Agence nationale de la cohésion des territoires (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), présentée par M. Jean Claude Requier et plusieurs de ses collègues, et de la proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires présentée par MM. Hervé Maurey et Jean-Claude Requier.

La procédure accélérée a été engagée sur ces textes.

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feront l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Jean-Claude Requier, auteur de la proposition de la loi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe UC) Le groupe RDSE a déposé une proposition de loi pour créer une ANCT, répondant au souhait de nombreux élus et associations d'élus, dont le président de l'AMF. Le Premier ministre, lors de la conférence nationale des territoires en juillet 2017, l'avait également appelé de ses voeux.

Le chef de l'État avait exprimé sa volonté de voir aboutir la mise en place de cette agence, instaurant un État facilitateur, identifié dans chaque département, interlocuteur unique capable de mobiliser des compétences en ingénierie des territoires. Le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, et le commissaire général à l'égalité des territoires, Serge Morvan, y avaient beaucoup travaillé avec le groupe RDSE pour aboutir à un texte équilibré.

L'ANCT coordonnera les missions de diverses agences pour favoriser les territoires, et d'abord les plus fragiles.

Le groupe RDSE a tenu à ce que l'agence soit présidée par un élu, point non négociable, de même qu'une forte représentation des élus au sein du conseil d'administration. L'Agence du numérique doit faire partie de l'ANCT, compte tenu des enjeux actuels. Le président de la République y est favorable, mais Bercy et d'autres sont réticents.

Veut-on que le numérique soit un enjeu partagé par tous pour l'aménagement du territoire ou Bercy et la haute administration conserveront-ils un contrôle total ? Sortons des faux-semblants et des arguties. Le rapporteur, Louis-Jean de Nicolaÿ, partage cette orientation majeure.

L'administration territoriale de l'État a été confrontée à des modifications profondes. Les collectivités territoriales ont subi ces évolutions et les transferts successifs de compétences fragilisent les plus fragiles.

Déconcentration et décentralisation, loin de renforcer l'autonomie des collectivités territoriales, ont conduit à plus de fragilité et d'inégalité, accentuant les fractures territoriales. L'abandon de l'assistance technique pour raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (Atesat) est un désastre, comme le souligne la Cour des comptes. Les collectivités territoriales ont été contraintes de compenser le manque à gagner. L'État doit faciliter et accompagner les projets en partant des territoires, et non diluer son action dans un maquis normatif mal compris. Le développement économique, l'accessibilité des services publics doivent être facilités. Pour cela, il faut un changement culturel reposant d'abord sur une logique de guichet unique.

Le préfet bénéficiera d'une vision d'ensemble ; je défends une verticalité inversée. Ne recentralisons pas les décisions. Le rapport du Conseil d'État en 2012 a défini les agences comme des structures autonomes, concourant à la mise en oeuvre des politiques de la Nation, elles entrent donc dans le champ de l'article 20 de la Constitution. L'ANCT doit viser l'efficience, mobiliser l'expertise dans sa diversité, agir en partenariat avec les collectivités et respecter strictement un principe de neutralité.

En 1845, Alexandre-François Vivien affirmait, dans son ouvrage Études administratives, que « le pouvoir politique est la tête, l'administration le bras ».

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'était autrefois, ça ! (Sourires)

M. Jean-Claude Requier.  - L'Agence aura une autonomie de décision. La proposition de loi laisse une place essentielle aux collectivités territoriales. Nous sommes opposés au duo conseil d'administration/directoire, et voulons éviter une organisation en silo.

Ensuite, le pouvoir réglementaire devra définir des procédures de décisions efficaces pour que l'ANCT réponde à ses missions.

Je salue le travail du rapporteur. Nous sommes fermement opposés au report à 2021 de l'intégration de l'Agence nationale du numérique.

L'ANCT est très attendue par les collectivités territoriales. Le Sénat est totalement dans son rôle. Faisons de cette agence un outil d'écoute des territoires et au service de ceux-ci. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi organique .  - Depuis l'annonce du président de la République en juillet 2017, il a fallu attendre un an pour que le Premier ministre confie au préfet Morvan un rapport de préfiguration de l'Agence, remis tardivement et dont, curieusement, nous avons pris connaissance par une organisation syndicale.

Lors de l'examen du projet de loi ELAN, le Gouvernement souhaitait créer cette agence par voie d'amendement. Le Sénat a refusé une telle procédure cavalière.

Début octobre, M. Requier a déposé sa proposition de loi que le Gouvernement a souhaité voir examiner en procédure accélérée. J'ai donc déposé de mon côté une proposition de loi organique pour faire entrer dans le champ de l'article 13 de la Constitution, la nomination du directeur général de la nouvelle agence : l'avis du Parlement est indispensable, comme c'est la règle pour d'autres agences.

La proposition de loi organique ne constitue cependant pas un blanc-seing à la création de l'Agence selon les modalités voulues par le Gouvernement - car cette création n'aura de sens que si elle est utile aux collectivités territoriales, ce dont je ne suis pas convaincu. L'objectif de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable n'est pas simplement de créer un outil mais de faire en sorte que l'aménagement du territoire cesse d'être le parent pauvre des politiques publiques, et qu'il y ait une véritable ambition politique.

Notre rapport Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité, publié en 2017 avec Louis-Jean de Nicolaÿ, faisait un constat réaliste. Nous en avons débattu le 25 octobre 2017 et nous vous l'avons remis en mains propres la semaine dernière, madame la ministre. J'espère que vous en ferez le meilleur usage - mais jusque-là nos travaux n'ont que trop peu inspiré le Gouvernement.

Devant notre commission, vous avez prôné le « parler vrai », mais les crédits de la cohésion des territoires n'augmentent cependant que pour la politique de la ville. Vous savez comme moi que les déclarations d'amour ne suffisent pas, et qu'il faut des preuves d'amour ?

M. François Bonhomme.  - C'est platonique ! (Sourires)

M. Hervé Maurey.  - Vous avez entendu les inquiétudes des élus locaux, vous savez que les démissions de maires n'ont jamais été aussi nombreuses.

L'ambition du texte est cependant très en deçà des conclusions du préfet Morvan. Pourquoi un tel manque d'ambition ? Pourquoi, pour si peu, créer une telle agence ? Vous nous avez dit que son objet pourra évoluer, pourquoi attendre ? Où est la rationalisation annoncée ? Je doute que cette agence simplifie la vie des collectivités territoriales.

M. Charles Revet.  - Sûrement pas !

M. Hervé Maurey.  - Il faut simplifier les procédures ; le Sénat n'a pas eu le temps nécessaire pour le faire, vu la procédure accélérée.

L'ANCT fonctionnera-t-elle à moyens constants ou l'État, joignant le geste à la parole, lui donnera-t-il des moyens supplémentaires ? Madame la ministre, il semblerait qu'il faille attendre la loi de finances pour 2020 ; c'est un peu loin... Les crédits de la dotation d'équipements des territoires ruraux (DETR) pourraient être fléchés pour soutenir les projets de cette agence : nous sommes inquiets. (M. Pierre-Yves Collombat ironise.)

En 2015, nous avons présenté avec Patrick Chaize un rapport dont le sous-titre était : Veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions - les mots ont toute leur importance !

