Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Notre séance est retransmise en direct. Chacun sera attentif à son temps de parole ainsi qu'à la courtoisie.

Syrie (I)

M. Claude Malhuret .  - Au moment où nous parlons, le Conseil de sécurité des Nations unies se réunit à New York. Le sujet est, une fois de plus, le massacre à l'arme chimique de nombreux civils syriens dans la banlieue de Damas par les troupes de Bachar Al-Assad. Triste répétition ! Triste répétition aussi que le déni des parrains russes, complices et coupables, dont l'ambassadeur à l'ONU explique sans rire qu'il s'agit de fake news, comme il l'a fait il y a quelques jours dans l'affaire du Novitchok à Londres.

Monsieur le Premier ministre, je ne vous demanderai pas si vous comptez envoyer des avions et lâcher des bombes. Nous savons désormais les conséquences catastrophiques de certaines guerres humanitaires pour ne pas réfléchir à deux fois à la nature de notre réponse. Après l'attaque à l'arme chimique de l'an dernier, les Américains ont frappé une base vide. Et les massacres ont repris, et les gaz sont réapparus. Ma question est simple : y a-t-il un moyen pour la France et ses alliés de mettre fin à l'impunité des auteurs de ces actes inhumains ? Comment la France peut-elle agir face à un régime irresponsable soutenu par un membre du Conseil de sécurité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, LaREM, UC, RDSE et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Un an jour pour jour après le massacre de Khan Cheikhoun, deux nouvelles attaques à l'arme chimique ont été perpétrées. Une nouvelle fois, le droit international est bafoué ; l'expression de la plus simple humanité est bafouée. Ces attaques traduisent le fait que le régime syrien ne reculera devant aucune transgression pour mettre fin militairement à toute résistance, à toute proposition.

Si la guerre a fait un nombre de morts considérable, le recours à l'arme chimique ne peut être confondu avec les autres : c'est transgresser fondamentalement l'ordre international, violer le protocole de 1925, la Convention de 1993 et plusieurs résolutions de l'ONU. Utiliser l'arme chimique, c'est dire, c'est faire quelque chose.

Votre intervention, Monsieur le président Malhuret dit aussi quelque chose. Elle traduit notre volonté de faire respecter l'ordre international. Face à ces événements d'une extrême gravité, le président de la République l'a dit, la France prend ses responsabilités. Le Conseil de sécurité des Nations unies s'est réuni hier, il se retrouve aujourd'hui pour demander l'arrêt des hostilités, un cessez-le-feu immédiat. La France a insisté sur la nécessité de recréer un mécanisme d'enquête international. Jamais les armes chimiques ne doivent pouvoir être utilisées impunément. C'est le sens de l'initiative que Jean-Yves Le Drian a prise en janvier dernier pour faciliter l'identification des individus et des entités qui collaborent à ces programmes.

L'émotion, l'horreur devant de tels actes, est partagée sur tous les bancs. La solution à la crise syrienne sera politique mais il ne peut y avoir de diplomatie crédible si de telles atrocités n'entraînent pas une réponse forte et unie de la communauté internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes Les Indépendants, UC, RDSE et Les Républicains)

M. Claude Malhuret.  - Un seul impératif : que la France et tous les pays démocratiques parviennent à rétablir un tabou sur les armes chimiques, dont l'utilisation provoque des carnages. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe LaREM)

Autisme

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question porte sur le quatrième plan Autisme pour les années 2018 à 2022. Je suis inquiet du décalage entre les annonces du président de la République et les moyens alloués. Un montant de 334 millions d'euros, est-ce suffisant quand l'on veut faire de la prise en charge de l'autisme une priorité nationale ? Quelque 69 millions d'euros par an, est-ce suffisant pour améliorer le diagnostic de l'autisme alors que les centres de ressources autisme sont saturés et trop peu nombreux ? Quelque 69 millions d'euros par an, est-ce suffisant pour scolariser les enfants alors que nous avons pris du retard sur la formation des enseignants et que nous manquons d'AVS spécialisés ? Quelque 69 millions d'euros par an, est-ce suffisant pour organiser le parcours de soins des enfants jusqu'à quatre ans ? Et je ne parle pas de la prise en charge des 600 000 personnes atteintes de troubles autistiques ; 6 500 Français sont exilés en Belgique... Madame la Ministre, le financement de ce plan est-il à la hauteur d'une cause érigée en priorité nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Monsieur le Sénateur, je sais votre engagement sur l'autisme en particulier et la politique du handicap en général. Au terme de neuf mois de concertation, la stratégie nationale sur l'autisme est à la hauteur des attentes. Car c'est plus qu'un plan, c'est une stratégie qui engage collectivement le Gouvernement.

