Mardi 25 janvier 2021

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 14 h 10.

Projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d'accueil sur le territoire français - Examen des amendements au texte de la commission

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons les amendements de séance sur le projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d'accueil sur le territoire français.

Nous commençons par l'examen des amendements de la rapporteure.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE LA RAPPORTEURE

Article 7

L'amendement de coordination n°  68 est adopté.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  69 permet aux conjoints et ex-conjoints survivants d'anciens supplétifs de bénéficier de six années d'arrérages de l'allocation viagère, qui a été instaurée en 2016, au titre des années antérieures, au lieu de quatre. Le Gouvernement, qui a donné son accord sur cette disposition, a également déposé un amendement en ce sens.

L'amendement n° 69 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  39 porte sur la reconnaissance de la qualité de citoyens français des supplétifs ayant servi en Algérie. Nous l'avons déjà indiqué, tous les supplétifs n'étaient pas Français. Certains Marocains et Tunisiens résidant en Algérie ont servi dans les harkas. Concernant les autres supplétifs, nul ne remet en cause leur qualité de citoyen français qu'il n'est par conséquent pas nécessaire d'inscrire dans la loi. Mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 39, de même qu'aux amendements nos  2 rectifié, 14 et 31 rectifié.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  3 rectifié a pour objet de reconnaître la responsabilité de l'État du fait de l'abandon des harkis. Cet amendement étant satisfait par le premier alinéa de l'article 1er, j'émets un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3 rectifié.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  18 vise à reconnaître la responsabilité de l'État du fait de l'abandon des harkis sur le territoire algérien. Même avis.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 18.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  4 rectifié tend à mentionner la perte de chance subie par les harkis et leurs enfants dans les termes de la reconnaissance de la responsabilité de l'État. Cet amendement est satisfait par le texte et des dispositifs d'aide existent déjà pour les enfants de harkis. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4 rectifié.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  53 a trait à la reconnaissance de la responsabilité de l'État du fait de l'abandon des supplétifs en Algérie de la mauvaise gestion du rapatriement et des conditions de vie inhumaines subies dans les structures d'accueil fermées. Mon avis est défavorable, car il est globalement satisfait.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 53.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Même avis pour l'amendement n°  32 rectifié.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 32 rectifié.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  40 restreint le champ de la reconnaissance de la responsabilité de l'État aux seuls citoyens français rapatriés d'Algérie anciennement de statut civil de droit local. Je le redis, tous les supplétifs n'étaient pas français, certains marocains et tunisiens résidant en Algérie ayant servi dans les harkas. Concernant les autres supplétifs, nul ne remet en cause leur qualité de citoyen français, encadrée notamment par les lois du 7 mai 1946 et du 20 septembre 1947, qui a motivé leur engagement au service de la France. Je précise qu'aux termes de l'ordonnance du 21 juillet 1962, les supplétifs de statut civil de droit local ont perdu la nationalité française le 1er janvier 1963, sauf s'ils ont souscrit, avant le 22 mars 1967, une déclaration de reconnaissance de la nationalité française. Il n'est donc pas nécessaire d'inscrire cette précision dans la loi. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 40.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  43 vise à adjoindre aux anciens supplétifs rapatriés d'Algérie ceux qui sont arrivés en France par leurs propres moyens. Or le terme « rapatriés » inclut tous les anciens supplétifs ayant servi en Algérie et s'étant installés en France, quel qu'ait été leur moyen de gagner le territoire national. L'amendement étant satisfait, mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 43, de même qu'à l'amendement n°  33 rectifié.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Pourquoi tant d'amendements ont-ils été déposés sur cet article, alors qu'ils sont satisfaits par le texte.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Nombre d'associations demandent que soit introduite dans le texte la reconnaissance de l'abandon, ce que ne prévoyait pas le projet de loi déposé par le Gouvernement. Mais l'Assemblée nationale a modifié la rédaction de l'article 1er pour le préciser. Certains de nos collègues n'ont pas pris en compte la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  41 vise à étendre le champ de la responsabilité de l'État à l'ensemble des anciens supplétifs et des membres de leurs familles rapatriés d'Algérie. Je comprends l'intention des auteurs de cet amendement, mais un avis favorable laisserait imaginer l'extension du droit à réparation. Or tel n'est pas l'objet de l'article 2. En conséquence, mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 41, de même qu'à l'amendement n°  42.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  15 rectifié étend le champ de la responsabilité de l'État aux structures ouvertes. L'article 2 ne prévoit pas un droit à réparation aux harkis ayant séjourné dans les cités urbaines. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15 rectifié.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  51 mentionne le caractère inhumain des conditions de vie dans les camps et les hameaux de forestage. Il est déjà indiqué dans le texte que les conditions d'accueil étaient indignes. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 51.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  59 vise à reconnaître l'abandon des harkis par la France. Cela figure déjà dans le texte. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 59.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  5 rectifié reconnaît la responsabilité de l'État du fait de l'abandon de certains harkis arrivés en France par leurs propres moyens. Je le redis, le premier alinéa de l'article 1er le reconnaît explicitement. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5 rectifié.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  44 mentionne la perte de chance subie par les harkis et leurs enfants dans les termes de la reconnaissance de la responsabilité de l'État. Mon avis est défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 44.

