Mercredi 23 février 2022

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Paquet « ajustement à l’objectif 55 » - Échanges de vues sur les travaux préparatoires de la commission des affaires européennes relatifs à la proposition de résolution européenne

M. Jean-François Longeot, président. – Mes chers collègues,

Après les auditions de Barbara Pompili, Jean-Baptiste Djebbari et Julien Denormandie, ainsi que la table ronde sur les enjeux de la présidence de l’Union européenne organisée en janvier dernier, nous continuons ce matin nos travaux de commission sur le « Pacte vert » européen, et plus spécifiquement, sur son volet climatique – le paquet « Ajustement à l’objectif de 55 » – tendant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne de 55 % en 2030 par rapport à 1990.

Une proposition de résolution européenne relative à ce paquet sera présentée demain, lors d’une réunion conjointe aux trois commissions concernées, celle des affaires européennes, celle des affaires économiques et la nôtre.

Elle est le fruit d’un travail d’auditions et de consultations menées par les rapporteurs des trois commissions depuis le début du mois janvier, qui marque le début de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Cette réflexion a été prolongée par un déplacement enrichissant à Bruxelles, où notre commission a pu échanger avec Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, et la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne.

Je remercie vivement nos rapporteurs – Guillaume Chevrollier et Denise Saint-Pé – mais également les rapporteurs des autres commissions, et plus spécifiquement ceux de la commission des affaires européennes, par ailleurs membres de notre commission – Marta de Cidrac et Jean-Michel Houllegatte. Le texte qui vous sera présenté demain est le résultat d’un compromis entre trois commissions : cette tâche n’était pas simple mais vous êtes parvenus, Mesdames et Messieurs les Rapporteurs, à nous proposer un projet équilibré.

Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler aux présidents de deux autres commissions, nous avons souhaité que cette résolution soit à la hauteur de nos engagements climatiques. Nos rapporteurs ont donc été particulièrement vigilants au maintien de la cohérence climatique de la résolution : l’ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % en 2030 par rapport à 1990 devait être maintenue en pratique – et non seulement en théorie – sur l’ensemble du texte, en dépit d’oppositions parfois légitimes à certaines propositions de la Commission européenne. Cet équilibre me semble globalement préservé dans le projet proposé. J’en suis évidemment satisfait et j’y vois le signe d’un consensus croissant sur la finalité du paquet européen. C’est un succès pour notre commission, qui a accompagné depuis sa naissance, il y a dix ans, la montée en puissance des préoccupations environnementales, et notamment climatiques, dans notre assemblée.

Je laisse sans plus tarder la parole à nos deux rapporteurs, Guillaume Chevrollier et Denise Saint-Pé, pour nous présenter le fruit de leurs travaux.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. – Merci Monsieur le Président.

Mes chers collègues,

Je me joins tout d’abord aux remerciements du Président Longeot à l’attention de nos collègues de la commission des affaires européennes par ailleurs membres de notre commission, avec qui, comme toujours, nous avons travaillé en bonne intelligence pour aboutir à un projet de résolution.

Nous allons ce matin vous présenter les principales lignes de cette proposition de résolution européenne. Compte tenu du volume de ce document, du nombre de sujets abordés — dont certains relèvent d’ailleurs de la compétence de la commission des affaires économiques, notamment sur l’énergie — nous ne pourrons pas, ce matin, être exhaustifs. Mais nous ferons évidemment de notre mieux pour vous apporter des éléments de réponse aux questions que vous pourriez nous poser dans un second temps.

Je commencerai par les considérations générales. Nous avons tout d’abord souhaité nous placer dans la continuité des travaux précédents de notre commission, en reprenant les considérants introductifs de la résolution COP26, adoptée en novembre par le Sénat, et en nous appuyant sur l’article 1er de la loi « Climat et résilience » voté à notre initiative. Nous avons ainsi rappelé le caractère impérieux de l’atteinte de l’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, par rapport au niveau de 1990. Nous avons fait de cette ambition un élément structurant de la résolution : comme l’a rappelé le Président Longeot, il nous a semblé indispensable de préserver la cohérence d’ensemble de cette résolution afin de coller en pratique — et non seulement en théorie — à cet objectif. Nous formons naturellement le vœu que la France maintienne ce niveau d’ambition tout au long des négociations au Conseil.

Deuxième fil rouge de cette résolution : la dimension sociale, d’autant plus cruciale que l’examen de ce paquet intervient à un moment de forte hausse des prix des énergies. Mais cette préoccupation ne doit pas être un alibi, qui nous conduirait à renoncer à agir fermement. Nous avons donc plutôt insisté sur la nécessité d’un accompagnement social dimensionné au défi inéluctable que représente la transition climatique du continent.

Troisième considération générale : nous avons souhaité rappeler la nécessité de préserver la compétitivité des entreprises de l’Union, qui doivent être protégées à la hauteur des efforts entrepris par l’Europe en matière climatique. Nous avons par ailleurs souligné que cette transition offrait des opportunités économiques considérables et devait à cette aune être accélérée pour développer des industries bas-carbone européennes — dans l’acier ou le ciment verts par exemple.

Quatrième fil rouge, dans la droite ligne de nos travaux précédents et des enseignements que nous avons tirés de la COP26 : il nous a semblé que le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » devait constituer le pilier de la diplomatie climatique de l’Union européenne, en agissant comme un levier au relèvement de l’ambition des États tiers, notamment des principaux États développés et des grands États émergents, tout en prévoyant des aménagements et adaptations pour les pays les moins avancés, notamment ceux du continent africain.

Dernier élément cardinal : nous avons estimé que le niveau d’investissement particulièrement élevé requis pour atteindre les objectifs à l’horizon 2030 puis la neutralité carbone à l’horizon 2050 devait conduire à une réflexion approfondie sur le soutien financier, grand absent de ce paquet climat. La proposition de résolution invite tout particulièrement la Commission européenne à envisager le regroupement des différents fonds qui contribuent à la transition, ainsi qu’à adapter les règles du pacte de stabilité et de croissance — limitant les niveaux annuels de déficit et de dette au niveau national — pour inciter et faciliter les investissements publics verts.

Rentrons maintenant dans le détail du paquet proposé par la Commission européenne.

Commençons par son équilibre général. La proposition de résolution accueille favorablement l’équilibre proposé entre l’objectif de réduction des émissions d’ici 2030 assigné aux secteurs relevant du règlement sur la répartition de l’effort — le transport, le bâtiment, l’agriculture et les déchets — et celui assigné aux secteurs relevant du marché carbone européen — l’énergie, l’industrie et le transport aérien. Nous notons en revanche l’écart important entre les objectifs assignés aux États membres au titre des secteurs couverts par le règlement sur la répartition de l’effort, les réductions d’émissions en 2030 par rapport à 2005 s’échelonnant entre 10 % et 50 % selon le niveau de richesse des États membres. L’ensemble des pays, y compris ceux de l’Europe de l’Est, à qui des objectifs les moins ambitieux sont assignés, devront pourtant s’engager dans une trajectoire de décarbonation pour permettre à l’Union d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Nous avons enfin considéré qu’un mécanisme de sanctions, le cas échéant financières, pourrait être mis en œuvre en cas de non-respect manifeste et délibéré des objectifs par les États membres, afin de s’assurer de la détermination de l’ensemble des pays européens à honorer les trajectoires qui leur sont assignées et de crédibiliser l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 %.

Concernant la réforme du marché carbone européen — le SEQE-UE — notre appréciation est globalement positive : nous soutenons en particulier la montée en puissance de la réduction annuelle des quotas pour atteindre l’objectif de 55 %. Nous sommes également favorables aux propositions tendant à mieux cibler les quotas sur les industries présentant un réel risque de fuites de carbone. Nous avons aussi jugé pertinente la proposition de consolidation de la stabilité de réserve pour renforcer la stabilité du prix de la tonne de CO2 sur le marché carbone. Nous aurions toutefois apprécié que cet outil soit complété par l’instauration d’un prix plancher et d’un prix plafond, croissants dans le temps, afin de renforcer la visibilité pour les acteurs économiques et de crédibiliser à long terme l’augmentation du prix de la tonne de CO2. Cette proposition n’a pas été retenue par nos collègues.

J’en viens au projet de création d’un nouveau marché carbone pour le transport routier et le bâtiment, qui a naturellement été au cœur de nos travaux et l’objet de discussions nourries.

Il nous a tout d’abord semblé légitime de relayer les inquiétudes quasi unanimes exprimées à l’égard du projet de la Commission européenne. Nous avons pointé le risque de renchérissement des prix de l’énergie pour les ménages les plus précaires, ainsi que pour les petites et moyennes entreprises. Nous avons dans le même temps souligné la perplexité de nombreux acteurs, notamment des organisations non gouvernementales, quant à l’efficacité environnementale du dispositif. En effet, le système d’échange de quotas d’émission envisagé, mis en place à compter de 2026, supposerait un prix du carbone fixé à un niveau particulièrement élevé pour espérer baisser significativement les émissions d’ici la fin de la décennie.

Nous avons néanmoins insisté sur la nécessité de préserver la cohérence générale du paquet climat : autrement dit, dans l’hypothèse où un SEQE ne serait plus créé dans les secteurs du transport routier et du bâtiment, il faudra sans doute compenser l’absence de signal prix au niveau européen par un relèvement de l’ambition des prescriptions relatives à l’efficacité énergétique des bâtiments et aux transports, sans quoi nous renoncerions à l’atteinte de nos objectifs européens.

La proposition de résolution ne s’oppose donc pas formellement au projet de la Commission européenne, mais propose plutôt dans un souci de pragmatisme des garanties et compensations visant à assurer l’acceptabilité sociale de ce nouveau marché carbone. Nous avons ainsi considéré que ces garanties pourraient consister en l’exclusion des particuliers du dispositif ou l’instauration d’un prix plafond sur ce marché, pour limiter les risques d’envolée à la hausse du coût du carbone et protéger ainsi les plus fragiles. Nous avons également jugé indispensable, dans l’hypothèse du maintien du dispositif aux particuliers, que des moyens supplémentaires soient alloués à la compensation des coûts associés à la création de ce nouveau marché carbone pour les ménages les plus précaires, afin de les accompagner dans la rénovation de leurs logements et l’accès à une mobilité bas-carbone, notamment dans les zones rurales. Nous avions proposé que des moyens supplémentaires soient alloués au Fonds social pour le climat — proposé par la Commission européenne — en fléchant 50 % des recettes du nouveau marché carbone, et non seulement 25 % d’entre elles, comme le prévoit le projet actuel. Cette proposition n’a pas été retenue par nos collègues. Nous avons en revanche obtenu l’inscription d’une proposition tendant à allouer une part des revenus du nouveau marché carbone au Fonds d’innovation afin de développer la recherche et développement, dans la perspective d’une réindustrialisation verte du continent.

Mme Denise Saint-Pé, rapporteure. – Venons-en à la proposition de la Commission européenne visant à instaurer un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, projet porté par la France depuis de nombreuses années. Nous nous félicitons de cette avancée, qui pourrait contribuer, dans les secteurs couverts, à protéger les industries européennes dans leurs efforts de décarbonation et permettre l’extinction progressive des quotas gratuits au titre du marché carbone européen.

La résolution formule plusieurs propositions concernant le périmètre du mécanisme. Nous estimons tout d’abord que de nouveaux secteurs exposés à un risque de fuites de carbone pourraient être couverts à l’occasion de la clause de revoyure prévue par la Commission européenne en 2026, dès lors que l’intensité carbone des produits importés peut être évaluée. Nous pensons notamment aux produits chimiques organiques, à l’hydrogène et ou encore aux polymères.

Nous appelons également à étudier l’opportunité d’une extension du mécanisme à certains produits finis, en plus des produits de base actuellement couverts. Nous considérons en effet que les entreprises exportatrices européennes pourraient souffrir en l’état du dispositif d’une perte de compétitivité, en raison d’une augmentation du prix des produits de base couverts par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. L’intégration de certains produits finis, pour autant qu’elle soit conforme aux règles de l’Organisation mondiale du commerce, pourrait résoudre ce problème en protégeant les industries européennes.

Nous nous sommes également penchés sur le calendrier d’entrée en vigueur du mécanisme et de l’extinction complète des quotas gratuits, pour l’heure prévue en 2036. On peut s’interroger sur la pertinence de ce calendrier au regard de l’indispensable accélération de la décarbonation des industries européennes au cours de la décennie et du souhait de favoriser la construction de filières industrielles innovantes. Nous rappelons également que l’Organisation mondiale du commerce pourrait interdire le cumul des protections commerciales au titre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, d’une part, et de l’allocation de quotas gratuits, d’autre part, si le calendrier d’extinction des quotas gratuits n’était pas assez ambitieux.

Enfin, il nous a semblé essentiel de rappeler que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières devait constituer un outil de la diplomatie climatique de l’Union européenne. Nous appelons donc la Commission européenne à utiliser la période transitoire précédant l’entrée en vigueur du mécanisme en 2026 pour rapprocher le marché carbone européen des systèmes équivalents dans le monde. Nous estimons également que des aménagements pourraient être prévus pour les pays les moins avancés, en particulier ceux du continent africain, afin d’apaiser la crise de confiance, constatée lors de la COP26, entre pays développés et pays en développement. Nous jugeons enfin opportun de prendre en compte les effets de ce mécanisme sur les États voisins de l’Union européenne, et le cas échéant, de les accompagner dans leurs politiques de décarbonation.

Il nous reste enfin à aborder le volet transport de ce paquet climat.

Commençons par le sujet le plus sensible : la révision des normes d’émissions des véhicules. La Commission européenne propose d’interdire la vente des véhicules thermiques neufs en 2035, en se fondant sur les recommandations faites par l’Agence internationale de l’énergie qui considère ce calendrier indispensable pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. La loi d’orientation des mobilités de 2019 a certes prévu une interdiction des véhicules thermiques neufs en 2040 en France. Mais nous notons depuis le vote de cette loi une accélération de la transition vers les motorisations électriques par les constructeurs français et européens, comme l’a rappelé Jean-Baptiste Djebbari lors de son audition par notre commission la semaine passée. Il nous a donc semblé raisonnable de soutenir l’échéance de 2035 proposée par la Commission européenne. La proposition de résolution recommande toutefois d’autoriser à titre dérogatoire la vente de véhicules hybrides rechargeables neufs au-delà de cette date et jusqu’en 2040, à la condition – toutefois – d’encourager largement l’usage de carburants durables par ces véhicules. Nous avons également jugé nécessaire de préciser que la filière automobile devra être accompagnée par le biais d’un soutien à la formation professionnelle, voire à la reconversion des salariés qui pourraient être affectés par cette transition. Nous estimons enfin que les objectifs de déploiement des bornes de recharge proposés par la Commission européenne devront être accrus pour répondre aux besoins de nos concitoyens.

Venons-en maintenant aux mesures relatives au transport aérien. La résolution accueille favorablement les propositions de suppression progressive d’ici 2027 des quotas gratuits et d’exonération de taxation du kérosène dont bénéficie actuellement le transport aérien. Nous soutenons également la proposition d’obligation d’incorporation de biocarburants. Nous avons jugé ces propositions conformes à la volonté législative exprimée par la loi « Climat et résilience », qui a souhaité instaurer une tarification carbone appropriée pour ce secteur, en privilégiant sa mise en place au niveau européen. Toutefois, dans l’éventualité où des risques de fuites de carbone venaient à se réaliser du fait de ces mesures, la proposition de résolution invite la Commission européenne à étudier l’opportunité, à l’avenir, de mesures de protection adéquates et proportionnées, s’appuyant par exemple sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Nous soulignons par ailleurs la nécessité de mesures complémentaires pour accélérer le report modal vers le train, notamment par une évolution de la réglementation européenne permettant d’instaurer un prix minimal de vente des billets d’avion, comme l’avait souhaité Philippe Tabarot dans la loi « Climat et résilience ».

Nous formons également le vœu que les moyens accrus du Fonds d’innovation bénéficient à la recherche et au développement en faveur de la décarbonation du transport aérien, notamment en appui du développement d’une filière d’incorporation de biocarburants.

Il me reste enfin à aborder les problématiques du transport maritime. Là aussi, le regard que nous portons aux propositions de la Commission européenne est globalement favorable, que ce soit au sujet de l’extension du marché carbone au transport maritime, ou de la fin de l’exonération de fiscalité dont le pétrole lourd utilisé dans le transport maritime bénéficie.

Nous souhaitons même que les négociations permettent d’accroître les objectifs de baisse de l’intensité carbone de l’énergie utilisée à bord des navires, proposés par la Commission européenne.

Voici les grandes lignes de la proposition de résolution dont nous débattrons demain, concernant les sujets relevant directement de la compétence de notre commission. Le président Longeot l’a dit : ce texte est le résultat d’un compromis entre trois commissions. Nous avons été particulièrement vigilants au maintien de la cohérence climatique de la résolution.

Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos éventuelles questions.

M. Jean-François Longeot, président. – Je remercie les rapporteurs Denise Saint-Pé et Guillaume Chevrollier pour ces éléments. Je vous rappelle que si ce texte résulte d’un compromis entre nos trois commissions, c’est bien en définitive celle des affaires européennes qui sera formellement habilitée à adopter la proposition de résolution. Je tiens une nouvelle fois à saluer le travail effectué par nos rapporteurs qui, malgré une configuration inhabituelle, ont su trouver un texte équilibré en vue de son examen.

M. Stéphane Demilly. – La présidence française du Conseil de l’Union européenne est une opportunité évidente pour orienter au mieux l’agenda européen en matière environnementale et démontrer la capacité de la France à être une force de proposition en la matière.

Le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » visant à mettre en œuvre la « loi européenne sur le climat » constituera, en quelque sorte, la clé de voûte de la présidence française. En effet, les textes qui en découleront auront un réel impact sur nos concitoyens, nos entreprises, nos moyens de transport, et plus généralement notre économie. Il est donc important que le Sénat puisse faire connaître sa position au travers d’une proposition de résolution européenne, et je salue ici le travail de l’ensemble des commissaires qui ont travaillé sur le sujet.

Certaines des mesures du paquet concernent spécifiquement le domaine des transports, dont le verdissement, nous le savons, sera déterminant dans la lutte contre le changement climatique. Je voudrais revenir sur le nouvel objectif en matière d’utilisation de biocarburants dans le secteur de l’aviation, évoqué par la proposition de résolution. J’estime que les acteurs de ce secteur ont besoin de moyens supplémentaires pour s’engager pleinement dans un processus de transition écologique. L’industrie aéronautique française est un de nos fleurons industriels capables de soutenir cette transition nationale et de s’aligner sur les objectifs du Pacte vert.

