Médiateur territorial

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales.

Discussion générale

Mme Nathalie Delattre, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, Les Indépendants, LaREM et sur le banc de la commission) Que de chemin parcouru depuis le dépôt de cette proposition de loi, le 30 juillet 2018 ! Parrainée à l'époque par notre estimé collègue François Pillet, qui depuis a quitté nos bancs pour le Conseil constitutionnel, cosignée par 20 % d'entre nous, elle visait à ouvrir le débat sur le rôle de la médiation territoriale pour rapprocher l'administration et les administrés.

Depuis, elle a rencontré l'actualité avec le mouvement des gilets jaunes, qui a mis en lumière l'extrême défiance de nos concitoyens envers nos mécanismes démocratiques et leur furieuse envie d'être consultés et associés aux décisions. Le Gouvernement a eu une réponse originale en organisant le grand débat national. Quelque 700 médiateurs, facilitateurs de parole, ont eu pour tâche d'animer et de réguler la participation citoyenne.

Dans ce cadre, j'avais tenu à interroger Mme Belloubet sur l'opportunité de notre texte. Elle avait reconnu l'intérêt de la médiation territoriale pour « revivifier l'expression de la citoyenneté en France ». Le médiateur territorial est le maillon manquant entre l'administration et les citoyens. L'association des médiateurs territoriaux en dénombre une quarantaine dont 23 médiateurs communaux, un médiateur intercommunal, quatorze départementaux et deux régionaux, en PACA et en Île-de-France.

Comment développer cet outil, instiller cet élément de réconciliation dans nos zonages collectifs sans créer de nouvelles charges pour nos collectivités territoriales ? C'est le travail que nous avons mené avec le rapporteur, M. Bonhomme, que je remercie pour son implication. Je remercie tous ceux que nous avons auditionnés ainsi que le ministère de la Justice et le ministre Lecornu, qui a manifesté un vif intérêt pour ce texte. (M. le ministre le confirme du chef.)

Notre objectif était de réunir des textes épars pour élaborer un socle solide susceptible d'encourager le dialogue et l'écoute et de susciter de nouvelles initiatives dans le règlement des conflits.

Nous avons supprimé l'obligation de désigner un médiateur territorial dans les communes de plus de 60 000 habitants et les EPCI de plus de 100 000 habitants. Mieux valait éviter de créer de nouvelles contraintes pour les collectivités territoriales. Nous avons exclu du champ de compétences du médiateur territorial les différends avec les autres personnes publiques et les litiges internes de gestion des ressources humaines. Nous avons articulé son action avec celle du Défenseur des droits, dont il devient le correspondant, et des autres médiateurs. Enfin, nous l'avons chargé de remettre un rapport d'activité annuel qui sera source de propositions pour les élus.

Autre apport de notre texte, l'élaboration d'un code de déontologie des médiateurs territoriaux s'appuyant sur des principes d'indépendance, d'impartialité et de confidentialité qui sont ceux de la juridiction administrative. En conséquence, le texte prévoit certaines incompatibilités avec des fonctions d'élu ou d'agent territorial de la même collectivité, afin d'éviter que des conseillers municipaux de la majorité occupant la fonction de médiateurs territoriaux au sein de leur commune ne statuent sur des litiges survenant avec leur propre administration. Un amendement a élargi ces conditions d'exercice aux agents contractuels.

La proposition de loi rappelle enfin la gratuité de ce service aux usagers.

Elle octroie au processus de médiation territoriale un caractère suspensif. Ce temps de réflexion peut ramener de la sérénité et parfois éviter une judiciarisation. Si la saisie parait purement dilatoire, la collectivité pourra ne pas entrer dans le processus de médiation. Si cette dernière n'aboutit pas, le délai de recours reprendra à la date initiale.

