Projet de loi de finances rectificative pour 2017

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2017.

Discussion générale

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Ce projet de loi de finances rectificative vise à trouver les recettes nécessaires à la suite de l'annulation de la taxe de 3 % sur les dividendes instaurée en 2012 : celle-ci a fait l'objet d'un premier rappel à l'ordre de la Commission européenne en 2015, puis d'une annulation par la Cour de justice de l'Union européenne, confirmée par le Conseil constitutionnel le 6 octobre dernier.

Sur la base de la décision de la Cour de justice, il semblait que seule une partie de la taxe serait annulée. Nous avions donc provisionné 5,7 milliards d'euros sur le quinquennat. Mais le Conseil constitutionnel est allé plus loin : il faut en fait rembourser l'intégralité des sommes perçues, soit 10 milliards d'euros, intérêts moratoires compris.

Depuis plusieurs semaines, nous avons examiné toutes les options, nous en avons discuté avec les entreprises concernées. Avec le président de la République et le Premier ministre, nous avons finalement décidé de rembourser sans délais ces 10 milliards d'euros.

Il aurait été beaucoup plus facile de reporter ou d'étaler le remboursement, quitte à augmenter la charge, avec des intérêts moratoires à 4,5 % par an. Mais cela aurait été irresponsable.

Nous aurions pu déclarer à la Commission européenne, comme on le fait depuis dix ans, qu'une fois de plus nous ne pouvions pas, à cause de cet héritage du passé, respecter nos engagements. Ce n'était pas, au surplus, de notre fait. Notre choix a été différent, et il est à l'honneur de ce Gouvernement : assumer toutes nos responsabilités, y compris celles de nos prédécesseurs.

Au-delà de l'affiliation politique des uns et des autres, il y a l'intérêt général.

Pour maintenir l'équilibre budgétaire, nous avons donc fait le choix d'une contribution exceptionnelle et immédiate qui ne touchera que les 320 entreprises dont le chiffre d'affaires excède 1 milliard d'euros.

Nous créons un second seuil à 3 milliards d'euros. Au-delà de 1 milliard, le taux de l'impôt sur les sociétés sera porté de 33 à 38,33 %. Pour les 110 autres entreprises, dont le chiffre d'affaires dépasse 3 milliards, le taux sera porté à plus de 40 %. Toutes les autres, les centaines de milliers de PME et TPE notamment, ne seront pas concernées.

Je mesure l'effort demandé aux entreprises contributrices. Ce n'est que pour 2017 ; ensuite, on oublie ! Dans un souci de transparence, un rapport identifiera, parmi les contributeurs, les gagnants et les perdants.

Je n'ai jamais caché que cette contribution serait concentrée sur un très petit nombre d'entreprises. J'ai conscience que les banques mutualistes, notamment, seront pénalisées. Nous assumons ce choix, au nom de la bonne maîtrise des finances publiques et du respect de nos engagements européens.

Ce choix ne modifie en rien les grandes orientations financières et fiscales du Gouvernement. Nous baisserons le taux de l'impôt sur les sociétés dès 2018 pour le porter à 25 %, la moyenne européenne, en 2022. Cet effort représente 11 milliards d'euros, à comparer aux 5 milliards de la contribution exceptionnelle. Nous visons la stabilité fiscale qui crée la confiance.

Comme l'a indiqué la Commission européenne hier, ce choix permet à la France, pour la première fois en dix ans, de passer enfin sous la barre des 3 % dès 2017 - 2,9 % exactement - et de sortir de la procédure pour déficit excessif où elle se trouve depuis 2009.

Si nous voulons que la France puisse défendre la refonte de la directive sur les travailleurs détachés, la taxation des géants du numérique, un commerce équitable fondé sur la réciprocité, l'harmonisation fiscale dans la zone euro, nous devons tenir nos engagements.

L'enjeu dépasse de très loin cette contribution exceptionnelle : c'est la bonne tenue des comptes de la Nation, le respect des engagements européens et la crédibilité de la France.

J'ai suivi vos débats, j'ai entendu que les choses iraient beaucoup mieux que prévu, que la croissance dépasserait 1,7 %, que nous aurions par conséquent des recettes exceptionnelles rendant inutile cette contribution. Je ne partage pas cette appréciation.

Je suis un ministre sincère et rigoureux. Les recettes fiscales peuvent être meilleures que prévu, mais il peut y avoir aussi des dépenses exceptionnelles... Nous parlons d'une croissance à 1,7 %. Certes, l'INSEE parle de 1,8 %, mais la Commission européenne de 1,6 %.

Je me méfie des châteaux en Espagne : si, comme Perrette, on trébuche sur une crise nouvelle, adieu veau, vache, cochon ; adieu respect des 3 %, adieu sortie de la procédure pour déficit excessif ! Je revendique de ne pas faire prendre de risque aux contribuables français.

Nous avions proposé de plafonner cette taxe à 300 millions d'euros. Le Conseil d'État a disjoint le plafonnement du reste de notre proposition, le jugeant constitutionnellement risqué.

Il y a déjà eu trop d'amateurisme dans cette affaire (Protestations sur les bancs du groupe SOCR). Je ne veux pas faire prendre le moindre risque en pariant sur une croissance mirifique, ce ne serait pas raisonnable. (M. Michel Canevet approuve.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - J'ai plaisir à vous voir, monsieur le ministre, mais nous nous serions tous passés de ce projet de loi de finances rectificative...

La mission Remboursements et dégrèvements sera impactée à hauteur de 5 milliards d'euros ainsi que le volet recettes, pour 200 millions d'euros, car la contribution devait aller jusqu'au 31 décembre 2018.

Le rendement attendu de la contribution exceptionnelle ponctuelle est de 4,8 milliards en 2017 et de 600 millions en 2018, soit environ 10 % du montant total de l'impôt sur les sociétés.

Le Gouvernement n'avait provisionné que 5,7 milliards d'euros, dont 300 millions en 2018 et 1,8 milliard sur les exercices suivants. Avec l'abrogation complète de la taxe, l'ensemble des contributions peut faire l'objet de demandes de remboursements jusqu'à fin 2019. Le coût du contentieux a donc été revu à la hausse de 4,3 milliards d'euros.