Le président de la République a déclaré à Limoges que la question du numérique serait réglée dans deux à trois ans ; et le Gouvernement se glorifie d'un accord avec les opérateurs de téléphonie mobile. Entre ces déclarations et la réalité des territoires, il y a un gouffre ! Si le Gouvernement ne change pas de braquet, la couverture du numérique ne sera pas assurée à la fin du quinquennat, c'est certain ! La fermeture du guichet pour le redéploiement de la fibre nous inquiète également.

Le rapporteur a fait un travail remarquable dans un délai extrêmement contraint : 27 amendements ont été adoptés, pour améliorer la place des élus dans la gouvernance de l'agence et aider d'abord les territoires les plus fragiles.

Le périmètre et le fonctionnement de l'Agence restent encore à mieux définir. Je souhaiterais que le Gouvernement renonce à convoquer une commission mixte paritaire après la première lecture si des points importants restaient encore à améliorer ; le ministre chargé des relations avec le Parlement nous a rassurés hier sur ce point. La procédure de droit commun ne peut pas faire de mal ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Ce projet n'est pas nouveau. Dès 2017, le président du Sénat et de nombreux élus avaient demandé la création de cette agence.

Nous l'avions demandé avec le président Hervé Maurey, dans notre rapport consacré à l'aménagement du territoire. Le président de la République avait alors saisi la balle au bond, si je puis dire, et annoncé la création d'une structure, d'abord lors de la Conférence nationale des territoires, qui s'est tenue au Sénat le 17 juillet 2017, puis devant le Congrès des maires de France le 24 novembre de la même année. L'annonce a depuis été confirmée à plusieurs reprises par le Gouvernement, par la voix de Jacques Mézard, de Julien Denormandie ou, plus récemment, de Jacqueline Gourault.

Avant de vous présenter le contenu des articles et les amendements que je vous proposerai d'adopter, je souhaite vous faire part de trois remarques liminaires.

Je regrette d'abord la méthode. Les atermoiements du Gouvernement ont conduit certains collègues à anticiper ses projets. Je pense à la proposition de loi déposée en octobre 2017 à l'Assemblée nationale par Philippe Vigier et, bien sûr, à la proposition de loi de nos collègues Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud, dont vous m'aviez confié le rapport pour notre commission.

Plus récemment, le Gouvernement a souhaité, en vain, être habilité à légiférer par ordonnance pour créer l'Agence, à l'occasion de l'examen du projet de loi ELAN en séance au Sénat. Cette initiative intervenait alors que le préfet Serge Morvan, directeur général des collectivités locales au ministère de l'Intérieur et cinquième commissaire général à l'égalité des territoires en quatre ans, avait été chargé par le Premier ministre de préfigurer la création de l'Agence. Nous avons pris connaissance de son rapport grâce à une publication syndicale...

Au-delà de l'absence d'étude d'impact, puisque nous examinons une proposition de loi, la concertation aurait dû être davantage approfondie : j'ai disposé d'à peine quatre semaines pour étudier les dispositions du texte, consulter une douzaine d'organismes et préparer des amendements. Il est heureux, dans ce contexte, que le président du Sénat ait saisi le Conseil d'État, qui a utilement éclairé mes travaux.

Je me suis également entretenu avec Alain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Notre échange a révélé l'impréparation du Gouvernement quant à la simplification des procédures imposées aux collectivités territoriales.

Je remarque ensuite combien l'ambition du texte et celle du Gouvernement semblent en deçà des attentes de nos concitoyens et des élus locaux. Les fractures françaises sont nombreuses et bien connues - dans l'accès au numérique, dans l'accès aux soins, avec la problématique des déserts médicaux, dans l'accès aux services publics et dans le domaine de la mobilité, mot cher à M. Darnaud ; elles constituent autant de freins à la cohésion et à l'ascension sociales. Je me réjouis de l'examen prochain du projet de la loi d'orientation des mobilités ; les mobilités représentent un prisme intéressant pour aborder la cohésion sociale et territoriale et constituent autant de leviers pour soutenir les territoires les plus fragiles. Je déplore que le Gouvernement n'ait pas adopté une approche décloisonnée des missions de l'Agence, expression que nous entendons souvent mais qui peine à se matérialiser, au risque qu'elle ne soit qu'un arbre de plus dans la forêt des acteurs étatiques.

Enfin, l'État doit prendre ses responsabilités, en particulier sur les ressources de l'Agence : la frilosité du Gouvernement interroge. L'ANCT ne pourra agir utilement qu'à condition que l'État partage une ambition commune avec les territoires et qu'il ne soit pas seul maître à bord. Je souhaite que les territoires soient considérés comme des partenaires égaux que l'on ne cherche pas à amadouer, même si la proximité des élections municipales ne doit laisser aucun doute sur l'impératif politique qui préside aux intentions du Gouvernement. Le financement de l'Agence ne doit en aucun cas venir en soustraction de moyens actuellement accordés aux collectivités territoriales. La possibilité que les crédits de la DETR puissent être considérés comme des ressources sur lesquelles l'Agence exercerait un droit de tirage m'inquiète particulièrement.

M. Philippe Dallier.  - Eh oui !

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur.  - Les territoires n'attendent pas des tours de passe-passe, madame la ministre. Ces remarques formulées, j'en viens aux quatre objectifs du texte.

La commission a souhaité faire évoluer le texte pour d'abord mieux associer les élus locaux et nationaux, et garantir la parité avec les représentants de l'État.

Ensuite, nous avons voulu renforcer la prise en compte des territoires les plus fragiles.

Troisièmement, la commission a voulu assurer l'intégration de l'Agence du numérique à l'ANCT dans les meilleures conditions.

Gardons-nous des postures en la matière.

Enfin, la commission a souhaité codifier les dispositions relatives au sein du code général des collectivités territoriales dans un souci de clarté.

L'ANCT est un outil dont le succès dépendra de la rapidité de traitement des dossiers et de l'association des élus et citoyens.

Ce sujet - développement commercial, rénovation de l'habitat - est au coeur des préoccupations de nos concitoyens.

La création de cette agence n'est pas un blanc-seing donné au Gouvernement ; entendons les territoires les plus fragiles. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Trois semaines après ma prise de fonctions au ministère de la cohésion des territoires, je suis heureuse de discuter avec vous ce texte important, initiative bienvenue du président du groupe RDSE complémentée par une proposition de loi organique prévoyant la nomination du directeur général de l'ANCT par décret après avis des commissions parlementaires compétentes, ce que salue le Gouvernement.

M. Lecornu me remplacera brièvement en fin de matinée.

La semaine dernière, j'ai présenté devant votre commission la création de l'ANCT annoncée par le président de la République en juillet 2017, à la demande, notamment, du président de l'Association des maires de France (AMF), François Baroin, qui souhaitait une simplification de l'intervention de l'État dans les territoires.

Le Gouvernement apporte son entier soutien à cette proposition de loi, enrichie après avis du Conseil d'État sollicité par le président Larcher.

Vous exprimez cependant des craintes relevant, oserai-je dire, de mécompréhensions.

La création de cette agence constitue un changement de méthodologie. Auparavant, les territoires répondaient aux appels à projets du Gouvernement - toujours les mêmes territoires, ceux qui avaient des moyens techniques et financiers de monter les dossiers.

