Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et du projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.

Discussion des articles du projet de loi (Suite)

ARTICLE 40

Mme la présidente.  - Amendement n°157, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 1 à 18

Supprimer ces alinéas.

M. Jacques Bigot.  - Cet article prouve, une fois de plus, qu'on essaie de réduire le temps de travail des juges. Le recours au juge unique existe depuis de nombreuses années, en matière civile notamment ; là, il s'agit de le généraliser en correctionnelle.

La disparition de la collégialité pose une véritable difficulté ; quand le délit est grave, le débat entre les trois magistrats sur la peine à prononcer est particulièrement utile. Si vous voulez, madame la garde des sceaux, recruter davantage, comme vous l'avez annoncé à l'article premier, pourquoi supprime la collégialité là où elle était déjà résiduelle ?

Mme la présidente.  - Amendement n°176, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par vingt-cinq alinéas ainsi rédigés :

« 1° Les délits ci-après mentionnés, prévus par les articles suivants du code pénal :

«  -  les violences prévues par les articles 222-11, 222-12 et 222-13 ;

«  -  les appels téléphoniques malveillants prévus par l'article 222-16 ;

«  -  les menaces prévues par les articles 222-17 à 222-18-3 ;

«  -  les atteintes involontaires à l'intégrité de la personne prévues par les articles 222-19-1, 222-19-2, 222-20-1 et 222-20-2 ;

«  -  l'exhibition sexuelle prévue par l'article 222-32 ;

«  -  la cession ou l'offre illicite de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle prévu par l'article 222-39 ;

«  -  le délit de risques causés à autrui prévu par l'article 223-1 ;

«  -  les atteintes à la vie privée et à la représentation de la personne prévues par les articles 226-1 à 226-2-1, 226-4 à 226-4-2 et 226-8 ;

«  -  les abandons de famille, les violations des ordonnances prises par le juge aux affaires familiales en cas de violences et les atteintes à l'exercice de l'autorité parentale prévus par les articles 227-3 à 227-11 ;

«  -  le vol, la filouterie, et le détournement de gage ou d'objet saisi prévus par les articles 311-3 et 311-4, 313-5, 314-5 et 314-6 ;

«  -  le recel prévu par l'article 321-1 ;

«  -  les destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes ainsi que les menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration et les fausses alertes prévues par les articles prévus par les articles 322-1 à 322-4-1, 322-12 à 322-14 ;

«  -  l'intrusion dans un établissement d'enseignement scolaire prévu par les articles 431-22 à 431-25 ;

«  -  les menaces et actes d'intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique prévus par l'article 433-3 ;

«  -  les outrages et rébellions prévus par les articles 433-5 à 433-10 ;

«  -  l'opposition à exécution de travaux publics prévue par l'article 433-11 ;

«  -  les usurpations de fonctions, de signes, de titres et le délit d'usage irrégulier de qualité prévus par les articles 433-12 à 433-18 ;

«  -  les atteintes à l'état civil des personnes prévues par les articles 433-18-1 à 433-21-1 ;

«  -  le délit de fuite prévu par l'article 434-10 ;

«  -  le délit de prise du nom d'un tiers prévu par l'article 434-23 ;

«  -  les atteintes au respect dû à la justice prévues par les articles 434-24 à 434-26, 434-35 à 434-35-1, 434-38 à 434-43-1 ;

«  -  les faux prévus par les articles 441-1 à 441-3, 441-5, 441-6 à 441-8 ;

«  -  la vente à la sauvette prévue par les articles 446-1 et 446-2 ;

«  -  les sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux prévus par les articles 521-1 et 521-2 ; »

II.  -  Alinéa 21

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II.  -  La procédure simplifiée de l'ordonnance pénale est applicable aux délits visés à l'article 398-1 du code de procédure pénale, à l'exception des délits d'atteintes volontaires et involontaires à l'intégrité des personnes. »

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement rétablit la liste des infractions relevant de la compétence du juge unique. Votre commission a étendu cette compétence à la totalité des délits punis de cinq ans d'emprisonnement autres que les agressions sexuelles, cela me semble excessif. Cela reviendrait à confier au juge unique certains délits dont la nature, la complexité ou la gravité exigent qu'ils soient jugés par une formation collégiale. Je pense aux homicides involontaires causés par un conducteur, ou à la suite d'un accident du travail ou d'un scandale sanitaire, des atteintes sexuelles sur mineur de 15-18 ans par personne ayant autorité, de la provocation au suicide, des détournements et escroqueries, y compris ceux présentant une particulière complexité et relevant de la compétence des pôles spécialisés, des séquestrations suivies d'une libération avant sept jours, de certaines atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, voire de l'apologie des actes de terrorisme. La solution retenue par le Sénat confierait à un juge unique le procès de la catastrophe de Furiani, celui du sang contaminé ou celui de l'amiante.

Sauf à prévoir une liste d'exceptions particulièrement longue, il est logique d'énumérer de façon précise les délits relevant de la compétence du juge unique.

Par cohérence, cet amendement rétablit le champ de l'ordonnance pénale par référence à la liste prévue pour le juge unique.

Contrairement à ce qu'a affirmé M. Bigot, nous procédons à une réécriture et une très faible extension du champ d'exercice du juge unique. Cela concerne 154 400 cas actuellement ; ce nombre s'élèverait à 158 000 avec notre texte et 181 000 avec le texte de la commission des lois.

Mme la présidente.  - Amendement n°158, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 19 à 22

Supprimer ces alinéas.

M. Jacques Bigot.  - Le recours à l'ordonnance pénale est étendu de manière exagérée à cet article. Rappelons que cette procédure permet de condamner une personne sans qu'elle ait été auditionnée, sans qu'elle ait pu s'expliquer.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Rejet de l'amendement n°157. La commission des lois est favorable, comme elle l'était lors de l'examen de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale en janvier 2017, à l'extension de la compétence du juge unique en première instance, mais non en appel, pour tous les délits passibles d'une peine inférieure ou égale à cinq ans, à l'exception des délits d'agression sexuelle.

Avis également défavorable à l'amendement n°176 : la commission, suivant la position qu'elle avait prise sur le texte de janvier 2017, souhaite une extension de l'ordonnance pénale à tous les délits passibles d'une peine inférieure à cinq ans, à l'exception des délits d'atteintes à la personne.

Même avis sur l'amendement n°158 pour les mêmes raisons.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. L'extension du recours à l'ordonnance pénale est directement liée à celle de la compétence du juge unique, l'objectif est d'offrir une plus grande diversité de réponses pénales.

L'amendement n°157 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos176 et 158.

Mme la présidente.  - Amendement n°159, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 23

Supprimer cet alinéa.

M. Jacques Bigot.  - Je ne me fais pas d'illusion sur le sort qui sera fait à cet amendement... Il est défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait. Les garanties apportées suffisent pour que les décisions soient rendues dans des conditions respectueuses des droits de la défense.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Retrait, sinon rejet.

M. Jacques Bigot.  - « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux ». Je maintiens mon amendement.

L'amendement n°159 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°349, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 24

Après les mots :

également portée à

insérer le mot :

la

L'amendement rédactionnel n°349, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Jacques Bigot.  - Le groupe socialiste ne votera pas l'article 40 qui n'assure pas suffisamment les droits de la défense. Là où il y avait de la collégialité, il y aura un juge unique ; là où il y avait débat, il y aura une ordonnance pénale. Une justice rapide peut se traduire par une justice expéditive ; ne renonçons pas à nos principes et à nos valeurs pour des raisons purement gestionnaires.

M. Marc Laménie.  - Je voterai naturellement cet article, compte tenu des explications qu'a apporté le rapporteur de la commission des lois, tout en insistant sur les moyens humains et financiers dont a besoin la justice pour fonctionner.

Le Gouvernement nous a proposé une liste des délits qu'il voulait soumettre à la compétence du juge unique. Dans cette liste, phénoménalement longue, un délit a attiré mon attention : celui des intrusions et des dégradations dans les établissements scolaires. Malheureusement, on en voit trop dans mon département des Ardennes. Les auteurs sont retrouvés, parfois. Et les peines, où sont les peines ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je suis très sensible à cette question. La question du juge unique ne se pose que pour les audiences « classiques ». S'il y a flagrance et comparution immédiate, ce qui peut être le cas dans les affaires d'intrusion dans les établissements scolaires, il y a collégialité. Nous avons établi cette longue liste pour plus de clarté, sur la recommandation du Conseil d'État.

Mme Sophie Joissains.  - Étendre le champ du juge unique, c'est aller vers une justice expéditive, sans garantie d'impartialité. À titre personnel, je voterai contre l'article 40.