L'État prend la moitié à sa charge et ferait payer l'autre moitié par les entreprises, à travers la contribution présentée par le ministre.

Chacun s'accorde sur l'objectif d'éviter que le déficit ne dépasse les 3 %, pour enfin sortir du volet correctif du pacte de stabilité. Reste que la fragilité constitutionnelle de la taxe était connue depuis longtemps. Relisez mon rapport sur le collectif 2016 !

La mesure proposée s'accompagne d'importants biais, puisque 223 sociétés sur les 318 redevables seront perdantes : industrie, commerce, services financiers notamment. Le produit de la taxe est très concentré : 30 sociétés représentent 71 % des recettes.

La tentation aurait été d'équilibrer les montants, mais cela reproduirait les dispositions censurées. Modifier les paramètres entraînerait un important risque juridique. Vous le reconnaissez avec honnêteté, il n'y a guère d'alternatives, le Conseil d'État ayant repoussé le plafonnement. Votre solution est la moins mauvaise.

Reste qu'une telle contribution, dont le montant est très élevé et le calendrier contraint, envoie un signe négatif aux entreprises.

Surtout, le Gouvernement a calculé le montant sans actualiser ses hypothèses de croissance ni d'élasticité des recettes à la croissance. Dans votre lettre à la Commission européenne du 31 octobre, vous estimez pourtant que les recettes pourraient être supérieures en 2017 aux prévisions du projet de loi de finances, ce qui permettrait de moins solliciter les entreprises...

Le conseil des économistes établit sa prévision de croissance à 1,8 % en fin d'année. L'effet de cette variation de 0,1 point aboutirait spontanément à un surcroît de recettes de 2,5 milliards d'euros.

La commission des finances en tire les conséquences : à défaut de pouvoir en réviser les paramètres, elle souhaite ajuster la contribution demandée aux grandes entreprises au montant strictement nécessaire. C'est le sens de notre amendement, qui la réduit de moitié.

M. Jean-Marc Gabouty .  - Décidé dans l'urgence, ce collectif est une réponse à la censure de la taxe sur les dividendes pour différence de traitement entre les sociétés mères, selon que les dividendes proviennent de filiales françaises ou étrangères.

C'était en effet incompatible avec la législation européenne. Conséquence, l'État est tenu de rembourser près de 10 milliards d'euros.

La contribution exceptionnelle que le Gouvernement propose concernerait 320 entreprises, avec deux surtaxes à des taux différents en fonction du chiffre d'affaires. Le solde public 2017 sera ainsi inchangé à 2,9 %. La prévision de solde 2018 est réévaluée de 2,6 à 2,8 %. Au-delà, le coût serait intégré à la trajectoire.

Ce bricolage brouille le message du Gouvernement, qui annonce par ailleurs une baisse du taux de l'impôt sur les sociétés. On fait supporter aux entreprises un impôt exceptionnel pour compenser la suppression d'une taxe qui n'était pas perçue sur le même périmètre : 200 entreprises y perdront, 90 y gagneront. Ce n'est pas très équitable, ni très cohérent.

Mais il n'y avait pas d'autre solution. L'État prend à sa charge 5 milliards d'euros. En augmentant cette part de 2,5 milliards, la commission des finances s'écarte de la rigueur à laquelle elle nous a habitués. Et si nous ne récupérons que 2,5 milliards sur 10, cela a-t-il encore un intérêt ? S'il devait y avoir un surcroît de recettes, nous trouverions à l'employer autrement !

Sans enthousiasme, le groupe RDSE soutiendra les propositions du Gouvernement.

M. Bruno Le Maire, ministre. - Bien.

M. Julien Bargeton .  - Le premier collectif pour 2017 m'inspire des sentiments partagés. Il ne redore certes pas l'image de l'action publique, au moment où l'on cherche à redonner confiance. Il nous invite surtout à repenser nos méthodes de travail, conséquence d'une « décision absurde », selon la terminologie du sociologue Christian Morel, caractérisée par erreur persistante : les alertes dataient de 2015...

Il m'inspire de l'insatisfaction. Mais je me félicite de l'action responsable du Gouvernement, qui sécurise notre trajectoire budgétaire pluriannuelle. Après avoir d'abord provisionné 5,7 milliards après la première décision de la Cour de justice de l'Union européenne, il a, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, présenté sans tarder ce collectif juridiquement solide, budgétairement viable et économiquement juste. Tout le monde reconnaît à demi-mot qu'il n'y a pas d'autre solution. Diluer la contribution aurait eu un impact négatif sur les PME. Le rapporteur général de l'Assemblée nationale a en outre introduit un dispositif de lissage.

Satisfaction aussi de soutenir un Gouvernement qui ne cède pas à la procrastination, comme le héron de la fable.

M. François Bonhomme.  - François Hollande ?

M. Julien Bargeton.  - Le Gouvernement envoie par ailleurs des signaux forts et durables aux entreprises : baisse de l'impôt sur les sociétés de 33 à 25 %, fiscalité du capital au service du financement de l'économie, transformation du CICE en allègement pérenne.

Le Sénat a toujours su se réinventer, innover, conformément à sa tradition. Il convient de fiabiliser les initiatives parlementaires et gouvernementales en matière fiscale. On ne peut légiférer sans filet, sans évaluation préalable, surtout avec les QPC : parce que la loi fiscale peut être contestée, elle doit devenir incontestable. Il faudrait aussi un suivi des contentieux de l'État. Enfin, la fluidité de l'information entre le ministère et la commission des finances pourrait être améliorée.

L'état d'esprit du groupe est pragmatique, déterminé et imaginatif.

M. Pascal Savoldelli .  - Ainsi, parce que les services juridiques de quelques grandes entreprises, après avoir tenté de faire censurer une mesure fiscale, ont saisi le juge européen, nous voici devant un collectif budgétaire d'urgence...

