La rentrée scolaire (Questions cribles thématiques)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la rentrée scolaire. J'invite les orateurs à respecter les temps de parole.

M. Robert Tropeano.  - L'école va mal : de la Cour des comptes aux travaux parlementaires, les institutions les plus sérieuses tirent la sonnette d'alarme.

Pour revenir à l'école de la République, la tâche est immense. Je souhaite vous interroger sur la formation initiale des enseignants et la politique de suppression de postes que vous menez avec constance. Ces mesures ont des effets dévastateurs puisque nombre de jeunes enseignants sont propulsés sans préparation devant les élèves. C'est un excellent moyen de les décourager...

Cette situation préoccupante intervient sur fond de mesures budgétaires drastiques, avec des milliers de suppressions de postes prévues au budget 2011. Où vous arrêterez-vous ? Toujours moins de moyens, toujours moins de professeurs moins bien formés. Quand allez-vous entendre les enseignants, les élèves, les parents et les élus ? Quand allez-vous doter l'école de moyens propres à assurer la réussite de chacun ?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.  - L'école reste au coeur des valeurs républicaines. L'éducation reste pour cela une priorité du Gouvernement ; ses crédits augmenteront l'an prochain de 1,6 %. La France dépense davantage pour son éducation que bien des pays de l'OCDE. Pour que chaque élève quitte le système éducatif avec un diplôme, nous devons personnaliser davantage l'enseignement. C'est l'esprit de la réforme du lycée comme c'était celui de la réforme du primaire de 2008.

Avec la mastérisation, nous consacrons une année de plus à la formation initiale des enseignants, avec deux fois 108 heures de stage devant les élèves en observation et en situation. Moins d'enseignants, mieux rémunérés : nous assumons cette politique en période de crise. Nous croyons plus que jamais en l'avenir de l'école.

M. Robert Tropeano.  - Les enseignants ne sont pas satisfaits de la formation qui est prévue pour eux. L'école est un pilier de la République, elle doit être au service de tous !

M. Jean-Claude Carle.  - La mastérisation vient d'entrer en vigueur, ce qui pourrait faire craindre pour la préparation pratique des enseignants, sélectionnés sur la base exclusive de connaissances disciplinaires. Mettrait-on un pilote sans expérience pratique aux commandes d'un avion ? Il semble que le recrutement de tuteurs soit difficile. En outre, les stages semblent organisés de façon différente selon les académies. Comment comptez-vous assurer le remplacement des stagiaires qui partent en formation ? Avec un niveau analogue de dépense, le Canada, par exemple, obtient de meilleurs résultats grâce à une meilleure formation des maîtres. Un premier bilan s'impose dès maintenant.

M. Luc Chatel, ministre.  - Le niveau mastère exprime notre ambition pour les enseignants, dont le recrutement est bien sûr fondé sur la connaissance disciplinaire mais dont la formation initiale fait une large place à la pratique : 108 heures de stages sont organisées en M1, en observation, et en M2, en responsabilité.

Les professeurs stagiaires bénéficient d'un accompagnement dans chaque académie. Contrairement à ce qui est dit ici ou là, ils ne sont pas laissés à eux-mêmes. Nous avons mis en place un tutorat : tous les stagiaires étaient en binôme jusqu'à la Toussaint. Dès le mois de novembre, une première évaluation de la réforme sera réalisée ; le dispositif sera amélioré, si nécessaire, pour la rentrée prochaine. Cette année est une année de transition.

M. Jean-Claude Carle.  - Merci pour ces précisions. Conjuguer formation disciplinaire et formation au métier est indispensable. Il importe de remplacer les enseignants absents. Nous verrons, lors de l'examen du projet de loi de finances, que les difficultés tiennent davantage à l'organisation qu'aux moyens. Le Sénat, représentant des territoires et soucieux de l'utilisation de l'argent public, sera attentif à ces questions.

M. René-Pierre Signé.  - Il faut donner plus à ceux qui ont moins : tel était le principe des ZEP, créées en 1982 et aujourd'hui critiquées de toutes parts. Le ministère a lancé, à la rentrée 2010, l'expérimentation dans une centaine d'établissements du programme Clair, pour Collège lycée ambition innovation réussite, selon une cartographie qui semble centrée davantage sur les problèmes de sécurité et de violence que sur les difficultés des élèves. Ce programme n'a pas la même ambition pour la réduction des inégalités sociales.

