Protection de l'enfant (Deuxième lecture - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'enfant.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n°1 rectifié bis rétablissant l'article 4 bis.

ARTICLE 4 BIS (Suppression maintenue)

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par M. Cadic et les membres du groupe UDI-C.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article L. 221-3 du code de l'action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le service de l'aide sociale à l'enfance répond dans les meilleurs délais aux demandes de coopération transmises par une autorité centrale ou une autre autorité compétente, fondées sur les articles 55 et 56 du Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le Règlement (CE) n° 1347/2000 et les articles 31 à 37 de la convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (ensemble trois déclarations) signée à la Haye le 19 octobre 1996. »

Mme Élisabeth Doineau.  - M. Cadic souhaite rétablir cet article qui inscrit dans la loi les missions qui découlent, pour les services de l'aide sociale à l'enfance, des engagements internationaux souscrits par la France en matière de responsabilité parentale et de protection des enfants, en particulier les articles 55 et 56 du règlement européen.

Ces dispositions sont souvent méconnues des différents acteurs de la protection de l'enfance qui sont amenés à remplir ces missions de coopération.

À l'occasion de demandes de communication entre services sociaux, l'autorité judiciaire française compétente doit être consultée et, par là même, alertée sur toutes procédures engagées à l'étranger concernant un éventuel placement d'enfant français par une autorité étrangère.

Mme Michelle Meunier, rapporteure de la commission des affaires sociales.  - Quel est l'avis du Gouvernement ? Nous avons besoin d'informations sur l'application de ce règlement européen.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.  - L'amendement adopté en première lecture nous laissait perplexes. Depuis, il a été réécrit, à la suite de discussions entre son auteur et le Gouvernement. Avis favorable à cette précision nécessaire.

L'amendement n°1 rectifié bis est adopté et l'article 4 bis est ainsi rétabli.

ARTICLE 5 AA (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'évaluation de la situation d'un mineur à partir d'une information préoccupante est réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet. À cette occasion, la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée. Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa. »

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - L'article 5 AA, qui s'inspirait du rapport du Défenseur des droits après l'affaire Marina, sécurise la pratique de l'évaluation de la situation d'un mineur à partir d'une information préoccupante (IP).

Ce moment, qui est souvent celui du premier contact entre les parents et les services sociaux, est très anxiogène pour les professionnels. Ceux-ci réclament des références partagées et de la collégialité. L'affaire du petit Bastien a également révélé le manque d'une grille de référence.

Cet amendement rétablit également l'obligation de prendre en compte la situation des autres enfants vivant au domicile. Au cours de nos rencontres avec des personnes ayant par le passé été pris en charge par l'ASE, les mêmes difficultés sont apparues : on ne peut supposer, lorsqu'un enfant subit des sévices, que le reste de la fratrie est épargnée. Je comprends mal la suppression de l'article en commission.

M. le président.  - Amendement identique n°44, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Roland Courteau.  - L'évaluation de la situation d'un mineur à partir d'une information préoccupante doit être réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet, et donner lieu à l'évaluation de la situation des autres enfants présents au domicile.

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article L. 226-2-1 du code de l'action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'évaluation de la situation d'un mineur, à partir d'une information préoccupante, est réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels spécifiquement formés à cet effet. À cette occasion, la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée. Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa. »

Mme Aline Archimbaud.  - Cet article est effectivement fondamental. Le repérage des situations préoccupantes est délicat, la pluralité des compétences est essentielle pour les évaluer dans toutes leurs dimensions, et pour qu'aucun enfant ne passe entre les mailles du filet.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis défavorable de la commission, même si je note que les drames récents révèlent la nécessité de renforcer le traitement des informations préoccupantes. Sans remettre en cause les prérogatives des présidents des conseils départementaux, il est nécessaire de réduire la disparité de composition et de fonctionnement des cellules de traitement des informations préoccupantes.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - L'amendement de Mme Archimbaud est très proche des précédents, qui précisent cependant que les professionnels sont identifiés. Retrait ?

L'amendement n°38 est retiré.

M. Gérard Roche.  - Une équipe pluridisciplinaire intervient déjà en cas de signalement, me semble-t-il. N'est-ce pas toujours le cas ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Pas dans tous les départements. Ce sont les professionnels eux-mêmes qui réclament l'extension de cette mesure.