L'article 40, modifié, est adopté.

ARTICLE 41

Mme la présidente.  - Amendement n°160, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les omissions ou inexactitudes constatées dans la déclaration mentionnée au deuxième alinéa ne peuvent constituer une cause de rejet du droit de former appel. »

M. Jacques Bigot.  - Avec cet article, la déclaration d'appel devra indiquer si l'appel porte sur la décision sur l'action publique, sur la décision sur l'action civile ou sur les deux décisions. Cela peut poser difficulté à un prévenu s'il n'est pas représenté par un avocat, d'autant que le délai pour former appel est seulement de dix jours. C'est pourquoi le non-respect des formalités ne doit pas entraîner le rejet de l'appel.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Le prévenu devra préciser la portée de son appel, pour dire s'il porte sur la décision de culpabilité ou sur la peine, afin de mieux anticiper l'organisation et le temps d'audience.

Le contenu de la déclaration sera systématiquement vérifié par le greffier ou le chef d'établissement pénitentiaire, votre amendement est donc satisfait.

M. Jacques Bigot.  - Il y a un sujet. Si la rédaction de mon amendement n'est pas pleinement satisfaisante, elle pourra être améliorée.

Mme Nathalie Goulet.  - On peut supposer que les modalités de l'appel figureront en annexe de la décision initiale. Nous avons néanmoins voté il y a peu de temps le droit à l'erreur, je suivrai donc le rapporteur.

L'amendement n°160 est adopté.

M. Jacques Bigot.  - Enfin, un de mes amendements adopté !

Mme la présidente.  - Amendement n°177, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

Rétablir le III dans la rédaction suivante :

III.  -  Après le premier alinéa de l'article 510 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, lorsque le jugement attaqué a été rendu selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 398, la chambre des appels correctionnels est composée d'un seul de ces magistrats exerçant les pouvoirs confiés au président de chambre, sauf si le prévenu est en détention provisoire pour les faits qui lui sont reprochés ou si, dans l'acte d'appel, celui-ci demande que l'affaire soit examinée par une formation collégiale. Elle ne peut alors prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée supérieure à cinq ans. Elle peut toutefois, si ce renvoi lui paraît justifié en raison de la complexité des faits ou en raison de l'importance de la peine susceptible d'être prononcée, décider, d'office ou à la demande des parties ou du ministère public, de renvoyer l'affaire devant la chambre des appels correctionnels siégeant en formation collégiale. »

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le recours au juge unique en appel sur des décisions correctionnelles elles-mêmes rendues par un juge unique est une disposition essentielle de ce texte.

Cette mesure, qui s'appliquera à tous les faits relevant du juge unique à l'exception des prévenus en détention provisoire, concernera environ 12 000 affaires par an sur un total de 22 000. Elle allégera significativement la charge des juridictions.

Pour répondre aux observations de la commission des lois, je propose de moduler ce principe en prévoyant que le prévenu puisse solliciter, lorsqu'il interjette appel, le bénéfice de la collégialité. Cette solution est identique à celle que le Sénat avait retenue dans la loi du 15 juin 2000 en matière de référé-liberté. Elle marque un pas du Gouvernement vers la commission des lois qui, je n'en doute pas, appréciera l'équilibre de cette proposition.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission a donné un avis défavorable à cet amendement. Néanmoins, la proposition du Gouvernement est intéressante et constitue une avancée. Étudions comment faire progresser le texte dans la navette...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Encore faudrait-il qu'il y ait une navette ! (Rires sur les bancs du groupe SOCR)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Il faut avoir un ticket...

Mme Nathalie Goulet.  - Le meilleur moyen d'améliorer un texte dans la navette quand il n'y a pas de navette est d'adopter un bon amendement quand l'occasion s'en présente. Je voterai pour.

M. Jacques Bigot.  - Il y a la loi et l'application de la loi. Dans la pratique, on expliquera au prévenu qui demande la collégialité que cela aura pour effet de repousser le procès. Cela s'est vu en matière civile, et je peux vous dire combien cette pression est efficace. Je n'en fais pas grief aux magistrats, ils essaient de travailler au plus vite en composant avec l'état de leurs effectifs mais peut-être seront-ils plus nombreux demain... Je voterai contre.

L'amendement n°177 n'est pas adopté.

L'article 41, modifié, est adopté.

ARTICLE 42

Mme la présidente.  - Amendement n°39, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Pierre Ouzoulias.  - À titre expérimental, et pour une durée de trois ans, serait créé un tribunal criminel départemental qui jugerait en premier ressort les personnes accusées de crimes punis de quinze ou vingt ans ; il serait composé uniquement de magistrats. Cette mesure, proposée sans concertation, annonce une évolution dangereuse : la cour d'assises, qui symbolise une justice rendue au nom du peuple et par des jurés populaires, verrait son empire réduit à l'examen des crimes encourant plus de trente ans de prison ou la réclusion à perpétuité. Défendre les cours d'assises n'est pas une position de Gaulois réfractaire attaché à une tradition parce que, pour reprendre les mots de Jean-Pierre Getti, président de cour d'assises, « la délibération à la cour d'assises est le lieu le plus démocratique qui soit dans notre vie de citoyen. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement de suppression. La commission des lois accepte la mise en place expérimentale du tribunal départemental. Cela évitera la correctionnalisation de certaines infractions et les délais seront raccourcis.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Nous avons voulu cette solution innovante pour mettre un coup d'arrêt à l'engorgement des cours d'assises, qui entraîne un dysfonctionnement complet de la chaîne.

La correctionnalisation, notamment du viol, vient de ce que les victimes souhaitent ou ont besoin d'un jugement plus rapide. Je veux la vérité judiciaire : un crime doit être jugé comme un crime.

La procédure devant les tribunaux criminels départementaux ne se limitera pas à un examen du dossier, l'ensemble des témoins pourront être entendus.

Effet second et heureux de cette expérimentation, la détention provisoire sera limitée à un an dans ce cadre.

Enfin, nous parlons bien d'une expérimentation. Il est vrai que cela rompt avec une tradition très puissante que je ne considère pas seulement comme un élément de notre construction historique. À mon sens, le principal danger est que l'expérimentation remporte un tel succès que ces tribunaux soient engorgés.

Mme Catherine Conconne.  - Il faudra veiller à l'appellation du tribunal, puisque la Martinique, tout comme d'autres territoires d'outre-mer, n'a plus de département.

Mme Marie Mercier.  - Nous qui n'avions pas voulu d'un nouveau délit d'atteinte sexuelle avec pénétration dans la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, nous approuvons pleinement la création à titre expérimental de ce tribunal départemental criminel. Un viol est et reste un crime, il doit être jugé comme tel.

M. Jacques Bigot.  - À entendre tous les praticiens, la cour d'assises est le nec plus ultra de la justice. On prend son temps, tout est oral ; cela nécessite une organisation extrêmement lourde. Résultat, on correctionnalise des faits extrêmement graves.

La justice rendue par le peuple ? Un président de la République, dont vous n'étiez pas, monsieur Ouzoulias, le meilleur soutien, souhaitait des jurés dès la correctionnelle. Braquages et hold-up, objectivement, pourraient fort bien être jugés par des magistrats professionnels. Notez la difficulté à trouver des jurés disponibles, la peur que peuvent inspirer des jurés populaires dans les affaires qui préoccupent Mme Mercier. Cette expérimentation est bonne, pourquoi la limiter à la première instance ? Il est vrai que certains avocats préfèrent le prétoire et sa médiatisation... J'espère qu'on en viendra à un tribunal départemental criminel d'appel.

M. Pierre Ouzoulias.  - La garde des sceaux défend un point de vue technique, comptable ; nous, nous défendons des principes.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - J'ai parlé de vérité judiciaire, pas de comptabilité !

M. Pierre Ouzoulias.  - Puisqu'il est question du viol, une parole publique sur ces faits en cours d'assises aide à faire prendre conscience de la réalité des violences faites aux femmes.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Je m'abstiendrai. Je suis attachée aux assises où l'intégralité de l'instruction se fait à la barre - c'est d'ailleurs cela qui rend ce temps exceptionnel, et non la médiatisation - comme à l'existence des jurés populaires, cette expérience citoyenne de la justice. Cela étant, si le pari du désengorgement peut être tenu, il mérite d'être pris. La personne, présumée innocente, est neuf fois sur dix maintenue en détention provisoire en attendant le jugement. C'est une forme de déni de justice.

M. Marc Laménie.  - Ces sujets sont extrêmement sensibles. En 1995, j'ai été juré d'assises. Cette expérience m'a marqué, profondément ; on comprend la complexité qu'il y a à juger des affaires très dramatiques.

