Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement qui sont, je vous le rappelle, retransmises en direct. Chacun aura évidemment à coeur d'observer une valeur essentielle au Sénat : le respect, des uns et des autres comme du temps de parole. En cette Journée internationale de la francophonie, j'invite chacun à choisir les meilleurs mots de la langue française ! (Applaudissements)

Laïcité

Mme Françoise Laborde .  - Monsieur le Premier ministre, nous assistons à de nouvelles offensives de la part de ceux qui tentent de diviser les Français en propageant une vision communautariste du monde. Le RDSE veut relayer l'appel de cent personnalités contre la volonté séparatiste de certains groupes islamistes.

Ces derniers jours, des associations laïques ont été la cible d'attaques incessantes sur les réseaux sociaux. Ne nous y trompons pas : leur but est de déstabiliser notre modèle républicain en jouant sur les difficultés que les Français vivent au quotidien. Oui, la liberté doit être la même pour chacun. Oui, l'égalité entre tous, femmes et hommes, est la loi. Oui, la fraternité est un pilier de notre République, faite d'humanisme et d'universalisme. Oui, la laïcité cimente ces principes républicains comme la loi de 1905 qui instaure la neutralité de l'État.

La laïcité, que les intégristes de tous bords veulent discréditer, ne stigmatise aucune religion, aucun croyant. Elle garantit l'égalité de traitement de tous les citoyens. Comment comptez-vous, Monsieur le Premier ministre, repousser ces nouvelles formes d'activisme communautariste ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, Les Indépendants, LaREM et UC, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOCR et Les Républicains ; Mme Christine Prunaud applaudit également.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Madame la Sénatrice, votre litanie d'affirmations (Murmures désapprobateurs sur les bancs du groupe RDSE) prend la forme d'un credo (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains) que je partage ! Comme vous, je pense que la laïcité est désormais intimement imbriquée dans les valeurs de la République. Nous devons la défendre et l'expliquer à ceux qui doutent de son sens ou font mine de l'ignorer : elle est un principe de liberté, de neutralité et d'égalité - de tous, croyants ou non.

Le Gouvernement a formulé lors du comité interministériel qui s'est déroulé à Lille des propositions pour prévenir et lutter contre la radicalisation mais vous avez insisté sur les réseaux sociaux. Il y a quelque chose de profondément choquant dans le dispositif juridique qui s'applique à l'heure où nous parlons. Hérité des années 2000, il repose sur la différence entre éditeurs et hébergeurs. Imaginons quelqu'un ici - non, par nature, pas quelqu'un ici... Imaginons donc quelqu'un qui rédigerait sur le site d'un journal un commentaire contrevenant aux lois proscrivant l'expression d'une opinion antisémite ou raciste. La responsabilité du directeur de publication serait immédiatement engagée. Le même commentaire, en revanche, passerait sur un réseau social parce que ne pèse pas la même responsabilité sur l'hébergeur.

Il est profondément choquant que des réseaux sociaux parviennent à censurer la retransmission en direct d'un match de football parce qu'ils savent les difficultés que cela leur créerait avec des diffuseurs, mais non des contenus racistes ou antisémites.

Le président de la République veut que ces écrits soient constatés, censurés et retirés sans aucun délai des réseaux sociaux. Nous travaillons avec nos partenaires européens à la création d'un troisième statut, intermédiaire entre celui d'éditeur et d'hébergeur, pour mettre fin à cette sensation d'anonymat sur Internet qui crée un sentiment d'impunité délétère. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LeIndépendants, RDSE et UC, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Contrôle des chômeurs

M. Pascal Savoldelli .  - Ce matin, le Gouvernement a pris une mesure très courageuse. Oui, il s'engage pour le progrès social. Pour mettre fin à la précarité de l'emploi, il entend renforcer les contrôles à l'égard des chômeurs. Quelle audace ! Quel courage politique faut-il pour s'attaquer aux plus précaires ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)

Voix à droite. - Non, aux fraudeurs !