Les amendements identiques nos34 et 44 sont adoptés et l'article 5 AA est ainsi rétabli.

ARTICLE 5 AB (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°35, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le I de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « République », sont insérés les mots : « aux fins de saisine du juge des enfants » ;

2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Que ce danger est grave et immédiat, notamment dans les situations de maltraitance. »

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Le président du conseil départemental doit être en mesure de saisir sans tarder l'autorité judiciaire en cas de danger grave. Aujourd'hui, il faut au surplus, soit qu'une mesure administrative ait échoué, soit que la famille ait refusé de collaborer, soit que l'évaluation soit impossible. Il arrive que les services sociaux s'épuisent à prouver l'absence de collaboration de la famille afin que le président du conseil départemental saisisse l'autorité judiciaire. Nous avons donc ajouté une quatrième hypothèse.

Nous avons aussi constaté que le procureur, tout en engageant des poursuites pénales, ne saisissait pas toujours le juge des enfants. D'où la précision que la finalité de la saisine est la mise en oeuvre des mesures de protection décidées par le juge des enfants.

M. le président.  - Amendement n°39, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le I de L'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « République », sont insérés les mots : « aux fins de saisine du juge des enfants » ;

2° Le quatrième alinéa est complété par les mots : « et dans les situations de danger grave et immédiat, notamment les situations de maltraitance, dès lors que le développement physique, affectif, intellectuel, et social de l'enfant est gravement compromis ».

Mme Aline Archimbaud.  - Le critère de développement social mérite d'être ajouté à la maltraitance. Cet amendement précise en outre que l'avis au procureur de la République a pour objectif la saisine du juge des enfants.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis défavorable à ces amendements, que je voterai à titre personnel. L'article clarifie les finalités de la saisine du juge des enfants par le procureur.

M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Ces précisions sont inutiles. Si l'enfant est en danger, le juge compétent est naturellement le juge des enfants, qui doit être saisi par le procureur. La rédaction proposée est trop restrictive et laisse entendre que le procureur n'aurait plus la possibilité de prendre des mesures d'urgence. En outre, les situations de maltraitance ne sont pas les seules dangereuses.

Quant à la situation de danger « grave et immédiat », il est couvert par l'article L. 226-3 du code de l'action sociale.

Avis défavorable plus pour des raisons de précision rédactionnelle que de fond. Les magistrats auront tout loisir de se reporter à nos débats.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Le développement physique, culturel, affectif, intellectuel et social de l'enfant relève des principes de la réforme, donc d'une autre partie du texte. Je préfère notre rédaction à celle de Mme Archimbaud : j'invite à retirer l'amendement n°39.

M. le rapporteur pour avis de la commission des lois a raison, et moi aussi... La loi n'est pas appliquée uniformément - sans qu'il y ait de malveillance de la part de quiconque. Nous préférons que le juge des enfants soit saisi d'emblée, ce qui n'empêche pas le procureur de prendre des mesures d'urgence.

Mme Aline Archimbaud.  - Dans la mesure où il est question ailleurs du développement de l'enfant, je m'incline.

L'amendement n°39 est retiré.

L'amendement n°35 est adopté, et l'article 5 AB est rétabli.

ARTICLE 5 A

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Il est essentiel de maintenir les liens entre un enfant placé auprès de l'ASE et ses frères et soeurs mais aussi avec d'autres membres de sa famille, comme ses grands-parents.

L'article 5 A est adopté.

ARTICLE 5 B

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - L'accueil d'un enfant par un tiers de confiance mérite d'être développé. Ce qui ne veut pas dire que les liens affectifs avec la famille doivent être négligés.

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 2, troisième phrase

Remplacer la référence :

L. 223-1-2

par la référence :

L. 223-1-1

L'amendement de coordination n°53, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 5 B, modifié, est adopté.

Les articles 5 C et 5 D sont successivement adoptés.

ARTICLE 5 EA

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Canayer, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert, Savary et Mandelli.

Supprimer cet article.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Pourquoi contraindre les départements à prendre en charge les enfants confiés à l'ASE, une fois majeurs, pour qu'ils poursuivent leurs études ? L'objectif est incontestable, mais qui finance ? Cette mission appartient à l'État. Les présidents et anciens présidents de conseils départementaux ici présents savent combien coûte la prise en charge, non seulement des mineurs étrangers isolés, mais aussi de jeunes majeurs. Du moins cette nouvelle charge doit-elle être compensée à l'euro près, conformément à l'article 72-2 de la Constitution. J'avais proposé un amendement en ce sens mais l'article 40 est passé par là...

