Mercredi 14 septembre 2022

- Présidence de Mme Catherine Di Folco, vice-président de la commission des lois, et de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Mission conjointe de contrôle sur la sécurisation de la chasse – Examen du rapport

Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois. – Nous allons maintenant examiner le rapport de la mission de contrôle, conjointe avec la commission des affaires économiques, sur la sécurisation de la chasse.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. – Cette mission conjointe de contrôle a été créée comme suite à la pétition intitulée « Morts, violences et abus liés à la chasse : plus jamais ça ! », déposée sur la plateforme du Sénat par Mme Mila Sanchez et qui a recueilli près de 123 000 signatures.

Le Sénat s’est saisi de cette problématique et a créé, le 24 novembre 2021, une mission de contrôle de 19 membres, qui a désigné sa présidente et son rapporteur. Le champ d’étude de cette mission a été défini de façon stricte. Il devait notamment aborder les conditions de délivrance du permis de chasse, les épreuves requises, les conditions de sécurité, la question des zones de protection des logements, le sujet de l’alcool, les missions de la gendarmerie, la réglementation sur la détention des armes, les sanctions en cas d’infraction et l’application de la loi du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.

Ainsi, ce sujet sensible, source de polémiques et de violence, portait non pas sur la question de l’interdiction ou de l’autorisation de la chasse, mais seulement sur les conditions de sécurité de cette activité. La mission a été conduite avec beaucoup de tact et d’efficacité.

Mme Maryse Carrère, présidente de la mission conjointe de contrôle sur la sécurisation de la chasse. – Patrick Chaize, rapporteur de la mission, et moi-même allons vous présenter le résultat de nos travaux tels qu’ils ont été validés par la majorité des membres de la mission, hier soir.

Avant de laisser le rapporteur en détailler les conclusions, je souhaite rappeler quelques éléments importants sur l’esprit et la méthode qui ont animé cette mission conjointe de contrôle.

Tout d’abord, notre mission est une première. Elle a été créée, voilà maintenant dix mois, à la suite d’une pétition ayant réuni plus de 120 000 signatures. Elle est l’une des manifestations, avec l’adoption de la proposition de loi sur la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de l’écho qu’a trouvé auprès de nos concitoyens la volonté du Sénat de rénover le droit de pétition et de permettre à la population de participer plus activement aux travaux de la Haute Assemblée. Même s’il nous faudra peut-être réfléchir à la manière de donner à ce nouveau dispositif son rythme de croisière du point de vue de la vitalité démocratique, je crois qu’il faut nous féliciter que les Français s’en soient saisis.

Ensuite, je tiens à souligner que, avec l’appui des services du Sénat, nous avons pu donner aux travaux toute la transparence qu’ils exigeaient au regard de l’émotion que suscitent les accidents de chasse. La quasi-totalité des auditions ont été filmées et diffusées sur internet et les réseaux sociaux. Cela n’a pas été sans inconvénient, puisque des intervenants ont subi des pressions, mais l’ensemble représente plus de quarante-huit heures d’auditions et plus de 170 personnes rencontrées. Nous avons également réalisé cinq déplacements sur le terrain pour nous forger notre propre opinion, ainsi qu’une étude de législation comparée, disponible sur le site du Sénat.

Nous avons eu à cœur de traiter tous les points soulevés par la pétition, sans exception. Le rapport est le résultat d’un travail approfondi. Il est aussi le fruit d’une démarche que nous avons voulue aussi objective et indépendante que possible. Ni le rapporteur ni moi-même ne connaissions le monde de la chasse, non plus que les arguments des uns et des autres. Nous les avons écoutés et examinés sans a priori et si, in fine, nous formulons telle ou telle conclusion ou proposition, c’est non pas l’effet de pressions médiatiques ou d’un supposé lobby, mais le résultat de l’écoute de toutes les parties prenantes.

L’objectif de la mission était de traiter de la sécurité à la chasse sous tous ses aspects, mais de ne traiter que de ce sujet, sans nous laisser entraîner dans un débat pour ou contre la chasse, laquelle a vocation à rester une activité légale et populaire dans notre pays. Je crois d’ailleurs que nous devions aux victimes et à leur famille de refuser toute instrumentalisation ou tout procès d’intention, et de traiter uniquement du sujet de la sécurité. Nous le devions aux victimes, que celles-ci soient chasseuses ou non, car, rappelons-le, si la sécurisation de la chasse est une attente des non-chasseurs, la demande n’est pas moins forte parmi les chasseurs eux-mêmes, qui représentent 80 % à 90 % des victimes.

Au terme de cette mission, Patrick Chaize et moi avons la conviction que la sécurité est un enjeu pour l’avenir de la chasse et son acceptation. Si le risque zéro n’existe pas, cette vérité ne saurait être un alibi pour ne pas agir.

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois, et de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques -

M. Patrick Chaize, rapporteur de la mission conjointe de contrôle sur la sécurisation de la chasse. – Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir rappelé le cadre de notre mission et l’esprit dans lequel nous avons travaillé. En effet, si, au terme de ce travail, je propose une trentaine de mesures pour faire progresser la sécurité à la chasse, c’est sur le fondement d’un diagnostic approfondi d’un état des lieux et des pratiques.

Je vais vous faire une présentation synthétique du rapport, mais nous pourrons en approfondir tel ou tel point autant que vous le désirerez, mes chers collègues.

Je veux commencer par dresser un rapide état des lieux des accidents de chasse et des réponses qui ont déjà pu être apportées.

Notre premier constat est que les accidents de chasse sont en forte baisse et restent marginaux si on les replace dans l’accidentologie générale en France, même s’ils sont encore trop nombreux.

Selon le rapport de Santé publique France de janvier 2020, la chasse représente 4 % des accidents traumatiques liés au sport, soit dix fois moins que la montagne et beaucoup moins que les autres catégories de sports. De même, les collisions avec les animaux sauvages sur la route causent plus de victimes que la chasse. Enfin, la part des accidents liés à l’alcool est également plus faible à la chasse que sur la route : 9 % contre 13 % à 28 % selon les circonstances.

Néanmoins, chaque accident est un accident de trop et les accidents de chasse ont deux spécificités : l’implication d’armes à feu et le fait que 12 % des victimes sont des non-chasseurs. Ce pourcentage est même monté à 26 % cette année, sans que l’Office français de la biodiversité (OFB) puisse apporter une explication à ce résultat inquiétant, bien qu’heureusement exceptionnel sur les vingt dernières années.

Concernant les accidents de chasse et selon les dernières données de l’OFB, en vingt ans, le nombre des accidents de chasse a baissé de 46 % et le nombre de morts de 74 %, alors que le nombre des chasseurs diminuait de 29 % et le nombre de grands gibiers tués augmentait de 75 %. La baisse des accidents a donc été beaucoup plus rapide que celle des chasseurs et plus importante encore au regard de la pression de chasse.

Quelque 55 % des accidents ont en effet eu lieu à l’occasion d’une battue au grand gibier – sanglier, chevreuil ou cerf – et plus des deux tiers des accidents résultent de fautes graves contre les règles élémentaires de sécurité : tir dans l’angle de 30 degrés, tir dans la traque, tir vers des routes ou des habitations, tir sans identification ou encore faute de manipulation. À cela s’ajoutent une centaine d’incidents par an, c’est-à-dire des tirs sur des véhicules ou des maisons qui auraient pu avoir des conséquences dramatiques et des tirs sur des animaux domestiques ou d’élevage. Si l’OFB pense ne pas avoir connaissance de la totalité des incidents et considère donc avec prudence l’évolution de leur nombre, ceux-ci doivent être pleinement pris en compte car ils auraient pu conduire à des drames.

Les accidents de chasse font l’objet de poursuites judiciaires systématiques. Il n’y a aucune impunité des chasseurs. Selon les ministères de l’intérieur et de la justice, le taux de réponse pénale est de 90 % à 95 %. Les accidents de chasse sont réprimés comme des homicides ou des blessures involontaires. Par ailleurs, aucun élément ne vient accréditer un phénomène de refus de plainte, le dépôt de plainte étant d’ailleurs possible n’importe où, directement auprès du procureur ou en ligne sous forme de pré-plainte.

En ce qui concerne la prise en charge des victimes directes et indirectes, le principe est celui de l’indemnisation intégrale et sans plafond du préjudice physique comme psychologique par l’assurance de responsabilité civile. En effet, en matière de chasse, l’assurance est légalement obligatoire et systématiquement vérifiée. Elle n’a pas de limitation de montant et la responsabilité du tireur est présumée. Si ce dernier ne peut être identifié, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) prend en charge la victime. Je n’ai pas identifié de faille dans ce domaine.

En matière de contrôle des armes et de renforcement de la sécurité à la chasse, il faut tenir compte du fait que la législation a déjà été significativement renforcée au cours des dix dernières années.

Depuis 2014, l’examen pratique du permis de chasser est axé sur la sécurité. Toute faute en la matière est éliminatoire et, de fait, environ 30 % des candidats échouent ; ce n’est pas négligeable.

De plus, depuis 2019, la loi a imposé des règles de sécurité pour la chasse en battue, avec le port d’un gilet fluorescent et la mise en place de panneaux d’information. Elle a rendu obligatoire une formation décennale sur la sécurité, a renforcé les pouvoirs de l’OFB et a créé un fichier national du permis de chasser.

Ce nouveau fichier national doit pouvoir être interconnecté avec les deux fichiers consacrés au contrôle des armes. Le premier est le fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes (Finiada), fichier automatisé nominatif créé en 2011 et répertoriant toutes les personnes qui, en raison d’une condamnation ou d’une infraction, sont interdites de possession d’armes sur le fondement d’une décision de justice ou administrative. Le second est le système d’information sur les armes (SIA), qui est en cours de déploiement et qui a pour but d’assurer la cohérence de l’ensemble, en réalisant un inventaire complet des armes légalement en circulation en France et en s’assurant des droits de leurs détenteurs. Dans ce domaine, il faut que le droit en vigueur s’applique. Je ne proposerai donc que des évolutions mineures, visant à corriger quelques manques qui nous ont été signalés par les services compétents.

Malgré les résultats très encourageants que je viens de vous présenter et qu’il nous faut saluer comme le fruit du sérieux des chasseurs, j’ai la conviction, comme Maryse Carrère l’a souligné, que les chasseurs doivent encore progresser. C’est une question de crédibilité et de confiance vis-à-vis des non-chasseurs, mais c’est aussi une attente des chasseurs eux-mêmes, qui sont les premières victimes des accidents. Si le risque zéro n’existe pas – cela a été dit –, cela ne doit pas empêcher d’adopter le « zéro accident » comme objectif. Les chasseurs doivent adopter une culture de la sécurité, à l’instar de ce qui se fait dans l’industrie pour la sécurité au travail, et ils doivent s’inscrire dans un processus d’amélioration permanente.

J’ai distingué, dans les améliorations que je vous propose, celles qui devraient être prises avant la chasse et celles qui touchent au déroulé de la chasse elle-même.

Concernant la sécurité avant la chasse, je veux insister sur trois aspects : la formation, l’aptitude médicale et l’alcool, et le besoin d’un audit de sécurité des territoires de chasse.

Il convient tout d’abord d’améliorer la formation des chasseurs. En ce qui concerne le permis de chasser, l’examen devrait mieux prendre en compte la place croissante de la chasse au grand gibier et la diffusion des armes semi-automatiques, plutôt que la chasse au petit gibier avec un fusil basculant à deux canons. L’examen devrait aussi intégrer une épreuve vérifiant l’habileté au tir. Il s’agit non pas de transformer les chasseurs en tireurs d’élite, mais de vérifier leur pleine maîtrise de leur arme, au-delà des gestes élémentaires de sécurité. Je vous propose ensuite de développer le tutorat des jeunes permis, mineurs ou non, afin de faciliter la transmission et l’assimilation des règles de sécurité. Les chasseurs devraient aussi être en capacité de réaliser les gestes de premiers secours et de disposer des moyens adéquats pour le faire, les accidents intervenant le plus souvent loin de tout centre de secours.

Je vous soumets trois autres propositions, tournées vers les chasseurs expérimentés. La première consiste à généraliser la formation des organisateurs de battue, qui est déjà obligatoire dans la plupart des fédérations et qui semble constituer un élément essentiel. Il s’agit ensuite de compléter la formation décennale obligatoire sur la sécurité d’un volet pratique, afin de garantir l’assimilation de la partie théorique – nous avons constaté que ce que signifie et implique le respect de l’angle de 30 degrés est encore souvent mal compris. Enfin, les gestes dangereux pourraient entraîner une obligation de formation, un peu à la manière des stages de récupération de points pour le permis de conduire.

Par ailleurs, il convient également de s’assurer de manière plus approfondie de l’aptitude des chasseurs à détenir une arme et à s’en servir en sécurité dans la nature. À cet égard, il faut envisager d’aligner la chasse sur les sports se pratiquant avec une arme – tir sportif, ball-trap et ski-biathlon –, donc d’exiger un certificat médical annuel. Actuellement, pour la chasse, un certificat est demandé une seule fois pour passer le permis et seulement depuis 2005. Nombre de chasseurs n’en ont donc jamais présenté.

Il est également nécessaire d’interdire formellement la chasse en état d’ébriété ou sous l’emprise de stupéfiants, en retenant les mêmes règles que sur la route. De nombreux chasseurs ne veulent plus être stigmatisés en raison de l’attitude d’une petite minorité.

Enfin, je vous propose de promouvoir des audits de sécurité des territoires de chasse. Certains évoquent l’instauration de distances de sécurité autour des habitations ou des routes, mais cela conduirait, compte tenu de la portée des armes, à interdire la chasse dans une grande partie de la France et cela poserait en outre des problèmes de régulation, en créant des zones refuges. En réalité, les accidents résultent de tirs mal maîtrisés et d’une prise en compte insuffisante de l’environnement. Il convient donc d’agir en amont et de mener des audits de sécurité des territoires pour mieux déterminer quand, où, comment et avec quelle arme et quelle munition chasser. L’Office national des forêts (ONF) et plusieurs fédérations ou associations de chasseurs se sont déjà engagés dans cette démarche de longue haleine. Il convient de l’amplifier.

J’en viens à la sécurité pendant la chasse. Je vous propose d’inciter à des progrès dans trois domaines : les règles et dispositifs de sécurité, la déclaration des battues et la police de la chasse.

La plupart des règles de sécurité figurent aujourd’hui dans les schémas départementaux de gestion cynégétique (SDGC), élaborés par les fédérations des chasseurs, mais ces schémas ne sont pas homogènes et certaines règles fondamentales n’y figurent pas ou y figurent seulement sous forme de recommandations, ce qui empêche l’OFB de sanctionner leur non-respect, voire entraîne l’annulation des sanctions par le juge. Une harmonisation, au besoin par la loi, est nécessaire. Ce serait par exemple le cas de l’angle de sécurité de 30 degrés et de sa matérialisation.

Le développement des postes de tir surélevés pour garantir un tir fichant sécurisé fait également partie des évolutions qu’il faut promouvoir. Je vous propose d’ailleurs que le vol, le sabotage ou la destruction de tels outils de sécurité soient plus gravement punis. Des méthodes de chasse alternatives à la battue pourraient, en outre, être popularisées, comme la traque-affût, qui, là où elle peut être organisée, présente de nombreux avantages.