Je m’interroge sur la manière dont la présidence française du Conseil de l’Union européenne saura concrètement appuyer le développement des biocarburants dans le secteur des transports. J’imagine que ces éléments feront demain l’objet de nos discussions, à l’occasion de notre réunion commune.

M. Jean Bacci. – Ces travaux nous amènent à constater les efforts considérables qu’il reste à mener en matière de décarbonation, tout secteur confondu.

Je souhaiterais faire deux remarques.

La première porte sur les véhicules électriques. Si ce moyen de transport est propre sur le plan de l’utilisation, il reste pourtant loin de satisfaire le monde rural, qui souffre d’un manque de disponibilité de points de recharge. J’attire également votre attention sur le fait que l’empreinte carbone de la production des batteries est équivalente à celle du véhicule électrique lui-même.

Ma seconde remarque concerne la prise en compte des aléas naturels, en particulier les risques d’incendies, dont le nombre augmente sur notre territoire. À ce sujet, j’aimerais, si vous me le permettez, vous soumettre quelques chiffres pour illustrer mes propos.

Durant l’été 2021, sur le pourtour méditerranéen, ce sont environ 220 000 hectares de forêts qui sont partis en fumée. On sait par ailleurs qu’un hectare de forêt méditerranéenne capte 32 tonnes d’équivalent CO2 (eq. CO2) par an, quand un hectare de forêt brûlé dégage 46 tonnes.

À horizon 2030, l’impact brut des feux de forêts de l’année 2021 est ainsi estimé à 73 millions de tonnes (eq. CO2). Dans l’hypothèse où la catastrophe de 2021 venait à se répéter tous les ans d’ici 2030, ce serait donc plus de 657 millions de tonnes eq. CO2 qui seraient non stockées ou relâchées dans l’atmosphère, un chiffre à comparer à l’objectif de stockage par les puits de carbone de 310 millions de tonnes eq. CO2 d’ici 2030, prévu par la Commission européenne dans ce paquet « Ajustement à l’objectif de 55 ». Voilà, mes chers collègues, de quoi mettre utilement ces chiffres en perspective.

Mme Marta de Cidrac. – Je voudrais également rendre hommage aux rapporteurs de notre commission, qui ont su faire preuve d’une grande ouverture d’esprit eu égard à un certain nombre de points difficiles à arbitrer. Je me félicite d’un travail effectué en bonne collégialité, en vue de notre réunion commune de demain, qui devrait aboutir au vote définitif de cette proposition de résolution.

Je souhaitais plus largement revenir sur une notion motrice de votre travail, à laquelle je suis particulièrement attachée : l’acceptabilité. Comme cela a été évoqué à plusieurs reprises, le champ couvert par les douze propositions du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » est particulièrement large. C’est pourquoi il est important pour nous de nous positionner vis-à-vis de l’ensemble de nos concitoyens qui, ne l’oublions pas, pourraient être lourdement impactés par nos éventuelles propositions. À ce titre, je me réjouis que la notion d’acceptabilité ait été amplement intégrée à la version finale du texte. Nous sommes arrivés sur un certain nombre de sujets à un point d’équilibre, et j’espère que nos collègues commissaires s’exprimeront demain dans le sens du compromis trouvé entre nos trois commissions.

M. Ronan Dantec. – Au vu de la complexité de ce paquet, je voudrais rendre hommage à ce travail, qui constitue un véritable tour de force.

Je souhaite aborder deux points. Le premier concerne la tonalité générale positive du texte, qui reconnaît à quel point les décisions prises par l’Union européenne allaient profondément bouleverser nos économies. Je dois l’avouer, je craignais que nous soyons plus timorés sur ce point, la France n’étant, à mon avis, pas encore suffisamment consciente des implications d’une réduction de 55 % des émissions de CO2 à horizon 2030 par rapport à 1990. Une partie importante de la puissance économique de l’Union sera entièrement orientée vers cette mutation, et je me réjouis que le texte ne remette pas en cause les grands objectifs environnementaux de l’Union européenne, en cohérence avec la position de notre commission lors de l’examen, en 2021, de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. De même, il est heureux que le texte ne revienne pas sur la fin du véhicule thermique en 2035. Le diable se cache dans les virgules : il me faudra prendre le temps de procéder à une lecture attentive du texte. Toutefois, je le répète, la tonalité générale du texte me semble positive.

J’en viens à mon second point. Vous l’avez dit, Monsieur le président, ce texte est le fruit d’un compromis, nourrit des apports des autres commissions concernées. Néanmoins, il me semble important que nous prenions conscience que le nucléaire n’est pas une énergie comme les autres, a fortiori aux yeux d’une partie de l’Union européenne. Comme vous pouvez le constater, un grand nombre de phrases de la proposition de résolution tentent pourtant de placer le nucléaire au même niveau que les énergies renouvelables. Je regrette cet aspect du texte. Permettez-moi de vous dire que si vous êtes un citoyen allemand vivant à proximité d’une centrale nucléaire française, les risques que vous assumez sont tels que le nucléaire ne peut être considéré comme une énergie comme les autres. Les nuages ne s’arrêtent pas aux frontières, vous le savez bien. Cette approche est symptomatique du tabou français visant à ne pas prendre en compte, dans notre propre stratégie, le rapport des autres pays européens à l’énergie nucléaire. Il s’agit en tout cas d’un point auquel le groupe écologiste ne peut adhérer, et il serait irréaliste d’espérer trouver un compromis sur ce sujet d’ici demain.

À mon sens, les biocarburants sont également problématiques, car ils ne seront jamais en capacité de remplacer structurellement les carburants conventionnels fossiles, que ce soit dans les secteurs de l’aérien et du transport maritime. Le texte est illusoire sur ce point : il suffit d’une simple règle de trois entre les besoins de ces secteurs et les capacités de production des biocarburants pour s’en rendre compte. Le passage du texte mentionnant la possibilité de s’appuyer sur toutes les générations de biocarburants est regrettable, si on considère que certaines générations présentent un bilan carbone plus polluant que celui du kérosène. Cette phrase du texte devrait pouvoir être supprimée.

Enfin, je suis convaincu que le système européen d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (SEQE-UE) saura faire émerger un prix de l’aérien suffisamment dissuasif pour encourager le report vers le rail sur des distances moyennes, un développement du rail en faveur duquel notre commission a souvent pris position. S’il est aberrant de prendre l’avion sur de telles distances, il est vrai que la question de l’attractivité des prix du ferroviaire reste un des principaux nœuds du problème.

M. Jean-Claude Anglars. – Je voudrais simplement intervenir sur un point souligné par nos rapporteurs. Les mutations décrites par la proposition de résolution en matière de normes d’émissions des véhicules représentent une véritable révolution.

Ramenées au territoire aveyronnais, ces mutations ont des conséquences sociales importantes. Ce sont, par exemple, 1300 salariés de l’usine d’injecteurs diesel haut de gamme, Bosch, implantée à Rodez, qui se retrouvent sans emploi entre le mois de novembre 2020 et le mois de février 2021. 333 familles sont confrontées au même sort, à la suite de la fermeture de la fonderie automobile « Sam » située à Decazeville. C’est pourquoi je me réjouis du contenu de la proposition de résolution à ce sujet, car l’accompagnement de ces familles par la formation professionnelle s’avère plus que nécessaire.

Mme Angèle Préville. – Je remercie également les rapporteurs pour ce travail accompli sur des sujets particulièrement complexes. Je souhaitais revenir sur la question des biocarburants, et abonder dans le sens des propos de Ronan Dantec. Les biocarburants proviennent de végétaux, leur combustion émet naturellement du CO2 stocké, qui vient s’accumuler au stock important de gaz à effet de serre déjà présent. L’utilisation des biocarburants ne constitue donc pas une solution crédible.

Ma seconde remarque concerne l’extension du champ d’application du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières d’ici 2026, un point sur lequel il est nécessaire d’aller plus vite. C’est notamment le cas pour les textiles, dont l’importation à plus de 90 % menace la compétitivité et donc le développement de ce secteur d’activité en Europe. Il nous faut aller plus vite sur ce point.

M. Jacques Fernique. – Cette proposition de résolution européenne porte des points forts intéressants, et montre que les lignes bougent. Elles bougent en particulier sur la prise en compte des bouleversements industriels qui s’annoncent et sur la nécessité d’éviter que ces mutations ne se traduisent par du désastre social, moyennant un accompagnement en matière de formation et de reconversion professionnelles.

En revanche, le texte pourrait être musclé par l’inscription de la nécessité de reconnaître et d’accompagner le rôle clés des territoires. Ces derniers sont directement concernés par une grande partie des avancées du paquet, en particulier au niveau des bassins de vie et des intercommunalités. Il faudra trouver un moyen de soutenir financièrement les actions territoriales sur le plan climatique. À cet égard, je crois que le fonds de cohésion sociale est un outil pertinent.

M. Olivier Jacquin. – Je remercie nos rapporteurs pour ce travail intéressant. J’en profite également pour signaler la qualité du déplacement d’une délégation de notre commission à Bruxelles, le 10 février dernier, où nous avons pu utilement échanger avec M. Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, en charge du « Pacte vert ». Ce déplacement nous a permis de bénéficier d’une vision sur l’action européenne en la matière.

S’agissant du secteur des transports, il est intéressant de l’intégrer à un marché carbone, dans le respect du principe du pollueur-payeur, en vue de donner un signal prix aux acteurs du secteur. Toutefois, il ne faudrait pas, comme cela a été fait en France, augmenter les taxes sans accompagner en amont les populations devant faire face à l’augmentation du prix du carbone.

Sur la question des carburants alternatifs, je vais aller dans le même sens que mes deux voisins, Ronan Dantec et Angèle Préville. Ayant moi-même travaillé dans le domaine des transports, je suis extrêmement étonné de la persistance du mythe de l’innovation, qui donne l’impression que la rupture technologique sera de nature à nous faire complètement changer de direction. On a pu constater le poids de ce mythe sur différents sujets, en particulier concernant la production d’hydrogène. On sait pourtant que la production d’un kilowattheure d’hydrogène nécessite trois kilowattheures d’énergie. Ainsi, même si cette énergie mobilisée était non fossile, les quantités requises poseraient des problèmes considérables de disponibilité des ressources. Faire ainsi croire que l’on pourra remplacer le pétrole par l’hydrogène est donc illusoire, d’autant que les énergies fossiles ont souvent des utilisations spécifiques et ne sont pas toujours remplaçables par des alternatives évidentes. Ces éléments nous invitent à faire preuve de pragmatisme et de réalisme.

Je souhaiterais compléter le raisonnement de ma collègue Angèle Préville en soulignant les faibles rendements énergétiques des biocarburants : certaines générations présentent un besoin d’intrants conséquent. Il nous faut donc privilégier les biocarburants les plus vertueux.

Concernant le nucléaire, ce sujet me tient particulièrement à cœur, étant moi-même voisin d’une centrale frontalière du Luxembourg. Le changement de doctrine auquel nous assistons est stupéfiant. Je fais référence à un article excellent publié récemment dans le journal Le Monde, montrant que l’énergie nucléaire n’est pas un gage de souveraineté. Les liens de dépendance persistent sur le plan des matières fissiles, à l’image de l’uranium, qui est produit par un petit nombre de pays. Par ailleurs, pour avoir visité, en 2018, les installations de Fukushima dans le cadre d’un déplacement organisé par notre commission, j’ai été particulièrement marqué par la problématique des accidents nucléaires, une réalité que nous avons tendance à oublier au fil du temps.

Étant également voisin de la commune de Bure, je constate un parallèle entre la problématique des déchets ramenée au nucléaire, et celle du carbone ramenée aux énergies fossiles. Nous avons tendance à transmettre aux générations futures des problèmes que nous ne savons pas résoudre. Il en est ainsi des énergies fossiles et du carbone associé à leur combustion, comme du nucléaire et de ses déchets. Quid de ces « poubelles souterraines » radioactives, dont l’avenir est plus qu’incertain ?

M. Jean-François Longeot, président. – Je propose que les rapporteurs apportent des réponses à ces questions, tout en précisant qu’un certain nombre de sujets évoqués ici ne relèvent pas de notre commission, mais de la commission des affaires économiques.

Mme Denise Saint-Pé, rapporteure. – Merci à toutes et tous pour vos observations.

La question du nucléaire et de la production de biocarburants est délicate à traiter. Je note toutefois que ces sujets ne relèvent pas de notre commission, mais de la commission des affaires économiques.

Stéphane Demilly s’est interrogé sur la capacité de la présidence française du Conseil de l’Union européenne à faire avancer le sujet des biocarburants. J’entends les critiques des uns et des autres à ce sujet, mais il me semble que la présidence française sera tout de même l’occasion de présenter les biocarburants comme une solution alternative.

La nécessité de converger vers un objectif général commun implique que nous fassions des concessions en acceptant la part d’imperfection inhérente à toute mesure proposée, du moins durant cette décennie. Je veux vous rassurer, cher collègue, quant au rôle moteur de la présidence française à ce sujet. Tout cela nous invite à l’optimisme.

En réponse à mon collègue, Jean Bacci, j’admets que le recours aux véhicules électriques n’est pas une solution parfaite et nous devons considérer les critiques formulées à l’encontre de cette technologie. Mais elle présente un horizon vers lequel il convient de tendre, car le bilan climatique des véhicules électriques est meilleur que celui des véhicules thermiques.

S’agissant des feux de forêt, ce sujet pourrait faire l’objet d’une proposition qui pourrait être présentée demain, lors de l’examen de la proposition de résolution.

Marta de Cidrac a soulevé, à raison, l’enjeu de l’acceptabilité. C’est bien autour de cette notion que réside la réussite ou l’échec du paquet. Une attention particulière a donc été portée à cette dimension.

Ronan Dantec a émis un certain nombre de réserves, en particulier sur la filière des biocarburants. Celle-ci présente pourtant des espoirs pour des filières françaises, y compris agricoles, et il serait dommage d’exclure d’emblée cette solution alternative. Je souscris toutefois à l’idée que l’on ne pourra pas abandonner le kérosène du jour au lendemain, au profit de la filière des biocarburants. Une étude d’impact complémentaire pourrait être en mesure de nous éclairer sur la pertinence du développement de cette filière.

Je partage le constat dressé par Jean-Claude Anglars : les mutations en cours peuvent avoir de lourdes conséquences sociales sur nos territoires. Notre réflexion commune a d’ailleurs été guidée par la nécessité de prendre en compte l’impact social et l’acceptabilité de la transition en cours dans le secteur de l’automobile. Cette volonté s’est traduite dans notre rédaction par l’accent mis sur la formation professionnelle, voire la reconversion des salariés de ce secteur.

Angèle Préville souhaite que nous allions plus loin sur le champ d’application du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. La proposition de résolution abonde dans ce sens. Je tiens néanmoins à souligner les difficultés techniques du calcul de l’intensité carbone de certains produits manufacturés, pourtant nécessaire pour s’assurer de la conformité du mécanisme aux règles de l’Organisation mondiale du commerce. Guidés par un principe de prudence et de réalité, nous avons constaté qu’en l’état, nous ne pouvions compter sur une détermination pertinente de l’intensité carbone pour un certain nombre de produits importés.

Jacques Fernique a raison de rappeler la nécessité de reconnaître le rôle des territoires dans cette transition. Ces derniers sont en attente de compensations financières pour accompagner leurs actions. En parallèle, ces mêmes territoires ont besoin que soit fixé un cadre de politique globale, capable de les faire tendre vers l’atteinte de nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

J’entends également les observations avancées par Olivier Jacquin s’agissant de l’importance du principe du pollueur-payeur.

Quant aux réserves exprimées sur les biocarburants, j’estime que nous pouvons raisonnablement faire confiance aux perspectives d’innovation dans ce domaine, qu’il conviendra d’accompagner financièrement.

Enfin, nous pourrions éventuellement réserver l’hydrogène à certains secteurs d’activité, du moins dans un premier temps.

M. Olivier Jacquin. – Il serait opportun de disposer d’une étude d’impact sur les rendements énergétiques des différents types de biocarburants.

Quant au principe du pollueur-payeur, Madame la rapporteure, il devrait renchérir le prix des produits polluants, justifiant l’accompagnement par le Fonds social proposé par la Commission européenne. Je note toutefois que ce Fonds ne sera alimenté que par 25 % des recettes du nouveau marché carbone sur le transport routier et le bâtiment.

M. Pierre Médevielle. – Je voudrais moi aussi intervenir au sujet des biocarburants. Je me suis récemment rendu dans les locaux d’Airbus, à Toulouse, où j’ai pu échanger sur la question de la décarbonation de l’aviation, en évoquant les solutions à venir et les pistes en cours d’exploration. La direction de ce fleuron de l’industrie européenne m’a indiqué que des vols d’essai d’avions à hydrogène allaient avoir lieu dans deux ans, pour une opérationnalité prévue en 2030. En revanche, le stockage de l’hydrogène étant plus volumineux que celui du kérosène, les biocarburants devraient être privilégiés pour les gros porteurs, de type A350 ou A321, ayant une capacité de plus de 250 passagers. Des solutions hybrides seront toutefois envisagées pour de plus petits avions.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. – Je vous remercie toutes et tous pour vos nombreuses interventions, qui montrent tout l’intérêt que porte notre commission à ce paquet « Ajustement à l’objectif 55 ».

Je note que la plupart des critiques ne relèvent finalement pas de la compétence de notre commission, mais plutôt de celles des affaires économiques, en particulier sur le volet énergétique, et notamment sur le nucléaire.

Ma collègue rapporteure a clairement précisé notre position sur biocarburants : ils ne constituent pas la solution, mais bien une solution parmi d’autres.

Le sujet de fond est bien celui de la décarbonation de nos économies, un sujet majeur qui anime d’ores et déjà le monde économique. Notre moyen d’action, c’est avant tout celui de porter politiquement la voix des territoires, pour que les entreprises, les collectivités territoriales et l’ensemble des acteurs concernés s’orientent dans cette même direction de décarbonation. C’est donc bien ce message politique fort que nous autres, élus représentant des territoires, devons porter. Cette résolution est également l’occasion de faire preuve de pédagogie. S’agissant de la critique sur les véhicules électriques, nous notons qu’en termes de cycle de vie, leur impact carbone reste plus satisfaisant que celui des véhicules thermiques.