Article 1er bis

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  50 porte sur l'adjonction de la reconnaissance des sévices subis par les supplétifs du fait de leur engagement au service de la France à l'objet de la Journée nationale d'hommage aux anciens supplétifs et autres membres des formations supplétives. J'émets un avis favorable à cet amendement.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 50.

Après l'article 1er bis

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Les amendements identiques nos  12 et 34 visent à supprimer la journée d'hommage du 19 mars. Je demande le retrait de ces amendements ou, à défaut, j'émettrai un avis défavorable, car cette disposition n'a pas fait l'objet de concertations avec les associations d'anciens combattants et de familles de rapatriés.

La commission demande le retrait des amendements nos 12 et 34 et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  13 rectifié a pour objet de reconnaître la barbarie et l'ampleur des massacres commis en Algérie après le 19 mars 1962, notamment de la rue d'Isly le 26 mars 1962 et d'Oran le 5 juillet 1962 à l'égard de la population française, des militaires comme des civils engagés. En aucun cas, je ne nie ces événements, mais cet amendement ne présente pas de lien avec le texte : il est irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

L'amendement n° 13 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 2

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  62 mentionne le rôle de proposition de la commission nationale de reconnaissance et de réparation pour dresser la liste des structures concernées par le droit à réparation. Je demande le retrait de cet amendement, car il est satisfait.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 62 et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  6 rectifié reconnaît l'existence d'une politique de ségrégation sociale dont les harkis auraient été victimes. Le mot « ségrégation » n'est pas parfaitement adapté, même si l'on reconnaît les conditions de vie indignes des harkis dans les camps. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 6 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  7 rectifié consacre le rôle de proposition de la commission nationale de reconnaissance et de réparation pour la fixation des modalités de calcul de l'indemnité de réparation. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 7 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  22 précise le champ des sommes pouvant être déduites du montant de la somme forfaitaire valant réparation. Je le redirai en séance, ne seront pas déduites toutes les autres aides auxquelles peuvent prétendre les harkis. En conséquence, je demande le retrait de cet amendement ou, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 22 et, à défaut, y sera défavorable.

Après l'article 2

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Je suis défavorable à l'amendement n°  61, qui vise à créer une mission d'information parlementaire sur les préjudices subis par les harkis. Cette demande relève de la Conférence des présidents, chaque groupe parlementaire a un droit de tirage, et des commissions permanentes. Mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 61.