M. Pascal Savoldelli.  - Les fraudes représentent 5 % des prestations versées, elles seraient le fait de 0,4 % des demandeurs d'emploi. Et vous triplez les effectifs du contrôle ? La fraude fiscale dont les entreprises se rendent coupables, elle, s'élève de 60 à 80 milliards d'euros.

M. François Grosdidier.  - Cela n'excuse pas la fraude !

M. Pascal Savoldelli.  - Celui qui n'acceptera pas un travail précaire à une heure de chez lui ne recevra plus d'allocation pour laquelle il a cotisé quand l'employeur a droit à l'erreur et à une fiscalité avantageuse. Évidemment, ce n'est pas du mépris de classe, de la culpabilisation des privés d'emploi - un qualificatif stigmatisant en lui-même. C'est toujours aux mêmes qu'on demande des efforts quand les grands du CAC 40 n'ont jamais été aussi opulents. Monsieur le Ministre, Il faut battre le chômage, pas les chômeurs. C'est simple et basique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Puisque le président Larcher nous a invités à une approche plus littéraire des questions d'actualité, je m'autoriserai une citation : « les devoirs sont les droits que les autres ont sur nous ».

Mme Éliane Assassi.  - Justement !

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Elle n'est pas d'un Français, elle est de Friedrich Nietzsche. Cette observation a enrichi, je le pense, la langue et la philosophie françaises.

La stigmatisation, ce n'est pas ce que vous dites ; la stigmatisation, c'est d'échouer à trouver un emploi, faute d'accompagnement précoce. C'est pourquoi nous investissons 15 millions d'euros dans la formation et renforçons l'accompagnement des chômeurs. Grâce au journal de bord, les agents de Pôle emploi passeront moins de temps à vérifier les actes de recherche d'emploi pour se consacrer au conseil individualisé. L'offre raisonnable d'emploi... On ne peut pas exiger la même chose de tous ! Allez demander à une femme seule avec trois enfants qui habite en zone rurale sans avoir le permis de conduire de se déplacer...

Nous devons aussi lutter contre une autre forme de stigmatisation que vous connaissez très bien : la toute petite minorité des demandeurs d'emploi qui ne cherchent pas de travail. Ceux-là nuisent à l'image de tous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Républicains et UC ; huées sur les bancs du groupe CRCE)

Climat social

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Monsieur le Premier ministre, le 22 mars prochain - jour symbolique pour un Gouvernement qui voulait célébrer mai 68 -, se tiendra une mobilisation. J'y participerai.

D'un côté, réforme de l'ISF, instauration d'une flat tax ; de l'autre, hausse de la CSG pour les fonctionnaires et les retraités, baisse drastique des emplois aidés et réduction des APL. Vous faites de la solidarité inversée une marque de fabrique ; et je ne parle ni de la SNCF ni de l'hôpital ni des fermetures de classes en milieu rural...

Alors que la France crée de plus en plus de richesses, ce dont il faut se réjouir, comptez-vous mieux les répartir par des mesures en faveur du pouvoir d'achat ? Et je ne parle pas de celui des propriétaires de yachts... (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Merci pour cette question toute en nuances (Sourires sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et UC) et parfaitement légitime. Toutes ces questions, toutes ces inquiétudes, toutes ces préoccupations liées au fonctionnement de certains services publics, sont, bien sûr, spontanément apparues en mai dernier ! (Rires sur les bancs du groupe LaREM) Si l'hôpital va mal, ce n'est pas parce que nous avons pris de mauvaises décisions, mais parce que des décisions importantes n'ont pas été prises avant mai... Je le dis comme je le pense ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC)

