Mardi 27 septembre 2022

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 17 h 30.

Processus d’examen par l’Autorité de la concurrence du projet d’acquisition du groupe M6 par le groupe TF1 – Audition de M. Benoît Cœuré, président de l’Autorité de la concurrence

M. Laurent Lafon, président. – Le 16 septembre dernier, nous apprenions l’arrêt du projet de rachat du groupe M6 par le groupe TF1 à la suite des échanges conduits avec vous-même, monsieur le président de l’Autorité de la concurrence. Les remèdes que vous auriez proposés – à savoir au minimum la vente de TF1 ou de M6 – ont été considérés comme un refus implicite de l’opération par ses initiateurs qui ont donc mis un terme à l’opération.

Dans le communiqué de presse publié par l’Autorité, vous avez estimé, concernant la question cruciale de la définition du marché pertinent, que l’examen approfondi de l’opération « ne permet[tait] pas de considérer que la publicité télévisée et la publicité en ligne [étaient] suffisamment substituables du point de vue des annonceurs [et qu’] il n’apparaît pas justifié de les intégrer au sein d’un marché unique ».

Au moment même où vous signifiiez votre refus d’accepter ce projet de rapprochement, Netflix annonçait pour sa part son intention de proposer un service moins cher financé par la publicité dès novembre 2022 en France. La plateforme américaine viserait un chiffre d’affaires de plusieurs centaines de millions d’euros à l’horizon 2024, ce qui en ferait un concurrent majeur des chaînes de télévision.

Il n’appartient pas à notre commission de discuter une décision prise par une autorité indépendante, mais il est important pour nous d’en comprendre les fondements et de nous interroger en particulier sur les dispositions juridiques sur lesquelles elle s’appuie.

Nous vous savons gré d’avoir accepté très rapidement de venir devant nous pour nous expliquer le travail qui a été conduit par l’Autorité de la concurrence ces derniers mois sur ce projet de rapprochement et pour évoquer les enseignements qu’il convient d’en retirer.

Vous avez considéré que les marchés de la publicité à la télévision et sur les plateformes n’étaient pas substituables aujourd’hui, mais beaucoup d’observateurs considèrent qu’il n’en sera plus de même d’ici deux ou trois ans. Or nous savons que les chaînes de télévision ne pourront pas attendre trois ans pour se réorganiser et que chaque année qui passe voit leur compétitivité se dégrader.

La question qui se pose donc pour nous est de savoir s’il ne serait pas opportun de modifier la loi afin de mieux prendre en compte les évolutions en cours, notamment celles issues du numérique, dans l’analyse des projets de rapprochement.

Cette question est fondamentale, si l’on souhaite préserver notre exception culturelle. Au cours des dernières années, le développement de plateformes vidéo françaises a été largement contraint par les règles de la concurrence, qu’il s’agisse de CanalPlay ou de Salto. Des murailles ont été érigées entre les acteurs historiques et leurs plateformes numériques afin d’éviter qu’elles bénéficient d’avantages concurrentiels. Force est de constater que ces murailles ont d’abord profité aux acteurs américains et condamné les acteurs français et européens à faire de la figuration.

Comment concrètement peut-on répondre à cette difficulté ? Faut-il se résoudre à voir disparaître progressivement les acteurs français en leur interdisant de se regrouper et de se réinventer ?

Monsieur le président, je vous propose dans un propos liminaire de revenir sur le processus d’examen de cette opération et, peut-être, si vous en étiez d’accord, de répondre à la préoccupation que j’ai exprimée concernant l’avenir du secteur de l’audiovisuel français. À l’issue de votre intervention, vous serez interrogé par notre rapporteur pour l’audiovisuel, Jean-Raymond Hugonet, puis par les autres sénateurs qui le souhaitent.

Je rappelle que cette audition est captée et diffusée en direct sur le site internet du Sénat.

M. Benoît Coeuré, président de l’Autorité de la concurrence. – Je vous remercie pour votre invitation. Il me semble en tout état de cause du devoir d’une autorité, en particulier lorsqu’elle est indépendante, de répondre aux questions du Parlement.

Les risques d’atteinte à la concurrence contenus dans le projet d’acquisition du groupe M6 par le groupe TF1 ont été détaillés dans le communiqué de presse que l’Autorité de la concurrence a publié le 16 septembre dernier. J’évoquerai donc plutôt, dans mon intervention liminaire, la manière dont le processus s’est déroulé, mais je suis prêt à répondre à des questions de fond.

Le contrôle des concentrations fait partie des quatre missions principales de l’Autorité de la concurrence avec la répression des pratiques anticoncurrentielles, la régulation de certaines professions réglementées du droit et sa fonction consultative sur saisine du Gouvernement, du Parlement ou d’autres acteurs.

Le contrôle des concentrations est régi par le titre III du livre IV du code de commerce, c’est-à-dire les articles L. 430–1 à L. 430–10, et au niveau européen par le règlement n°139/2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises – ce dossier ne relevait pas du niveau européen, mais ce sera peut-être différent pour la suite. L’Autorité de la concurrence a publié des lignes directrices relatives au contrôle des concentrations ; elles ont été révisées en juillet 2020.

Quelles ont été les principales phases de ce dossier ?

Au moment de l’annonce de l’opération par les parties et de sa prénotification en mai 2021, il a été constaté que cette opération relevait de la compétence de l’Autorité de la concurrence, et pas de celle de la Commission européenne, parce que les deux entreprises concernées réalisaient plus de deux tiers de leur chiffre d’affaires européen à l’intérieur d’un même État membre. ; la simple application du règlement européen conduisait donc à localiser le dossier à Paris.

Les services d’instruction de l’Autorité de la concurrence ont commencé à travailler dès cette prénotification. Ils ont adressé des questionnaires aux parties – TF1 et M6 –, ainsi qu’aux différents acteurs du secteur – c’est ce qu’on appelle des tests de marché. Ils ont mené des entretiens informels avec certains de ces acteurs et étudié les premières études économiques produites pour le compte de Bouygues et portant notamment sur la question de la définition du marché pertinent.

La notification formelle a eu lieu le 17 février 2022. Parallèlement, nous avons saisi de manière informelle l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) – leurs avis ont été rendus publics la semaine dernière – et nous avons également eu des échanges avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Le 18 mars, l’Autorité de la concurrence a décidé d’ouvrir une phase d’examen approfondi. La très grande majorité des opérations de concentration notifiées à l’Autorité fait l’objet d’un examen simple, dit de phase 1, et est autorisée sans condition. En 2021, 272 opérations de concentration lui ont été notifiées, une seule a été interdite – le projet d’acquisition de la société du Pipeline Rhône-Méditerranée par le fonds Ardian. Depuis le début de l’année 2022, 181 opérations ont été autorisées, dont une seule, à ce stade, après un examen approfondi, c’est-à-dire de phase 2 – il s’agissait de l’acquisition de Conforama par But qui a été autorisée au printemps.

Le rapport des services d’instruction, qui faisait plus de 400 pages, a été envoyé à Bouygues le 22 juillet ; il détaillait la situation sur les différents marchés : celui de la publicité bien sûr, mais aussi celui de la distribution de services de télévision – c’est la question des relations avec les fournisseurs d’accès à internet et les autres distributeurs comme le groupe Canal+ – et celui de l’acquisition de contenus – programmes de flux, films, etc.

Ce rapport était confidentiel, mais ses principales conclusions ont été rendues publiques par les intéressés eux-mêmes – Bouygues et M6 – à la demande de l’Autorité des marchés financiers, qui a estimé que ces informations ne pouvaient pas être cachées aux actionnaires.

Bouygues a répondu le 12 août par des observations assorties d’une proposition d’engagements.

Le collège de l’Autorité de la concurrence s’est réuni en formation plénière durant deux jours, les 5 et 6 septembre, pour entendre les représentants des groupes Bouygues et Bertelsmann, ainsi que ceux des principaux acteurs du secteur : les concurrents télé et radio de TF1 et de M6, des distributeurs, des annonceurs, des producteurs... Nous avons aussi entendu des représentants de l’Institut Médiamétrie pour connaître les évolutions de l’audience, y compris sur les plateformes en ligne. Le collège a aussi entendu le commissaire du Gouvernement, c’est-à-dire la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Je précise qu’il est tout à fait exceptionnel, voire inédit, que l’Autorité de la concurrence se réunisse en formation plénière. Je souhaitais que la délibération soit la plus pluraliste possible. Le collège est composé de dix-sept membres, dont cinq membres permanents. Cinq membres se sont récusés, notamment pour des raisons liées à d’éventuels conflits d’intérêts. Douze membres du collège ont donc participé à la délibération et il me semble que c’est la première fois qu’autant de membres participent à une telle délibération.

Le collège a délibéré et, le 16 septembre, j’ai, sur mandat du collège, rapporté aux représentants de Bouygues et de Bertelsmann les conclusions de cette délibération.

Compte tenu des risques concurrentiels importants suscités par l’opération, principalement sur les marchés de la publicité télévisuelle et de la distribution de services de télévision gratuite – les risques étaient un peu moins importants sur le marché de l’acquisition de droits –, des remèdes de grande ampleur auraient été nécessaires et le collège a considéré que les engagements comportementaux proposés par Bouygues s’agissant en particulier, sur le marché de la publicité, de la séparation des régies publicitaires ne pouvaient remédier à ces risques. En effet, les deux régies auraient été in fine possédées par le même actionnaire et contrôlées par le même groupe ; de ce fait, quelles que soient les modalités de fonctionnement au quotidien, les incitations économiques auraient été alignées. S’agissant d’un problème de « pouvoir de marché » – nous appelons aussi cela un problème horizontal – d’une telle ampleur, la seule solution, d’un point de vue concurrentiel, aurait consisté à des cessions, en particulier la cession de l’une des principales chaînes du nouveau groupe, ce qui aurait évidemment vidé le projet de sa substance.