La médiation territoriale doit être encadrée par la loi pour ne pas être dénaturée. Nous avons voulu créer un socle de règles communes pour la médiation territoriale, sécuriser son application sur le terrain et faire prospérer ce mode de règlement à l'amiable des conflits de proximité. « Voilà ce qui réconcilie la politique et la proximité. Voilà ce qui peut nous réconcilier durablement avec les Français, nous qui nous sommes engagés pour améliorer leur vie quotidienne » disait ce matin même le Premier ministre.

Je suis fière et un brin émue de vous présenter ce texte qui, j'en suis persuadée, répond tant à un besoin de nos collectivités qu'à l'appel lancé par nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Indépendants)

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois .  - Cette proposition de loi, déposée en juillet 2018 par Nathalie Delattre, fait le constat que des médiateurs ont déjà été institués dans tous les niveaux de collectivités territoriales et que nos concitoyens réclament plus de proximité.

La médiation a pour objet principal de prévenir la judiciarisation des litiges. Elle fait intervenir un tiers, le médiateur, qui s'efforce de proposer aux deux parties une solution de leur différend, qu'elles sont ensuite libres d'accepter ou non. Le médiateur n'est pas investi du pouvoir d'imposer sa décision comme l'est le juge.

Les collectivités territoriales sont libres de mettre en place des médiateurs institutionnels pour résoudre à l'amiable les différends avec leurs administrés. L'Association des médiateurs des collectivités territoriales estime à soixante le nombre de médiateurs existant.

Pour autant, dans le silence des textes, leurs modalités de nomination diffèrent.

Le droit en vigueur offre plusieurs autres formes de médiation pour prévenir la judiciarisation des litiges : Défenseur des droits, médiation administrative, réformée en 2016, ou médiation de la consommation, issue du droit de l'Union européenne.

Considérant l'attente de proximité de la part de nos concitoyens, mais aussi compte tenu du droit en vigueur, j'ai cherché, avec Nathalie Delattre et François Pillet, à trouver un consensus. Nous sommes convaincus que les collectivités territoriales ont tout intérêt, lorsqu'elles en ont la possibilité, à instituer un médiateur territorial, régulateur bienveillant des aléas de la vie administrative.

La commission a souhaité encourager la création du médiateur territorial sans l'imposer, en rendant son instauration facultative. Nous avons ensuite renforcé la sécurité juridique du dispositif, mieux défini le champ de compétences du médiateur territorial, rendu incompatible ces fonctions avec celles d'élu ou d'agent local, fait de la saisine d'un médiateur une cause d'interruption du délai de recours contentieux, et aligné les principes de la médiation sur ceux qui régissent la médiation administrative. Nous avons enfin adopté des dispositions transitoires et modifié l'intitulé de la proposition de loi.

Je vous proposerai quelques amendements visant à rendre le médiateur territorial incompétent pour traiter de litiges relevant du champ de la commande publique et de la consommation. Ceux de Mme Harribey complètent utilement le texte sur les incompatibilités et la publicité du rapport du médiateur territorial. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, RDSE, UC et Les Indépendants)

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - Je me réjouis de me retrouver devant vous, comme chaque jour désormais. (Sourires) Je remercie Mme Delattre pour le travail mené sur ce texte. Nous avons échangé régulièrement en amont pour le faire évoluer de manière constructive.

À l'origine, il y a l'exemple vertueux de la ville de Bordeaux qui a institué un médiateur territorial pour prévenir la judiciarisation de certains différends. Plusieurs collectivités en ont fait autant, puisqu'on estime à une cinquantaine le nombre de médiateurs en exercice. L'objectif de la proposition de loi est louable puisqu'il s'agit de généraliser une bonne pratique qui a fait ses preuves et répond à une demande de proximité.

Vous avez souhaité fixer un cadre clair à l'intervention du médiateur territorial. Le texte initial prévoyait l'obligation d'instituer un médiateur territorial pour les communes de plus de 60 000 habitants et les EPCI de plus de 100 000 habitants, ce qui aurait créé une contrainte nouvelle pour les collectivités - contraire à notre objectif d'allègement et de simplifications des normes qui leur sont applicables. Le président de la République, lors de sa conférence de presse du 25 avril dernier, a souligné l'importance du rôle des maires et rappelé sa volonté de faciliter l'exercice de leur mandat.