Le 22 mars, la mobilisation vise une décision prise durant le dernier quinquennat, l'ouverture du rail à la concurrence.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - En 2016, le Gouvernement a introduit une clause permettant le maintien du monopole de la SNCF !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - C'est une bonne décision, mais je m'étonne que des sénateurs qui la soutenaient la critiquent aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC et Les Républicains)

Vous ne voulez pas voir les mesures de revalorisation du pouvoir d'achat effectives : diminution de la taxe d'habitation pour 80 % des Français, revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés, du minimum vieillesse à partir du 1er avril, baisse des cotisations salariales pour les actifs. Toutes ces mesures procèdent d'un principe simple : le travail doit payer. Nous le faisons en cohérence ; j'appelle à cette même cohérence toutes et tous.

M. Rachid Temal.  - Votre réponse est toute en nuances... Vous n'avez rien dit de la réforme de l'ISF et de la flat tax. Vous pouvez expliquer aux Français que vous prenez des mesures de pouvoir d'achat ; manifestement, ils ne vous croient pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)

Lutte contre la précarité énergétique

M. Jean-Pierre Decool .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Plus de 12 millions de Français, soit un sur cinq, souffre de précarité énergétique. Des jeunes étudiants, des familles monoparentales, des retraités vivent dans des passoires thermiques ; ils consacrent 10 % de leurs revenus à l'énergie. Depuis le 1er janvier, un chèque énergie a remplacé les tarifs sociaux. Leur montant, 150 euros par an, reste en deçà du budget parfois consacré à ce poste : 320 euros. Quant au plan quinquennal de rénovation thermique de 500 000 logements par an, ils s'appuient, pour le parc privé, sur des mécanismes volontaristes de crédits d'impôt, de prêts et de certificats d'économies d'énergie. Comment les plus vulnérables peuvent-ils mobiliser ces aides ?

Les opérateurs privés ont réalisé 300 000 opérations d'interruption de fourniture d'énergie en 2016. Ils développent des compteurs communicants, dits « intelligents », pourvoyeurs de données. Au vu de leur responsabilité sociétale, ne peut-on pas les faire contribuer à la détection et à la résorption de ce fléau qu'est la précarité énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Chacun connaît l'importance de ce sujet. C'est en effet un fléau. Un fléau social : près de 30 % du budget de ces 12 millions de Français peuvent passer dans la facture énergétique. Un fléau environnemental puisque 19 % des émissions de gaz à effet de serre sont le fait des passoires thermiques.

Le chèque énergie, une mesure de pouvoir d'achat, profitera à 4 millions de Français, qui recevront en moyenne 150 euros. Deuxième axe de notre politique, la rénovation thermique : nous ciblons, orientons, finançons mieux les travaux nécessaires grâce au guichet unique des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Situation des Kurdes

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La ville d'Afrine au nord de la Syrie est tombée aux mains des forces turques. C'est, avec la fuite de 250 000 de ses habitants, une catastrophe humanitaire. Cette opération turque, comme on le craignait, s'est accompagnée d'un nettoyage ethnique. Et le combat des Kurdes contre Daech est ralenti. Hier, le président Erdogan a déclaré qu'il n'en resterait pas là...

La France, jusque-là, soutenait sans ambiguïté les Kurdes syriens contre Daech. Le président Hollande était intervenu à Kobané, entraînant les Américains et les forces de la coalition. La discrétion du président Macron procède-t-elle d'un renversement soudain de stratégie ? Nos alliés d'hier sont-ils devenus des terroristes ? La semaine dernière, l'ambassadeur de la Turquie en France nous a donné l'assurance que l'armée se retirerait des territoires occupés. Si l'armée, au contraire, étend son opération à d'autres régions kurdes, que fera la France ? (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - La chute d'Afrine est une nouvelle étape dans la tragédie syrienne. Ceux qui y restent sont privés de vivres, d'eau, d'électricité, de secours. La France n'oublie pas l'action des forces démocratiques syriennes.