Plus de 90 millions d'euros seront investis pour débloquer les verrous qui empêchent le diagnostic car plus la détection sera précoce, plus nous diminuerons le surhandicap. Plus de 103 millions sont investis dans l'Éducation nationale, contre 6 millions avant, pour l'insertion des personnes depuis la maternelle jusqu'à l'université. Plus de 14 millions seront consacrés à la recherche d'excellence. L'ambition est là. Je veillerai personnellement à ce que chaque euro soit bien employé pour lutter contre la désinclusion. Nous voulons une société inclusive, nous la bâtirons ensemble ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

M. Philippe Mouiller.  - Je salue votre ambition mais reste inquiet. Il suffit de sortir une calculette pour l'être ; et encore, je n'ai pas parlé du chantier de la simplification administrative. Le temps de la politique, le temps de l'administration ne sont pas celui des familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Les GAFA et l'Éducation nationale

Mme Catherine Morin-Desailly .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) J'ai été très surprise d'apprendre le débauchage par Amazon France du directeur du numérique de l'Éducation nationale par Amazon, après celui d'un responsable de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes par Google. Certes, la commission de déontologie de la fonction publique se prononce mais l'on peut s'inquiéter de la perméabilité de l'Éducation nationale à l'influence des géants américains du numérique.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Votre prédécesseur, Monsieur le Ministre, avait conclu une série de contrats avec Google et Microsoft sans même lancer d'appel d'offres.

Ne soyons pas naïfs : ces géants mènent une politique d'influence sous couvert de soutenir l'innovation pédagogique : Microsoft soutient le forum des enseignants innovants, Google la chaire sur l'intelligence artificielle de Polytechnique. Des sorties de classe dans des boutiques Apple, est-ce normal ? Les enfants ne seraient-ils pas mieux au musée ou à la bibliothèque ?

Conclure des chartes avec les GAFA, dont la captation des données personnelles est la raison d'être, ne suffit pas. Monsieur le Ministre, il est temps de clarifier la position de l'Éducation nationale sur cette question. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - Merci de cette question sur un sujet absolument essentiel, un sujet de notre temps sur lequel nous devons tenir une position d'équilibre. Les grands acteurs du numérique occupent une place importante dans notre société ; dans le même temps, l'école ne doit pas être perméable aux influences. Je ne commenterai pas le départ de notre directeur du numérique qui fait actuellement l'objet d'un examen par la commission de déontologie sauf pour rappeler que l'Éducation nationale n'a aucune relation contractuelle avec Amazon.

Oui, les données personnelles représentent de l'or. L'école, le collège, le lycée ne doivent pas devenir des lieux où elles sont captées. Je serai extrêmement vigilant et veillerai à ce que l'on ne connaisse plus les situations de fragilité que le ministère a vécues par le passé. J'en serai le premier gardien, avec le futur directeur du numérique de l'Éducation nationale.

Quant aux sorties scolaires, il vaut effectivement mieux aller au musée que dans une boutique Apple. L'initiative dont vous parlez était malheureuse ; c'était une erreur, je l'ai dit. L'école de la République doit être protégée des influences tout en restant ouverte sur le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs des groupes RDSE et UC)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Quand le Sénat américain auditionne Mark Zuckerberg, il faut mettre fin à la complaisance naïve avec ces entreprises qui ont leur propre agenda. Le dire, ce n'est pas être fermé aux technologies mais se montrer lucide. Notre avenir doit se construire sur le respect des libertés fondamentales, si chères à l'Europe. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Syrie (II)