Notre message aux parties concernées était que l’Autorité de la concurrence, consciente que les remèdes n’étaient pas possibles pour elles, se dirigeait vers une interdiction. Le même jour, Bouygues et Bertelsmann ont annoncé leur intention de retirer leur dossier, ce qui nous a été notifié formellement le lundi 19 septembre.

Pour conclure, cette opération de concentration de grande ampleur aurait fait émerger un acteur ultra-dominant sur le marché de la publicité et de la distribution en France avec, sur le marché de la publicité, plus de 70 % de parts de marché. La conséquence inévitable aurait été une hausse des tarifs de publicité et des redevances versées par les distributeurs, ainsi peut être qu’une perte de diversité des programmes.

En outre, nous avons considéré que le développement des services de vidéo à la demande ne permettait pas, à un horizon prévisible, de remettre en cause la puissance des écrans de télévision. Les services de vidéo à la demande ont vocation à rester des modèles payants, contrairement aux services édités par TF1 et M6, et ils reposent avant tout sur une individualisation de la consommation qui n’est pas propice à la diffusion simultanée d’annonces publicitaires auprès d’un très grand nombre d’utilisateurs, ce qui reste le modèle de la publicité à la télévision.

Je tiens à préciser que l’Autorité de la concurrence ne nie pas la pertinence industrielle du projet : il aurait permis aux parties – c’est en tout cas ce qu’elles nous ont exposé – de développer une nouvelle plateforme numérique qui aurait été proposée soit dans les bouquets des distributeurs, soit directement aux téléspectateurs sur internet. Cela correspond à un modèle dit over the top (OTT), comme pour une plateforme de vidéo à la demande, qui leur aurait permis de mieux valoriser les contenus achetés par les chaînes.

J’ajoute que, si vous regardez les décisions prises par l’Autorité de la concurrence ces dernières années, elle ne peut pas être suspectée de myopie ou de complaisance envers les grandes plateformes américaines ni d’ignorer les évolutions technologiques. Je vais citer quelques exemples : la décision sur les services de publicité de Google – 220 millions d’euros d’amende – ; la décision sur la gestion des droits voisins par Google – 500 millions d’euros d’amende et des engagements contraignants de la part de Google pour la première fois en Europe et même dans le monde, à l’exception de l’Australie – ; la décision, à la suite de la saisine de Criteo, sur les services d’intermédiation des publicités de Facebook, qui a conduit l’entreprise à prendre, pour la première fois à ma connaissance, des engagements contraignants auprès d’une autorité de la concurrence ; l’étude en cours sur le cloud, etc.

Nous sommes donc bien des observateurs attentifs des évolutions technologiques, mais en l’espèce notre conclusion a été que ce projet industriel aurait in fine été financé par les annonceurs français, donc par les consommateurs, et par les téléspectateurs. Les gains d’efficience envisagés du point de vue des téléspectateurs n’étaient pas documentés par les parties.

Un dernier mot sur l’importance de la concurrence et sur l’articulation entre politique industrielle et concurrence – c’est le cœur du sujet dans ce dossier. Je suis absolument convaincu qu’une politique de croissance pour l’économie française doit marcher sur deux jambes : une politique industrielle qui fixe les priorités collectives, qui alloue les ressources de l’État et qui protège notre souveraineté et une politique de la concurrence qui donne leur chance aux nouveaux acteurs et qui combat les rentes. La concurrence sans politique industrielle mène à l’atomisation du marché et l’intérêt collectif risque d’être ignoré ; la politique industrielle sans concurrence favorise les acteurs en place et décourage l’innovation.

M. Jean-Raymond Hugonet. – Dans son avis adressé à votre Autorité, l’Arcom a indiqué que des remèdes raisonnables – absence de couplage des ventes de publicité, séparation des régies ou encore cession de chaînes supplémentaires – pouvaient permettre de répondre aux préoccupations sectorielles suscitées par le projet de rapprochement. Comment expliquez-vous la divergence d’analyse entre vos deux autorités ?

Par ailleurs, n’aurait-il pas été possible de signifier plus tôt aux deux sociétés l’impossibilité d’accepter cette fusion au lieu de leur faire perdre dix-huit mois et beaucoup d’argent ? Depuis le début, il était acquis que les marchés pertinents de la publicité linéaire et délinéarisée n’étaient pas complètement substituables. Pourquoi avoir fait durer autant les choses ?

Le groupe Bertelsmann semble décidé à poursuivre la cession de M6 dans les plus brefs délais. Plusieurs candidats ont manifesté leur intérêt, certains ayant déjà une présence dans les médias, d’autres pouvant être considérés comme de nouveaux entrants. Pouvez-vous nous rappeler les différences qui s’appliquent dans l’examen d’une candidature selon que l’acheteur est ou non un acteur important du secteur des médias ? Quelle serait la durée minimale d’examen par l’Autorité selon que l’acheteur est ou non l’un de ces acteurs ?

Enfin, dans son avis de 2019, l’Autorité de la concurrence a identifié de nombreuses asymétries qui défavorisent les acteurs français par rapport aux plateformes américaines ; on peut penser à la souplesse dont bénéficient les services médias audiovisuels à la demande (Smad) avec un taux global d’obligations entre audiovisuel et cinéma ou encore à la possibilité pour les Smad d’obtenir des droits « monde ». Quel regard portez-vous sur la persistance de ces asymétries en 2022 ? N’est-il pas difficile de vouloir limiter la concentration horizontale et de maintenir des dispositions qui empêchent les acteurs nationaux de lutter à armes égales avec leurs concurrents américains ?

M. Benoît Coeuré. – Dès le début, il était évident que cette opération poserait des problèmes de concurrence et il a été dit explicitement aux parties qu’elle serait difficile à mener. Ma prédécesseur, Isabelle de Silva, et moi-même l’avons dit très clairement ; j’avais d’ailleurs évoqué ce dossier publiquement lors de mon audition par la commission des affaires économiques du Sénat en janvier dernier, en disant que l’opération n’allait pas de soi.

Il était clair que la question du marché de la publicité serait déterminante et que la faisabilité de l’opération reposait sur ce que j’appellerais un acte de foi, à savoir la capacité pour l’Autorité de la concurrence d’élargir la définition du marché. Je crois que Bouygues et Bertelsmann étaient conscients dès le début de cette situation.

En ce qui concerne le calendrier, l’opération a été notifiée en février et le rapport envoyé aux parties en juillet par les services d’instruction – il n’engageait pas le collègue, mais celui-ci s’en est évidemment servi pour sa délibération. Or ce rapport était très négatif, si bien que les parties savaient dès le mois de juillet que leurs espoirs dans l’acte de foi que j’ai évoqué se réaliseraient difficilement. Les parties auraient donc pu retirer le dossier en juillet ; elles ont choisi de se défendre devant le collège, ce qui était tout à fait leur droit.

Avant de parler de l’avis de l’Arcom, je rappelle que celui de l’Arcep était critique s’agissant du marché de la distribution, du risque de pouvoir de marché excessif, notamment vis-à-vis des fournisseurs d’accès à internet, et du risque, dit vertical, de traitement privilégié de Bouygues Telecom par rapport aux autres fournisseurs d’accès à internet.

L’Arcom et l’Autorité de la concurrence n’ont pas le même mandat, ce qui peut expliquer des divergences d’analyse dans nos avis. Il me semble qu’en l’espèce nos deux autorités ont identifié les mêmes problèmes, mais qu’elles ont divergé quant à la capacité des remèdes comportementaux proposés par les parties à les régler. Le collège de l’Autorité de la concurrence a considéré que ces remèdes n’étaient pas suffisants : il nous a semblé que, quelles que soient les modalités de gouvernance, les incitations économiques des deux régies publicitaires auraient été alignées, si bien qu’elles auraient, implicitement ou explicitement, travaillé de concert.

Sur la situation actuelle et la volonté de Bertelsmann de poursuivre la vente, nous n’avons aucunement été saisis et je ne peux donc faire aucun commentaire.

Par ailleurs, il est vrai que, compte tenu de la taille des acquéreurs potentiels, en tout cas ceux qui ont été mentionnés dans la presse, il serait logique que l’opération soit évaluée par la Commission européenne, laquelle a de toute façon la possibilité, si elle le souhaite, de nous la transmettre pour avis. La probabilité est forte, d’après moi, que ce projet d’acquisition soit effectivement examiné par la Commission.

M. Jean-Raymond Hugonet. – J’imagine que vous fondez votre réponse sur la fameuse règle dite « des deux tiers », à savoir que le contrôle par une autorité nationale de la concurrence n’est possible que si chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total dans l’Union européenne dans un seul et même État membre.

M. Benoît Coeuré. – En réalité, la règle est un peu plus complexe que cela : si le chiffre d’affaires global des entreprises concernées dépasse 5 milliards d’euros au niveau mondial, mais également 250 millions d’euros dans au moins deux pays de l’Union européenne, c’est la Commission européenne qui est compétente en matière de contrôle, sauf si les entreprises concernées réalisent chacune plus des deux tiers de leur chiffre d’affaires dans un même pays, ce qui était le cas en l’espèce pour les groupes détenteurs de TF1 et M6.