J’en viens à l’organisation des battues. Vous le savez, la loi exige que les battues au grand gibier soient signalées par des panneaux, mais les autres usagers en prennent souvent connaissance trop tard, voire risquent d’être déjà sur place lors de la pose de ces panneaux. Les maires demandent également à être informés des chasses. Ainsi, après des expérimentations menées avec succès dans des départements aussi divers que la Seine-et-Marne ou l’Isère, il me paraît possible de généraliser la déclaration préalable systématique des battues, via notamment des applications mobiles, pour garantir la pleine information de tous.

En contrepartie, les maires pourraient prendre plus souvent des arrêtés d’interdiction des zones de chasse, lorsque la sécurité le justifie. C’est déjà le cas lors de chasses en semaine, dans certaines forêts périurbaines par exemple. D’autre part, pour éviter que ces déclarations ne soient utilisées pour faire obstruction à la chasse, la mission demande la création d’un délit d’entrave, que le Sénat avait déjà proposé en 2019.

Enfin, il faut renforcer la police de la chasse dans tous ses aspects. Cela passe par un renforcement du rôle du préfet dans l’élaboration des SDGC et par la possibilité de limiter les jours et heures de chasse pour garantir la sécurité des personnes. Il convient également de conforter les effectifs et les moyens juridiques de l’OFB, mais il faut surtout renforcer les compétences d’autres acteurs, plus nombreux. C’est la raison pour laquelle je propose de donner aux policiers municipaux la même compétence que les gardes champêtres en matière de chasse et de clarifier les prérogatives des agents de développement des fédérations et des gardes particuliers.

Enfin, les peines complémentaires à la condamnation pénale que sont la suspension ou le retrait du permis de chasser devraient être graduées en fonction de la gravité des faits. Par exemple, en cas d’homicide par tir direct, le retrait du permis pourrait être systématique et l’interdiction de le repasser portée à dix ans.

Pour finir, je désire aborder les questions de cohabitation entre chasseurs et non-chasseurs. Nous sommes face à une question de « vivre-ensemble », qu’il faut restaurer.

Je vous propose d’opter pour ce qui peut favoriser la cohabitation plutôt que le partage. Vous le savez, certains pensent qu’instaurer un ou plusieurs jours sans chasse serait censé assurer la tranquillité des autres usagers et le partage de la nature, mais cette idée de partage entraîne l’exclusion de certains au profit d’autres. D’ailleurs, la plupart de fédérations de sport d’extérieur et de nombreux autres acteurs s’y opposent, craignant un « saucissonnage » de la nature et l’exacerbation des conflits dont ils sont déjà les témoins. Les chasseurs soulignent, pour leur part, qu’ils ne monopolisent pas l’espace, les jours et lieux de chasse étant limités, qu’ils exercent ce loisir sur leur propriété ou contre un loyer et qu’ils doivent réguler le gibier dont ils paient seuls les dégâts.

Je ne vous propose donc pas de retenir une règle nationale uniforme, mais je suis convaincu que, localement, des demandes doivent être entendues. C’est pourquoi je souhaite favoriser la cohabitation et un cadre de dialogue pour qu’émergent les solutions adaptées. La chasse ne peut se pratiquer dans les mêmes conditions aux abords des métropoles et dans les départements ruraux ; c’est une évidence. L’ensemble des propositions déjà présentées doit contribuer à faire émerger des convergences locales.

Cela dit, je veux également vous proposer d’autres outils pour faire progresser ce dialogue.

Dans ce but, je crois nécessaire d’objectiver et de traiter les incidents et conflits d’usage autour de la chasse. Plusieurs associations de défense des non-chasseurs ont réalisé des enquêtes d’opinion faisant ressortir les craintes et les conflits que suscite la chasse. Certaines ont mis en place des plateformes de recueil de témoignages. Néanmoins, bien souvent, ces démarches ne permettent pas de vérifier les faits. Elles alimentent les réseaux sociaux, mais non le réseau de sécurité à la chasse animé par l’OFB. C’est pourquoi je souhaite que cet office crée une plateforme de recueil des incidents et conflits d’usage, afin d’en avoir une vision globale et objective.

Il faut enfin des outils et des lieux pour dialoguer. D’ores et déjà, la Fédération nationale des chasseurs (FNC) et des fédérations départementales des chasseurs (FDC) ont signé des chartes dans ce but avec d’autres usagers de la nature. Cela pourrait être amplifié. Ensuite, les FDC pourraient être membres des syndicats mixtes des parcs naturels régionaux et des commissions départementales des espaces, sites et itinéraires (CDESI). Enfin, la mission propose que le ministère des sports intègre les chasseurs au réseau Suricate de signalement des incidents et pollutions dans la nature, puisqu’ils sont gestionnaires de sites et jouent déjà le rôle de sentinelles de l’environnement dans d’autres domaines.

Vous le voyez, mes chers collègues, notre mission a permis, d’une part, de dresser un état des lieux complet de la sécurité à la chasse et de démonter certaines idées fausses et, d’autre part, de formuler des propositions tirées de l’expérience de terrain pour répondre au défi de l’amélioration de la sécurité à la chasse. C’est une évolution nécessaire à laquelle tous doivent s’atteler.

Je souhaite que, si ces propositions sont adoptées, elles puissent être débattues et nourrir un texte législatif, au besoin d’origine parlementaire, pour répondre à l’attente de changement en la matière. Travailler en ce sens a été le fil rouge de la mission.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

M. Franck Montaugé. – Grâce au travail de la mission, le sujet de la chasse a été abordé en profondeur. Ce rapport montre bien que l’on ne peut pas traiter correctement cette thématique en s’intéressant à la seule question de la sécurité : la problématique est avant tout sociale, en plus d’être spécifique à certains territoires.

En fournissant de précieuses informations sur l’accidentologie, le rapport se révèle à la fois très pédagogique et objectif, ce qui permet de dépassionner le débat.

Permettez-moi cependant d’exprimer un regret : il me semble que l’on ne souligne pas suffisamment l’utilité de la gestion des presque accidents, laquelle pourrait pourtant contribuer à une meilleure pratique de la chasse.

Autre remarque, je trouve que la proposition n° 20, relative à la création d’un délit d’entrave aux activités légales, mériterait d’être précisée, car, en fonction de la manière dont elle pourrait s’appliquer, on risque de porter atteinte au principe de la liberté individuelle, ce que personne ne souhaite.

Sous réserve de cette précision, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de la commission des affaires économiques sont plutôt favorables aux conclusions du rapport.

M. Jérôme Durain. – Au nom des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de la commission des lois, je tiens à exprimer ma satisfaction à l’égard du travail réalisé par la mission de contrôle. L’ensemble du sujet a été traité, alors même que les débats autour de la chasse sont très passionnés.

Le rapport contient des propositions qui ne manquent pas de courage. Il a le mérite de comporter un volet sur la caractérisation des incidents et d’insister à la fois sur la cohabitation des pratiques et sur la nécessaire concertation entre parties prenantes.

Même si je comprends bien que la proposition n° 20 vise à créer un équilibre avec la proposition n° 19, j’estime, comme mon collègue Franck Montaugé, que l’introduction dans le code pénal d’un délit d’entrave au déroulement d’activités sportives ou de loisir pose problème. Il aurait fallu, à ce sujet, faire preuve de davantage de prudence et renvoyer ce débat à l’examen d’une future proposition de loi, car on ne touche pas impunément aux libertés fondamentales.

En conséquence, si nous saluons un travail globalement courageux, « charpenté », nous attendrons de la part du rapporteur des précisions sur ce point précis avant de nous prononcer sur le rapport.

M. Bernard Buis. – Je tiens à saluer la qualité du travail accompli par la mission.

Voici quelques remarques qui me paraissent importantes : s’agissant de la proposition n° 12, je pense qu’il faudrait ajouter l’interdiction des produits stupéfiants à l’interdiction de l’alcool à la chasse ; concernant la proposition n° 23, si je salue la création d’un pouvoir spécifique des policiers municipaux en matière de chasse, je crains que la mise en place d’une telle mesure ne soit complexe en pratique tant les effectifs sont sollicités ; enfin, je considère qu’il serait dans l’intérêt de chacun qu’une épreuve de tir réel soit ajoutée dans le cadre de l’examen du permis de chasse.

M. Philippe Bas. – Ce rapport est une preuve supplémentaire de la qualité du travail sénatorial. Il fournit des éléments objectifs et s’appuie sur des données chiffrées, qui sont le reflet des pratiques actuelles en matière de chasse.

En définitive, le constat est moins inquiétant que ce que l’on pouvait craindre, même si les difficultés existantes sont sérieuses. Personne ne peut nier l’intérêt des propositions de notre rapporteur, d’autant que, pour partie, les chasseurs y seront favorables.

Je salue donc le courage et le sérieux de ce rapport, qui comporte des propositions très fortes, tant en matière de prévention – je pense à l’obligation de déclaration des battues – que dans son volet « sanctions ».

Pour ma part, je considère que la proposition n° 20 est le pendant indispensable de l’acceptation par les chasseurs de l’ensemble des autres mesures, qui visent à modifier leur pratique. De ce point de vue, le rapport de la mission aboutit à un équilibre satisfaisant sur le sujet.

M. Franck Menonville. – Je suis personnellement très favorable au renforcement de la formation des chasseurs, que ce soit dans le cadre de l’obtention du permis de chasse ou dans celui de la formation continue.

En matière de prévention, je m’interroge sur la proposition n° 12 : je ne suis pas sûr que l’interdiction de l’alcool à la chasse doive être totale et serais plutôt favorable à ce que l’on aligne les sanctions sur les dispositions prévues par le code de la route pour les personnes au volant.

Autre point, je trouve qu’il serait nécessaire d’homogénéiser les schémas départementaux de gestion cynégétique et de préciser le rôle du préfet.

Enfin, comme Philippe Bas, je suis favorable à la proposition n° 20 : la création d’un délit d’entrave contrebalance les effets de certaines mesures, qui apparaîtront contraignantes à certains chasseurs.

Mme Cécile Cukierman. – Ce rapport est d’autant plus indispensable qu’il aborde un sujet, la chasse, qui suscite parfois l’hystérie et déchaîne les passions. Il expose des données objectives et s’appuie sur des chiffres qui ont le mérite de refléter la réalité du terrain.

Nous venons de vivre une année particulière, marquée par des accidents de chasse davantage médiatisés qu’à l’accoutumée. On oublie trop souvent – c’est regrettable – qu’une large part du travail des chasseurs consiste à réfléchir à leur pratique, à l’améliorer et à la sécuriser.

Quoi qu’il en soit, il était nécessaire d’avancer sur ce sujet : la chasse est un héritage révolutionnaire, une pratique populaire, qui n’est l’apanage ni de la gauche ni de la droite.

J’aimerais insister sur deux points. Tout d’abord, il conviendrait de donner davantage de moyens pour aider la louveterie, service indispensable en cas d’attaques de loups. Ensuite, il convient d’insister, comme le fait ce rapport, sur l’utilité des instances de dialogue : la concertation entre les différents acteurs de la chasse, dont les intérêts sont parfois divergents, ne peut être que bénéfique, car elle permet de faire disparaître les a priori et de rapprocher les points de vue.

M. Daniel Salmon. – Ce rapport est le fruit d’un travail de fond, mené sans complaisance et dans une atmosphère sereine. Il présente un état des lieux complet de la chasse dans notre pays.

La très grande majorité des propositions va dans le bon sens : je pense en particulier au volet formation et à l’obligation d’un certificat médical annuel pour pratiquer la chasse.

À l’inverse, d’autres mesures auraient mérité d’être approfondies ou renforcées. Ainsi, nous aurions préféré une formation quinquennale à la formation décennale de sécurité. Nous souhaiterions également que la possession d’armes de chasse soit réservée aux seuls majeurs.

Surtout, nous avons des divergences de fond avec les auteurs de ce rapport.

Nous nous interrogeons, par exemple, sur les causes réelles de la prolifération du gibier sur notre territoire, dont nous savons qu’elles sont largement artificielles – il n’est qu’à voir la pratique des lâchers de volatiles peu avant la période d’ouverture de la chasse... De manière générale, on voit bien que la régulation des espèces par les chasseurs ne porte pas ses fruits. De notre point de vue, un rapport sur ce sujet est indispensable.

J’ajoute que le présent rapport ne traite pas de tous les types de chasse : quid de la chasse à courre et de l’insécurité routière qu’elle engendre ? Quid des battues et du risque de dissémination incontrôlée du gibier qu’elles provoquent ? De ce point de vue, il nous semble que la traque-affût est un mode de chasse plus efficace et moins invasif, autrement dit plus acceptable pour nos concitoyens.

Enfin, nous prônons la mise en place de journées sans chasse au niveau national, en plus des dispositions prises localement.

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce rapport.

Mme Esther Benbassa. – Je suis en tout point d’accord avec mon collègue Daniel Salmon.

Mme Marie Mercier. – Je tiens à saluer le travail accompli avec entrain et sérieux par la mission de contrôle, et ce dans une ambiance très particulière, sur un sujet hautement sensible.

Aujourd’hui, le monde de la chasse doit s’adapter : il y va de la survie de cette pratique, que les chasseurs – qui sont, comme chacun sait, des amoureux de la nature – soient d’accord ou non.

Pour ma part, davantage que sur l’altération des facultés cognitives, j’aimerais insister sur la notion plus générale de responsabilité. Pour pratiquer une activité comme la chasse, on doit se montrer responsable ; à cet égard, et pour ne donner que ce simple exemple, je considère qu’il est totalement déraisonnable de chasser lorsque l’on est accompagné d’un enfant en bas âge.

M. Philippe Bonnecarrère. – Merci pour ce travail important et de qualité et félicitations pour la chronologie choisie : il est habile de présenter votre rapport en parallèle de l’ouverture de la chasse.

Voulez-vous confier les éventuels audits de sécurité des territoires de chasse aux fédérations de chasse ?

Le rapporteur a silhouetté d’éventuelles dispositions législatives. En dehors de la proposition n° 20, quelles sont vos recommandations qui nécessitent une évolution législative ?

Je formulerai une réserve : quelle est la pertinence de certificats médicaux annuels ? Notre pays essaie de les éviter... Compte tenu du nombre de chasseurs et de leur concentration dans les territoires ruraux, cette proposition est peu réaliste. Je ne suis pas certain que le système médical serait en mesure de l’assurer.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Je salue également ce travail. Certes, nous ne connaissons pas forcément tous très bien la chasse, mais nous pouvons nous intéresser au sujet. Les propositions du rapport sont nécessaires, presque courageuses. Le sujet n’a pas été contourné. Bravo !

Mme la présidente Sophie Primas indiquait en introduction que le débat ne devait pas porter sur « chasser ou ne pas chasser ». Cependant, le rapport a débordé cette préconisation, notamment au sujet du « jour sans chasse ».

La proposition n° 20 pose problème. Elle vise à créer, recréer ou modifier deux sortes de délits d’entrave. Monsieur Bas, votre dialectique, par laquelle vous expliquez la nécessité du délit d’entrave pour l’équilibre du texte, m’a manqué ; je sais que vous adorez ce type d’exercice... Le délit d’entrave est un serpent de mer au Sénat : créé en 2010, puis supprimé, a été voté par notre assemblée en 2019, mais il n’est pas applicable et pose des problèmes constitutionnels, qui sont toujours présents. Vous proposez de l’élargir aux activités sportives et de loisir. Le délit d’entrave, prévu à l’article 431-1 du code pénal, vise les libertés fondamentales– liberté d’expression, de travail, d’association... Nous ne sommes plus dans le même registre ! Voilà notre seule réserve. Elle est sérieuse, y compris sur le plan constitutionnel. Nous serons vigilants lorsque certaines dispositions seront traduites dans une proposition de loi.