Je porterai prochainement un projet de loi autour de l'engagement et de la proximité, articulé autour du parcours de l'élu, avant l'élection, pendant le mandat et après celui-ci, car la République doit apprendre à dire merci !

Pour avoir accompagné le président de la République lors du grand débat national, j'ai entendu le message des maires : « Faites-nous confiance et cessez de nous imposer des normes ». Les sénateurs ne disent pas autre chose. Je remercie donc le rapporteur d'avoir déposé en commission un amendement rendant l'instauration d'un médiateur territorial optionnelle et non obligatoire.

Le texte fixe un cadre très précis à l'exercice de la médiation territoriale. Il propose un socle de règles communes qui vaudront tant pour les plus petites communes que pour les grandes villes comme Bordeaux. Attention toutefois à ne pas se priver de toute possibilité d'adaptation aux particularités locales : commençons à faire vivre le principe de différenciation ! Je crains qu'à trop rigidifier, on en vienne à freiner l'instauration d'un médiateur dans certaines communes.

L'article premier prévoit que le médiateur territorial ne pourra exercer une fonction élective ou être un agent de la collectivité ou du groupement, afin d'éviter qu'il ne soit juge et partie. Sauf que certaines collectivités ont choisi des médiateurs territoriaux élus. Ce peut aussi être gage de proximité, notamment dans des petites communes.

Quant à faire du médiateur le correspondant du Défenseur des droits, cela mérite plus de précision, sans compter que les dispositions relatives au Défenseur relèvent de la loi organique.

Vous avez opté pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois et non révocable. Pourquoi pas ? Cette durée ne correspond cependant pas à celle du mandat municipal. Là encore, faut-il rigidifier ?

Sans doute le temps a-t-il manqué pour approfondir la réflexion. Ce texte mérite d'être encore travaillé. Il faut réfléchir aux effets de bord qu'il peut créer. C'est néanmoins une base intéressante pour le projet de loi à venir. Le Gouvernement émet donc un avis de sagesse bienveillante, et saura s'inspirer des travaux du Sénat pour le prochain projet de loi Proximité et engagement. Rendez-vous en septembre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC et RDSE)

M. Emmanuel Capus .  - Bien que la médiation n'ait été introduite dans le code de procédure civile qu'en 1995, son concept, très ancien, trouve racine dans le théâtre grec où le rôle du médiateur est confié tantôt à un homme, tantôt à un dieu. Des médiateurs municipaux, départementaux, et même un médiateur régional existent déjà. Je salue l'action d'Hervé Carré, médiateur de la ville d'Angers, qui préside la jeune association des médiateurs territoriaux.

Ces structures de médiation rapprochent les usagers de l'administration en permettant une meilleure compréhension des règles et des pratiques administratives. Elles contribuent à éviter complications et conflits juridiques et à désengorger les juridictions administratives.

Cette proposition de loi conforte cette pratique en clarifiant les missions du médiateur territorial, en définissant ses obligations et en affirmant son indépendance.

Je me félicite que la commission ait veillé à ne pas accroître les charges sur les collectivités territoriales en supprimant le caractère obligatoire. Aux élus d'apprécier localement leurs besoins.

Je souscris aux modifications apportées par la commission visant à garantir indépendance et impartialité du médiateur territorial et à encadrer le régime procédural. J'ai déposé deux amendements afin de ne pas limiter exagérément les missions du médiateur.

Compte tenu de l'utilité de la médiation dans nos territoires, il apparaît opportun de consacrer dans la loi la possibilité pour les collectivités d'instituer un médiateur territorial. Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC)

M. Arnaud de Belenet .  - Cette proposition de loi participe à l'enrichissement des débats sur l'exercice des mandats locaux. Le Premier ministre, ce matin, a précisé les trois défis à relever pour raffermir le lien de confiance avec les élus locaux sans lesquels la démocratie ne serait qu'une coquille vide.