Il est également important de relever la force d’un message en faveur de la conciliation entre la préservation de l’environnement et le développement économique. Cette proposition de résolution européenne est animée par l’objectif de transition vers une économie décarbonée, et non vers la décroissance. La création de richesses doit pouvoir assurer la préservation de l’environnement ainsi que l’accompagnement social de la transition, moyennant une aide à la transition professionnelle par les régions et les collectivités territoriales. Il est donc fondamental qu’à l’occasion d’un débat souvent traversé par un sentiment d’éco-anxiété, le Sénat puisse porter un message positif, et apporter des solutions concrètes.

M. Didier Mandelli. – Concernant l’organisation de notre réunion commune prévue demain, je ne souhaiterais pas que nous mettions en difficulté nos rapporteurs, dans la mesure où le texte qui nous est proposé est le fruit de discussions et de négociations déjà actées par l’ensemble des acteurs. Sauf erreur de ma part, le rendez-vous de demain n’est pas censé déboucher sur une nouvelle mouture du texte.

M. Jean-François Longeot, président. – Pour abonder dans le sens de Didier Mandelli : l’objet de la présente réunion est bien de discuter les différents éléments du texte en amont de la réunion de demain, pendant laquelle nous ne disposerons pas d’autant de temps.

M. Ronan Dantec. – Je me permets de rebondir sur les propos de Didier Mandelli. Il est vrai que le compromis trouvé est difficilement modifiable. Cela dit, certains points restent difficilement acceptables pour certains d’entre nous, et chercher obstinément un large consensus n’aurait pas de sens. C’est pourquoi le groupe écologiste s’abstiendra sur ce texte.

Par ailleurs, des éléments du texte méritent d’être améliorés, je pense par exemple à la stratégie territoriale pour accompagner le paquet ou encore à la place du fonds de cohésion, évoqués par mon collègue Jacques Fernique. Un consensus sur ces différents points permettrait certainement d’améliorer la qualité de ce texte.

J’insiste une nouvelle fois sur un point important : le passage du texte concernant l’ensemble des générations de biocarburants devrait pouvoir être retiré, d’autant qu’il fragilise votre propre discours. L’abstention du groupe écologiste ne m’empêche pas de saluer tout le travail mené par nos rapporteurs et l’équilibre général de cette résolution.

M. Jean-François Longeot, président. – Je vous remercie pour vos interventions.

Audition de représentants des administrations centrales de l’État sur la présence de nitrates d’ammonium dans les ports

M. Jean-François Longeot. – Je suis heureux de vous retrouver pour cette dernière étape de notre cycle d’auditions sur la prévention des risques liés aux ammonitrates dans les ports. À la suite de l’explosion qui a dévasté la ville de Beyrouth le 4 août 2020, le Gouvernement a chargé le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGE) de diligenter une mission commune sur la prévention des risques liés à la présence d’ammonitrates dans les ports fluviaux et maritimes.

Le rapport, publié en mai 2021, conclut que si le transit de matières dangereuses fait l’objet d’un encadrement clair et de contrôles réguliers dans les ports maritimes, la situation diffère dans les ports fluviaux, dans lesquels, je cite le rapport, « le partage des responsabilités est plus incertain », y compris s’agissant des ammonitrates à haut dosage qui présentent les risques les plus élevés s’ils sont stockés dans de mauvaises conditions ou pris dans un incendie.

Compétente en matière de transports et de prévention des risques, notre commission a décidé d’examiner ce sujet de près : notre objectif est donc de dresser un état des lieux de la prévention des risques liés aux ammonitrates à haut dosage dans notre pays, que ce soit au stade du transport ou du stockage afin, si nécessaire, d’envisager un renforcement de notre réglementation.

Nos travaux ont débuté en décembre dernier. Nous avons entendu les auteurs du rapport CGEDD-CGE ainsi que des représentants des acteurs économiques intervenant à divers stades de la chaîne d’approvisionnement (industrie chimique, fabricants d’engrais et coopératives agricoles) ainsi que Voies navigables de France (VNF).

Afin de confronter la matière issue des auditions à la réalité du terrain, une délégation de notre commission s’est rendue dans le département de la Seine-Maritime, plus précisément au port fluvial de Saint-Aubin-lès-Elbeuf et sur le site de l’usine Borealis, qui constitue le plus grand site de production d’ammonitrates en France.

Un autre déplacement est prévu au mois de mars, dans le Grand Est, afin de nous rendre notamment dans les ports fluviaux de Metz et de Neuves-Maisons. Un appel à candidatures à cet effet sera lancé prochainement.

Pour poursuivre nos travaux sur ce sujet, nous avons le plaisir de recevoir ce matin trois représentants des administrations centrales concernées à titre principal par ce sujet : Madame Murielle Bouldouyre, chef du bureau des affaires fluviales, Monsieur Nicolas Trift, sous-directeur des ports et transports fluviaux et Monsieur Philippe Merle, chef de service des risques technologiques.

Avant de céder la parole à mes collègues et afin de lancer nos échanges, je souhaite vous interroger sur trois points : premièrement, comment jugez-vous le niveau de protection globale en France s’agissant des ammonitrates à haut dosage, que ce soit au stade de leur transport ou de leur stockage ?

Deuxièmement, certains critiquent la méthodologie du rapport du CGEDD, indiquant que les acteurs concernés n’auraient pas été suffisamment entendus et que certains constats seraient trop « alarmistes » : partagez-vous cette impression ? Globalement, quelle est votre appréciation sur les conclusions de ce rapport ?

Enfin, quelles suites avez-vous déjà données à ce rapport ? Outre le projet de décret sur les seuils de déclaration des sites de stockage et l’arrêté qui vient d’être publié sur les conditions de stockage du nitrate d’ammonium dans les ports maritimes, des mesures complémentaires sont-elles en cours de préparation ?

M. Philippe Merle, chef du service des risques technologiques au ministère de la transition écologique. – Je commencerai par répondre au nom de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR). Comme vous venez de l’indiquer, Monsieur le Président, la question du transport, et particulièrement celle du transport maritime et des opérations annexes, n’est qu’une partie de la question. Je vais donc commencer par quelques propos plus généraux.

Vous le savez, les produits à base de nitrate d’ammonium comprennent les explosifs – comme à Beyrouth – et les engrais, qui ont subi une opération de « prilling », autrement dit d’enrobage ou de grelonage, visant à limiter les surfaces d’échange. Quand on cherche une propriété explosive, il faut que l’ammonitrate soit comme une sorte d’éponge. Quand on cherche une propriété fertilisante, il faut au contraire limiter les surfaces d’échange entre le nitrate d’ammonium et des éléments extérieurs.

Lorsque cette opération se passe mal, elle produit des éléments « déclassés » et nous renvoie à l’accident d’AZF. Lorsque cette opération se passe bien, cela conduit d’abord à produire de l’ammonitrate haut dosage.

Si l’on souhaite obtenir un moyen dosage, qui présente des risques nettement inférieurs, il faut le mélanger. Cela entraîne une opération supplémentaire et il faut davantage d’ammonitrates pour obtenir la même quantité d’azote.

Autrement dit, il est tout à fait logique que l’intérêt des producteurs d’ammonitrates soit de vendre du haut dosage dans les pays qui le permettent, dont la France, sachant que les producteurs sont essentiellement constitués d’un duopole norvégien et autrichien.

Le principal risque des ammonitrates, concernant les engrais non déclassés, est l’incendie, car ces produits n’explosent pas à température ambiante. En revanche, en cas d’incendie et quand il y a un apport de combustible pour une raison x ou y on se retrouve dans une situation où une détonation peut se produire, détonation qui est d’ailleurs tout à fait spectaculaire. Citons par exemple l’accident d’Oppau en Allemagne en 1921 – 560 morts – ou celui survenu sur des navires à Texas City en 1947, qui a entraîné 580 morts, ainsi que l’accident qui a eu lieu à Brest la même année, ou encore celui de Saint-Romain-En-Jarez en 2003 pour 10 tonnes de matière, qui a occasionné 9 morts.

En France, l’ammonitrate à haut dosage est majoritaire et représente environ 60 % de la consommation contre environ 40 % pour le moyen dosage, ce qui est assez atypique.

On trouve ces produits dans les ports maritimes. Compte tenu de l’évolution des connaissances techniques récapitulées dans un rapport de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), nous avons fait évoluer les règles sur le dépôt à terre, qui est une opération de déchargement exceptionnelle.

En principe, le déchargement s’effectue dans un cadre régi par le droit international et doit être direct, c’est-à-dire qu’il doit être effectué du navire vers un autre moyen de transport.

Il peut toutefois arriver, exceptionnellement et dans des conditions encadrées, que nous soyons contraints de faire un dépôt à terre. Dans les ports maritimes, le dépôt à terre en vrac est interdit. En cas d’incendie, il est plus difficile de déplacer le chargement que s’il se trouve dans des big bags.

Pour les dépôts à terre, la réglementation impose un dépôt en big bags, avec des îlots d’une quantité limitée et des espacements minimum. Les règles régissant ces îlots ont été fortement durcies par l’arrêté publié cette semaine au Journal officiel sur la base du rapport de l’Ineris que je mentionnais.

Voilà pour les ports maritimes.

La mission du CGEDD et du CGE a toutefois constaté qu’il pouvait exister un contournement de cette règle d’interdiction du dépôt à terre en vrac et de limitation stricte du dépôt à terre en big bags dans des ports fluviaux, notamment situés à proximité immédiate de ports maritimes. Nous avons engagé des travaux interministériels et avec la profession, afin de parvenir à des dispositions similaires à celles des ports maritimes, dans le cadre d’un règlement des ports fluviaux qui serait l’homologue des règlements des ports maritimes et qui donnerait lieu à des règlements locaux, comme c’est le cas aujourd’hui pour chaque port maritime. Les travaux et consultations nécessaires vont débuter très prochainement.

Voilà pour le transport et les opérations connexes.

En ce qui concerne les lieux de stockage, le régime en vigueur est celui de l’autorisation, qui correspond à des dangers et des inconvénients graves, à partir, seulement, de 1 250 tonnes. Le régime de déclaration s’impose, pour les ammonitrates à haut dosage, à partir de 500 tonnes, vrac et big bags compris ; le seuil de déclaration pour le vrac seul est quant à lui fixé à 250 tonnes.

À la suite à l’accident Saint-Romain-En-Jarez que j’évoquais tout à l’heure, le Conseil supérieur des installations classées, ancêtre du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) avait préconisé de descendre le seuil de déclaration en vrac à 100 tonnes et le seuil d’autorisation à 500 tonnes.

À ce stade, le projet de décret, soumis à la consultation du public, concerne uniquement le seuil de déclaration et viserait à ramener ces seuils de 500 tonnes et 250 tonnes à 150 tonnes. Vous n’ignorez pas que les professionnels et producteurs considèrent que cela pose un certain nombre de difficultés.

Pour terminer mon propos liminaire, je rappellerai que le choix de la France consiste à encadrer plus fortement les substances les plus dangereuses, c’est-à-dire le haut dosage et plus particulièrement en vrac. D’autres pays, en Europe et en dehors, ont choisi d’interdire les ammonitrates haut dosage et/ou le haut dosage en vrac ou de mettre en place des conditions extrêmement draconiennes.

Toutefois, ce choix est compliqué à mettre en œuvre et il est nécessaire de prévoir une période transitoire. En effet, la répartition du haut et du moyen dosage n’est pas homogène sur le territoire et il est, par exemple, beaucoup plus aisé de trouver du haut dosage que du moyen dosage dans le sud de la France. Une interdiction du jour au lendemain ne permettrait donc pas d’assurer la continuité de la production agricole. C’est une autre voie possible, mais ce n’est pas celle que nous suivons. À ce stade, nous avons choisi de renforcer l’encadrement sur les stockages. Pour les ports maritimes, c’est fait. Pour les ports fluviaux, c’est en cours.

M. Nicolas Trift, sous-directeur des ports et du transport fluvial - Ministère de la transition écologique - Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer. – S’agissant des ports maritimes, nous rejoignons les conclusions du rapport inter-inspections : le transit des matières dangereuses, notamment des ammonitrates, est encadré à la fois par un règlement national et des règlements locaux, qui adaptent le règlement national aux configurations portuaires particulières et qui font l’objet de contrôles par les capitaineries des ports, qui sont tenues par des agents de l’État, des officiers de port. La mission inter-inspections a ainsi considéré que les risques concernant les ports maritimes sont maîtrisés.

Concernant le transport fluvial, vous l’avez souligné, la mission émet quelques recommandations, sur la base des constats qu’elle a faits.

Le transport de matières dangereuses par voie fluviale est régi par la réglementation internationale et nationale, qui porte sur les bateaux, les équipements et la qualification des personnels.

Mme Muriel Bouldouyre, cheffe du bureau des voies navigables au ministère de la transition écologique. – Le transport fluvial de matières dangereuses obéit à une réglementation extrêmement précise et engageante, imposant la détention d’un certificat « ADN », en vertu d’un accord européen relatif au transport intérieur de matières dangereuses, qui doit être renouvelé tous les 5 ans.

Un contrôle étroit est opéré par l’administration en France, notamment par les services en charge de la sécurité de la navigation intérieure des directions départementales des territoires (DDT). La profession est très encadrée et soumise à des exigences de sécurité et de conformité technique des bateaux qui sont extrêmement précises et très contrôlées.

M. Jean-François Longeot. – Je cède la parole à nos trois rapporteurs.

M. Pascal Martin. – Merci pour les éléments dont vous venez de nous faire part, qui prolongent les échanges que nous avons eus ces dernières semaines. Je souhaiterais vous poser plusieurs questions, qui s’adressent plutôt à M. Merle.

La recommandation n° 7 du rapport CGEDD-CGE préconise que la DGPR et les DREAL privilégient les ICPE soumises à déclaration stockant des ammonitrates à haut dosage dans le cadre de l’action nationale 2021. Cela a-t-il bien été mis en œuvre en 2021 ? Combien de contrôles et de visites d’inspection ont eu lieu en 2021 ? Des sites relevant du régime de la déclaration ont-ils été contrôlés ? Quelles situations avez-vous observées ?

Concernant la prévention des risques dans les installations de stockage, vous avez fait allusion à la consultation publique sur un projet de décret proposant d’abaisser à 150 tonnes (au lieu de 250 tonnes pour le vrac et 500 tonnes pour les big bags) le seuil de déclaration des installations de stockage d’ammonitrates à haut dosage.

Cela suscite des réactions assez vives, notamment de la part des exploitants agricoles, qui avancent des critiques de deux ordres. Premièrement, ils indiquent que cet abaissement de seuil, en contraignant l’utilisation des ammonitrates à haut dosage, risque d’inciter les agriculteurs à privilégier le moyen dosage, ce qui poserait selon certains acteurs plusieurs difficultés. D’une part, une telle évolution fragiliserait la souveraineté alimentaire de la France, puisque les ammonitrates à moyen dosage sont en grande partie importés. D’autre part, cela induirait une hausse des quantités de produits mises sur les routes et donc, des émissions polluantes, puisque les agriculteurs devront utiliser davantage d’engrais pour conserver les mêmes rendements.

Deuxièmement, certains acteurs estiment que l’abaissement du seuil de déclaration pour le haut dosage conduirait à davantage concentrer les stockages d’ammonitrates dans certains sites, ce qui aurait pour effet d’augmenter les risques localement.

Selon vous, ces inquiétudes sont-elles fondées ? Une étude d’impact environnementale et économique a-t-elle été réalisée dans le cadre de la rédaction de ces projets de textes ? Enfin, pourquoi avoir choisi d’abaisser le seuil de déclaration à la fois pour le vrac et le big bag alors que ces derniers présentent moins de risques, comme vous l’avez rappelé vous-même ? Ne pensez-vous pas qu’il serait plus judicieux de renforcer uniquement la réglementation relative aux ammonitrates à haut dosage utilisés en vrac afin d’inciter les exploitants agricoles à privilégier les produits conditionnés ?

Enfin, vous avez évoqué votre volonté de rapprocher les régimes en vigueur dans les ports maritimes et dans les ports fluviaux et je salue cette initiative, car il semble en effet que la réglementation dans les ports fluviaux soit insuffisante.

M. Philippe Tabarot. – En complément des questions posées par mon collègue et sur la base des échanges que nous avons déjà eus sur le terrain, j’aimerais vous poser des questions sur le fluvial, sur le maritime et sur le ferroviaire.

En prenant connaissance du premier arrêté du 7 février 2022 qui s’applique aux ports maritimes, il me semble que paradoxalement vous n’ayez pas commencé par traiter les problèmes là où ils sont les plus importants !

De même, le projet de décret et le projet d’arrêté évoqués, dont la consultation s’est achevée il y a une semaine, concernent les stockages agricoles.

Ma première question est donc la suivante : quid des ports fluviaux ? Travaillez-vous à une réglementation pour les ports fluviaux ? C’est notre principale inquiétude, Pascal Martin vous l’a très justement rappelée.

Concernant les ports maritimes, le rapport inter-inspections formule deux recommandations intéressantes : charger la DGITM et à la DGPR d’assurer un pilotage des capitaineries au niveau national, au moyen de réunions régulières, d’appui et de conseils ou encore de formations et de partage d’expérience, afin d’augmenter leur efficacité et développer un système de gestion des matières dangereuses unique pour tous les ports maritimes, au-delà des grands ports maritimes (GPM) permettant une consolidation des données au niveau national.

Quel regard portez-vous sur ces propositions et allez-vous concrètement les mettre en œuvre ? Serait-il opportun d’étendre ce système de gestion unique à l’ensemble des ports fluviaux également ?

S’agissant du transport fluvial, le rapport inter-inspections souligne des écarts d’organisation entre les ports fluviaux et maritimes en ce qui concerne la gestion des matières dangereuses (absence de capitainerie et d’autorité chargée de la police portuaire ou des matières dangereuses notamment). Des évolutions réglementaires ou législatives vous sembleraient-elles pertinentes pour rendre plus robuste l’organisation des ports fluviaux sur ce point ?

J’en viens à ma question sur le ferroviaire, qui concerne une situation particulière. Lors d’une précédente audition sur ce sujet, notre collègue le sénateur Gilbert-Luc Devinaz, a porté à notre connaissance le cas d’une gare de triage dans le Rhône dans laquelle des matières dangereuses transitent et stationnent parfois de manière prolongée.

Ces gares deviennent de facto des espaces de stockage, sans que la législation nationale ne s’applique puisqu’elles sont soumises à la réglementation internationale sur le transport ferroviaire.