Je note l’intéressante suggestion sur le sujet des stupéfiants.

M. Guy Benarroche. – Je m’associe aux remerciements, et compléterai l’intervention de M. Salmon. Quels moyens seront accordés à l’OFB et à l’ONF ? Il sera nécessaire de veiller, dans les prochains mois, à leurs budgets.

Je rejoins les remarques sur la proposition n° 20 visant les associations antichasse. Cette proposition va au-delà du postulat de base de la mission – ne pas déterminer une position pro-chasse ou anti-chasse. Nous voterons contre ce rapport.

M. Patrick Chaize, rapporteur. – Merci de vos propos chaleureux. Ce travail est le fruit d’une addition de compétences et d’une grande motivation à comprendre le sujet. Nous n’étions ni dans la catégorie des chasseurs ni dans celle des anti-chasse, et disposions donc d’un certain recul.

Ce travail d’observation et d’écoute des bonnes pratiques locales a été rassemblé dans un recueil répondant aux interrogations sur la sécurité de la chasse. Nous n’avons rien inventé.

Certains ont dressé un parallèle avec l’entreprise. Notre réponse, c’est de donner à l’OFB ce rôle de recueil, d’analyse et de retour d’analyse, via une plateforme.

Le délit d’entrave est une mesure d’équilibre, pour que les chasseurs puissent informer de leur lieu de chasse. Lors de nos auditions, nous avons compris que, dans certains secteurs, lorsque les chasseurs donnaient leur position, il y avait un risque que des militants viennent empêcher la chasse. Notre solution d’équilibre est de les obliger à donner cette information sans empêcher la chasse – ni plus ni moins. Cela les protège.

J’ai réintroduit le sujet des stupéfiants dans mon propos de présentation du rapport. Nous avions abordé ce sujet sans toutefois le retenir dans notre rapport initial, en raison de difficultés de mise en œuvre. Ce point a été repris dans les propositions.

Les polices municipales doivent mener un rôle de contrôle. La peur du gendarme n’existe plus, car les contrôles sont peu fréquents et les agents de l’OFB, appelés à d’autres tâches, sont peu présents sur le terrain. Tous les acteurs pouvant jouer un rôle de contrôle et d’accompagnement doivent être mobilisés : la police municipale, les gardes-chasses privés, les agents des fédérations et la gendarmerie – cette dernière jouera un rôle plus important dans le monde rural, d’après les dernières annonces du ministre.

Nous sommes favorables à davantage de formation. Les chasseurs ont parfois du mal à accepter des mesures collectivement, mais, en bilatéral, le bon sens prévaut, et ils sont prêts à davantage se former. Reste à déterminer les modalités de mise en œuvre.

Nous voulons que le préfet ait un rôle d’arbitre. Actuellement, les schémas départementaux de gestion cynégétique sont exclusivement rédigés par les chasseurs, le préfet n’ayant plus qu’à les signer. Or il peut y avoir des blocages. Il serait intéressant que le préfet joue plutôt un rôle de médiation et d’arbitre.

Concernant l’alcool, nous voulons nous aligner sur le code de la route.

Les lieutenants de louveterie sont des bénévoles qui assurent une mission de service public de surveillance ayant toute son importance. Souvent, ils financent eux-mêmes leur activité, notamment l’acquisition de lunettes à vision nocturne. Il faut faire un geste envers eux pour disposer de davantage de volontaires.

L’important n’est pas l’adoption d’une charte entre chasseurs et autres usagers ou acteurs de la nature ; c’est de réunir les acteurs pour qu’ils débattent. Notre mission a été une sorte de catalyseur, avec une prise de conscience des fédérations de chasseurs pour trouver des solutions intelligentes et partagées.

La régulation est un sujet important, mais un peu à la marge des questions sécuritaires. Nous devrions en débattre dans un autre cadre.

Nous avons découvert la méthode de traque-affût. Il faut inciter à mettre en place des méthodes de chasse différentes – l’audit pourrait y aider –, mais les généraliser n’est pas possible.

Le jour sans chasse est un vrai sujet de débat. Nous n’avons pas pu identifier formellement qu’un jour serait plus dangereux qu’un autre... Pourquoi interdire le dimanche plutôt que le vendredi ? Ce serait un effet psychologique et d’affichage. Restons pragmatiques. Nous avons proposé des mesures offrant des garanties de sécurité.

Certains s’inquiètent de la survie de la chasse : notre rapport est plutôt une aide à la prise de conscience par les chasseurs de l’enjeu. Nous prenons le risque que personne ne soit content, signe peut-être que le rapport est équilibré...

L’âge d’accompagnement des enfants ne fait pas partie des questions de sécurité.

Les modalités de l’audit restent à construire. Un directeur de battue positionne les chasseurs. Il faudrait un travail collaboratif pour critiquer ses décisions. Par exemple, la semaine dernière, un chasseur m’indiquait que, lors d’une chasse, il ne pouvait plus tirer lorsqu’il appliquait les 30 degrés de sécurité : le poste avait été mal défini. Un regard extérieur, par exemple celui des techniciens des fédérations de chasse, peut aider à rectifier.

Les dispositions législatives feront l’objet d’un travail ultérieur. Nous n’avons pas élaboré de proposition de loi. Certaines mesures sont plutôt d’ordre réglementaire. Nous devrons apporter une réponse législative si besoin.

Pourquoi un certificat médical chaque année et non pour trois ou cinq ans ? Nous nous sommes fondés sur les règles concernant d’autres sports, comme le ball-trap ou le tir sportif.

Mme Maryse Carrère, présidente de la mission conjointe de contrôle. – Merci de vos remarques. Nous avons essayé de faire la part des choses pour rédiger des propositions crédibles et réalisables. Un million de chasseurs peuvent-ils passer chaque année chez le médecin ? Normalement, chacun va chez le docteur au moins une fois par an, même s’il est en bonne santé...

Il faut retisser des liens entre la chasse et les activités de pleine nature. Nous devons nous parler de nouveau sur les territoires, notamment dans les instances existantes, comme les CDESI. Nous ne voulons pas contraindre davantage les chasseurs : nous voulons leur dire que, s’ils veulent préserver la chasse, ils seront obligés de supporter ces contraintes et de parler aux autres acteurs des territoires.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. – Félicitations pour ce travail. Nous allons voter sur les propositions et le rapport.

Les propositions sont adoptées.

La commission des lois et la commission des affaires économiques adoptent le rapport d’information et en autorisent la publication.

La réunion est close à 10 h 55.

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

La réunion est ouverte à 11 h 00.

Audition de Mme Valérie Metrich-Hecquet, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de directrice de l’Office national des forêts

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. – Tout d’abord, je veux accueillir au sein de notre commission notre nouvelle collègue Daphné Ract-Madoux, qui remplace M. Jean-Marie Janssens.

Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir Madame Valérie Metrich-Hecquet, candidate proposée par le Président de la République à la fonction de directrice générale de l’Office national des forêts, l’ONF, organisme auquel nous sommes tous profondément attachés.

En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, cette nomination par décret du Président de la République ne peut intervenir qu’après audition par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cette audition est ouverte à la presse et au public et retransmise en direct sur le site du Sénat. Elle donnera lieu à un vote à bulletin secret, pour lequel les délégations de vote ne sont pas autorisées. L’Assemblée nationale ayant entendu Mme Metrich-Hecquet avant le Sénat, nous dépouillerons les bulletins à l’issue du vote. Il ne pourra être procédé à cette nomination si l’addition des votes négatifs dans les deux commissions représente au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Madame Metrich-Hecquet, pour vous présenter brièvement, vous êtes, depuis 2018, directrice générale de la performance économique et environnementale des entreprises au ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Cette direction générale comprend notamment l’ancienne direction des forêts, devenue sous-direction, et c’est elle qui exerce en pratique la cotutelle sur l’ONF pour le ministère. Vous avez intégré ce ministère en 1993. Vous en avez été secrétaire générale ; vous avez travaillé dans nombre de ses directions, dans les directions départementales des territoires de l’Aisne et des Yvelines, mais aussi au sein du cabinet du Premier ministre et à la présidence de la République sur les questions agricoles. En résumé, en dépit de cette brillante carrière, de votre formation et de votre statut d’ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts, vous ne semblez pas, dans votre parcours, avoir cultivé une spécialisation sur les problématiques forestières à proprement parler. C’est pourquoi mes collègues et moi-même souhaitons que vous nous expliquiez ce qui vous a amené à accepter la proposition du Président de la République, qui vous placerait à la tête de l’ONF, poste réputé difficile.

Avant de passer la parole à notre collègue Anne-Catherine Loisier, présidente du groupe d’études forêt et filière bois et rapporteure sur cette nomination, je souhaite rappeler l’intérêt que porte la commission des affaires économiques aux sujets forestiers. Notre rapporteure avait déjà souligné les tensions du modèle économique et la dégradation du climat social que rencontrait l’ONF en 2019, dans un rapport d’information sur la situation et les perspectives de l’Office. La commission avait alors appelé à une profonde réforme de l’ONF.

Dans un contexte particulièrement marqué par les incendies qui ont éprouvé nos territoires cet été, notre commission et celle de l’aménagement du territoire et du développement durable ont appelé, à l’unisson avec les communes forestières et les maires ruraux de France, dans un nouveau rapport adopté début août, à questionner la suppression planifiée de près de 500 emplois à l’ONF entre 2021 et 2025. Pour les rapporteurs, dont Anne-Catherine Loisier et Olivier Rietmann, il faut préserver les moyens de l’ONF pour gérer davantage les espaces forestiers et diffuser les mesures de prévention au-delà de la région méditerranéenne, traditionnellement la plus à risque. Vous vous doutez que votre vision sur cette question est très attendue par l’ensemble de mes collègues.

Mme Valérie Metrich-Hecquet, candidate proposée aux fonctions de directrice générale de l’Office national des forêts. – Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très honorée de m’exprimer devant votre commission pour vous présenter ma candidature au poste de directrice générale de l’Office national des forêts et ma vision des enjeux stratégiques pour cet établissement.

Vous l’avez dit, madame la présidente, ingénieure du génie rural, des eaux et des forêts de formation, j’ai exercé au ministère de l’agriculture, puis de l’écologie, en administration centrale, deux fois en cabinet et dans les services déconcentrés de l’Aisne et des Yvelines.

Mon parcours s’est construit principalement autour de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques publiques agricoles, forestières et environnementales au niveau européen et au niveau national, avec toujours une composante partenariale forte.

Mes fonctions de secrétaire générale et de directrice m’ont également amenée à assumer la responsabilité des ressources humaines, à pratiquer le dialogue social et à conduire des projets de transformation des organisations.

Durant mon parcours, j’ai eu l’occasion de m’investir dans plusieurs dossiers importants pour la filière et la forêt : les plans d’aide au nettoyage et à la reconstitution des forêts à la suite des terribles tempêtes Lothar et Martin de décembre 1999 et Klaus de janvier 2009 ; la loi d’orientation forestière de 2001, votée à l’unanimité du Sénat et de l’Assemblée nationale et qui a inscrit le principe de multifonctionnalité dans la loi, ou, plus récemment, le volet forestier du plan de relance, qui accompagne l’adaptation de la forêt et de la filière au changement climatique, au travers notamment d’un soutien au renouvellement forestier ; enfin, les Assises de la forêt et du bois, qui ont été l’occasion d’un large débat sur les enjeux de la filière et dont les conclusions – je parle sous le contrôle de madame la rapporteure – ont été rendues en mars 2022.

Si votre commission et celle de l’Assemblée nationale donnent leur accord à ma nomination, je serais heureuse de mettre mon expérience au service de l’Office.

Gestionnaire de plus de 11 millions d’hectares de forêts en métropole et en outre-mer, l’ONF incarne pour moi les valeurs d’intérêt général de long terme au cœur des enjeux du développement durable : un enjeu économique, avec la contribution à la compétitivité d’une filière qui représente 440 000 emplois dans nos territoires ; un enjeu environnemental, qui est celui de l’adaptation de la forêt française au changement climatique pour préserver le patrimoine forestier, mais aussi les ressources naturelles et la biodiversité qui y sont associées et contribuer à l’atténuation du changement climatique ; enfin, un enjeu social d’accueil du public, puisque 700 millions de visiteurs sont accueillis chaque année dans les forêts françaises.

Au-delà des enjeux qu’il porte, l’ONF est un magnifique établissement ancré dans les territoires, entretenant des liens forts avec 11 000 communes, propriétaires de 60 % de la forêt publique. C’est une très belle maison, construite par des générations de forestiers passionnés, aux compétences reconnues dans des domaines et des métiers variés, et profondément engagés au service du bien commun.

Cet attachement des personnels au service de la forêt publique, que je partage pleinement, est un élément fort de motivation, qui engage et oblige un directeur général.

Nous avons vécu, au cours de cet été 2022, un moment particulier, dramatique par certains aspects, qui rend visibles les enjeux portés par l’établissement. Tout d’abord, de terribles incendies ont détruit plus de 60 000 hectares de forêt. Cela fait prendre conscience à tous de la fragilité de nos forêts et de leurs écosystèmes et de la nécessité de renforcer la politique de prévention, mais aussi de préparer la forêt française de demain.

Par ailleurs, le tragique conflit ukrainien montre la nécessité de réduire la dépendance aux énergies fossiles, en renforçant l’intérêt du bois comme matériau de construction ou comme source d’énergie de substitution.

Enfin, l’accord obtenu par la présidence française de l’Union européenne en juin dernier sur les principaux textes du paquet climat européen marque l’engagement de notre pays en faveur de la lutte contre le changement climatique. Ces textes se traduiront en particulier par un objectif de stockage pour notre puits carbone, rendant nécessaire d’investir dans le renouvellement forestier et le développement de l’utilisation du bois dans la construction.

Madame la Première ministre a indiqué que la forêt serait l’un des trois premiers secteurs de la planification écologique. J’ai la conviction que l’ONF peut jouer un rôle moteur dans cette transition, en œuvrant pour des forêts résilientes, puits de carbone et réservoirs de biodiversité, dont la gestion durable participera à la décarbonation de notre économie, à notre souveraineté et à la vitalité de nos territoires.

Dès lors, trois grands objectifs stratégiques se présentent, à mes yeux, pour l’établissement.

Premier objectif, faire de l’ONF un acteur central de l’adaptation des forêts au changement climatique. Avec les épisodes répétés de canicule et de sécheresse, un tiers de la forêt française est fragilisé, et avec elle tous les services environnementaux associés, ainsi que le potentiel économique des territoires et des entreprises qui vivent de la forêt.

Le puits de carbone et la stabilité à terme de l’approvisionnement de la filière sont aujourd’hui menacés par la baisse de l’accroissement naturel, la progression de la mortalité des peuplements et le risque incendie. En tant que gestionnaire de 25 % de la forêt française en métropole et en tant que gestionnaire de la forêt d’Outre-mer, l’ONF devra jouer un rôle majeur dans la stratégie d’adaptation de la forêt française, pour assurer la transmission du patrimoine forestier écologique aux générations futures.

Cette stratégie doit se décliner dans son activité de recherche et développement, en collaboration avec la recherche française, les partenaires européens et les partenaires de la forêt privée, dans son activité de surveillance des peuplements, pour élaborer des diagnostics et des solutions à partager avec l’ensemble des acteurs et, enfin, bien sûr, dans sa mission de gestionnaire, en charge des aménagements et du renouvellement forestier dans les forêts publiques, pour adapter les forêts les plus vulnérables.