M. Bernard Cazeau .  - La situation en Syrie évolue de jour en jour. Après les attaques turques sur Afrine, l'armée syrienne procède à des attaques chimiques sur la Ghouta orientale. Le Conseil de sécurité des Nations unies, saisi par la France, a décidé de mener une enquête approfondie. Peut-on s'en contenter quand l'emploi d'armes chimiques a été défini comme une ligne rouge du droit international ? Alors que le conflit semblait aller sur sa fin avec la chute de Daech il y a quelques semaines, il s'accélère sous l'oeil bienveillant de la Russie. Quelles initiatives la France prend-elle pour stopper cette escalade ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Samedi 7 avril, deux attaques chimiques ont eu lieu en Syrie, sur la ville de Douma. Le bilan, qui n'est que provisoire, est terrifiant : au moins cinquante morts et un millier de victimes civiles ; des femmes, des hommes et des enfants.

En 1925, avec le protocole de Genève interdisant les gaz asphyxiants, la communauté internationale avait dit : plus jamais ça ! En 1993, avec la convention interdisant l'emploi des armes chimiques, elle l'a dit à nouveau.

Qui est derrière ces attaques ? Ceux qui ont le savoir-faire pour produire du chlore et des gaz neurotoxiques et l'intérêt militaire à les mobiliser. Il y a peu de doutes sur la responsabilité du régime syrien. Quelle est celle de ses alliés ? Pas un seul avion syrien ne décolle aujourd'hui sans en avertir les autorités russes... Nous demandons aux Russes un comportement de responsabilité. Nous avons saisi le Conseil de sécurité des Nations unies. Le président de la République s'est entretenu à deux reprises avec M. Trump, il a également discuté avec Mme May.

La communauté internationale, face à cette situation, doit faire preuve de responsabilité et la France, tenir ses engagements et sa parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Avenir de la PAC

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Notre commission des affaires européennes a organisé une rencontre avec des députés et des représentants français au Parlement européen. Nous en sommes sortis inquiets : ce que l'on entend dans nos territoires serait vrai, nous allons vers des coupes budgétaires drastiques. Le commissaire Oettinger a évoqué une baisse de 5 à 10 % par an, soit plus de 3 milliards d'euros par an. Cela dépasse l'entendement ! Et je ne parle pas des revendications incessantes des pays de l'Est de l'Europe pour une harmonisation complète et rapide des paiements directs. Dès lors qu'il s'agit d'un jeu à somme nulle entre les États membres, la France ne peut qu'y perdre. On ne peut pas s'y résoudre quand nos agriculteurs gagnent 350 euros par mois en moyenne. Jusqu'à présent, la France était prête à moderniser la PAC, pas à la sacrifier. Monsieur le Ministre, nous avons besoin d'être rassurés, nous dont vous savez l'attachement à l'Europe et le combat sans relâche que nous avons mené pour une PAC ambitieuse. Les agriculteurs ont besoin d'un signal fort. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - La PAC est une priorité pour la France. Nous allons dans toute l'Europe promouvoir notre position : une PAC plus ambitieuse, plus solide, plus protectrice qui favorise notre compétitivité et offre une meilleure réserve de crise. La PAC, politique totalement intégrée, est l'une des plus anciennes de l'Europe - et notre pays affiche l'un des taux de retour les plus importants. Nous voulons la doter d'un budget très ambitieux. Le Brexit, les besoins des nouvelles politiques en matière d'immigration ou encore de défense font craindre pour lui mais, Monsieur le Sénateur, comptez sur notre mobilisation pour que la ferme France continue à recevoir des paiements directs sur le premier pilier et à porter une véritable ambition environnementale pour le deuxième pilier. Voilà quelle est la position française, voilà quelle est l'exigence française. Nous avons besoin de tous pour la faire entendre dans les capitales européennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Mouvement social dans les universités

Mme Esther Benbassa .  - (M. Joël Labbé applaudit.) Ce matin, dans une tribune sur France Info, 425 enseignants dénonçaient la loi de réforme de l'université et la plateforme Parcoursup. Ils appelaient au retrait de cette réforme absurde et exprimaient leur soutien aux enseignants et étudiants mobilisés contre une sélection qui ne dit pas son nom. (Brouhaha sur les bancs du groupe Les Républicains) Chers collègues, vous pourriez avoir la politesse de vous taire... (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Des milliards d'euros annoncés par la ministre de l'enseignement supérieur pour la réforme du premier cycle, personne n'a vu la couleur, ils ne figurent dans aucun document budgétaire. Or la réforme doit d'abord viser à donner aux universités les moyens de fonctionner...

Hier les CRS, sur le campus de Nanterre, ont interrompu violemment une réunion d'étudiants et d'enseignants. (Exclamations et rires à droite) Quel exemple de réponse du Gouvernement à la contestation de sa politique ! Violence sur les campus, violence à Notre-Dame-des-Landes... (Huées à droite) Contre tous ceux qui défendent les services publics, cheminots, soignants, avocats, magistrats, allez-vous poursuivre dans la voie du clivage et du pourrissement ou choisir enfin la détente et la concertation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Ne mélangeons pas la mobilisation des étudiants et la violence de certains groupuscules... (Applaudissements des bancs du groupe Les Républicains à ceux du groupe LaREM)

Les universités sont des lieux de débat. Mais hier à Nanterre, 30 individus sont arrivés à 6 h 30 du matin et ont cassé des portes. C'est un délit. Il est normal que le président de l'université demande l'intervention des forces de l'ordre, et défende son établissement, le personnel et les étudiants.

Arrêtons la désinformation. Il est faux de dire que nous bradons les diplômes, qu'il n'y aura plus de compensation ni de redoublement. Le président d'une université me l'a dit, une assemblée générale de 70 personnes vote la grève à 35 voix pour et 33 contre, tandis que 65 000 étudiants travaillent. (Applaudissements au centre et à droite)

La démocratie, c'est aussi entendre la majorité des étudiants, les organisations syndicales qui ont approuvé la réforme... et le Parlement, qui a voté, car vous avez voté, la fin du tirage au sort. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux des groupes CRCE et SOCR)

Situation de Raif Badawi

Mme Laurence Rossignol .  - Raif Badawi, un blogueur de 34 ans, libre-penseur, intellectuel, a été condamné à dix ans de prison et mille coups de fouet en place publique pour avoir troublé l'ordre public, les valeurs religieuses, la morale. (« Cela ne choquait pas Hollande ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) Il a défendu les droits des femmes, la liberté d'expression et l'idée que musulmans, juifs, chrétiens, athées sont égaux. Bien sûr, il ne pouvait le dire en ces termes...

Raif Badawi est devenu le symbole de la lutte pour la liberté d'opinion dans les pays où règne l'arbitraire. Le prince Mohammed ben Salmane est en visite officielle en France et le président de la République se rendra à Riyad prochainement.

Monsieur le Premier ministre, pour sa femme Ensaf et ses enfants, réfugiés au Canada, comme pour tous ceux en France qui pensent que notre pays a autre chose à offrir au monde que des contrats d'armement, avez-vous dit au prince Mohammed ben Salmane que la France et l'ONU condamnent sa détention, qui est une atteinte aux droits fondamentaux, et réclament sa libération ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et RDSE ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.)

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Raif Badawi a été condamné pour apostasie et insultes à l'islam. Il est détenu, en attente du réexamen de son dossier par la Cour suprême. Son avocat a lui aussi été condamné à une lourde peine. Cela a suscité une mobilisation internationale forte et légitime. Le Parlement européen lui a décerné le prix Sakharov en 2015.

M. Simon Sutour.  - On le sait ! Répondez ! (Marques d'impatience sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - La France est intervenue directement auprès du prince Salmane pour qu'il prenne des mesures de clémence. Ce cas est emblématique au Moyen-Orient, où les libertés d'expression, de conviction et de croyance sont menacées.

Une évolution est d'autant plus nécessaire quand le prince Salmane mène l'Arabie saoudite sur la voie de réformes ambitieuses, économiques mais aussi sociales, et cherche à promouvoir un islam d'ouverture et de tolérance.