En revanche, les installations industrielles avoisinantes sont soumises à la directive « Seveso ». Cette situation est préoccupante à deux titres : d’une part, elle peut conduire à des contournements de la réglementation Seveso et, d’autre part, elle induit une différence de niveau de protection entre les riverains, selon le lieu où ils vivent. Avez-vous eu vent de cette situation ? Pouvez-vous nous confirmer cette situation ? Avez-vous connaissance d’autres cas de figure similaires sur le territoire ?

Est-ce que la réglementation internationale fait « écran » à l’obligation, prévue par l’article 6 de la loi de 2003 sur les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) de réaliser une étude de danger pour l’infrastructure concernée dans le Rhône ?

Mme Martine Filleul. – Je souhaiterais que vous précisiez vos réflexions sur deux sujets : le transport d’ammonitrates en vrac et le transport fluvial, en complément des interventions de mes collègues rapporteurs.

La recommandation n° 8 du rapport inter-inspections vise à mieux réglementer le transport d’ammonitrates en vrac, à haut dosage non conditionnés, comme le prévoit le règlement 2019-1009 qui s’appliquera à compter du 16 juillet 2022. Prévoyez-vous des évolutions réglementaires d’ici le mois de juillet pour nous mettre en conformité avec ces nouvelles règles ?

Cette recommandation préconise également l’interdiction du chargement et du déchargement d’ammonitrates à haut dosage en vrac dans les ports fluviaux : avez-vous prévu, et si oui comment, de mettre cette proposition en application ?

Concernant le transport fluvial, le code des transports prévoit une obligation d’annonce lors du passage d’un bateau transportant des matières dangereuses sur une voie fluviale, mais celle-ci n’est pas transposée dans l’ensemble des règlements de navigation qui s’appliquent dans nos différents bassins fluviaux. Que pensez-vous de l’idée d’imposer cette transposition dans tous les règlements de navigation intérieure ?

Ensuite, le rapport inter-inspections préconise l’élaboration d’un règlement de transport et de manutention des matières dangereuses transportées par voie fluviale, qui serait le pendant du règlement applicable dans les ports maritimes. Il propose aussi que ce règlement soit décliné localement dans les règlements de police de navigation intérieure (RPPNI) par VNF et d’identifier les lieux de déchargement de matières dangereuses. Que pensez-vous de cette proposition ? Pensez-vous enfin que VNF devrait avoir un rôle plus important dans le suivi du trafic des matières dangereuses par voie fluviale ?

M. Philippe Merle. – L’action nationale 2021 a conduit à contrôler 246 installations, principalement pour vérifier le respect des conditions de stockage. 170 de ces installations relevaient des règles de placement ICPE dont 125 étaient soumises au régime de la déclaration. Sur ces 125 contrôles, nous avons malheureusement recensé plus 550 non-conformités qui ont conduit à 38 arrêtés de mise en demeure. Nous avons donc plus de 20 % d’installations qui présentent de véritables problématiques de non-conformité, ce qui représente une proportion importante. 34 % des non-conformités portaient sur l’obligation de tenue d’un état des stocks et la localisation des engrais, qui sont des sujets essentiels en cas d’incendie car il est nécessaire de savoir où se situent les stocks pour pouvoir les protéger. S’agissant de l’éloignement des stockages des matériaux combustibles, nous avons constaté 40 % de non-conformités, de même que sur le respect de la distance d’éloignement entre les engrais. Enfin, la non-réalisation des contrôles périodiques est apparue dans des proportions légèrement supérieures à ce qui est habituellement constaté. Il existe donc une vraie problématique de respect de la réglementation sur ces sites soumis à déclaration.

En ce qui concerne le haut et le moyen dosage, la différence d’un point de vue environnemental et agronomique n’est pas majeure et l’urée pose davantage de problèmes environnementaux. Déplacer le curseur du haut dosage vers l’urée poserait des difficultés à ce titre, mais déplacer le curseur vers le moyen dosage ne nous paraît pas primordial, au regard des enjeux de sécurité, voire de sûreté posés par le haut dosage qui ont conduit de nombreux pays à réglementer plus strictement, voire interdire le haut dosage. Cela entraînerait effectivement probablement un accroissement du trafic routier, mais le débat à ce sujet fait ressortir des positions contrastées. La consultation publique sur le projet de décret a donné lieu à une cinquantaine de commentaires, se regroupant en quatre catégories. Outre l’opposition frontale, qui est habituelle dans ce type de consultation, la première série d’arguments concerne l’absence d’étude d’impact. Nous avons eu beaucoup de rencontres avec des professionnels et nous leur avons demandé, de façon régulière, de nous fournir des informations afin d’évaluer où positionner le curseur pour être les plus efficients possible, mais, à part une réponse récente affirmant que la réforme allait conduire à fermer 40 % des sites, nous n’avons jamais obtenu les informations demandées pour étayer nos travaux. Quelques informations d’ordre économique nous ont été données sous le sceau d’une totale confidentialité, je vous invite donc à vous tourner directement vers les producteurs en question. Sur l’étude d’impact, nous avons fait ce que l’on pouvait avec ce dont on disposait.

Un autre argument portait sur l’inclusion des engrais mélangés avec du sulfate, mais cette question peut s’analyser de façon précise, afin de définir un abaissement de seuil qui ne concerne que les ammonitrates.

Enfin, le dernier argument porte sur la non-différenciation entre vrac et non-vrac, sachant que le Gouvernement nous a demandé de travailler sur un seuil à 150 tonnes pour les deux. Je rappelle qu’en 2005, à la suite de l’accident de Saint-Romain-En-Jarez qui a fait 9 morts, le Conseil supérieur des installations classées avait préconisé un seuil à 100 tonnes pour ce qui concerne le vrac. Si, à la fin des discussions, nous arrivons à moins de 150 tonnes pour le vrac et un peu plus de 150 tonnes sur le big bag, l’objectif est également atteint : cela envoie le signal que le haut dosage est un problème et encore davantage que le stockage en vrac est un problème.

Philippe Tabarot considérait que nous n’avions pas commencé par le plus impactant. Effectivement, nous avons peut-être commencé par le plus facile. Nous avions en effet l’occasion de modifier le règlement port maritime et nous avons fait ce qu’il fallait sur une problématique technique concernant la taille des îlots et la distance entre eux. En revanche, nous n’avons pas de matrice réglementaire concernant les ports fluviaux, mais elle est en cours de constitution. Les groupes de travail vont s’engager avec les professionnels dans les prochaines semaines, pour élaborer des règlements fluviaux déclinés par des règlements locaux. Je rappelle à ce sujet que la réglementation internationale sur le transport ne permet pas d’interdire le chargement/déchargement dans les ports maritimes, mais que nous pouvons encadrer ces opérations en fixant des lieux pour leur conduite. Nous pouvons en revanche interdire ou encadrer plus fortement le dépôt à terre, qui doit rester une exception justifiée, à défaut de pouvoir faire autrement, et soumise à des conditions sécurisées, avec des îlots plus écartés et de taille inférieure. Je rappelle que dans les ports maritimes, le dépôt en vrac est interdit. La même idée sera reprise pour les ports fluviaux. Cependant les ports fluviaux ne sont pas ma principale source d’inquiétude, elle porte plutôt les sites de stockage, que ce soit sous le régime de la déclaration ou de l’autorisation.

S’agissant de l’espace de stockage dans le Rhône évoqué par Philippe Tabarot, le code de l’environnement requiert effectivement une étude de danger au-dessus de certains seuils pour des infrastructures de transport de matières dangereuses. Rappelons toutefois que les réglementations du transport et du stockage sont fondamentalement différentes, y compris au niveau européen, et que les aspects annexes aux opérations de transport ne rentrent pas dans le cadre de la directive Seveso. À notre connaissance, l’obligation française de faire une étude de danger porte sur des seuils qui sont au-delà de ce qui se passe dans le Rhône. La DREAL Rhône-Alpes est informée du sujet, c’est à ce stade sa conclusion et les discussions se poursuivent pour s’assurer que nous ne sommes effectivement en dehors du champ d’application de ces dispositions du code de l’environnement même si tout n’est pas forcément satisfaisant. À ce stade, ce sont les informations dont je dispose sur ce sujet, que nous avons identifié.

Enfin, s’agissant du règlement qui entrera en vigueur le 16 juillet prochain, à notre sens, il fonctionne déjà avec la réglementation française actuelle des transports et matières dangereuses.

Quant au cas particulier des ports fluviaux, vous l’aurez compris, nous cherchons à nous aligner sur les ports maritimes s’agissant des matières dangereuses.

M. Nicolas Trift. – Concernant les ports maritimes, vous avez signalé une nécessité de meilleure information des services locaux et notamment des capitaineries qui sont en charge de contrôler les déclarations faites par les armateurs lorsqu’ils transportent des matières dangereuses. Nous n’avons pas attendu le rapport pour ce faire et animons déjà des groupes de travail. Nous allons, à la suite du rapport du CGEDD et de votre proposition, renforcer ce travail afin de systématiser ces réunions au niveau national, en lien avec la Direction Générale de la Prévention des Risques et avec les responsables des capitaineries, de façon à faire remonter des situations particulières et à mieux informer les acteurs locaux sur les évolutions de la réglementation du transport de matières dangereuses.

S’agissant du suivi du transit des matières dangereuses, vous avez probablement raison de pointer une méconnaissance assez forte. Tel est l’objet du travail que nous allons engager avec la DGCCRF qui elle aussi dispose d’informations sur le trafic de matières dangereuses, afin de mieux suivre dans les ports maritimes et surtout dans le transport par voie fluviale le trafic de ces matières. Parmi les pistes de travail figure l’introduction d’une obligation d’annonce de transport de matières dangereuses. L’opérateur VNF prendrait en charge ce suivi et la diffusion de cette information aux administrations concernées.

Mme Muriel Bouldouyre. – Je vous informe que le groupe de travail évoqué précédemment se réunira le 1er mars avec l’ensemble des acteurs de la voie d’eau (VNF, Compagnie nationale du Rhône, association française des ports intérieurs ainsi que des ports, dont HAROPA) et des représentants de la filière des engrais, afin d’explorer l’ensemble des pistes de travail à l’œuvre. L’objectif est très clair : tirer le bénéfice des conclusions du rapport du CGEDD, afin de compléter utilement l’arrêté du 29 mai 2009 relatif au transport de marchandises dangereuses par voie terrestre, notamment sur les conditions techniques des opérations de chargement-déchargement, de transbordement et d’avitaillement, et faire en sorte que les lieux pour conduire ces opérations soient conformes aux dispositions de l’annexe. Nous entendons également faire en sorte que les différents règlements de navigation intérieure puissent être clarifiés au plan local, sachant que ces règlements de police sont sous la responsabilité des préfets. L’ensemble des acteurs étant fortement motivé, je pense que nous parviendrons rapidement à un consensus large. La question n’est donc pas de savoir si les recommandations seront appliquées, mais comment.

M. Nicolas Trift. – Je vais consulter les personnes en charge du ferroviaire afin d’apporter une réponse à la situation évoquée par Philippe Tabarot.

M. Hervé Gillé. – Plus la logistique est complexe, plus le risque est élevé, ce qui souligne l’intérêt de produire l’ammonitrate au plus près des zones de production agricole. Avons-nous une estimation de la production d’ammonitrate en France, au regard de son utilisation ? Y aurait-il un intérêt, pour limiter la logistique, de pouvoir produire davantage en France, au plus près de l’utilisation de ces matières ?

M. Jean-Claude Anglars. – Je n’ai pas compris la réponse concernant l’abaissement du seuil à 150 tonnes. Pourquoi cela a-t-il été décidé à part pour gêner les agriculteurs ? Je ne comprends pas bien les fondements de cette décision. En outre, les organisations professionnelles mettent en avant les coûts engendrés et demandent une étude d’impact en amont.

Mme Martine Filleul. – Je voudrais revenir sur le rôle qui pourrait être confié à VNF dans le transport de matières dangereuses par voie fluviale. Vous parlez d’une obligation de porter à sa connaissance des informations sur les matières transportées, mais ne devriez-vous pas accorder à cet acteur plus d’importance sur la partie contrôle ?

M. Philippe Merle. – Il est assez difficile d’avoir des chiffres sur l’import-export, mais il semble que le marché français serait à peu près équilibré, avec légère dominante de l’import. Si nous voulons fabriquer davantage de moyen dosage que de haut dosage en France, ce qui impliquera des coûts de fabrication supérieurs, il faudra investir dans les installations en question, qui sont vieillissantes pour l’essentiel et, pour certaines, sujettes à des non-conformités récurrentes. Il y a un sujet d’investissement industriel pour disposer d’installations capables de fabriquer du moyen dosage en France, mais cela n’est pas insurmontable. Si on raisonne à l’échelle européenne, fabriquer du moyen dosage ne pose pas de difficulté car le haut dosage est quasiment inexistant en Allemagne, en Belgique, au Royaume-Uni, en Autriche, aux Pays-Bas, en Irlande, au Danemark et en Suède.

Par ailleurs, s’agissant du projet de décret proposant d’abaisser les seuils de déclaration, je ne crois pas que la volonté soit de gêner les agriculteurs. Il s’agit à mon sens de prendre une initiative législative visant à envoyer un message clair sur le refus des hauts dosages ou, autre option, à décourager le recours au haut dosage par rapport au moyen dosage, en insistant sur la nécessité de prendre plus de précautions. Tel est l’objectif du projet de décret qui abaisse à 150 tonnes le seuil de tous les modes de stockage, même s’il pourrait être tout aussi pertinent de parvenir à des seuils différenciés entre vrac et non-vrac. Nous n’avons pas eu les éléments demandés aux professionnels pour estimer plus finement les impacts, si ce n’est quelques chiffres sous couvert de la confidentialité que vous pourrez leur demander. Effectivement, on pilote un peu à l’aveugle. Sur le fait d’envoyer un signal selon lequel le haut dosage est plus dangereux que le moyen dosage et nécessite d’investir dans des conditions de sécurité plus fortes, le signal est bien reçu si l’on en juge par les réactions lors de la consultation.

M. Nicolas Trift. – Je pense qu’il nous faut distinguer l’information du contrôle. L’information peut être recueillie par VNF, mais le contrôle est déjà assuré par les forces de l’ordre (police et gendarmerie fluviales) et les services instructeurs des directions départementales des territoires, qui vérifient la validité des certificats de déclaration de transport de matières dangereuses, en lien avec le constat ou pas du transport de matières dangereuses. Nous pourrons néanmoins évoquer la possibilité de renforcer les pouvoirs de police de la navigation fluviale de VNF, cette discussion pourrait être ouverte.

M. Jean-François Longeot, président. – Je vous remercie.

Ce point de l’ordre du jour a fait l’objet d’une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Communication

M. Philippe Tabarot. – Je souhaitais vous faire part de notre intention commune, avec plusieurs de nos collègues, d’adresser un courrier au Premier ministre au sujet des insuffisances du projet de contrat de performance entre SNCF Réseau et l’État.

Le cycle d’auditions que nous avons conduit ces dernières semaines a mis en lumière les nombreuses lacunes de ce projet de contrat. Pour ne rappeler que quelques points saillants, les moyens en matière de régénération et de modernisation sont insuffisants, la trajectoire d’augmentation des péages est insoutenable, et les indicateurs de performance manquent cruellement. En définitive, ce document n’est pas à la hauteur des ambitions que nous avons inscrites dans la loi « Climat et résilience », tant en matière de transport de voyageurs qu’en matière de fret.

Je vous propose donc de co-signer un courrier au Premier ministre qui, comme vous le savez, est très attaché au développement du train dans ce pays, pour inviter le Gouvernement à réviser ce contrat pour tenir compte des remarques formulées par les acteurs consultés et notamment par l’Autorité de régulation des transports.

M. Jean-François Longeot, président. – Je vous remercie pour cette proposition et vous invite, mes chers collègues, à cosigner ce courrier dès cet après-midi.

La commission approuve.

La réunion est close à 11 h 10.

Jeudi 24 février 2022

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable -

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques -

- Présidence de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes -

La réunion est ouverte à 8 h 35.

Paquet « Ajustement à l’objectif 55 » – Examen d’un projet de proposition de résolution européenne

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Ce format de réunion est un peu particulier. Cette réunion conjointe de la commission des affaires européennes, de la commission des affaires économiques et de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable constitue le point d’aboutissement du processus de rédaction conjointe d’une proposition de résolution européenne (PPRE) sur le paquet « Ajustement à l’objectif 55 », qui décline les objectifs climatiques de l’Union européenne en une douzaine de propositions de directives et de règlements européens.

Marta de Cidrac et Jean-Yves Leconte avaient présenté fin janvier une analyse d’ensemble devant chacune des trois commissions concernées. Depuis lors, de nombreux rapporteurs des trois commissions ont travaillé pour nous proposer aujourd’hui un texte d’ensemble consensuel, sur ce paquet particulièrement complexe. Ce projet de texte résulte de compromis entre différentes approches – c’est aussi cela, la méthode européenne – ; des compromis qui nous proposent, me semble-t-il, une démarche ambitieuse, mais réaliste, qui fait clairement ressortir l’enjeu de l’acceptabilité sociale de la transition climatique et du besoin d’accompagnement de celle-ci. Ces compromis ne sont pas des renoncements et ne mènent pas à une position incohérente ou « à l’eau tiède ».

Le travail de nos rapporteurs peut être salué. Il m’apparaît maintenant essentiel de conserver cet état d’esprit pour faire aboutir cette démarche concertée entre nos commissions et finaliser, ensemble, une position claire du Sénat sur ce paquet législatif. Ce paquet est en haut de l’agenda législatif de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE). Il aura des répercussions très concrètes sur nos concitoyens et nos entreprises.

Je vous propose, en accord avec la présidente Sophie Primas et le président Jean-François Longeot, auxquels je vais successivement céder la parole, que les rapporteurs puissent s’exprimer pendant deux minutes chacun. Nous aurons ensuite, si vous le souhaitez, une phase de débat sur l’ensemble du texte, avant d’évoquer de manière précise le contenu du projet de proposition de résolution.

Certains d’entre vous ont d’ores et déjà exprimé des demandes hier, devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ou devant la commission des affaires économiques pour modifier ce projet. J’ai moi-même reçu une demande d’ajout de visa de la part de Louis-Jean de Nicolaÿ. Je ne doute pas non plus que les groupes politiques auront des propositions de rédaction à soumettre.