La médiation constitue un mode alternatif de règlement des litiges pour éviter de recourir à la justice. Il existe déjà une soixantaine de médiateurs territoriaux aux différents échelons. Cette proposition de loi visait à les institutionnaliser.

La commission des lois a apporté plus de souplesse au dispositif en rendant l'institution du médiateur territorial facultative, en excluant les litiges relevant de la commande publique, en instaurant une incompatibilité avec la fonction d'élu ou d'agent territorial afin de garantir l'impartialité. Toutefois, comme l'a souligné Alain Richard, la question de la rémunération reste en suspens. L'expérimentation menée à Angers mérite peut-être de prospérer.

Autre clarification : la saisine du médiateur territorial interrompt le délai de recours contentieux.

Je remercie Nathalie Delattre et le groupe RDSE pour cette initiative. Le rapporteur a amélioré le texte que nous soutiendrons, fidèles à nos principes : souplesse, liberté et responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Je ne partage pas l'exposé des motifs de cette proposition de loi. Incurable défenseur de la démocratie représentative, maire d'une commune modeste pendant des années, j'estime que c'est le rôle du maire que d'écouter les habitants et de tenter de régler leurs problèmes. Combien de conflits de tout genre, y compris matrimoniaux, n'avons-nous pas ainsi réglés ? (Sourires)

Quant à l'hymne au grand débat, il me laisse perplexe. Mais si l'on s'en tient au côté pratique, la mise en place d'une médiation territoriale étant laissée au choix des élus, il n'y a pas de raison de s'y opposer.

Dans les grandes collectivités territoriales, il n'y a pas le même rapport au citoyen que dans les petites communes. Avec la prolifération des très grandes intercommunalités, il n'est pas toujours facile de savoir quelles sont les compétences, encore moins qui les exerce !

J'en suis venu à la conclusion que dans certaines circonstances, le médiateur territorial peut être un outil intéressant, du moment qu'on ne fait pas à la place de mais avec ! Aussi le groupe CRCE votera-t-il cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et RDSE ; M. Yves Détraigne applaudit également.)

Mme Laurence Harribey .  - La proposition de loi initiale rendait le médiateur territorial obligatoire dans les communes de plus de 60 000 habitants, les EPCI de plus de 100 000 habitants, les départements et les régions. Cette proposition n'est pas nouvelle ; elle reprend un texte déposé en 2014 mais jamais examiné, dont les signataires incluaient Gérard Larcher et Jacqueline Gourault. Le contexte est aujourd'hui plus favorable, avec la mise en évidence d'un vrai besoin de médiation et la multiplication des expériences volontaires.

On peut s'interroger sur la pertinence de traiter de manière fragmentée des relations entre les citoyens et les collectivités, mais cette proposition de loi a le mérite de s'appuyer sur ce qui existe pour créer un cadre juridique unique. Elle intègre les EPCI et offre un niveau de précision plus avancé que la proposition de loi de 2014. Le groupe SOCR adhère à sa philosophie générale et salue les travaux constructifs de la commission. C'est une excellente base pour le travail que vous allez mener, Monsieur le ministre !

Nous sommes tous d'accord pour supprimer le caractère obligatoire de la médiation territoriale. Nous avons aussi travaillé en commun pour exclure les fonctionnaires territoriaux, les contractuels et toute personne ayant un intérêt direct à la collectivité de la possibilité d'être médiateur territorial. Nous souscrivons aux amendements qui renforcent la transparence.

Le ministre s'est interrogé sur la durée de cinq ans du mandat. Faute de mieux, restons-en là pour l'instant.

La déontologie mérite d'être précisée. Nous aurions souhaité aller plus loin dans l'incompatibilité avec le mandat électif, mais nous nous rangeons aux amendements qui font consensus. De même, nous pensions souhaitable que le médiateur territorial déclare son patrimoine. Mais là aussi, l'important est d'avancer, pragmatiquement. La procédure de sélection devra être transparente. Il nous semble également important que le rapport annuel d'activité soit public.

Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et RDSE ; M. Yves Détraigne applaudit également.)

Mme Josiane Costes .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Dans une société qui se judiciarise de plus en plus, cette proposition de loi privilégie l'apaisement. Le médiateur territorial a fait ses preuves. Il crée un climat d'écoute et de compréhension propice à améliorer la qualité du lien social. Au plus proche des administrés d'un territoire, il est le correspondant du Défenseur des droits. Cela mérite un soutien large et transpartisan.

Nous nous félicitons que l'instauration du médiateur territorial soit une possibilité et non une obligation. En effet, la souplesse et le cas par cas sont la clé du succès. Charité bien ordonnée commence par soi-même. Nous qui prônons la différenciation territoriale, il aurait été incohérent de ne pas l'appliquer dans ce domaine. Je salue Mme Delattre qui a été à l'écoute des propositions de la commission.

Ce médiateur territorial existe déjà dans de nombreuses collectivités. Cette proposition de loi en donne une définition et en précise le régime.

Le maître mot est la souplesse : le médiateur territorial peut être désigné par toute personne publique, commune, EPCI, région, selon les besoins. Les conditions de son indépendance sont cependant durcies, avec l'instauration d'un régime d'incompatibilités. Il n'est pas tolérable que le médiateur soit un élu ou un salarié de la collectivité territoriale. Les dispositions déontologiques contenues dans cette proposition de loi éviteront les dérives.

Enfin, le médiateur sera force de propositions.

Cette proposition de loi sécurise juridiquement une fonction qui existe déjà dans les faits et favorise l'apaisement des relations entre habitants et administration. Le groupe RDSE la votera bien entendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Françoise Gatel .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Un bon accord vaut mieux qu'un long et mauvais procès. Introduite en France en 1995, la médiation a pour objectif d'alléger un système judiciaire surchargé et de renforcer les procédures de règlement à l'amiable des conflits. Elle concourt à un climat d'écoute propice à améliorer le lien social.

Les élus locaux pratiquent quotidiennement la médiation comme M. Jourdain la prose !

Une soixantaine de médiateurs territoriaux ont été institués, principalement dans les communes.

L'objectif de la proposition de loi est louable. Pour autant, il semblait excessif de faire obligation aux collectivités territoriales d'installer un médiateur. Le caractère facultatif s'appuiera sur l'esprit de liberté et de responsabilité des élus. Ce n'est pas le ministre qui s'y opposera, lui qui préfère le sur-mesure à l'uniforme...

Les médiateurs territoriaux seront principalement chargés de faciliter la résolution des différends entre la collectivité ou l'EPCI et les citoyens. Ils exerceront leurs fonctions en toute indépendance, ne pouvant recevoir d'instruction de la collectivité. Des règles d'incompatibilité garantissent leur impartialité. Reste la question de la rémunération, qui implique un lien de subordination...

Le groupe UC soutiendra la proposition de loi issue des travaux de la commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM et RDSE et sur le banc de la commission)

M. Yves Bouloux .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je salue les auteurs de la proposition de loi, Mme Delattre et M. Pillet - appelé à d'autres fonctions au sein de nos institutions. Le Sénat s'attache à résoudre les difficultés rencontrées par nos collectivités territoriales, à leur éviter de nouvelles charges et obligations. Ce texte propose une solution de médiation territoriale, dont les collectivités seront libres de se saisir ou non, tout en harmonisant les pratiques.

Privilégier les modes alternatifs de résolution des conflits est une tendance profonde. C'est le cas dans la Vienne, l'un des départements retenus en 2018 pour expérimenter une médiation préalable obligatoire à certains contentieux de la fonction publique territoriale.

Un médiateur territorial est un acteur particulier répondant à des problèmes ciblés.

Priorité doit être donnée à la simplification. À ce titre, avoir rendu l'instauration du médiateur territorial facultative est une bonne chose.