M. François Bonhomme. - Cela s'appelle le droit ! (M. Julien Bargeton s'amuse.)

M. Pascal Savoldelli. - ...toutes sirènes hurlantes, pour trouver de quoi compenser, le 20 décembre prochain, la perte d'une dizaine de milliards !

Au moment où l'on supprime l'ISF et où l'on réinvente le prélèvement libératoire sur les revenus financiers, cela fait désordre. Vous avez pris soin de ne pas critiquer le gouvernement précédent - or il aurait fallu revenir au collectif budgétaire d'août 2012.

La solution du Gouvernement est peut-être la moins mauvaise, mais elle pénalise les entreprises qui ont réinvesti plutôt que de distribuer des dividendes... Pour certaines, le télérèglement du 20 décembre sera le plus important de l'année, vu qu'il ne pourra être corrigé des diverses niches, variations saisonnières ou imputations...

L'article premier, c'est l'impôt brut de décoffrage. La compétitivité des entreprises est-elle menacée ? À ce niveau de chiffre d'affaires, l'optimisation fiscale est fort pratiquée. Les 109 sociétés bénéficiaires qui dépassent le seuil de 3 milliards ont un chiffre d'affaires moyen de 14,9 milliards d'euros, pour 412 millions de bénéfices. Il y a certes une très forte concentration de l'impôt sur les sociétés - mais, au taux facial de 33,33 %, il ne représente que 1 % du chiffre d'affaires. Cela fera 40 à 45 millions d'euros de surtaxe - soit 0,3 % du chiffre d'affaires - pour l'entreprise moyenne dans ce panel. À comparer avec les mesures qui ciblent les plus modestes et les retraités...

Notre groupe ne votera pas ce collectif.

M. Bernard Delcros .  - Ce projet de loi présente un caractère exceptionnel. La taxe censurée générait une recette annuelle de 2 milliards d'euros depuis 2013. Au-delà des critiques, il nous incombe de trouver une solution pragmatique et efficace.

En mai 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a fait savoir que la taxe était contraire à la directive « mère-fille » de 2011, vous contraignant à provisionner 5,7 milliards, lissés sur quatre exercices.

Mais le 6 octobre, après le dépôt du projet de loi de finances, le Conseil constitutionnel a censuré l'intégralité du dispositif. Il faut désormais trouver 10 milliards, dont près d'1 milliard pour les intérêts - ce qui mérite discussion.

Vous y répondez par une contribution exceptionnelle d'un rendement attendu de 5,4 milliards d'euros. Ce mode opératoire avait déjà été retenu en 2011 pour faire face à la crise. L'État complètera, à hauteur de 400 millions en 2017 et de 4,4 milliards en 2018.

Cette solution est pragmatique et raisonnable. Le déficit public sera contenu en 2017 et légèrement dégradé en 2018 : 2,8 % contre 2,6 %. Laisser courir le déficit aurait malmené notre engagement européen.

Nous aurions préféré ne pas avoir à voter cette contribution, mais c'est l'option la plus responsable. À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Notre groupe votera unanimement ce texte. (MM. Michel Canevet et Julien Bargeton applaudissent.)

M. Bruno Le Maire, ministre. - Très bien !

M. Claude Raynal . - Ce texte trouve sa source dans le contentieux sur la retenue sur les OPCVM, appliquée depuis 1979. En mai 2012, la Cour de justice de l'Union européenne retoquait cette taxe jugée contraire à la liberté de circulation des capitaux. La Cour des comptes évaluait le coût du contentieux à 5 milliards d'euros - montant réévalué par la suite. On prépara donc à l'automne 2012 une solution de compensation, qui incitait les entreprises à réinvestir plutôt que distribuer des dividendes. Si elle fut adoptée sans tenir compte de l'incompatibilité avec la directive européenne, c'est que celle-ci relevait à l'époque de l'interprétation prospective - au demeurant, le Conseil constitutionnel n'avait pas été saisi.

Espérons que la contribution du présent Gouvernement passera le test du Conseil constitutionnel... Il serait regrettable qu'elle soit qualifiée à son tour de « scandale d'État » ! La réforme de la taxe d'habitation pourrait bien, elle, être censurée... Le Premier ministre, en prévision de cette censure, évoque même une réforme globale de la fiscalité locale. Apprécieriez-vous d'être taxé alors d'amateurisme juridique ? Nous lirons avec intérêt les conclusions du rapport de l'IGF.

Sur le fond, nous ne nous opposerons pas à votre proposition. La situation est néanmoins paradoxale : les entreprises qui ont le moins distribué de dividendes, donc le moins touchées par la taxe, seront les plus mises à contribution.

Nous regrettons également de ne pas avoir une vue plus complète sur les entreprises « gagnantes » et « perdantes ». Il y a aussi les groupes mutualistes, exonérés de la taxe mais contributeurs de la surtaxe, pour un montant très important : 1,2 milliard d'euros. Vous avez fait part aux députés, monsieur le ministre, de votre volonté de trouver une solution. Nous avons déposé un amendement pour vous interroger.

Il y avait d'autres voies, comme reporter d'un an ou deux la réforme de l'ISF...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Oh non ! Pour une fois qu'il y a une bonne réforme !

M. Claude Raynal.  - ...et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU)...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Non plus !

M. Claude Raynal.  - La rapporteure spéciale de la mission « Remboursements et dégrèvements » s'est inquiétée de la capacité de Bercy à traiter ce type de dossiers, de plus en plus nombreux. Quel est votre avis, monsieur le ministre ? Nous n'approuvons pas l'article 5 qui ratifie le décret d'avance du 20 juillet 2017.

Avec ces réserves, pour sauvegarder l'intérêt général, notre groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. le ministre remercie.)

M. Vincent Éblé, président de la commission.  - Position responsable !

M. Emmanuel Capus .  - C'est un collectif budgétaire singulier, comme l'a dit le Haut Conseil des finances publiques. Il n'a rien d'une bonne surprise. En effet, 318 entreprises françaises seront taxées par la faute de la politique punitive et instable du précédent gouvernement. C'est un cadeau empoisonné !