M. Laurent Lafon, président. – Cela signifie-t-il que le calendrier de renouvellement des licences, prévu en 2023, pourrait, selon l’identité des acquéreurs possibles, ne pas être tenu ?

M. Benoît Coeuré. – Il sera probablement très difficile de respecter ce calendrier, car il est très tendu. Cela étant, sur un tel sujet, je préférerais que vous posiez la question à Roch-Olivier Maistre, le président de l’Arcom, puisque cette Autorité est la seule décisionnaire en ce qui concerne le renouvellement des licences audiovisuelles.

M. Jean-Raymond Hugonet. – Ces problèmes de calendrier existeraient-ils si l’acquéreur était un nouvel entrant et non un professionnel du secteur ?

M. Benoît Coeuré. – Je resterai prudent, dans la mesure où le sujet est sensible et concerne de nombreuses entreprises cotées, et ce d’autant que nous ne nous exprimons, faute d’être saisis du dossier, que sur le fondement d’informations disponibles dans la presse.

Selon moi, la difficulté de l’opération peut certes dépendre de l’empreinte de l’acquéreur dans le secteur audiovisuel, mais il faut également prendre en compte d’autres effets dits « verticaux » ou « congloméraux », qui tiennent aux autres activités de l’entreprise, par exemple dans la radio ou la presse, domaines connexes à la télévision. Cela étant, j’atténuerai immédiatement mon analyse en rappelant que la définition des marchés est nationale ; autrement dit, le marché de la télévision est avant tout français.

S’agissant de l’avis rendu par l’Autorité en 2019, il faut bien reconnaître qu’il a constitué le point de départ de notre réflexion, puisqu’il a cristallisé notre position dans le secteur audiovisuel. Dans cet avis, nous constations un certain nombre d’évolutions, notamment le développement rapide des plateformes de vidéo à la demande, phénomène qui s’est à l’évidence confirmé. D’autres évolutions annoncées, qui ne figuraient pas dans notre avis, ont évidemment été prises en compte dans notre analyse : je pense en particulier au projet de Netflix d’une offre d’abonnement moins chère incluant de la publicité ou encore à l’émergence d’Amazon Prime comme diffuseur de matchs de Ligue 1.

Ces éléments ne nous ont pas conduits à modifier notre définition du marché. En effet, l’irruption des plateformes sur le marché publicitaire ne signifie pas que le marché change. Ce qui compte, en définitive, c’est la manière dont les annonceurs utiliseront les différents supports. Or les annonceurs nous ont dit, au terme du test de marché, que les usages restaient différents, complémentaires et non substituables. Les plateformes, par exemple, vont se concentrer sur de la publicité ciblée, parce qu’elles utilisent toutes les informations dont elles disposent sur les consommateurs.

J’ajoute qu’il convient de faire la différence entre l’audience des programmes diffusés le soir par Netflix, qui sont certes beaucoup regardés, mais aussi très nombreux, et la force du journal télévisé de TF1 ou de M6 le soir, souvent regardé en famille. Les plateformes ne peuvent pas rivaliser avec de telles audiences, sauf à de rares exceptions près, comme lors d’un match de Ligue 1 ou d’un match de tennis, qui sont des événements fédérateurs suivis par beaucoup de spectateurs.

En réalité, les industriels et l’Autorité de la concurrence ne raisonnent pas de la même manière à propos de ces évolutions. Ce que les industriels cherchent à faire, et c’est leur devoir d’agir ainsi, notamment vis-à-vis de leurs actionnaires et de leurs salariés, c’est à préparer le scénario du pire, à savoir leur éventuelle éviction du marché de la publicité au profit des plateformes ; de notre côté, nous raisonnons à partir de scénarios probables, ce qui ne correspond pas du tout à la même approche.

Voilà la question que l’Autorité de la concurrence s’est posée : à un horizon raisonnable, qui peut être de trois ou cinq ans, les annonceurs utiliseront-ils ou puiseront-ils de manière complètement indifférente et substituable dans les inventaires disponibles en ligne ou à la télé ? Selon nous, ce scénario n’est pas le plus probable aujourd’hui.

L’avis émis par l’Autorité en 2019 comportait aussi un certain nombre de réflexions sur le cadre réglementaire en vigueur – ce qui me permet de répondre à la dernière question du sénateur Hugonet – et sur la manière dont ce cadre pouvait évoluer pour permettre aux acteurs français de se développer dans les meilleures conditions. Nous avions ainsi abordé des sujets dont on ne discutera pas aujourd’hui, comme celui de l’interdiction de la publicité pendant les films.

Enfin, nous avions réfléchi à la meilleure manière d’inclure les acteurs numériques dans ce cadre, de sorte que les obligations réglementaires, celles qui découlent de la loi de 1986 et des lois suivantes, ne s’appliquent pas aux seuls acteurs de la télévision française, ce qui créerait effectivement un lourd handicap concurrentiel.

M. David Assouline. – Monsieur le président, le travail que vous fournissez dans les secteurs de l’audiovisuel et de la presse est absolument remarquable, et ce alors même que le doute plane bien souvent sur l’autonomie réelle des institutions et autorités indépendantes.

On peut être d’accord ou pas sur l’avis que vous venez de rendre sur ce projet d’acquisition, mais le scénario inévitable et écrit d’avance par tout le monde a été démenti par votre expertise, ce qui prouve que vous avez travaillé sur le fondement de critères qui sont les vôtres, en toute indépendance. Il est réconfortant de constater que les autorités indépendantes fonctionnent de manière sereine et peuvent résister à un certain nombre de pressions – je pense évidemment au comportement de Google dans le dossier des droits voisins...

Dans le cadre de notre commission d’enquête sur la concentration des médias en France, nous avons conduit un certain nombre d’auditions, notamment celles de vos prédécesseurs : j’avais à l’époque acquis la conviction que, sans évolution du marché, on ne pouvait pas valider ce projet d’acquisition de M6 par TF1. En d’autres termes, pour rendre cette concentration possible, il aurait fallu que vous acceptiez de changer la notion de marché pertinent, qui est au centre de votre jurisprudence de 2019.

Or vous estimez au contraire que le marché n’a pas changé. Soit ! Mais il reste tout de même un chantier à conduire, ce que vous avez soigneusement évité de faire : le numérique ne peut certes pas se confondre avec l’audiovisuel – nous sommes d’accord sur ce point –, mais ces secteurs s’entremêlent de plus en plus. Cette situation inédite implique que de nouvelles règles soient édictées, faute de quoi l’essor des plateformes n’aura aucune limite dans le domaine de l’audiovisuel numérique.

Je note par ailleurs que, loin de son rôle, l’Arcom a envisagé, dans son avis, un certain nombre de considérations économiques, quand votre avis traite, lui, des questions de la pluralité de l’offre et du pluralisme. Bref, on a un peu l’impression que les deux autorités sont à fronts renversés...

J’en viens à mes questions : quels sont, selon vous, les nouveaux acquéreurs possibles ? Savez-vous d’ores et déjà qui de la Commission européenne ou de l’Autorité sera compétente dans ce dossier ? En d’autres termes, craignez-vous un contournement de la procédure qui entraînerait votre dessaisissement au profit de la Commission ?

Mme Monique de Marco. – Monsieur le président, parmi les raisons qui vous ont conduit à rendre cet avis défavorable, vous avez cité le problème de l’incompatibilité entre les parts de marché publicitaires des groupes M6 et TF1, mais vous avez également évoqué votre analyse du marché de la distribution et celle du marché de l’acquisition des droits et des contenus.

Autant il me paraît simple d’évaluer des parts de marché publicitaire, autant j’aimerais que vous m’expliquiez comment l’Autorité de la concurrence est parvenue à évaluer les deux autres marchés que vous avez mentionnés.

Mme Sylvie Robert. – La Commission européenne a dévoilé il y a peu sa proposition de législation sur la liberté des médias, l’European Media Freedom Act, texte qui consacre pour la première fois le principe du pluralisme des médias et tend à lutter contre le phénomène de concentration dans ce secteur. Quel regard portez-vous sur cette proposition ? J’irai même plus loin : y êtes-vous favorable ?

M. Benoît Coeuré. – Monsieur Assouline, je ne crois pas que nous soyons à fronts renversés avec l’Arcom. Nos angles sont différents. Les propositions de l’Arcom étaient bienvenues, même si nous avons considéré qu’elles ne suffisaient pas. L’Autorité de la concurrence n’a aucune compétence en matière de pluralisme politique ; néanmoins, nous nous intéressons à la diversité. Vous direz peut-être qu’il y a un continuum entre les deux… La diversité de l’offre est pour nous un objectif sur tous les marchés.

S’agissant des acquisitions de films, nous avons identifié le risque que le nouvel acquéreur ait un pouvoir de marché plus fort qui fasse baisser le prix individuel des films au détriment de la qualité. Un acteur rassemblant TF1 et M6 aurait pu faire circuler davantage les films, ce qui peut inciter à en acheter moins.