D'un côté, il n'est pas simple de composer des jurys ; de l'autre, on met en place un tribunal criminel départemental. Je m'abstiendrai.

Mme Éliane Assassi.  - Ce tribunal criminel départemental ressemble, si je ne me trompe, à une chambre spécialisée du tribunal correctionnel. Je suis personnellement très attachée aux jurés populaires. On entend qu'il faut aller vite et faire des économies.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Mais non !

Mme Éliane Assassi.  - En tant que parlementaire et citoyenne, cela me choque. J'ai une haute idée de ce que doit être la justice de mon pays.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Monsieur Ouzoulias, les audiences du tribunal criminel départemental seront publiques, la parole des femmes le sera également. Si le tribunal le souhaite, il pourra entendre l'ensemble des témoins.

Madame Assassi, ce sera, non pas un tribunal correctionnel spécialisé, mais une forme de cour d'assises allégée où siégeront cinq magistrats professionnels. Il n'y a aucun objectif d'économies de notre part. Si j'avais à craindre quelque chose, ce serait l'inverse : une dépense accrue. Nous voulons accélérer la justice pour que les victimes obtiennent le jugement auquel elles ont droit.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Et les accusés ?

L'amendement n°39 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°85 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Pellevat, Courtial, Savary et Bascher, Mme Imbert et MM. Milon, Laménie, Bonhomme, Dallier, H. Leroy et Revet.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase de l'article 305-1, après le mot : « être », sont insérés les mots : « déposée quarante-huit heures avant l'ouverture des débats et » ;

M. Marc Laménie.  - Texte même.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement modifie le délai pour le dépôt des nullités devant la cour d'assises, il est moins protecteur des droits de la défense.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°85 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°350, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 24, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

dudit article 181

II.  -  Alinéa 29

Remplacer les mots :

Les articles 254 à 267, 282, 288 à 292

par les mots :

La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de procédure pénale, l'article 282, la section 1 du chapitre V du titre Ier du livre II

III.  -  Alinéa 35

Compléter cet alinéa par les mots :

, ministre de la justice

IV.  -  Alinéa 40

Remplacer les mots :

aux articles 211-1, 211-2

par les mots :

au chapitre Ier du sous-titre Ier du titre Ier du livre II et aux articles

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°178, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 38 à 42

Supprimer ces alinéas.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Votre commission des lois a étendu la compétence universelle des juridictions françaises pour les crimes contre l'humanité. Cette réforme reprend une proposition de loi adoptée le 23 décembre 2013, alors que Mme Taubira était garde des sceaux. Sur la forme, elle pourrait constituer un cavalier législatif puisqu'elle ne présente aucun lien direct avec le texte. Surtout, elle pourrait conduire à une instrumentalisation politique des juridictions françaises.

La condition de « résidence habituelle » importe, sans quoi des associations pourraient demander aux magistrats de poursuivre des personnalités étrangères de passage en France. Ces demandes, difficiles à satisfaire, susciteraient des polémiques et affecteraient l'action diplomatique de la France.

La condition de subsidiarité est également essentielle. La Cour pénale internationale, la CPI, institution internationale dépourvue d'action diplomatique ou commerciale, est mieux placée que les juridictions nationales pour connaître des crimes contre l'humanité.

Enfin, l'expérience belge met en exergue la difficulté d'agir en matière de crimes internationaux, car l'État qui juge de hauts responsables mène en parallèle des relations diplomatiques et commerciales. C'est pourquoi la Belgique est revenue, en 2013, sur sa réforme de 1993.

J'ai conscience que mon amendement de suppression a peu de chances d'être adopté, puisque vous aviez déjà adopté de telles dispositions en 2013. Il faut approfondir la réflexion, rechercher une solution équilibrée, en associant le Quai d'Orsay et les magistrats du pôle spécialisé du tribunal de grande instance. Avis défavorable à l'amendement n°350, mais la porte est ouverte !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable, nous suivons la position unanime du Sénat qui avait adopté en 2013 la proposition de loi Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous avons adopté cette disposition le 23 décembre 2013, à l'unanimité du Sénat. Comment se peut-il qu'en cinq ans, le texte n'ait jamais été mis à l'ordre du jour de l'autre assemblée ? Il y a un problème démocratique.

Notre texte est strictement conforme au traité de Rome, qui stipule que la CPI est complémentaire des juridictions pénales nationales. Il traite aussi des crimes de guerre et des génocides, en plus des crimes contre l'humanité.

Ce combat a été mené par Robert Badinter, par Mme Delmas-Marty, par de nombreux juristes et associations qui n'acceptent pas que la France soit à la traîne.

Madame la ministre, votre exposé des motifs évoque un risque d'instrumentalisation politique des juridictions. Ne leur faites-vous pas confiance pour s'en prémunir ?

Mme la présidente.  - Votre temps de parole est écoulé.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous avons résolu le problème de la résidence habituelle en France. Les auteurs de crimes contre l'humanité ne sont pas dans les communes de France, à arroser leurs géraniums - mais nous devons pouvoir les interpeler quand ils sont de passage sur le territoire.

Nous avons levé une autre réserve en confirmant que le parquet conserve le monopole de l'action publique.

Mme la présidente.  - Je suis obligée de vous interrompre...

Mme Nathalie Goulet.  - Une fois n'est pas coutume, je rejoins M. Sueur. Que fait-on des victimes ? Les génocides et autres crimes contre l'humanité, malheureusement, se multiplient. Les Yézidis, les victimes civiles en Irak, en Syrie ou en Afrique réclament justice. Notre pays, qui donne des leçons au monde entier en matière de droits de l'homme, se grandirait en leur offrant un havre de paix. Le Sénat est dans son rôle en soutenant sa position unanime de 2013. Combien de nouvelles victimes, depuis cette date ? Ce siècle n'est décidément pas celui de l'apaisement.

Reste maintenant à traverser le boulevard Saint-Germain !

L'amendement n°350 est adopté.

L'amendement n°178 n'a plus d'objet.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Heureusement ! Cinq ans d'efforts pour que l'Assemblée finisse, enfin, par en parler...

L'article 42, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°179, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 42

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article 421-2-6 du code pénal, après le mot : « procurer », sont insérés les mots : « , de tenter de se procurer ».

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement tire les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel du 7 avril 2017 relative au délit d'entreprise individuelle terroriste, qui permet d'arrêter et sanctionner une personne préparant seule un attentat avant son passage à l'acte.

Ce délit n'est constitué que s'il est démontré que la personne détient, se procure ou fabrique des armes. Le Conseil constitutionnel a jugé que la simple recherche d'armes ne suffisait pas à matérialiser l'intention de passer à l'acte. Néanmoins, il est inenvisageable de prendre le risque que la personne n'entre effectivement en possession d'une arme. L'interpellation rapide est alors l'unique solution. C'est pourquoi nous ajoutons le fait de « tenter de se procurer » une arme au titre des éléments matériels pouvant constituer un acte préparatoire. À la différence du mot « rechercher », la notion de tentative, bien connue du droit pénal, exige un commencement d'exécution et exclut toute ambiguïté quant à la volonté de l'auteur de la tentative. Nous répondons ainsi à l'exigence du Conseil constitutionnel.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien.

L'amendement n°179 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°181 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 42

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L'article 706-75 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, le tribunal de grande instance et la cour d'assises de Paris exercent une compétence concurrente sur l'ensemble du territoire national pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et délits mentionnés au premier alinéa du présent article, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une très grande complexité, en raison notamment du ressort géographique sur lequel elles s'étendent. » ;

2° Au premier alinéa de l'article 706-77, les mots : « autre que ceux visés à l'article 706-75 » sont supprimés ;

3° Au second alinéa de l'article 706-80, après le mot : « moyen, », sont insérés les mots : « au procureur de la République déjà saisi et », et les mots : « ou le cas échéant, au procureur de la République saisi en application des dispositions de l'article 706-76 » sont supprimés ;

4° La section 1 du chapitre II du titre XXV du livre IV est complétée par deux articles 706-80-1 et 706-80-2 ainsi rédigés :

« Art. 706-80-1.  -  Dans le cadre d'une opération de surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74, et lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent, les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire en charge des investigations peuvent, avec l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction saisi des faits qui en avise préalablement le parquet, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à l'interpellation de ces personnes afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations.

« Dans le cadre d'une opération de surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 ou servant à les commettre, et lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent, les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire en charge des investigations peuvent, avec l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction saisi des faits qui en avise préalablement le parquet, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à la saisie de ces objets, biens ou produits afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations.

« L'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Le procureur de la République informe sans délai le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris de la délivrance de cette autorisation.