Mon groupe partage la volonté de votre Gouvernement et du président de la République de donner la priorité à la sortie de la procédure pour déficit excessif. Il s'agit de restaurer sans délai le crédit de la France en Europe. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! Nous ne nous opposerons donc pas à ce texte.

Plusieurs réserves néanmoins, au-delà des prestations juridiques. Comme souvent, la raison d'État laisse un goût désagréable d'injustice. Les entreprises qui investissent sont en effet pénalisées. Ainsi, 95 d'entre elles seront gagnantes, 223 seraient perdantes dont une dizaine « très perdantes », selon vos propres termes, monsieur le ministre. J'attire votre attention sur la situation des mutuelles, qui n'ont pas acquitté un euro de la taxe et sont lourdement affectées. La créativité fiscale proverbiale de Bercy aurait pu être mise au service d'une mesure plus fine...

Nous demandons que les raisons institutionnelles qui ont conduit à ce fiasco soient établies. Une réflexion sur le « mieux légiférer » en matière fiscale s'impose.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Très juste !

M. Emmanuel Capus.  - Nous ne pouvons accepter qu'une telle malfaçon se reproduise un jour. Tirons collectivement les leçons de cette affaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et LaREM)

M. Philippe Dominati .  - (M. Gérard Longuet : « Très bien ! ») Un nouveau président de la République présentait un collectif budgétaire dont le principe était : « Mon ennemi, c'est la finance ! ». C'est pourquoi mon groupe avait voté contre.

Il semble que le monde politique ait changé avec ce nouveau Gouvernement plus ouvert au monde des entreprises, faisant montre de plus d'écoute, d'attention, de pragmatisme... Las ! Au lieu de cela, nous assistons en un temps record à une véritable conversion. Je soupçonne une solidarité avec l'ancien gouvernement, l'ancien président. En quelques semaines, les grandes déclarations en faveur de l'entreprise, annonçant une baisse de l'impôt sur les sociétés, une ouverture sur le libéralisme, ont été brusquement oubliées !

Vous parliez d'innovation, monsieur le ministre ? Bercy a ressorti ses vieilles recettes, déjà vendues à plusieurs Premiers ministres, pour, soi-disant, faire face dans l'urgence à une situation exceptionnelle... La proposition n'a rien d'innovant : elle est d'un classicisme absolu. Il fallait trouver une cible. On a laissé de côté les footballeurs, les kinés et on s'est arrêté aux grandes entreprises, quelles qu'elles soient, qu'elles aient été déficitaires les années précédentes, qu'elles aient fourni des efforts, subi des restructurations, peu importe ! La méthode du Gouvernement a consisté à en faire un seul bloc.

Vous mettez en valeur votre sincérité ; elle n'excuse pas tout ! Vous parlez d'exception. Mais elle n'excuse pas qu'on renie les grandes déclarations du Premier ministre contre l'instabilité fiscale. L'exception, c'est le taux le plus élevé dans le monde d'imposition des sociétés, 43,3 % à comparer avec 25,6 % en Allemagne, 23,6 % en Italie, 21,5 % au Royaume-Uni.

C'est en novembre, lorsque les entreprises ont préparé leurs investissements, que l'État jacobin fait fi du monde économique pour résoudre ses problèmes à la louche. La sincérité aurait voulu que les engagements français soient modifiés : l'urgence aurait été comprise.

Aucune mesure n'est avancée. Demain, on rase gratis, mais aujourd'hui, nous sommes champions d'Europe de l'impôt sur les sociétés.

Sénateur de Paris, je connais la rivalité de notre place financière avec Francfort pour récupérer, après le Brexit, les activités de la City.

Vous auriez rassuré tous les entrepreneurs si vous aviez promis de corriger cette injustice dès 2018. C'est un problème éthique plus que financier. Le Gouvernement fait semblant d'écouter le monde économique.

C'est une double faute politique : elle redouble une faute d'un autre président de la République il y a cinq ans. On espérait autre chose... Sur les 318 entreprises, toutes sont perdantes avec cette mesure de nature socialiste...

M. le président. - Veuillez conclure !

M. Philippe Dominati.  - L'exception, pour certains, justifie les moyens ? Le groupe Les Républicains ne l'accepte pas. Nous présentons donc un amendement de suppression de cette taxe. Sinon, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson .  - L'État doit 10 milliards à 5 000 entreprises.

Présenté le 2 novembre en Conseil des ministres, en commission à l'Assemblée le lendemain, adopté par les députés le lundi 6, examiné en commission au Sénat hier, le voici dans notre hémicycle ce jeudi 9 ; nous légiférons au pas de charge, en un temps record !

Pourtant, nous avions du temps. Dès décembre 2016, notre rapporteur général évoquait la fragilité de cette taxe au regard du droit européen et de la Constitution.

Le président Macron aurait pu percevoir le problème auparavant. Conseiller du président de la République en 2012 en charge des affaires économiques, il était aux manettes.

M. Eckert, alors rapporteur général du budget à l'Assemblée, le dit : Emmanuel Macron ne pouvait pas dire qu'il ne savait pas. Il est devenu ministre de l'économie ; Christian Eckert, toujours lui, était son secrétaire d'État au budget et déclarait, ici même, le 23 novembre 2015, lors de l'examen du budget 2016 : « il est vrai que le dispositif de cette contribution additionnelle a fait l'objet d'une mise en demeure de la Commission européenne ». Dès le recours devant le Conseil d'État, en 2016, l'issue de cette affaire ne faisait aucun doute.

Vous aviez donc la possibilité d'anticiper dès cet été, de rectifier le tir, de vendre des participations de l'État, par exemple, pour faire face à ce défi. Se payer sur le dos des entreprises a peu de sens, car le déficit pourrait être impacté dès 2018. Il n'est pas certain en effet qu'il soit possible aux yeux d'Eurostat de ne compter que la moitié de la facture pour 2018, ses règles pouvant différer de celles de l'Insee.

Solution de facilité ubuesque, que des entreprises soient sommées de rembourser une taxe illégale imposée à d'autres entreprises... C'est d'autant plus inepte que non seulement plusieurs centaines d'entreprises vont payer plus de surtaxe qu'elles ne percevront de remboursement, mais plusieurs dizaines d'entreprises vont payer alors même qu'elles ne recevront aucun remboursement. Ainsi, les entreprises mutualistes qui ne versent pas de dividendes vont payer la somme astronomique d'un milliard d'euros, soit 20 % du total !