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - La commission est favorable à l'amendement, j'y suis personnellement très défavorable. Cet accompagnement est indispensable pour éviter les ruptures de parcours au cours d'une année scolaire, voire universitaire.

Si l'on laisse à eux-mêmes les enfants devenus majeurs, toute l'aide qu'on leur a précédemment dispensée est perdue... L'article L. 221-1 prévoit déjà l'accompagnement des jeunes majeurs.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Un constat : nous sommes tous choqués que des jeunes soient privés de soutien et d'accompagnement à la date de leur majorité. C'est une question a minima de cohérence au vu de l'investissement engagé.

Quant à la question du financement, il ne vous a pas échappé que l'article évoque un accompagnement et non une prise en charge - que nombre de départements, fort heureusement, fournissent déjà - en se servant de toute la palette des outils qui entrent dans le cadre de leur compétence générale d'action sociale : poursuite des mesures de protection, accompagnement vers le logement, vers l'emploi, vers fonds de solidarité logement, garantie jeune. Attention au message que nous envoyons.

Mme Catherine Génisson.  - Je comprends l'embarras de M. Cardoux quand il a présenté son amendement. Nous sommes tous animés de la même volonté républicaine d'aider les enfants protégés - ce serait une claque terrible, pour ces jeunes en difficulté et leurs camarades, de dire que tout s'arrête à la majorité. Quel désastre humain ! Les arguments financiers ne doivent pas prévaloir.

M. Éric Doligé.  - On nous accuse d'être sévères ou irréalistes... La problématique est celle de l'accompagnement, pas de la prise en charge ? Soit. Mais parlons de la prise en charge. Ni l'État, ni la CAF, ni l'éducation nationale, ni la région, compétente pour la formation, ne s'occupent de ces jeunes après 18 ans. On laisse pourrir, ceux qui sont sur le terrain le savent bien... On a le sentiment que l'État ignore que la majorité vient à 18 ans. D'accord pour que les départements évitent des ruptures de parcours mais je veux qu'on clarifie la prise en charge financière. Le Premier ministre, qui les a reçus la semaine dernière, sait combien elle est dramatique. Attention à ne pas charger la barque.

Mme Claire-Lise Campion.  - Le groupe socialiste ne votera pas cet amendement. Déjà, 40 % des SDF de 18 à 25 ans sont issus de l'ASE. De nombreux départements leur viennent déjà en aide. Quel sens cela a-t-il de financer une formation qu'ils n'achèveront pas ? C'est une question de bonne gestion des deniers publics. Ne tombons pas dans une logique perdant-perdant : perdant pour le département et perdant pour le jeune.

M. Jean-Claude Luche.  - Je suis président d'un conseil départemental. Le sujet est d'actualité, à la veille du congrès de l'ADF. Il n'est pas question d'interrompre l'accompagnement, mais qui paie ? L'État est défaillant sur ce sujet comme il l'est sur les mineurs isolés étrangers. On en voit qui ne devraient pas dépendre de l'ASE mais auraient plus leur place en hôpital psychiatrique ou en établissement spécialisé.

Les départements n'ont plus les moyens, ni financiers, ni matériels, ni immobiliers. Si l'on refuse cet amendement, je crains que cela ne fasse jurisprudence, que l'on demande aux départements de prendre en charge les jeunes majeurs.

M. Daniel Chasseing.  - Des dérogations sont régulièrement accordées pour que les enfants terminent leur année scolaire. Il est évidemment très difficile de laisser un jeune seul parce qu'il a 18 ans alors qu'il vivait autrefois en foyer entouré d'éducateurs. À l'État de prendre le relais. Les départements sont dans une situation financière très difficile.

M. Jean-Louis Tourenne.  - J'ai l'impression qu'on découvre que les départements sont en difficulté. De quand cela date-t-il ? Les mesures prises depuis dix ans continuent de produire leurs effets. L'APA, en Ille-et-Vilaine, coûtait 43 millions au moment du transfert, nous en sommes à 90 millions - pour 21 millions de compensation.

M. Éric Doligé.  - Qui a créé le RMI ?

M. Jean-Louis Tourenne.  - Idem pour le RSA, la PCH, les personnels de la DDE et des collèges. Cela a été toujours vrai et voilà qu'on le dénonce. Peut-être parce que le Gouvernement est d'une autre majorité... (Mouvements divers à droite)

M. Éric Doligé.  - Lamentable !

M. Jean-Louis Tourenne.  - La quasi-totalité des départements continuent à accompagner les jeunes après leur majorité. Ce Gouvernement est le premier à avoir reconnu sa responsabilité sur les mineurs étrangers isolés. Mme Taubira l'a dit clairement : il y va du respect de nos engagements internationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Hermeline Malherbe applaudit également)

M. Éric Doligé.  - N'importe quoi...

M. Christian Favier.  - Le groupe CRC ne votera pas cet amendement. Nous ne voulons pas de rupture dans la prise en charge à la date de la majorité, potentiellement en cours d'année ! Ce ne serait pas acceptable.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Il ne s'agit pas de ça !

M. Christian Favier.  - En revanche, les départements agissent bien au-delà des 18 ans et cela leur coûte très cher, 3 000 à  3500 euros par mois et par jeune. Leur situation financière est grave, ce n'est pas nouveau, mais la politique actuelle, avec la baisse des dotations, (Mme Françoise Gatel applaudit) ou la non-compensation des allocations individuelles de solidarité, l'aggrave. Dans mon département, le budget de l'ASE a augmenté de 25 % en un an.

Des mesures d'urgence pour les départements les plus en difficulté ne suffisent pas. Tous souffrent.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Monsieur Tourenne, nous ne découvrons ni les difficultés des départements ni la question des mineurs isolés étrangers. Je suis sénateur depuis quatre ans, je ne cesse d'attirer l'attention sur ces deux questions. Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit, personne ne songe à interrompre la formation d'un jeune parce qu'il a 18 ans ! N'essayez pas de nous culpabiliser !

J'ai tendu une perche à Mme la ministre en lui demandant que l'État prenne en charge ces jeunes...

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Je la saisirai !

M. Jean-Noël Cardoux.  - Elle m'a répondu par des explications sémantiques qui ne me convainquent pas. Je perçois mal la nuance entre prise en charge et accompagnement. Je maintiens mon amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; M. Éric Doligé applaudit également)

Mme Hermeline Malherbe.  - Neuf départements sur dix accompagnent déjà. Je veux bien qu'on aborde la question des majeurs à la veille du congrès de l'ADF mais le sujet de cette proposition de loi est la protection de l'enfant.

Les difficultés que vous connaissez depuis quatre ans, monsieur Cardoux, nous les vivons depuis plus de dix ans et ce Gouvernement est le premier à accepter de discuter du poids des allocations sociales pour les départements. Revenons au débat.

M. Daniel Gremillet.  - Je voterai cet amendement parce qu'il touche à un point dur, les compétences, et à leur financement.

Mme Laurence Cohen.  - Mes collègues ont la mémoire courte. Depuis 2004, ils votent des budgets à la baisse et demandent des moyens. Il est vrai que la politique du gouvernement actuel aggrave les choses...

Mais ici nous parlons de la protection de l'enfant. Relisez l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles : il s'agit seulement de permettre aux mineurs qui deviennent majeurs de terminer l'année scolaire ou universitaire engagée.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - L'article 5 EA doit se lire avec l'article 5 EB qui fait intervenir l'État au moyen d'un protocole le liant aux départements et aux institutions concernées. Les Landes, par exemple, accompagnent les jeunes jusqu'à 25 ans.

M. Éric Doligé.  - Quelle naïveté !

Mme Maryvonne Blondin.  - Dans le Finistère aussi !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Ce n'est pas une argutie de faire la différence entre prise en charge et accompagnement, j'ai cité les dispositifs qui peuvent être actionnés. Le problème de l'accès aux droits est une priorité du Gouvernement ; et l'accès aux droits des jeunes de l'ASE est la priorité des priorités.

Monsieur Favier, le Gouvernement a bien conscience du calendrier budgétaire et de la situation des départements. Le sujet ici est moins celle-ci que celle de quelques milliers de jeunes dont la vie est suffisamment cabossée pour qu'on leur permette de finir leur année scolaire...

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°26 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°14 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 187
Contre 156

Le Sénat a adopté.

L'article 5 EA est supprimé.

ARTICLE 5 EB

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par M. Chasseing.