Je précise la méthode d’examen de ces propositions, qu’elles soient d’ores et déjà formalisées ou qu’elles soient formulées à l’oral de manière plus spontanée : tous les commissaires, quelle que soit leur commission d’appartenance, peuvent naturellement prendre part au débat et formuler des propositions. S’agissant du vote en revanche, la procédure la réserve aux membres de la commission des affaires européennes. L’objectif est donc d’échanger autant que possible entre nous, en amont de ce vote, pour le préparer au mieux.

Après les propos de mes collègues présidents, je passerai la parole à Didier Marie, vice-président de la commission des affaires européennes, qui a suivi avec moi le processus collectif inédit qui a permis l’élaboration du projet de proposition de résolution européenne qui vous est soumis.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. – Je suis très heureuse que nos trois commissions se retrouvent aujourd’hui, pour examiner une proposition de résolution sur le paquet « Ajustement à l’objectif 55 ». C’est un beau travail commun, concret et ambitieux, qui doit permettre au Sénat de faire entendre sa voix sur ce dossier majeur pour notre transition et notre souveraineté énergétiques. Je tiens ici à remercier chaleureusement le président Jean-François Rapin, le président Jean-François Longeot et l’ensemble des rapporteurs pour l’avoir rendu possible.

Notre commission s’est plus spécifiquement penchée sur le volet « Énergie » du paquet, qui a trait aux énergies renouvelables, à la performance et à l’efficacité énergétiques, aux biocarburants et à l’hydrogène, sans oublier la fiscalité énergétique. Dans l’examen préparatoire de ce volet, très dense et très technique, notre commission a souhaité rappeler plusieurs exigences, qui conditionnent à notre sens l’applicabilité du paquet et donc son atteinte.

Tout d’abord, le contexte de grave crise des prix des énergies impose de tenir compte de l’incidence du paquet sur le pouvoir d’achat des ménages, la compétitivité des entreprises ou la soutenabilité financière des collectivités territoriales. Plus encore, sans une complète neutralité technologique, accordant toute sa place à l’énergie nucléaire, la décarbonation de notre économie ne pourra pas être réalisée. En sus, davantage de stabilité et de lisibilité sont attendues de la législation européenne, car l’incertitude nuit toujours aux investissements des acteurs économiques. Enfin, les compétences souveraines des États membres doivent être respectées, notamment dans la définition de leur mix énergétique, ainsi que dans le soutien à l’efficacité énergétique et la lutte contre la précarité énergétique.

La compensation financière, la neutralité technologique, la stabilité normative et une subsidiarité effective sont des prérequis indispensables pour réaliser concrètement la transition énergétique à l’échelle européenne. Les recommandations proposées par nos rapporteurs vont dans ce sens ; elles confortent l’ambition du texte, tout en facilitant son application. C’est une ardente obligation, pour diviser par deux nos émissions d’ici à 2030 et atteindre la « neutralité carbone » à l’horizon 2050, car les secteurs de l’énergie et du logement représentent 40 % des émissions européennes.

Pour que l’application du paquet soit une réussite, je forme le vœu que l’Europe relève trois défis. Le premier défi est celui de l’indépendance énergétique, car les turbulences actuelles, économiques, mais aussi géopolitiques, sur le marché européen du gaz, démontrent la nécessité de réduire notre dépendance au gaz, émissif et importé. Cela suppose de relancer l’énergie nucléaire, mais aussi de développer les énergies renouvelables et leur stockage.

Le deuxième défi est celui de l’autonomie minière, car la transition énergétique repose sur une très forte consommation de métaux rares, dont l’approvisionnement doit être sécurisé et les émissions maîtrisées. La fabrication de nos panneaux solaires, nos pales d’éoliennes, nos batteries électriques ou nos électrolyseurs d’hydrogène en dépend.

Le dernier défi est celui de la relocalisation industrielle, car la décarbonation de notre économie repose sur des industries énergétique, automobile, agroalimentaire ou du bâtiment actives, sources d’emploi, de recherche et d’innovation. Nous devons d’urgence relocaliser nos chaînes de valeur et consolider notre autonomie stratégique.

À ces conditions, la transition énergétique pourra être considérée non comme une contrainte juridique, mais comme une opportunité économique, à même de placer l’Europe aux avant-postes de la décarbonation.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. – Nous voici donc réunis ce matin pour débattre de l’aboutissement d’un travail considérable sur ce paquet « Ajustement à l’objectif 55 ». Je remercie les présidents de commission, particulièrement le président Jean-François Rapin, pour l’organisation souple qui nous a permis de nous appuyer sur l’expertise de chaque commission et de nous assurer de la cohérence du message sénatorial avec les travaux précédemment menés. Je remercie également l’ensemble des rapporteurs.

La proposition de résolution, dans la version qui vous est présentée ce matin, est le fruit d’un travail d’auditions et de consultations menées depuis le début du mois de janvier. Cette réflexion a été prolongée par un déplacement enrichissant à Bruxelles, où notre commission a pu échanger avec Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, et la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne. Ce texte est le résultat d’un compromis : cette tâche n’était pas simple, mais vous êtes parvenus, mesdames, messieurs les rapporteurs, à nous proposer un projet équilibré.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a souhaité que cette résolution soit à la hauteur de nos engagements climatiques. Nos rapporteurs ont donc été particulièrement vigilants au maintien de la cohérence climatique de la résolution : l’ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % en 2030 par rapport à 1990 devait être maintenue en pratique – et non seulement en théorie – sur l’ensemble du texte, en dépit d’oppositions parfois légitimes à certaines propositions de la Commission. Cet équilibre me semble globalement préservé dans le projet proposé, même si notre commission a fait un certain nombre de concessions. J’en suis évidemment satisfait et j’y vois le signe d’un consensus croissant sur la finalité du paquet : la lutte contre le réchauffement climatique.

M. Didier Marie, rapporteur de la commission des affaires européennes. – Je veux saluer le travail de nos rapporteurs, qui nous permettent d’aboutir ce matin à une proposition de résolution européenne qui est, dans l’ensemble, équilibrée. La lutte contre le changement climatique et ses effets est un sujet majeur à l’échelle mondiale. Elle s’inscrit dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat que le Sénat a soutenu à plusieurs reprises.

Au travers du Pacte vert pour l’Europe, dont ce paquet est l’une des déclinaisons opérationnelles, l’Union européenne entend jouer un rôle moteur dans cette lutte, en développant un nouveau modèle de croissance durable et vertueuse. Ce paquet législatif aura des effets très concrets sur la vie de nos concitoyens et sur nos entreprises, sur l’évolution des énergies, des transports ou encore du bâtiment. Il était donc nécessaire que le Sénat prenne position à une étape pertinente des négociations.

L’enjeu politique essentiel, bien mis en relief par le texte qui nous est soumis, est celui de l’accompagnement de la transition climatique. Cette transition doit être socialement inclusive. L’acceptabilité sociale de ce paquet est un sujet clé, de même que son volet d’accompagnement budgétaire et financier. À cet égard, nous proposons une approche critique de la démarche de la Commission européenne, qui doit présenter une stratégie de financement de la transition adaptée aux enjeux. Il y a assurément sur ce point des marges de progrès et je pense que nous pourrions l’interpeller encore davantage sur la mise en œuvre de nouvelles ressources propres. Le financement du Fonds social pour le climat est un sujet important, notamment pour la solidarité intra-européenne et la capacité des États membres de l’Europe de l’Est à accepter la démarche. Je citerai également l’inclusion des secteurs du bâtiment et des transports routiers au mécanisme de marché carbone. Nos débats interviennent à un moment d’envolée des prix de l’énergie, mais, plus fondamentalement, le fonctionnement actuel du marché européen de l’électricité doit être réformé. La proposition de résolution souligne les risques liés à la réforme du marché carbone et propose des garde-fous qui sont des points d’équilibre.

Nous retrouvons cette démarche d’équilibre concernant les puits de carbone et la mise en œuvre du règlement sur la répartition de l’effort entre les États membres – la solidarité est au cœur de la démarche européenne –, tout comme en matière de commercialisation des véhicules neufs en Europe, puisque la résolution confirme la fin de la commercialisation des véhicules à moteur thermique en 2035, tout en demandant la mise en place d’une dérogation jusqu’en 2040 pour les véhicules hybrides.

La lutte contre le dérèglement climatique est un enjeu mondial. L’Union européenne ne produit que 8 % des gaz à effet de serre ; elle se doit d’être moteur. Ce pacte doit constituer le pilier de sa diplomatie climatique et elle doit utiliser sa politique commerciale pour faire progresser ses normes, ses valeurs et ses règles de durabilité, dans un monde malheureusement perturbé.

Mme Marta de Cidrac, rapporteure de la commission des affaires européennes. – Je me félicite de la démarche initiée par nos trois commissions pour permettre au Sénat de prendre position sur ce sujet majeur de la mise en œuvre de la loi européenne sur le climat. L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 n’est pas qu’un chiffre en l’air : cela va devenir une réalité tangible pour nos concitoyens. Nous en avions déjà conscience lors de l’examen du projet de loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, mais je crois que notre démarche permet à chacun d’entre nous de bien le mesurer et de préciser les enjeux à l’échelle de l’Europe.

Nous avons tous cherché une voie d’équilibre par rapport aux propositions de la Commission européenne : une voie d’équilibre éminemment sénatoriale, ce qui nous conduit à mettre l’accent sur l’acceptabilité sociale, économique et territoriale de ce paquet. C’est un point essentiel. La transition sera lourde. Prenons garde aux contestations possibles si les mesures sont mal calibrées ou mal accompagnées. Nous avons connu les « gilets jaunes » en France et, clairement, cette préoccupation sociale, économique et territoriale est au cœur du texte que nous présentons aujourd’hui. Je veux ainsi, une nouvelle fois, souligner devant vous la nécessité d’un portage politique au plus haut niveau de cette politique de lutte contre le changement climatique. Il faudra faire œuvre de pédagogie et dialoguer avec nos concitoyens pour mettre en œuvre les mesures de manière efficace et harmonieuse.

Nous avons également exprimé des points de vigilance sur la compétitivité de nos entreprises : nous soutenons l’objectif global, mais demandons à veiller à l’accompagnement de la transition et à pallier certaines failles, comme celles qui ont été identifiées sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui pénaliserait en l’état les entreprises exportatrices, ce qui n’est pas acceptable.

Nous mettons l’accent sur les moyens d’accompagnement et sur le Fonds pour l’innovation, que nous souhaitons renforcer. Cela me paraît constituer un point d’équilibre par rapport à des mesures qui insistent plus sur la solidarité intra-européenne, évoquée par Didier Marie. Les alinéas 94, 95 et 119 de la proposition de résolution me paraissent ainsi essentiels. Ce paquet de mesures est d’une grande complexité et la Commission européenne en joue assurément. J’ai pu le constater lors de deux déplacements à Bruxelles. La France préside aujourd’hui le Conseil de l’Union ; c’est une chance que nous devons saisir, même si cette présidence va être hachée par la période électorale qui s’ouvre. Je forme le vœu que le Gouvernement intègre nos préoccupations, celles du Sénat.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des affaires européennes. – Il est heureux qu’au sein de nos trois commissions ainsi qu’au Conseil européen, les objectifs ne soient pas remis en cause et qu’il s’agisse maintenant de savoir comment nous parviendrons aux objectifs que nous nous sommes collectivement fixés. Cette volonté européenne est essentielle. L’analyse des propositions de la Commission européenne indique combien notre vie quotidienne, nos activités économiques, nos politiques publiques seront impactées par la loi européenne sur le climat, en matière d’énergie, de transport, d’industrie ou de logement. Je ne suis pas sûr que nous mesurions l’ampleur des changements essentiels à venir et qui bousculeront nos comportements ainsi que nos référentiels de valeurs.

Nos référentiels, comme celui de la « richesse argent » comme seule mesure de la croissance, sans tenir compte de l’impact de l’activité économique sur notre capital environnemental, sont à remettre en cause. Or aujourd’hui, alors que nous sommes en pleine campagne présidentielle, ces changements ne sont pas au cœur de nos débats. Ceci est inquiétant.

Les enjeux financiers et techniques du défi que nous nous fixons sont considérables ; il va falloir investir dans l’innovation et la recherche pour trouver des solutions. Il ne faut négliger aucune direction de recherche, tant que nous n’avons pas la certitude d’avoir une solution globale. Se posent aussi des questions en matière de normes RSE, de délégation aux États membres d’un certain nombre de politiques de compensation des coûts engendrés par les dispositifs retenus, à l’instar de l’usage du Fonds social pour le climat.

Enfin, je me réjouis que la résolution insiste sur le fait qu’il s’agit d’un projet européen majeur et ambitieux, Il faudra en assurer le financement dans le temps, après le plan de relance, mais aussi « dans l’espace », pour entraîner nos voisins, principalement ceux qui sont liés par des accords d’association, une union douanière ou un processus d’élargissement dans cette démarche et que ceci soit pris en compte dans la mise en place du Mécanisme de compensation carbone aux frontières. Les efforts et la transformation de notre continent, qui représente moins de 10 % des émissions carbone du monde, ne seront utiles que ni nous arrivons, avec succès, en utilisant tous les outils dont nous disposons, à entraîner nos partenaires dans la même direction.

M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires européennes. – Au terme de ses travaux préalables sur le volet « Énergie » du paquet « Ajustement à l’objectif 55 », notre commission propose d’infléchir les différents textes dans plusieurs directions.

Tout d’abord, nous souhaitons garantir une neutralité technologique, entre l’hydrogène nucléaire et l’hydrogène renouvelable, partout où les textes du paquet y font référence. C’est une position cohérente avec la résolution européenne sur l’inclusion de l’énergie nucléaire dans la taxonomie verte, que nous avons adoptée en décembre dernier. Elle est indispensable à l’essor de la filière française de l’hydrogène.

Ensuite, nous entendons favoriser davantage les bioénergies : les biocarburants, le biogaz et le bois-énergie. Naturellement, ces bioénergies doivent respecter des critères de durabilité et ne pas entraîner de conflits d’usages. Pour autant, elles ne doivent pas être omises, car elles sont très utiles pour faire aboutir la décarbonation jusque dans les territoires ruraux.

Dans le contexte très dégradé de crise des prix des énergies, il est crucial de soutenir les ménages en situation de précarité énergétique, ainsi que les entreprises énergo-intensives, en veillant notamment à ce qu’ils bénéficient de soutiens fiscaux ou d’aides budgétaires idoines.

Plus encore, nous voulons consolider la place des autorités organisatrices de la distribution d’énergie (AODE), c’est-à-dire des collectivités territoriales exerçant une compétence en matière d’énergie, en tenant mieux compte de ces acteurs dans la réforme de la taxation de l’électricité, l’application des projets d’énergies renouvelables ou encore l’électrification des quais.

Enfin, un dernier point d’attention est de garantir la compétence des États membres, tant dans la définition de leur mix énergétique que dans la lutte contre la précarité énergétique. Cela est fondamental pour permettre à la France de conserver son parc nucléaire, atout majeur de sa décarbonation, et utile pour garantir aux Français des politiques publiques au plus près des territoires.

Je forme le vœu que ces recommandations, concrètes, techniques, ponctuelles, qui facilitent l’application du texte sans toucher à sa portée, recevront l’assentiment de chacun.

Au-delà du paquet « Ajustement pour l’objectif 55 », deux difficultés doivent encore être levées : d’une part, il faut inclure pleinement l’énergie nucléaire à la « taxonomie verte », qui l’assimile à une activité transitoire et non durable ; d’autre part, il faut réformer réellement le marché européen de l’électricité, car la tarification de l’électricité selon le principe du « coût marginal » lie malheureusement la valeur de l’électricité décarbonée aux fluctuations du gaz fossile.

Je souhaite que la PFUE permette de progresser réellement et rapidement sur ces enjeux.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. – Dans le cadre du volet « Énergie » du paquet « Ajustement à l’objectif 55 », notre commission émet aussi des recommandations sur les enjeux de performance et d’efficacité énergétiques des bâtiments.

En premier lieu, nous proposons d’appliquer un principe de neutralité technologique entre les différentes sources d’approvisionnement en énergie des bâtiments, en revalorisant la place de l’électricité par rapport à celle du gaz et des énergies renouvelables de réseaux par rapport à la production sur site dans la définition des bâtiments faiblement émissifs. C’est, en somme, le modèle énergétique français que nous souhaitons conserver.

Nous suggérons également que l’application des nouvelles normes de performance énergétique s’accompagne d’une aide financière pour les propriétaires, les bailleurs ou les locataires. C’est une nécessité pour leur permettre de faire face aux surcoûts induits, dans le contexte de crise des prix des énergies.

De plus, nous souhaitons que les contraintes spécifiques auxquelles sont confrontés les bailleurs sociaux soient prises en compte. En effet, ces acteurs majeurs de la solidarité nationale doivent être accompagnés, et non déstabilisés, pour adapter le parc d’habitations à loyer modéré (HLM) aux nécessaires standards de la décarbonation.

Par ailleurs, nous proposons de permettre l’expérimentation du biogaz pour l’alimentation en énergie des bâtiments, comme s’y est d’ailleurs engagé le Gouvernement auprès de la filière biogaz, lors de la révision récente des normes nationales de performance énergétique.

Enfin, nous recommandons de garantir la compétence des États membres pour définir les principes et les modalités de la politique d’efficacité énergétique nationale. C’est une nécessité pour bien prendre en compte les spécificités nationales existantes, et répondre ainsi aux besoins identifiés localement.

Pour conclure, je partage les points d’attention indiqués par la présidente Sophie Primas et mon collègue Daniel Gremillet sur la stabilité normative, la compensation financière et la neutralité technologique : ce sont des prérequis indispensables pour faire en sorte que la transition énergétique soit effective, car acceptée. Or, dans le domaine du logement, je regrette les changements incessants de législation, nationale comme européenne ; sur ce point, je rappelle que nous venons tout juste de réformer la réglementation environnementale 2020 (RE2020), applicable aux bâtiments neufs, et le diagnostic de performance énergétique (DPE), prévu pour les bâtiments existants.

Il est déplorable que, trois ans après la loi « Énergie-Climat » de 2019, et six mois après la loi « Climat-résilience » de 2021, nous devions encore légiférer sur ces sujets.

Mme Denise Saint-Pé, rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. – J’aimerais rappeler quelques positions structurantes de notre commission dans cette résolution. Je ne serai évidemment pas exhaustive.