On peut s'interroger sur l'opportunité d'inscrire dans la loi une catégorie spécifique de médiateur. Certes, la proposition de loi en fait des correspondants du Défenseur des droits, bien identifié, mais nos concitoyens peuvent avoir du mal à se repérer entre les différents médiateurs institutionnels, selon la matière visée...

Pour simplifier la vie de nos concitoyens et le fonctionnement de nos administrations, ne faudrait-il pas prévoir une suspension des délais de recours contentieux jusqu'à la fin de la médiation ? C'est le cas dans les expérimentations de médiation préalable obligatoire et pour les organismes de sécurité sociale.

La médiation territoriale ne palliera pas à elle seule toutes les imperfections du fonctionnement de nos institutions. Poursuivons nos travaux de simplification des services publics et administrations. Je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Instaurer une médiation territoriale dans les conseils régionaux, départementaux et dans les communes est incontestablement positif.

Dans une société en proie à des tensions de plus en plus vives, jamais la médiation n'a été à ce point nécessaire. C'est une solution efficace pour prévenir la judiciarisation de certains litiges avec l'administration ou entre habitants, et notamment les sempiternelles querelles de voisinage - perte d'ensoleillement, hauteur des thuyas entre propriétés, j'en passe et des meilleures. (Sourires)

M. François Bonhomme, rapporteur.  - C'est important !

M. Jérôme Bascher.  - Ça, c'est du vécu !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - L'expérience a prouvé que les médiateurs territoriaux ont su créer un climat d'écoute et de compréhension propice à améliorer la qualité du lien social.

Résoudre les conflits par le dialogue, restaurer la relation et veiller à ce que les gens se parlent, voilà une belle ambition à l'heure de l'individualisme forcené et du tout-numérique ! En proposant des modifications de comportement, on remet un peu de ce bon sens qui fait souvent défaut mais ce n'est possible qu'entre gens de bonne foi.

Généraliser cette pratique, oui ; la rendre obligatoire, non ! Les collectivités territoriales ont besoin de plus de liberté et de moins de contraintes. Elles doivent rester libres de leur choix. Je suis sûr que beaucoup de collectivités territoriales saisiront cette opportunité.

Le texte clarifie les fonctions du médiateur territorial. Les principes d'indépendance, d'impartialité, de compétence, de diligence, de confidentialité sont réaffirmés dans un code de déontologie. Les délais de recours seront suspendus le temps de la médiation : il n'y aura aucune raison d'aller à l'affrontement.

Je soutiens donc cette proposition de loi qui instille de l'humanité dans les relations entre les usagers et une administration souvent perçue comme un monstre froid. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Ladislas Poniatowski.  - Excellent.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Nathalie Delattre .  - L'Association des maires ruraux ne voit pas de problème particulier dans cette proposition de loi : oui, ce sont les maires ou les élus qui interviennent en amont du litige, mais il peut être utile de disposer d'un tiers si un litige se forme malgré tout.

Il y a un cas de médiateur territorial juge et partie : le cadre déontologique permet d'éviter ce genre d'ambiguïtés. La durée de cinq ans souligne le souci d'indépendance, car les fonctions de médiateur territorial sont ainsi déconnectées du mandat municipal de six ans.

Monsieur Bouloux, soyez rassuré, le délai est bien suspensif dans le texte de la commission.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par M. Capus, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Laufoaulu et Menonville.

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

M. Emmanuel Capus.  - Cet amendement évite une restriction trop importante du champ d'action du médiateur en supprimant l'interdiction d'intervenir sur un litige entre deux personnes publiques - entre deux collectivités. Le médiateur est en effet l'acteur le plus indiqué ! Qui d'autre pourrait ainsi proposer ses bons offices ? J'ajoute qu'il n'impose pas une décision.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - La commission des lois a exclu ces litiges qui ne ressortissent pas du rôle naturel du médiateur territorial -  celui-ci a vocation à intervenir entre les usagers et l'administration. Pour le reste, on peut s'en remettre au dialogue entre les services voire entre les élus.