L’avis rendu en 2019 indiquait que la loi de 1986 n’était plus adaptée à la réalité de la concurrence dans le secteur. Le texte était centré sur les chaînes de la TNT, alors que, d’évidence, le secteur est beaucoup plus large. Le plafond de 49 % pour la détention des chaînes ou la limitation des autorisations de TNT n’ont plus tellement de sens dans un marché dont le périmètre est beaucoup plus vaste. Le dispositif anti-concentration de la loi de 1986, notamment le « deux sur trois » devrait être appliqué à l’ensemble des acteurs. Les propositions 31 et 32 de votre commission d’enquête vont d’ailleurs dans ce sens, je l’ai bien noté.

Je ne ferai pas de commentaires sur les acquéreurs potentiels. Tout dépend aussi du montage capitalistique, et nous n’avons pas d’information à ce sujet. Au vu de ce qui transparaît dans la presse, c’est la Commission européenne qui devrait être saisie. Cela ne changerait pas le calendrier, mais le rendrait encore un peu plus tendu – il le serait tout autant si c’était l’Autorité qui était compétente.

En dehors de la publicité, nous avons observé deux marchés. S’agissant de la distribution, nous avons examiné la relation qui se créerait entre le nouvel ensemble et les distributeurs tels que les fournisseurs d’accès à internet ou Canal+. Le risque principal, pour le collège, réside dans le fait que le nouvel ensemble utilise sa position pour augmenter les redevances de distribution. Il existe également un risque, plus difficile à caractériser, de traitement privilégié de Bouygues Telecom. Cela n’aurait cependant pas été insurmontable et aurait pu se régler par un engagement de non-discrimination.

Sur les marchés des contenus, il convient de considérer les programmes de flux – sport, jeux… – et de stock. Concernant les premiers, il y avait un risque d’internalisation par le nouvel ensemble au détriment des producteurs actuels. Concernant le stock, il y avait peu de risques pour les films étrangers, notamment américains, car il s’agit d’un marché mondial ; il y avait un risque sur l’acquisition des films français, mais ce marché est très réglementé, avec l’obligation d’acquisition et la chronologie des médias.

Sur les propositions de European Media Freedom Act et de pacte démocratique, je vous invite à poser la question à Roch-Olivier Maistre. De notre côté, nous ne pouvons qu’être favorables à la diversité.

Mme Laure Darcos. – La décision que vous avez prise ne va-t-elle pas tuer la TNT gratuite ?

Il n’est pas dans vos attributions de mener une politique industrielle ; mais à qui reviendrait-il de mener une telle politique ?

M. Laurent Lafon, président. – Vous avez effectivement rappelé que vous n’aviez pas à vous préoccuper de questions de politique industrielle. Mais votre décision aura un impact industriel important. Sur ce marché, une politique industrielle vous semble-t-elle apparaître ?

La décision de l’Autorité est scrutée dans d’autres pays. Avez-vous des contacts avec vos homologues ?

M. David Assouline. – Dans votre décision, vous mettez un terme à un projet important de concentration. Or d’autres concentrations se préparent, comme dans l’édition. Il faudrait peut-être s’en occuper... Dans ce domaine, il y a en effet de fortes inquiétudes. Je sais que cela dépend de la Commission européenne ; serez-vous néanmoins saisis ou vous saisirez-vous du dossier ?

M. Benoît Coeuré. – Les chaînes concernées n’ont jamais été en aussi bonne forme financière, si l’on en croit leur communication en direction de leurs actionnaires. Je suis persuadé qu’elles se réinventeront pour répondre au défi technologique.

Les recettes publicitaires ne vont pas s’améliorer, certes. Mais pour les maintenir, il leur faudra diffuser de bons programmes à travers des technologies en accord avec l’évolution des usages.

Ces chaînes vont réinventer leurs interfaces pour être proposées dans des bouquets ; elles construiront une fidélisation du téléspectateur par la collecte de données. Elles ont les moyens de le faire et le font déjà en partie.

Je ne devrais peut-être pas donner un avis industriel, mais je ne crois pas que le projet de fusion aurait changé la donne. Certes, il y aurait eu des synergies qui auraient dégagé des ressources, mais ces gains auraient été faits aux dépens des distributeurs et des annonceurs par augmentation des tarifs. Les ressources de ces chaînes ne sont pas comparables avec celles de Netflix ou d’Amazon. Une fusion n’aurait donc pas révolutionné la concurrence avec ces plateformes.

Netflix n’est pas né de la fusion de deux chaînes : en 1998 ou 1999, c’était un service d’envoi de DVD à domicile, puis c’est devenu un service de VOD. La question est : comment pouvons-nous créer les conditions de l’apparition d’un nouveau Netflix en France ? Ce n’est pas impossible : nous avons des licornes dans toutes sortes de secteurs. Cela dépasse la concurrence, mais a trait aux conditions fiscales, sociales...

S’agissant de la politique industrielle, il faut se pencher sur le cadre réglementaire pour que le jeu soit égal entre tous les acteurs. Pour cela – même si l’Arcom aura un avis plus éclairé dans ce domaine –, il faudrait assujettir les géants du numérique aux mêmes obligations que celles qui s’appliquent aux acteurs concernés par loi de 1986.

Nous avons été en contact avec la Commission européenne et d’autres autorités de la concurrence – il existe d’ailleurs un forum de discussion, le Réseau européen de concurrence, qui a été créé pour cela par un règlement communautaire. Nous avons particulièrement échangé avec l’autorité néerlandaise, qui a un dossier similaire à traiter, ainsi qu’avec l’autorité belge – le marché belge est particulier, avec sa segmentation linguistique.

Cette audition a fait l’objet d’une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 40.

Mercredi 28 septembre 2022

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Rapport annuel d’activité du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour l’année 2021 – Audition de M. Roch-Olivier Maistre, président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom)

M. Laurent Lafon, président. – Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), M. Roch Olivier Maistre, afin d’évoquer le rapport annuel de cette institution pour l’année 2021. Au-delà de ce rendez-vous traditionnel prévu par la loi du 30 septembre 1986, il sera difficile de ne pas évoquer également l’actualité du secteur de l’audiovisuel qui demeure très riche. L’Arcom sera en effet amenée très prochainement à engager le processus de renouvellement des mandats des présidentes de Radio France et de France médias monde (FMM) ; elle est aussi au cœur des débats sur les évolutions capitalistiques du secteur initiés par la mise en vente du groupe M6. Alors que l’Arcom avait estimé, dans son avis rendu à l’Autorité de la concurrence (ADLC), que le rapprochement entre TF1 et M6 pouvait être envisagé au prix de l’adoption de certains remèdes, l’ADLC en a jugé autrement, comme nous l’a rappelé hier son président. Les deux entreprises concernées se trouvent donc aujourd’hui dans une situation délicate, et sont contraintes de définir une nouvelle stratégie dans un calendrier très contraint.

Cette situation interpelle le législateur, car elle s’inscrit dans un paysage dont l’initiative publique semble absente. Le précédent quinquennat n’a pas permis, en effet, de moderniser véritablement la loi de 1986 sur les questions de concurrence et de réglementation de la production afin de les adapter à l’arrivée des plateformes ; la réforme de l’audiovisuel public n’a pas abouti, tandis que la réforme de son financement est au milieu du gué.

L’avenir du secteur de l’audiovisuel semble donc dépendre de décisions prises par des investisseurs qui ne sont pas tous français et des autorités indépendantes, dont le rôle n’est pas de définir une politique industrielle, comme l’a rappelé le président de l’ADLC.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le président, ce que vous attendez de l’État et du législateur pour essayer de sortir de cette situation ? Quelles sont, selon vous, les urgences en la matière ?

Parmi ces dernières, le conflit qui perdure entre Canal+ et TF1 sur la distribution constitue pour nous un autre sujet de préoccupation. Le différend semble aujourd’hui porter autant sur une question commerciale que sur la maîtrise des contenus à travers les univers applicatifs des deux acteurs. Que peut faire le régulateur pour favoriser un compromis ? Faut-il envisager une disposition législative pour assurer que l’ensemble des Français puissent recevoir les chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT), en dépit des désaccords commerciaux entre les acteurs ?

Je vous propose de revenir sur ces différents aspects dans un bref propos liminaire, avant que notre rapporteur pour avis sur les crédits de l’audiovisuel public, Jean-Raymond Hugonet, vous interroge, suivi des membres de la commission qui le souhaitent.

M. Roch-Olivier Maistre, président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. – Cette audition traditionnelle est l’occasion d’un échange sur l’actualité de notre institution toute neuve, née le 1er janvier dernier. Notre autorité est en ordre de marche depuis lors, grâce à un travail de préfiguration et une pleine adhésion des équipes de deux autorités fusionnées. Notre collège est désormais élargi à neuf membres, désignés par cinq autorités différentes, ce qui accentue encore son indépendance. L’organisation de l’institution a été revue pour marier les compétences des deux autorités, même si nous conservons notre présence en régions, pour être au plus près des médias locaux et de proximité. Nous rassemblons 355 agents autour d’un projet stratégique sur trois ans, qui va être très bientôt adopté par le collège.

Depuis sa mise en place, l’institution est à pied d’œuvre pour développer les nouvelles compétences que vous nous avez confiées.