Article 3

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  11 rectifié quater, qui tend à rattacher la commission nationale de reconnaissance et de réparation au Premier ministre, répond à une demande des associations de harkis. Il contribue à assurer l'indépendance de cette commission et à clarifier la répartition des rôles entre celles-ci et l'ONACVG. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 11 rectifié quater.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  56 rectifié prévoit que les membres de la commission nationale de reconnaissance et de réparation seront désignés par le Premier ministre. Nous envoyons un signal plus fort en rattachant cette commission au Premier ministre. En conséquence, mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 56 rectifié.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Les amendements identiques nos  9 rectifié, 25 et 54 visent à rétablir la présence d'un député et d'un sénateur parmi les membres de la commission nationale de reconnaissance et de réparation. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 9 rectifié, 25 et 54.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Les amendements identiques nos  64 et 66 prévoient que la commission nationale de reconnaissance et de réparation aura pour mission d'entendre les harkis, d'examiner leur situation et de leur proposer toute mesure de reconnaissance appropriée. J'émettrai un avis de sagesse, car il est important de mettre en avant cette mission consacrée aux harkis combattants.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements nos 64 et 66.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  28 attribue à la commission nationale de reconnaissance et de réparation une mission de chiffrage du montant global des réparations en fonction de l'évaluation des préjudices individuels subis par les rapatriés d'origine algérienne. Cette mesure n'aurait pas de conséquence sur le mécanisme forfaitaire fixé à l'article 2. De plus, elle serait très complexe à mettre en place. En conséquence, mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 28.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  63 prévoit que la commission nationale de reconnaissance et de réparation pourra solliciter autant que nécessaire l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Le texte prévoit déjà que l'Office apportera son appui à la commission. Avis défavorable, car cet amendement est satisfait.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 63.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Les amendements identiques nos  8 rectifié et 48 donnent la capacité à la commission nationale de reconnaissance et de réparation de proposer une évolution de la date à laquelle cesse la prise en compte des séjours en camps et en hameaux pour le calcul de la somme forfaitaire valant réparation. Certains de nos collègues demandent réparation au-delà de 1975. Cependant, la responsabilité de l'État prend fin à la fermeture administrative des camps et des hameaux, dans la mesure où la liberté de circulation n'est plus restreinte. En conséquence, l'avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 8 rectifié et 48.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement n°  1 rectifié, qui permet à la commission nationale de reconnaissance et de réparation de proposer toute mesure de reconnaissance et de réparation envers les anciens supplétifs et les membres de leurs familles. La commission pourra procéder à des expertises en vue de faire évoluer les dispositifs en faveur des harkis.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1 rectifié.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  49 rectifié bis prévoit que la commission nationale de reconnaissance et de réparation pourra verser à une fondation des fonds documentaires au titre de sa mission mémorielle. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable, car la loi du 23 février 2005 institue déjà une fondation. Il semblerait plus pertinent d'ouvrir le champ de cette fondation.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Cela relève-t-il du domaine législatif ?

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Il revient à la fondation de faire évoluer ses statuts.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 49 rectifié bis et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  24 rectifié prévoit la présence de représentants de harkis au sein de la commission nationale de reconnaissance et de réparation. Avis défavorable, car cette commission pourra entendre tous les témoignages individuels des intéressés.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 24 rectifié, de même qu'à l'amendement n°  60.

Article 4

L'amendement rédactionnel n°  57 est adopté.

Article 7

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  65 du Gouvernement est identique à l'amendement que nous avons adopté au début de notre réunion : il allonge de quatre à six années la période au titre de laquelle les veuves des anciens membres des formations supplétives ou assimilés peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l'allocation viagère. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 65.

Après l'article 7

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Les amendements nos  58, 35 rectifié, 52 et 10 rectifié tendent à créer une amende spécifique pour l'injure et la diffamation commises envers un ancien supplétif en raison de sa qualité. La loi de 2012 assimile déjà l'injure et la diffamation à l'encontre des forces supplétives à celles visant les forces armées, pour lesquelles des sanctions sont prévues, et elle permet aux associations de se constituer partie civile. L'injure et la diffamation adressées à une personne considérée individuellement relèvent en revanche du droit commun. En conséquence, mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 58, 35 rectifié, 52 et 10 rectifié.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  27 rectifié vise à créer une commission de suivi du processus de réparation. En tant que parlementaires, nous pourrons exercer nos prérogatives pour contrôler l'effectivité du droit à réparation. Limitons les organismes extraparlementaires. Mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27 rectifié.