Je considère que cette expertise et ce travail d’expérimentation de l’opérateur national ont vocation, comme le soulignait madame la rapporteure dans son rapport de 2019, à être partagés avec les partenaires de la forêt privée du CNPF, le Centre national de la propriété forestière, ainsi que des coopératives forestières, au bénéfice de toute la forêt française.

Deuxième objectif, accompagner la filière bois, dans une perspective de développement d’une économie verte et de création de valeur dans les territoires.

L’ONF, en tant qu’opérateur national, dispose de la capacité de mutualiser les ressources des forêts publiques sur des bassins d’approvisionnement qui dépassent les limites administratives et de garantir des clauses de vente harmonisées et une équité d’accès pour les acheteurs privés. Cela lui confère un rôle structurant et stabilisateur pour la filière, que renforcera encore le développement de la contractualisation inscrite dans le contrat État-ONF.

Le développement de la valorisation locale de la matière première brute par nos entreprises, objectif porté par la Fédération nationale du bois et l’interprofession, est un enjeu de vitalité de nos territoires ruraux. Je m’inscris complètement dans cet objectif, que je m’engage à soutenir.

Troisième objectif stratégique, conforter le rôle de l’ONF dans la prévention des risques et la gestion des crises. Les incendies de l’été ont montré que l’expertise et l’appui de l’ONF étaient reconnus et nécessaires aux partenaires comme aux acteurs de la protection civile. Les événements extrêmes de nature climatique ou sanitaire seront de plus en plus intenses et de plus en plus fréquents. Dans ce contexte, le maillage territorial de l’ONF et sa capacité à mutualiser les moyens et à mobiliser des renforts sont des atouts qu’il convient de préserver.

Les missions d’intérêt général comme celles qui sont relatives à la défense de la forêt contre les incendies, mais aussi la restauration des terrains de montagne, si importante pour les élus de montagne, ou la gestion des dunes, sont des missions prioritaires qui seront confortées. Tel était d’ailleurs le sens des recommandations du rapport d’information de votre assemblée.

Au regard de ces trois objectifs stratégiques, le régime forestier et l’ONF, qui le porte, constituent des pièces maîtresses de la gestion durable des forêts. J’observe que les événements récents et la rapidité avec laquelle nous sommes rattrapés par le changement climatique ont permis de recréer un relatif consensus autour de la pertinence du régime forestier et du statut de l’ONF. C’est aussi parce que je me retrouve dans ce consensus, que transcrit le contrat ONF, que je candidate aujourd’hui.

Dans ce cadre, j’insisterai sur quatre axes d’action, auxquels je crois, pour mettre en œuvre ces priorités stratégiques. Je les proposerai aux personnels de l’ONF, si vous m’accordez votre confiance.

Premier axe, il faut resserrer les relations avec les collectivités locales, qu’il s’agisse des collectivités propriétaires des forêts ou de celles qui, sièges de forêts, souhaitent que celles-ci participent à l’aménagement ou au développement de leur territoire. Si vous validez ma candidature, je préserverai le maillage territorial et je m’emploierai à conforter la confiance des élus, au travers d’une transparence accrue, d’une écoute de leurs attentes, d’une offre de services adaptés et d’un accès facilité des élus aux données de leurs forêts.

La mise en place de la nouvelle comptabilité analytique de l’ONF et du comité d’audit dans lequel siègent les communes forestières vise à donner aux communes des garanties de transparence sur le modèle économique de l’établissement. Je m’engage à ce qu’il dispose des données nécessaires pour mener son travail.

Madame la rapporteure, vous insistez, dans votre rapport de 2019, sur le lien de confiance, crucial, entre l’ONF et les élus, notamment des communes forestières. Ce renforcement des liens, je prends l’engagement, si vous validez ma candidature, de le porter et de le développer, tout comme je m’attacherai à amplifier les partenariats avec les collectivités régionales.

Deuxième axe, il convient de construire un dialogue transparent et confiant avec les partenaires et la société civile, dialogue avec les partenaires historiques que sont les représentants de l’aval et les représentants des chasseurs, acteurs centraux de l’équilibre forêt-gibier, mais aussi dialogue à approfondir avec les citoyens, les associations environnementales et les représentants des usagers de la forêt.

Multifonctionnelle, la forêt suscite de nombreuses attentes, qui sont diverses et parfois difficiles à concilier.

Si l’on veut optimiser la séquestration de carbone dans les sols et dans la biomasse, les orientations sylvicoles doivent être expliquées et partagées avec les citoyens, pour réussir à dégager des consensus sur la gestion durable de la forêt, adaptés à la spécificité de chaque territoire, car il n’existe pas de solution unique, prête à l’emploi.

L’urgence climatique et le risque incendie sont paradoxalement un levier pour faire émerger une vision partagée. Je suis ainsi favorable à une plus grande association des ONG et des citoyens au choix sylvicoles, sur la base d’outils et d’indicateurs rendant compte de cette gestion et dans le cadre d’une évaluation indépendante. Je suis également favorable à un renforcement des attributions et de la visibilité du comité scientifique de l’établissement.

L’accueil des jeunes publics est aussi un moyen de développer ce dialogue, tout comme le service civique en forêt est un moyen d’impliquer nos concitoyens.

À l’instar de ce qui se fait dans l’agriculture, la traçabilité du bois, de la forêt vers le consommateur, pourrait aussi être une ambition portée par l’établissement.

Troisième axe, il est nécessaire de conforter l’établissement, en le transformant. Les priorités que j’entends fixer en matière de ressources humaines visent à assurer le renouvellement des générations, en maintenant les compétences et en s’adaptant aux besoins nouveaux, à bâtir des parcours professionnels innovants et à ouvrir des perspectives pour les personnels, en particulier pour ceux dont les missions sont amenées à évoluer.

Alors que le changement climatique apporte son lot de questions, voire d’inquiétudes, ces évolutions ne pourront être menées que grâce à un dialogue social de qualité, avec les personnels et leurs représentants syndicaux, dans le respect des instances représentatives et dans le souci de renforcer la communauté de travail, dans sa diversité de statuts, de métiers et de compétences.

Je pense également à une transformation digitale, afin de faciliter la vie des personnels de l’ONF et des partenaires externes et permettre une plus grande responsabilisation des échelons de management intermédiaire.

Enfin, évidence ou défi qui s’impose à tout candidat à la direction de l’ONF, il s’agit de consolider le modèle économique de l’établissement. Si les moyens budgétaires consacrés par l’État à l’ONF sont en augmentation constante depuis vingt ans, ils n’ont pas permis d’éviter, vous le savez, l’augmentation de l’endettement de l’établissement, confronté à une baisse structurelle des prix du bois et à une augmentation des charges. À un moment où l’urgence climatique renforce les attentes à l’égard de l’ONF, la question de l’équilibre de son modèle économique est cruciale, ainsi que celle du niveau de ses effectifs pour assurer ses missions, j’en ai pleinement conscience.

Sur le plan des charges, les marges d’optimisation des processus de production et de commercialisation et la transformation numérique, pour utiles qu’elles soient, ne seront sans doute pas à la mesure de l’enjeu du redressement financier, d’autant que le changement climatique risque de rendre plus complexes les aménagements et d’augmenter les besoins en matière de recherche, prévention, surveillance et reconstitution.

Sur le plan des recettes, le changement climatique et la décarbonation de notre économie devraient en revanche se traduire par un rééquilibrage structurel au profit du bois. Les financements carbone sont également une nouvelle opportunité de ressources propres. L’établissement pourra également bénéficier des financements mis en place pour poursuivre la dynamique du plan de relance, dans le prolongement des conclusions des Assises de la forêt et du bois.

Je n’aurais pas candidaté pour le poste de directrice générale de l’ONF si je n’étais pas convaincue que cet établissement porte des missions essentielles d’intérêt général, qui justifient pleinement qu’il dispose des moyens humains et budgétaires nécessaires pour mener ses missions. Je me mobiliserai en ce sens.

En conclusion, madame la présidente, madame la rapporteure, c’est donc bien consciente des enjeux qui attendent l’établissement, de ses difficultés, mais aussi de ses atouts, que je me présente devant vous. Ma candidature est le fruit d’un engagement sincère. Si vous donnez votre accord à ma nomination, je serai heureuse de porter ce beau projet d’intérêt général, avec l’ensemble des équipes de l’ONF et, bien sûr, avec son président, dont l’expérience et la présence sont une chance pour l’établissement.

Je mènerai mon action avec enthousiasme, détermination et dans le respect des personnes, les équipes de l’établissement comme les partenaires, élus, professionnels ou associations.

Si je suis nommée, je serai toujours à la disposition du Parlement, pour échanger sur les enjeux de l’établissement et rendre compte de mon action en toute transparence.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. – Mes chers collègues, nous voici de nouveau amenés à nous prononcer sur la nomination du directeur général de l’Office national des forêts… pour la troisième fois en sept ans ! Cette instabilité au niveau de la direction témoigne des tensions et du malaise qui règne au sein de l’EPIC, l’établissement public à caractère industriel et commercial, dont les missions sont ô combien stratégiques en ces temps d’adaptation des forêts au changement climatique.

Je rappellerai quelques éléments de contexte.

Cela fait désormais six mois que M. Olivier Rousset exerce par intérim la direction générale de l’ONF, avec succès, il faut le dire, car M. Rousset est un forestier connu et apprécié de longue date, qui a la confiance de ses collègues et des élus.

Dans le contexte d’urgence climatique actuel et alors que les Assises de la forêt et du bois ont défini dès avril la feuille de route de la filière - sans d’ailleurs évoquer la place et le rôle de l’ONF ! -, nous sommes surpris des délais que s’autorise l’exécutif pour proposer un candidat, comme si, finalement, le bon fonctionnement de l’ONF, gestionnaire des 11 millions d’hectares des forêts publiques françaises, ne constituait pas une priorité, un fer de lance dans la lutte contre le changement climatique, qu’il s’agisse de la prévention des risques naturels, de la dynamisation de la gestion forestière ou du développement des usages du bois, bref de la décarbonation de notre économie.

Vous l’avez compris, madame Metrich-Hecquet, nous serons particulièrement attentifs à l’exposé de votre vision et de vos priorités en tant que candidate à la tête du gestionnaire des forêts publiques. Et nous serons tout aussi attentifs à la manière dont vous pensez collaborer avec l’État et les 13 000 collectivités territoriales propriétaires de forêts ou sièges de forêts publiques. Nous attendons de la bienveillance, mais aussi des engagements fermes, qui devraient se traduire par la révision des conventions ou des stratégies en cours.

Il me semble que trois questions sont essentielles et urgentes.

Tout d’abord, je souhaite vous interroger sur votre positionnement à l’égard de la tutelle exercée par les administrations centrales et vis-à-vis des agents de l’ONF.

Si les commissions des deux assemblées approuvent votre nomination, vous passerez sans transition du rôle de contrôleur à la Direction générale de la performance économique et écologique des entreprises du ministère de l’agriculture à celui du contrôlé, l’ONF, soumis à la cotutelle de la DGPE, c’est-à-dire de vos collègues actuels !

Considérez-vous que ce parcours de juge puis de partie soit un atout dans l’exercice de vos fonctions et soit de nature à vous permettre de tisser des relations de confiance avec le personnel et, plus largement, avec les acteurs forestiers ?

Votre profil apparaît relativement technique ou gestionnaire. Or, la situation de l’ONF nécessite aujourd’hui un fort leadership, capable de redonner de la cohésion et de tracer un cap, des perspectives, pour ses 7 800 agents et ses 400 apprentis et contrats aidés. Pensez-vous avoir les qualités requises ?

Dans le cadre du contrat État-ONF, comment concevez-vous le rôle auquel vous candidatez ? Quelles sont, selon vous, les marges de manœuvre de l’établissement public vis-à-vis de l’État, pour revenir sur un certain nombre d’objectifs ?

Pour rappel, la commission des affaires économiques du Sénat s’était très majoritairement opposée à la nomination de votre prédécesseur, et il s’en était fallu de peu pour que le Parlement dans son ensemble ne rejette sa candidature.

Il a été fait état d’un management conflictuel, peu à l’écoute, ce qui avait conduit à la cessation des fonctions de vos deux prédécesseurs. Nous serons donc particulièrement attentifs aux méthodes que vous préconiserez pour améliorer le dialogue social et reconstruire un élan de confiance au sein de l’établissement.

J’en viens au deuxième point de vigilance, les ressources humaines et la capacité de l’établissement à s’adapter à des missions évolutives.

Ce point est déterminant pour la réussite de l’ONF et conditionne sa capacité à assumer les missions qui lui seront confiées par l’État et les collectivités qui, j’insiste, sont les propriétaires des forêts. La diminution drastique des effectifs n’est pas étrangère au malaise social au sein de l’ONF : plus de 4 000 postes ont été supprimés depuis 1999, soit l’équivalent de la moitié des effectifs actuels.

Aujourd’hui, alors que les attentes et les missions augmentent, le contrat État-ONF 2021-2025 prévoit la poursuite de cette trajectoire, avec la suppression de 95 emplois par an pendant cinq ans, soit 475 postes au total. Ainsi, dès 2021, 123 emplois ont été supprimés.

La commission des affaires économiques, dans ses avis sur le projet de loi de finances, a toujours appelé à faire preuve de sérieux budgétaire, notamment en modernisant, par les outils numériques, pour réduire les effectifs administratifs. En revanche, elle a toujours souligné les besoins de personnel sur le terrain et régulièrement rappelé les difficultés rencontrées par les communes forestières : retards dans l’élaboration des plans d’aménagement, certaines communes n’ayant tout simplement pas de plan d’aménagement, 900 000 hectares de forêts publiques à intégrer au régime forestier, etc.

Les nouvelles technologies, comme le laser imaging detection and ranging (Lidar) ou les drones, se déploient, mais ne remplaceront jamais la connaissance fine du terrain par les professionnels et leur relationnel.

Ces suppressions d’emplois portent majoritairement sur les agents forestiers de terrain et les ouvriers forestiers, aujourd’hui nécessaires : d’une part, parce que les objectifs de contractualisation et de récolte en forêt domaniale et communale ont été rehaussés, ce qui implique plus d’anticipation et de suivi des travaux forestiers ; d’autre part, le changement climatique accroît les besoins de surveillance et de réponse proactive face aux risques sanitaires et aux incendies.

Un exemple illustre l’urgence de revoir la stratégie, madame la directrice : le corps des agents de protection de la forêt méditerranéenne, qui sont au nombre de 200, avait été sanctuarisé lors des précédentes suppressions de postes. Mais, pour la première fois, à partir de 2020, il a subi une baisse. Ces agents effectuent un précieux travail de prévention des incendies dans la région méditerranéenne. Au regard de l’extension géographique du risque incendie, ils devraient pourtant être amenés à étendre leur champ d’action à d’autres territoires. Vous comprendrez donc que même les échos d’une possible révision de la trajectoire, ramenée à 80 suppressions de poste par an au lieu des 95 initialement prévus, nous font craindre le pire face à l’insuffisance déjà constatée ! Il est impératif de stabiliser les effectifs à leur niveau actuel et de redéployer les postes sur les axes stratégiques et les missions nouvelles. C’est ce que préconise le Sénat. Partagez-vous ce diagnostic et plaiderez-vous une révision du contrat État-ONF en ce sens si vous deviez en assumer la direction ?