La première est la lutte contre le piratage des contenus culturels et sportifs. Les dispositions législatives que vous avez adoptées remplissent pleinement leur rôle, face à un manque à gagner atteignant 1 milliard d’euros. Le nouveau cadre juridique nous permet d’agir plus vite en dialoguant avec le juge, les ayants droit et les fournisseurs d’accès. Nous pouvons ainsi intervenir très rapidement sur les manifestations sportives : les ayants droit peuvent saisir le juge, les fournisseurs d’accès opèrent le blocage et le déréférencement dès la décision et l’autorité administrative prend en charge les demandes de blocage des sites miroirs. Depuis le 1er janvier, 800 sites illicites ont ainsi été bloqués, limitant de 50 % le piratage des manifestations sportives. Nous sommes maintenant engagés dans une procédure d’automatisation de la chaîne pour aller encore plus vite.

Notre deuxième chantier est la supervision des plateformes en ligne, qui comprend la lutte contre la manipulation de l’information. Nous publierons bientôt le troisième bilan d’application de la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information, dite loi « Infox ». Cette régulation commence à porter ses fruits. Nos compétences ont été complétées par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, et cette démarche a pris une dimension européenne très forte, avec l’adoption prochaine du nouveau règlement européen sur les services numériques (DSA pour Digital Services Act) auquel nous avons activement contribué. Nous allons suivre de très près la mise en œuvre de ce texte, qui ouvre une nouvelle frontière en la matière. Nous souhaitons, pour notre part, que l’autorité de coordination française qu’il prévoit soit désignée rapidement. Ce choix relève de la compétence du législateur, et, si vous en décidiez ainsi, l’Arcom pourrait être cette autorité.

La dimension européenne de la régulation est croissante et un nouveau texte tout juste déposé par la Commission européenne concerne la liberté des médias, le European Media Freedom Act (Emfa). Nous serons impliqués dans le comité de pilotage du groupe des régulateurs européens, le European Regulators Group for Audiovisual Media Regulators (Erga) dès l’année prochaine, et je prendrai, début octobre, la présidence du réseau des régulateurs francophones.

Le troisième point nouveau sur lequel nous travaillons est lié à la publication d’un rapport du Sénat sur la pornographie. Nous avons mis en demeure sept sites contrevenant en particulier aux dispositions adoptées par des amendements du Sénat intégrés à la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales. Nous avons saisi le tribunal judiciaire et le juge a décidé de recourir à une procédure de médiation, que nous avons souhaité courte. À nos yeux, la balle est dans le camp des sites et cette médiation devra être l’occasion pour eux de proposer des dispositifs efficaces.

Nous déployons une autre mission nouvelle : la supervision de la lutte contre les contenus terroristes et pédopornographiques. Un membre du collège, une magistrate, prend en charge la mission de contrôle, de retrait et de déréférencement des sites terroristes après signalement de la plateforme Pharos. 130 000 contenus ont été vérifiés en 2021, un chiffre énorme et en augmentation.

Notre institution est donc pleinement en ordre de marche et mute pour s’adapter à l’époque.

L’Arcom a également été active sur ses missions traditionnelles.

2021 et 2022 ont été marquées par des échéances électorales de premier plan : élections régionales, troisième referendum en Nouvelle-Calédonie, élections présidentielle et législatives. Nous avons veillé au bon déroulement des campagnes sur les chaînes de radio et de télévision et nous nous apprêtons à publier un bilan qui comprendra pour la première fois un volet sur les plateformes en ligne, que nous avons réunies tous les quinze jours pendant le processus électoral, et nous notons de vrais progrès par rapport à 2017.

Les médias audiovisuels ont joué un rôle majeur, car le contexte pandémique a conduit à limiter le nombre de réunions publiques, et le débat a été concentré dans les médias audiovisuels, avec un volume de programmes significatif. Nous avons dû opérer quelques rappels, mais les choses se sont globalement correctement déroulées. Nous ferons quelques propositions d’amélioration des règles que nous appliquons ; celles-ci relèvent, certes, du législatif, mais certaines d’entre elles pourraient sans doute être revisitées. Nous pourrons en discuter à l’occasion du travail sur les sondages que le Sénat envisage de lancer.

Nous avons veillé à maintenir une vigilance constante concernant notre première mission, la protection de la liberté d’expression, de la rigueur de l’information et de la maîtrise de l’antenne. Nous avons opéré plusieurs interventions, mises en garde ou mises en demeure à ce sujet. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, nous avons contribué à la mise en œuvre des sanctions adoptées par le Conseil de l’Union européenne envers RT France et Rossiya 24 et nous avons mis Eutelsat en demeure de cesser la diffusion de NTV Mir.

Au-delà de ces missions, nous avons accompagné la transformation des médias, qui est très importante dans cette période.

S’agissant de la radio, le régulateur a ainsi accéléré le déploiement de la radio numérique, DAB+, une avancée importante et qui sera encore significative en 2023, année au cours de laquelle la couverture concernera 50 % de la population métropolitaine. Cette phase de déploiement représente toutefois une charge importante pour les très nombreuses radios associatives et locales, dont vous connaissez l’importance. Nous soutenons donc l’accompagnement de ces radios plus fragiles et nous avons, en outre, incité les acteurs à communiquer activement sur le DAB+.

Un dossier est en cours : l’évolution de la gouvernance et de la nature des activités radiophoniques du groupe Lagardère, à la suite de l’offre publique d’achat de Vivendi. Comme vous le savez, tout changement de contrôle d’un opérateur qui détient une autorisation doit faire l’objet d’un agrément.

S’agissant de la télévision, le projet de fusion entre TF1 et M6 est désormais abandonné après nous avoir mobilisés pendant plusieurs mois. Nous avons souhaité rendre public notre avis transmis à l’ADLC, même si celle-ci n’a pas eu à prendre formellement de décision. Pour nous, cette procédure ne constituait qu’une toute petite partie du dossier, la loi prévoyant une double procédure devant l’ADLC et devant l’Arcom, relative à l’agrément des changements de contrôle. Notre avis concerne donc exclusivement la problématique des marchés de la publicité, de la distribution, des droits, etc. S’agissant du contrôle, la partie de la procédure qui relève plus directement de nos compétences, nous étions prêts et nous comptions faire part de nos attentes en matière de pluralisme, au sens large. L’avis publié, c’est-à-dire celui qui répondait à la demande de l’ADLC, ne constitue donc qu’une partie du travail de l’Arcom, le processus nous concernant plus directement ayant été interrompu.

Nous sommes engagés dans la procédure de renouvellement des autorisations respectives de TF1 et de M6, qui arrivent à échéance au mois de mai 2023. Une consultation publique des acteurs du secteur est en court, nous leur avons laissé un peu plus de temps en raison du retrait de Bouygues ; nous allons élaborer notre étude d’impact, qui sera publiée, puis la procédure d’appel formel à candidature aura lieu, suivie de l’examen des candidatures et de la négociation des conventions. Le chantier est lourd, de longue haleine et porte sur un enjeu important.

En parallèle, le renouvellement de l’autorisation de Canal+ est en cours, nous sommes dans la phase de finalisation de la convention.

L’audiovisuel public est également engagé dans un processus de transformation, alors que la loi nous charge de veiller à son indépendance et à son pluralisme. Ce secteur représente 30 % de l’audience, 4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, il est composé d’acteurs fondamentaux dans l’équilibre du paysage audiovisuel, notamment par un soutien décisif à la création. Nous sommes très attentifs au financement de l’audiovisuel public ; nous connaissons les choix opérés pour 2023 et nous serons très attentifs à l’avenir du secteur. Nous souhaitons que la période qui s’ouvre offre l’occasion de réfléchir à notre ambition en matière de service public sur les plans de l’organisation, de la gouvernance et du financement.

Quelques dossiers sont en cours, en matière de cohésion sociale, par exemple, avec la mise en œuvre des dispositions de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience », concernant la signature de chartes d’engagement des acteurs de la publicité. Nous travaillons conjointement avec l’Arcep sur la réduction de l’empreinte carbone du secteur. Les acteurs concernés déposent leurs chartes sur le site du ministère de l’environnement.

Nous restons attentifs au soutien à la création française. Le cadre réglementaire a été révisé ; les décrets concernant les services de médias audiovisuels à la demande (Smad), la TNT et le secteur câble-satellite (CabSat) nous conduisent à revoir les conventions qui nous lient aux opérateurs. Le point central concerne les grands acteurs américains présents sur notre territoire. Nous traversons une phase de mouvement continu dans laquelle la chronologie des médias est un sujet important. Pour autant, ce qui est en œuvre ici est unique en Europe. Le niveau de financement issu de la transposition de la directive Services de médias audiovisuels (SMA) n’a pas d’équivalent. Le pays suivant est l’Italie, très loin derrière ; l’exception culturelle française a été très fortement défendue et préservée, nous devons nous en réjouir.

Depuis sa création, l’Arcom a donc rempli ses missions nouvelles tout en poursuivant ses missions historiques.

Depuis dix ans, l’autorité a travaillé à budget constant, mais nous avons sollicité un renforcement de nos moyens en vue de l’exécution de nos nouvelles missions. Le projet de loi de finances pour 2023 nous a entendus et je sollicite le concours de l’ensemble des formations politiques du Parlement pour appuyer notre action.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour avis sur les crédits de l’audiovisuel public. – L’Arcom avait indiqué que des remèdes raisonnables pourraient répondre aux préoccupations sectorielles suscitées par la fusion entre M6 et TF1. Comment expliquer cette divergence d’analyse avec l’ADLC ? Considérez-vous toujours que cette opération était possible ?