Intitulé du projet de loi

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  36 vise à restreindre le champ de l'intitulé du projet de loi aux seuls anciens supplétifs rapatriés d'Algérie jouissant de la nationalité française. Comme je l'ai déjà souligné à l'article 1er, tous les supplétifs n'étaient pas Français. L'adoption de cet amendement aurait pour conséquence de les exclure du champ de la reconnaissance établie par le projet de loi. Mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 36.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  38 fait référence aux conditions de vie plutôt qu'aux conditions de séjour dans les structures dédiées. Cette disposition me semble pertinente. En conséquence, mon avis est favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 38.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement n°  37 vise à supprimer les mots « dans certaines structures » de l'intitulé du projet de loi. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 37.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort
de l'amendement

Article 7
Assouplissement des conditions d'attribution de l'allocation viagère

Mme RICHER

68

Amendement de coordination

Adopté

Mme RICHER

69

Allongement de quatre à six années de la période au titre de laquelle les veuves des anciens membres des formations supplétives ou assimilés peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l'allocation viagère

Adopté

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er
Reconnaissance et responsabilité de la Nation envers les harkis
et les autres membres des formations supplétives

M. TEMAL

39

Reconnaissance de la qualité de citoyens français des supplétifs ayant servi en Algérie

Défavorable

Mme Valérie BOYER

2 rect.

Reconnaissance du service des harkis en tant que citoyens français

Défavorable

M. BOURGI

14

Reconnaissance du service des harkis en tant que citoyens français

Défavorable

M. TABAROT

31 rect.

Reconnaissance du service des harkis en tant que citoyens français

Défavorable

Mme Valérie BOYER

3 rect.

Reconnaissance de la responsabilité de l'État du fait de l'abandon des harkis

Défavorable

Mme DEVÉSA

18

Reconnaissance de la responsabilité de l'État du fait de l'abandon des harkis sur le territoire algérien

Défavorable

Mme Valérie BOYER

4 rect.

Mention de la perte de chance subie par les harkis et leurs enfants dans les termes de la reconnaissance de la responsabilité de l'État

Défavorable

M. BOURGI

53

Reconnaissance de la responsabilité de l'État du fait de l'abandon des supplétifs en Algérie, de la mauvaise gestion du rapatriement et des conditions de vie inhumaines subies dans les structures d'accueil fermées

Défavorable

M. TABAROT

32 rect.

Reconnaissance de la responsabilité de l'État du fait de l'abandon des supplétifs en Algérie

Défavorable

M. TEMAL

40

Restriction du champ de la reconnaissance de la responsabilité de l'État aux seuls citoyens français rapatriés d'Algérie anciennement de statut civil de droit local

Défavorable

M. STANZIONE

43

Inclusion des supplétifs ayant gagné la France par leurs propres moyens dans le champ de la reconnaissance de la responsabilité de l'État

Défavorable

M. TABAROT

33 rect.

Inclusion des supplétifs ayant gagné la France par leurs propres moyens dans le champ de la reconnaissance de la responsabilité de l'État

Défavorable

M. TEMAL

41

Extension du champ de la responsabilité de l'État à l'ensemble des anciens supplétifs et des membres de leurs familles rapatriés d'Algérie

Défavorable

M. TEMAL

42

Extension du champ de la responsabilité de l'État à l'ensemble des anciens supplétifs et des membres de leurs familles rapatriés d'Algérie

Défavorable

M. GUIOL

15 rect.

Clarification du champ de la responsabilité de l'État envers les harkis n'ayant pas séjourné dans une structure fermée

Défavorable

M. BOURGI

51

Mention du caractère inhumain des conditions de vie dans les camps et les hameaux de forestage

Défavorable

Mme BENBASSA

59

Reconnaissance de l'abandon des harkis par la France

Défavorable

Mme Valérie BOYER

5 rect.