« Art. 706-80-2.  -  Dans le cadre d'une opération de surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 ou servant à les commettre, et lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent, les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire en charge des investigations peuvent, avec l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction saisi des faits qui en avise préalablement le parquet, livrer ou délivrer à la place des prestataires de services postaux et des opérateurs de fret ces objets, biens ou produits, sans être pénalement responsables.

« À peine de nullité, l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction est écrite ou motivée. Cette autorisation est versée au dossier de la procédure et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction. »

II.  -  Le code des douanes est ainsi modifié :

1° Le I de l'article 67 bis est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « procèdent » est remplacé par les mots : « peuvent procéder » ;

b) Au troisième alinéa, les mots : « selon le cas, » et les mots : « ou au procureur de la République saisi en application des dispositions de l'article 706-76 du code de procédure pénale » sont supprimés ;

2° La section 7 du chapitre IV du titre II est complétée par deux articles 67 bis-3 et 67 bis A ainsi rédigés :

« Art. 67 bis-3.  -  Dans le cadre d'une opération de surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis un délit douanier dont la peine d'emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans ou d'y avoir participé comme complice ou intéressée à la fraude au sens de l'article 399, et lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans les conditions fixées par décret peuvent, sur l'ensemble du territoire national, avec l'autorisation du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à l'interpellation de ces personnes afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations.

« Dans le cadre d'une opération de surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission d'un délit douanier dont la peine d'emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans ou servant à le commettre, et lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans les conditions fixées par décret peuvent, sur l'ensemble du territoire national, avec l'autorisation du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à la saisie de ces objets, biens ou produits afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations.

« L'autorisation du procureur de la République, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Le procureur de la République informe sans délai le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris de la délivrance de cette autorisation.

« Art. 67 bis-4.  -  Dans le cadre d'une opération de surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission d'un délit douanier dont la peine d'emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans ou servant à le commettre, et lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans les conditions fixées par décret peuvent, sur l'ensemble du territoire national, avec l'autorisation du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter, livrer ou délivrer à la place des prestataires de services postaux et des opérateurs de fret ces objets, biens ou produits, sans être pénalement responsables.

« À peine de nullité, l'autorisation du procureur de la République est écrite ou motivée. Cette autorisation est versée au dossier de la procédure et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction. »

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement d'actualité clarifie le cadre procédural applicable en matière de surveillance et de livraisons surveillées, actes d'enquête particulièrement efficaces dans la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées.

Pour mettre fin à des pratiques divergentes sur le territoire, nous proposons de permettre aux enquêteurs, sur autorisation de l'autorité judiciaire, de demander à d'autres services de ne pas procéder au contrôle et à l'interpellation des suspects pour ne pas compromettre les investigations. Cela permettra au parquet de Paris de se saisir d'affaires complexes de criminalité organisées qui dépassent l'échelle régionale.

L'amendement mentionne expressément la possibilité pour les enquêteurs de livrer, à la place des services postaux, les produits du crime ainsi acheminés par voie postale aux fins de démanteler les réseaux criminels. Des dispositions équivalentes sont créées dans le code des douanes.

Cet amendement est une réponse à l'émoi suscité dans le monde policier et judiciaire par les pratiques de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis). Nous les encadrons.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable. Les rectifications demandées par la commission des lois ont été apportées, c'est à saluer.

Mme Nathalie Goulet.  - Je soutiendrai cet amendement. Nous sommes dans un État de droit, cet amendement prouve que nous le respectons scrupuleusement.

L'amendement n°181 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°184, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 42

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié : 

1° Au début du premier alinéa de l'article L. 122-3 sont ajoutés les mots : « Sous réserve des dispositions particulières du code de procédure pénale, » ;

2° La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 213-12 ainsi rédigé : 

« Art. L. 213-12.  -  Au sein des tribunaux de grande instance dans le ressort desquels est susceptible de se trouver une forte concentration de personnes soutenant ou adhérant à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme, dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, un magistrat du ministère public, désigné par le procureur de la République, est chargé des missions suivantes :

« 1° L'information du procureur de la République antiterroriste de tous les faits en lien avec des affaires en cours susceptibles de faire l'objet d'investigations de sa part ; 

« 2° L'information du procureur de la République antiterroriste sur l'état de la menace terroriste dans son ressort ; 

« 3° La participation aux instances locales de prévention, de détection et de suivi du terrorisme et de la radicalisation ; 

« 4° Le suivi des personnes placées sous main de justice dans son ressort et qui sont identifiées comme étant radicalisées ; 

« 5° La diffusion auprès des magistrats du ressort des informations permettant d'aider à prévenir les actes de terrorisme. » ; 

3° L'article L. 217-1 est ainsi modifié :

a) Au début, les mots : « Est placé » sont remplacés par les mots : « Sont placés » ; 

b) Après les mots : « procureur de la République financier », sont insérés les mots : « et un procureur de la République antiterroriste » ; 

4° L'article L. 217-2 est ainsi modifié :

a) Après les mots : « procureur de la République financier », sont insérés les mots : « et le procureur de la République antiterroriste » ;

b) Les deux occurrences du mot : « ses » sont remplacées par le mot : « leurs » ; 

c) Le mot : « exerce » est remplacé par les mots : « exercent respectivement » ; 

5° À l'article L. 217-3, les mots : « et ses substituts » sont remplacés par les mots : « et le procureur de la République antiterroriste, et leurs substituts, » ; 

6° À l'article L. 217-4, après les mots : « procureur de la République financier », sont insérés les mots : « ou au procureur de la République antiterroriste ». 

7° Le chapitre VII du titre Ier du livre II est complété par un article L. 217-5 ainsi rédigé : 

« Art. L. 217-5.  -  Lorsque le renforcement temporaire et immédiat du parquet antiterroriste près le tribunal de grande instance de Paris apparaît indispensable pour assurer le traitement des procédures, le procureur de la République antiterroriste peut requérir un ou plusieurs magistrats du parquet de Paris dont les noms figurent sur une liste arrêtée par le procureur général près la cour d'appel de Paris pour chaque année civile, après avis du procureur de la République et du procureur de la République antiterroriste. 

« Le procureur de la République antiterroriste informe le procureur général et le procureur de la République de Paris des réquisitions de magistrats auxquelles il procède. 

« Le procureur général veille à ce que ce dispositif soit utilisé le temps strictement nécessaire au traitement de l'accroissement temporaire d'activité du parquet antiterroriste. 

« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État. »

II.  -  Le code de procédure pénale est ainsi modifié : 

1° L'article 41 est ainsi modifié : 

a) La seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ; 

b) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« Lorsqu'il s'agit d'actes d'enquête devant être exécutés dans un autre ressort que celui du tribunal de grande instance, il peut demander au procureur de la République territorialement compétent d'y procéder ou d'y faire procéder par un officier de police judiciaire. Il peut toutefois également requérir directement tout officier de police judiciaire sur l'ensemble du territoire national de procéder à ces actes. » ;

2° Aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 628-1, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ; 

3° À la fin du troisième alinéa de l'article 628-2, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ; 

4° L'article 628-3 est ainsi modifié : 

a) Au premier alinéa, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ; 

b) Au troisième alinéa, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ; 

5° Le deuxième alinéa de l'article 702 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sont également compétents sur toute l'étendue du territoire national le procureur de la République antiterroriste, le tribunal de grande instance et la cour d'assises de Paris selon les modalités déterminées aux articles 628-1 à 628-6 et 698-6. » ; 

6° Aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 706-17, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ; 

7° L'article 706-17-1 devient l'article 706-17-2 ;

8° L'article 706-17-1 est ainsi rédigé : 

« Art. 706-17-1.  -  Sans préjudice des dispositions du troisième alinéa de l'article 41, lorsqu'il exerce sa compétence en application de la présente section, le procureur de la République antiterroriste peut requérir par délégation judiciaire tout procureur de la République de procéder ou faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions dans les lieux où ce dernier est territorialement compétent. 

« La délégation judiciaire mentionne les actes d'enquête confiés au procureur de la République ainsi requis. Elle ne peut prescrire que des actes se rattachant directement à l'enquête pour laquelle elle a été délivrée. 

« Elle indique la nature de l'infraction, objet de l'enquête. Elle est datée et signée par le procureur de la République antiterroriste et revêtue de son sceau. 

« Le procureur de la République antiterroriste fixe le délai dans lequel la délégation doit lui être retournée accompagnée des procès-verbaux relatant son exécution. A défaut d'une telle fixation, la délégation judiciaire et les procès-verbaux doivent lui être transmis dans les huit jours de la fin des opérations exécutées en vertu de celle-ci. 