C'est une charge excessive, qui constitue une atteinte inacceptable et disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre...

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Jean-François Husson.  - Nous voterons contre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Bruno Le Maire, ministre .  - J'entends les remarques des Républicains, mais je ne vois pas quelles sont les solutions alternatives qu'ils proposent...

L'amendement de Bruno Retailleau placera le déficit bien au-dessus de 3 %, au moins à 3,1 %. Les Français doivent le savoir : vous êtes prêts à prendre le risque que la France ne sorte pas de la procédure de déficit excessif. (M. Philippe Dominati s'exclame.) Notre première décision fiscale a été de baisser l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % sur cinq ans - première décision favorable aux entreprises, décision attendue depuis des décennies.

Vous parlez d'attractivité de la place de Paris. Peut-être auriez-vous dû supprimer la taxe sur les salaires...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Je l'ai proposé !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... ou encore faire un prélèvement forfaitaire unique, réclamé par les banques anglo-saxonnes ? Vous nous reprochez de faire la politique du précédent gouvernement : nous n'aurions pas dans ce cas supprimé la taxe infra-journalière. (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, le confirme.)

En fin d'exercice budgétaire, on ne peut pas tabler pour 2017 sur une meilleure élasticité des recettes. En revanche, la conjoncture s'améliorant, nous partons de l'hypothèse d'une augmentation de 8 % du rendement de l'impôt sur les sociétés dès cette année.

Quant au risque de contentieux, qui existe, la DGFiP est pleinement mobilisée pour y faire face. Je conteste la notion de « bricolage ». Le Conseil constitutionnel prend des décisions - nous prenons des décisions responsables en réaction. Combien nous disent : la solution est simple, revotez à nouveau une taxe à nouveau illégale, comme en 2012 !

La taxe sur les dividendes est supprimée, elle n'est pas remplacée. Nous mettons fin à ce cycle infernal. J'attendrai le rapport de l'IGF mais je partage les remarques sur l'amélioration de la procédure tant au Parlement que dans mon ministère. (M. Julien Bargeton applaudit.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article liminaire est adopté.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par MM. Retailleau, P. Dominati, Husson, Allizard et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bonne, Mme Bories, MM. Calvet, Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, M. Danesi, Mme L. Darcos, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, MM. Dufaut et Duplomb, Mmes Duranton et Eustache-Brinio, MM. Forissier et Frassa, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Hugonet, Lefèvre et H. Leroy, Mme Malet, M. Mayet, Mme M. Mercier, MM. Mouiller, Nougein, Paccaud, Pemezec, Pierre et Pillet, Mmes Primas et Raimond-Pavero, MM. Reichardt, Revet, Savary et Schmitz, Mme Troendlé et M. Vaspart.

Supprimer cet article.

M. Jean-François Husson.  - Votre proposition est peut-être sincère, mais injuste. Votre franchise ne vaut pas blanc-seing pour une telle mesure.

Une décision prise comme celle-ci dans l'urgence met à mal la stabilité fiscale, rompt la trajectoire que vous avez déterminée et que nous approuvons : mettre fin au matraquage fiscal des entreprises !

Nous avons évoqué d'autres solutions : vente de participations, économies dans les dépenses... Vous auriez pu les envisager. Vous aviez peu de temps, mais au cours de l'été, on connaissait déjà le risque.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Je partage ce qu'ont déclaré M. Dominati et M. Husson sur l'injustice à l'égard des entreprises. Dans un monde idéal, nous aurions préféré une taxe qui touche les entreprises remboursées.

Mais notre engagement européen nous oblige. Les solutions techniques sont très limitées. Par cohérence avec l'amendement n°2, adopté par la commission, qui limite l'effort des entreprises au strict nécessaire, je demande le retrait de cet amendement à son profit.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avis défavorable. Cet amendement entraîne un déficit au-dessus de 3 %, pour 2018, et par conséquent l'impossibilité de sortir de la procédure pour déficit excessif.

Je ne fais pas cela de gaieté de coeur. Mais c'est mon rôle de ministre de l'économie et des finances que les comptes soient bien tenus.

Enfin, je rappelle que si les sommes n'arrivent pas avant le 20 décembre, elles ne seront pas comptées sur 2017.

M. Bernard Delcros.  - Le groupe UC ne votera pas cet amendement.

M. Marc Laménie.  - Les difficultés que rencontre M. le ministre nous ont été exposées en audition par M. Griveaux : nous les connaissons. Il est très difficile de décider, face aux difficultés que connaîtront les entreprises visées... La situation des groupes mutualistes, notamment, fait de ce vote un dilemme.

À titre personnel, par cohérence avec les engagements européens de la France, je m'abstiendrai.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°11 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°7 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l'adoption 134
Contre 195

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Longuet.

I.  -  Alinéa 1

Après le mot :

euros

insérer les mots :

et dont le résultat fiscal cumulé de 2012 à 2017 est bénéficiaire, soit en cumul à l'issue de la période couverte par la taxe instaurée par l'article 6 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificatives pour 2012,

II.  -  Alinéa 5

Après le mot :

euros

insérer les mots :

et dont le résultat fiscal cumulé de 2012 à 2017 est bénéficiaire, soit en cumul à l'issue de la période couverte par la taxe instaurée par l'article 6 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificatives pour 2012,

III.  - Alinéa 9, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le critère relatif aux résultats fiscaux positifs mentionné aux premiers alinéas des I et II s'applique au niveau du résultat fiscal d'ensemble sur la période de cinq ans concernée.

M. Gérard Longuet.  - Cet amendement rappelle la situation paradoxale des entreprises qui, après avoir payé un impôt censuré par le Conseil constitutionnel, acceptent à ce titre une répartition à parts égales de l'effort de la compensation. Mais il y a aussi celles qui, ayant payé, seront remboursés et surtout, nouvelle catégorie, les entreprises épargnées par l'impôt censuré qui se trouvent aujourd'hui sollicitées sans bénéficier de remboursements.

C'est sur l'injustice de leur situation que cet amendement vous interpelle. Élu lorrain, je me fais le porte-parole des industriels sidérurgiques à l'activité fortement cyclique et qui retrouvent tout juste une petite prospérité après plusieurs années de difficultés pendant lesquelles ils ont lutté pour préserver l'emploi et l'outil de travail.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Il y a deux difficultés. L'amendement crée un lien avec la taxe censurée, ce qui l'expose à son tour à une censure. Sur le fond, il est satisfait par le droit commun, notamment les règles de report de résultat cumulé. Retrait ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Votre amendement tient compte à bon escient de la situation passée des entreprises par l'intermédiaire du résultat cumulé. Mais il y a un risque constitutionnel. Il sera possible pour les entreprises concernées d'opérer un report sur leurs résultats.

L'amendement n°4 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 1

Supprimer les mots :

et jusqu'au 30 décembre 2018

M. Pascal Savoldelli.  - Cet amendement prolonge la perception de la contribution exceptionnelle, eu égard à la situation des comptes publics.

La majoration de l'impôt sur les sociétés doit être pérennisée. On demande 45 milliards à des entreprises qui ont cumulé 45 milliards de bénéfice fiscal, sans compter 27 milliards de CICE... Elles ne sont pas sur la paille ! À la fin, il va falloir rendre des comptes au monde du travail, du travail concret, sans lequel le capital ne pourrait accumuler ses profits, pas du travail abstrait.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 1

Remplacer l'année :

2018

par l'année :

2020

M. Pascal Savoldelli.  - Amendement de repli. Il est défendu.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Ces amendements vont à l'encontre de nos objectifs dans le cadre du projet de loi de finances. Cette contribution est un one shot. Avis très défavorable.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Même avis.

M. Pascal Savoldelli.  - La commission des finances pourrait explorer la question de la dette privée dans chaque pays européen. On nous parle sans cesse de la dette publique, mais que représentent les États face à la dette privée ? Les chiffres, notamment en Allemagne, sont surprenants.

L'amendement n°5 n'est pas adopté, non plus que l?amendement n°6.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 2

Remplacer le pourcentage :

15 %

par le pourcentage :

7,5 %

II.  -  Alinéa 6

Remplacer le pourcentage :

15 %

par le pourcentage :

7,5 %

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Cet amendement, que j'ai présenté, ajuste la contribution à la stricte mesure du respect de nos engagements européens. N'oublions pas qu'un surcroît de croissance de 0,1 % entraîne une hausse des recettes de 2,5 milliards d'euros.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Cet amendement relève d'un pari, certes raisonnable et empreint de sagesse, comme il sied à la commission, mais un pari tout de même, sur l'élasticité des recettes. Avis défavorable.

M. Julien Bargeton.  - Nous voterons contre ; si la prévision de l'INSEE est certes de 1,8 %, elle reste de 1,7 % pour l'Union européenne et de 1,6 % pour le FMI. Il est paradoxal dans un projet de loi de finances rectificative d'urgence, de revoir les hypothèses de croissance. Enfin, une bonne nouvelle fiscale éventuelle mériterait un meilleur usage.

M. Philippe Dominati.  - C'est, je le redis, un problème d'éthique. Cinq ans de socialisme ont-ils déteint à ce point ?

M. Claude Raynal.  - Oh ! Oh !

M. Philippe Dominati.  - Quand l'État commet puis reconnaît une faute avérée, faut-il que les entreprises ou les familles en prennent la moitié à leur charge ? Vous inventez une règle comptable étrange à laquelle notre groupe s'oppose.

M. Claude Raynal.  - Cet amendement est antinomique avec la loi de programmation des finances publiques. Vous proposez d'affecter une bonne nouvelle fiscale à autre chose que la réduction de la dette !

M. Jean-Marc Gabouty.  - Soyons réalistes. Si une hausse des recettes de 2,5 milliards est constatée, il est plus conforme à l'intérêt général de les consacrer au désendettement. Je suis d'une manière générale sensible à la situation des entreprises. Les entreprises qui ont un résultat faible auront une contribution faible. Le taux réel de l'impôt sur les sociétés se situe entre 5 % et 20 %.

M. Philippe Dominati.  - Pour les grandes entreprises.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Au-delà d'un milliard d'euros, c'est bien le cas. Il y a aussi le CICE, le CIR... L'État reprend une partie des avantages fiscaux consentis, même si je comprends votre raisonnement.

La baisse de l'impôt sur les sociétés proposée par ce Gouvernement est historique. Soyons pragmatiques.

M. Bernard Delcros.  - La priorité est de réduire les déficits et la dette publique. La contribution affecte les plus grandes entreprises et elle est ponctuelle. C'est pourquoi nous l'approuvons.

M. Gérard Longuet.  - Monsieur le ministre, les participations de l'État vous offrent une marge de manoeuvre. Le patrimoine de l'État propriétaire doit lui servir pour amortir les coups durs. Vous n'êtes pas responsables de celui-ci, il provient d'une erreur d'un gouvernement que vous aussi, vous combattiez. Je soutiens le compromis que propose notre rapporteur général.

À la demande du groupe RDSE, l'amendement n°2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°8 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption     4
Contre 333

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Longuet.

I.  -  Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, et après abattement d'un montant de 40 millions d'euros

II.  -  Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, et après abattement d'un montant de 70 millions d'euros

M. Gérard Longuet.  - Cet amendement conforte le lissage introduit par l'Assemblée nationale, en le complétant par un abattement, mais son sort est scellé...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Raynal et les membres du groupe socialiste et républicain.

I.  -  Alinéa 9, première phrase

Remplacer les références :

aux articles 223 A ou 223 A bis

par les références :

au premier alinéa ou au quatrième alinéa du I de l'article 223 A ou à l'article 223 A bis

II.  -  Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu au cinquième alinéa du I de l'article 223 A du code général des impôts, la contribution exceptionnelle et la contribution additionnelle sont dues par chaque banque, caisse et société membre du groupe aux conditions et selon les modalités prévues respectivement aux I et II.