Concernant la réforme du marché carbone européen – le SEQE ou ETS –, notre appréciation est globalement positive, notamment puisque la réforme envisagée accélérera la transition bas carbone des industries européennes. Nous avons aussi jugé pertinente la proposition de consolidation de la réserve de stabilité du marché (MSR) pour renforcer la stabilité du prix de la tonne de COsur le marché carbone. Nous aurions toutefois apprécié que cet outil soit complété par l’instauration d’un prix plancher et d’un prix plafond, croissant dans le temps, afin de renforcer la visibilité pour les acteurs économiques et de crédibiliser à long terme l’augmentation du prix de la tonne de CO2. Cette proposition n’a pas été retenue dans la proposition de résolution européenne.

Concernant la création d’un nouveau marché carbone pour le transport routier et le bâtiment, nous avons relayé les nombreuses inquiétudes sociales, mais également environnementales, autour du dispositif proposé par la Commission européenne, tout en insistant sur la nécessité de préserver la cohérence générale du paquet « Climat ». C’est pourquoi nous avons proposé un certain nombre de garde-fous – prix plafond sur ce nouveau marché, limitation du dispositif aux professionnels et moyens accrus pour l’accompagnement des plus précaires – au lieu de nous opposer frontalement à la proposition de la Commission européenne. Notre commission est très attachée à cet équilibre, fidèlement retranscrit dans la résolution.

Nous nous félicitons également de l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, même si nous pensons que son périmètre pourrait être élargi en 2026 à certains produits de base, voire à certains produits finis, pour limiter les risques de perte de compétitivité des industries européennes. Nous nous interrogeons également sur la pertinence du calendrier pour l’extinction totale des quotas gratuits, actuellement prévue en 2036, au regard de l’ambition climatique du paquet et de la nécessité de faire naître des champions industriels bas carbone au niveau de l’Union européenne. Ces points apparaissent très nettement dans la résolution.

Sur le volet transport de ce paquet, nous avons jugé que l’interdiction de vente des véhicules thermiques neufs en 2035 était ambitieuse et réaliste, compte tenu de l’accélération de la transition vers les motorisations électriques par les constructeurs français et européens et du bilan carbone favorable des véhicules électriques par rapport aux véhicules thermiques, même dans une analyse de cycle de vie, a fortiori en France, où l’électricité est peu carbonée. Nous prenons acte de la dérogation demandée dans la résolution pour les hybrides rechargeables, tout en estimant qu’il faudra encourager largement l’usage de carburants durables par ces véhicules.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. – Je me joins aux remerciements du président Longeot à l’attention de nos collègues de l’ensemble des autres commissions, avec lesquels nous avons travaillé en bonne intelligence.

Notre commission a souhaité voir figurer certains points dans cette proposition de résolution européenne.

Nous avons tout d’abord fait de l’objectif de réduction des émissions de 55 % l’élément structurant de la résolution : il nous a semblé indispensable de préserver la cohérence d’ensemble du texte afin de coller en pratique – et non seulement en théorie – à cet objectif.

La dimension sociale est le deuxième fil rouge de cette résolution. Toutefois, nous avons rappelé que cette préoccupation ne devait pas être un alibi, qui nous conduirait à renoncer à agir fermement. Nous avons donc plutôt insisté sur la nécessité d’un accompagnement social dimensionné au défi inéluctable que représente la transition climatique du continent.

Troisième considération générale : nous avons souligné que la transition offrait des opportunités économiques considérables et devait, à cette aune, être accélérée pour développer des industries bas-carbone européennes.

Quatrième fil rouge, dans la droite ligne de nos travaux précédents et des enseignements que nous avons tirés de la COP26 : le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » devrait constituer le pilier de la diplomatie climatique de l’Union européenne, en agissant comme un levier pour le relèvement de l’ambition des États tiers.

Enfin, le dernier élément cardinal est que le niveau d’investissement particulièrement élevé requis pour atteindre les objectifs à l’horizon 2030, puis la neutralité carbone à l’horizon 2050, conduise à une réflexion approfondie sur le soutien financier, grand absent de ce paquet « Climat ». La proposition de résolution invite donc tout particulièrement la Commission européenne à adapter les règles du pacte de stabilité et de croissance – elles limitent les niveaux annuels de déficit et de dette au niveau national – pour inciter et faciliter les investissements publics verts.

M. Claude Kern, rapporteur de la commission des affaires européennes. – En tant que rapporteur de la commission des affaires européennes sur le volet « Énergie » de ce paquet, je m’associe aux propos de mon collègue Daniel Gremillet, dont je partage les conclusions et les propositions.

Le secteur de l’énergie constitue indéniablement la clé de voûte pour atteindre les objectifs très ambitieux fixés à l’ensemble des États membres par la Commission européenne. Je rappelle que 75 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne proviennent de la consommation et de la production d’énergie. La décarbonation du secteur de l’énergie est donc une étape essentielle pour parvenir à la réduction de ces émissions et à la neutralité climatique de l’Union prévue d’ici à 2050.

Les ambitions climatiques de l’Union européenne s’inscrivent aujourd’hui dans un contexte inédit de très haut niveau des prix des énergies, que nous devons prendre en considération. Cette situation, qui est appelée à durer, renforce les questionnements que nous avons sur le financement de la transition climatique, ses conséquences sur le coût énergétique pour les acteurs économiques, notamment pour les PME, et les inquiétudes sur le pouvoir d’achat des ménages européens.

Si nous partageons l’ambition de ce paquet, la politique énergétique européenne doit s’inscrire dans le respect de certains principes : la souveraineté des États membres sur le choix de leur bouquet énergétique, la neutralité technologique et la prise en compte de la situation des États membres dont la production d’électricité est déjà largement décarbonée.

Ainsi, nous considérons que l’ensemble des solutions décarbonées en matière énergétique doivent pouvoir contribuer à la transition énergétique, qu’elles soient issues de sources renouvelables ou non. Sur de nombreuses dispositions de ce texte, nous avons exprimé le souhait d’élargir le périmètre actuel aux carburants bas carbone ou de pouvoir valoriser une électricité autre que renouvelable, dans les règles de calcul des émissions de gaz à effet de serre. Le principe de neutralité technologique doit aussi bénéficier à l’hydrogène, qui constitue un enjeu géopolitique et de souveraineté majeur. Le directeur général de l’énergie et du climat au ministère de la transition écologique a d’ailleurs souligné, lors de son audition, le risque de passer d’une dépendance au gaz russe à une dépendance à l’hydrogène du Sahara.

Nous devrions disposer d’orientations générales sur ces textes « Énergie » à la fin du premier semestre 2022 ; une réunion du Conseil « Énergie » doit ainsi se tenir à la fin du mois de juin.

M. Pierre Laurent, rapporteur de la commission des affaires européennes. – Un important travail a été réalisé ces dernières semaines, en un temps express et beaucoup trop contraint, sans donner aux commissions le temps de réaliser une évaluation contradictoire approfondie. Des éléments d’appréciation essentiels nous font défaut, tels que le niveau d’investissement nécessaire, l’impact des changements productifs et sociaux amenés par le pacte vert ou les conditions pérennes des financements massifs attendus.

La PPRE estime nécessaire de mettre en place des modalités d’implication des parlements dans le suivi des négociations et demande à la Commission européenne de présenter des études d’impact plus pertinentes. Je m’en félicite, même si nous n’avons aucune garantie en la matière. Comment serons-nous associés aux négociations, alors que le Parlement va cesser de siéger, au moment même de la PFUE ?

La PPRE nous engage de manière positive sur le paquet, non seulement sur l’objectif de 55 %, mais aussi sur les voies pour y parvenir. À ce stade, ce soutien me paraît hasardeux, prématuré et aveugle à maints égards.

Nous sommes en pleine campagne présidentielle et en pleine PFUE. Avons-nous conscience que la grande majorité de nos concitoyens ignore l’impact du paquet que nous sommes en train de soutenir ? Voyez la suppression des véhicules thermiques et hybrides en 2035 : c’est demain ! Il en est de même pour l’élargissement du marché carbone aux ménages par l’introduction du chauffage et des carburants, ou l’augmentation à 40 % de la part des renouvelables dans les mix énergétiques.

Je souligne un point clé : le caractère juste de la transition devrait se trouver en amont et au centre des décisions, pour conduire à un cadre légal de transition juste, comme le propose la Confédération européenne des syndicats (CES). Or la proposition du Sénat continue de s’inscrire dans une logique qui ne traite la dimension sociale qu’en termes d’atténuation et de compensation, alors que 50 millions de ménages européens sont déjà en précarité énergétique.

Sur la création d’un marché carbone pour le transport routier et le bâtiment, nous rendons les armes avant d’avoir mené le combat, en intégrant dans la PPRE toutes les possibilités, même les plus mauvaises, plutôt que de nous en tenir, au début des négociations, au refus de ce marché en l’état. La création du Fonds social pour le climat est conditionnée au maintien de l’élargissement du marché carbone, rendant aléatoire tout le système de compensation sociale.

La PPRE demande une révision des modalités de fonctionnement du marché de l’électricité – je m’en félicite –, mais elle ne donne aucune indication sur le sens de cette révision. S’agissant de la libéralisation du marché de l’énergie, le Sénat ne propose rien. La concurrence aberrante entre les opérateurs nationaux et les opérateurs alternatifs va donc continuer, entravant notre capacité à agir de manière planifiée et durable.

Malgré notre soutien au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, l’étroitesse du champ couvert va poser de nombreux problèmes, sans parler de son lien avec le marché carbone, qui risque d’engendrer des inégalités très importantes.

Sur la nécessité de sortir des règles obsolètes du pacte de stabilité, la vague mention dans la PPRE à ce sujet est bien trop légère par rapport au niveau des investissements à mobiliser. J’avais fait des propositions de rédaction, elles n’ont pas été retenues à ce stade. En l’état, je ne pourrai pas soutenir une telle PPRE.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes– Effectivement, le temps est contraint. – Cette PPRE doit porter ses fruits au cours de la PFUE, qui subit la situation électorale et la situation de crise. Nous aurions eu de grandes difficultés à réunir les trois commissions après la suspension des travaux en séance plénière et donc à porter la parole du Sénat. Il est vrai que les parlements nationaux n’ont absolument pas été consultés. Nous n’avons pas pu travailler en amont. Au nom du Sénat français, nous nous positionnons dès lors que les textes nous sont transmis. Il ne s’agit en rien de faire passer un texte à marche forcée. Le calendrier est contraint, et nous avons dénoncé cette situation.

M. Pierre Laurent, rapporteur. – Je ne critique pas les trois présidents de commission, je ne fais que dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas !

M. Dominique de Legge, rapporteur de la commission des affaires européennes. – Les transports sont aujourd’hui responsables de 30 % des émissions totales de CO2 de l’Union européenne. Malgré les efforts de décarbonation des filières du secteur, les émissions de gaz à effet de serre se sont accrues de près de 20 % en Europe depuis 1990, en raison du développement des secteurs routier et aérien. Ce secteur a donc un rôle essentiel à jouer dans la transition écologique. Le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » fixe une trajectoire de réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre provenant du secteur des transports d’ici à 2050, et d’au moins 55 % en 2030. Je laisserai mes collègues, Pascale Gruny et Jean-Michel Houllegatte, évoquer plus précisément les trois textes qui recouvrent les secteurs routier, aérien et maritime et les carburants alternatifs.

Pour ma part, je souhaiterais vous faire part de quatre considérations d’ordre général.

Ces textes auront des traductions concrètes, plus spécifiquement pour les entreprises des secteurs aérien et maritime. Je voudrais rappeler qu’elles sont, pour la plupart, déjà très engagées dans la diminution de l’impact environnemental de leurs activités et qu’elles investissent dans des technologies ou procédés qui permettent une réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Je déplore l’absence d’évaluation de l’impact des mesures proposées par la Commission européenne. Cela est d’autant plus regrettable qu’elles sont particulièrement complexes et que leur cumul rend difficile l’appréhension des interactions entre elles. Nous demandons à la Commission européenne, dans notre proposition de résolution, de présenter en cours de négociation des études actualisées et sectorielles. Il s’agit de s’assurer de l’impact des différentes dispositions sur les ménages, les entreprises et les territoires ainsi que de la crédibilité du calendrier.

J’en viens à l’acceptabilité sociale et économique. Le maintien de la compétitivité des entreprises françaises et l’adaptation de la transition à nos territoires sont aussi des enjeux transversaux à l’ensemble des textes du paquet ; nous devons leur porter une attention particulière. Le niveau d’investissement de la transition écologique est très élevé. Les interlocuteurs bruxellois que nous avons auditionnés nous ont d’ailleurs alertés sur la capacité de l’Union européenne à financer ces mesures.

Nous avons pris bonne note de la création d’un Fonds social pour le climat. Mais nous disposons de peu d’éléments sur la hauteur de son financement. Quels sont les critères pour sa mobilisation et sa redistribution ? Comment les disparités géographiques seront-elles prises en compte ? Quel sera son mode de gestion ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires européennes. – Permettez-moi de citer quelques chiffres pour mesurer les efforts que doit accomplir le transport routier pour contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et parvenir à la neutralité climatique à l’horizon 2050. Aujourd’hui, le transport routier représente 80 % du transport des passagers de l’Union européenne et 75 % du transport des marchandises. Les voitures et les camionnettes génèrent plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre des transports en Europe, ce qui représente 12 % des émissions européennes totales. La mobilité est bien au cœur de la transition climatique.

Je voudrais attirer votre attention sur quelques points qui me semblent importants pour engager le continent européen dans une transformation profonde de son économie, des usages des transports et des modes de comportement des citoyens. Plusieurs sujets de vigilance ont déjà été évoqués, tels que l’acceptabilité de la transition par les ménages, le maintien de la compétitivité des entreprises européennes, en particulier dans le domaine des transports, ou le financement des mesures nécessaires à cette transition. Le niveau d’ambition pour s’adapter au changement climatique nécessite, en effet, des investissements considérables dans la recherche et l’innovation. J’ai la conviction que le développement de transports décarbonés est un des enjeux forts de la transition écologique et que l’accompagnement des ménages au report modal, qui concerne en priorité les grandes métropoles, doit aussi être favorisé.

Par ailleurs, pour lever les barrières à l’achat de véhicules électriques, le déploiement d’infrastructures de recharge doit s’accélérer. C’est pourquoi nous souhaitons un renforcement des objectifs fixés par la Commission européenne, qui concerne d’ailleurs tous les modes de transport. Je ne reviendrai pas sur la proposition relative à la fin de la commercialisation des véhicules à moteur thermique qui a précédemment été exposée.

Cependant, nous devons être particulièrement attentifs à l’incidence que pourrait avoir cette mesure sur le marché des véhicules d’occasion. Il ne faudrait pas qu’elle favorise une augmentation des exportations de nos voitures anciennes et très polluantes vers des pays moins développés. J’ai donc proposé le développement d’une économie circulaire, notamment pour l’automobile, qui peut se matérialiser par le reconditionnement de véhicules – certaines entreprises se sont déjà positionnées sur ce créneau – ou la réutilisation de pièces détachées. J’invite aussi à mieux prendre en compte l’ensemble du cycle de vie au regard des enjeux de neutralité carbone.

Enfin, il me semble important d’être attentif à la superposition de mesures européennes dont l’effet cumulatif peut avoir des conséquences sur les acteurs économiques.

M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur de la commission des affaires européennes. – J’aborderai le volet du paquet relatif aux secteurs aérien et maritime.

L’objectif de la Présidence française est de conclure des orientations générales à la fin du premier semestre 2022 sur la quasi-totalité des textes. Force est de noter que deux des textes les plus avancés dans la négociation entre États membres concernent les projets de règlement qui visent, d’une part, à obliger les fournisseurs de carburants à accroître la part des carburants d’aviation durables, et, d’autre part, à réduire l’intensité des émissions de gaz à effet de serre de l’énergie utilisée à bord des navires. L’utilisation de carburants d’aviation durables, qui permet de réduire les émissions globales de COjusqu’à 80 % par rapport au kérosène fossile, constitue, en effet, l’un des principaux leviers de la réduction des émissions de l’aviation.

Plusieurs études montrent d’ailleurs que le transport aérien peut parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050. Trois leviers de décarbonation sont actuellement identifiés : les carburants d’aviation durables (SAF), les avancées technologiques dans un avenir plus ou moins lointain – Airbus vient ainsi d’annoncer un premier test de moteur d’avion propulsé avec de l’hydrogène, qui sera réalisé en 2026, et qui pourrait être une étape importante vers la mise au point d’un avion zéro émission –, ainsi que la mise en œuvre du ciel unique européen qui implique un effort de la part des États membres pour moderniser et rationaliser le contrôle aérien, permettant des trajectoires plus directes au-dessus du territoire européen. Ces trois points sont exposés dans la proposition de résolution telle que présentée aujourd’hui.

Je voudrais aussi vous faire part de plusieurs points de vigilance.

Premièrement, le risque de contournement par les hubs et de distorsion de concurrence pour les compagnies aériennes européennes est un premier sujet d’attention. L’aéroport d’Istanbul, par exemple, pourrait à terme devenir un concurrent pour les aéroports européens.

Deuxièmement, la recherche et l’innovation dans le domaine des carburants alternatifs pour l’aviation doivent contribuer à la réduction de l’écart des coûts entre les SAF et le kérosène.

Troisièmement, le développement de la production de carburants d’aviation alternatifs à grande échelle conditionne la décarbonation du secteur.

Quatrièmement, enfin, il faut être attentif au coût de la transition énergétique pour le secteur de l’aviation.

L’objectif de réduction des gaz à effet de serre est également largement soutenu par les acteurs du transport maritime, mais plusieurs points de vigilance ont toutefois été identifiés, notamment la prise en compte de la disponibilité des carburants et de leur coût, alors que ce secteur repose, à l’heure actuelle, presque entièrement sur les combustibles fossiles.

M. Jacques Fernique. – Cette proposition de résolution constituera l’approche du Sénat sur le paquet « Climat » par lequel l’Europe donne corps à son nouvel objectif de réduction de 55 % des gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990. Il s’agit non pas d’en rester aux belles formules, mais de mettre en place des actions concrètes. Au travers de cette proposition de résolution, le Sénat prend la mesure de cet objectif en envisageant les nécessaires réformes structurelles et sectorielles pour transformer nos industries, nos transports, notre agriculture et nos conditions énergétiques. Il affirme également l’urgence de parvenir à un cadre clair et soutenable pour les ménages, les entreprises et nos territoires. On ne peut pas gagner le combat climatique dans un seul pays ou dans la seule Union européenne, qui représente 8 % du problème. Cette proposition de résolution insiste à juste titre sur la capacité d’entraînement dont l’Europe peut jouer, par l’ajustement carbone à ses frontières et par ses capacités de régulation des échanges économiques mondiaux. Les termes précis de cette proposition constituent donc un pas explicite vers la remise en cause des politiques ultralibérales de libre-échange ; les alinéas 200 et 201 sont éloquents à cet égard.