« Les magistrats commis pour son exécution exercent, dans les limites de la délégation judiciaire, tous les pouvoirs du procureur de la République antiterroriste. » ;

9° À la fin du troisième alinéa de l'article 706-18, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ; 

10° L'article 706-19 est ainsi modifié : 

a) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ; 

b) Au troisième alinéa, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ;

11° L'article 706-22-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Le ministère public auprès des juridictions du premier degré de Paris compétentes en application du présent article est représenté par le procureur de la République antiterroriste en personne ou par ses substituts. » ;

12° L'article 706-25 est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Par dérogation à l'article 34, le ministère public auprès de la cour d'assises statuant en première instance est représenté par le procureur de la République antiterroriste en personne ou par ses substituts. » ; 

13° Aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 706-168, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ; 

14° Au troisième alinéa de l'article 706-169, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ; 

15° L'article 706-170 est ainsi modifié : 

a) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ; 

b) Au troisième alinéa, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste ». 

III.  -  Au premier alinéa des articles L. 225-2, L. 225-3, L. 228-2, L. 228-3, L. 228-4 et L. 228-5, au premier alinéa et aux première et seconde phrases du troisième alinéa de l'article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, les mots : « procureur de la République de Paris » sont remplacés par les mots : « procureur de la République antiterroriste ».

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement, dont la presse s'est déjà fait l'écho, crée un parquet national antiterroriste. Il ne résulte pas d'un dysfonctionnement, le procureur de Paris remplissant parfaitement sa mission, mais nous souhaitons améliorer le dispositif.

Dirigé par un procureur de la République antiterroriste et positionné près le TGI de Paris, ce parquet national antiterroriste se substituera au parquet de Paris pour le traitement des infractions terroristes, des crimes contre l'humanité, des crimes et délits de guerre, des infractions relatives à la prolifération d'armes de destruction massive et des infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.

Nous créons un ministère public pleinement disponible pour se consacrer à ce contentieux très spécifique, le niveau de la menace endogène nécessitant une vigilance de tout instant. Il s'agit aussi de lui offrir une visibilité institutionnelle, sur le plan national et international.

Le procureur de la République de Paris pourra ainsi recentrer son activité sur les contentieux, lourds et nombreux, qui relèvent de sa compétence, criminalité organisée ou affaires de santé publique.

Afin de tenir compte des observations formulées par le Conseil d'État, j'ai retiré cette mesure du projet de loi initial pour la retravailler. Ce nouveau projet prévoit la création d'une réserve opérationnelle de magistrats du parquet de Paris à laquelle le procureur de la République antiterroriste pourra recourir afin d'adapter ses effectifs en cas de crise. Il pourra également requérir de tout procureur de la République sur le territoire national la réalisation des actes d'enquête nécessaires.

Ce nouveau parquet ne sera pas isolé. Il pourra compter sur des relais territoriaux avec la création, au sein des TGI les plus concernés, de magistrats du ministère public délégués à la lutte contre le terrorisme.

Nous proposons une architecture forte, centralisée, ayant des relais sur l'ensemble du territoire, visible au plan national et international, et surtout efficace.

Par conséquent, avis défavorable à l'amendement n°365.

Mme la présidente.  - Amendement n°365, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Après l'article 42

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  - Au début du premier alinéa de l'article L. 122-3 du code de l'organisation judiciaire, sont ajoutés les mots : « Sous réserve des dispositions particulières du code de procédure pénale, ».

II.  -  Le code de procédure pénale est ainsi modifié : 

1° L'article 41 est ainsi modifié : 

a) La seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ; 

b) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« Lorsqu'il s'agit d'actes d'enquête devant être exécutés dans un autre ressort que celui du tribunal de grande instance, il peut demander au procureur de la République territorialement compétent d'y procéder ou d'y faire procéder par un officier de police judiciaire. Il peut toutefois également requérir directement tout officier de police judiciaire sur l'ensemble du territoire national de procéder à ces actes. » ;

2° Le deuxième alinéa de l'article 702 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sont également compétents sur toute l'étendue du territoire national le procureur de la République, le tribunal de grande instance et la cour d'assises de Paris selon les modalités déterminées aux articles 628-1 à 628-6 et 698-6. » ; 

3° L'article 706-17-1 devient l'article 706-17-2 ;

4° L'article 706-17-1 est ainsi rédigé : 

« Art. 706-17-1.  -  Sans préjudice des dispositions du troisième alinéa de l'article 41, lorsqu'il exerce sa compétence en application de la présente section, le procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris peut requérir par délégation judiciaire tout procureur de la République de procéder ou faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 dans les lieux où ce dernier est territorialement compétent. 

« La délégation judiciaire mentionne les actes d'enquête confiés au procureur de la République ainsi requis. Elle ne peut prescrire que des actes se rattachant directement à l'enquête pour laquelle elle a été délivrée. 

« Elle indique la nature de l'infraction, objet de l'enquête. Elle est datée et signée par le procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris et revêtue de son sceau. 

« Le procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris fixe le délai dans lequel la délégation doit lui être retournée accompagnée des procès-verbaux relatant son exécution. A défaut d'une telle fixation, la délégation judiciaire et les procès-verbaux doivent lui être transmis dans les huit jours de la fin des opérations exécutées en vertu de celle-ci. 

« Les magistrats commis pour son exécution exercent, dans les limites de la délégation judiciaire, tous les pouvoirs du procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris prévus par la présente section. » ;

5° L'article 706-25 est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Par dérogation à l'article 34, le ministère public auprès de la cour d'assises statuant en première instance est représenté par le procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris en personne ou par ses substituts. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission des lois du Sénat n'est pas favorable à la création du parquet national antiterroriste. Notre organisation repose sur un parquet antiterroriste spécialisé, à compétence nationale, au sein du TGI de Paris ; son l'action, loin d'être critiquée, est unanimement saluée. On voudrait attribuer au parquet national antiterroriste une fonction de communication - mais le procureur de Paris n'est-il pas incontestablement reconnu ?

L'organisation existante, réactive et souple, a su s'adapter aux crises en mobilisant de manière exceptionnelle d'autres magistrats du parquet. L'argument des effectifs mobilisables ne tient pas, puisque le parquet national antiterroriste sera forcément moins doté que le parquet de Paris.

On peut craindre une perte d'efficacité liée au problème d'articulation hiérarchique avec les autres magistrats ; une perte de vision d'ensemble des parcours de délinquance conduisant au terrorisme ; une rigidité dans l'affectation des conduites des enquêtes.

Le Conseil d'État redoute un isolement des magistrats affectés à ce parquet, qui perdraient la perception des liens entre petite délinquance et terrorisme.

Hier, nous avons été favorables à la création du juge d'indemnisation des victimes d'attentats terroristes, qui fait progresser le dispositif judiciaire. Ici, nous ne voyons pas l'intérêt d'une réforme qui fragiliserait une organisation. Le contexte exige au contraire stabilisation et moyens. L'expérience récente du parquet national financier incite à la prudence.

Enfin, alors que l'on donne au parquet de Paris une compétence concurrente nationale en matière de criminalité organisée, il serait paradoxal de ne pas maintenir une section antiterroriste en son sein.

Reste que la commission des lois ne rejette pas tout, d'où son amendement n°365. Ainsi, nous reprenons l'instauration d'une compétence concurrente des juridictions parisiennes en matière de crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la Nation ; la possibilité pour le parquet de Paris, dans ses compétences antiterroristes, de requérir par délégation judiciaire, tout procureur de la République de faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions terroristes ; la possibilité pour les magistrats de la section antiterroriste du parquet de Paris de représenter le ministère public auprès de la cour d'assises statuant en première instance, par dérogation et en lieu et place des avocats généraux de la cour d'appel de Paris.

Ne créant pas de structure autonome, cet amendement ne reprend pas les dispositions sur la réquisition de magistrats du parquet de Paris pour venir en renfort. Soyons simples, ne bousculons pas ce qui est efficace mais améliorons-le. Nos concitoyens nous sauront gré de ce dispositif efficace.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Très bien.

Mme Nathalie Goulet.  - En 2014, six mois avant Charlie, le Sénat, à la demande du groupe UC, déclenchait une commission d'enquête sur les réseaux djihadistes. Notre rapport de 2015 soulignait l'éparpillement des moyens judiciaires. Depuis lors, nous avons voté quantité de lois et amélioré certains dispositifs, même s'il reste des trous dans la raquette.

Je suis sensible à l'argument du rapporteur. Nous avons désormais une coordination du renseignement : stabilisons, augmentons les moyens, mais ne bouleversons pas le dispositif en divisant au lieu de rassembler. L'important est d'attribuer aux forces de sécurité et aux magistrats, en loi de finances, les moyens nécessaires.