Désormais le Gouvernement répondra aux projets des territoires - réhabilitation de centre-ville, couverture numérique, etc. - et les accompagnera, en apportant si nécessaire son ingénierie.

Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), Agence nationale de l'habitat (Anah), Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca), Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) sont entravés dans leur action par un maquis administratif, et interviennent sans coordination ni lisibilité.

Or la coordination permettrait d'agir plus sereinement - d'où l'idée de créer un « guichet unique », comme l'a dit le rapporteur de Nicolaÿ. Ce guichet réunira les opérateurs de l'État, des collectivités territoriales et privés existants - car l'État doit fonctionner comme un opérateur.

Au plan local, le préfet sera le délégué territorial de l'Agence. C'est essentiel : l'élu porteur de projet se tournera vers lui pour mobiliser les services de l'État.

Point, donc, de nouvelle officine comme je l'ai entendu. Le préfet sera le représentant unique de l'ANCT, fédérant les actions de l'État autour du projet.

Qui seront ces porteurs de projet ? Tous ceux qui le voudront. Je l'ai dit devant votre commission : aucune obligation de recourir à l'ANCT, si le territoire en question possède l'ingénierie nécessaire. L'ANCT s'adresse aux communes, intercommunalités, départements, régions, voire groupes de communes ou encore pays, mais c'est aux élus de solliciter l'ANCT ou de s'en abstenir.

Si toutes les collectivités territoriales peuvent solliciter l'ANCT, l'Agence déploiera prioritairement son action dans les territoires les plus fragiles, où les besoins sont les plus forts.

Cette politique différenciée, tenant compte des spécificités territoriales, sera au coeur de notre action. Le Sénat le sait bien : tous les territoires n'ont pas les mêmes ressources, financières ou autres.

Sur la question de la nature de l'aide, quelques précisions. L'ANCT saura aussi mobiliser sur des financements.

M. Philippe Dallier.  - Bonne nouvelle !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Les projets soutenus par l'ANCT pourront, à la demande du préfet, mobiliser de la DETR, c'est bien naturel. Ai-je été claire ?

M. Philippe Dallier.  - Oui, si un plus un égale deux !

Roger Karoutchi.  - Oui, si vous voulez dire que les crédits de l'ANCT viendront en sus des autres...

M. Hervé Maurey, président de la commission.  - La ministre n'a pas dit ça non plus...

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - L'ANCT interviendra donc en complémentarité, et non en concurrence, avec les ressources techniques et financières des collectivités territoriales. Elle interviendra là où les élus le souhaiteront : l'ANCT fera du cousu main, en partant des volontés locales.

Le préfet Morvan mettra en place une plateforme pour renseigner les élus locaux sur les possibilités d'appui et les outils pouvant être mobilisés. (Marques d'ironie sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Yves Collombat ironise également.)

Ce n'est pas inutile ! Ainsi des maires et présidents d'intercommunalité ne connaissent pas l'existence de l'Epareca... Les parlementaires, eux, connaissent tout, bien sûr.

M. Roger Karoutchi.  - Par principe !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Et les élus peuvent aller sur Internet !

M. Antoine Lefèvre.  - Sauf là où il n'y a pas de couverture !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - J'ai justement soutenu un projet de déploiement dans votre région, monsieur le sénateur de l'Aisne...

Nous sortons donc d'une logique verticale. Les outils financiers et de gouvernance ne manqueront pas d'être débattus dans cet hémicycle.

Le Gouvernement est favorable à l'intégration immédiate du CGET, de l'Epareca et de l'Agence du numérique à l'ANCT. Je sais combien le numérique est une priorité pour votre assemblée.

L'intégration de l'ANRU, de l'Anah, de l'Ademe a aussi été évoquée...

M. Philippe Dallier.  - Très mauvaise idée !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Cela aurait compliqué l'action de l'Agence. Le Gouvernement n'est pas favorable au report d'un an de l'intégration de l'Agence nationale du numérique, ni à la parité entre l'État et les collectivités territoriales dans son agence de direction.

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour les voir prospérer au plus vite, allant jusqu'à les inscrire sur une semaine d'initiative du Gouvernement, cela ne vous aura pas échappé.

Je rappelle que la convocation du CMP reste à la discrétion du Premier ministre ; il se prononcera après la première lecture de l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement a complété et enrichi le texte par des amendements qui, je n'en doute pas, feront consensus.

L'État passe d'un rôle prescripteur à un rôle facilitateur ; c'est dans cette optique qu'il se tient aux côtés des collectivités territoriales.

Certes, il reste des « irritants », comme dit Sébastien Lecornu, mais cette agence est un gage de rationalité au service des porteurs de projets des territoires. Les fonctionnaires de l'État seront fédérés dans leur diversité pour accompagner ces projets.

Hier soir, j'étais dans le département du Nord, après m'être déplacée à Sedan - une ville qui a subi trois outrages : la fermeture de nombreuses usines de métallurgie, le départ du régiment et l'important déclin démographique.

Hier soir, en présence du président de la République, nous avons signé le pacte « Sambre-Avesnois-Thiérache ». Il a ceci d'original qu'il porte sur des territoires à cheval sur le Nord et l'Aisne. Les présidents de ces deux départements, ainsi que le président de la région Hauts-de-France, qui a été le principal interlocuteur de cette négociation avec le préfet de région, étaient présents. Ces territoires sont dans une situation extrêmement difficile, je n'ose même pas vous donner les chiffres du chômage. Tous ceux qui étaient là hier soir n'ont pas manqué de dire combien ils attendaient la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC et RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.) Ce texte attendu fait l'objet d'un oecuménisme politique, sa genèse mouvementée le montre bien. Dès 2017, le président de notre Haute assemblée appelait de ses voeux la création d'une agence de la cohésion des territoires, un voeu que le Président de la République fit ensuite sien. Avant qu'il ne soit repris par Philippe Vigier et ses collègues députés à l'Assemblée nationale. Puis ici même, coup sur coup, par nos collègues Les Républicains, dans la proposition de loi relative à l'équilibre territorial, et par le Gouvernement, au cours de l'examen du projet de loi ELAN. L'Agence nationale de la cohésion des territoires nous revient aujourd'hui par le truchement d'une proposition de loi RDSE. Tout le monde veut sa création mais pour quoi faire ? C'est là que les choses se corsent.

Ce qu'attendent les collectivités, c'est un interlocuteur unique pour les aider à mettre en oeuvre leurs projets d'aménagement et de développement territoriaux. Cette attente est particulièrement forte du côté des territoires ruraux qui réclament à cor et à cri des moyens financiers et humains équitables par rapport aux territoires urbains, la simplification des normes, la possibilité d'expérimenter et que l'on fasse enfin confiance aux élus.

Ce texte répond-il à cette attente ? La question du périmètre de l'Agence est au coeur du débat. C'est la formule du « 3 + 4 » qui a été retenue : intégration de l'Agence du numérique, de l'Epareca et du CGET ; association de l'Ademe, l'ANRU, l'Anah et du Cerema. Pourquoi intégrer les trois premiers et seulement associer les quatre autres ? Ce choix est pragmatique : l'Agence du numérique compte 30 ETP ; le Cerema, 3 000 personnes. Mais pourquoi laisser un petit bout du CGET à côté de l'ANCT ? Pourquoi ne pas le mettre en extinction comme l'Epareca ? Est-il pertinent d'intégrer l'Agence du numérique ? La question est si délicate que notre commission a différé de deux ans le transfert du personnel de l'Agence du numérique à l'ANCT. En réalité, le texte transfère seulement 40 emplois, ceux de l'Epareca, dans le CGET. L'Agence ne sera donc pas un guichet unique ; en revanche, elle améliorera la coordination entre les opérateurs étatiques. Ce qui est déjà un progrès.