Reconnaissance de la responsabilité de l'État du fait de l'abandon de certains harkis arrivés en France par leurs propres moyens

Défavorable

M. STANZIONE

44

Mention de la perte de chance subie par les harkis et leurs enfants dans les termes de la reconnaissance de la responsabilité de l'État

Défavorable

Article 1er bis
Journée nationale d'hommage aux harkis

M. BOURGI

50

Adjonction de la reconnaissance des sévices subis par les supplétifs du fait de leur engagement au service de la France à l'objet de la journée nationale d'hommage aux anciens supplétifs

Favorable

Articles additionnels après l'article 1er bis

Mme Valérie BOYER

12 rect.

Suppression de la journée du 19 mars comme journée nationale de souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc

Défavorable

M. TABAROT

34 rect.

Suppression de la journée du 19 mars comme journée nationale de souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc

Défavorable

Mme Valérie BOYER

13 rect.

Reconnaissance de la barbarie et de l'ampleur des massacres commis à l'égard de la population en Algérie après le 19 mars 1962

Irrecevable
au titre de l'art. 45
de la Constitution

Article 2
Réparation du préjudice résultant de l'indignité des conditions d'accueil
et de séjour dans des structures fermées

Mme BORCHIO FONTIMP

62 rect.

Mention du rôle de proposition de la commission de reconnaissance et de réparation pour dresser la liste des structures concernées par le droit à réparation

Défavorable

Mme Valérie BOYER

6 rect.

Reconnaissance de l'existence d'une politique de ségrégation sociale dont les harkis auraient été victimes

Défavorable

Mme Valérie BOYER

7 rect.

Consécration du rôle de proposition de la commission nationale de reconnaissance et de réparation pour la fixation des modalités de calcul de l'indemnité de réparation

Défavorable

M. BENARROCHE

22

Précision du champ des sommes pouvant être déduites du montant de la somme forfaitaire valant réparation

Défavorable

Article additionnel après l'article 2

Mme BENBASSA

61

Création d'une mission d'information parlementaire sur les préjudices subis par les harkis après le 19 mars 1962

Défavorable

Article 3
Création d'une commission de reconnaissance et de réparation

M. BURGOA

11 rect. quater

Rattachement de la commission nationale de reconnaissance et de réparation au Premier ministre

Favorable

M. IACOVELLI

56 rect.

Nomination par le Premier ministre des membres de la commission de reconnaissance et de réparation

Défavorable

Mme Valérie BOYER

9 rect.

Rétablissement de la présence d'un député et d'un sénateur parmi les membres de la commission nationale de reconnaissance et de réparation

Défavorable

M. BENARROCHE

25

Rétablissement de la présence d'un député et d'un sénateur parmi les membres de la commission nationale de reconnaissance et de réparation

Défavorable

M. TEMAL

54

Rétablissement de la présence d'un député et d'un sénateur parmi les membres de la commission nationale de reconnaissance et de réparation

Défavorable

Le Gouvernement

64

Mission de la commission de reconnaissance et de réparation visant à entendre les harkis, à examiner leur situation et à leur proposer toute mesure de reconnaissance appropriée

Sagesse

M. IACOVELLI

66 rect.

Mission de la commission de reconnaissance et de réparation visant à entendre les harkis, à examiner leur situation et à leur proposer toute mesure de reconnaissance appropriée

Sagesse

M. BENARROCHE

28

Attribution à la commission nationale de reconnaissance et de réparation d'une mission de chiffrage du montant global des réparations en fonction de l'évaluation des préjudices individuels subis par les rapatriés d'origine algérienne

Défavorable

Mme BORCHIO FONTIMP

63 rect.

Sollicitation par la commission nationale de l'ONACVG

Défavorable

Mme Valérie BOYER

8 rect.

Capacité, pour la commission nationale de reconnaissance et de réparation, de proposer l'évolution de la date à laquelle cesse la prise en compte des séjours en camp et en hameau pour le calcul de la somme forfaitaire valant réparation

Défavorable

M. STANZIONE

48

Capacité, pour la commission nationale de reconnaissance et de réparation, de proposer l'évolution de la date à laquelle cesse la prise en compte des séjours en camp et en hameau pour le calcul de la somme forfaitaire valant réparation

Défavorable

M. RETAILLEAU

1 rect.