J’ajoute que, pour répondre aux arguments de Bercy, la hausse durable des cours du bois permet d’aborder l’avenir budgétaire de l’Office avec plus de sérénité. Ainsi, en 2021, le chiffre d’affaires total de l’ONF est supérieur de 10 % à celui de 2020, dépassant les niveaux constatés de 2018 et 2019.

Mon troisième point, qui n’est pas des moindres, concerne les relations avec les communes propriétaires. Il n’est plus acceptable que ces dernières soient mises devant des choix unilatéraux, préétablis par l’État et l’ONF, comme cela a été le cas encore l’an passé, qu’il s’agisse de la menace d’une évolution des frais de garderie, de la perception des recettes par l’ONF ou des méthodes de commercialisation des bois, sans concertation avec les élus locaux. Faut-il rappeler qu’il revient aux propriétaires de définir la politique forestière et au gestionnaire d’apporter des conseils techniques et de mettre en œuvre ? Soyons clairs : ce n’est pas l’ONF qui détermine la politique et les choix de gestion forestière. Ce sont les élus !

En ce sens, comment seront utilisés les quelque 60 millions d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires réalisés en 2021 ? Les élus souhaitent qu’ils soient mobilisés pour la lutte contre les incendies de forêt.

Or, on entend qu’ils seraient déjà affectés à un fonds de reforestation ; cela pourrait se justifier, mais si c’était décidé sans le moindre débat avec les communes forestières, ce serait un nouvel affront aux collectivités et le signe que rien ne change dans la gouvernance de l’ONF !

Une gouvernance partagée serait gage de pragmatisme, d’acceptabilité sur les territoires et de réussite durable des politiques forestières publiques.

La convention ONF-communes forestières, dont les termes sont encore en discussion, doit être avalisée à l’automne. Les élus communaux doivent être pleinement associés à la gestion de l’ONF, en toute transparence, car il s’agit de leur outil de gestion, auquel ils sont attachés, même s’ils l’ont beaucoup critiqué ces dernières années, pour les motifs évoqués. Ils doivent être informés et conseillés, aussi bien dans le cadre des prestations comprises dans le régime forestier que lorsqu’ils choisissent de confier des prestations de commercialisation ou de travaux aux entreprises privées.

Pouvez-vous vous engager à ce que cette convention marque une nouvelle étape dans les relations entre l’ONF et la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR), qu’elle soit fondée sur un véritable partenariat et qu’elle respecte les prérogatives des propriétaires locaux, permettant ainsi d’aborder les défis forestiers dans un climat de confiance retrouvée ?

Pour conclure, je souhaite vous poser une dernière question sur la manière dont vous concevez vos relations avec la forêt privée, la bonne gestion des espaces ne s’arrêtant pas aux limites administratives ou de propriété. Dans notre récent rapport sur la prévention des incendies, comme dans celui de 2019 sur les perspectives de l’ONF, nous rappelons que la forêt métropolitaine est privée aux trois quarts. En Gironde, c’est à plus de 90 % la forêt privée qui a brûlé et continue de brûler cette année.

Paradoxalement, le Président de la République et les médias ne parlent que de l’ONF ! Ce dernier est né en 1964 de la scission de l’administration des eaux et forêts en deux établissements publics : l’ONF pour la forêt publique et le Centre national de la propriété forestière pour la forêt privée. Face aux menaces auxquelles nos forêts sont aujourd’hui confrontées, face aux enjeux de production et de protection, je souhaiterais avoir votre point de vue sur la perspective, à long terme, d’une gestion forestière appréhendée par l’ensemble des acteurs, dans sa globalité, et déclinée au plus près du terrain, par massifs.

Mme Valérie Metrich-Hecquet. – Après trente-cinq années de service public, je considère que le fonctionnaire doit apporter une expertise objective et indépendante – c’est, me semble-t-il, ce qui caractérise les personnels de l’ONF –, mais que la décision appartient à l’élu, détenteur de la légitimité populaire, a fortiori quand ce sont les communes qui sont propriétaires. Je m’engage, si je suis nommée, à être à l’écoute des élus, des associations, mais également des personnels.

Le directeur par intérim et les équipes de l’ONF ont déjà beaucoup travaillé avec les communes forestières sur la convention en cours d’élaboration. Ce doit être le point de départ d’une coopération renforcée. Je m’engage à faire en sorte que la convention soit vraiment le fruit d’un travail commun.

Le nouveau comité d’audit que j’ai évoqué sera, je le crois, très utile pour donner, en s’appuyant sur la comptabilité analytique, une information fiable, objective, transparente et vérifiable aux élus. Je m’engage à faire en sorte que cette information soit fournie en toute honnêteté.

La forêt privée est un sujet de préoccupation. Les événements climatiques viennent renforcer le constat posé dans le rapport de 2019. Les incendies ne connaissent pas la limite entre forêts privées et forêts publiques. Il est tout à fait souhaitable de renforcer les partenariats avec la forêt privée. À mon sens, France Bois Forêt peut être un cadre de discussion.

Des partenariats me semblent pouvoir être développés dans deux domaines en particulier. Le premier concerne le partage des recherches et des innovations dans la stratégie d’adaptation au changement climatique : l’ONF ayant l’avantage d’être présent sur l’ensemble du territoire national, il peut faire des expérimentations à certains endroits et les porter au bénéfice de toute la forêt française. Le second concerne la gestion forestière : des initiatives telles que les chartes forestières du territoire ou les plans de développement de massifs forestiers sont très utiles, par exemple dans la lutte contre les incendies ou les crises sanitaires, la politique cynégétique ou le choix des essences.

Depuis quinze ans, l’État a constamment abondé le budget, avec une contribution supplémentaire de 80 millions d’euros. Les crédits affectés aux missions d’intérêt général (MIG) ont doublé en cinq ans. L’ONF a reçu 50 millions d’euros pour le renouvellement forestier dans le cadre du plan de relance. En outre, il est indiqué dans le contrat d’objectifs et de performance (COP) que toute mission nouvelle ou extension de mission doit être financée à coût complet par son commanditaire. En tant qu’autorité de tutelle, j’apprécie ces différents éléments comme signifiant une non-application des réductions d’effectifs sur les MIG ; j’ai bien l’intention de faire de même si je suis nommée directrice générale.

Les événements de l’été ont révélé la fragilité de la forêt française, appelant à une prise de conscience. Sans doute faut-il mettre un accent particulier sur les moyens consacrés à la gestion adaptative de la forêt française, privée comme publique. D’ailleurs, la Première ministre en a fait l’un des trois premiers enjeux de la planification écologique. C’est, me semble-t-il, un signal encourageant.

Si je suis nommée, je m’emploierai, comme les ministres de l’agriculture et de l’écologie l’ont demandé, à fournir avec les équipes de l’ONF une évaluation la plus objective possible des missions nouvelles et des moyens nécessaires. Ensuite, le politique fera son choix.

M. Laurent Somon. – Les documents qu’édite l’ONF sont toujours très positifs pour le développement des territoires. Mais il y a souvent loin de la coupe aux lèvres. Par exemple, la forêt de Crécy, qui figure parmi les plus gros massifs des Hauts-de-France, rencontre d’énormes difficultés pour que l’ONF s’associe véritablement à son projet de développement touristique. Comment allez-vous réorganiser le dialogue, en particulier avec les communes forestières, qui se sentent abandonnées ? Y aura-t-il une transparence des moyens financiers alloués ?

M. Daniel Gremillet. – L’ONF, qui est une belle entreprise, a besoin d’une patronne ou d’un patron pour donner une direction à son personnel. Pensez-vous avoir la capacité de maintenir la présence territoriale des agents de l’ONF, qui, par exemple dans les Vosges, a permis la maîtrise des incendies de forêt ? Par ailleurs, estimez-vous être en mesure de valoriser les grumes et les coproduits dans nos territoires, notamment dans le contexte actuel de tensions sur l’approvisionnement énergétique et en bois ?

Autrefois, pour les communes et les propriétaires privés, l’activité forestière, c’était des recettes ; désormais, ce sont des dépenses. Êtes-vous ouverte à des expérimentations de déconcentration, voire de décentralisation des missions et moyens de l’ONF, en lien avec les régions ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – Les données statistiques des douanes publiées en 2021 montrent un record historique des exportations vers la Chine des grumes de chêne bénéficiant du label « Transformation UE ». Cela constitue une moins-value pour les scieries françaises, en plus d’être une aberration écologique. Qu’envisagez-vous pour y faire face ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne. – Vous avez vu combien les attentes sont fortes. Je me réjouis du profil qui est le vôtre ; vous êtes presque candidate « interne ». Il y a un besoin de rétablir la confiance – je suis ravi que vous ayez employé ce terme à plusieurs reprises – avec les agents et les collectivités locales.

Pouvez-vous nous certifier que si le modèle de prévention du risque incendie du Sud-Est est étendu à de nouveaux territoires, l’État mobilisera bien les moyens nécessaires – vous avez déjà plus ou moins répondu par anticipation – et que la compensation sera effective ?

M. Franck Montaugé. – Pensez-vous qu’il soit possible de faire face aux enjeux stratégiques auxquels l’ONF est confronté en réduisant les moyens et les effectifs, comme cela a pu être le cas par le passé ?

Comment appréhendez-vous les indispensables apports de l’ONF à la prévision et à la maîtrise à terme des mégafeux ? Quels moyens supplémentaires estimez-vous nécessaires ? Vos précédentes fonctions vous ont-elles permis de signaler au Gouvernement les insuffisances chroniques des moyens octroyés à l’ONF ?

Vous avez parlé d’un contrat État-ONF « consensuel ». Êtes-vous certaine que ce « consensus » prenne en compte l’avis des personnels et de leurs représentants ?

Mme Amel Gacquerre. – Les missions de l’ONF, qu’il s’agisse de gestion des forêts publiques ou de prévention des risques en milieu naturel, doivent être accomplies en partenariat avec les collectivités concernées et leurs élus. Or, d’après les remontées du terrain, les relations entre la direction de l’ONF et les collectivités sont tendues : manque d’information et de transparence, absence de communication des études d’impact, etc. Vous souhaitez remettre de l’ordre dans la gouvernance de l’ONF ? Tant mieux.

Par ailleurs, le malaise social, lié à la réduction des effectifs, perdure au sein de l’ONF. Quel est votre point de vue sur la gestion des ressources humaines ?

Mme Patricia Schillinger. – Des forêts intactes et anciennes, comme celle qui se situe aux portes de Sarrebruck, en Allemagne, ou celle de Białowieża, en Pologne, sont des réservoirs essentiels de biodiversité. Croyez-vous à ce type de projets en France face au dérèglement climatique ? Dans vos futures fonctions, vous devrez avoir des relations avec vos homologues européens. Pouvez-vous nous préciser votre vision à cet égard ?

M. Christian Redon-Sarrazy. – Nous constatons à la fois la fragilité des écosystèmes forestiers et les fortes attentes sociétales. L’équation est quelque peu difficile à résoudre. Quelles sont vos propositions en matière de recherche et développement ?

Nous entendons vos engagements sur la protection des forêts et la défense contre les incendies. Mais, encore une fois, les moyens mobilisés sur le terrain ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées.

M. Serge Babary. – Je souhaite évoquer la situation de l’ONF en Corse, où 150 000 hectares de forêt sont soumis au régime forestier, dont 50 000 pour la collectivité de Corse et 100 000 pour les communes. La direction territoriale de Corse connaît une situation tout à fait particulière. Malgré plusieurs tentatives infructueuses, et bien que le transfert des forêts soit prévu par la loi du 22 janvier 2002, aucun cadre conventionnel n’a été établi sur les relations entre la collectivité de Corse et l’ONF. La réduction globale des effectifs de l’ONF a largement impacté sa direction territoriale corse, passée de 103 agents en 2003 à 76 agents.

Des actions me paraissent prioritaires : réaffirmer le rôle de l’ONF aux côtés des propriétaires dans l’application du régime forestier et assurer une animation renforcée auprès des communes forestières et de la collectivité de Corse ; proposer des cadres opérationnels réglementaires, voire législatifs, sur les conséquences du transfert des forêts domaniales à la collectivité de Corse ; améliorer l’offre de services de l’ONF et rechercher des financements pour des actions en lien avec les enjeux nationaux et locaux particuliers.

M. Rémi Cardon. – Je souhaite vous interroger sur l’usage et l’entretien des chemins forestiers gérés par l’ONF. J’ai rencontré vos équipes gérant la forêt de Crécy dans la Somme et des maires riverains : ils semblent en désaccord.

L’ONF, avec un budget en déficit, ne peut pas entretenir les chemins forestiers pour d’autres pratiques que l’exploitation du bois. Or les forêts constituent des atouts pour les territoires ; les collectivités voisines et leurs habitants ont besoin et envie d’autres pratiques, qu’il s’agisse de tourisme ou de transit routier – ce qui peut être discutable s’agissant d’une forêt. L’accessibilité à la forêt doit faire l’objet d’un travail de collaboration avec les élus. Dans le cas de la forêt de Crécy, j’ai eu l’impression que ce n’était pas le cas. Chacun se renvoie la balle.

Quelle est votre vision de l’entretien des chemins forestiers et de leur mise à disposition ? Les collectivités territoriales ont aussi une vocation économique et d’aménagement du territoire. Comment mettrez-vous en place des espaces de dialogue avec les collectivités sur ces points essentiels ?

Sans entrer dans la caricature, on voit que, étape par étape, on ferme les accès routiers à la forêt de Crécy, ce qui est mal compris par les riverains handicapés ou vieillissants qui ont des difficultés à marcher.

M. Bernard Buis. – Gestionnaire de 11 millions d’hectares de forêts publiques, l’ONF commercialise plus de 35 % des volumes de bois sur le marché français. S’agissant de la régulation du bois et de son prix, l’ONF ne semble pas être un acteur suffisamment performant et efficace. Quels changements pensez-vous apporter pour améliorer cette régulation ?

M. Franck Menonville. – L’ONF subit de nombreuses difficultés sanitaires et climatiques dans le Grand Est, ainsi que des diminutions de postes dans les territoires. Sa gestion des ressources humaines empêche la continuité du service et l’appui aux communes. Les besoins sont colossaux pour renouveler les essences, régénérer la forêt et l’adapter. On a besoin de stabilité du personnel dans les territoires.

Depuis quelques années, les missions de l’ONF se diversifient et s’étendent et les collectivités territoriales constatent une démobilisation dans les missions régaliennes de l’ONF, au profit d’autres missions.

Je voudrais appuyer la demande formulée par Daniel Gremillet d’une expérimentation d’une politique plus régionalisée de l’ONF, en particulier dans le Grand Est.

Mme Viviane Artigalas. – Ne pensez-vous pas que l’ONF a un rôle pédagogique important à jouer envers le grand public qui fréquente la forêt ? Les moyens sont-ils suffisants sur le terrain pour remplir ce rôle ? Les parcs nationaux l’assumaient avec beaucoup de volontarisme, mais la baisse de leurs effectifs les a contraints à réduire considérablement leurs actions en ce sens.

M. Daniel Salmon. – L’ONF subit des coupes claires dans ses effectifs depuis longtemps. Madame, vous avez fait partie du cercle décisionnaire qui a conduit cette politique. Assumez-vous cette austérité ? Quelle est votre vision de l’avenir des effectifs de l’ONF ? Pensez-vous être la personne qui pourra ramener la confiance à l’ONF, ainsi qu’entre cette dernière et les communes forestières ? Comment maintenir l’équilibre entre biodiversité, puits de carbone et production de bois ?