Il y a d'autres raisons de soutenir ce texte. L'ANCT comblera les lacunes en ingénierie sur le territoire, ce dont ont vraiment besoin les petites collectivités. De plus, la commission a amélioré la proposition de loi pour intégrer la préoccupation environnementale et affirmer que l'aide aux territoires ruraux sera au coeur de l'action de l'ANCT. Enfin, la proposition de loi organique d'Hervé Maurey garantit que le Parlement conserve un droit de regard sur la gouvernance de l'Agence.

Le groupe UC soutiendra ce texte moins pour ce qu'il propose que pour la dynamique qu'il enclenche. Quant à moi, je fais entièrement confiance à la ministre pour faire de cette agence un outil efficace au service de nos territoires et de nos communes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE, ainsi sur quelques bancs du groupe LeRépublicains)

M. Alain Fouché .  - Qui mieux que le Sénat peut donner naissance à l'Agence nationale de cohésion des territoires ? Il est de notre devoir constitutionnel de proposer aux élus locaux une institution utile et conforme aux attentes des territoires. Si cette proposition de loi ne répond pas à tous les espoirs, elle fait au moins oeuvre de simplification. La dissolution de l'Epareca et le transfert des deux tiers de l'Agence du numérique et du CGET à l'Agence, cela constitue un bon début mais cela aurait pu être plus ambitieux comme le préconisait Serge Morvan. Il faudra simplifier davantage pour tendre vers le guichet unique. En attendant, nous soutenons une coordination renforcée avec I'Ademe, l'ANRU, l'Anah, la Caisse des dépôts et consignations et les ARS. Sans réelle autonomie financière, nous espérons que cette nouvelle agence disposera des moyens financiers nécessaires.

Ce texte est conforme à nos convictions : une autonomie accrue des territoires, de meilleures relations entre l'État et les collectivités, plus de ressources pour les élus. C'est pour cette raison que le groupe Les Indépendants soutiendra cette proposition de loi du RDSE. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, LaREM et RDSE)

Mme Françoise Cartron .  - Je voulais d'abord féliciter Mme Gourault pour sa nomination à la tête d'un grand ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales : vaste programme, qui intéresse particulièrement le Sénat !

Que ce texte, qui traduit un engagement présidentiel, soit d'initiative parlementaire est, à mon sens, un signal positif.

Le succès de l'ANCT, qui commencera à fonctionner dès 2019, dépendra essentiellement du type d'organisation et de gouvernance retenus. Cette agence, cela a été dit, est attendue, en particulier par ceux qui sont le moins richement dotés, mais chacun connaît la méfiance des collectivités à l'égard de tout ce qui vient de l'État. Cette nouvelle structure devra endosser des rôles différents selon les politiques territoriales préexistantes et s'articuler avec les outils d'accompagnement que les départements, pour certains d'entre eux, ont déjà mis en place.

Ces clarifications, territoire par territoire, projet après projet, sont nécessaires. S'il n'y a pas complémentarité, on verra dans la création de cette agence une volonté de recentralisation. À nous de trouver le juste équilibre pour que les élus, en pleine confiance, se tournent vers cette agence pour combler leurs besoins en ingénierie, que l'État ne soit plus perçu comme prescripteur mais comme accompagnateur et facilitateur. Élément rassurant : à l'article 2, garantie est donnée que l'agence n'interviendra qu'après l'accord du conseil municipal.

Le groupe LaREM soutiendra ce texte comme certains des amendements présentés. Il se montrera vigilant sur la manière dont l'Agence mettra en oeuvre ses actions, elles sont indispensables à la redynamisation de territoires qui se sentent aujourd'hui déclassés par rapport aux territoires métropolitains. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Guillaume Gontard .  - Sur la forme, notre groupe communiste républicain citoyen et écologiste regrette le recours à une proposition de loi : pas d'étude d'impact et un avis du Conseil d'État que nous ne devons qu'à la réactivité du président du Sénat. L'engagement de la procédure accélérée le signale, nous avons affaire à un projet de loi déguisé.

M. François Bonhomme.  - Absolument !

M. Guillaume Gontard.  - Sur le fond, tout le monde est d'accord pour dénoncer le manque d'ingénierie, l'égalité républicaine mise à mal. N'oublions pas qu'ils sont le résultat du désengagement de l'État qu'aggraveront CAP 2022 et le recul de l'emploi chez les opérateurs qui rejoindront la future agence dans la prochaine loi de finances. Peut-on faire mieux avec moins ? On peut craindre que l'Agence ne soit qu'un cache-misère. De manière incompréhensible, la question de ses moyens est, en effet, laissée en suspens. Sans moyens, ce ne sera qu'un machin de plus... La baguette magique du retour de l'État au sein des territoires, c'est une politique offensive d'investissement public.

Les modalités retenues pour la création de cette agence ont également de quoi inquiéter. L'ANCT devrait prendre la forme d'un établissement public administratif, avec des emplois publics, signe de son engagement au service de l'intérêt général. Nous refusons la logique de guichet, quasi commerciale, d'une agence qui ferait face à des « clients », les collectivités. Les mots qu'utilise Serge Morvan dans son rapport en disent long. Heureusement, le texte ne va pas aussi loin que le rapport Morvan dans la fusion des opérateurs de l'État ; I'ANRU et l'Anah, en particulier, sont écartées. En revanche, alors que le CGET est intégré dans l'Agence, il n'est fait aucune mention de la politique de la ville dans ses missions. Pourquoi ce trou noir ? Qui s'occupera demain de la ville ? Nous proposerons de remédier à cette lacune. Du reste, faut-il confier l'ensemble de la politique de cohésion des territoires à une agence ? Sa création ne doit pas s'accompagner d'une déresponsabilisation de l'État ou d'une multiplication des partenariats publics-privés comme le permet sa possible filialisation.

Enfin, la création de cette agence témoigne d'une vision très verticale du pouvoir. Elle n'est en réalité qu'une déconcentration renforcée autour d'un préfet de département omnipotent, devenu le seul interlocuteur des élus locaux. Nous proposerons de rendre majoritaire la représentation des collectivités au sein du conseil d'administration de l'Agence où la parité femme-homme a été retenue, par le rapporteur, à notre initiative.

Les mots ont leur importance. Il est fait peu de cas dans ce texte et dans le rapport Morvan des habitants, des élus, des associations qui agissent au quotidien pour rendre nos territoires vivants, innovants et vertueux. Le mot de cohésion a pris la place de ceux d'égalité ou d'équité des territoires, nous le regrettons. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jean-Michel Houllegatte .  - La création de cette ANCT correspond à une attente forte des territoires fragiles et le groupe socialiste la soutiendra.

Le président de la République a annoncé la création d'une agence lors de la première conférence nationale des territoires en juillet 2017, confirmée quelques mois plus tard par le Premier ministre à Cahors. Une mission de préfiguration a été confiée à Serge Morvan. Parallèlement, la majorité sénatoriale proposait sa création dès l'examen de la proposition de loi relative à l'équilibre territorial, ce que nous jugions prématuré avant la remise du rapport Morvan. Même refus à sa création par ordonnance, demandée par le Gouvernement, durant la discussion de la loi ELAN.