Retrait ou avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec M. Collombat : prenons garde à ne pas restreindre petit à petit la démocratie représentative. Faire appel au médiateur en cas de conflits entre collectivités serait une nouvelle dépossession. Avec quel mandat interviendrait-il ? Les élus ont des avocats, des conseils.

L'amendement illustre la culture du consensus propre au Sénat. Promouvoir des solutions pour éviter de porter les affaires jusque devant les tribunaux. Je salue la philosophie qui vous anime. Mais je suis persuadé - au risque de paraître bonapartiste - que cela reste une affaire de chefs.

Mme Nathalie Delattre.  - L'origine de cette proposition de loi est effectivement le désir de prévoir une médiation entre les usagers et l'administration. Du reste, faudrait-il avoir recours au médiateur de la commune ou à celui de la région pour résoudre un conflit entre les deux ? Cela serait un peu compliqué.

Nous apprendrons de l'expérience et verrons si une extension du rôle du médiateur territorial est utile.

L'amendement n°7 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié ter, présenté par M. Capus, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Laufoaulu et Menonville.

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

à but lucratif

M. Emmanuel Capus.  - Le texte exclut de la médiation tous les contrats. Mon amendement limite l'exclusion aux contrats à but lucratif.

Je comprends qu'il ne faille pas concurrencer les médiateurs de la consommation. Mais ce ne serait pas le cas ici. Je pense à des contentieux sur le prix d'un ticket de bus ou d'une place de théâtre, qui ne relèvent pas d'un service marchand à but lucratif et dépendent directement d'une décision de la collectivité. Cette précision respecte l'esprit de la proposition de loi.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Actuellement, les collectivités territoriales sont déjà soumises à la médiation de la consommation, lorsqu'elles exploitent un SPIC, qui en relève expressément. Eau, assainissement, repas scolaires sont concernés. Évitons la confusion des rôles. Je vous propose un retrait au profit de mon amendement n°10.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Monsieur Capus, vous avez intellectuellement raison mais juridiquement tort, (Sourires) dans la mesure où l'application de votre disposition entraînerait des difficultés. L'amendement 10 répond à votre objectif légitime par des voies plus efficientes.

M. Emmanuel Capus.  - J'en conviens, l'amendement n°10 répond en partie à mon souci. Je m'y rallie.

L'amendement n°6 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission.

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

relevant du code de la commande publique ou du titre Ier du livre VI du code de la consommation

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Avec cet amendement, nous limitons les relations contractuelles exclues de la médiation territoriale. Le médiateur territorial ne traiterait pas des litiges relevant du code de la commande publique, ni du champ de la médiation de la consommation, qui fait l'objet d'un régime spécifique en application de la directive européenne de 2009. En revanche il pourrait traiter des différends relatifs aux autres relations contractuelles comme, par exemple, ceux relatifs à l'occupation domaniale.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°10 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission.

Alinéa 14

Après le mot :

par

insérer les mots :

l'organe exécutif de

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Cet amendement lève une ambiguïté, en précisant que la nomination du médiateur territorial dépend de la seule compétence de l'exécutif local. C'est logique, puisque celui-ci procède déjà aux autres nominations.

L'amendement n°11, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

, à l'issue d'une procédure de sélection publique et transparente

Mme Laurence Harribey.  - Cet amendement prévoit la transparence de la procédure de sélection du médiateur territorial.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Il semble trop contraignant : le médiateur n'est pas recruté comme un fonctionnaire, il est nommé pour une durée temporaire et agit de manière bénévole. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Avis défavorable.

Comme pour les propositions de loi de Mme Gatel ou de M. Marc, celle de M. Collombat sur le statut de l'élu, celle sur les funérailles républicaines, je suis partisan de favoriser la liberté locale, car c'est sur elle que l'on bâtit la confiance. Laissons les élus locaux s'organiser, inspirons-nous du libéralisme politique de Tocqueville. Je sais que votre groupe a le souci permanent de l'équité, l'inquiétude de l'égalité. Cependant je crois qu'il faut nous borner à prévoir un cadre légal dans lequel tout s'organise en bon ordre, en tout point du territoire. Nous discuterons à l'automne de ces questions...