M. Gilbert Roger.  - Les Kurdes !

M. Simon Sutour.  - Ce sont des larmes de crocodiles !

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - La préoccupation de la Turquie sur ses zones frontalières ne doit pas conduire à une pénétration en profondeur en territoire syrien. La position de la France sur ce dossier reste constante.

M. Simon Sutour.  - Ne rien faire !

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Il faut faire respecter la résolution 2401 du Conseil de sécurité de l'ONU pour un cessez-le-feu en Syrie. La Turquie doit faire cesser pillages et violences,...

Mme Éliane Assassi.  - Comment ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - ... assurer le retour des populations civiles déplacées. Une solution politique inclusive doit être trouvée pour parvenir à une gouvernance (Protestations sur tous les bancs) supérieure réunissant toutes les composantes de la société, Kurdes compris.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Des paroles verbales !

M. Martial Bourquin.  - Vous avez sacrifié les Kurdes !

Usine Ford de Blanquefort

M. Alain Cazabonne .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ma question s'adresse à Bruno Le Maire. Le 27 février, Ford Europe annonçait qu'il ne confierait pas la fabrication de nouvelles transmissions automatiques avec vitesses à son usine de Blanquefort, désormais menacée de fermer en 2019. Quelque 4 000 emplois indirects, 1 000 emplois directs sont concernés. Ford avait pourtant touché des aides publiques, 14 millions lors de la signature de la dernière convention.

M. le ministre de l'économie a immédiatement réagi à cette désastreuse annonce. Il a reçu responsables politiques et représentants syndicaux. Il a formé un groupe de travail restreint dans le but de maintenir l'activité. Alors qu'une grande manifestation est prévue dans les prochains jours et que les élus de la Gironde sont mobilisés, nous aimerions savoir où en est le groupe de travail restreint et ce que vous ferez pour obliger Ford à remplir les engagements qu'il a pris dans la dernière convention ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Bruno Le Maire est actuellement au G20 en Argentine et vous prie de l'excuser. Il a tenu dès le 2 mars une réunion obtenant de Ford que le niveau de charge soit maintenu jusqu'à fin 2019. C'est au constructeur de trouver une solution durable. Il ne faut pas réitérer la mauvaise expérience de 2011, où Ford avait dû reprendre le site industriel à un repreneur trop fragile.

Un groupe de travail de haut niveau a été constitué, mené par le délégué interministériel aux restructurations. Un comité trimestriel se réunit. Le 5 avril, le délégué interministériel Jean-Pierre Floris se rendra chez Ford Europe pour vérifier techniquement comment l'activité peut être maintenue jusqu'à fin 2019. Il pourra évoquer ce qui se passera après. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Alain Cazabonne.  - Nous avons bien noté votre engagement. Il faut un signal fort pour ces entreprises qui viennent s'installer et créer des emplois chez nous, ce qui est très bien, mais oublient ensuite systématiquement la casse sociale provoquée par leurs décisions, ce qui est inadmissible.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Évidemment !

M. Alain Cazabonne.  - Il faut leur dire : bienvenue, mais soyez responsables ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE et Les Indépendants)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Système de santé des travailleurs transfrontaliers

Mme Patricia Schillinger .  - Madame la Ministre des solidarités et de la santé, la Cour de cassation a tranché jeudi dernier le conflit opposant un travailleur frontalier exerçant en Suisse à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Haute-Savoie. La double affiliation en concerne de nombreux autres, qui se voient contraints de cotiser deux fois, alors qu'ils ne bénéficient d'aucune couverture maladie et que des sommes importantes leur sont réclamées par les Urssaf.

La Cour de cassation a jugé que la radiation doit être prononcée pour ceux qui en font la demande, peu importe l'antériorité de leur affiliation au régime français, donnant espoir aux milliers de travailleurs transfrontaliers se trouvant dans une situation similaire.

Madame la Ministre, vous avez hérité d'une situation complexe, certes. (Murmures sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - À quel groupe apparteniez-vous alors ?