On peut légitimement être surpris que le Gouvernement n'ait pas jugé bon de déposer lui-même un texte. Un projet de loi aurait été accompagné d'une étude d'impact et d'un avis du Conseil d'État, le Conseil d'évaluation des normes et les associations d'élus auraient été consultés. La méthode retenue laisse perplexe.

Les élus locaux ont besoin d'un interlocuteur unique qui apporte des solutions opérationnelles à leurs problèmes. Ceux des petites villes et des territoires ruraux n'ont pas toujours les outils pour capter les appels à projets nationaux et dialoguer avec l'État. La multiplicité de l'offre contractuelle et des acteurs ne leur facilitent pas les choses. L'État doit jouer un rôle de coordinateur ou de facilitateur.

Serge Morvan, dans son rapport, fait des préconisations particulièrement pertinentes : partir des projets territoriaux, des demandes des élus locaux avec un contrat unique de cohésion territoriale, un dossier de financement unique et la constitution d'équipe d'appui pluridisciplinaire. C'est inviter à une transformation nette de la relation entre l'État et les collectivités territoriales. Malheureusement, l'ANCT s'apparente plutôt à une réorganisation de type RGPP, une fusion d'opérateurs à des fins d'économie. D'ailleurs, on peut lire, dans l'exposé des motifs, que le directeur général de l'ANCT devra présenter sous dix-huit mois un schéma de mutualisation des fonctions support de tout ou partie des opérateurs fusionnés.

Certes, le préfet de département sera un interlocuteur unique mais comment s'articuleront les relations entre l'État, l'Agence et les territoires ? Les prestations de l'Agence seront-elles facturées aux collectivités territoriales ? Nous avons obtenu qu'à terme, l'Agence dispose de fonds propres ; pour l'heure, ils sont réduits à ceux des opérateurs fusionnés et de la Caisse des dépôts - qui, c'est le risque, devra peut-être, pour assumer ces nouvelles missions, en abandonner d'anciennes.

Le groupe socialiste proposera, par des amendements, de souligner le rôle de facilitateur que doit jouer l'État, de positionner l'Agence comme coordinatrice d'outils nationaux au service des territoires, d'en faire une structure souple à la gouvernance véritablement équilibrée, de revoir la fusion des opérateurs, de prévoir un dispositif renforcé au profit des territoires les plus en difficulté et, enfin, de prévoir sa saisine par toutes les collectivités. Nous voulons aussi aller plus loin sur deux avancées obtenues en commission : un conseil d'administration composé à parts égales de représentants de l'État et des collectivités territoriales, des comités de la cohésion territoriale au niveau départemental.

L'Agence ne doit pas être au service du préfet dans une logique descendante mais, bien au contraire, au service des collectivités dans une logique ascendante. Cette proposition de loi est l'occasion de restaurer la confiance entre l'État et les collectivités, une occasion à ne pas manquer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Éric Gold .  - Animé par la volonté de représenter tous les territoires et d'être le porte-voix des élus locaux, le RDSE a souhaité porter cette proposition de loi.

Face à la multiplicité des opérateurs, la complexité des procédures, les élus ont souhaité une meilleure visibilité de l'ingénierie de projet. Ce texte permet la création d'un guichet unique au service des élus locaux, rendant la décentralisation effective.

Les territoires fragiles attendent des conseils et des moyens. Ainsi, les actions coeur de ville sont complexes et transversales ; l'absence d'interlocuteur unique freine leur réalisation. Les élus locaux demandent un choc de simplification. Devant la Conférence nationale des territoires puis le Congrès des maires, le président de la République s'est dit conscient du déclassement vécu par les villes moyennes et les territoires ruraux. L'ANCT répondra à « la promesse républicaine de l'égalité », pour reprendre les mots de M. Requier.

Apaisons les inquiétudes. L'Agence ne concurrencera pas les agences locales d'ingénierie, elle n'a pas vocation à se substituer aux structures bien établies, elle ne créera pas de charges supplémentaires pour les collectivités territoriales - tel est le sens de notre amendement à l'article 6.

Grâce à la fusion du CGET, de l'Epareca et de l'Agence du numérique, elle optimisera les coûts de fonctionnement et sera plus efficace. Faisons mieux et plus vite, grâce à une meilleure coordination. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement qui supprime les comités de cohésion territoriale dans les départements, inutiles et chronophages ; c'est la garantie, pour les élus locaux, que nous optimisons les financements.

L'ANCT, dans sa gouvernance, doit laisser plus de place aux collectivités territoriales, elle leur doit son existence. Nous vous proposerons que l'outre-mer y soit spécifiquement représenté. De même, la Caisse des dépôts et consignations, qui est l'un de ses financeurs, doit y siéger.

Autre point essentiel, l'intégration de l'Agence du numérique. Le plan très haut débit (THD) doit être achevé en 2022. Comme l'a souligné le Conseil d'État, ne reportons pas l'intégration de l'Agence du numérique dans l'ANCT ; cela déstabiliserait complètement l'édifice. Le très haut débit est au coeur des projets des territoires. La fusion CGET, de l'Epareca et de l'Agence du numérique doit avoir lieu dès 2020.

Faisons de l'égalité des territoires une réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Gérard Cornu .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'ANCT finira par voir le jour, ce qui nous fera oublier l'épisode de sa tentative de création par amendement.

Le 2 octobre dernier, cette proposition de loi a été déposée par le groupe RDSE avec l'aval du Gouvernement. Elle a fait l'objet d'une procédure accélérée.

Le président de la République avait annoncé cette agence devant les élus locaux le 17 juillet 2017, devant le Congrès des maires de France le 24 novembre 2017 en même temps qu'il annonçait la suppression progressive de la taxe d'habitation.

Le Gouvernement souhaite un guichet unique. L'aménagement du territoire ne peut être efficace que s'il est transversal. Mais où sont les ponts prévus entre les ministères de la cohésion des territoires et de la santé pour traiter des déserts médicaux ? La commission des affaires sociales reviendra à la charge lors du prochain projet de loi de financement. (M. Hervé Maurey, président de la commission, approuve.)

Au-delà de la réduction sensible des dotations aux collectivités territoriales, qui a mis le feu aux poudres, il faut entendre l'impatience des élus : il y a trop d'interlocuteurs, de blocages, de délais. L'ANCT simplifiera et rendra les dispositifs plus efficaces grâce à l'intervention des préfets, ce qui est une bonne chose.

L'Agence « dans le respect du principe de déconcentration contribuera à simplifier les relations entre les porteurs de projets locaux et l'État ». Elle accompagne les collectivités territoriales ayant de faibles moyens d'ingénierie. Vaste programme...

Elle fluidifiera les relations entre l'État et les collectivités territoriales. Je salue l'excellent travail du rapporteur. Il a fait entendre la voix des élus locaux. Seuls seront intégrés dans l'ANCT le CGET, l'Epareca et l'Agence nationale du numérique. L'Ademe, l'Anah, l'ANRU et le Cerema devront seulement signer des conventions avec elle. Il s'agit principalement d'un problème social, comme le rappelait la ministre madame Gourault. Dommage, l'on aurait pu engager une véritable rationalisation administrative ; cela aurait été la traduction de la réforme de l'État dont on entend beaucoup parler sans en voir les résultats.