Mme Valérie Metrich-Hecquet. – Beaucoup d’entre vous semblent préoccupés – légitimement – par l’évolution des effectifs de l’ONF, surtout dans les territoires. Les moyens budgétaires de l’établissement sont globalement confortés. Pour certaines missions, ils augmentent même. Cela étant, le contrat État-ONF 2021-2025 prévoit une réduction de 475 équivalents temps plein (ETP).

Nous sommes à un moment particulier où les incendies font prendre conscience de la fragilité de la forêt. Certes, les personnes éclairées en avaient pris conscience bien avant, mais l’ensemble de la société vient de le faire.

Mme Sophie Primas, présidente. – Dont les agents de Bercy !

Mme Valérie Metrich-Hecquet. – La France a pris des engagements européens sur les puits de carbone, pour 2025 et 2030, qu’elle doit respecter sous peine de sanctions financières. Mieux vaut prévenir, et investir, que guérir ! C’est un argument de négociation.

En tant que directrice générale, contesterai-je le contrat État-ONF ? Je resterai à ma place de fonctionnaire : je respecte infiniment la décision prise par le politique. Néanmoins, il est essentiel, dans le prolongement des annonces ministérielles, de savoir ce que l’on attend de l’ONF et quels sont les moyens budgétaires et humains fournis pour y répondre. Si je suis nommée, je le demanderai. L’humain doit rester au centre du dispositif, et les dialogues doivent se multiplier.

Le politique décidera de ce qu’il est opportun de faire et je le suivrai toujours, qu’il s’agisse du pouvoir exécutif ou du Parlement. Cela ne veut pas dire que, en amont, je ne ferai pas valoir que je pilote le plus bel établissement du monde !

Le contrat État-ONF 2021-2025 est adaptable, d’année en année. J’observe que le COP 2016-2020 prévoyait la stabilité des effectifs, geste fort de nature à répondre à l’attente des élus. Or la mise en œuvre a été différente et les effectifs ont baissé. Ce qui a été fait dans un sens pourrait être fait dans l’autre.

Monsieur Montaugé, je voulais simplement dire que le régime forestier, et l’ONF qui le porte, sont une pièce maîtresse du développement durable et que l’on parvient à un relatif consensus sur ce point, et non sur l’ensemble du contrat État-ONF 2021-2025.

Si je suis nommée, je m’attellerai à faire des propositions aux décideurs sur les missions et les moyens de l’ONF.

J’observe des inflexions encourageantes sur le plan budgétaire, avec l’augmentation des moyens de l’État dans le prochain projet de loi de finances.

En ce qui concerne la valorisation du bois et l’importance de créer de la valeur dans les territoires, tous les partenaires sont parties liées et le bon fonctionnement de la filière et la rémunération de tous les acteurs sont nécessaires pour relever le défi de l’adaptation, de l’atténuation du changement climatique, ainsi que de la décarbonation de l’économie.

La valorisation du produit bois est une préoccupation constante des équipes de l’ONF qui le commercialisent. Malgré les à-coups, la tendance est structurellement à la hausse du prix du bois. Si cela ne perdure pas, on ne relèvera pas le défi de la décarbonation.

La contractualisation est aussi un moyen de sécuriser l’approvisionnement de tous les acheteurs et de mieux répartir la valeur entre l’amont et l’aval, dans le cadre d’une relation commerciale qui s’inscrit dans la durée.

L’amélioration de la valorisation du bois passe sans doute par l’optimisation de la chaîne logistique entre la forêt et les clients, à laquelle les outils numériques peuvent contribuer.

Je crois que l’ONF appartient déjà à un petit club des gestionnaires forestiers européens. En raison de mon parcours et de mon lieu de naissance, je suis tout particulièrement préoccupée par la coordination européenne.

Effectivement, en Allemagne, la forêt publique et la forêt domaniale ont été fortement protégées. Dans le cadre de la stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP), l’effort français sera poursuivi avec notamment la création de nouvelles réserves biologiques intégrales.

L’ONF possède une compétence très précieuse en matière de recherche, qui peut être mise en synergie avec d’autres compétences, en particulier à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), mais aussi chez d’autres partenaires, telles que les gestionnaires des forêts privées, en France et en Europe.

Je connais mal la problématique de la forêt de Crécy, mais cela renvoie au choix français de la multifonctionnalité de toutes nos forêts, plus compliqué à appliquer que celui de fonctionnalités séparées pour chaque forêt, préféré par d’autres pays européens, notamment en Europe du Nord, mais qui est aussi un facteur de résilience et de robustesse que l’on doit défendre. Sans doute faut-il arbitrer, de temps en temps, des conflits d’usage.

Un regard particulier doit être porté sur les effectifs de l’ONF en Corse et dans les territoires où les spécificités de l’action de l’ONF sont importantes, comme les Outre-mer. Dans le débat sur la gouvernance territoriale, je m’engage, en fonction des moyens que l’on me donnera, à rendre compte de la situation aux partenaires, dont votre commission.

Je m’engage à ce que le dialogue soit noué, aux échelons national et local. J’espère que nous pourrons, tous ensemble, créer une nouvelle dynamique, car l’ONF est au cœur de l’intérêt général. Il accomplit des missions essentielles pour tous et mérite de pouvoir le faire au mieux.

Mme Sophie Primas, présidente. – Que pensez-vous de l’expérimentation d’une déconcentration voire d’une décentralisation régionale évoquée par MM. Gremillet et Menonville ?

Mme Valérie Metrich-Hecquet. – J’attendrai peut-être d’être à l’intérieur de l’établissement pour répondre. Le partenariat avec les collectivités territoriales mérite d’être développé.

Mme Sophie Primas, présidente. – Merci de la clarté de vos réponses.

Ce point de l’ordre du jour a fait l’objet d’une captation vidéo qui est disponible sur le site du Sénat.

Vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Valérie Metrich-Hecquet aux fonctions de directrice générale de l’Office national des forêts (ONF)

Mme Sophie Primas, présidente. – Nous avons achevé l’audition de Mme Valérie Metrich-Hecquet, candidate proposée par le Président de la République pour exercer les fonctions de directrice générale de l’Office national des forêts. Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition.

Le vote se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l’article 19 bis de notre Règlement. En application de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote ne sont pas autorisées.

Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l’addition des votes négatifs des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Il est procédé au vote.

Mme Sophie Primas, présidente. – Voici le résultat du scrutin, qui sera agrégé à celui de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale :

Nombre de votants : 24

Bulletins blancs : 2

Bulletin nul : 0

Nombre de suffrages exprimés : 22

Pour : 10

Contre : 12

Désignation de rapporteurs

Mme Sophie Primas, présidente. – La proposition de loi en faveur du développement de l’agrivoltaïsme, déposée par M. Jean-Pierre Decool et plusieurs de ses collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires, devrait être inscrite à l’ordre du jour du jeudi 20 octobre. Nous examinerons le texte en commission le mercredi 5 octobre prochain, avec un délai limite fixé au lundi 3 octobre à 12 heures. Je vous propose de désigner notre collègue M. Franck Menonville pour être rapporteur de ce texte.

La commission désigne M. Franck Menonville rapporteur sur la proposition de loi n° 731 (2021-2022) en faveur du développement de l’agrivoltaïsme, déposée par M. Jean-Pierre Decool et plusieurs de ses collègues.

Mme Sophie Primas, présidente. – Le Gouvernement déposera prochainement le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, annoncé au printemps dernier et dont les dernières consultations doivent se terminer ces prochains jours, qui comportera une vingtaine d’articles. D’après les éléments de calendrier actuels, il est envisagé un passage du texte en séance publique la première semaine de novembre, avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances.

Je vous propose de désigner notre collègue M. Patrick Chauvet pour être rapporteur de ce texte.

La commission désigne M. Patrick Chauvet rapporteur sur le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, sous réserve de son dépôt.

Désignation de membres d’une mission de contrôle

Mme Sophie Primas, présidente. – Dans le prolongement des travaux menés par le Sénat ces derniers mois sur le sujet, une mission de contrôle, conjointe avec la commission des lois, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des finances, va être créée très prochainement sur la mise en application des mesures relatives à l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) de la loi « Climat et résilience ». Elle assurera une représentation proportionnelle des différents groupes politiques de notre assemblée et des commissions concernées.

La commission des affaires économiques doit désigner cinq membres au sein de cette mission conjointe de contrôle. Je vous propose que Mme Anne-Catherine Loisier, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Valérie Létard, M. Jean-Marc Boyer et moi-même soyons les représentants de notre commission au sein de la mission.

La commission désigne Mme Anne-Catherine Loisier, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Valérie Létard, M. Jean-Marc Boyer et Mme Sophie Primas membres de la mission conjointe de contrôle sur la démarche Zéro artificialisation nette.

Questions diverses

Mme Sophie Primas, présidente. – Le groupe d’études « Élevage », sous la présidence de Mme Marie-Christine Chauvin, organisera un déplacement au sommet de l’élevage à Clermont-Ferrand le jeudi 6 octobre. Les modalités pratiques de cette visite seront communiquées très prochainement aux membres du groupe d’études.

La réunion est close à 12 h 30.

- Présidence de Mme Catherine Di Folco, vice-président de la commission des lois, et de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Mission conjointe de contrôle sur la sécurisation de la chasse – Examen du rapport

Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois. – Nous allons maintenant examiner le rapport de la mission de contrôle, conjointe avec la commission des affaires économiques, sur la sécurisation de la chasse.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. – Cette mission conjointe de contrôle a été créée comme suite à la pétition intitulée « Morts, violences et abus liés à la chasse : plus jamais ça ! », déposée sur la plateforme du Sénat par Mme Mila Sanchez et qui a recueilli près de 123 000 signatures.

Le Sénat s’est saisi de cette problématique et a créé, le 24 novembre 2021, une mission de contrôle de 19 membres, qui a désigné sa présidente et son rapporteur. Le champ d’étude de cette mission a été défini de façon stricte. Il devait notamment aborder les conditions de délivrance du permis de chasse, les épreuves requises, les conditions de sécurité, la question des zones de protection des logements, le sujet de l’alcool, les missions de la gendarmerie, la réglementation sur la détention d’une arme, les sanctions en cas d’infraction et l’application de la loi du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.

Ainsi, ce sujet sensible, source de polémiques et de violence, portait non pas sur la question de l’interdiction ou de l’autorisation de la chasse, mais seulement sur les conditions de sécurité de cette activité. La mission a été conduite avec beaucoup de tact et d’efficacité.

Mme Maryse Carrère, présidente de la mission conjointe de contrôle sur la sécurisation de la chasse. – Patrick Chaize, rapporteur de la mission, et moi-même allons vous présenter le résultat de nos travaux tels qu’ils ont été validés par la majorité des membres de la mission, hier soir.

Avant de laisser le rapporteur en détailler les conclusions, je souhaite rappeler quelques éléments importants sur l’esprit et la méthode qui ont animé cette mission conjointe de contrôle.

Tout d’abord, notre mission est une première. Elle a été créée, voilà maintenant dix mois, à la suite d’une pétition ayant réuni plus de 120 000 signatures. Elle est l’une des manifestations, avec l’adoption de la proposition de loi sur la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de l’écho qu’a trouvé auprès de nos concitoyens la volonté du Sénat de rénover le droit de pétition et de permettre à la population de participer plus activement aux travaux de la Haute Assemblée. Même s’il nous faudra peut-être réfléchir à la manière de donner à ce nouveau dispositif son rythme de croisière du point de vue de la vitalité démocratique, je crois qu’il faut nous féliciter que les Français s’en soient saisis.

Ensuite, je tiens à souligner que, avec l’appui des services du Sénat, nous avons pu donner aux travaux toute la transparence qu’ils exigeaient au regard de l’émotion que suscitent les accidents de chasse. La quasi-totalité des auditions ont été filmées et diffusées sur internet et les réseaux sociaux. Cela n’a pas été sans inconvénient, puisque des intervenants ont subi des pressions, mais l’ensemble représente plus de quarante-huit heures d’auditions et plus de 170 personnes rencontrées. Nous avons également réalisé cinq déplacements sur le terrain pour nous forger notre propre opinion, ainsi qu’une étude de législation comparée, disponible sur le site du Sénat.

Nous avons eu à cœur de traiter tous les points soulevés par la pétition, sans exception. Le rapport est le résultat d’un travail approfondi. Il est aussi le fruit d’une démarche que nous avons voulue aussi objective et indépendante que possible. Ni le rapporteur ni moi-même ne connaissions le monde de la chasse, non plus que les arguments des uns et des autres. Nous les avons écoutés et examinés sans a priori et si, in fine, nous formulons telle ou telle conclusion ou proposition, c’est non pas l’effet de pressions médiatiques ou d’un supposé lobby, mais le résultat de l’écoute de toutes les parties prenantes.

L’objectif de la mission était de traiter de la sécurité à la chasse sous tous ses aspects, mais de ne traiter que de ce sujet, sans nous laisser entraîner dans un débat pour ou contre la chasse, laquelle a vocation à rester une activité légale et populaire dans notre pays. Je crois d’ailleurs que nous devions aux victimes et à leur famille de refuser toute instrumentalisation ou tout procès d’intention, et de traiter uniquement du sujet de la sécurité. Nous le devions aux victimes, que celles-ci soient chasseuses ou non, car, rappelons-le, si la sécurisation de la chasse est une attente des non-chasseurs, la demande n’est pas moins forte parmi les chasseurs eux-mêmes, qui représentent 80 % à 90 % des victimes.

Au terme de cette mission, Patrick Chaize et moi avons la conviction que la sécurité est un enjeu pour l’avenir de la chasse et son acceptation. Si le risque zéro n’existe pas, cette vérité ne saurait être un alibi pour ne pas agir.

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois, et de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques -

M. Patrick Chaize, rapporteur de la mission conjointe de contrôle sur la sécurisation de la chasse. – Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir rappelé le cadre de notre mission et l’esprit dans lequel nous avons travaillé. En effet, si, au terme de ce travail, je propose une trentaine de mesures pour faire progresser la sécurité à la chasse, c’est sur le fondement d’un diagnostic approfondi d’un état des lieux et des pratiques.

Je vais vous faire une présentation synthétique du rapport, mais nous pourrons en approfondir tel ou tel point autant que vous le désirerez, mes chers collègues.

Je veux commencer par dresser un rapide état des lieux des accidents de chasse et des réponses qui ont déjà pu être apportées.

Notre premier constat est que les accidents de chasse sont en forte baisse et restent marginaux si on les replace dans l’accidentologie générale en France, même s’ils sont encore trop nombreux.

Selon le rapport de Santé publique France de janvier 2020, la chasse représente 4 % des accidents traumatiques liés au sport, soit dix fois moins que la montagne et beaucoup moins que les autres catégories de sports. De même, les collisions avec les animaux sauvages sur la route causent plus de victimes que la chasse. Enfin, la part des accidents liés à l’alcool est également plus faible à la chasse que sur la route : 9 % contre 13 % à 28 % selon les circonstances.

Néanmoins, chaque accident est un accident de trop et les accidents de chasse ont deux spécificités : l’implication d’armes à feu et le fait que 12 % des victimes sont des non-chasseurs. Ce pourcentage est même monté à 26 % cette année, sans que l’Office français de la biodiversité (OFB) puisse apporter une explication à ce résultat inquiétant, bien qu’heureusement exceptionnel sur les vingt dernières années.