Mme Patricia Schillinger.  - Vous pouvez donner l'exemple de la société de confiance dont nous débattions la semaine dernière. Entendez-vous tirer dès aujourd'hui toutes les conséquences de l'arrêt de la Cour de cassation, en remboursant aux travailleurs frontaliers ainsi radiés les cotisations indument perçues ? (MM. Loïc Hervé, Jean-Marie Bockel et Mme Nassimah Dindar applaudissent.)

M. Loïc Hervé.  - Très bonne question !

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Cet arrêt du 15 mars 2018 a en effet donné raison au travailleur transfrontalier suisse en double affiliation, qui peut être radié du régime français s'il en fait la demande, peu important l'antériorité de son affiliation audit régime. L'accord franco-suisse du 7 juillet 2016 ne prévoyant pas de rétroactivité, de nombreux contentieux ont éclos - 9 789 sont en instance, dont 9 708 au seul tribunal des affaires de sécurité sociale de Mulhouse et 75 devant les cours d'appel.

L'État assume et s'engage à l'abandon des mises en demeure et à la restitution des sommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Loïc Hervé.  - Très bonne réponse !

Mme Patricia Schillinger.  - Je m'en réjouis et vous remercie de cette bonne nouvelle. (Exclamations ironiques sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR)

Mineurs isolés étrangers

Mme Michelle Meunier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) La France s'honore de la protection qu'elle assure à chaque mineur sur son territoire.

Or en Loire-Atlantique, le nombre de mineurs non accompagnés est passé de 50 en 2012 à 500 en 2017, avec un impact fort sur les services de premier accueil et les activités du Parquet qui statue sur la situation de ces jeunes mineurs. Issus de parcours migratoires pénibles, faits d'errance et de souffrance, ils doivent, lorsque leur minorité et leur isolement sont reconnus, être accueillis et protégés.

À l'automne, le Gouvernement semblait avoir entendu les demandes de l'Association des départements de France (ADF), le budget 2018 accordant un financement exceptionnel

L'État est responsable de leur mise à l'abri. Or vous avez écarté leur prise en charge par l'État. Il faut pourtant assumer une charge devenue trop lourde pour les départements. Que comptez-vous faire en matière de protection des jeunes reconnus mineurs et de prise en charge de la phase d'accueil ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le nombre de mineurs non accompagnés est passé de 5 000 en 2014 à plus de 8 000 en 2016, et près de 13 000 personnes devaient entrer dans ce dispositif en 2017. De plus, nombre d'entre eux sont reconnus majeurs après évaluation, ce qui constitue un autre problème en soi.

Nous sommes très fidèles à nos engagements internationaux. Le Premier ministre, à l'automne dernier, a annoncé que l'État s'impliquerait davantage dans le financement, notamment pour l'évaluation de la minorité et l'hébergement d'urgence. Nous travaillons à rendre plus efficace cette évaluation. Je dialogue avec l'ADF. Une réunion s'est tenue à Matignon la semaine dernière, en présence du Premier ministre, qui a abouti à des propositions techniques et financières, avec une enveloppe d'urgence. Il faut aussi trouver un accord pérenne. (MM. François Patriat et Loïc Hervé applaudissent.)

Médecine bucco-dentaire

Mme Catherine Deroche .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Madame la Ministre de la santé, vous avez suspendu le volet financier du règlement arbitral pour les chirurgiens-dentistes. Devant le front de protestation des praticiens libéraux, vous avez aussi demandé l'ouverture de nouvelles négociations conventionnelles, ce que nous avions soutenu. Les négociations, qui semblent tarder, aboutiront-elles à une convention de consensus qui garantisse une médecine bucco-dentaire de qualité et un cadre réglementaire associant prévention et innovation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Un règlement arbitral de 2017 cristallisait les tensions des différents syndicats libéraux ; c'est pourquoi j'ai décidé de le suspendre à mon arrivée au ministère. Les chirurgiens-dentistes doivent mieux s'inscrire dans le parcours de soins et développer la prévention car les maladies bucco-dentaires favorisent l'apparition, la progression ou la gravité de pathologies générales. Il faut aussi revaloriser les soins conservateurs.