M. Luc Chatel, ministre.  - L'éducation prioritaire a une trentaine d'années. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain, elle reste dotée d'un milliard d'euros.

Aujourd'hui, les réseaux ambition réussite (RAR) concernent 250 collèges situés en zone sensible ; l'évaluation menée cette année montre de meilleurs taux de réussite au brevet que par le passé.

Pour progresser encore, il faut une vision globale, coordonner l'éducation prioritaire avec les contrats de cohésion sociale, la politique de la ville -dont la révision de la carte a été reportée à 2011-, la carte scolaire. Le dispositif Clair concerne 105 collèges ou lycées cumulant échec scolaire, difficultés de recrutement et problèmes de sécurité. Nous évaluerons ce dispositif, qui n'a pas vocation à se substituer à toute l'éducation prioritaire.

M. René-Pierre Signé.  - Les ZEP sont-elles si inefficaces ? Cette opinion n'est pas partagée par tous ! La relance de l'éducation prioritaire s'impose dans l'intérêt de tous, en zone urbaine comme en milieu rural. La suppression des ZEP a entraîné fermetures d'écoles et de classes. Comment mener une politique éducative digne de ce nom quand les moyens du service public ne cessent de baisser ?

M. Ivan Renar.  - Tout commence à la maternelle et à l'école élémentaire. Avec une dépense par élève inférieure de 15 % à la moyenne OCDE, l'école primaire est de plus en plus fragilisée. Vous prétendez que le non-remplacement des départs à la retraite n'a pas d'incidence sur le bon fonctionnement de l'école ; la réalité est tout autre !

La qualité du service public se dégrade. Les élèves de certaines classes connaîtront au moins trois enseignants dans l'année. Enseignants et parents se mobilisent pour exiger le maintien des enseignants en place. Et que dire des professeurs à qui on confie des classes à double ou triple niveaux après une formation de quelques semaines ?

Comment allez-vous consolider la formation des enseignants stagiaires ?

M. Luc Chatel, ministre.  - La réforme du primaire, menée en 2008, a recentré les programmes sur les fondamentaux, mis en place un soutien personnalisé et une double évaluation en CE1 et CM2.

Premier budget de l'État, l'école ne peut s'exonérer des contraintes que chacun connaît ; nous procédons avec discernement. Dans le primaire, 5 600 enseignants sont en surnombre. Il y a une logique au non-renouvellement des enseignants partant à la retraite.

Dans le cadre de la mastérisation, nous avons tenu au tutorat en binôme jusqu'aux vacances de la Toussaint.

Nous croyons à l'avenir de l'école primaire, qui apporte à chaque élève les enseignements fondamentaux indispensables à sa réussite.

M. Ivan Renar.  - Il est temps de mettre l'accent sur la lutte contre l'échec scolaire. Selon les inspecteurs généraux, les choix budgétaires du ministère ne sont pas à même de préparer l'avenir ; et l'investissement dans la formation devrait échapper aux restrictions budgétaires. Malgré la crise, l'Allemagne et les États-Unis augmentent leur budget d'éducation et de recherche.

M. Yves Détraigne.  - Alors que les effectifs ont augmenté depuis la rentrée, des classes ont été fermées ; et la disparition des EVS pénalise les établissements. Beaucoup d'enseignants et de directeurs risquent de se décourager. De nombreux ASEM sont sans affectation mais restent à la charge des communes dont la situation est déjà très délicate.

Co-auteur de la loi Carle instituant la parité de financement entre écoles publiques et privées, je m'interroge sur le contenu du décret d'application. Les associations d'élus ont toutes demandé que la capacité d'accueil des communes en regroupement pédagogique intercommunal soit évaluée à l'échelle de celui-ci, qu'il soit ou non adossé à une intercommunalité. Il semble que le décret n'aille pas en ce sens.

M. Luc Chatel, ministre.  - En moyenne, il y a 22,6 élèves par classe à l'école primaire et 25,5 en maternelle -comme l'an dernier. Des postes sont supprimés ici ou là, mais 2 500 ont été créés cette année à l'école primaire. Tous les ministères doivent optimiser l'usage de leurs ressources.

Le décret d'application de la loi Carle : le Conseil d'État a été consulté, pour qui il fallait considérer aussi le territoire de l'EPCI auquel a été transférée la compétence scolaire. C'est dans cet esprit que le décret a été rédigé ; il a été présenté au dernier Conseil supérieur de l'éducation.

M. Yves Détraigne.  - Je vous rappelle ma question sur les EVS : gare à une nouvelle grève administrative des directeurs ! 

Mme Catherine Troendle.  - Vous n'avez pas les moyens de doter toutes les communes en enseignants de classes bilingues. D'autre part, vous comptabilisez dans les communes d'accueil les élèves fréquentant les écoles bilingues. Il faudrait les comptabiliser dans leur commune de résidence pour éviter d'y fermer les établissements non bilingues.

M. Luc Chatel, ministre.  - Pratiqué en Alsace, l'enseignement bilingue est une réussite que je salue. Dans l'académie de Strasbourg, ces élèves sont comptabilisés dans la commune d'accueil et non dans celle de résidence, conformément à l'article L. 212-8 du code de l'éducation. Il revient donc à l'inspecteur d'académie -sous mon autorité- de veiller à un bon maillage de notre région en écoles bilingues, tant avec l'alsacien qu'avec l'allemand standard.

Mme Catherine Troendle.  - Ce n'est pas une réponse ! Toute réglementation est susceptible d'évoluer ; il vous revient de le faire ! Nous avons aussi trois heures de cours d'allemand dans les classes non bilingues ! Votre réponse me déçoit. (Mmes Gisèle Printz et Patricia Schillinger applaudissent)

M. Yannick Bodin.  - Selon le Haut conseil de l'éducation, 20 % des élèves sortent du collège avec de graves lacunes en français et en mathématiques. C'est là une conséquence du vice fondamental du collège unique, conçu non comme un prolongement de l'école primaire obligatoire mais comme le vieux lycée réservé à une élite sociale.

Un député UMP veut rétablir l'examen d'entrée en sixième. Au contraire, il faut assurer la meilleure continuité possible entre l'école élémentaire et le collège.

M. Luc Chatel, ministre.  - Nous vous répondons en personnalisant le système éducatif. C'est le sens du plan contre l'illettrisme qui commence dès la maternelle -et donne davantage d'autonomie aux établissements. C'est le sens de notre dispositif Clair, qui doit donner une vraie dynamique collective aux établissements.

M. Yannick Bodin.  - Sans doute, mais on ne peut à la fois tenir ce raisonnement et supprimer des postes ! La continuité entre l'école et le collège suppose que les enseignants travaillent ensemble. Vous évoquez une formation renforcée des maîtres. Très bien ! Nous vous attendons aux actes.

M. Claude Bérit-Débat.  - Selon l'Igen, le budget de l'éducation ne prépare pas assez l'avenir. C'est patent pour les écoles maternelle et élémentaire. En Dordogne, il manque 10 % des emplois nécessaires. On en voit les effets pour les enfants handicapés, on le voit avec les Rased.

Les prévisions budgétaires ne sont pas à la hauteur des besoins de notre département. Créer des mastères en alternance, c'est reconnaître implicitement l'échec de la mastérisation. Quand reconnaîtrez-vous l'importance de l'IUFM ?

M. Luc Chatel, ministre.  - Avec vous, les économies sont toujours pour les autres ! Le premier budget de l'État, qui emploie la moitié des fonctionnaires, ne peut échapper à la rigueur budgétaire, mais celle-ci est appliquée avec discernement. Le nombre d'enseignants ne suffit pas à rendre l'école performante. Si c'était le cas, notre pays crèverait les plafonds des tests internationaux !

Nous avons une politique réaliste dans l'environnement contraint que vous connaissez. L'argent doit aller là où le besoin est le plus grand !

M. Claude Bérit-Débat.  - Le ministre n'a pas plus répondu à ma question qu'à celle de M. Détraigne sur les EVS. Rien non plus sur la formation des enseignants. Que vont devenir les IUFM ? Ils ont un rôle structurel dans les départements. Vous vous contentez de vous répéter. Ce n'est pas satisfaisant. Je vous donne zéro sur vingt ! (Sourires)

La séance, suspendue à 17 h 45, reprend à 18 h 00.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président