Alinéa 2

1° Première phrase

Après les mots :

le représentant de l'État

insérer les mots :

, le département et la région

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La charge financière émanant de cet accompagnement est répartie en fonction des compétences de chaque acteur.

M. Daniel Chasseing.  - Ajoutons la région parmi les acteurs chargés du suivi des jeunes majeurs. En effet, elle détient les compétences essentielles au bon fonctionnement de ce partenariat, telle que la formation, qui est la clé de l'accès à l'autonomie des jeunes.

Le conseil départemental confronté à des difficultés toujours plus grandes ne peut financer seul l'accompagnement des jeunes majeurs, lequel n'augmentera pas la dépense publique puisque les jeunes majeurs isolés, majoritairement sans qualification, deviennent des usagers des accueils d'urgence.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis favorable de la commission. À titre personnel, je m'oppose à cet amendement. L'article ne crée pas de compétence nouvelle, il précise les conditions dans lesquelles celle qui existe s'exerce. De plus, l'amendement pose des problèmes de rédaction.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. L'accompagnement est du ressort des départements, non des régions.

M. Éric Doligé.  - Et la formation ?

M. Jean-Louis Tourenne.  - Les jeunes majeurs étrangers, entrés mineurs sur notre territoire, n'ont pas le droit de travailler alors qu'ils pourraient valoriser leur formation sur le marché du travail et ainsi être autonomes. Il faudrait se pencher sur ce dossier qui allègera, au surplus, les finances des départements.

Mme Annie David.  - Je m'interroge : pourquoi M. Chasseing ne propose-t-il pas de supprimer l'article 5 EB après l'avoir obtenu pour l'article 5 EA ?

Vous refusez le beurre - la charge des jeunes majeurs - mais vous voulez l'argent du beurre - la participation des régions. C'est une manière de préempter le débat sur le budget.

M. Éric Doligé.  - La région est compétente en matière de formation. S'il y a un projet de formation, il est normal de travailler avec elle. Tout le problème est d'obtenir d'elle un financement...

Un protocole d'accord avec l'État ? Soit, mais pour que cela fonctionne, il faudra bien que l'État débloque des fonds localement...

Place Vendôme, j'avais défendu l'autorisation de travailler pour les jeunes majeurs qui ne demandent que ça. On m'avait dit que cela viendrait rapidement. Et cela ne vient pas ! Je crains que le dossier traîne encore des années...

M. Daniel Chasseing.  - Madame David, je n'ai pas voté l'amendement de M. Cardoux car ces majeurs doivent être suivis, c'est capital pour leur avenir. Du reste, les demandes de dérogation sont souvent acceptées par les départements. C'est le même motif. Ceci m'a poussé à proposer cet amendement : tout faire pour réussir le projet du jeune, en demandant à l'État et à la région, compétente en matière de formation et d'emploi, d'y participer.

M. Jean-Claude Luche.  - Il faut définir clairement les choses : au département de prendre en charge le mineur, à la région et à l'État de gérer les majeurs. Ce texte tombe à point nommé pour clarifier qui fait quoi alors que l'ADF discute avec le Premier ministre.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Je vous mets en garde : si on ajoute la région, elle devra nécessairement être autour de la table pour que le protocole d'accord soit signé. Et nous nous retrouverons dans deux ans pour constater que les protocoles n'ont pas été conclus.

Au reste, la région n'a qu'un rôle de financement ; la mission de guichet est assurée par les missions locales. Pourquoi ne pas associer la mission locale au tour de table dès lors ? Je crains qu'il y ait un malentendu sur le rôle des régions.

Un jeune peut relever de l'ASE et de la garantie jeune, les départements l'ignorent souvent. Qu'ils utilisent déjà tous les outils existants ! C'est l'objectif de ce texte : le droit commun pour les enfants de l'ASE ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

L'amendement n°42 est adopté.

L'article 5 EB, modifié, est adopté.

ARTICLE 5 EC (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article L. 223-3-1 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 223-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 223-3-2.  -  Au terme de l'accueil d'un enfant par le service de l'aide sociale à l'enfance, le président du conseil départemental s'assure qu'un accompagnement permet le retour de l'enfant dans sa famille dans les meilleures conditions. »

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - J'imagine que nous allons encore longuement parler des finances des départements... Je comprends mal que votre commission des affaires sociales ait supprimé cet article. Il faut un accompagnement des familles après une décision de retour de l'enfant. J'ai eu, sur mon bureau, un dossier affreux : un bébé décédé quelques jours après son retour en famille, des suites de mauvais traitements infligés par ses parents... Je croyais que les enfants étaient suivis, dans ce cas de figure ; « pas systématique », m'a-t-on répondu !