Il faut également respecter la promesse du président de la République : reste à charge zéro pour les prothèses. Le dialogue avance. Ouvert cette année, il comporte trois volets : accès financier aux soins, développement de la prévention, attention particulière aux publics les plus fragiles. Il faut diminuer le reste à charge des prothèses tout en revalorisant les pratiques de prévention. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Catherine Deroche.  - Merci de votre engagement. Le reste à charge est une promesse pour 2022. Mais la prothèse dentaire est l'aboutissement d'un parcours de soins et d'une prévention efficaces.

Les chirurgiens-dentistes sont les garants de la santé buccale. Nous ne souhaitons pas un marché low cost, comme en Espagne ; nous ne voulons pas d'usine à gaz non plus. Les professionnels de santé ne doivent pas être écartés, et un maillage territorial équilibré doit être mis en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)

Contrôle des imams étrangers

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Le président de la République a annoncé vouloir rouvrir le dossier de l'organisation de l'islam en France. À l'approche du ramadan, de nombreux imams ou récitateurs arrivent en France, certains avec un seul visa de tourisme. Quelles dispositions avez-vous prises pour renforcer le contrôle de la maîtrise de la langue française et du respect de nos principes républicains pour ces personnes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je suis aussi attachée que vous à ces questions. La France accueille en effet chaque année des imams venant pour la plupart des pays du Maghreb. Leur nombre croît à l'approche du ramadan. Des listes sont fournies au ministère de l'intérieur concernant aussi ceux qui entrent avec un visa de tourisme. Les services de police les passent naturellement au crible. Leur niveau de formation et leur maîtrise du français sont vérifiés.

La réflexion sur l'islam de France lancée par le président de la République débouchera bientôt sur ses premières conclusions.

Pour consolider l'islam de France, il faudra sans doute s'impliquer encore davantage dans la formation des imams. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Nathalie Goulet.  - La radicalisation a d'abord lieu dans les mosquées, les experts le savent. Nous sommes plus de cinquante à avoir signé la proposition de loi d'André Reichardt assurant la formation des ministres de tous les cultes par la collectivité - l'égalité devant la loi, ce n'est pas rien ! Or nous n'avons pas du tout avancé sur ces questions. Il faut que les informations des services soient croisées avec celles de nos voisins. J'espère que nous avancerons rapidement sur ces sujets fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Politique de la ville

M. Frédéric Marchand .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) La politique de la ville, ce sont 40 ans de combats et de mobilisation, avec des moyens spécifiques pour les quartiers dits prioritaires, pour réduire les inégalités entre les territoires. Beaucoup a été fait en 40 ans : ANRU, ZEP notamment. Mais le sentiment de relégation est toujours aussi vif et le chômage toujours aussi élevé. Le Gouvernement veut réduire de moitié l'écart de taux de chômage entre ces quartiers et la moyenne nationale en cinq ans.

Malgré ces mesures déjà prises - création des emplois francs, conseils citoyens, doublement du programme de rénovation urbaine, dédoublement des classes de CP en REP+ -, le regard sur ces quartiers reste trop souvent négatif et marqué par les stéréotypes. Le défi de la politique de la ville reste immense.

Il importe de reconnaître et de valoriser les contributions de la société civile. À quelques semaines de la remise du rapport Borloo, pouvez-vous nous donner un point d'étape sur votre action ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - Le bilan que vous dressez est objectif et réaliste. Il ne faut pas opposer les territoires-QPV (Quartiers prioritaires au titre de la ville), aux territoires ruraux, ou à certaines villes moyennes. Le décrochage est le résultat de plusieurs décennies d'évolutions sociétales et économiques.