Cette PPRE pointe la nécessité d’accompagnement pour l’acceptabilité sociale, d’adaptation des politiques de formation professionnelle, de reconversion des métiers, de soutien aux territoires et aux appareils productifs affectés. Notre groupe propose de muscler la proposition de résolution en ajoutant, après l’alinéa 95, un alinéa sur le rôle clé des territoires dans la mise en œuvre concrète de politiques déterminantes en matière climatique. Il serait bon de pointer la nécessité, pour l’Union européenne, de présenter une stratégie globale pour abonder le financement de l’action climatique des territoires. La mobilisation et la mise en cohérence des différents fonds structurels, des fonds d’investissement et des divers programmes de soutien financier, doivent s’opérer au profit des collectivités territoriales – un accord sur cette proposition de rédaction devrait se dégager au sein de la Chambre des territoires.

Voilà les avancées positives qui caractérisent la proposition de résolution européenne. Restent deux écueils majeurs qui en compromettent la bonne trajectoire. L’énergie nucléaire et les biocarburants sont deux fausses solutions. La première ne doit pas être traitée comme les énergies renouvelables. Elle est dangereuse, coûteuse et porte en elle des conséquences néfastes au-delà de nos frontières nationales. Or il ne faut pas nier les divergences d’approche entre États membres en la matière et l’importance des objectifs de sobriété énergétique et de développement des énergies renouvelables. Quant aux biocarburants, notre groupe a la conviction qu’ils ne remplaceront jamais les carburants conventionnels fossiles dans les secteurs aérien et maritime. C’est pourquoi l’alinéa 148 ne peut rester en l’état. Il convient certes de promouvoir les biocarburants, mais pas « quelle que soit leur génération ». Les agrocarburants de première génération représentent une concurrence inacceptable.

Cette proposition de résolution prend effectivement le sujet à bras-le-corps, mais deux illusions la rendent inopérante : la foi nucléaire et la croyance dans les biocarburants.

M. Daniel Salmon. – Je reviendrai sur les deux points de divergence que vient de soulever Jacques Fernique. L’énergie nucléaire, tout d’abord, est très présente tout au long de cette PPRE. Elle est très différente des autres en ce qu’elle ignore les frontières – le nuage de Tchernobyl ne s’y est pas arrêté ! En réalité, la liberté de chaque pays de se doter du mix énergétique de son choix vient affecter celle des autres. Si un accident majeur devait intervenir en France, les autres pays européens seraient impactés. De plus, cette énergie est génératrice de déchets qu’il nous faut gérer pendant des durées dépassant notre échelle humaine. Par ailleurs, à nos frontières, les bombes tombent en ce moment. Or la vulnérabilité de la France en temps de paix est indéfendable en temps de guerre ! Cette donnée doit absolument être prise en compte, car demain, nous pourrions connaître de graves difficultés liées à l’énergie nucléaire. Les biocarburants sont une partie de la solution. Compte tenu de la situation en Ukraine, la surface agricole utile en France sera à l’avenir très sollicitée : pour l’alimentation, les fibres et l’énergie. Elle ne pourra pas alimenter le transport aérien et le transport maritime, très voraces en énergie. Ces problèmes s’ajouteront à ceux du commerce international. Nous devons faire preuve d’une très grande vigilance – car ce sont, en définitive, deux fausses solutions – et placer la sobriété en tête de nos priorités.

Mme Angèle Préville. – Je salue le travail très important qui a été réalisé face aux enjeux colossaux qui sont devant nous. Je ferai une proposition de rédaction concernant les alinéas 172, 177 et 180 qui mentionnent les carburants synthétiques susceptibles d’être élaborés à partir de fossiles, de charbon, de lignite, de pétrole. Il faudrait d’emblée les exclure et ne mentionner que les carburants synthétiques provenant d’énergies renouvelables, à l’exclusion de ceux provenant d’énergies fossiles. Se trouve actuellement dans l’atmosphère un stock inédit de dioxyde de carbone, inégalé au cours des 800 000 dernières années. Afficher simplement une neutralité carbone dans notre feuille de route ne suffira pas ; il nous faudra réduire ce stock à l’origine du dérèglement climatique.

Sur les alinéas 130 et 131 relatifs au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, nous aurions pu aller beaucoup plus loin eu égard aux interpellations régulières du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) à propos de l’impact carbone des produits finis. Au lieu de dire que l’intensité carbone des produits importés « peut être évaluée », je proposerais d’écrire : « devant être évaluée ».

M. Stéphane Demilly. – Je prendrai le contrepied des propos tenus sur les biocarburants. J’ai présidé des groupes de travail sur le sujet à l’Assemblée nationale durant vingt ans, publié de nombreux rapports et participé à de multiples tables rondes et colloques. Ce sujet a toujours déclenché des débats passionnés, souvent manichéens et caricaturaux comme tout à l’heure.

Parmi toutes les études sérieuses, pas celles financées par les lobbies pro ou anti-biocarburants, celle qu’a menée l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) démontre clairement l’intérêt environnemental des bio ou agrocarburants. Ceux-ci ne sont pas exempts de défaut, mais ils sont bons pour l’environnement – moins 50 % de gaz à effet de serre pour l’éthanol, et moins 66 % s’ils sont réalisés à partir de betteraves – et pour l’agriculture, car ils sont une source de diversification, notamment pour les betteraviers qui ont perdu 100 000 hectares en trente ans. Plus d’une exploitation disparaît chaque heure dans notre pays. Les biocarburants sont également une ressource favorable au pouvoir d’achat et à notre indépendance énergétique, car nous dépendons à 99 % des importations pour le fossile. Ils sont aussi utiles à notre indépendance diplomatique et économique, qui ne peut être assurée sans indépendance énergétique. Or celle-ci est mise à mal par le contexte international actuel et notre dépendance au gaz russe…

Ces carburants n’ont jamais eu pour objet de remplacer totalement les carburants fossiles, et nos terres arables ont vocation à être nourricières, pour reprendre les propos du ministre de l’agriculture. C’est pourquoi seulement 2,3 % de notre surface agricole utile est destinée aux biocarburants, contre 3 % en moyenne en Europe. La solution miracle n’existe pas, et la méthanisation a ses défauts, de même que l’éolien et le solaire. Quant au nucléaire, je vous laisse juges. Il ne faut pas tenir des propos excessifs, et le biocarburant est une des nombreuses pistes à explorer. C’est pourquoi je suis très heureux que cette proposition de résolution européenne lui consacre un beau chapitre.

M. Ludovic Haye. – Merci pour ces interventions qui représentent les différentes sensibilités. Ce sujet me tient particulièrement à cœur : les douze propositions législatives du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » vont assurément dans le bon sens et s’inscrivent dans le droit fil des priorités françaises. Pour la présidence française, le présent semestre est crucial pour concilier investissements économiques et ambitions climatiques, avec en ligne de mire la justice sociale.

Cette approche globale correspond à celle que la France a adoptée dans le plan de relance, la loi « Énergie-Climat », puis le projet de loi « Climat et résilience ». Selon cette optique, la PPRE est compatible avec cette stratégie. Sur ce point, l’alinéa 90, qui sous-entend que nous devons nous appuyer sur le potentiel nucléaire pour valoriser nos engagements dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous satisfait.

Il en est de même pour la référence à la nouvelle taxonomie verte européenne énoncée à l’alinéa 60. Nous ne pouvons que souscrire à l’alinéa 93, en vertu duquel la transition vers une économie décarbonée ne doit pas être synonyme de décroissance. Nous sommes tous d’accord pour une écologie capable d’innovation, pourvoyeuse d’emplois, qui ne gaspille pas ni ne détruit, mais crée de la richesse.

De même, l’acceptation sociale figurant à l’alinéa 94 doit animer chaque responsable politique. Nous proposons sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières la même vision que la France a portée. C’est un paradigme indispensable si nous voulons nous tourner vers une géopolitique responsable. Cela représenterait un changement culturel majeur en Europe et une avancée diplomatique réelle.

Pour toutes ces raisons, je soutiendrai cette PPRE au nom de mon groupe.

M. Franck Montaugé. – À l’alinéa 93, il m’apparaîtrait plus adéquat d’écrire que la transition vers une économie décarbonée « doit s’inscrire dans le cadre d’une croissance mesurée par des objectifs de développement durable adaptés aux enjeux et à la planification qui en résulte. »

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. – Une proposition de rédaction a été proposée en ce sens. Peut-être votre proposition sera-t-elle satisfaite.

Examen des propositions de rédaction

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Louis-Jean de Nicolaÿ a formulé une proposition de rédaction afin de faire référence, dans les visas de la résolution, à la lettre de mission qui lui avait été adressée par le Président du Sénat en vue de la COP26. Il s’agit de préciser à nouveau l’implication du Sénat sur ces sujets, en particulier la délégation d’une mission dans ce cadre. Cette spécificité ne soulève pas de problème et ne déstructure pas la PPRE.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Lors de la réunion interparlementaire en marge de la COP26 à Glasgow, le président Larcher avait en effet souhaité qu’une motion – adoptée à l’unanimité – rappelle le rôle vital des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des politiques d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à celui-ci, et la nécessité de leur apporter un financement suffisant. Cela doit permettre d’atteindre l’objectif de 55 %.

La proposition de rédaction est retenue.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – À l’alinéa 79, une proposition de rédaction vise à remplacer les mots : « réévaluer les modalités de fonctionnement du » par les mots : « réformer le ». La rédaction serait donc la suivante : « Considérant que les effets potentiels du paquet "Ajustement à l’objectif 55 " et la forte hausse des prix des énergies invitent à réformer le marché européen de l’électricité. » Cette formulation est un peu plus offensive ; j’y suis plutôt favorable.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. – Notre commission est d’accord avec cette écriture un peu plus offensive, qui devrait répondre en partie aux remarques de M. Laurent. Il y a urgence à réformer très rapidement le système de tarification de l’électricité.

M. Franck Montaugé. – Cet alinéa 79 appelle d’une certaine façon à la révision du marché de l’électricité. L’évocation d’un sujet aussi important ne devrait-elle pas figurer à la fin du texte, où l’on appelle à des actions concrètes ?

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Nous avons voulu mettre l’accent sur l’acceptation sociale et sociétale du dispositif. Ceci oriente notre conclusion qui propose une ouverture. Je suis favorable au maintien de cette architecture du texte.

M. Pierre Laurent, rapporteur. – Lundi soir, lors de l’élaboration de la rédaction du texte que nous examinons ce matin, j’ai envoyé un texte avec une série de propositions, qui ont visiblement été classées sans suite. Qu’en est-il ?

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Vous pouvez les présenter de nouveau.

M. Pierre Laurent, rapporteur. – Je le ferai donc au moment de l’examen des alinéas concernés.

La proposition de rédaction est retenue.

M. Didier Marie, rapporteur. – À l’alinéa 93, nous proposons de remplacer les termes : « ne doit pas être synonyme de décroissance », par le terme : « nécessite ». La rédaction serait donc la suivante : « Affirme que la transition vers une économie décarbonée nécessite de concilier lutte contre les dérèglements climatiques, développement durable, développement économique et inclusion sociale… ». La référence à la décroissance nous apparaissait un peu trop défensive ; nous proposons là aussi une version plus offensive.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – La rédaction initiale avait du sens pour ne pas accréditer une perspective décroissante par ce texte. Je ne suis donc a priori pas très favorable à cette proposition, mais je souhaiterais entendre l’avis de la présidente de la commission des affaires économiques et du président de la commission de l’aménagement du territoire.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. – N’ayant pu évoquer cette question avec les commissaires, mon avis sera personnel. Dans cette PPRE, nous devons donner un cap stratégique pour l’Europe. À l’instar du président Rapin, je ne pense pas que la décroissance soit une option pour l’Europe. Je comprends le sens de la proposition de rédaction, mais j’émettrai un avis très réservé.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – La possibilité d’émettre des avis divergents fait partie de l’intérêt de ce format de réflexion.

M. Patrice Joly. – La croissance et la décroissance, déjà évoquées dans de multiples réunions, doivent à l’évidence être questionnées de nouveau. Nous nous orientons nécessairement sur une croissance différente. Si la production de biens matériels est toujours nécessaire, sa finitude se heurte à l’infini culturel et relationnel.

M. Franck Montaugé. – Je partage la position de la présidente de la commission des affaires économiques, mais la décroissance renvoie à la dimension purement économique du développement. La notion d’objectif de développement durable trouverait sa place, qui ne se limite pas à la seule dimension productive de notre société. Il s’agit d’un positionnement stratégique.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Cette notion figure déjà dans l’alinéa.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. – La rédaction initiale me paraissait équilibrée. Autrement, nous risquons de ne pas être au rendez-vous de l’enjeu de la transition décarbonée. La France et l’Europe doivent être présentes, tout en conciliant le développement durable, le développement économique et l’inclusion sociale. C’est un pari sur l’avenir !

M. Pierre Louault. – La croissance sera verte ou ne sera pas ; les deux notions sont liées !

M. Laurent Duplomb. – J’ai l’impression de rêver : notre continent est depuis cinq heures du matin en guerre, pour la première fois depuis 1945 – hormis la guerre de Yougoslavie. Ce n’est tout de même pas anodin ! Les conséquences seront considérables sur les prix des énergies, notamment du gaz russe, le blé ukrainien, les bourses mondiales et en particulier européennes. C’est comme si nous nous trouvions dans une voiture sans moteur, sans feux, sans frein qui va droit dans le mur, et que nous continuions à parler de tout et de rien. Sommes-nous aujourd’hui à la hauteur du débat ? En quelques minutes, Vladimir Poutine va émettre la quantité de dioxyde que nous produirions en plusieurs mois ou plusieurs années. Si demain l’Europe est en guerre, croyez-vous vraiment que l’on se posera la question de la décroissance ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. – Je suis défavorable à la proposition de rédaction. L’écriture de l’alinéa 93 est tout à fait équilibrée. Il faut au contraire maintenir le terme « décroissance » pour le distinguer des autres notions du texte.

M. Dominique de Legge, rapporteur. – Je souhaite également le maintien de cette rédaction, pour une autre raison simple : pour financer nos objectifs, nous avons besoin de croissance. Il faut l’affirmer très clairement.

M. Daniel Salmon. – Nous sommes évidemment favorables à cette proposition visant à supprimer le terme « décroissance ». On parle souvent de sobriété. Or notre trajectoire d’une croissance infinie sur une planète finie n’est pas viable. Ce terme de « décroissance » irrite beaucoup, notamment quand nous le portons. S’il disparaissait de ce texte, ce serait mieux pour tout le monde !

M. Didier Marie, rapporteur. – Nous ne voulions pas engager un débat sur la décroissance. Nous souhaitions juste proposer une formulation plus positive que celle qui était inscrite. À l’instar de nombre de nos collègues, nous sommes pour une croissance, mais différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Elle serait respectueuse du développement durable, du développement économique et de l’inclusion sociale. Cela étant, eu égard à l’imbroglio que cette suggestion semble susciter, nous la retirons.

La proposition de rédaction est retirée.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – À l’alinéa 94, une proposition de rédaction vise à insérer après le mot : « d’accompagnement » les mots : « et d’inclusion sociale ». La rédaction serait la suivante : « …et à prévoir les dispositifs pertinents d’accompagnement et d’inclusion sociale de cette transition en amont… ». J’y suis favorable.

La proposition de rédaction est retenue.

M. Pierre Laurent, rapporteur. – Je proposais d’insérer, entre les alinéas 93 et 94 un alinéa sur la question de la transition juste. Ce terme ne figure pas une seule fois dans le texte. Concernant le cadre « clair et soutenable », j’avais proposé qu’il soit « juste, clair et soutenable ». Mais cela n’a pas été retenu. Quant au terme « d’inclusion sociale », il est trop minimal et devrait s’attacher au développement économique. Il faudrait passer d’une logique de compensation à une logique de promotion sociale.

Je vous soumets donc la proposition suivante : « Demande que la transition juste s’appuie sur un cadre légal qui doit conduire les États membres à garantir les droits sociaux fondamentaux dans la période de transition, à renforcer les systèmes de protection sociale, à garantir la négociation collective des plans de transition des entreprises et des administrations, notamment pour favoriser les droits à la formation, à la requalification et au perfectionnement des travailleurs dans les domaines des nouvelles technologies propres, et à l’adaptation aux changements climatiques ». Cette idée s’inspire fortement des demandes des syndicats et d’une proposition plus détaillée de la Confédération européenne des syndicats (CES).

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – On touche aux compétences des États membres.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. – L’action européenne en matière de participation et de formation doit respecter le principe de subsidiarité.

La proposition de rédaction n’est pas retenue.

M. Didier Marie, rapporteur. – À l’alinéa 95, une proposition de rédaction vise à insérer après le mot : « besoins » les mots : « notamment au regard du niveau des ressources propres actuelles et futures, largement en deçà des dépenses prévues. » La rédaction qui en découle serait la suivante : « S’inquiète de l’adéquation des ressources prévues aux besoins, notamment au regard du niveau des ressources propres actuelles et futures, largement en deçà des dépenses prévues, et appelle la Commission à présenter une stratégie globale de financement adaptée aux enjeux et, le cas échéant, à envisager le regroupement des différents fonds qui y contribuent ; ».

Aujourd’hui, le niveau de ressources propres de l’Union européenne est insuffisant. Des négociations sont en cours, dont le troisième volet n’a pas été engagé. Par ailleurs, le montant des investissements à réaliser est sous-estimé comme l’indique Mme Lagarde, selon laquelle ce montant est au moins égal au double de ceux qui sont déjà prévus.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Les ressources propres doivent en principe être allouées essentiellement au remboursement de l’emprunt commun. Il ne faut à mon sens pas y déroger. La proposition viserait à augmenter le volume des ressources propres pour prévoir une affectation plus importante. Compte tenu de la logique du dispositif tel que je l’ai présenté avec le rapporteur général du budget, je resterai sur cette position, à moins de prévoir en priorité le remboursement de l’emprunt commun à l’échelle européenne. Il est hors de question de puiser dans ces ressources propres pour financer ne serait-ce que le Fonds social pour le climat !