Le groupe Bertelsmann semble vouloir poursuivre la cession M6, et plusieurs candidats se sont fait connaître. Quelle serait la durée minimale d’examen d’un nouveau projet de rapprochement ? Le calendrier serait-il plus long encore pour un acteur déjà présent dans le secteur des médias ? Pourrait-il se terminer avant le début du printemps ? Qu’est-ce qui pourrait amener l’Arcom à ne pas renouveler la licence du nouveau propriétaire de M6 ?

S’agissant des relations entre TF1 et Canal+, le législateur avait précédemment renoncé à agir en 2018 pour ne pas avoir à se prononcer sur le principe de la rémunération du signal des chaînes de la TNT. Un texte prévoyant l’extension du must carry, que vous semblez appeler de vos vœux ne risque-t-il pas de mener à un débat sur la rémunération du signal ?

M. Roch-Olivier Maistre. – La procédure d’instruction du projet de fusion, qui est un enjeu majeur pour le paysage audiovisuel français, fait l’objet d’une double instruction devant l’ADLC et devant l’Arcom pour ce qui concerne l’agrément du changement de contrôle. Il s’agit bien de deux procédures parallèles. L’ADLC a souhaité recueillir l’avis de plusieurs autorités, l’Arcom, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ou la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Nous avons répondu par un avis très circonstancié, dont je conseille la lecture. Celui-ci dit très clairement en préambule qu’il y a deux procédures et que, dans notre champ de compétence, nous aurions émis un avis spécifique. Nous livrons, dans la réponse à l’ADLC, notre analyse comme régulateur sectoriel en matière de publicité, de diffusion et de production.

Nous avons construit cet avis en deux parties, dont la première pourrait être lue très attentivement par les membres de votre commission. Il s’agit d’une analyse du paysage audiovisuel visant à isoler les tendances de fond à des fins prospectives. Les évolutions à l’œuvre sont impressionnantes, nous aurions tort, dans le privé comme dans le public, de les négliger : changement des usages, arrivées de nouveaux acteurs, écrans connectés, usages fracturés… Il en résulte une obligation pour les acteurs publics comme privés de dégager les capacités d’investissement requises pour toucher les publics là où ils sont et financer une création de haut niveau pour faire face à l’évolution du paysage et à la concurrence croissante.

La deuxième partie concerne les risques qu’aurait fait peser cette opération en matière de concurrence sur la publicité et de pluralisme externe ainsi que ses effets sur les autres acteurs de la TNT. Ceux-ci sont fragiles et cette fusion aurait emporté des conséquences pour eux en termes de marché de la publicité.

Nous avons évoqué une série de remèdes, dont certains étaient structurels, notamment des cessions de chaînes supplémentaires ; nous avons soulevé des risques pour la distribution, comme l’a fait l’Arcep, dans sa tonalité propre et nous avons souligné des risques sur le marché des droits, en soulignant la nécessité de remèdes importants. Je ne considère pas que notre approche soit vraiment différente. Nous avons identifié des risques, l’ADLC a livré son analyse, les acteurs ont retiré leur dossier, dont acte.

S’agissant de votre deuxième question, sans entrer dans le détail, le dossier qui nous occupe aujourd’hui est le renouvellement des autorisations. La loi nous impose de recommencer à zéro le processus ; nous publierons courant novembre une étude d’impact ; nous laisserons les acteurs réagir ; nous lancerons les candidatures ; nous auditionnerons les candidats ; nous statuerons et négocierons les conventions, pour que les nouveaux titulaires soient en ordre de marche à l’échéance des autorisations actuelles. Je lis les journaux comme vous, on parle d’options possibles. Aujourd’hui, nous ne sommes saisis de rien ; si une opération devait se faire sur le changement de capital de cette société, elle serait soumise à une analyse de l’Arcom, une étude d’impact avec publication, recueil des réactions, etc. Le calendrier apparaît plus qu’extrêmement serré.

M. Laurent Lafon, président. – Est-ce encore faisable ?

M. Roch-Olivier Maistre. – C’est extrêmement serré. De plus, nous ne pourrions statuer sur cela qu’après que les Autorités de la concurrence, européenne et nationale, se seront prononcées.

M. Jean-Raymond Hugonet. – Qu’est-ce qui pourrait amener l’Arcom à ne pas renouveler l’autorisation de M6 ?

M. Roch-Olivier Maistre. – Gardons-en pour la prochaine fois : je gère un collège, comprenant des personnalités fortes et je ne saurais parler à sa place !

S’agissant de TF1 et de Canal+, il s’agit d’un différend purement commercial. Ces acteurs professent la liberté du commerce et de l’industrie, très bien : que le marché fasse ses preuves ! Ce qui est inacceptable, c’est que le téléspectateur soit pénalisé. L’esprit de la TNT, c’est l’accès de tous les Français au signal, même dans les zones blanches. J’ai proposé aux acteurs un processus de médiation, ils ont préféré la voie du tribunal de commerce, après une première décision, une autre procédure est pendante à l’initiative de Canal+, la solution est à portée de main, les acteurs doivent se remettre autour de la table. À défaut, le législateur devra compléter le texte de loi. La loi prévoit que l’éditeur mette à disposition son signal, mais n’impose pas au distributeur de le diffuser. La question concerne en particulier la diffusion satellitaire. Il y a deux options. L’une était dans le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, mais n’a pas été adoptée. Il s’agissait de donner la compétence au régulateur d’adopter des mesures conservatoires le temps de la négociation. L’autre serait d’imposer au seul diffuseur satellitaire la reprise du signal. J’espère que la raison finira par l’emporter, mais je suis peut-être trop optimiste.

Mme Catherine Morin-Desailly. – Notre rapporteur a été notre porte-voix face à l’incompréhension suscitée par les deux avis divergents émis sur la fusion entre TF1 et M6. Je respecte les autorités indépendantes, mais je ne comprends pas. Il me semble que les règles sont aujourd’hui inadaptées à la concurrence des plateformes et cela vaut pour d’autres secteurs. Le bénéficiaire de cette situation est le marché publicitaire et non les éditeurs de programmes. C’est une vision très court-termiste.

S’agissant de votre réorganisation : nous envisagions un rapprochement avec l’Arcep, où en êtes-vous, comment travaillez-vous avec cette autorité, ainsi qu’avec la Cnil et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), car la cyberpornographie et le harcèlement relèvent de la cybersécurité.

Comment vous projetez-vous en matière de moyens pour l’année qui vient ?

Sur le volet relatif aux nouvelles compétences et à la régulation des plateformes, vous avez évoqué le bilan de la loi « Infox ». L’ensemble de cette commission s’était opposé à ce texte, dont le Conseil constitutionnel avait invalidé certaines dispositions. Pensez-vous que le DSA vous permettra d’améliorer la régulation des plateformes ? À mon sens, nous sommes en deçà sur la publicité ciblant les jeunes enfants ainsi que sur l’évaluation indépendante des algorithmes.

Concernant la lutte contre la surexposition des enfants aux écrans, notamment les moins de 3 ans, avez-vous les moyens de lancer une campagne d’information ? Comment vous y prenez-vous ?

Enfin, le moment approche du renouvellement ou de la réception de nouvelles candidatures à la tête de France médias monde et de Radio France. Dans le respect de l’indépendance de votre autorité, quels seront vos critères ?

M. David Assouline. – On commence à toucher à la difficulté de réguler le paysage audiovisuel quand tout le monde considère que les règles sont obsolètes. Si tout le monde s’accorde pour considérer que la loi de 1986 relative à la liberté de communication n’est plus adaptée, ce n’est plus possible. C’est ce qui s’est passé avec les différences d’appréciation sur la fusion entre TF1 et M6.

La révolution numérique a déplacé les cadres, mais aucune des règles de concurrence n’a changé et l’ADLC les applique de manière impitoyable, alors que vous-même semblez être plutôt dans une démarche d’interprétation. Or tout le monde savait que, dès lors que TF1 et M6 fusionnaient, ce ne serait pas en cédant les autres petites chaînes de la TNT que le pluralisme et la diversité allaient être défendus. L’exercice devenait donc difficile.

Nous réclamons tous une nouvelle loi de 1986, même si nous ne sommes pas tous d’accord. Nous disons qu’il faut limiter les concentrations trop puissantes, par exemple. J’ai entendu le message du président de l’ADLC : il faudra réfléchir à la concurrence des plateformes étrangères. Nous devons soit décider de nous orienter vers leurs règles et de conférer leurs avantages à nos entreprises soit faire l’inverse et les forcer à adopter nos principes. Cette deuxième option a notre préférence.

J’attends que l’Arcom lance un cri d’alarme à ce sujet, car il lui devient difficile de réguler dans un cadre aussi obsolète.

Une polémique, mise en exergue par notre commission d’enquête, est née à propos de CNews, s’agissant de sa qualité de chaîne d’information ou de chaîne d’opinion. Vous avez signé une convention très claire avec elle, rappelant les obligations de toute chaîne d’information, notamment en matière de promotion de la diversité. Or vous avez condamné CNews à plusieurs reprises. Il serait bon d’informer le législateur, quand vous faites le bilan des infractions.

Le 17 mai dernier, Pascal Praud disait dans son émission que « Éric Zemmour avait mis au cœur de la société française, de sa campagne électorale, ces sujets-là. On les a développés sur cette antenne. On avait parfois envie de défendre cette identité française, ses mœurs, ses coutumes, ses habitudes. » Cette prise de position en faveur des idées d’un candidat à l’élection présidentielle est donc défendue publiquement. Les amendes sont-elles suffisantes pour dissuader les chaînes de se transformer en tribune d’opinion ? Comment agir ?