Initialement, il était prévu que les élus locaux jouent « un rôle dans la gouvernance de l'Agence », négocié. La commission a fixé que le nombre de représentants des collectivités territoriales au conseil d'administration devrait égaler ceux de l'État. C'est la moindre des choses ! (M. Charles Revet approuve.) Or la ministre Gourault vient de nous déclarer qu'elle n'y était pas favorable...

Le rapporteur craint d'insuffisants financements ; ils ne devront pas être distribués au détriment des collectivités territoriales. Attention au jeu de dupes.

Valorisons les beaux projets innovants des collectivités territoriales en matière de lutte contre le réchauffement climatique, d'alimentation saine et durable, la reconquête de la biodiversité, la création de nouveaux espaces de vie commune.

Reste que le succès de l'installation de cette agence dépendra beaucoup de l'identité de son dirigeant, de son parcours, de son charisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. Jean-Claude Luche .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) De nombreux territoires se sentent délaissés, des services disparaissent, malgré le combat des élus locaux. Qui contacter pour avoir un très haut débit correct ?

La proposition de loi regroupe certains organismes pour mieux coordonner les projets. Je m'en félicite, même si je conserve quelques inquiétudes. Le lien avec les territoires est indispensable pour que l'Agence soit efficace. Son siège se trouvera une fois de plus à Paris ; les élus locaux doivent au moins représenter la moitié des membres du conseil d'administration.

Le préfet est censé être le référent unique de l'Agence. Dans un contexte de réduction des effectifs, y compris dans les préfectures, pourront-elles faire face à cette nouvelle tâche ?

M. Jean-Jacques Lozach.  - Bonne question !

M. Jean-Claude Luche.  - Disposeront-elles de moyens supplémentaires ? À quelles conditions l'ANCT proposera-t-elle ses services ? L'Agence conclura-t-elle des contrats avec les collectivités territoriales, signés par les préfets ? Ses prestations seront-elles gratuites ? Une commune pourra-t-elle toujours saisir directement l'Anah ou l'ANRU ? Si tel est le cas, à quoi servira l'ANCT ?

L'Agence doit trouver une bonne articulation avec les schémas régionaux et départementaux. Dans l'Aveyron, j'ai créé une structure d'appui à l'ingénierie territoriale.

Enfin, il reste la question des financements de l'Agence et des moyens alloués à ses actions. La ponction de la dotation d'équipements des territoires ruraux ne doit pas être la contrepartie pour bénéficier des services de l'Agence.

L'Agence devra répondre à des attentes très fortes, qu'elles ne soient pas déçues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur le banc de la commission)

M. Joël Guerriau .  - La création de l'ANCT a été évoquée à plusieurs reprises par l'AMF et les groupes politiques. Si l'intention est bonne, son processus doit être parfaitement défini pour réussir son insertion durable dans le paysage de la politique territoriale. Sans cela, on ne fera qu'augmenter le millefeuille administratif.

Les Indépendants sont favorables à tout ce qui peut renforcer la cohésion entre les territoires. L'Agence devra réduire les multiples fractures -  économique, sociale, numérique - qui touchent nos territoires et améliorer la vie des citoyens sans ajouter une couche de complexité bureaucratique. Le périmètre de son action ne doit pas être trop large ; qui trop embrasse mal étreint.

Question essentielle, la représentation des élus en son sein. Comment les élus locaux y participeront-ils ? Comment y seront-ils désignés ? Ils doivent être le plus nombreux possible et contribuer aux choix stratégiques. Nous soutenons l'instauration de comités départementaux.

Si le préfet devient le correspondant unique des élus, quels seront les moyens complémentaires mis à sa disposition pour organiser, sur le terrain, au quotidien, le soutien promis aux territoires ? Comment se feront l'accès, la lisibilité et le contrôle de l'action de cette nouvelle agence ?

Madame la ministre, suivez la voie tracée par le Sénat, ne créez pas une nouvelle usine à gaz. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Deux remarques : la France n'est pas un bloc monolithique qui se gouverne depuis Paris ; il faut respecter l'équilibre de la diversité de ses territoires.

L'enjeu principal est notre capacité à concilier diversité des territoires et réduction des inégalités. Nous devons nous mobiliser, élus locaux, parlementaires, État, pour bâtir une cohésion durable des territoires. Tout cela doit se traduire sur le terrain. L'ANCT est un élément essentiel.

La proposition de loi concrétise la politique d'aménagement du territoire du Gouvernement. Selon le président de la République, elle fournira un appui en ingénierie publique, sera un guichet unique au service des collectivités territoriales. À cette aune, la création de l'Agence est légitime, si ce n'est pas un grand machin de plus.

Les élus locaux demandent plus de coordination et de simplification. Cette agence devra être réellement au service des collectivités territoriales, notamment des communes rurales qui se sentent de plus en plus dépossédées.

Le texte présente des avancées, comme le guichet unique pour les collectivités territoriales, mais ne répond pas aux espoirs soulevés par la mission de préfiguration. L'imprécision demeure sur la gouvernance et le format de l'Agence. C'est pourquoi nous avons souhaité renforcer le poids des élus en instaurant une parité au conseil d'administration entre représentants des élus et de l'État. Le lien entre parlementaires, élus locaux et État est indispensable au bon fonctionnement de la démocratie représentative au service des territoires.

L'Agence pourra redonner des leviers d'action locale aux parlementaires, après la suppression de la réserve parlementaire qui les a éloignés des territoires.

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - C'est vrai !

M. Guillaume Chevrollier.  - Nous avons aussi précisé les zones d'intervention de l'Agence en ciblant les territoires les plus fragiles et prévu une période transitoire pour le transfert de l'Agence du numérique.

Chacun connait les problèmes de téléphonie, de coupure de courant dans nos territoires ruraux : une commune de mon département a été privée de courant pendant plusieurs jours ! En pareil cas, les élus locaux veulent un interlocuteur de l'État prêt à agir immédiatement.

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Et efficacement !

M. Guillaume Chevrollier.  - Monsieur le ministre, les attentes sont grandes. Évitons de créer une énième coquille vide ; le Gouvernement devra être vigilant sur les ressources de l'Agence, la rationalisation de l'intervention de l'État et la place donnée aux élus, locaux et nationaux, dans la gouvernance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Alain Fouché applaudissent également.)

La discussion générale commune est close.

Discussion des articles de la proposition de loi

ARTICLE PREMIER

M. Pierre-Yves Collombat .  - En juillet 2017, Emmanuel Macron annonçait la création d'une agence de la cohésion des territoires. Cette proposition de loi vient en débat dix jours avant le Congrès des maires - heureuse coïncidence, et nouvelle illustration de la séparation des pouvoirs !

Mode de gouvernance néo-libérale d'inspiration britannique, les agences - comme les autorités administratives indépendantes (AAI) qualifiées par Jacques Mézard d'État dans l'État - sont à la mode. Un rapport de l'IGF dénombrait 1 244 organismes de ce type en 2012. Effectifs et dépenses n'ont fait que croitre ; ce pilotage de l'État conduit à bureaucratiser l'exercice de la tutelle. Leur multiplication ne résulte pas d'une stratégie globale mais de décisions prises au gré des opportunités, écrit encore l'IGF. Toute ressemblance avec l'ANCT n'est pas fortuite.