Capacité, pour la commission nationale de reconnaissance et de réparation, de proposer toute mesure de reconnaissance et de réparation envers les anciens supplétifs et les membres de leurs familles

Favorable

M. TEMAL

49 rect. bis

Versement à une fondation des fonds documentaires recueillis par la commission de reconnaissance et de réparation au titre de sa mission mémorielle

Défavorable

M. BENARROCHE

24 rect.

Présence de représentants de harkis au sein de la commission nationale de reconnaissance et de réparation

Défavorable

Mme BENBASSA

60

Présence de représentants de harkis au sein de la commission nationale de reconnaissance et de réparation

Défavorable

Article 4
Nouvelles missions confiées à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre

M. IACOVELLI

57

Rédactionnel

Favorable

Article 7
Assouplissement des conditions d'attribution de l'allocation viagère

Le Gouvernement

65

Allongement de quatre à six années de la période au titre de laquelle les veuves des anciens membres des formations supplétives ou assimilés peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l'allocation viagère

Favorable

Articles additionnels après l'article 7

M. BENARROCHE

58 rect.

Création d'une peine d'amende spécifique pour l'injure et la diffamation commises envers un ancien supplétif en raison de sa qualité et l'apologie des crimes commis contre les anciens supplétifs

Défavorable

M. TABAROT

35 rect. bis

Création d'une peine d'amende spécifique pour l'injure et la diffamation commises envers un ancien supplétif en raison de sa qualité et l'apologie des crimes commis contre les anciens supplétifs

Défavorable

M. BOURGI

52

Création d'une peine d'amende spécifique pour l'injure et la diffamation commises envers un ancien supplétif en raison de sa qualité et l'apologie des crimes commis contre les anciens supplétifs

Défavorable

Mme Valérie BOYER

10 rect.

Création d'une peine d'amende spécifique pour l'injure et la diffamation commises envers un ancien supplétif en raison de sa qualité et l'apologie des crimes commis contre les anciens supplétifs

Défavorable

M. BENARROCHE

27 rect.

Création d'une commission de suivi du processus de réparation

Défavorable

Intitulé du projet de loi

M. TEMAL

36

Modification de l'intitulé du projet de loi aboutissant à en restreindre le champ aux seuls anciens supplétifs rapatriés d'Algérie disposant de la nationalité française

Défavorable

M. TEMAL

38

Référence, dans l'intitulé du projet de loi, aux conditions de vie plutôt qu'aux conditions de séjour dans les structures dédiées

Favorable

Mme POUMIROL

37

Suppression des mots : « dans certaines structures » de l'intitulé du projet de loi

Défavorable

La réunion est close à 14 h 30.

Mercredi 26 janvier 2022

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 8 h 30.

Proposition de loi tendant à expérimenter un chèque emploi petites communes pour l'emploi d'agents contractuels et vacataires - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, nous commençons nos travaux avec l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi de M. Louis-Jean de Nicolaÿ et plusieurs de ses collègues tendant à expérimenter un chèque emploi petites communes pour l'emploi d'agents contractuels et vacataires.

Je salue ceux de nos collègues qui participent à cette réunion en visio-conférence.

Notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ a été convié à assister à cette réunion et je lui donnerai la parole après le rapporteur, Christine Bonfanti-Dossat.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur. - Nous avons tous ici le souci de simplifier autant que faire se peut la vie des élus locaux, en particulier de ceux des plus petites communes, qui sont les moins bien armés face aux responsabilités qui leur incombent et à l'ampleur de la tâche à mener.

Pour autant, nous devons veiller à ce que les mesures de simplification en leur faveur soient compatibles avec les exigences de la gestion des deniers publics, la préservation du contrôle démocratique, la garantie des droits des agents publics et l'intérêt général.

Forte de cette conviction, je vous présenterai dans un instant mon rapport sur la proposition de loi tendant à expérimenter un chèque emploi petites communes pour l'emploi d'agents contractuels et vacataires, déposée par notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ, dont je tiens à saluer la présence parmi nous ce matin.