M. Didier Marie, rapporteur. – L’Europe est confrontée à deux enjeux : rembourser la dette mutualisée ayant permis de mettre en œuvre le Fonds de relance, et investir massivement dans la transition écologique. Quelle que soit l’affectation des fonds, tant pour le remboursement de la dette que pour les investissements, ils sont insuffisants ; à moyen terme, les États devront contribuer. Il faut donc absolument poursuivre les négociations pour augmenter le niveau des ressources propres et prendre en considération la réalité du montant des investissements à réaliser. Notre proposition ne consiste pas à imaginer un vase communicant entre les deux ; c’est un paquet global que l’Europe devra mettre en œuvre pour financer la totalité de ses engagements, aussi bien sur la dette que sur la transition écologique.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Je suis d’accord sur le principe, sous réserve de bien définir l’objectif de l’utilisation des ressources propres. Sinon, cette solution va à l’encontre de ma philosophie, partagée par nombre des commissaires, selon laquelle nous allons tout droit vers un fédéralisme financier non contrôlé. Ce désaccord est légitime, mais je n’adhère pas à l’utilisation complète des ressources propres ou à leur augmentation pour financer un budget européen. Il m’apparaît essentiel que les États gardent une maîtrise budgétaire en Europe. Je suggère donc d’ajouter à la proposition les termes : « rappelle que les nouvelles ressources propres doivent être prioritairement affectées au remboursement de l’emprunt mutualisé levé pour financer l’instrument de relance Next Generation EU. » Cela vous convient-il ?

M. Didier Marie, rapporteur. – Oui, sachant qu’il s’agit d’une masse globale qui devra être affectée en fonction des besoins. Le remboursement de la dette proviendra soit de l’affectation des ressources propres, soit d’une contribution des États. Il en sera de même des investissements réalisés en matière de transition écologique.

M. Pierre Laurent, rapporteur. – Je ne voterai pas cette proposition de rédaction. Le débat est irréel : la sous-estimation globale des niveaux de financement est considérable, bien qu’elle ne puisse être appréciée faute d’éléments probants.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – C’est pourquoi ce garde-fou permettra en priorité de rembourser l’emprunt avec les ressources propres.

M. Pierre Laurent, rapporteur. – Dans ce cas, il ne faut pas dire que la priorité des priorités est de parvenir à 55 % en 2030.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – C’est peut-être le fond du problème.

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. – Notre proposition a le mérite d’être claire et d’évoquer justement les besoins. De quoi parle-t-on ? Nous ne le savons pas précisément. Il serait inopportun d’introduire de nouvelles subtilités susceptibles de nous échapper.

La proposition de rédaction, modifiée, est retenue.

M. Jacques Fernique. – Après l’alinéa 95, ma proposition de rédaction, qui a été travaillée avec Ronan Dantec, insiste sur le rôle clé des territoires. Elle consisterait à ajouter : « Rappelle l’importance de l’approche territoriale et enjoint la Commission européenne à présenter une stratégie globale de financement adaptée aux capacités et opportunités d’action des territoires, estime que la mobilisation et la mise en cohérence des différents fonds structurels, des fonds d’investissement européens et des divers programmes de soutien financier intéressant les collectivités territoriales est une condition nécessaire à l’atteinte des objectifs à l’horizon 2030 et à la neutralité carbone en 2050. »

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Cette proposition de rédaction me semble globalement acceptable pour les deux commissions. Il est pertinent de rappeler l’importance de l’approche territoriale sur le sujet. Toutefois, nous suggérons de remplacer « enjoint » par « demande ».

M. Jacques Fernique. – C’est d’accord.

La proposition de rédaction est retenue.

Mme Denise Saint-Pé, rapporteure. – Après l’alinéa 106, la proposition de rédaction de notre collègue Jean Bacci vise à rappeler que l’Europe ne parviendra pas à tenir le niveau d’adoption de carbone qu’elle s’est fixé dans le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » si elle ne lutte pas efficacement contre les feux de forêt. Il faut, pour cela, que des politiques publiques adaptées en matière de prévention des risques soient mises en place, tant au niveau national qu’au niveau européen.

La rédaction qui en découlerait serait la suivante : « Afin d’atteindre le niveau d’absorption de carbone visé par le paquet « Ajustement à l’objectif 55 », insiste également sur la nécessité de mobiliser une politique de prévention des risques aux échelles européenne et nationale à la hauteur de la menace que représente l’augmentation de l’intensité et du nombre d’incendies en Europe du fait du dérèglement climatique. » Notre commission a donné un avis favorable à cette proposition de rédaction.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. – Je ne m’oppose pas à cette proposition, qui « ne mange pas de pain », si je puis dire, mais je trouve qu’elle est un peu décalée par rapport à l’objet de la PPRE. Le problème des mégafeux et de la pollution qu’ils apportent est très important : il faut le combattre au niveau européen. Toutefois, si l’on adoptait cette proposition, il faudrait également parler de la lutte contre la pollution marine, contre la pollution des eaux, contre la pollution de l’air… À nouveau, je ne m’y oppose pas pour autant.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. – La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable soutient cette proposition de rédaction, et il serait regrettable que la commission des affaires européennes ne l’adopte pas. Il vaut mieux que nous la retirions – je m’en entretiendrai avec M. Bacci. Je souligne néanmoins que, d’un point de vue environnemental, ce sujet est fondamental.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Dans les arbitrages, nous n’avions pas retenu cette proposition de rédaction, car, comme l’a dit la présidente Sophie Primas, rien n’empêcherait alors d’intégrer toutes les questions environnementales, tous les types de pollutions… Plus on ajoute à la PPRE, moins on lui donne de corps.

M. Didier Marie, rapporteur. – Je me satisfais de la demande de retrait du président de la commission des affaires européennes, parce que notre texte s’intéresse aux douze mesures législatives du paquet « Climat ». Or il n’y a pas de mesure législative concernant les feux de forêt. C’est une préoccupation importante, mais qui mériterait, effectivement, une démarche séparée.

Mme Denise Saint-Pé, rapporteure. – Je retire donc la proposition de rédaction, présentée au nom de M. Bacci. Je lui ferai part de nos débats.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Rien ne l’empêche de déposer une proposition de loi sur le sujet !

La proposition de rédaction est retirée.

M. Pierre Laurent, rapporteur. – Aux alinéas 107 et 108, qui portent une appréciation très positive sur le système d’échange de quotas d’émissions SEQE-1, la proposition que j’avais préparée tendait à une rédaction beaucoup plus nuancée.

Je m’en tiendrai à vous proposer de réécrire les premières lignes de l’alinéa 108 de la manière suivante : « Prend acte des évaluations de la Commission européenne sur le bilan du SEQE-1, souligne toutefois que ce bilan appelle une évaluation approfondie et contradictoire. » Cette absence d’évaluation critique du SEQE-1 est, à mon avis, très discutable, d’autant que l’appréciation très positive que l’on porte sur le SEQE-1 a des conséquences sur la manière dont est promu le SEQE-2, qui suscite encore plus de problèmes. Ce point me paraît extrêmement important.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Votre proposition ne soulève de difficultés pour aucun des présidents.

La proposition de rédaction est retenue.

M. Didier Marie, rapporteur. – À l’alinéa 117, nous proposons, après le mot « rurales », d’insérer une nouvelle phrase : « souhaite dès lors qu’au moins 50 % des recettes issues du nouveau système d’échange de quotas d’émissions pour les secteurs du bâtiment et du transport routier (SEQE-bis) soient allouées au fonds social pour le climat ; et ».

L’idée est simple : dès lors que l’on instaure un nouveau système, et quelles que soient les critiques dont celui-ci peut faire l’objet, nous considérons qu’il devrait alimenter le Fonds climat pour le climat, dont on sait qu’il est insuffisamment financé, pour accompagner les publics les plus en difficulté, ainsi que, éventuellement, les petites et moyennes entreprises.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Je sollicite le retrait de cette proposition de rédaction : dans la mesure où l’on a peu de visibilité sur le financement du fonds social pour le climat, il paraît compliqué de s’engager sur des montants…

M. Dominique de Legge, rapporteur. – On ne peut à la fois déplorer l’absence d’impact et de visibilité du fonds et expliquer qu’on veut augmenter son budget ! Ce n’est pas très logique.

M. Didier Marie, rapporteur. – Tout au long de la PPRE, on indique que l’une des principales difficultés sera l’accompagnement social des publics susceptibles de pâtir d’une modification de la transition énergétique.

À ce jour, la Commission européenne prévoit une affectation de 25 % des nouveaux quotas au fonds climat, ce qui représente, au total, 72,2 milliards d’euros. Tout le monde considère que ce montant est insuffisant pour permettre l’accompagnement et l’acceptabilité sociale des changements à venir.

C’est pourquoi nous proposons de prélever plutôt 50 % des nouveaux quotas qui seront installés, de manière à avoir les moyens d’accompagner réellement toutes celles et tous ceux qui seront pénalisés par le changement de paradigme.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. – Je comprends évidemment l’objectif de cette proposition de rédaction : tout au long de la PPRE, on insiste fortement sur l’acceptation sociale de la transition énergétique.

Il me semble néanmoins que cette proposition est un peu prématurée, parce que l’on ne sait pas à quoi servent les 75 % restants. Il y a peut-être, derrière, de très bonnes intentions et de très bonnes idées. Je suis donc un peu sceptique.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. – Je partage ce point de vue : on peut comprendre cette proposition de rédaction, mais je crois qu’il faut que nous trouvions un consensus et que le dispositif soit affiné. Nous n’y sommes donc pas favorables.

La proposition de rédaction n’est pas retenue.

M. Didier Marie, rapporteur. – Aux alinéas 125, 142, 172, 177 et 180, mes cinq propositions de rédaction visent à ajouter, après le mot « biocarburants », la formule suivante : « dont le bilan carbone et énergétique est positif », afin de rassurer sur la nature des biocarburants qui seraient utilisés – je vous renvoie au débat que nous avons eu tout à l’heure.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – C’est un grand point de désaccord entre les deux commissions…

M. Daniel Gremillet, rapporteur. – Il ne s’agit pas d’un désaccord : nous considérons que ces propositions de rédaction sont satisfaites. En effet, les biocarburants doivent aujourd’hui respecter les critères de durabilité – c’est l’objet des directives « Énergies renouvelables 2 » (EnR 2) et « Énergies renouvelables 3 » (EnR 3). N’oublions pas que le paquet promeut déjà les biocarburants dans les objectifs des EnR et que cette promotion est d’ores et déjà conditionnée à une diminution entre 50 et 65 % des émissions liées à leurs installations – cela sera encore plus avec la nouvelle règlementation européenne.

Les propositions de rédaction ne sont pas retenues.

M. Didier Marie, rapporteur. – J’avais proposé une proposition de rédaction tendant à supprimer l’alinéa 148, mais, pour gagner du temps, je vais présenter directement ma proposition de repli : il s’agit, après le mot « biocarburants », d’insérer « dont le bilan carbone et énergétique est vertueux » et, surtout, de supprimer, « quelle que soit leur génération ».

Sans rouvrir le débat, je rappelle qu’il convient de distinguer les biocarburants d’hier et ceux d’aujourd’hui, qui n’ont pas exactement la même valeur écologique.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. – Cette proposition de rédaction est problématique.

Premièrement, elle enlève une protection magistrale pour nos agriculteurs concernant la référence aux importations prohibées de soja et d’huile de palme.

Deuxièmement, elle supprime la référence aux critères de durabilité, chose que, je pense, personne ne souhaite.

M. Jacques Fernique. – Nous avions soumis une proposition de rédaction tendant elle aussi à supprimer les mots « quelle que soit leur génération » – je l’ai évoqué lors de mon propos liminaire. Cela fragilise votre argument…

M. Pierre Cuypers. – Je rappelle que la première génération n’a pas encore complètement et totalement abouti. Il faut donc maintenir la rédaction en l’état.

La proposition de rédaction n’est pas retenue.

M. Didier Marie, rapporteur. – À l’alinéa 164, ma proposition de rédaction consiste à le rédiger de la manière suivante : « Juge que doit être appliqué un seuil d’émission, adapté, ambitieux et graduel, pour les énergies fossiles référencées dans le règlement (UE) 2020-852 du 18 juin 2020 du Parlement européen et du Conseil sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019-2088 dit règlement sur la taxonomie, et utilisées pour le chauffage et le refroidissement, plutôt qu’une interdiction sèche ; »

Il s’agit d’encadrer la possibilité de poursuivre l’utilisation d’énergies fossiles, s’agissant notamment du logement social et des bâtiments, pour le chauffage et le refroidissement, pour la limiter à la condition expresse qu’il s’agisse d’énergies fossiles référencées dans la taxonomie – soit essentiellement le gaz.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. – Je vais répondre à la place de ma collègue Dominique Estrosi Sassone : le problème de cette proposition de rédaction est qu’elle empêcherait les logements sociaux de recourir au gaz, ce que font aujourd’hui les trois quarts du parc social.

M. Didier Marie, rapporteur. – La rédaction que nous proposons permet de considérer que ce sont les énergies fossiles qui sont aujourd’hui encore autorisées dans le règlement de la taxonomie, soit le gaz, à l’exclusion de toute autre.

On peut très bien imaginer que, dans tel ou tel pays, on continue de chauffer les logements sociaux avec des chaudières au charbon. L’idée est de s’en tenir exclusivement à ce que l’Union européenne a prévu.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. – La taxonomie n’autorise que le gaz émettant moins de 100 grammes de CO2 par kilowattheure.

Il faut mesurer les conséquences qui découleraient de cette rédaction pour les logements sociaux…

M. Didier Marie, rapporteur. – C’était le sens de notre proposition de rédaction tendant à remonter à 50 % le taux des nouveaux quotas affectés au Fonds pour le climat pour accompagner les modifications.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. – L’idée est bonne. Le seul problème est que le gaz que vous évoquez n’existe pas. Soyons concrets.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Les commissions des affaires économiques et de l’aménagement du territoire et du développement durable sont défavorables à la proposition.

La proposition de rédaction n’est pas retenue.

M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. – Je vous soumets une proposition de rédaction, de nature technique, qui vise à supprimer un doublon : l’alinéa 171 est en effet redondant avec l’alinéa 192, lequel concerne également la certification internationale des carburants d’aviation durables et moins bien rédigé.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Cette proposition de rédaction est portée par la commission des affaires européennes. J’y suis favorable.

La proposition de rédaction est retenue.

Mme Angèle Préville. – Je propose de modifier la rédaction des alinéas 172, 177 et 180 pour rappeler que les carburants synthétiques peuvent être élaborés à partir de charbon et de lignite. Il me paraît absolument nécessaire de le mentionner, car il ne serait pas vertueux d’utiliser des matières fossiles pour fabriquer des carburants synthétiques. Il faut exclure ceux qui seraient fabriqués de la sorte.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Cela est déjà pleinement intégré dans l’objectif général du texte. Vos propositions de rédaction sont satisfaites. La base moléculaire de tous les carburants restera le carbone.

Mme Angèle Préville. – En termes d’émissions de gaz à effet de serre, fabriquer des carburants synthétiques en se servant de l’électrolyse de l’eau et du dioxyde de carbone qui se trouve dans l’atmosphère est vertueux. Utiliser le charbon et le lignite ne l’est pas.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. – Le texte prévoit des seuils d’émission, qui excluent, de fait, le charbon et le lignite. La proposition de rédaction est donc satisfaite.

M. Daniel Salmon. – Si elle ne l’était pas, ajouter cette précision me semblerait tout à fait pertinente : ce n’est pas du tout la même chose que le carbone soit issu de matières fossiles ou des énergies renouvelables !

Mme Angèle Préville. – En effet !

La proposition de rédaction n’est pas retenue.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Pour les mêmes raisons, avis défavorable à votre proposition de rédaction indiquant, aux alinéas 172, 177 et 180, que les carburants synthétiques doivent être élaborés à partir d’énergies renouvelables.

La proposition de rédaction n’est pas retenue.

Mme Angèle Préville. – À l’alinéa 130, ma proposition de rédaction tend à aller plus loin sur l’intégration des produits supplémentaires dans le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières : il s’agit d’écrire que l’intensité carbone « doit » – et non « peut » – être évaluée, et que des produits de base supplémentaires « devraient » – et non « pourraient » – être intégrés au mécanisme à l’occasion de la clause de revoyure. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous interpelle très souvent sur l’impact environnemental des produits finis importés.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. – Je suis plutôt défavorable à cette proposition de rédaction, qui complexifie les choses. Au reste, le marché carbone doit respecter les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et votre proposition fragiliserait cette nécessaire conformité.

Mme Denise Saint-Pé, rapporteure. – Nous en avons débattu en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Même si l’objectif est tout à fait louable, nous avons nous aussi conclu qu’il y aurait un risque d’incompatibilité avec les règles de l’OMC.

La proposition de rédaction n’est pas retenue.

Mme Angèle Préville. – À l’alinéa 131, nous proposons, dans le même état d’esprit, de remplacer « l’opportunité » par « la nécessité » d’une extension du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à certains produits finis exposés à un risque de fuites de carbone. Ce serait montrer un peu plus de volontarisme sur le sujet.

La proposition de rédaction n’est pas retenue.

M. Didier Marie, rapporteur. – À l’alinéa 96, je propose la rédaction suivante : « Considère que la transition vers une économie décarbonée présente de réelles opportunités de développement économique mais que le niveau d’ambition affiché par l’Union européenne lui impose de jouer le rôle de meneur économique et de développement durable ainsi que de prescripteur de normes en matière de durabilité. »

Il s’agit d’affirmer que l’Union européenne doit imposer – par la négociation, bien évidemment – ce changement de paradigme à l’échelle internationale, notamment dans le cadre des règles de l’OMC.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Cette proposition paraît acceptable.

La proposition de rédaction est retenue.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Pour répondre au souhait que Pierre Laurent a exprimé tout à l’heure, je lui suggère une proposition de rédaction tendant à intégrer l’expression « transition juste » dans notre PPRE. Nous pourrions le faire à ce même alinéa 96, par la rédaction suivante : « souligne néanmoins la nécessité d’accompagner l’évolution des acteurs économiques, des ménages et des territoires les plus vulnérables pour permettre une transition juste. »

M. Pierre Laurent, rapporteur. – Je suis d’accord.

La proposition de rédaction est retenue.

La proposition de résolution européenne est ainsi modifiée pour être déposée dans cette rédaction par ses auteurs.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. – Je remercie les rapporteurs, mes deux collègues présidents et les groupes politiques. Nous avons travaillé à la façon européenne, avec beaucoup de diplomatie, en nous égarant parfois dans les réflexions, mais en étant, au final, efficaces.

La réunion est close à 10 h 55.