Pour répondre au mécontentement des élus, on préfère créer une énième agence plutôt que donner à l'administration territoriale les moyens de ses missions. Si le résultat est le même que celui des réformes stupides menées depuis 2010, on a du souci à se faire...

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Ce n'est pas faux !

Mme Angèle Préville .  - Le principe d'égalité entre les territoires, fondement de notre République, peine à se concrétiser dans certains territoires fragiles. L'un des déterminants les plus marquants de la cohésion territoriale est la présence de services publics ou de services au public. Dans ces conditions, l'ANCT a vocation à s'installer dans une ville moyenne - comme le proposait un de nos amendements, déclaré irrecevable. Pourquoi ne pas l'installer à Cahors, là où Édouard Philippe s'enorgueillissait, le 14 décembre 2017, de mettre en place une nouvelle grammaire des relations entre l'État et les collectivités territoriales ? N'est-ce pas la ville de Clément Marot, créateur de la règle d'accord du participe passé ?

M. Patrice Joly .  - Le besoin d'ingénierie des territoires ruraux, confrontés au désengagement de l'État, est criant ; c'est pourquoi l'ANCT est une initiative heureuse. Mais il faudra prendre en compte l'apport du savoir-faire citoyen à l'ingénierie territoriale.

Il y a deux conceptions de l'aménagement du territoire : l'une verticale, l'autre collective. Le développement local concilie ces approches dans une démarche participative au service de projets intégrés. L'ingénierie d'aujourd'hui doit être collaborative, coopérative, faire émerger des projets territoriaux robustes. Elle doit faciliter la rencontre, la médiation, l'intermédiation entre élus, entreprises et citoyens. Il ne s'agit pas de bureaucratiser mais au contraire de promouvoir une approche décentralisée et partenariale.

M. Laurent Duplomb .  - Je suis dubitatif. Si nous en sommes réduits à réfléchir à la cohésion des territoires, c'est que tout a été fait pour vider ceux-ci de leur substance. On a fait 10,5 milliards d'économies budgétaires sur les collectivités territoriales, sur les 11 prévus en loi de finances, pendant que l'État faisait... 4 milliards d'économies, sur les 20 milliards annoncés !

Aujourd'hui, on veut fusionner les communes pour les aider. Mais pour les aider, il faut arrêter de leur faire les poches ! Je le rappelle, les dotations ne sont pas une subvention mais la compensation de compétences transférées. Pour redonner confiance aux élus, laissons-leur les moyens d'agir librement.

Maires et conseillers municipaux sont les seuls vrais élus du peuple. Avec la suppression de la taxe d'habitation, on enlève encore un lien avec la population. Commençons par redonner du pouvoir aux élus communaux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Très bien.

M. Bernard Delcros .  - Les élus savent identifier les besoins mais se heurtent à des procédures complexes, à la difficulté de fédérer les acteurs. Cette agence, que nous appelions de nos voeux, offre une possibilité d'accompagnement aux territoires, sans obligation. La mutualisation du CGET, de l'Epareca et de l'Agence nationale du numérique est bienvenue.

Enfin, il est indispensable de faire intervenir l'ANCT à l'échelon départemental et non régional ; elle devra s'adapter aux réalités du terrain et accompagner prioritairement les territoires les plus fragiles.

Nous attendons aussi que l'État appuie l'ingénierie en interne dans les collectivités. Enfin, revenons aux contrats pluriannuels qui donnent de la visibilité, et dédions des crédits à la ruralité !

Mme Cécile Cukierman .  - La création de cette agence vient après le gel puis la baisse des dotations, après la loi Maptam et la loi NOTRe, que vous êtes nombreux ici à avoir votées. Lorsque nous défendions le département, on nous traitait de ringards...

À force de détricoter la République, de prétendre défendre la décentralisation tout en la mettant à mal, on en vient à créer cette agence dont l'efficacité dépendra de ses moyens humains et financiers.

Notre groupe défendra des amendements pour améliorer le texte, mais n'oublions pas pourquoi nous en sommes arrivés là !

M. Jean-Jacques Lozach .  - Cette ANCT était attendue pour répondre à un besoin de simplification administrative et de gestion efficace des dossiers locaux. Elle sera jugée à l'aune de sa capacité à faire avancer rapidement les projets de territoire.

Elle ne fonctionnera qu'adossée à une synergie entre État et collectivités territoriales. En juillet 2017, le président de la République avait déclaré que cette agence serait créée « en lien avec les régions ». Ce lien semble avoir disparu... Les régions sont pourtant compétentes en matière d'aménagement du territoire.

Ne donnons pas d'ambitions démesurées à cette agence, qui est avant tout un élément d'animation territoriale. Mme la ministre s'est montrée sévère sur le fonctionnement actuel des préfectures et des services déconcentrés de l'État. Je croyais que c'était déjà le rôle du préfet de mobiliser les financements pour faire avancer les projets locaux... Le SGAR semble avoir disparu de la discussion. Il joue pourtant un rôle majeur pour la mobilisation des fonds européens. Enfin, j'espère que cette Agence jouera un vrai rôle de péréquation.

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Dans mon territoire, il y a un agent de l'État qui oeuvre au quotidien à la cohésion, qui connait tous les acteurs, qui accompagne les projets : le sous-préfet. Nous savons bien que c'est le premier interlocuteur des porteurs de projet ! Quelle sera la plus-value de cette nouvelle agence en matière de proximité et de réactivité ? (Mme Sophie Primas, MMLaurent Duplomb et Laurent Lafon applaudissent.)

M. Jean-Marie Mizzon .  - L'État s'emploie à renouer le dialogue avec les collectivités territoriales... (M. Laurent Duplomb s'exclame.) mais j'ai le sentiment qu'on prépare l'avenir avec des solutions du passé. Les communes ont besoin d'aide réelle ; on leur répond, depuis Paris, en créant une structure de plus, une usine à gaz... et au prix du gaz en ce moment, il n'y a pas de quoi être optimiste.

Sans présence territoriale, quelle sera la valeur ajoutée pour les porteurs de projet ? Comment peut-on être efficace en s'adressant au préfet ? (MM. Laurent Duplomb, Jean-Marc Boyer et Claude Kern applaudissent.)

M. Jean-Marc Boyer .  - Je n'ai pas retrouvé, dans les propos de la ministre, les objectifs annoncés en commission. Beaucoup de départements, pour compenser la carence des services de l'État, ont mis en place leurs propres services d'ingénierie, financés par les communes. Comment l'ANCT s'articulera-t-elle avec ces services ?

La DETR est aujourd'hui attribuée par des commissions présidées par le préfet. La DETR conservera-t-elle ses moyens et ses prérogatives ?

Enfin, comment les parlementaires seront-ils représentés dans l'ANCT ? Dans la commission de la DETR, ils n'ont plus aucun rôle. Il faut trouver une solution plus démocratique. (Mme Sophie Primas et M. Laurent Duplomb applaudissent.)

M. René-Paul Savary .  - Sans nostalgie, je me souviens de l'époque du cumul entre mandat national et mandat local. Quand la volonté était là, nous trouvions toujours des solutions, dans le bureau du préfet, du président de conseil général ou du maire de la grande ville.