Le Sénat a toujours été solidaire des gouvernements pour lutter contre le terrorisme. Solidifions l'édifice. Je suivrai la commission.

M. Marc Laménie.  - Choisir entre ces deux amendements, exposés l'un et l'autre avec compétence et pédagogie, est un dilemme. Ces dossiers sont extrêmement complexes. Nous avons en mémoire de nombreux drames qui mobilisent toutes les forces de sécurité, jusqu'aux douanes.

Le souci d'efficacité impose de ne pas complexifier la situation. Dans quelques semaines, nous examinerons le budget de la mission Justice. Je me rallierai à l'amendement du rapporteur de la commission des lois.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Quoique la création du parquet national antiterroriste ait été retirée de l'avant-projet de loi, nous avons beaucoup auditionné. Tous nos interlocuteurs ont émis des interrogations sur son utilité. Le débat a été dense en commission sur cet amendement déposé il y a quelques jours, car nous voulions arrêter un avis de fond, indépendamment des conditions de travail que vous nous imposiez...

Nous n'avons toujours pas compris l'utilité de cette juridiction spécialisée. La lutte antiterroriste fait déjà l'objet d'une centralisation au parquet de Paris ; François Molins est connu de tous les Français. Les substituts peuvent être mobilisés très rapidement. Le risque d'isolement est réel car le terrorisme est lié au crime organisé, au blanchiment. Nous sommes désemparés. Y-a-t-il une autre utilité que symbolique ? La commission des lois a fait des propositions pour améliorer le dispositif existant. Le groupe socialiste les soutiendra.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Pourquoi créer un tel parquet ? Parce que la menace terroriste est d'une ampleur singulière ; elle a évolué, est à la fois exogène, endogène, nationale et internationale...

Nous devons accompagner, anticiper. Le parquet de Paris aura des compétences accrues, en lien notamment avec la criminalité organisée. Cela nous conduit à dissocier ces deux tâches, qu'il n'est pas réaliste de prétendre mener de front.

Ne lions pas criminalité organisée et lutte contre le terrorisme : leurs liens sont très ténus et occasionnels, nous disent le procureur Molins et la DGSI. Cela justifie donc deux organisations différentes.

En cas de crise grave, le procureur national antiterroriste pourra prendre, sur une liste de magistrats établie avec l'accord du procureur général de Paris, les effectifs qu'il jugera nécessaires. C'est une réponse souple et adaptée. Il n'y a pas, et il n'y aura pas, de pouvoir hiérarchique sur les procureurs de province. Point d'isolement, mais au contraire des liens étroits entre le parquet antiterroriste à Paris et le niveau territorial. Les procureurs délégués ne sont pas créés, n'en déplaise au rapporteur, « pour assurer une certaine coordination entre parquets autonomes », mais pour répondre à la menace endogène que représentent les loups solitaires radicalisés. Ils feront remonter l'information, en lien avec les services de renseignements locaux et les groupes d'évaluation départementaux de la radicalisation (GED).

Ce mécanisme est puissant, souple et adapté à la menace terroriste.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Je ne suis pas d'accord avec vous. Le procureur de la République de Paris et les membres du parquet de Paris ont-ils failli dans leur mission ? Non.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je l'ai dit moi-même !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - L'aggravation de la menace justifierait une nouvelle organisation du ministère public, dites-vous. Est-elle plus forte fin 2018 qu'en 2015 et 2016, quand le terrorisme avait fait tant de victimes ? Vous n'avez pas démontré en quoi cela justifiait un changement profond d'organisation.

S'agit-il de consacrer des moyens supplémentaires à l'action du ministère public dans la lutte contre le terrorisme ? Si oui, où sont-ils ? Le parquet national antiterroriste aura-t-il les moyens de voler de ses propres ailes, sans recourir à des supplétifs ? Non puisque vous prévoyez que le procureur national « prendra » des effectifs au sein du parquet de Paris pour lui prêter main-forte. Le procureur de Paris ne pourra que déléguer ses magistrats sans pouvoir choisir lui-même ceux qui peuvent être distraits de leurs missions... La mutualisation est possible au sein d'un même parquet ; ce ne sera plus le cas. Ni moyens supplémentaires, ni souplesse, donc.

Sur les instruments juridiques nouveaux qui fortifient l'action du ministère public, là, nous sommes d'accord, d'où l'amendement n°365 de nos rapporteurs.

In fine, reste une mesure d'affichage qui permet d'affirmer à peu de frais que la lutte contre le terrorisme est une priorité du Gouvernement... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit également.)

Mme Marie Mercier.  - Bravo !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avec tout le respect que je vous dois, je ne suis absolument pas d'accord. Au nom de quoi dites-vous que les moyens n'y seront pas ? La loi ne mentionne pas les effectifs affectés à chaque parquet !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est pourtant une loi de programmation.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Il n'y a pas non plus d'étude d'impact.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Évidemment, puisqu'il s'agit d'un amendement ! La section C1 antiterroriste du parquet de Paris travaille avec quatorze personnes ; le parquet national antiterroriste se verra affecter trente magistrats.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Au détriment de quels parquets ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Aucun. Nous créons chaque année cent postes de magistrats supplémentaires.

Le mécanisme souple que nous instituons est gage d'efficacité. Le procureur de Paris constituera une liste de magistrats dans laquelle le parquet national antiterroriste trouvera les ressources nécessaires pour faire face à des événements occasionnels de grande ampleur. Comme en 2015 ou après l'attentat de Nice, ils viendront apporter leur concours au parquet national antiterroriste. L'efficacité sera conjuguée à la souplesse.

M. Jacques Bigot.  - Plus nous avançons dans le débat, moins nous comprenons votre proposition, madame la ministre... En quoi le fonctionnement actuel est-il insatisfaisant ? Par définition, un procureur ne peut pas tout faire ; il délègue. Le procureur de Paris estimait lui-même inutile de créer une fonction particulière pour l'antiterrorisme. Vous ajoutez de la complexité puisque le procureur général près la cour d'appel arbitrera les réquisitions de personnel.

Je ne comprends pas votre organisation territoriale. Le procureur de Strasbourg, par exemple, organise son parquet, désigne ceux qui sont chargés de suivre les dossiers, noue des relations avec le procureur national...

Sans mettre en doute votre volontarisme en matière de lutte contre le terrorisme, je ne vois pas de raison de modifier une organisation qui fonctionne.

Je sais gré au rapporteur d'avoir intégré certaines de vos réflexions dans son amendement.

L'amendement n°184 n'est pas adopté.

L'amendement n°365 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 42 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°298 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.

Supprimer cet article.

M. Guillaume Arnell.  - Nous manquons d'études sur le non-recours à la justice pour cause de découragement financier. En effet, pour les 70 % de salariés dont les revenus excèdent 1 510 euros par mois, il n'y a aucune prise en charge des frais de justice. En 2014, 56 % des mémoires personnels ont abouti à une décision de rejet, contre 9 % des pourvois soutenus par un avocat.

L'article 42 bis fragilise l'accès au droit des personnes ayant peu de moyens, ne recevant pas d'aide juridictionnelle ou peu, et devant passer par un avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation, alors qu'ils pouvaient auparavant déposer des mémoires personnels. Cela vaut particulièrement pour la chambre criminelle de la Cour de Cassation, dont les décisions mettent en jeu la liberté des personnes.

Quelle est la part des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle déposant des mémoires personnels et quelle est la part de ces personnes recourant à un avocat ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Régulièrement, le Sénat a voté en faveur de la représentation obligatoire par avocat devant le Conseil d'État ou la Cour de Cassation. En pratique, le juge de cassation dit le droit. La technique juridique est en conséquence de plus en plus complexe. Ainsi, le taux de pourvois rejetés est beaucoup plus fort lorsqu'ils ne sont pas présentés par un avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation : 56 % contre 6 %. Cela montre une efficacité plus grande.

Ne laissons pas croire à nos concitoyens qu'accéder plus facilement à la chambre criminelle serait mieux pour eux, alors que ce n'est pas vrai, ce serait moins bien.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable. Le texte de la commission des lois, trop large, crée un risque d'entrave excessive à l'accès aux juges pour les personnes ne bénéficiant pas de l'aide juridictionnelle, qui devraient, en plus du coût de l'assistance de l'avocat devant les juges du fond, assumer celui de l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation. Il me semble préférable de n'exiger la représentation obligatoire que dans certains cas, par exemple en matière contraventionnelle, mais l'amendement de la commission est trop large.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Une fois n'est pas coutume, je partage l'avis de Mme la garde des Sceaux. Si l'on voulait être ironique, l'on soulignerait que le lobby des avocats aux conseils est toujours vivace... J'entends l'argument de la spécialisation, mais figurez-vous qu'il existe des avocats compétents, même s'ils ne sont aux conseils... (Quelques sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

L'amendement n°298 rectifié n'est pas adopté.