Concernant les accidents de chasse et selon les dernières données de l’OFB, en vingt ans, le nombre des accidents de chasse a baissé de 46 % et le nombre de morts de 74 %, alors que le nombre des chasseurs diminuait de 29 % et le nombre de grands gibiers tués augmentait de 75 %. La baisse des accidents a donc été beaucoup plus rapide que celle des chasseurs et plus importante encore au regard de la pression de chasse.

Quelque 55 % des accidents ont en effet eu lieu à l’occasion d’une battue au grand gibier – sanglier, chevreuil ou cerf – et plus des deux tiers des accidents résultent de fautes graves contre les règles élémentaires de sécurité : tir dans l’angle de 30 degrés, tir dans la traque, tir vers des routes ou des habitations, tir sans identification ou encore faute de manipulation. À cela s’ajoutent une centaine d’incidents par an, c’est-à-dire des tirs sur des véhicules ou des maisons qui auraient pu avoir des conséquences dramatiques et des tirs sur des animaux domestiques ou d’élevage. Si l’OFB pense ne pas avoir connaissance de la totalité des incidents et considère donc avec prudence l’évolution de leur nombre, ceux-ci doivent être pleinement pris en compte.

Les accidents de chasse font l’objet de poursuites judiciaires systématiques. Il n’y a aucune impunité des chasseurs. Selon les ministères de l’intérieur et de la justice, le taux de réponse pénale est de 90 % à 95 %. Les accidents de chasse sont réprimés comme des homicides ou des blessures involontaires. Par ailleurs, aucun élément ne vient accréditer un phénomène de refus de plainte, le dépôt de plainte étant d’ailleurs possible n’importe où, directement auprès du procureur ou en ligne sous forme de pré-plainte.

En ce qui concerne la prise en charge des victimes directes et indirectes, le principe est celui de l’indemnisation intégrale et sans plafond du préjudice physique comme psychologique par l’assurance de responsabilité civile. En effet, en matière de chasse, l’assurance est légalement obligatoire et systématiquement vérifiée, elle n’a pas de limitation de montant et la responsabilité du tireur est présumée. Si ce dernier ne peut être identifié, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) prend en charge la victime. Je n’ai pas identifié de faille dans ce domaine.

En matière de contrôle des armes et de renforcement de la sécurité à la chasse, il faut tenir compte du fait que la législation a déjà été significativement renforcée au cours des dix dernières années.

Depuis 2014, l’examen pratique du permis de chasser est axé sur la sécurité. Toute faute en la matière est éliminatoire et, de fait, environ 30 % des candidats échouent ; ce n’est pas négligeable.

De plus, depuis 2019, la loi a imposé des règles de sécurité pour la chasse en battue, avec le port d’un gilet fluorescent et la mise en place de panneaux d’information. Elle a rendu obligatoire une formation décennale sur la sécurité, a renforcé les pouvoirs de l’OFB et a créé un fichier national du permis de chasser.

Ce nouveau fichier national doit pouvoir être interconnecté avec les deux fichiers consacrés au contrôle des armes. Le premier est le fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes (Finiada), fichier automatisé nominatif créé en 2011 et répertoriant toutes les personnes qui, en raison d’une condamnation ou d’une infraction, sont interdites de possession d’armes sur le fondement d’une décision de justice ou administrative. Le second est le système d’information sur les armes (SIA), qui est en cours de déploiement et qui a pour but d’assurer la cohérence de l’ensemble, en réalisant un inventaire complet des armes légalement en circulation en France et en s’assurant des droits de leurs détenteurs. Dans ce domaine, il faut que le droit en vigueur s’applique. Je ne proposerai donc que des évolutions mineures, visant à corriger quelques manques qui nous ont été signalés par les services compétents.

Malgré les résultats très encourageants que je viens de vous présenter et qu’il nous faut saluer comme le fruit du sérieux des chasseurs, j’ai la conviction, comme Maryse Carrère l’a souligné, que les chasseurs doivent encore progresser. C’est une question de crédibilité et de confiance vis-à-vis des non-chasseurs, mais c’est aussi une attente des chasseurs eux-mêmes, qui sont les premières victimes des accidents. Si le risque zéro n’existe pas – cela a été dit –, cela ne doit pas empêcher d’adopter le « zéro accident » comme objectif. Les chasseurs doivent adopter une culture de la sécurité, à l’instar de ce qui se fait dans l’industrie pour la sécurité au travail, et ils doivent s’inscrire dans un processus d’amélioration permanente.

J’ai distingué, dans les améliorations que je vous propose, celles qui devraient être prises avant la chasse et celles qui touchent au déroulé de la chasse elle-même.

Concernant la sécurité avant la chasse, je veux insister sur trois aspects : la formation, l’aptitude médicale et l’alcool, et le besoin d’un audit de sécurité des territoires de chasse.

Il convient tout d’abord d’améliorer la formation des chasseurs. En ce qui concerne le permis de chasser, l’examen devrait mieux prendre en compte la place croissante de la chasse au grand gibier et la diffusion des armes semi-automatiques, plutôt que la chasse au petit gibier avec un fusil basculant à deux canons. L’examen devrait aussi intégrer une épreuve vérifiant l’habileté au tir. Il s’agit non pas de transformer les chasseurs en tireurs d’élite, mais de vérifier leur pleine maîtrise de leur arme, au-delà des gestes élémentaires de sécurité. Je vous propose ensuite de développer le tutorat des jeunes permis, mineurs ou non, afin de faciliter la transmission et l’assimilation des règles de sécurité. Les chasseurs devraient aussi être en capacité de réaliser les gestes de premiers secours et de disposer des moyens adéquats pour le faire, les accidents intervenant le plus souvent loin de tout centre de secours.

Je vous soumets trois autres propositions, tournées vers les chasseurs expérimentés. La première consiste à généraliser la formation des organisateurs de battue, qui est déjà obligatoire dans la plupart des fédérations et qui semble constituer un élément essentiel. Il s’agit ensuite de compléter la formation décennale obligatoire sur la sécurité d’un volet pratique, afin de garantir l’assimilation de la partie théorique – nous avons constaté que ce que signifie et implique le respect de l’angle de 30 degrés est encore souvent mal compris. Enfin, les gestes dangereux pourraient entraîner une obligation de formation, un peu à la manière des stages de récupération de points pour le permis de conduire.

Par ailleurs, il convient également de s’assurer de manière plus approfondie de l’aptitude des chasseurs à détenir une arme et à s’en servir en sécurité dans la nature. À cet égard, il faut envisager d’aligner la chasse sur les sports se pratiquant avec une arme – tir sportif, ball-trap et ski-biathlon –, donc d’exiger un certificat médical annuel. Actuellement, pour la chasse, un certificat est demandé une seule fois pour passer le permis et seulement depuis 2005. Nombre de chasseurs n’en ont donc jamais présenté.

Il est également nécessaire d’interdire formellement la chasse en état d’ébriété ou sous l’emprise de stupéfiants, en retenant les mêmes règles que sur la route. De nombreux chasseurs ne veulent plus être stigmatisés en raison de l’attitude d’une petite minorité.

Enfin, je vous propose de promouvoir des audits de sécurité des territoires de chasse. Certains évoquent l’instauration de distances de sécurité autour des habitations ou des routes, mais cela conduirait, compte tenu de la portée des armes, à interdire la chasse dans une grande partie de la France et cela poserait en outre des problèmes de régulation, en créant des zones refuges. En réalité, les accidents résultent de tirs mal maîtrisés et d’une prise en compte insuffisante de l’environnement. Il convient donc d’agir en amont et de mener des audits de sécurité des territoires pour mieux déterminer quand, où, comment et avec quelle arme et quelle munition chasser. L’Office national des forêts (ONF) et plusieurs fédérations ou associations de chasseurs se sont déjà engagés dans cette démarche de longue haleine. Il convient de l’amplifier.

J’en viens à la sécurité pendant la chasse. Je vous propose d’inciter à des progrès dans trois domaines : les règles et dispositifs de sécurité, la déclaration des battues et la police de la chasse.

La plupart des règles de sécurité figurent aujourd’hui dans les schémas départementaux de gestion cynégétique (SDGC), élaborés par les fédérations des chasseurs, mais ces schémas ne sont pas homogènes et certaines règles fondamentales n’y figurent pas ou y figurent seulement sous forme de recommandations, ce qui empêche l’OFB de sanctionner leur non-respect, voire entraîne l’annulation des sanctions par le juge. Une harmonisation, au besoin par la loi, est nécessaire. Ce serait par exemple le cas de l’angle de sécurité de 30 degrés et de sa matérialisation.

Le développement des postes de tir surélevés pour garantir un tir fichant sécurisé fait également partie des évolutions qu’il faut promouvoir. Je vous propose d’ailleurs que le vol, le sabotage ou la destruction de tels outils de sécurité soient plus gravement punis. Des méthodes de chasse alternatives à la battue pourraient, en outre, être popularisées, comme la traque-affût, qui, là où elle peut être organisée, présente de nombreux avantages.

J’en viens à l’organisation des battues. Vous le savez, la loi exige que les battues au grand gibier soient signalées par des panneaux, mais les autres usagers en prennent souvent connaissance trop tard, voire risquent d’être déjà sur place lors de la pose de ces panneaux. Les maires demandent également à être informés des chasses. Ainsi, après des expérimentations menées avec succès dans des départements aussi divers que la Seine-et-Marne ou l’Isère, il me paraît possible de généraliser la déclaration préalable systématique des battues, via notamment des applications mobiles, pour garantir la pleine information de tous.

En contrepartie, les maires pourraient prendre plus souvent des arrêtés d’interdiction des zones de chasse, lorsque la sécurité le justifie. C’est déjà le cas lors de chasses en semaine, dans certaines forêts périurbaines par exemple. D’autre part, pour éviter que ces déclarations ne soient utilisées pour faire obstruction à la chasse, la mission demande la création d’un délit d’entrave, que le Sénat avait déjà proposé en 2019.

Enfin, il faut renforcer la police de la chasse dans tous ses aspects. Cela passe par un renforcement du rôle du préfet dans l’élaboration des SDGC et par la possibilité de limiter les jours et heures de chasse pour garantir la sécurité des personnes. Il convient également de conforter les effectifs et les moyens juridiques de l’OFB, mais il faut surtout renforcer les compétences d’autres acteurs, plus nombreux. C’est la raison pour laquelle je propose de donner aux policiers municipaux la même compétence que les gardes champêtres en matière de chasse et de clarifier les prérogatives des agents de développement des fédérations et des gardes particuliers.

Enfin, les peines complémentaires à la condamnation pénale que sont la suspension ou le retrait du permis de chasser devraient être graduées en fonction de la gravité des faits. Par exemple, en cas d’homicide par tir direct, le retrait du permis pourrait être systématique et l’interdiction de le repasser portée à dix ans.

Pour finir, je désire aborder les questions de cohabitation entre chasseurs et non-chasseurs. Nous sommes face à une question de « vivre-ensemble », qu’il faut restaurer.

Je vous propose d’opter pour ce qui peut favoriser la cohabitation plutôt que le partage. Vous le savez, certains pensent qu’instaurer un ou plusieurs jours sans chasse serait censé assurer la tranquillité des autres usagers et le partage de la nature, mais cette idée de partage entraîne l’exclusion de certains au profit d’autres. D’ailleurs, la plupart de fédérations de sport d’extérieur et de nombreux autres acteurs s’y opposent, craignant un « saucissonnage » de la nature et l’exacerbation des conflits dont ils sont déjà les témoins. Les chasseurs soulignent, pour leur part, qu’ils ne monopolisent pas l’espace, les jours et lieux de chasse étant limités, qu’ils exercent ce loisir sur leur propriété ou contre un loyer et qu’ils doivent réguler le gibier dont ils paient seuls les dégâts.

Je ne vous propose donc pas de retenir une règle nationale uniforme, mais je suis convaincu que, localement, des demandes doivent être entendues. C’est pourquoi je souhaite favoriser la cohabitation et un cadre de dialogue pour qu’émergent les solutions adaptées. La chasse ne peut se pratiquer dans les mêmes conditions aux abords des métropoles et dans les départements ruraux ; c’est une évidence. L’ensemble des propositions déjà présentées doit contribuer à faire émerger des convergences locales.

Cela dit, je veux également vous proposer d’autres outils pour faire progresser ce dialogue.

Dans ce but, je crois nécessaire d’objectiver et de traiter les incidents et conflits d’usage autour de la chasse. Plusieurs associations de défense des non-chasseurs ont réalisé des enquêtes d’opinion faisant ressortir les craintes et les conflits que suscite la chasse. Certaines ont mis en place des plateformes de recueil de témoignages. Néanmoins, bien souvent, ces démarches ne permettent pas de vérifier les faits. Elles alimentent les réseaux sociaux, mais non le réseau de sécurité à la chasse animé par l’OFB. C’est pourquoi je souhaite que cet office crée une plateforme de recueil des incidents et conflits d’usage, afin d’en avoir une vision globale et objective.

Il faut enfin des outils et des lieux pour dialoguer. D’ores et déjà, la Fédération nationale des chasseurs (FNC) et des fédérations départementales des chasseurs (FDC) ont signé des chartes dans ce but avec d’autres usagers de la nature. Cela pourrait être amplifié. Ensuite, les FDC pourraient être membres des syndicats mixtes des parcs naturels régionaux et des commissions départementales des espaces, sites et itinéraires (CDESI). Enfin, la mission propose que le ministère des sports intègre les chasseurs au réseau Suricate de signalement des incidents et pollutions dans la nature, puisqu’ils sont gestionnaires de sites et jouent déjà le rôle de sentinelles de l’environnement dans d’autres domaines.

Vous le voyez, mes chers collègues, notre mission a permis, d’une part, de dresser un état des lieux complet de la sécurité à la chasse et de démonter certaines idées fausses et, d’autre part, de formuler des propositions tirées de l’expérience de terrain pour répondre au défi de l’amélioration de la sécurité à la chasse. C’est une évolution nécessaire à laquelle tous doivent s’atteler.

Je souhaite que, si ces propositions sont adoptées, elles puissent être débattues et nourrir un texte législatif, au besoin d’origine parlementaire, pour répondre à l’attente de changement en la matière. Travailler en ce sens a été le fil rouge de la mission.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

M. Franck Montaugé. – Grâce au travail de la mission, le sujet de la chasse a été abordé en profondeur. Ce rapport montre bien que l’on ne peut pas traiter correctement cette thématique en s’intéressant à la seule question de la sécurité : la problématique est avant tout sociale, en plus d’être spécifique à certains territoires.

En fournissant de précieuses informations sur l’accidentologie, le rapport se révèle à la fois très pédagogique et objectif, ce qui permet de dépassionner le débat.

Permettez-moi cependant d’exprimer un regret : il me semble que l’on ne souligne pas suffisamment l’utilité de la gestion des presque accidents, laquelle pourrait pourtant contribuer à une meilleure pratique de la chasse.

Autre remarque, je trouve que la proposition n° 20, relative à la création d’un délit d’entrave aux activités légales, mériterait d’être précisée, car, en fonction de la manière dont elle pourrait s’appliquer, on risque de porter atteinte au principe de la liberté individuelle, ce que personne ne souhaite.

Sous réserve de cette précision, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de la commission des affaires économiques sont plutôt favorables aux conclusions du rapport.

M. Jérôme Durain. – Au nom des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de la commission des lois, je tiens à exprimer ma satisfaction à l’égard du travail réalisé par la mission de contrôle. L’ensemble du sujet a été traité, alors même que les débats autour de la chasse sont très passionnés.