Sur cet amendement comme le suivant, je préfère la souplesse et la confiance.

Mme Laurence Harribey.  - L'amendement est sans doute mal rédigé : il ne s'agit pas d'imposer une procédure rigide mais de prévoir la transparence.

L'amendement n°3 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il est une personnalité qualifiée dont les compétences en matière de défense des droits et des libertés et l'expérience de l'administration territoriale sont reconnues.

Mme Laurence Harribey.  - Je retire aussi mon amendement n°2 car la formulation pose problème : pour qu'il y ait des compétences « reconnues », encore faut-il qu'il y ait une procédure en reconnaissance.

L'amendement n°2 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 3° La personne qui exerce une fonction publique élective dans une autre collectivité territoriale membre d'un même groupement que cette collectivité territoriale, ou en est un agent.

Mme Laurence Harribey.  - Je maintiens cet amendement, qui vise l'intérêt indirect que pourrait avoir le médiateur territorial.

L'amendement n°1 rectifié bis, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission.

I.  -  Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les fonctions de médiateur territorial cessent de plein droit à la date à laquelle celui-ci se trouve dans l'une des situations mentionnées aux 1° à 3° du présent III.

II.  -  Alinéa 18

Remplacer les mots :

Ses fonctions

par les mots :

Les fonctions de médiateur territorial

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Cet amendement de précision rédactionnelle prévoit la cessation de plein droit des fonctions d'un médiateur territorial qui accéderait à une fonction publique relevant de l'une des situations d'incompatibilités prévue par la loi - mandat électif dans la même commune - ou qui serait nommé dans un emploi de directeur général des services.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Sagesse : cet amendement est peut-être un peu trop précis.

L'amendement n°14 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 26

Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :

rédigé dans le respect du principe de confidentialité de la médiation. Il fait l'objet d'une communication devant l'organe délibérant de la personne publique qui a institué le médiateur territorial.

Mme Laurence Harribey.  - Cet amendement assure la publicité du rapport du médiateur territorial auprès de l'organe délibérant, dans le respect du principe de confidentialité de la médiation.

Il ne s'agit pas de rigidifier, mais de porter à connaissance ce rapport comme cela se fait pour le prix de l'eau.

M. le président.  - Amendement identique n°9 rectifié bis, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche.

M. Arnaud de Belenet.  - Défendu.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Dans la mesure où il s'agit d'un document administratif, chacun peut en demander communication. Ces amendements précisent les choses en prévoyant une publicité, dans le respect de la confidentialité de la médiation : avis favorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nos5 rectifié et 9 rectifié bis sont adoptés.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les médiateurs territoriaux nommés en application de l'article L. 1112-24 du code général des collectivités territoriales. Les arrêtés de nomination sont notifiés sans délai par le président de l'exécutif de chaque collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. »

Mme Laurence Harribey.  - Je retire mon amendement : laissons faire l'expérimentation et évitons de faire peur aux candidats.

L'amendement n°4 est retiré.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission.

Alinéa 3, première phrase

1° Remplacer les mots et la référence :

mentionnées au III

par les mots et la référence :

résultant des premier à antépénultième alinéas du III

2° Remplacer les mots :

son entrée en vigueur tel qu'il résulte

par les mots :

l'entrée en vigueur

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Cet amendement précise que les obligations déontologiques s'appliquent dès l'entrée en vigueur de la loi.

L'amendement n°12, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté ainsi que les articles 3 et 4.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission.

Remplacer les mots :

à favoriser le

par le mot :

au

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Amendement rédactionnel

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - Le texte est d'origine sénatoriale : conformément à ma ligne de conduite, je ne donnerai pas d'avis sur son intitulé. Sagesse.

Mme Françoise Gatel.  - Quelle élégance !

L'amendement n°13 est adopté.

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Indépendants)

Prochaine séance, mardi 18 juin 2019, à 14 h 30.

La séance est levée à 15 h 55.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus