Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. La séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.

Libération de Mossoul

M. Jeanny Lorgeoux .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Richard Yung applaudit également.) Après plusieurs mois de combats acharnés, le Premier ministre irakien, M. Haïder al-Abadi, a annoncé la libération de Mossoul, l'ancienne Ninive, berceau des civilisations assyriennes et chaldéennes qui a brillé de tant de feu et suscite tant de convoitises.

C'est le fruit de l'engagement sans faille des forces irakiennes et des Peshmergas kurdes, qui ont subi de lourdes pertes, mais aussi de la coalition internationale, dont la France.

C'est un coup fatal porté à l'État islamique et à sa folie destructrice, un pas vers la reconstruction d'un Moyen-Orient qui a soif de paix et de stabilité. Mossoul est libérée, mais c'est un champ de ruines ; sa population sort de l'enfer. Comment sauver ces vies hagardes, réenclencher la vie et l'économie ?

La reconquête de Raqqa semble en bonne voie et ouvre un horizon nouveau pour la Syrie. Je salue l'action de nos forces armées.

N'y a-t-il pas là une opportunité pour relancer un processus politique régional aujourd'hui enlisé ? Comment la France, dont la position a évolué, compte-t-elle y prendre sa part ?

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jeanny Lorgeoux.  - Quels partenariats régionaux et diplomatiques devons-nous nouer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, sur plusieurs bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs des groupes Union Centriste et Les Républicains)

Mme Florence Parly, ministre des armées .  - Le Premier ministre irakien a annoncé dimanche la nouvelle de la libération de Mossoul, occupée par l'État islamique depuis la proclamation d'un soi-disant califat à l'été 2014. Même s'il reste des poches de résistance, c'est une grande victoire que nous devons à la ténacité et au courage des forces irakiennes, accompagnées par les Peshmergas et par la coalition internationale à laquelle participait la France : nous les avons appuyées grâce à notre aviation basée en Jordanie et dans les Émirats arabes unis, à notre artillerie en périphérie de Mossoul, fourni du matériel, des renseignements et contribué à la formation des unités.

Je rends hommage aux militaires français déployés au Levant. Mais beaucoup reste à faire. Daech continue de contrôler de nombreux territoires en Irak et en Syrie. Tous les efforts portent sur la reconquête de Raqqa, qui est en bonne voie.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Florence Parly, ministre.  - La reconquête ne sera pas seulement militaire : un processus politique et un accompagnement économique devront être organisés sous l'égide de la coalition. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

Taxation des poids lourds

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Le Gouvernement a affiché sa volonté de voir les poids lourds participer davantage au financement des infrastructures, sans pour autant raviver la polémique de l'écotaxe, abandonnée en 2014.

Expérimentation dans les régions volontaires, péages sur les routes nationales, taxe spécifique dédiée aux besoins en équipement, telles sont les pistes évoquées. Je soutiens ces propositions qui permettent de financer l'entretien du réseau et de soulager les collectivités propriétaires, mais j'attire votre attention sur les milliers de riverains qui subissent les nuisances liées au transfert des poids lourds vers les voies non payantes. Nombre de nos voisins ont mis en place des taxes en ce sens. Comment comptez-vous mettre en oeuvre cette politique, et dans quels délais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Il ne s'agit pas de revenir à l'écotaxe, mais de répondre au problème du juste financement des infrastructures. Le réseau de transport se dégrade, tout comme la qualité de l'environnement des villes et villages traversés par ces infrastructures. La priorité est à l'entretien et à la rénovation du réseau, il en va de la sécurité. Votre commission de l'aménagement du territoire en a parlé en février lors de sa table ronde.

M. Michel Raison.  - C'est vrai.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Nous sommes face à une impasse financière de 10 milliards d'euros, addition des engagements pris par les précédents gouvernements.

Des solutions innovantes peuvent être mises en place, comme au sud de Bordeaux ou sur la route Centre-Europe Atlantique : le long transit est soumis à péage, pas les trajets du quotidien. Autre solution : les vignettes, sur le modèle britannique ou allemand. L'objectif est de dégager de nouvelles ressources tout en encourageant les comportements les plus vertueux. Tous ces points seront à l'ordre du jour des Assises de la mobilité en septembre prochain. (Applaudissements sur quelques bancs au centre)

Réforme de la taxe d'habitation (I)

M. Pierre Cuypers .  - Monsieur le Premier ministre, alors que certaines promesses en faveur du pouvoir d'achat ont disparu, telle la défiscalisation des heures supplémentaires, il a été précisé hier, après de nombreux revirements, que l'exonération de 80 % des contribuables de la taxe d'habitation entrerait en vigueur progressivement dès 2018.

Le président de la République y voit un impôt lourd, inéquitable, dont le calcul obsolète est injuste. Où est donc la justice pour les 20 % de contribuables qui y resteront assujettis ? Où est la justice alors que la taxe foncière s'appuie sur les mêmes valeurs locatives ?

Certes, son mode de calcul est obsolète car les valeurs cadastrales n'ont pas été actualisées depuis 1970, et les taux d'imposition varient énormément d'une commune à l'autre.

Ne faudrait-il pas préférer une réforme structurelle ? La taxe d'habitation constitue la ressource principale de bien des petites communes ; l'État devra compenser une perte évaluée à 10 milliards d'euros. Où trouverez-vous cette somme dans votre budget ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Des exonérations, il y en a déjà pour douze millions de foyers - jusqu'à 10 500 euros de revenu annuel, pour lesquels l'État compense le manque à gagner aux communes.

Le Premier ministre a indiqué que la Conférence des territoires, qui réunira les élus locaux au Sénat le 17 juillet, discutera d'une compensation à l'euro près. Nous commencerons demain le débat d'orientation budgétaire : ce sera l'occasion de préciser le calendrier de cette suppression qui sera progressive, sur trois ans. Enfin, le coût n'est pas de 10 milliards d'euros, mais de 5 milliards d'euros ! (On fait mine d'être soulagé sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Philippe Dallier.  - Ouf !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - L'État interviendra sur la révision des valeurs locatives. Si c'était si facile, on l'aurait déjà fait depuis longtemps. (Mouvements divers) Nous allons nous y atteler, avec le renouveau de la fiscalité locale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe La République en marche)

Réforme de la taxe d'habitation (II)

M. Philippe Esnol .  - Nous sommes nombreux à être interpellés par des élus inquiets de la réforme de la taxe d'habitation. Votre discours de politique générale, monsieur le Premier ministre, laissait penser que vous alliez prendre le temps de la concertation, indispensable pour trouver à terme des recettes pérennes pour les collectivités. La semaine dernière, M. Darmanin répondait à Bernard Delcros que les maires pouvaient être rassurés...

Dans les Yvelines, la taxe d'habitation représente 30 à 50 % du budget pour une vingtaine de communes, dont Conflans-Sainte-Honorine. Certes, il faudra réformer cet impôt inéquitable, mais sans pénaliser les collectivités qui ont déjà largement pris leur part dans le redressement des comptes publics.

Quelles mesures de compensation prévoyez-vous pour assurer la prévisibilité et donner aux communes des garanties à long terme ? Comment comptez-vous associer les élus locaux qui doivent financer les services publics de proximité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Vous avez raison, cette fiscalité locale est injuste. Les communes ne sont pas toutes dans la même situation, selon qu'elles sont rurales ou urbaines, riches ou pauvres : selon l'AMF, la taxe d'habitation représente 36 % des recettes des communes ; dans la mienne, 16 %, dans d'autres, 50 %...

L'injustice vaut aussi entre citoyens : un avocat libéral aisé peut très bien payer moins qu'un salarié en logement social. Il faut recalculer en tenant compte du pouvoir d'achat.

Les communes garderont-elles une autonomie fiscale ? Auront-elles les moyens de financer les services publics de proximité ? Deux fois oui. Le Premier ministre, qui lancera lundi 17 juillet la Conférence des territoires, m'a confié le soin de gérer le pacte financier avec M. Mézard et le ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur certains bancs du groupe RDSE)

Plan climat et mix énergétique

Mme Delphine Bataille .  - L'Europe est en passe d'atteindre ses objectifs pour 2020 en matière d'émissions de gaz à effet de serre, d'efficacité énergétique et de production d'énergies renouvelables, nous rassure la Commission européenne dans son dernier rapport. Mais des difficultés demeurent. Malgré les objectifs ambitieux de la loi de transition énergétique, la France peinera à atteindre son objectif de 23 % d'énergies renouvelables en 2020. L'Allemagne ne parviendra pas à réduire ses émissions de CO2 de 40 % et a repoussé à 2040 la sortie du charbon.

Dans ce contexte, il faut encourager l'innovation pour faire face aux changements climatiques.

Ramener à 50 % la part du nucléaire d'ici 2025, comme le prévoit la loi, suppose de fermer dix-sept réacteurs, a dit hier le ministre de la transition écologique. Or le programme de rénovation de notre parc nucléaire vise à allonger la durée de vie des centrales et générera des retombées pour nos entreprises.

Quelle est votre vision du mix énergétique dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Comment assurer la complémentarité des énergies de base et des énergies renouvelables ?

Il faudra aussi trouver un équilibre entre innovation et précaution et éviter tout attentisme.

Comment contribuer à cet objectif et valoriser la connaissance du scientifique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche et sur plusieurs bancs du groupe RDSE)

M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Rien ne se fera dans la brutalité et le dogmatisme. (On apprécie.) J'ai souhaité ouvrir hier le débat sur le nucléaire : il doit être serein, cohérent et transparent. Il n'y a qu'un cadre, celui de la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui prévoit la consultation de tous les acteurs. Il doit être cohérent avec l'horizon fixé par la loi pour la transition énergétique, que nous avons reçue en héritage et qui est fort ambitieuse.

Il faut mettre tous les scénarios sur la table pour éclairer la décision, avec comme critères l'exigence de sûreté - qui suppose l'indépendance de l'ASN - et le potentiel de toutes les énergies, pour retrouver notre souveraineté énergétique.

Nous renforcerons le dialogue avec tous les acteurs, syndicats, industriels, associations. Les Français ont leur mot à dire. Nous proposerons des contrats de transition aux salariés comme aux territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche ; Mme Corinne Bouchoux, MMJoël Labbé et Jean Desessard applaudissent également.)

M. Jean Desessard.  - Bravo !

Réforme de la taxe d'habitation (III)

Mme Cécile Cukierman .  - Les communes, premier échelon de la démocratie vivante, vont voir la taxe d'habitation transformée, pour 80 % des redevables, en dotation d'État. Cet impôt est injuste et les contribuables concernés seront, dans un premier temps, satisfaits. Or il s'agit clairement de faire passer la pilule amère de la hausse de la CSG et du gel du Smic, de la hausse des taxes sur l'essence et le tabac - et surtout de l'indécente exonération de l'ISF pour les fortunes mobilières. Avec la taxe d'habitation, vous donnez 3 milliards d'euros, à partager entre 28 millions de contribuables. Avec l'ISF, 3 à 4 milliards d'euros, à partager entre 330 000 contribuables !

Comment assurer aux collectivités territoriales les ressources qu'elles vont perdre, et qui assurent leur autonomie fiscale ? Ne serait-il pas préférable de prolonger et renforcer les abattements et dégrèvements actuels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - En effet, certains contribuables doivent consentir un gros effort fiscal : dans votre commune, la taxe d'habitation est à 13,67 %, contre 9 % en moyenne dans votre département ; à Aubervilliers, ville gérée par votre famille politique, elle a augmenté de 7 % rien que l'an dernier. (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Tous les contribuables ne sont pas égaux devant l'utilisation de l'argent public !

Le 17 juillet, ici au Sénat, aura lieu la Conférence des territoires ; ce sera le lieu de la concertation avec les élus locaux.

Mme Éliane Assassi.  - Nous n'avons aucune information pour l'instant.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Nous devrons lier l'autonomie fiscale et la responsabilité des élus, le service public et la réforme territoriale. On ne peut continuer à renforcer les exonérations de taxe d'habitation sans revalorisation des valeurs locatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche)

Mme Nicole Bricq.  - Bravo, bonne réponse !

Mme Cécile Cukierman.  - Il est urgent d'apporter des réponses sur la compensation, dont on sait qu'elle ne sera pas intégrale, au grand dam des élus locaux des villes et des campagnes, qui ne sont pas invités lundi, que je sache ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Situation de l'entreprise GM&S

M. Jean-Jacques Lozach .  - Le 6 juillet dernier, le ministre de l'économie a assuré qu'une solution était proche pour la reprise de l'équipementier automobile creusois GM&S Industry, en liquidation judiciaire. Or la confirmation des engagements de commandes de PSA et de Renault se fait toujours attendre.

La disparition de cette entreprise serait dramatique pour La Souterraine, cité de 5 000 habitants, et affecterait tout un bassin de vie à cheval sur trois départements. Espérons que votre optimisme se concrétisera : après trois redressements judiciaires en moins de huit ans, les salariés sont à bout, d'où des réactions virulentes.

À quel stade en sont les discussions ? Une réunion de la dernière chance se tient aujourd'hui même à Bercy - à laquelle les sénateurs du département n'ont pas été conviés.

Je salue la mobilisation de la région Nouvelle-Aquitaine dans ce dossier ainsi que l'implication de l'État. Ces efforts ne sauraient rester vains. Que fait l'État pour assurer un avenir pérenne à ce site ? Quelle sortie de crise pour ses salariés, leurs familles et le territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement .  - En effet : face à un troisième plan de redressement judiciaire, la colère des salariés est légitime. L'objectif est celui d'une reprise pérenne pour le site. Ce n'est pas une question d'optimisme, mais de volontarisme.

Bruno Le Maire et Benjamin Griveaux réunissent en ce moment à Bercy les acteurs du dossier : les représentants des salariés, la CGT-FO, les clients Renault et PSA, le repreneur GMD et les collectivités. Il s'agit, dans un esprit de dialogue constructif, de chercher les solutions les plus favorables possibles pour les salariés, dont je salue l'esprit de responsabilité.

Nous avons déjà obtenu que Peugeot et Renault renforcent leurs engagements, à 22 millions d'euros. Il nous faut également obtenir des engagements d'investissements sur le site par le repreneur.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - S'agissant de la dépollution du site comme des salariés qui ne seront pas retenus dans l'offre, il faudra mobiliser tous les moyens d'accompagnement et de formation professionnelle pour que ce site retrouve de l'espérance. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche)

Situation politique à Montpellier

M. Jean-Pierre Grand .  - Mercredi dernier à Montpellier, un conseil de métropole extraordinaire était convoqué pour remplacer sept vice-présidents. Ces élus d'expérience, six maires et un premier adjoint, de toutes sensibilités, représentaient les principales villes de notre intercommunalité. Ils ont été destitués au seul motif qu'ils ont refusé de s'inscrire au groupe En marche ! constitué par le président de la métropole. (Vives exclamations à droite)

M. Henri de Raincourt.  - Quelle honte !

M. Jean-Pierre Grand.  - Nos concitoyens découvrent horrifiés ces méthodes d'un autre temps et le doute s'installe sur ce nouveau parti politique...

M. Henri de Raincourt.  - C'est la dictature !

M. Jean-Pierre Grand.  - D'autant que le président de la métropole revendique à tout propos le soutien du chef de l'État !

Mes convictions gaullistes, ma conception de l'intercommunalité ne sauraient s'accommoder de ce mépris de la démocratie locale. Je veux croire qu'il ne s'agit là que de la dérive d'un homme. La confiance dans la vie politique impose aux élus le respect de la démocratie, sur tout le territoire et dans toutes les instances. Cette affaire est suffisamment grave pour que le Gouvernement rassure le Sénat sur sa volonté de faire respecter partout les valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Union centriste ; M. Henri Cabanel applaudit également.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste) Le conseil de Montpellier Méditerranée Métropole a en effet partiellement renouvelé son exécutif. (Sourires)

Le code général des collectivités territoriales régit les délégations de fonction par le président de la métropole à des vice-présidents et encadre les conditions dans lesquelles elles peuvent être retirées. La composition des exécutifs s'efforce en général de refléter la pluralité des communes membres, gage d'un fonctionnement harmonieux des métropoles, auquel le Gouvernement est attaché.

Cependant, il n'appartient pas à celui-ci de se prononcer en opportunité sur un cas particulier. (On ironise à droite.) La libre administration des collectivités territoriales est un principe consacré par la Constitution, à l'article 72 alinéa 3, auquel la Haute Assemblée veille scrupuleusement. La régularité juridique d'une modification au sein d'un exécutif local relève du contrôle de légalité, voire du juge administratif. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

Ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse

Mme Brigitte Micouleau .  - Depuis le 1er juillet, Rennes n'est plus qu'à une heure vingt-cinq de Paris, Bordeaux à deux heures. Mais lors des festivités en gare de Bordeaux, vos déclarations ambiguës sur le prolongement de la LGV jusqu'à Toulouse ont jeté un froid.

Malgré l'avis négatif rendu par la commission d'enquête en mars 2015 pour les LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, le Gouvernement s'était engagé à poursuivre ces projets et signait, le 5 juin 2016, le décret de déclaration d'utilité publique (DUP) de ces lignes.

L'annulation de la DUP par le tribunal administratif de Bordeaux, le 28 juin dernier, était fondée principalement sur la fragilité du financement. Or un comité de financeurs, regroupant toutes les collectivités concernées, a été lancé il y a un an pour répondre à cet enjeu. Il a mandaté un cabinet indépendant qui fera bientôt des propositions innovantes de financement : le motif d'annulation de la DUP n'aura plus objet.

Comment Toulouse, première métropole de France en termes de croissance, pourrait-elle être exclue du réseau à grande vitesse ? Le candidat Macron avait d'ailleurs affirmé son plein soutien à cette LGV.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Brigitte Micouleau.  - Pouvez-vous confirmer la volonté de l'État de poursuivre ce projet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Union centriste et RDSE)

M. Éric Doligé.  - Il n'y a plus d'argent !

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Je tiens à vous rassurer. L'État et SNCF Réseau vont faire appel de l'annulation de la DUP. Depuis le 1er juillet, Bordeaux est à deux heures de Paris et Toulouse à quatre heures dix. Je mesure les attentes des Toulousains.

Mais voilà, la branche Bordeaux-Toulouse nécessite 6 milliards d'euros, alors même qu'il manque 10 milliards d'euros pour assurer la pérennité du réseau et honorer les engagements du précédent gouvernement, dont 7 milliards pour les nouvelles infrastructures.

C'est pourquoi le président de la République a annoncé une pause afin de rechercher une trajectoire financière soutenable pour ce projet, dans la concertation.

Je sors d'une réunion avec le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et rencontrerai bientôt la présidente du conseil régional d'Occitanie. Je ne doute pas que nous arrivions ensemble à une solution raisonnable.

Canal Seine-Nord

Mme Catherine Génisson .  - J'associe à cette question mes collègues des départements du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme.

Le calendrier du canal Seine-Nord a déjà fait l'objet d'une question de notre collègue Jean-François Rapin qui a jeté un pavé dans la mare - ou dans le canal... Ce projet structurant a été relancé lors du Grenelle de l'environnement en 2007-2008 ; après un rapport de 2012, une mission de reconfiguration en 2013, l'Union européenne a annoncé en 2015 une participation d'1,8 milliard d'euros - soit 42 % du coût. Les acteurs institutionnels s'étaient engagés pour un début des travaux fin 2017. Gérald Darmanin, alors premier vice-président du conseil régional des Hauts-de-France, plaidait pour un démarrage rapide.

En mars 2017, le président de la République, alors candidat, confirmait les trois grands projets en cours : Bordeaux-Toulouse, Lyon-Turin et canal Seine-Nord. Ce dernier ne peut plus attendre. Le Gouvernement doit passer à l'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Éric Bocquet applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Je mesure pleinement les interrogations que suscite la pause annoncée par le président de la République. Je sais l'attachement des élus des Hauts-de-France à ce projet et les attentes qu'il a fait naître. Mais des engagements ont été pris sans vision d'ensemble : ils représentent une impasse de 10 millions d'euros. (On s'indigne sur les bancs du groupe socialiste et républicain.)

Mme Valérie Létard.  - Il s'agit de 25 000 emplois !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - L'État ne dispose pas aujourd'hui des ressources nécessaires.

En organisant les Assises de la mobilité, qui associeront l'ensemble des acteurs, nous identifierons les besoins de chaque territoire afin d'élaborer une vision d'ensemble adaptée aux ressources mobilisables.

M. Didier Guillaume.  - Il faudra aller le dire aux habitants.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Cette approche ne peut qu'être partagée par le Sénat, si j'en crois ses nombreux rapports... Nous ne doutons pas que nous parviendrons à une solution soutenable financièrement.

M. Didier Guillaume.  - Très mauvaise réponse, qui n'est pas à la hauteur des enjeux.

La séance est suspendue à 17 h 35.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

La séance est reprise à 17 h 45.