Nous avons demandé à Jean-Louis Borloo de recueillir des avis et des propositions pour formuler des recommandations. (Murmures sur divers bancs) Nous avons aussi réuni dix groupes de travail. Un rapport nous sera soumis dans un mois. Après cette phase d'écoute et de concertation viendra le temps des décisions.

J'ai en outre rencontré Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, pour évoquer les moyens de mieux valoriser l'image de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

Calendrier du Plan THD

M. Patrick Chaize .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'État, l'Arcep et les opérateurs ont su sortir par le haut des problèmes de la couverture mobile. Quand les choses vont bien, je le dis. Mais c'est l'inverse pour la couverture fixe. Vous parliez d'un besoin de 1,5 milliard d'euros pour la poursuite du développement des réseaux FTTH. Or, depuis cette annonce, rien ne se concrétise ; les signaux sont même plutôt négatifs : le rapport de l'IGF est en retrait, le guichet France Très haut Débit (FTHD) a été fermé en catimini. Ma proposition de loi sécurisant le déploiement du FTTH, malgré un vote unanime du Sénat, n'a reçu aucun soutien.

Nous voyons apparaître deux France, celle qui aura accès à France THD et l'autre, loin de la cohésion des territoires promise.

Que ferez-vous pour respecter vos engagements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé du numérique .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Le président de la République l'a rappelé, la couverture numérique est indispensable à l'économie, à l'information, à la communication, et bientôt à la santé. Aucun territoire ne peut en être exclu. Nous portons, Jacques Mézard, Julien Denormandie et moi, cet engagement. Un surinvestissement de 3 milliards d'euros sera consenti par les opérateurs.

La méthode pour la couverture fixe est le changement de braquet. Nous avons mobilisé 300 millions d'euros, soutenu tous les réseaux d'initiative publique dont le déploiement est en cours. Dans les territoires, 9 millions d'euros seront débloqués pour tirer la fibre optique jusqu'au niveau local. Grâce à la diversité technologique, 100 % des Français seront couverts d'ici à 2022.

Il ne s'agit pas de fermeture, mais d'un engagement à penser le futur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Patrick Chaize.  - Nous partageons ce bilan, mais le futur inquiète. Le président de la République s'était engagé pour la société du Gigabit pour 2025 ; on n'y sera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Francophonie

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Le président de la République a choisi cette Journée de la francophonie pour dévoiler son plan en faveur de la langue française. Mais comment se faire le chantre de la francophonie tout en réduisant de 33 millions d'euros le budget de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) en supprimant des postes de professeurs, et en parlant anglais dans les grandes enceintes internationales ? Prenons garde : nous ne pouvons plus considérer la francophonie depuis Paris, de manière jacobine. Il faut être agile et pragmatique.

Mettre notre réseau de 834 alliances françaises sous la tutelle du ministère des affaires étrangères ou celle des instituts français serait un très mauvais signal, une erreur stratégique. Le français doit sortir des sphères académiques ; pour offrir aux jeunes des perspectives, j'avais proposé un volontariat international de l'enseignement du français. Le grand plan du Gouvernement concrétisera-t-il cette demande ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Le président de la République est en ce moment à l'Académie française pour dévoiler son plan en faveur de la francophonie. Les 300 millions de locuteurs de notre langue pourraient être 700 millions demain, nous incitant à décentrer notre regard vers l'Afrique.

Les lycées et alliances français sont de merveilleux outils. Le président de la République a annoncé l'objectif de doubler le nombre d'élèves et d'ouvrir dix nouvelles alliances par an.

Je veux enfin rendre hommage à vos idées, la cité de la francophonie à Villers-Cotterêts et le volontariat international : le président de la République vient de les reprendre sous la coupole. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)

La séance est suspendue à 17 h 50.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 18 heures.