M. Rémi Féraud.  - Les trois grands groupes mutualistes paieront 20 % du montant total de la nouvelle contribution, soit un milliard d'euros, alors qu'ils ont financé l'économie réelle et l'investissement au lieu de verser des dividendes. L'amendement vise à assoir leur contribution sur le chiffre d'affaires et le résultat de chaque filiale, non de la société mère.

La contribution reste de 650 millions d'euros. On m'opposera un risque juridique : mais nous devons bien tenir compte des différences de situations les plus manifestes.

L'amendement n°10 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°12 rectifié ter, présenté par MM. Genest et Darnaud, Mmes Bories et Gruny et MM. Bonhomme, Joyandet, Rapin, Priou, Raison, Revet, Danesi, Paccaud, Gremillet, Perrin, Longuet, Cuypers et B. Fournier.

M. Mathieu Darnaud.  - Les groupes mutualistes financent l'économie réelle dans les territoires, ne les pénalisons pas.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Dans un monde idéal, nous aurions dû exclure ces groupes mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel nous en empêche. Le mécanisme du Gouvernement a le mérite de la simplicité. Retrait, sinon avis défavorable. Nous ne pouvons pas risquer une nouvelle censure...

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Même avis. Je reconnais les difficultés posées par la situation de ces groupes, mais nous n'avons pas encore trouvé de solution - nous y travaillerons avec eux.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Je connais bien l'argument républicain de l'égalité ; mais la Cour de justice de l'Union européenne ménage la possibilité de régimes fiscaux différenciés pour les groupes coopératifs, qui n'ont pas accès aux marchés et ne sont donc pas à égalité de concurrence avec les autres établissements. Il n'y a rien là d'anticonstitutionnel, au contraire, la disposition est conforme à la jurisprudence européenne.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Ce n'est pas la même chose !

Les amendements identiques nos9 rectifié et 12 rectifié ter ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Canevet, Morisset et Mouiller.

A.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

VII.  -  Les I, II et III ne sont pas applicables aux redevables de l'impôt sur les sociétés qui ont acquitté la contribution prévue à l'article 235 ter ZCA du code général des impôts pour un montant cumulé inférieur à 5 000 000 € pour les années 2014 à 2017.

B.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du A, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Michel Canevet.  - Cet amendement applique un traitement particulier aux entreprises de l'économie sociale.

M. le président.  - Amendement identique n°13, présenté par M. Capus.

M. Emmanuel Capus.  - Nous n'avons pas eu le temps d'examiner la pertinence juridique de cet amendement, mais il est à l'évidence justifié de prendre en compte le taux de dividendes versé !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - La censure serait inéluctable. Avis défavorable aux amendements nos1 rectifié et 13 à défaut d'un retrait.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Même avis.

Les amendements identiques nos1 rectifié et 13 sont retirés.

À la demande du groupe UC, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°9 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 248
Pour l'adoption 91
Contre 157

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 2 est adopté.

La séance est suspendue pour quelques instants.

ARTICLE 3 (État A)

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Dans l'état A, modifier les évaluations de recettes comme suit :

I. - BUDGET GÉNÉRAL

1. Recettes fiscales

13. Impôt sur les sociétés

Ligne 1301       Impôt sur les sociétés

minorer de 4 730 000 000 €

II.  -  En conséquence, rédiger ainsi le tableau de l'alinéa 2 de l'article :

 

 

(En millions d'euros *)

 

RESSOURCES

CHARGES

SOLDES

 

 

 

 

Budget général

 

 

 

 

 

 

 

Recettes fiscales brutes / dépenses brutes ........................................

- 3 032

4 398

 

     A déduire : Remboursements et dégrèvements ............................

4 398

4 398

 

Recettes fiscales nettes / dépenses nettes ........................................

- 7 430

0

 

Recettes non fiscales .........................................................................

- 1 492

 

 

Recettes totales nettes / dépenses nettes ..........................................

- 8 922

 

 

 

 

 

 

     A déduire : Prélèvements sur recettes au profit des    collectivités territoriales et de l'Union européenne .........................

- 695

 

 

Montants nets pour le budget général ..........................................

- 8 227

0

- 8 227

 

 

 

 

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants ................

x

 

 

Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours ..............................................................................

- 8 227

0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Budgets annexes

 

 

 

 

 

 

 

Contrôle et exploitation aériens ..........................................................

 

 

 

Publications officielles et information administrative .........................

 

 

 

Totaux pour les budgets annexes ..................................................

 

 

 

 

 

 

 

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :

 

 

 

Contrôle et exploitation aériens ..............................................................

 

 

 

Publications officielles et information administrative ...............................

 

 

 

Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours .........

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

 

Comptes d'affectation spéciale ..........................................................

 

 

 

Comptes de concours financiers .......................................................

 

 

 

Comptes de commerce (solde) .........................................................

 

 

 

Comptes d'opérations monétaires (solde) ..........................................

 

 

 

Solde pour les comptes spéciaux ..................................................

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         Solde général .........................................................................

 

 

- 8 227

 

* Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au million d'euros le plus proche ; il résulte de l'application de ce principe que le montant arrondi des totaux et sous-totaux peut ne pas être égal à la somme des montants arrondis entrant dans son calcul.

III.  -  Rédiger ainsi le tableau de l'alinéa 5 :

(En milliards d'euros)

Besoin de financement

Amortissement de la dette à moyen et long termes

115,2

Dont amortissement nominal de la dette à moyen et long termes

112,8

Dont suppléments d'indexation versés à l'échéance (titres indexés)

2,4

Amortissement des autres dettes

-

Déficit à financer

81,7

Autres besoins de trésorerie

-

 

 

       Total

196,9

 

 

 

 

Ressources de financement

 

 

 

Émission de dette à moyen et long termes nettes des rachats

185,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

-

Variation nette de l'encours des titres d'État à court terme

9,0

Variation des dépôts des correspondants

- 4,6

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État

1,0

Autres ressources de trésorerie

6,5

 

 

       Total

196,9

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Cet amendement tire les conséquences du rejet de l'article premier sur l'équilibre global du budget. Nous perdons 4,7 milliards de recettes. En revanche, les 5,7 milliards de dépenses imputés par le Conseil constitutionnel sont immédiatement imputables aux comptes de l'État. Après le vote du Sénat, le déficit est ainsi porté à 81 milliards d'euros et dépasse donc 3 %.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - C'est un simple tableau de constatation budgétaire. Sans porter d'appréciation sur le fond, je crois que notre avis doit être favorable.