Aujourd'hui, les élus n'ont plus confiance dans la politique menée par le Gouvernement. C'est cette confiance qu'il faut retrouver.

Il faut aussi des moyens, surtout au plan local. Donnons-nous les moyens de nos ambitions en matière d'aménagement du territoire ! L'ANCT doit donc être déclinée au plan local : c'est là que les choses doivent se passer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Laurent Duplomb.  - Bravo.

M. Michel Vaspart .  - Combien y a-t-il d'agences en France ? Leur nombre est considérable et nous n'avons aucune évaluation de leur fonctionnement. Il y a aussi une quarantaine d'AAI. La commission d'enquête du Sénat proposait d'en fermer vingt. Sans suite...

Nous avons toutes les structures nécessaires à la gestion des territoires de la République, à condition de les faire fonctionner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Mathieu Darnaud .  - Pour que cette agence fonctionne, elle ne doit pas être un machin de plus mais donner pouvoir et gouvernance aux élus des territoires, qui connaissent les problématiques. Je suis inquiet lorsque la ministre parle de concertation pour identifier les outils, de plateformes... Tout cela, les élus le connaissent par coeur ! (M. Laurent Duplomb renchérit.)

Le nerf de la guerre, c'est les moyens. Si l'ANCT est un cache-misère, on va dans le mur à 200 kilomètres heure, en klaxonnant ! S'il s'agit de fédérer intelligemment ce qui existe, je dis : chiche. Mais il faudra accompagnement et évaluation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Ronan Dantec .  - Si les politiques d'aménagement du territoire parvenaient à résorber les fractures territoriales, cela se saurait ! (M. Pierre-Yves Collombat approuve.)

Le texte regroupe trois agences. C'est un bon point. Dans toute création, il y a un pari...

L'État, dont la faiblesse de la doctrine nous a étonnés, a besoin de mieux comprendre ce qui se passe dans les territoires. Le fonctionnement de l'Agence ne sera pas que descendant : par un soutien concret à l'ingénierie, l'État va pouvoir se nourrir de cas concrets. Je défendrai un amendement sur la reproductibilité des projets.

Il faudra renforcer la place des régions, qui sont compétentes en matière d'aménagement du territoire, et cibler les territoires les plus fragiles. Alors l'Agence fera oeuvre utile et jettera les bases d'une nouvelle politique des territoires.

M. Franck Montaugé .  - Ce qui fait les territoires, ce sont les entreprises - qu'elles y restent, s'y installent ou en partent. Je m'étonne que cet aspect n'ait pas été davantage évoqué. D'où l'importance du rôle des régions. Dans un contexte de métropolisation à outrance, nous devons donner une place aux territoires non métropolitains. Sans volonté politique de compenser la métropolisation au bénéfice des autres territoires, nous n'arriverons à rien, avec ou sans agences ! (Mme Cécile Cukiermann s'exclame.) Si nous laissons de côté les régions, qui ont pourtant été créées pour booster l'économie, je crains qu'on ne passe à côté de l'essentiel.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales .  - Je parle comme membre du Gouvernement mais aussi comme ancien président du conseil départemental de l'Eure et ancien maire. L'offre d'ingénierie existe dans les territoires, même si elle est insuffisante. La loi NOTRe - que j'ai toujours combattue - a abîmé l'ingénierie que les conseils départementaux proposaient aux communes ou aux syndicats. J'ai d'ailleurs demandé aux préfets de me faire remonter les « irritants », les difficultés liées à l'application de la loi NOTRe. Les conseils régionaux ne se sont pas substitués aux conseils départementaux dans leurs missions d'ingénierie, surtout dans les territoires ruraux.

Va-t-on recentraliser l'ingénierie locale ? Non, au contraire ! Les communes rurales ont elles aussi besoin de monter des projets concrets. Quand l'offre d'ingénierie existe déjà, au niveau départemental ou intercommunal - j'avais ainsi ouvert les services support de ma ville de Vernon aux communes rurales de l'agglomération - elle n'est pas remise en cause. (M. Laurent Duplomb s'exclame.) Ne lisez pas dans ce texte des choses qui n'y figurent pas !

L'ingénierie de l'État s'est dégradée depuis quarante ans. Je ne m'en sens pas responsable...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Nous, encore moins !

Mme Cécile Cukierman.  - Vous n'êtes jamais responsable !

M. Sébastien Lecornu, ministre.  - J'ai 32 ans, vous regarderez ma fiche Wikipédia. Vous n'allez pas me reprocher ce qui a été fait avant !

Cette ingénierie de l'État doit être rationalisée car elle est éclatée entre plusieurs opérateurs, dont certains ne sont pas vraiment au contact des territoires - je pense à l'Ademe. Je préfère le modèle de l'Anah, où le délégué territorial est le préfet, bien connu des élus.

L'ANCT ne sera pas une AAI mais un établissement public, sous la tutelle d'un ministre, lui-même responsable devant le Parlement, qui à son tour en votera les crédits.

La plus grande présence territoriale de l'État reste le corps préfectoral ; le rôle du préfet doit être rationalisé. Les SGAR n'ont pas disparu mais travaillent auprès du préfet de région, dont le rôle de coordination a été renforcé. Il y a aussi, depuis Napoléon, les préfets de département et les sous-préfets. À Avesnes-sur-Helpe, c'est le sous-préfet qui apporte l'ingénierie pour le contrat de transition écologique que j'ai signé hier avec les élus du territoire. Ce Gouvernement n'entend pas fermer de sous-préfecture. Je veux bien que vous critiquiez ce qui figure dans le texte, mais pas ce qui n'y est pas !

Les parlementaires seront en tout état de cause davantage associés avec l'ANCT qu'ils ne le sont actuellement avec les agences existantes. À vous de juger s'il faut aller plus loin.

Les crédits 2019 de la mission « Collectivités territoriales », c'est 2 milliards d'euros pour la DGE des départements - jamais on n'a consacré autant d'argent à l'investissement local ! (M. Laurent Duplomb s'exclame.) Et nous mettons fin à la baisse de la DGF.

Ces crédits ne seront pas absorbés par l'ANCT, comme certains semblent le craindre. Au contraire, l'Agence sera là pour aider les maires des communes rurales à déposer les demandes de DSIL, de crédits européens ou du FNADT. Ils n'auront plus à se tourner vers leur sénateur pour faire avancer le dossier !

Ce texte est-il suffisant ? C'est le vrai débat. Je le dis librement, parce que c'est une proposition de loi, parce qu'avec Mme Gourault, nous venons de prendre nos nouvelles fonctions. Nous examinerons vos amendements avec bienveillance car ce texte, à mes yeux, est un point de départ ; la discussion parlementaire, et tout particulièrement au Sénat, devrait permettre de l'améliorer, avec pragmatisme.

Oui, il s'agit de renouer le fil avec les élus : personne ne veut d'un fossé entre l'État et les collectivités territoriales. (M. Laurent Duplomb et M. Pierre-Yves Collombat s'exclament.) Nous avons une responsabilité collective : parlementaire, on défend la Nation tout entière, les collectivités territoriales et l'État ! (Applaudissements sur le banc de la commission)

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

La séance est suspendue à 13 h 20.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

La séance reprend à 15 heures.