L'article 42 bis est adopté.

ARTICLE 43

Mme la présidente.  - Amendement n°186, présenté par le Gouvernement.

A.  -  Alinéas 1 à 12

Remplacer ces alinéas par dix-sept alinéas ainsi rédigés :

I.  -  L'article 131-3 du code pénal est ainsi modifié :

1° Le 1° est complété par les mots : « cet emprisonnement peut faire l'objet d'un sursis, d'un sursis probatoire ou d'un aménagement conformément aux dispositions du chapitre II du présent titre » ;

2° Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° La détention à domicile sous surveillance électronique » ;

3° Le 6° devient le 3°  ;

4° Les 3° et 4° deviennent les 4° et 5°  ;

5° Le 6° est ainsi rédigé :

« 6° Les peines de stages ; »

6° Le 9° devient le 8°  ;

7° L'article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces peines ne sont pas exclusives des peines complémentaires prévues à l'article 131-10. »

II.  -  L'article 131-4-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 131-4-1.  -  Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut, à la place de l'emprisonnement, prononcer la peine de détention à domicile sous surveillance électronique pendant une durée comprise entre quinze jours et un an, sans pouvoir excéder la durée de l'emprisonnement encouru.

« Cette peine emporte pour le condamné l'obligation de demeurer dans son domicile ou tout autre lieu désigné par la juridiction ou le juge de l'application des peines et au port d'un dispositif intégrant un émetteur permettant de vérifier le respect de cette obligation.

« Le condamné n'est autorisé à s'absenter de son domicile pendant des périodes déterminées par la juridiction ou le juge de l'application des peines que pour le temps strictement nécessaire à l'exercice d'une activité professionnelle, au suivi d'un enseignement, d'un stage, d'une formation ou d'un traitement médical, à la recherche d'un emploi, ou à la participation à la vie de famille ou à tout projet d'insertion ou de réinsertion.

« La juridiction peut décider que le condamné bénéficiera de mesures d'aide ayant pour objet de seconder ses efforts en vue de son reclassement social.

« En cas de non-respect par le condamné de ses obligations, le juge de l'application des peines peut, selon des modalités précisées par le code de procédure pénale, soit limiter ses autorisations d'absence, soit ordonner l'emprisonnement de la personne pour la durée de la peine restant à exécuter. »

B.  -  Alinéas 25 à 32

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

IV.  -  Les deuxième et troisième alinéas de l'article 131-8 du même code sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le prévenu est présent à l'audience, la peine de travail d'intérêt général ne peut être prononcée si celui-ci la refuse. Le président du tribunal, avant le prononcé du jugement, informe le prévenu de son droit de refuser l'accomplissement d'un travail d'intérêt général et reçoit sa réponse.

« Lorsque le prévenu n'est pas présent à l'audience mais y est représenté par son avocat, cette peine peut être prononcée s'il a fait connaître par écrit son accord.

« Lorsque le prévenu n'est pas présent à l'audience et n'a pas fait connaître son accord, cette peine ne peut être prononcée que si le tribunal fait application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 131-9. Dans ce cas, avant la mise à exécution de la peine de travail d'intérêt général, le juge de l'application des peines informe le condamné de son droit de refuser l'accomplissement d'un travail et reçoit sa réponse. En cas de refus, tout ou partie de l'emprisonnement ou de l'amende fixée par la juridiction peut être mis à exécution, dans les conditions prévues par l'article 706-6 du code de procédure pénale, sous réserve, s'il y a lieu, des possibilités d'aménagement ou de conversion. »

V.  -  Au premier alinéa de l'article 131-9 du même code, les mots : « la peine de contrainte pénale ou » sont supprimés.

C.  -  Alinéa 37

Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :

3° Les 10°, 11° et 12° deviennent les 8°, 9° et 10°.

D.  - Alinéa 41

Rétablir le VIII dans la rédaction suivante :

VIII.  -  Après l'article 20-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, il est inséré un article 20-2-1 ainsi rédigé :

« Art. 20-2-1.  -  La peine de détention à domicile sous surveillance électronique prévue par l'article 131-4-1 du code pénal est applicable aux mineurs de plus de treize ans.

« Sous réserve de l'application du deuxième alinéa de l'article 20-2, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs ne peuvent prononcer à leur encontre une peine de détention à domicile sous surveillance électronique supérieure à la moitié de la peine encourue.

« Cette peine ne peut être prononcée sans l'accord des titulaires de l'autorité parentale, sauf carence de ces derniers ou impossibilité de donner leur consentement.

« Cette peine doit être assortie d'une mesure éducative confiée à la protection judiciaire de la jeunesse.

« Les articles 132-25 et 132-26 du code pénal et 723-7 à 723-13 du code de procédure pénale relatives à la détention à domicile sous surveillance électronique sont applicables aux mineurs. »

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Nous abordons le titre consacré aux peines. Cet amendement détermine la nouvelle politique des peines du Gouvernement. Il s'agit de faire en sorte que les peines soient mieux adaptées à la situation des personnes, de responsabiliser davantage les tribunaux et de faire en sorte qu'une fois prononcées, les peines soient mieux exécutées. Cette nouvelle politique rend en conséquence plus lisible l'échelle des peines.

Je vous propose de proscrire les peines de prison inférieures à un mois. Pour les peines d'un à six mois, le principe général sera l'exécution des peines en dehors des établissements pénitentiaires, ce qui n'exclut pas en tant que de besoin le recours à l'emprisonnement. Entre six mois et un an, le tribunal définira les modalités d'exécution de la peine ; il décidera d'un éventuel aménagement. Au-delà d'un an, il n'y aura plus d'aménagement systématique ab initio de la peine. Tout cela requiert la création de peines autonomes qui permettront de mieux lutter contre la récidive.

Ainsi, cet amendement maintient la création de la peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), qui est en effet de nature à diminuer le prononcé des peines d'emprisonnement ; ne supprime pas la peine de sanction-réparation, car cette peine constitue dans de nombreux cas une réponse pénale appropriée et garantissant les droits des victimes ; ne crée pas une peine autonome de probation, qui ne constituerait que la reprise sous un nom différent de la peine de contrainte pénale dont l'expérience démontre qu'elle n'a pas été acceptée par les tribunaux.

Je préfère améliorer le sursis avec mise à l'épreuve, qui sera dénommé sursis probatoire.

Inutile aussi de transformer le suivi socio-judiciaire en une peine principale applicable à tous les délits et crimes, ce qui revient sur la spécificité de cette mesure et aurait pour conséquence d'ajouter cette peine à la peine privative de liberté.

Cet amendement rétablit également les dispositions permettant de prononcer un travail d'intérêt général en l'absence du condamné, dont le consentement à l'exécution des travaux sera recueilli ensuite par le juge de l'application des peines qui pourra notamment, en cas de refus, convertir l'emprisonnement sanctionnant le refus d'exécution en peine de jour-amende.

L'amendement reprend cependant les coordinations ajoutées par la commission des lois et qui avaient été omises par le projet. Il prévoit également, comme l'avait fait la commission, que le tribunal ne pourra prononcer qu'un stage et non plusieurs.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°258, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

M. Dominique Théophile.  - Cet amendement, de bon sens, rétablit l'échelle des peines prévues par le texte initial du Gouvernement. La création d'une peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique est une bonne alternative à l'emprisonnement.

Le tour de passe-passe de la commission des lois sur la contrainte pénale ne la revalorise pas.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à ces amendements qui rétablissent le texte du Gouvernement et reviennent sur les apports de la commission des lois.

La peine -  cosmétique - de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) n'offre aucune souplesse au juge qui n'aura en cas d'entorse que le choix entre un emprisonnement ou la fin de la peine. Le placement sous surveillance électronique, peu contrôlé, ne permet guère de prévenir la récidive. Mieux vaut la semi-liberté ou le placement à l'extérieur.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - J'entends vos propositions. Je les respecte. Je crois que nos philosophies de la peine ne sont pas si éloignées au fond.

Si nous créons la DDSE comme peine autonome, nous conservons les aménagements pour les courtes peines et gardons trois solutions : le placement extérieur, le placement sous surveillance électronique et la semi-liberté.