L'amendement n°14 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

La première partie du projet de loi est adoptée.

L'article 4 (État B) est adopté, ainsi que l'article 5.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles L. 228, L. 228 A et L. 228 B du livre des procédures fiscales sont abrogés.

M. Pascal Savoldelli.  - Défendu.

L'amendement n°8, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le I de l'article L. 232-23 du code de commerce, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« ...  -  Les sociétés cotées et celles qui, à la date de clôture du bilan, dépassent les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants :

« a) Total du bilan : 50 000 000 € ;

« b) Chiffre d'affaires net : 100 000 000 € ;

« c) Nombre moyen de salariés au cours de l'exercice : 250 ;

« publient des informations sur leurs implantations, incluses dans le périmètre de consolidation dans chaque État ou territoire, au plus tard six mois après la clôture de l'exercice.

« Les informations suivantes sont publiées pour chaque État ou territoire :

« 1° Dénominations, nature de leurs activités et localisation géographique ;

« 2° Chiffre d'affaires ;

« 3° Nombre de leurs salariés sur une base équivalent temps plein ;

« 4° Valeur de leurs actifs et coût annuel de la conservation desdits actifs ;

« 5° Ventes et achats ;

« 6° Résultat d'exploitation avant impôt ;

« 7° Impôts payés sur le résultat ;

« 8° Subventions publiques reçues.

« Pour les informations mentionnées aux 1° à 8° du présent paragraphe, les données sont agrégées à l'échelle de ces États ou territoires. »

II.  -  Au premier alinéa du II de l'article L. 611-2 du même code, après la référence : «  L. 910-1 A  », sont insérés les mots : « ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir ».

M. Pascal Savoldelli.  - Défendu.

L'amendement n°7, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Le projet de loi est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°10 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 241
Pour l'adoption 135
Contre 106

Le Sénat a adopté.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Prochaine séance, lundi 13 novembre 2017, à 16 heures.

La séance est levée à 21 h 50.

Jeudi 9 novembre 2017

Bas sommaire

Sommaire

Communications1

Conférence des présidents1

Cérémonie d'hommage1

Conventions internationales (Procédure simplifiée)1

Programmation des finances publiques 2018-2022 (Procédure accélérée)1

Discussion générale1

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics1

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances1

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales1

Question préalable1

M. Pascal Savoldelli1

Discussion générale (Suite)1

M. Emmanuel Capus1

M. Stéphane Ravier1

M. Jean-Marc Gabouty1

M. Didier Rambaud1

M. Thierry Carcenac1

M. Jean-François Rapin1

M. Vincent Delahaye1

M. Jean-François Husson1

M. Yves Daudigny1

M. Gérald Darmanin, ministre1

Questions d'actualité1

Prélèvements des agences de l'eau1

Mme Maryse Carrère1

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire1

Paradise papers1

Mme Éliane Assassi1

M. Édouard Philippe, Premier ministre1

Charlie Hebdo1

Mme Laurence Rossignol1

M. Édouard Philippe, Premier ministre1

Recherche sur les cancers pédiatriques1

M. Alain Fouché1

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé1

Migrants à Calais1

M. Jean-François Rapin1

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur1

Harmonisation fiscale européenne1

M. Philippe Bonnecarrère1

M. Édouard Philippe, Premier ministre1

Maisons de retraite1

Mme Patricia Schillinger1

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé1

Stockage des déchets radioactifs.1

M. Franck Menonville1

M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire1

COP231

M. Claude Bérit-Débat1

M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire1

Statut particulier de la Corse1

M. Jean-Jacques Panunzi1

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur1

Situation en Arabie Saoudite1

M. Jean-Marie Bockel1

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement1

Fonds d'urgence aux départements1

M. Benoît Huré1

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur1

Plan loup1

Mme Patricia Morhet-Richaud1

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation1

Communications1

Nominations à d'éventuelles CMP1

Mise au point au sujet d'un vote1

Programmation des finances publiques 2018-2022 (Procédure accélérée - Suite)1

Discussion des articles1

ARTICLE PREMIER1

ARTICLE 21

ARTICLE 31

ARTICLE 3 BIS1

ARTICLE 41

ARTICLE 51

ARTICLE 6 BIS1

ARTICLE 8 BIS1

ARTICLE 8 TER1

ARTICLE 91

ARTICLE 101

Mme Sophie Taillé-Polian1

M. Pascal Savoldelli1

M. Alain Richard1

ARTICLE ADDITIONNEL1

ARTICLE 111

ARTICLE 121

ARTICLE 131

ARTICLE 141

ARTICLE 151

ARTICLE 171

ARTICLE 181

ARTICLE 19 BIS1

ARTICLE ADDITIONNEL1

ARTICLE 251

ARTICLE 271

ARTICLE 27 TER (Supprimé)1

ARTICLE 291

Projet de loi de finances rectificative pour 20171

Discussion générale1

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances1

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances1

M. Jean-Marc Gabouty1

M. Julien Bargeton1

M. Pascal Savoldelli1

M. Bernard Delcros1

M. Claude Raynal1

M. Emmanuel Capus1

M. Philippe Dominati1

M. Jean-François Husson1

M. Bruno Le Maire, ministre1

ANNEXES1

Ordre du jour du lundi 13 novembre 20171

Analyse des scrutins publics1

Conclusions de la Conférence des présidents1

Composition de deux éventuelles CMP1

SÉANCE

du jeudi 9 novembre 2017

14e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-président

Secrétaires : M. Daniel Dubois, Mme Annie Guillemot.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.