Le rapport contient des propositions qui ne manquent pas de courage. Il a le mérite de comporter un volet sur la caractérisation des incidents et d’insister à la fois sur la cohabitation des pratiques et sur la nécessaire concertation entre parties prenantes.

Même si je comprends bien que la proposition n° 20 vise à créer un équilibre avec la proposition n° 19, j’estime, comme mon collègue Franck Montaugé, que l’introduction dans le code pénal d’un délit d’entrave au déroulement d’activités sportives ou de loisir pose problème. Il aurait fallu, à ce sujet, faire preuve de davantage de prudence et renvoyer ce débat à l’examen d’une future proposition de loi, car on ne touche pas impunément aux libertés fondamentales.

En conséquence, si nous saluons un travail globalement courageux, « charpenté », nous attendrons de la part du rapporteur des précisions sur ce point précis avant de nous prononcer sur le rapport.

M. Bernard Buis. – Je tiens à saluer la qualité du travail accompli par la mission.

Voici quelques remarques qui me paraissent importantes : s’agissant de la proposition n° 12, je pense qu’il faudrait ajouter l’interdiction des produits stupéfiants à l’interdiction de l’alcool à la chasse ; concernant la proposition n° 23, si je salue la création d’un pouvoir spécifique des policiers municipaux en matière de chasse, je crains que la mise en place d’une telle mesure ne soit complexe en pratique tant les effectifs sont faméliques ; enfin, je considère qu’il serait dans l’intérêt de chacun qu’une épreuve de tir réel soit ajoutée dans le cadre de l’examen du permis de chasse.

M. Philippe Bas. – Ce rapport est une preuve supplémentaire de la qualité du travail sénatorial. Il fournit des éléments objectifs et s’appuie sur des données chiffrées, qui sont le reflet des pratiques actuelles en matière de chasse.

En définitive, le constat est moins inquiétant que ce que l’on pouvait craindre, même si les difficultés existantes sont sérieuses. Personne ne peut nier l’intérêt des propositions de notre rapporteur, d’autant que, pour partie, les chasseurs y sont très largement favorables.

Je salue donc le courage et le sérieux de ce rapport, qui comporte des propositions très fortes, tant en matière de prévention – je pense à l’obligation de déclaration des battues – que dans son volet « sanctions ».

Pour ma part, je considère que la proposition n° 20 est le pendant indispensable de l’acceptation par les chasseurs de l’ensemble des autres mesures, qui visent à modifier leur pratique. De ce point de vue, le rapport de la mission aboutit à un équilibre satisfaisant sur le sujet.

M. Franck Menonville. – Je suis personnellement très favorable au renforcement de la formation des chasseurs, que ce soit dans le cadre de l’obtention du permis de chasse ou dans celui de la formation continue.

En matière de prévention, je m’interroge sur la proposition n° 12 : je ne suis pas sûr que l’interdiction de l’alcool à la chasse doive être totale et serais plutôt favorable à ce que l’on aligne les sanctions sur les dispositions prévues par le code de la route pour les personnes au volant.

Autre point, je trouve qu’il serait nécessaire d’homogénéiser les schémas départementaux de gestion cynégétique et de préciser le rôle du préfet.

Enfin, comme Philippe Bas, je suis favorable à la proposition n° 20 : la création d’un délit d’entrave contrebalance les effets de certaines mesures, qui apparaîtront contraignantes à certains chasseurs.

Mme Cécile Cukierman. – Ce rapport est d’autant plus indispensable qu’il aborde un sujet, la chasse, qui suscite parfois l’hystérie et déchaîne les passions. Il expose des données objectives et s’appuie sur des chiffres qui ont le mérite de refléter la réalité du terrain.

Nous venons de vivre une année particulière, marquée par des accidents de chasse davantage médiatisés qu’à l’accoutumée. On oublie trop souvent – c’est regrettable – qu’une large part du travail des chasseurs consiste à réfléchir à leur pratique, à l’améliorer et à la sécuriser.

Quoi qu’il en soit, il était nécessaire d’avancer sur ce sujet : la chasse est un héritage révolutionnaire, une pratique populaire, qui n’est l’apanage ni de la gauche ni de la droite.

J’aimerais insister sur deux points. Tout d’abord, il conviendrait de donner davantage de moyens pour aider la louveterie, service indispensable en cas d’attaques de loups. Ensuite, il convient d’insister, comme le fait ce rapport, sur l’utilité des instances de dialogue : la concertation entre les différents acteurs de la chasse, dont les intérêts sont parfois divergents, ne peut être que bénéfique, car elle permet de faire disparaître les a priori et de rapprocher les points de vue.

M. Daniel Salmon. – Ce rapport est le fruit d’un travail de fond, mené sans complaisance et dans une atmosphère sereine. Il présente un état des lieux complet de la chasse dans notre pays.

La très grande majorité des propositions va dans le bon sens : je pense en particulier au volet formation et à l’obligation d’un certificat médical annuel pour pratiquer la chasse.

À l’inverse, d’autres mesures auraient mérité d’être approfondies ou renforcées. Ainsi, nous aurions préféré une formation quinquennale à la formation décennale de sécurité. Nous souhaiterions également que la possession d’armes de chasse soit réservée aux seuls majeurs.

Surtout, nous avons des divergences de fond avec les auteurs de ce rapport.

Nous nous interrogeons, par exemple, sur les causes réelles de la prolifération du gibier sur notre territoire, dont nous savons qu’elles sont largement artificielles – il n’est qu’à voir la pratique des lâchers de volatiles peu avant la période d’ouverture de la chasse... De manière générale, on voit bien que la régulation des espèces par les chasseurs ne porte pas ses fruits. De notre point de vue, un rapport sur ce sujet est indispensable.

J’ajoute que le présent rapport ne traite pas de tous les types de chasse : quid de la chasse à courre et de l’insécurité routière qu’elle engendre ? Quid des battues et du risque de dissémination incontrôlée du gibier qu’elles provoquent ? De ce point de vue, il nous semble que la traque-affût est un mode de chasse plus efficace et moins invasif, autrement dit plus acceptable pour nos concitoyens.

Enfin, nous prônons la mise en place de journées sans chasse au niveau national, en plus des dispositions prises localement.

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce rapport.

Mme Esther Benbassa. – Je suis en tout point d’accord avec mon collègue Daniel Salmon.

Mme Marie Mercier. – Je tiens à saluer le travail accompli avec entrain et sérieux par la mission de contrôle, et ce dans une ambiance très particulière, sur un sujet hautement sensible.

Aujourd’hui, le monde de la chasse doit s’adapter : il y va de la survie de cette pratique, que les chasseurs – qui sont, comme chacun sait, des amoureux de la nature – soient d’accord ou non.

Pour ma part, davantage que sur l’altération des facultés cognitives, j’aimerais insister sur la notion plus générale de responsabilité. Pour pratiquer une activité comme la chasse, on doit se montrer responsable ; à cet égard, et pour ne donner que ce simple exemple, je considère qu’il est totalement déraisonnable de chasser lorsque l’on est accompagné d’un enfant en bas âge.

M. Philippe Bonnecarrère. – Merci pour ce travail important et de qualité et félicitations pour la chronologie choisie : il est habile de présenter votre rapport en parallèle de l’ouverture de la chasse.

Voulez-vous confier les éventuels audits de sécurité des territoires de chasse aux fédérations de chasse ?

Le rapporteur a silhouetté d’éventuelles dispositions législatives. En dehors de la proposition n° 20, quelles sont vos recommandations qui nécessitent une évolution législative ?

Je formulerai une réserve : quelle est la pertinence de certificats médicaux annuels ? Notre pays essaie de les éviter... Compte tenu du nombre de chasseurs et de leur concentration dans les territoires ruraux, cette proposition est peu réaliste. Je ne suis pas certain que le système médical serait en mesure de l’assurer.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Je salue également ce travail. Certes, nous ne connaissons pas forcément tous très bien la chasse, mais nous pouvons nous intéresser au sujet. Les propositions du rapport sont nécessaires, presque courageuses. Le sujet n’a pas été contourné. Bravo !

Mme la présidente Sophie Primas indiquait en introduction que le débat ne devait pas porter sur « chasser ou ne pas chasser ». Cependant, le rapport a débordé cette préconisation, notamment au sujet du « jour sans chasse ».

La proposition n° 20 pose problème. Elle vise à créer, recréer ou modifier deux sortes de délits d’entrave. Le délit d’entrave est un serpent de mer au Sénat : créé en 2010, puis supprimé, il a été voté par notre assemblée en 2019, mais il n’est pas applicable et pose des problèmes constitutionnels, qui sont toujours présents. Vous proposez de l’élargir aux activités sportives et de loisir. Le délit d’entrave, prévu à l’article 431-1 du code pénal, vise les libertés fondamentales– liberté d’expression, de travail, d’association... Nous ne sommes plus dans le même registre ! Voilà notre seule réserve. Elle est sérieuse, y compris sur le plan constitutionnel. Nous serons vigilants lorsque certaines dispositions seront traduites dans une proposition de loi.

Je note l’intéressante suggestion sur le sujet des stupéfiants.

M. Guy Benarroche. – Je m’associe aux remerciements, et compléterai l’intervention de M. Salmon. Quels moyens seront accordés à l’OFB et à l’ONF ? Il sera nécessaire de veiller, dans les prochains mois, à leurs budgets.

Je rejoins les remarques sur la proposition n° 20 visant les associations antichasse. Cette proposition va au-delà du postulat de base de la mission – ne pas déterminer une position prochasse ou antichasse. Nous voterons contre ce rapport.

M. Patrick Chaize, rapporteur. – Merci de vos propos chaleureux. Ce travail est le fruit d’une addition de compétences et d’une grande motivation à comprendre le sujet. Nous n’étions ni dans la catégorie des chasseurs ni dans celle des anti-chasse, et disposions donc d’un certain recul.

Ce travail d’observation et d’écoute des bonnes pratiques locales a été rassemblé dans un recueil répondant aux interrogations sur la sécurité de la chasse. Nous n’avons rien inventé.

Certains ont dressé un parallèle avec l’entreprise. Notre réponse, c’est de donner à l’OFB ce rôle de recueil, d’analyse et de retour d’analyse, via une plateforme.

Le délit d’entrave est une mesure d’équilibre, pour que les chasseurs puissent informer de leur lieu de chasse. Lors de nos auditions, nous avons compris que, dans certains secteurs, lorsque les chasseurs donnaient leur position, il y avait un risque que des militants viennent empêcher la chasse. Notre solution d’équilibre est de les obliger à donner cette information sans empêcher la chasse – ni plus ni moins. Cela les protège.

J’ai réintroduit le sujet des stupéfiants dans mon propos de présentation du rapport. Nous avions abordé ce sujet sans toutefois le retenir dans notre rapport initial, en raison de difficultés de mise en œuvre a priori. Nous réintroduirons ce sujet.

Les polices municipales doivent mener un rôle de contrôle. La peur du gendarme n’existe plus, car les contrôles sont peu fréquents et les agents de l’OFB, appelés à d’autres tâches, sont peu présents sur le terrain. Tous les acteurs pouvant jouer un rôle de contrôle et d’accompagnement doivent être mobilisés : la police municipale, les gardes-chasses privés, les agents des fédérations et la gendarmerie – cette dernière jouera un rôle plus important dans le monde rural, d’après les dernières annonces du ministre.

Nous sommes favorables à davantage de formation. Les chasseurs ont parfois du mal à accepter des mesures collectivement, mais, en bilatéral, le bon sens prévaut, et ils sont prêts à davantage se former. Reste à déterminer les modalités de mise en œuvre.

Nous voulons que le préfet ait un rôle d’arbitre. Actuellement, les schémas départementaux de gestion cynégétique sont exclusivement rédigés par les chasseurs, le préfet n’ayant plus qu’à les signer. Or certains refusent de le faire, créant des blocages– auquel cas, le schéma de l’année précédent s’applique. Il serait intéressant que le préfet joue plutôt un rôle de médiation et d’arbitre.

Concernant l’alcool, nous voulons nous aligner sur le code de la route. Le rapport ne crée cependant pas la règle : la détermination des taux effectifs dépendra des débats législatifs organisés à la suite de notre rapport.

Des bénévoles - les lieutenants de louvèterie - assurent une mission de service public de surveillance ayant toute son importance. Souvent, ils financent eux-mêmes leur activité, notamment l’acquisition de lunettes à vision nocturne. Il faut faire un geste envers eux pour disposer de davantage de volontaires.

L’important n’est pas la charte en soi ; c’est de réunir les acteurs pour qu’ils débattent. Notre mission a été une sorte de catalyseur, avec une prise de conscience des fédérations de chasseurs pour trouver des solutions intelligentes et partagées.

Je remercie Daniel Salmon de son assiduité. La régulation est un sujet important, mais un peu à la marge des questions sécuritaires. Nous devrions en débattre dans un autre cadre.

Nous avons découvert la méthode de traque-affût. Il faut inciter à mettre en place des méthodes de chasse différentes – l’audit pourrait y aider –, mais les généraliser n’est pas possible.

Le jour sans chasse est un vrai sujet de débat. Nous n’avons pas pu identifier formellement qu’un jour serait plus dangereux qu’un autre... Pourquoi interdire le dimanche plutôt que le vendredi ? Ce serait un effet psychologique et d’affichage. Restons pragmatiques. Nous avons proposé des mesures offrant des garanties de sécurité.

Certains s’inquiètent de la survie de la chasse : notre rapport est plutôt une aide aux chasseurs qu’une opposition. Nous prenons le risque que personne ne soit content, signe peut-être que le rapport est équilibré...

L’âge d’accompagnement des enfants ne fait pas partie des questions de sécurité.

Les modalités de l’audit restent à construire. Un directeur de battue positionne les chasseurs. Il faudrait un travail collaboratif pour critiquer ses décisions. Par exemple, la semaine dernière, un chasseur m’indiquait que, lors d’une chasse, il ne pouvait plus tirer lorsqu’il appliquait les 30 degrés de sécurité : le poste avait été mal défini. Un regard extérieur, par exemple celui des techniciens des fédérations de chasse, peut aider à rectifier.

Les dispositions législatives feront l’objet d’un travail ultérieur. Nous n’avons pas élaboré de proposition de loi. Certaines mesures sont plutôt d’ordre réglementaire. Nous devrons tout faire pour apporter une réponse législative si besoin.

Pourquoi un certificat médical chaque année et non pour trois ou cinq ans ? Nous avons identifié les points importants et évoqué un certificat annuel en nous fondant sur les règles concernant d’autres sports, comme le ball-trap ou le tir sportif.

Mme Maryse Carrère, présidente de la mission conjointe de contrôle. – Merci de vos remarques. Nous avons essayé de faire la part des choses pour rédiger des propositions crédibles et réalisables. Un million de chasseurs peuvent-ils passer chaque année chez le médecin ? Normalement, chacun va chez le docteur au moins une fois par an, même s’il est en bonne santé...

Il faut retisser des liens entre la chasse et les activités de pleine nature. Nous devons nous parler de nouveau sur les territoires, notamment dans les instances existantes, comme les CDESI. Nous ne voulons pas contraindre davantage les chasseurs : nous voulons leur dire que, s’ils veulent préserver la chasse, ils seront obligés de supporter ces contraintes et de parler aux autres acteurs des territoires.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. – Félicitations pour ce travail. Nous allons voter sur les propositions et le rapport.

Les propositions sont adoptées.

La commission des lois et la commission des affaires économiques adoptent le rapport d’information et en autorisent la publication.

La réunion est close à 10 h 55.