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est bien parti...

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - C'est un sujet que nos relations avec l'Arabie saoudite nous permettent d'évoquer sans détour.

Mme Laurence Rossignol.  - Merci de cette réponse très précise. Manque seulement une chose : à l'occasion de la visite du prince, le président de la République et le Premier ministre ont-ils évoqué la libération de M. Badawi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)

Neutralité des services de l'Éducation nationale

M. François-Noël Buffet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le 29 mars, la députée Mme Anne Brugnera a organisé une réunion publique sur le Plan étudiants et la réforme du bac, « pour la réussite de tous et de chacun », où étaient également présents le député M. Fugit et le chef du service académique d'information et d'orientation. L'invitation affichait les logos de l'Assemblée nationale, de la région académique, de l'académie de Lyon. L'inspecteur d'académie a demandé aux chefs d'établissement d'adresser à tous les parents d'élèves de terminale un message électronique pour diffuser l'invitation. Bref, des fonctionnaires participent à une réunion politique, et les services académiques en assurent le relais. Je suis très étonné par de telles méthodes. Le principe de neutralité du service public existe-t-il encore ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - La question de l'orientation est extrêmement importante. Il est logique que des réunions soient organisées... (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Mathieu Darnaud.  - N'importe quoi ! Ce n'est pas la question !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - ... pour expliquer les réformes. Les parlementaires sont les élus de la Nation. Toute réunion qu'ils organisent n'est pas politique. (M. David Assouline ironise.) Cette réunion n'avait aucun caractère politique. (Fortes protestations à droite et à gauche) Elle était purement informative. Le principe de neutralité est parfaitement respecté. (M. Martin Lévrier applaudit ; protestations sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR)

M. Antoine Lefèvre.  - C'est scandaleux !

M. François-Noël Buffet.  - Notez bien que tous les bancs réagissent ! Même dans l'ancien monde, ça ne se produisait pas ! (Mme Patricia Schillinger en doute.) Votre nouveau monde bouscule la neutralité du service public et de l'État. Rien n'empêchait la rectrice et le préfet d'inviter tous les parlementaires à cette réunion, qui aurait alors été acceptable. S'en tenir aux représentants de La République en marche ne l'est pas. (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes Les Républicains, SOCR, Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC, ainsi que sur la plupart des bancs du groupe CRCE)

Pollution aux algues sargasses aux Antilles et en Guyane

M. Dominique Théophile .  - Guadeloupe, Martinique et Guyane sont confrontées à une pollution exceptionnelle par des algues sargasses en provenance du Brésil. Elles pourrissent sur le littoral, dégageant de l'hydrogène sulfuré et de l'ammoniaque, ce qui menace la santé des habitants. Marie-Galante s'est vidée, la pêche est bloquée, les hôtels ont fermé. Les pertes, depuis le début de la crise en 2011, sont inestimables. Les mots « République » et « solidarité nationale » doivent se conjuguer au présent partout sur le territoire, y compris dans les départements français d'Amérique. Ceux-ci attendent un engagement de l'État !

À ce jour, le ramassage des algues est le seul moyen de lutte. La France doit cependant faire appliquer le principe pollueur-payeur à l'échelle internationale, organiser une mobilisation urgente des moyens de collecte en mer mais aussi des moyens d'information, voire d'évacuation des populations. Une enveloppe a été annoncée, de 500 000 euros pour les dépenses d'investissement et autant pour le fonctionnement : c'est dérisoire quand on sait qu'en 2017, le coût a été de 700 000 euros en Guadeloupe pour seulement quatre communes.

Quelles mesures financières, quelles actions supplémentaires allez-vous engager pour accompagner les collectivités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - Il s'agit effectivement d'un désastre écologique et économique. Le Haut Conseil de la santé publique, sollicité dès 2012, a préconisé un ramassage systématique et un stockage. En 2014, un dispositif de veille a été mis en place, et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a lancé un programme d'appels à projets innovants pour la collecte et le traitement.