M. le président.  - Amendement identique n°40, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

Mme Aline Archimbaud.  - A quoi servent donc les mesures de protection de l'enfance si tout s'arrête lors du retour en famille ?

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - Avis défavorable de la commission. À titre personnel, favorable. Il ne s'agit nullement d'une ingérence dans les affaires départementales mais d'une recommandation de suivi après le retour de l'enfant en famille.

Mme Élisabeth Doineau.  - On ne peut pas laisser penser que les départements seraient indignes, ne feraient rien quand l'enfant retrouve sa famille. C'est du détournement intellectuel ! Si des cas comme ceux que la ministre a cités se sont produits, je demande des sanctions.

M. Éric Doligé.  - Tout à fait d'accord. Arrêtons de faire planer le doute sur l'action des départements à partir de cas isolés et condamnables. Madame Meunier, peut-elle, au lieu d'expliquer son avis personnel, exposer les raisons du refus de la commission ?

Mme Claire-Lise Campion.  - La ministre n'a nullement mis en cause les départements. Elle part de la réalité : des dysfonctionnements existent, les familles peuvent présenter des fragilités au moment du retour de l'enfant. Accompagner et l'enfant et les parents aplanira les difficultés.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Je rejoins Mme Doineau. La commission des affaires sociales a estimé que, tel qu'il est rédigé, l'amendement n'apportait rien car il appartient déjà au président du conseil départemental de veiller à ce que le retour de l'enfant dans sa famille se fasse dans les meilleures conditions.

Mme la ministre va au-delà de ce cas de figure ; le problème est moins le retour en famille que le suivi de l'enfant après son retour. Je ne serais pas hostile à ce que la loi prévoie un tel suivi.

Mme Michelle Meunier, rapporteure.  - On peut penser que la loi de 2007 est parfaite ; je crois qu'il faut l'améliorer. Les critiques pointent tantôt le manque de moyens, tantôt l'inutilité des dispositions proposées, je le regrette. Je croyais m'en être suffisamment expliquée, mais si M. Doligé le souhaite, je peux être plus diserte...

Mme Laurence Cohen.  - La loi est faite pour améliorer les choses. Dire qu'il faut renforcer tel ou tel dispositif n'est pas mettre en cause un corps de métier.

Le président Milon a soulevé le vrai problème et je le rejoins : l'amendement pourrait être rectifié pour mentionner le suivi de l'enfant rendu à sa famille.

M. Jean-Claude Luche.  - Nous assumons, au sein des conseils départementaux, nos responsabilités ; leur méconnaissance est d'ailleurs pénalement répréhensible !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - J'accepte volontiers de rectifier mon amendement dans le sens suggéré par le président Milon, encore faudrait-il qu'il soit ensuite adopté !

Ce n'est pas un texte bavard ; la difficulté réside dans la disparité des pratiques entre départements. Je n'accuse personne : chaque drame procède d'une multitude de dysfonctionnements. Mon but est de boucher les interstices de la procédure, dans l'intérêt de l'enfant.

Mme la présidente.  - Ce sera l'amendement n°36 rectifié. Amendement n°36 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article L. 223-3-1 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 223-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 223-3-2.  -  Au terme de l'accueil d'un enfant par le service de l'aide sociale à l'enfance, le président du conseil départemental s'assure qu'un accompagnement permet le retour et le suivi de l'enfant dans sa famille dans les meilleures conditions. »

Mme Hermeline Malherbe.  - J'approuve la modification mais c'est le juge qui décide du type de retour en famille, et sa décision ne peut être remise en cause.

M. Jean-Marie Morisset.  - J'avais cru comprendre que ces dispositions étaient déjà en vigueur. Mais si ce n'est pas le cas, je les voterai.

Mme Aline Archimbaud.  - Je rectifie mon amendement dans le même sens.

M. le président.  - Ce sera l'amendement identique n°40 rectifié.

Les amendements identiques nos36 rectifié et 40 rectifié sont adoptés et l'article 5 EC est ainsi rétabli.

La séance est suspendue à 17 h 55.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 18 heures.