Le financement de l’audiovisuel public est assuré par une portion de TVA pendant deux ans. Ce financement sera-t-il pérenne et stable ?

Mme Monique de Marco. – La mission de la délégation aux droits des femmes a fait des propositions pour encadrer l’industrie pornographique.

Premièrement, elle propose à l’Arcom de prononcer des sanctions administratives avec des montants très dissuasifs et d’imposer aux sites pornographiques l’affichage d’écrans noirs tant que l’âge de l’internaute n’a pas été vérifié. Vous dites que vous bloquez des sites, mais nous demandons des sanctions beaucoup plus importantes.

Deuxièmement, elle demande que les préconisations de l’Arcom soient renforcées : il faudrait assermenter ses agents, pour qu’ils puissent constater les infractions commises par les sites qui autorisent leur accès aux mineurs ; la procédure actuelle est longue et n’est pas assez réactive.

Que pensez-vous de ces deux propositions ?

M. Julien Bargeton. – La feuille de route 2020-2023 prévoit le déploiement de la radio numérique selon la norme DAB+, qui a pris du retard à cause du covid. Pourriez-vous détailler ce point ?

Les offres de service de communication audiovisuelle enregistrent une baisse de 11 %. Nous sommes très en deçà des chiffres de 2019. Un tel changement est-il structurel ou conjoncturel ?

Mme Céline Brulin. – Nous aurions besoin d’une réflexion de grande ampleur sur le sens et sur les objectifs de l’audiovisuel public, avant de prendre des décisions sur son financement. Se pose la question de sa pérennité financière, mais avant tout celle de son indépendance. Examinez-vous d’ores et déjà des pistes pour la garantir ?

Les délais sont très contraints pour les nouvelles autorisations de fusion, pourraient-ils être allongés ? Si ce n’est pas le cas, nous aurons le sentiment que, concernant TF1 et M6, tout était déjà ficelé.

Les ordres de grandeur d’investissement dans les grilles de programmes, entre d’une part TF1 et M6 et d’autre part Netflix, n’ont rien à voir. Nous pouvons imaginer toutes les fusions possibles, comment faire le poids face à Netflix ?

M. Bernard Fialaire. – Comment s’articulent les niveaux de compétence pour le European Media Freedom Act (Emfa) ?

Pour la protection des mineurs, les mises en demeure ne suffisent pas. Qu’en est-il de l’éducation des jeunes aux médias et à l’information ?

Les télévisions locales participent du pluralisme. Le seuil anti-concentration est passé de 12 à 19 millions d’habitants. Est-ce suffisant ?

La mission sénatoriale sur la concentration des médias s’est interrogée sur la déontologie des médias. Doit-on aller plus loin, en nous intéressant à la déontologie des journalistes ?

M. Max Brisson. – Ma question complète celle de Mme de Marco.

Je vous remercie d’avoir abondamment cité dans votre introduction le rapport de la délégation aux droits des femmes publié hier soir. Concernant la protection des mineurs face à la pornographie, certaines recommandations portent sur les médias, comme la mise en place de contrôles automatiques. Un renforcement des moyens de l’Arcom est préconisé, et vous-même avez indiqué souhaiter demander des moyens supplémentaires.

L’autorité a-t-elle déjà réfléchi aux moyens nécessaires pour lutter contre ce fléau ? Les agents pourraient-ils être assermentés, pour mieux lutter contre l’exposition croissante des enfants et adolescents à la pornographie ? Quelles sont les réflexions de l’Arcom en la matière ?

M. Roch-Olivier Maistre. – Concernant la question des mineurs face aux écrans, plusieurs actions sont en cours. La loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet, permet de veiller aux dispositions prises par les équipementiers. L’Arcom mène la campagne « Enfants et écrans » et des campagnes de signalétique, tandis que le site « jeprotegemonenfant.gouv.fr », déployé avec l’Arcep et le Gouvernement, permet d’informer les familles sur les dispositifs de contrôle parental et la problématique de protection des enfants par rapport aux écrans. Il s’agit d’un axe constant de notre institution. Nous éduquons aussi les enfants aux médias, notamment grâce à notre convention avec l’Éducation nationale, qui va être actualisée pour embrasser l’ensemble de nos compétences, en particulier en matière de régulation des réseaux sociaux. Une éducation à l’utilisation citoyenne de ces réseaux est essentielle, tout comme une sensibilisation au plus tôt à la lutte contre le piratage.

Nous avons élargi les missions de nos représentations en région, pour que celles-ci travaillent mieux avec les recteurs et avec les médias locaux. Nous développons les actions de formation des enseignants et nous mettons à leur disposition des modules sur notre site.

Grâce au DSA, nous avons la chance, sur notre continent européen, de voir la Commission européenne inventer un modèle protecteur de régulation des réseaux sociaux. Le texte est ambitieux et complexe, les enjeux de mise en œuvre sont immenses. La Commission va devoir se doter de nouveaux outils : un nouveau service est en cours de création et il faudra organiser la gouvernance de ce règlement européen. Je vois une première difficulté : les problématiques de contenus illicites sont d’une grande sensibilité au niveau national. Nous rencontrerons des difficultés à articuler les préoccupations nationales et le fait que le dispositif soit géré à l’échelon européen. La deuxième difficulté tient à la nature de la régulation. Concernant les programmes des chaînes de télévision, nous pouvons appliquer la loi très rapidement, mais, pour ce qui concerne les réseaux sociaux, nous ne pouvons évaluer chaque contenu. La régulation systémique intrinsèque aux réseaux sociaux, voulue par le DSA, impose aux acteurs de se doter de moyens. La Commission pourra s’assurer, en collaboration avec les régulateurs nationaux, que ces moyens soient correctement mis en œuvre ; à défaut, elle pourra sanctionner. Des audits extérieurs seront aussi mis en œuvre et les acteurs devront donner accès, de manière transparente, à leurs algorithmes. Le texte va dans le bon sens, notre continent est pionnier, mais la mise en œuvre sera complexe.

L’Arcom a revu son organigramme, en créant une direction des plateformes en ligne, afin de gérer sa nouvelle compétence. C’est cette direction qui bénéficiera de nouveaux moyens – le service anglais analogue compte 300 agents. Nous avons aussi créé une direction de la création, qui mêle diverses missions : de la gestion des obligations de financement qui pèsent sur les acteurs de l’audiovisuel et sur les plateformes de vidéo par abonnement jusqu’à la lutte contre le piratage.

Quant à l’Arcep, je constate que l’idée d’une fusion ne vous effraie pas, mais digérons déjà la première. Nos relations avec cette institution sont excellentes, tout comme avec les autres autorités administratives indépendantes (AAI), avec lesquelles nous nous réunissons régulièrement. Nous aurions tort de nous opposer à l’Arcep, alors que notre dialogue et notre collaboration sont excellents.

Pour France médias monde et Radio France, la phase d’appel à candidatures est en cours. Nous allons ensuite publier les candidatures recevables et les projets stratégiques. Puis les candidats seront publiquement auditionnés. Les deux critères fixés par la loi de 1986 sont l’expérience et la compétence ; nous statuerons au plus tard le 15 janvier, avant le renouvellement de notre collège.

Monsieur Assouline, la loi de 1986 ne me semble pas tout à fait obsolète, car les principes qui la fondent, et qui défendent le pluralisme, restent d’une actualité brûlante. Cette loi a deux faiblesses : modifiée plus de 80 fois, elle a perdu en lisibilité. Un premier travail de codification serait très utile, et une refonte complète pourrait être envisagée… mais, bon courage !

J’ai cru sentir que vous opposiez l’Arcom et l’Arcep. Je souhaite m’inscrire en faux avec l’idée selon laquelle il y aurait une autorité vertueuse, l’Arcep, et une qui le serait moins, l’Arcom.

M. David Assouline. – L’Arcep, elle, applique des règles strictes.

M. Roch-Olivier Maistre. – Monsieur le sénateur, nous appliquons des règles très strictes. Je ne peux vous laisser dire cela. Notre collège statue en toute indépendance et applique la loi. Je vous mets au défi de savoir ce que nous aurions décidé sur le changement de contrôle des groupes évoqués, puisque nous n’avons pas statué sur ce point. Par définition, vous ne pouvez pas connaître la position de l’Arcom sur le sujet.

Chaque fois que nous avons des décisions difficiles à prendre, la loi reste notre boussole, non l’air du temps. Avant tout, la loi demande de préserver le pluralisme ; c’est ce que nous aurions fait si la fusion avait eu lieu.

Nous sommes les avocats du service public en matière audiovisuelle, qui est un élément d’équilibre de cet écosystème. Nous sommes attachés à un financement pérenne, pour donner de la visibilité à ces entreprises qui sont très complexes et difficiles à gérer. Nous aurions souhaité que la suppression de la taxe d’habitation soit anticipée, en réformant la redevance, par exemple sur le modèle allemand qui favorise une assiette large. Ce n’est pas le choix qui a été fait ; le Parlement, souverain, en a décidé autrement.

D’ici à 2025, il faut engager une réflexion sur les missions et l’organisation de l’audiovisuel public. Nous sommes convaincus qu’il faut plus de convergence entre les entreprises. Le service public y gagnerait, notamment pour proposer une offre de proximité plus riche face aux acteurs privés, une offre numérique plus homogène et une stratégie publique vers les jeunes plus construite. Ma seconde conviction est que nous ne pouvons laisser la main aux entreprises, sans quoi les choses n’avanceront pas. Une réflexion sur le pilotage de cette convergence est donc nécessaire.