Nombre de projets ont été financés, visant à mieux comprendre l'origine du phénomène, les causes de ces échouages, les possibilités de valorisation. Plus de 2 millions ont été mobilisés en Guadeloupe par l'Ademe et le ministère de la transition énergétique depuis 2015. Un fonds d'urgence de 1,5 million a été débloqué par mon ministère, dont 700 000 pour la Guyane, puis tout récemment, en urgence, 500 000 de plus pour les investissements des communes en matériel de ramassage.

Mais nous prendrons d'autres initiatives, et je réunis à ce sujet tous les élus de Guadeloupe la semaine prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Baisse des dotations communales

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - Monsieur le ministre de l'économie et des finances, le président de la République avait indiqué en septembre dernier que la totalité des dotations aux collectivités serait maintenue. Le pacte financier ne devait concerner que les trois cents plus grosses collectivités, qui représentent 80 % des dépenses locales. Or le montant de la DGF est en baisse de 135 millions d'euros, pénalisant 22 000 communes, dont la dotation forfaitaire baisse en moyenne de 5,8 %.

Le décalage entre les annonces et les chiffres réels est peut-être une méthode à laquelle nous devons nous habituer, mais pas nous résigner. Beaucoup de maires nous alertent sur la baisse de leur DGF et sur les difficultés induites. N'est-il pas grand temps de nous préoccuper du sort des communes, dernier lien entre les pouvoirs publics et la population ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Cet engagement est respecté par le budget. (On le conteste sur les bancs du groupe Les Républicains.) Il suffit de regarder le site de la DGCL : les chiffres sont restés les mêmes.

M. François Grosdidier.  - Nous regardons le montant notifié à nos communes !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Il faut considérer toutes les dotations. La part forfaitaire de la DGF, comme chaque année, est écrêtée pour financer la péréquation, par exemple, ou tenir compte d'augmentations de population.

Une baisse de la population explique que la DGF diminue dans certaines communes - mais elle augmente dans d'autres. La DSR augmente, au total, de 100 millions, au profit des communes rurales les plus fragiles. La DSU augmente également de 100 millions au plan national : 2 millions de plus pour Roubaix, 1 million de plus pour Mulhouse, Saint-Denis ou Sarcelles. Le maintien de la DGF est une réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Nous ne sommes pas dupes. Nous savons que vous êtes ici en contradiction avec les chiffres de la DGCL. (Applaudissements à droite)

Laïcité et pacte républicain

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Le discours du président de la République à la conférence des évêques ne romprait en rien le principe de laïcité ? Ce n'est pas notre lecture de la laïcité, ni celle de nombre de nos concitoyens !

« Réparer le lien abîmé entre État et Église » : des mots qui remettent en cause la loi de 1905... Cela est particulièrement malvenu quand le communautarisme met en danger le vivre-ensemble dans nombre de nos quartiers. La quête d'absolu, la recherche de sens ne sont pas l'apanage des religions, beaucoup d'athées ont une vie spirituelle ! Que M. Macron ait une haute idée des catholiques est son droit mais, président de la République française, il ne devrait pas oublier de distinguer ce qui relève de la sphère publique et ce qui appartient à la sphère privée.

À quelles fins a-t-il franchi cette ligne rouge ? S'agit-il d'une remise en cause réelle de la séparation, ou d'une diversion médiatique quand tant de crispations traversent notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je vous conseille de lire le texte intégral du discours du président de la République. Vous verrez qu'il est de haute portée. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC) Le président s'adressait hier aux chrétiens de France comme il s'est adressé ces derniers mois aux juifs, aux protestants, aux musulmans.

M. Simon Sutour.  - C'est du communautarisme !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Et les athées ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État.  - Le président de la République doit réunir tous les Français : c'est cela, la laïcité et la loi de 1905.

La loi de 1905 avait été portée initialement comme une loi de combat contre les religions. (Vives protestations à gauche) Aristide Briand l'a défendue comme une loi de liberté, liberté de croire ou de ne pas croire, et liberté de pratiquer une religion tant que cela ne porte pas atteinte à l'ordre public. Il n'y a rien à retirer ni à ajouter à cela ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC et RDSE et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 17 h 40.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-président

La séance reprend à 17 h 50.