M. Dominique Théophile.  - Le recours aux aménagements de peine ab initio reste limité. Les magistrats seront invités à recourir davantage à la DDSE, transformée en peine autonome. La DDSE est une alternative efficace à l'emprisonnement, permettant de lutter contre la surpopulation carcérale endémique, tandis que les magistrats de la juridiction de jugement pourront toujours prononcer en cours d'exécution les peines résultant des obligations et interdictions assortissant la libération conditionnelle.

M. Jacques Bigot.  - En effet, je crois, madame la ministre, que nos positions, à l'issue du travail effectué avec la commission des lois et son rapporteur, face à la surpopulation carcérale et à la récidive, ne sont pas si éloignées. Si la sanction est nécessaire, il faut aussi se préoccuper de la réinsertion. La détention à domicile reste une peine privative de liberté. La probation est un outil efficace. La contrainte pénale n'a pas eu le succès espéré car elle n'a pas été comprise par les magistrats.

Quelqu'un qui consulte des sites pédopornographiques doit-il aller en prison ? Sans doute pas. En revanche, il faut lui imposer un suivi socio-judiciaire. C'est pourquoi la commission des lois a repris notre travail pour articuler les peines et les modalités d'exécution des peines. Nous avons recherché un équilibre.

Les amendements identiques nos186 et 258 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°351, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéas 17 à 24

Supprimer ces alinéas.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement prolonge la logique des amendements adoptés en commission concernant l'article 43 et la simplification des dispositions relatives au prononcé des peines. Il convient de parachever cette réforme en supprimant les restrictions aux stages et en permettant aux juridictions de définir les contenus des stages en les adaptant aux profils des délinquants de leur territoire. 

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Retrait, sinon avis défavorable. Vous supprimez la référence aux différents types de stages, laissant les juridictions libres de définir les stages. Cela constitue une entorse au principe de légalité des délits et des peines. Il appartient au législateur de définir précisément les peines encourues. C'est ce que fait notre texte.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Effectivement, en matière pénale, le stage doit figurer dans la loi comme peine - c'est le cas ; en revanche, les modalités du stage restent libres. Nous avons défini clairement son principe, son quantum et sa durée. Adoptons cet amendement, tout en sachant qu'il n'est pas question pour le Sénat de prendre un risque constitutionnel, et conservons-le pour l'instant, avant d'approfondir la réflexion. Nous verrons comment elle évoluera.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Dans ce cas, j'émets un avis défavorable.

L'amendement n°351 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°352, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 43

I.  -  Remplacer les mots :

4° de l'article 224-9

par les mots :

4° du I de l'article 224-9

II.  -  Après la référence :

225-20,

insérer les mots :

le 7° de l'article 227-29,

III.  -  Remplacer les mots :

6° de l'article 322-15

par les mots :

6° du I de l'article 322-15

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement de coordination.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°352 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°353, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Après l'alinéa 44

Insérer un alinéa et quatre paragraphes ainsi rédigés :

...° Le deuxième alinéa de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique.

...  -  Au troisième alinéa de l'article L. 3353-3 du code de la santé publique, les mots : « , et celle de l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1 du code pénal » sont supprimés.

...  -  À la première phrase de l'article 20-4-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, les mots : « de citoyenneté » sont supprimés.

...  -  Au second alinéa de l'article 3 de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, les mots : « de citoyenneté mentionné au 8° » sont remplacés par les mots : « mentionné au 7° ».

...  -  À la première phrase du premier alinéa de l'article 709-1-1 et au premier alinéa de l'article 709-1-3 du code de procédure pénale, les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « premier alinéa ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement de coordination.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°353 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°305 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.

Alinéas 45 à 48

Supprimer ces alinéas. 

M. Guillaume Arnell.  - Instaurée par la loi du 10 juin 1983, la peine de travail d'intérêt général permettait de préparer la réinsertion en rendant service à la collectivité. L'individu devait réparer les torts qu'il avait causés à la société. C'était la différence avec les travaux forcés, abolis en France par l'ordonnance du 4 juin 1960. L'accomplissement d'un travail d'intérêt général en entreprise de l'économie sociale et solidaire ne comporte aucune mention de la réinsertion, et la notion d'intérêt général est discutable, même dans la tête du condamné. Aucune mesure de sensibilisation ou de formation dans les entreprises chargées d'accueillir ces TIG n'est citée. Les efforts doivent porter sur l'amélioration de la mise en oeuvre des travaux d'intérêt général et les sanctions applicables en cas de manquements.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait ? L'expérimentation permet de réaliser des travaux d'intérêt général auprès de personnes morales de droit privé, relevant de l'économie sociale et solidaire. Cela semble intéressant car il est difficile de trouver des places pour effectuer un travail d'intérêt général. Tous les intervenants nous ont alertés sur la très grande difficulté à trouver des solutions. Or tout l'enjeu de ce projet de loi est d'offrir aux magistrats un panel de peines suffisamment large pour que le juge puisse les adapter au grand nombre de personnes qui comparaissent.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux,  - Retrait. Le Gouvernement veut créer, dans quelques semaines, une agence du travail d'intérêt général pour impulser une vraie politique dans ce domaine. Une plateforme recueillera les lieux de stage habilités et les tuteurs.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Le développement des travaux d'intérêt général marque le pas depuis plusieurs années. Or nous ne cessons de nous inquiéter de la préférence donnée aux peines d'enfermement au moment où nous nous efforçons de développer les alternatives à l'incarcération. L'emprisonnement reste la règle, au risque d'exposer les jeunes délinquants à l'école de la récidive, qu'est parfois la prison. Ce n'est pas en prison que les détenus pourront faire l'apprentissage d'un métier ou préparer leur réinsertion. Le travail d'intérêt général reste une formule utile. (Mme Esther Benbassa approuve.)

En interdisant au secteur de l'économie sociale et solidaire d'accueillir des travaux d'intérêt général, on se prive d'une possibilité. Pourtant l'économie sociale et solidaire, ce n'est pas comparable, si vous me permettez de forcer un peu le trait, aux travaux forcés dans l'industrie capitaliste. Les entreprises de ce secteur sont inspirées par une démarche humaniste, qui n'est pas moins respectable que celle des collectivités publiques.

Pourquoi les exclure du champ des travaux d'intérêt général ? Mieux vaudrait au contraire desserrer les goulets d'étranglement vis-à-vis des travaux d'intérêt général. Je sais toutefois qu'avec la suppression des emplois aidés, certaines communes seront plus disposées à accueillir des personnes condamnées à des travaux d'intérêt général... Mais cela suppose un encadrement qui fait parfois défaut dans les petites communes, où c'est souvent le maire qui doit se charger de cet accueil. Ne faisons pas peser sur elles une charge excessive.

En retirant cet amendement, Monsieur Arnell, vous offririez une solution supplémentaire à de nombreux jeunes délinquants.

M. Guillaume Arnell.  - Cet amendement n'est cosigné que par la moitié des sénateurs RDSE. Nous voulions avoir la certitude que l'élargissement des travaux d'intérêt général aux entreprises de l'économie sociale et solidaire n'impliquait pas un changement de philosophie de ces travaux. Je retire l'amendement.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Merci de votre compréhension ! J'apprécie votre geste.

L'amendement n°305 rectifié est retiré.

Mme la présidente. - Nous avons examiné aujourd'hui 51 amendements. Il en reste 98. Or ces textes sont inscrits à l'ordre du jour de la semaine prochaine. Je vous propose de lever la séance après le vote sur cet article. (Assentiment)

M. Pierre Ouzoulias.  - Alors que, depuis des années, l'échelle des peines devient de plus en plus lourde, cette logique semble enfin s'inverser. Tant mieux ! Toutefois, malgré les bénéfices de ce consensus naissant, nous ne pouvons voter cet article car nous ne trouvons pas dans votre programmation les moyens supplémentaires nécessaires aux aménagements de peines et à la réinsertion.

M. Jérôme Bignon.  - Les collectivités ne sont pas les seules à être frappées par la réduction massive des emplois aidés, les associations le sont tout autant ! Président d'une banque alimentaire, je suis convaincu que donner l'opportunité à des jeunes qui se sont écartés du droit chemin d'aider leurs prochains dans la difficulté est une bonne chose. Je serai prêt, avec nos bénévoles, à m'y employer.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Merci pour votre offre. Les travaux d'intérêt général ne constituent que 6 % des peines prononcées. Pourtant, c'est un outil précieux.

Monsieur Ouzoulias, nous avons prévu des moyens supplémentaires à travers le recrutement de 1 500 conseillers d'insertion et de probation supplémentaires, qui nous aideront notamment à suivre les travaux d'intérêt général.

L'article 43, modifié, est adopté.

Prochaine séance, mardi 16 octobre 2018, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 5.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus