées. Mais la liste est tout de même large et le collège de Vincennes devrait candidater.

Mme Sonia de La Provôté.  - Le coût de la dépollution des anciennes installations portuaires augmente considérablement, surtout si un projet de logements est concerné. Les 260 millions d'euros seront surtout réservés aux projets Petites villes de demain. Ce n'est pas à la hauteur pour les sites portuaires, qu'il faut inclure dans un accompagnement global.

M. Étienne Blanc .  - Les techniques de dépollution des sols consistent à excaver, transporter les terres, les traiter puis les stocker. Or des techniques beaucoup plus douces existent, notamment au Québec. Je songe à la phytoremédiation, qui consiste à planter des végétaux et des arbres dont le système racinaire capte les métaux lourds et les résidus acides et pétroliers.

Plusieurs entreprises françaises s'y sont intéressées et ont participé à des programmes de recherche sous l'impulsion d'un universitaire de Franche-Comté. Une filière pourrait émerger.

Le Gouvernement envisage-t-il des appels à projet pour développer cette technologie douce, qui nécessite une grande anticipation puisqu'il faut tenir compte du temps de pousse des végétaux ?

Mme Barbara Pompili, ministre.  - Le sujet des phytotechnologies m'intéresse beaucoup. Elles sont en général utilisées in situ sur différents sols, en complément des techniques conventionnelles. Elles sont conformes aux enjeux du développement durable. Des projets existent sur de nombreux sites.

L'Ademe et l'Ineris ont rédigé un guide sur l'état de l'art en 2016. À Saint-Laurent-le-Minier, l'agence a soutenu un projet en ce sens. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et le CNRS conduisent des travaux de recherche pour améliorer ces techniques. Enfin, l'Ineris prépare pour la fin de l'année un retour d'expérience sur les phytotechnologies.

Nous sommes conscients du potentiel de ces alternatives.

M. Franck Menonville .  - Le plan de relance prévoit 300 millions d'euros pour la réhabilitation des sols pollués, dont 40 millions d'euros pour la reconversion des friches. Un appel à projets a d'ores et déjà été lancé par l'Ademe en novembre dernier.

Le financement reste une problématique majeure, notamment dans le Grand Est où de nombreuses friches subsistent.

Dépolluer et réhabiliter les sites fait partie des propositions de la commission d'enquête, dont je salue le travail. Les incitations fiscales et la création d'un fonds spécial sont des propositions particulièrement intéressantes. Il faut les étudier, car le fonds du plan de relance, certes encourageant, ne sera pas suffisant.

Le lien avec la lutte contre l'artificialisation des sols est nécessaire : réhabiliter une friche permet d'éviter la consommation d'espaces nouveaux.

Quels financements seront consacrés à la dépollution des sols à l'issue du plan de relance ?

Mme Barbara Pompili, ministre.  - Chaque année, l'Ademe lance plusieurs appels à projets. De 2010 à 2019, l'agence a soutenu 130 projets de conversion pour un coût de 42 millions d'euros.

Dans ce cadre du plan de relance, 300 millions d'euros sont prévus. Un premier appel à projets a été lancé début novembre 2020. Après le premier retour d'expérience, un état des lieux des besoins financiers sera réalisé.

Je suis favorable à un dispositif pérenne, mais la question de son financement n'est pas résolue. La députée Sandra Marsaud préside un groupe de travail qui nourrira la réflexion sur l'équilibre économique de ces opérations, peut-être par une proposition de loi.

M. Joël Labbé .  - Les sols constituent une ressource inestimable, mais sous-estimée. Ils n'ont pas seulement un rôle nourricier ; ils abritent une part importante de la biodiversité. Je salue donc l'initiative de notre collègue Gisèle Jourda.

La loi de finances pour 2021 prévoit qu'une part de la taxe départementale d'aménagement des espaces naturels sensibles (ENS) finance la dépollution. Cela me semble relever d'un choix politique au vu du coût élevé de ces opérations.

De plus, les dépenses des départements sont très sollicitées par la crise, ce qui risque d'obérer leurs capacités à alimenter les fonds pour la biodiversité. Le rapport du Sénat propose des mécanismes de financement de dépollution. Comment s'assurer que la dépollution ne se fera pas au détriment des ENS ?

Mme Barbara Pompili, ministre.  - Je ne le souhaite évidemment pas ! Les ENS ne perdront pas leurs financements. La dépollution des friches est financée par le plan de relance, qui contient d'autres enveloppes dédiées à la biodiversité. Ces enveloppes ne sont pas fongibles a priori.

Les départements utiliseront leurs fonds comme ils le souhaitent. Nous avons recensé, avec les préfectures, les projets des collectivités éligibles pour améliorer la planification. Les contrats de relance et de transition écologique intégreront aussi des mesures de protection de la biodiversité.

Nous souhaitons dépolluer et réhabiliter les friches industrielles tout en préservant la biodiversité. À titre d'exemple, nous avons lancé un projet de plantation de 7 000 kilomètres de haies, pour 50 millions d'euros inscrits au plan de relance.

M. Joël Labbé. - Je vous remercie de la précision de vos réponses. Je sais votre attachement à la biodiversité ; nous serons derrière vous pour vous soutenir dans les arbitrages.

Au niveau européen, la France doit jouer son rôle dans l'élaboration de la directive Sols.

Enfin, un mot pour vous inciter à écouter les élus - notamment mon collègue Jacques Fernique - concernant le projet de stockage StocaMine.

Mme Patricia Schillinger . - Compte tenu de notre histoire industrielle et minière, de nombreux sols de notre territoire sont pollués. C'est une menace pour la santé des habitants et des territoires ; or cette pollution ne fait pas l'objet de la même attention que celle de l'air et de l'eau.

Dans mon département du Haut-Rhin, les communes de Wittenheim et Sierentz ont hérité de sites très pollués par des exploitants de l'industrie chimique depuis disparus. Les élus locaux ne disposent pas toujours des informations nécessaires.

Il convient d'être transparent sur les risques sanitaires, mais aussi d'accompagner les acteurs publics dans la reconversion. Comment clarifier le rôle de chacun dans la dépollution des sols ? Que faire pour les pollutions sur terrains privés dont héritent les collectivités ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - La pollution des sols est dramatique quelle que soit son origine. Dans le cadre du projet de loi climat et résilience, nous allons renforcer les sanctions en cas de mauvaise gestion des déchets : jusqu'à dix ans de prison et 4,5 millions d'euros d'amende.

L'État peut, en cas de menaces graves, prendre en charge la dépollution d'un site ; mais dans un projet de reconversion urbaine, l'exploitant ou l'aménageur est responsable.

L'Ademe peut assurer la mise en sécurité d'un site ICPE quand l'exploitant est défaillant ou en cas de menace grave pour la population. L'Agence régionale de santé (ARS) peut demander que la mise en sécurité inclue le relogement temporaire ou définitif des riverains. Depuis 1999, 550 interventions de mise en sécurité ont été conduites. Pour un budget annuel de 18 millions d'euros, l'Ademe autorise environ trente interventions par an. Quatre-vingts sites identifiés par les Dreal feront l'objet d'interventions prochaines. L'agence aura les moyens de les mener.

Mme Patricia Schillinger. - Les élus réclament la désignation d'un donneur d'ordre. Il faut un comité de pilotage et des expertises pour déterminer ce qui peut être fait. Je connais votre détermination et sais pouvoir compter sur vous.

M. Joël Bigot . - Le rapport de la commission d'enquête est un modèle du genre.

Cela fait dix ans que nous attendons une refonte du code minier. Un projet de loi a été rédigé, mais nous nous dirigerions vers des ordonnances, malgré l'implication des parlementaires. Ce serait regrettable...

Je crois à la reconversion des sols pollués pour une meilleure circularité de l'économie, mais les termes de « sols pollués », de « friches » et de « réhabilitation » ne sont pas définis dans le texte. Allez-vous, comme le rapport le recommande, clarifier ces notions pour mieux dégager la chaîne de responsabilité, éviter un droit mou et sécuriser juridiquement le dispositif ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - La réforme du code minier sera intégrée au projet de loi relatif au climat et à la résilience. Des ordonnances sont effectivement prévues pour avancer plus rapidement sur certains aspects, mais les dispositions les plus sensibles figureront bien dans le texte et pourront donc être amendées.

L'article L. 173-3 du code de l'environnement fait référence à la pollution des sols. Le juge pénal est à même de qualifier la notion. L'article 57 de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) précise les notions de réhabilitation et de remise en état. Enfin, la définition de friche existe aussi. Nous verrons s'il convient d'apporter des clarifications supplémentaires.

M. Joël Bigot. - Il est bon de savoir de quelle boîte à outils nous disposons pour réhabiliter les six mille sites qui défigurent nos villes et nos paysages. Nous resterons vigilants.

M. Jean-Pierre Moga . - Notre commission d'enquête a révélé l'enjeu négligé et sous-estimé de la pollution des sols sur la santé et l'environnement. Je remercie Laurent Lafon et Gisèle Jourda pour leur investissement.

La commission d'enquête identifie la dépollution des sols comme un impératif écologique majeur et établit six axes d'action.

Elle propose notamment la création d'un fonds pour la réhabilitation des sites orphelins et de ceux pour lesquels les financements ne sont pas suffisants. Le financement est le nerf de la guerre. Le Gouvernement prévoit-il un tel fonds qui existe dans d'autres pays ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - Dans le cadre du plan de relance, 300 millions d'euros sont affectés à la dépollution. Nous verrons si des financements supplémentaires sont nécessaires. Ensuite, nous pourrons étudier la création d'un tel dispositif. Là où le foncier est cher, les besoins sont moins importants.

Concernant l'alimentation du fonds, nous pourrions envisager une fiscalité sur l'artificialisation des sols ou sur les produits et les activités polluantes, ou encore une dotation budgétaire comme celle dont bénéficie l'Ademe.

Nous étudierons les différentes pistes, mais il convient d'abord d'étudier les besoins.

M. Jean-Pierre Moga. - M. Savoldelli a évoqué le cas d'un collège à Vincennes, Gisèle Jourda la catastrophe de la vallée de l'Orbiel. Sans un tel fonds, il sera impossible de dépolluer tous les sites concernés.

Je ne suis pas favorable à la taxation des industries polluantes, déjà soumises à d'importantes contraintes. Je préfère une fiscalité plus générale.

Mme Sabine Van Heghe . - Je remercie Gisèle Jourda pour la qualité de son rapport et souligne le consensus de notre commission d'enquête.

Il faut mettre fin aux asymétries entre code minier et code de l'environnement en ce qui concerne la responsabilité des exploitants.

Le rapport propose l'extension aux exploitants de sites miniers de l'obligation de constitution de garanties financières pour la remise en état de la mine après fermeture ; l'intégration de la protection de la santé publique dans les intérêts protégés par le code minier ; l'extension aux sites miniers de la possibilité de rechercher la responsabilité de la société mère en cas de défaillance éventuelle de la filiale exploitante ; l'intégration des travaux miniers dans l'autorisation environnementale afin d'harmoniser les procédures administratives d'instruction, de contrôle et de sanction entre les sites miniers et les sites d'ICPE ; l'extension pour une durée de trente ans des conditions d'exercice de la police résiduelle des mines après l'arrêt des travaux afin de permettre à l'État de rechercher la responsabilité des exploitants en cas d'apparition de nouveaux désordres et dommages.

Nous attendons la réforme du code minier depuis plus de dix ans. Sa refonte est annoncée dans le projet de loi climat que nous examinerons au printemps prochain. Quel sera le sort de nos propositions ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - Le principe d'une réforme du code minier a été annoncé en mai 2019. Cette réforme sera intégrée au projet de loi Climat et résilience : il s'agira d'améliorer les dispositifs de concertation, de prendre en compte les enjeux environnementaux dès les premières étapes de la procédure - le projet de Montagne d'or n'aurait pas passé ce cap - de renforcer les sanctions de l'après-mine. Vos propositions seront soumises au débat parlementaire et pourront faire l'objet d'amendements.

Mme Sabine Van Heghe. - Cela fait trop longtemps que nous attendons cette réforme. Nous comptons sur vous et sur les débats parlementaires.

Mme Sabine Drexler . - La Suisse a mis en place un programme de traitement des polluants, nous nous contentons en France de les confiner, laissant à nos enfants ce cadeau empoisonné. C'est le cas en Alsace, à Sierentz et à Colmar.

Après la faillite de l'entreprise en 1996, nos voisins suisses ont achevé la dépollution du site pollué par le Lindane, insecticide fabriqué jusqu'en 1974, pour un coût évalué à 250 millions d'euros. À Bonfol, en Suisse, la dépollution a coûté 400 millions d'euros. Du côté de Colmar, on s'est contenté d'une couverture étanche du site mais la surveillance mise en place démontre que la zone polluée ne cesse de s'agrandir.

Comptez-vous mener une politique d'élimination complète des polluants en allouant des moyens financiers nécessaires, comme l'ont fait nos voisins ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - La Commission européenne a mandaté un consortium pour réaliser un inventaire des sites ayant utilisé du Lindane. La France a répondu début décembre 2020.

Dans le Haut-Rhin, les sites de PCUK à Sierentz et Wintzenheim sont concernés. À Wintzenheim, 700 à 750 tonnes de déchets ont été entreposés dans les années 1970 et la couverture en place n'empêche le Lindane d'entrer en contact avec les eaux souterraines. Le montant total engagé est de 1,4 million d'euros et l'Ademe veille à limiter les risques de pollution. J'aurai plus d'informations dans les prochains jours.

Mme Sabine Drexler. - Pour les Suisses, ces assainissements sont une priorité absolue car ils savent que les coûts d'une pollution sont bien plus importants. Ils connaissent bien le dossier de StocaMine qui met en péril la plus grande nappe phréatique d'Europe ! Lorsque la pollution se déclarera, les Alsaciens seront empoisonnés, mais aussi les Suisses et les Allemands. En prenant les bonnes décisions, vous pourrez passer des paroles aux actes.

M. Jean-Jacques Michau . - Je salue le travail de la commission d'enquête. Les risques décrits touchent tout le territoire français. En Ariège, les industries textile et métallurgique, mais aussi l'extraction minière ont laissé de nombreuses friches. L'inventaire de 2003 répertoriait plus de 1 400 sites.

Aucun outil ne permet de disposer de toutes les données : il faut donc améliorer l'information. C'est un enjeu de confiance dans l'action publique. L'État devrait se doter d'une base de données lisible et accessible à tous les acteurs.

Pouvez-vous nous préciser ce que le Gouvernement entend mettre en oeuvre en matière d'information sur les sols français ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - Vous avez raison : l'information doit être accessible pour tous. Le ministère est transparent depuis de nombreuses années, avec ses trois bases de données : Basias, Basol et SIS. Les deux premières concernent des sites suivis par l'inspection des installations classées, mais ne comprennent pas les sites et sols pollués ou potentiellement pollués par l'agriculture, les activités économiques ou encore les transports.

Je souhaite une meilleure coordination. Une nouvelle base InfoSols, opérationnelle depuis octobre, devrait permettre une meilleure communication auprès du grand public, garantir la transparence et améliorer la localisation. C'est un bon point de départ.

M. Laurent Burgoa . - Je remercie nos collègues pour le travail mené. Le rapport du Sénat propose la création d'un fonds de réhabilitation des sites et sols pollués pour prendre en charge de dépollution des sites orphelins et venir en aide aux collectivités qui n'ont pas les moyens d'entreprendre seules ces travaux. L'élargissement du projet de loi Climat à la réforme du code minier ne doit pas évacuer la question de l'après-mine. De Saint-Félix-de-Pallières à Tornac dans le Gard, les conséquences sur la santé de nos compatriotes inquiètent.

Votre Gouvernement va-t-il soutenir cette proposition ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - Comme je l'ai dit tout à l'heure, le fonds Friches doté de 300 millions d'euros figure dans le plan de relance. Il faut d'abord un retour d'expérience avant d'envisager éventuellement un fonds pérenne. Quelles seraient ses sources de financement ? Une taxation sur les entreprises, sur les polluants, ou une dotation budgétaire ? Pour répondre à toutes ces questions, prenons le temps.

M. Laurent Burgoa. - Le tribunal administratif de Nîmes a annulé le 21 décembre 2020 neuf arrêtés du préfet du Gard qui avait mis à la charge des communes des dépenses liées aux déchets miniers. Le juge considère donc qu'il s'agit d'une compétence étatique. Prenez vos responsabilités !

M. Fabien Genet . - Je salue le travail remarquable de la commission d'enquête.

À Digoin, en Saône-et-Loire, nous avons d'importantes friches industrielles, notamment en raison d'un riche passé industriel de la céramique. La pollution est une épée de Damoclès : mettre à la charge du repreneur le traitement de ces pollutions condamne l'activité et le site devient alors orphelin. Le fonds Friches ne pourrait-il pas aider les repreneurs éventuels ?

À Montceau-les-Mines, la dépollution après la fermeture de la centrale à charbon dans les années 2000 semble bloquée : comment l'État peut-il inciter le groupe à accélérer le processus ?

Enfin, les opérations d'aménagement butent souvent sur le coût de la démolition. Comment aider les communes ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - Ces situations sont complexes. À Digoin, un arrêté va imposer un cautionnement et des garanties financières au repreneur. À Montceau-les-Mines, les travaux de remise en état seront prochainement encadrés par arrêté préfectoral ; le sous-préfet réunit régulièrement un comité de pilotage ; 70 % du site a été évacué et les travaux devraient s'achever en 2024.

La loi ALUR a instauré le dispositif du tiers demandeur : cette procédure de substitution présente de nombreux avantages, notamment en termes de garanties financières qui sécurisent les opérations de dépollution.

Mme Marta de Cidrac . - Les friches sont une opportunité pour nos territoires. La plaine de Carrières-sous-Poissy et de Chanteloup dans les Yvelines était l'une des plus grandes poubelles à ciel ouvert de l'Île-de-France, avec 25 hectares souillés par 26 000 tonnes de gravats et détritus en tous genres dont 900 tonnes ont pollué les sols. Il y a urgence à la dépolluer pour la réhabiliter. Les élus locaux sont mobilisés sur ce projet, dans une logique de développement durable. L'État s'y est associé au sein d'un comité de pilotage.

Comment l'État va-t-il accompagner ce projet ? Quel est le calendrier ? Qui payera ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - Ce dépôt sauvage était une aberration. Une filière responsabilité élargie du producteur (REP) est prévue dans la loi Anti-gaspillage et économie circulaire (AGEC).

De nombreux travaux sont en cours. Je salue le travail de tous les acteurs qui a permis l'émergence d'un projet de territoires. Nous verrons si le fonds Friches peut être sollicité.

Par ailleurs il faut renforcer les sanctions sur les dépôts sauvages.

Ces questions ne peuvent se résoudre que par des projets de territoires. Les contrats de relance et de transition écologique peuvent aussi mobiliser des financements. Je vous invite à vous rapprocher de mon ministère.

Mme Marta de Cidrac. - Dans la plaine d'Achères, il y a aussi un problème de dépollution que gère la commune de Saint-Germain-en-Laye.

M. Jean-François Husson . - Le sol doit être davantage pris en considération, avec l'air et l'eau, dans les politiques environnementales. Notre commission d'enquête recommande de mieux réparer les préjudices écologiques sur les sites pollués. Un plan d'action devrait ainsi être élaboré pour chacun d'entre eux. L'État veut imposer la norme du zéro artificialisation nette, mais il doit assumer ses responsabilités.

Dans la Meurthe-et-Moselle, un site fermé depuis six ans a laissé derrière lui un terril de 2 500.000 mètres cubes de cendres sur plus de 30 hectares, sans aucuns crédits pour le traiter une fois la centrale fermée. Ce scénario est aussi banal qu'affligeant.

La commune de Dieulouard en Meurthe-et-Moselle a hébergé pendant plus de 50 ans une usine de recyclage des huiles usagées. Le sous-sol du site est aujourd'hui souillé d'hydrocarbures et l'entreprise responsable a fait faillite. Qui paie ?

Comment l'État peut-il assumer ses responsabilités, combler les carences juridiques et créer un cadre juridique robuste et protecteur ?

Mme Barbara Pompili, ministre. - Nous avons dû évoluer car la réglementation ne prévoyait ni la dépollution, ni les atteintes à la santé publique.

Des garanties financières ont été instaurées en 2012 pour la mise en sécurité des installations susceptible de polluer.

Aujourd'hui, 5 500 sites, dont la moitié de carrières, sont soumis à ces garanties financières, pour un montant de 3,5 milliards d'euros.

Les préfets ont demandé une quinzaine de garanties financières auprès d'organismes de crédit pour environ 3 millions d'euros, pour des remises en l'état ou mises en sécurité de sites.

Nous devons tenir compte de l'existant et du passé.

Les fonds du plan de relance permettront de combler les manques de la réglementation.

M. Laurent Lafon, président de la commission d'enquête . - Je salue l'initiative de Gisèle Jourda pour faire la lumière sur l'enjeu de pollution des sols, encore largement sous-estimé. Nous avons défriché un sujet complexe et majeur pour la santé de nos concitoyens et l'attractivité des territoires.

Je remercie nos collègues de leurs enrichissements.

Madame la ministre, ne laissez pas les collectivités territoriales se débrouiller seules avec des sols pollués par des activités anciennes.

Les élus prennent souvent en charge des dépollutions dont les coûts sont exorbitants.

Un sol pollué est souvent une double peine.

Les sols pollués résultent souvent de pollutions historiques qui signent une activité disparue du fait de la désindustrialisation. Ainsi en est-il dans la vallée de l'Orbiel. Les collectivités territoriales n'ont pas les moyens d'assumer ces coûts, alors que l'exploitant a disparu.

Dans le Val-de-Marne, de nombreuses écoles sont construites sur des sols pollués. L'État ayant lui-même autorisé ces anciennes activités, il doit aider les collectivités territoriales.

L'expérience le montre : la coopération entre État, collectivités territoriales, citoyens et entreprises fonctionne.

Vous nous avez annoncé la réforme du code minier, attendue depuis longtemps. Mais il reste un désaccord juridique sur la définition que nous faisons de la pollution des sols.

Nous sommes à votre disposition pour enrichir le futur projet de loi et enclencher de nouvelles actions. Souvent, ce qui bloque, c'est l'absence d'assise juridique forte. Nous serons attentifs à vos réponses.