L’Arcom est intervenue dans le cas de CNews, et nous interviendrons chaque fois qu’un manquement sera constaté. L’institution a quarante ans d’exercice, la jurisprudence existe. Nous savons où se situe le curseur entre la liberté d’expression et les sanctions.

M. David Assouline. – Quand la quantité va-t-elle se transformer en qualité ?

M. Roch-Olivier Maistre. – Les autorisations sont soumises à des échéances. Dans les critères de renouvellement des autorisations, une phase de bilan est prévue sur l’exécution des conventions, notamment sur sanctions imposées par le régulateur. Néanmoins, nous appelons de nos vœux une adaptation du droit de la régulation, car le paysage se transforme. Les outils et les règles anti-concentration fonctionnent, mais nous devons aussi nous projeter vers l’avenir, par exemple vers le champ numérique. Votre rapport a fait des propositions, et les États généraux de l’information auront bientôt lieu.

Concernant les sites internet, je suis frappé du fait que le législateur soit intervenu il y a deux ans, avec la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales ; depuis, aucun site n’a pris d’initiative pour se mettre en conformité avec la loi. Nous les avons mis en demeure, ils ont présenté une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devant le Conseil d’État. À la suite de nouveaux constats de manquement, nous avons saisi de nouveau la justice, puis une nouvelle QPC a été déposée devant le tribunal judiciaire, qui statuera le 30 septembre ; elle sera peut-être transmise à la Cour de cassation. Ces acteurs feront flèche de tout bois. Cette industrie est puissante. Mme Mercier a fait adopter un amendement sur ces mises en demeure. Désormais, la balle est dans le camp de la justice. Nous verrons ce que la procédure de médiation va donner. Nous aurions souhaité que le tribunal bloque les sites, purement et simplement, car nous sommes convaincus qu’ils ne se mettront en conformité que sous la contrainte. Dans tous les cas, nous jouerons le jeu de la médiation.

En matière de sanctions financières, la difficulté est que les sites sont domiciliés à l’étranger, à l’autre bout de l’Union, à Chypre, au Portugal, en République tchèque. Les procédures sont très lourdes. Toutefois, la justice bouge, des enquêtes sont en cours et l’opinion publique évolue.

Le retard de déploiement de la radio numérique DAB+ est aussi lié à la pénurie de composants ; nous avons actualisé notre feuille de route et nous espérons toucher 50 % de la population d’ici à la fin de 2023, notamment dans les grandes agglomérations et le long des grands axes routiers.

Concernant les bouquets, le point de vigilance principal reste le mouvement de désintermédiation entre les éditeurs et les consommateurs.

Je souhaite aussi, comme pour le DSA, saluer l’initiative européenne qu’est l’Emfa. Le texte s’est beaucoup développé, il est aujourd’hui beaucoup plus ambitieux, mais sa mise en œuvre sera aussi difficile, car il embrasse aussi bien les médias audiovisuels que la presse écrite, qui chérit farouchement son indépendance – nous ne pouvons que la soutenir. Les règles entre pays sont très différentes. La France dispose d’un corpus de textes très avancés en matière de règles anti-concentration ou de protection de la presse, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays. L’acceptation d’une règle supranationale par tous les acteurs de l’Union sera difficile. Enfin, en matière de gouvernance, un conseil de régulation indépendant sera nécessaire, mais la Commission semble trop présente dans le texte. Une régulation des médias ne peut être qu’indépendante. Le débat au Parlement européen sera riche.

Le seuil anti-concentration pour les télévisions locales vient d’être modifié par le Parlement, laissons-le vivre. Dans tous les cas, préservons le pluralisme du modèle des télévisions locales, avec des chaînes comme celles développées en régions par BFM, d’autres, articulées à la presse quotidienne régionale, d’autres, encore, totalement indépendantes, en lien avec les conseils régionaux, et les chaînes du service public.

La déontologie des journalistes est une question récurrente, très délicate. Dans son article 13, la loi de 1986 ne flèche, concernant notre contrôle, que les personnalités politiques ; mais restons prudents, car nous ne défendons jamais assez la liberté d’expression.

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une augmentation de nos crédits de 1,8 million d’euros, afin de recruter 15 nouveaux collaborateurs ; cela nous convient, si une étape supplémentaire de recrutement reste possible en 2024.

L’indépendance de l’audiovisuel public revêt plusieurs aspects. L’Arcom nomme les dirigeants des chaînes. Nous donnons un avis sur tous les textes qui concernent le service public, sur le contrat d’objectifs et de moyens (COM), sur son application et sur le respect des cahiers des charges des sociétés publiques ; ce travail est utile pour que le Parlement puisse exercer son contrôle. Enfin, je ne serais pas choqué si l’Arcom rendait un avis sur les moyens de l’audiovisuel public avant le débat budgétaire – nous connaissons bien l’ensemble des acteurs –, à l’image de ce que fait le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) sur l’ensemble du projet de loi de finances. Nous pourrions ainsi éclairer le débat parlementaire.

Mme Toine Bourrat. – L’Arcom dispose d’une nouvelle compétence, la lutte contre les contenus haineux en ligne. Vous avez déployé une CyberTaskForce en juillet dernier contre les violences numériques et vous menez un travail de signalétique. Pouvez-vous préciser le contenu de ces actions, et sont-elles suffisantes pour proposer une réponse ferme et rapide ?

Mme Laure Darcos. – Le décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande, dit décret Smad, rencontre des difficultés de mise en œuvre. Les plateformes sont soumises à de simples obligations déclaratives. Comment l’Arcom peut-elle contrôler les données de visionnage, de téléchargement et d’écoute, et ainsi la répartition des obligations entre cinéma et audiovisuel ?

Vous est-il possible de nous communiquer les montants investis en pré-achat et en achat en 2021 pour Netflix, Amazon et Disney ? Correspondent-ils aux montants prévus ? Nous attendons de ces acteurs qu’ils participent effectivement au financement du cinéma.

M. David Assouline. – Je souhaite simplement faire une mise au point.

J’ai dit très exactement que les lois de la concurrence sont strictes, et qu’elles peuvent être appliquées sans marge d’interprétation trop importante. Quant à la loi de 1986, elle est obsolète dans de nombreux domaines, notamment en matière audiovisuelle et numérique ; dès lors, ces principes offrent une plus grande marge d’interprétation. Je ne parlais pas d’indépendance de votre jugement, monsieur, mais je conteste effectivement vos interprétations, notamment quand vous disiez qu’un géant devait exister, sans que cela nuise à la pluralité des médias.

M. Roch-Olivier Maistre. – Je conteste votre conclusion, je n’ai jamais dit cela. J’ai dit qu’il était normal que des groupes s’adaptent au contexte économique et aux évolutions du marché, et ensuite que le pluralisme, dès la première heure, serait respecté et que la régulation s’appliquerait, de manière collégiale. Je n’ai jamais dit que cette opération avait vocation à se faire.

M. Laurent Lafon, président. – La convergence des acteurs du secteur public vous semble nécessaire : les contrats d’objectifs et de moyens (COM) sont-ils suffisants pour accélérer ou mettre en œuvre cette convergence ?

J’en viens à M6 : la règle de l’interdiction de vente dans un délai de cinq ans après le renouvellement des autorisations est-elle pertinente ? Doit-elle évoluer, pour éviter de prendre des décisions précipitées ?

M. Roch-Olivier Maistre. – Je ne me prononcerai pas sur ce dernier point. Le renouvellement se fait dans un cadre juridique donné. Notre mission est d’appliquer la loi en vigueur, et non d’émettre un avis sur les règles du jeu actuelles. Le Parlement peut se ressaisir du sujet, mais, à ce stade, je ne souhaite pas exprimer d’avis.

Les COM ne me semblent pas suffisants pour les orientations stratégiques. Laisser la mise en œuvre à la seule bonne volonté des entreprises serait se heurter à des inerties légitimes, car ces dernières ont leurs propres contraintes. Une gouvernance spécifique est nécessaire pour mener à bien cette convergence.

Nous appliquons strictement le décret Smad ; nous sommes très exigeants à l’égard des services en question, qui sont tenus de réaliser un certain nombre de déclarations. Nous avons eu des échanges nourris avec l’un des contributeurs, qui a dû faire bouger ses lignes. Les préoccupations de l’audiovisuel et du cinéma ne sont pas homogènes. Les conventions, conclues pour trois ans, ne préjugent pas d’accords interprofessionnels. D’autres débats de fond sont aussi en jeu. Les acteurs ne doivent pas prendre des postures trop raides, chacun doit jouer le jeu des négociations ; il y va de l’intérêt de chacun. S’il faut aller plus loin, et par exemple faire évoluer la loi, nous reviendrons vers vous.

Concernant les contenus haineux, la priorité est la mise en œuvre du DSA. Nous espérons que l’autorité nationale chargée de cette mise en œuvre – nous ne serions pas opposés à être cette autorité – sera vite désignée. L’attente de nos concitoyens est grande en la matière.

M. Laurent Lafon, président. – Monsieur le Président, je vous remercie pour vos réponses précises et complètes.

Cette audition a fait l’objet d’une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 h 25.