En dépit du caractère crucial de la question soulevée par ce texte, et compte tenu d'un certain nombre d'obstacles à la mise en oeuvre du dispositif qui nous est soumis, je vous proposerai de soumettre au Sénat une motion tendant au renvoi de la proposition de loi à la commission.

Pour commencer, il m'appartient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.

Je considère qu'il comprend des dispositions relatives aux modalités de déclaration, de paiement de la rémunération et de recouvrement des cotisations et contributions sociales des agents contractuels et vacataires des communes ; à la procédure de recrutement des agents contractuels et vacataires de la fonction publique territoriale.

En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé des amendements relatifs aux modalités de déclaration, de paiement de la rémunération et de recouvrement des cotisations et contributions sociales des agents contractuels et vacataires des départements, des régions, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'État ; aux modalités de déclaration, de paiement de la rémunération et de recouvrement des cotisations et contributions sociales des agents titulaires de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'État ; à la procédure de recrutement des agents titulaires de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'État ; aux dispositifs simplifiés de déclaration et de recouvrement des cotisations et contributions sociales à destination des particuliers employeurs, des associations et des entreprises.

De tels amendements seraient donc déclarés irrecevables par notre commission en application de l'article 45 de la Constitution.

Les employeurs sont tenus d'accomplir de nombreuses formalités en matière de déclaration et de paiement de leurs salariés. Or certains d'entre eux, structures de petite taille ou particuliers, ne disposent pas des ressources nécessaires à la satisfaction de ces obligations, qu'il s'agisse des compétences requises, des moyens de recruter des salariés dédiés à ces tâches ou tout simplement du temps. Dans un tel contexte, la réglementation risquerait de constituer un frein à la dynamique de l'économie et de l'emploi.

C'est la raison pour laquelle l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) a développé, depuis les années 1990 plusieurs dispositifs simplifiés de déclaration, de paiement de la rémunération et de recouvrement des cotisations et contributions sociales des salariés à l'intention des employeurs du secteur privé.

Il s'agit principalement du chèque emploi service universel (CESU), créé en 1994, auquel peuvent recourir les particuliers qui emploient à domicile de salariés réalisant des prestations de services à la personne ; du chèque emploi associatif, créé en 2004, utilisable par les associations à but non lucratif, les fondations dotées de la personnalité morale et les associations de financement électoral ; et du titre emploi service entreprise, créé en 2004 également, et destiné aux entreprises relevant du régime général de sécurité sociale.

En utilisant l'une de ces offres, l'employeur est réputé satisfaire à l'obligation d'établissement d'un contrat de travail écrit. Il peut acquitter tout ou partie du montant de la rémunération de ses salariés et procéder de manière simplifiée à la déclaration et au paiement des cotisations sociales ; à la déclaration et au reversement des montants donnant lieu au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu ; à l'accomplissement des formalités obligatoires liées à l'embauche et à l'emploi de salariés, comme la déclaration auprès de l'Urssaf, la confection des bulletins de paie et les déclarations relatives aux cotisations et contributions sociales, sur la base desquelles l'Urssaf établit pour le compte de l'employeur la déclaration sociale nominative (DSN).

Obligatoire depuis 2017 pour tous les employeurs privés et depuis 2022 pour tous les employeurs publics, la DSN, qui se substitue à quarante-cinq déclarations sociales, permet de mutualiser la collecte des données, partagées entre les organismes sociaux selon leurs besoins.

La proposition de loi de notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ vise, dans un double souci de soutien au recrutement d'agents contractuels et vacataires, et de simplification administrative, à transposer au secteur public local les dispositifs simplifiés existant dans le secteur privé.

Le texte prévoit ainsi l'expérimentation, pour une durée de trois ans, d'un chèque emploi petites communes permettant aux communes de moins de 5 000 habitants de simplifier les déclarations et formalités liées à l'emploi, pour une durée maximale de trois mois, d'agents contractuels et vacataires. Les sommes versées par ce biais ne pourraient excéder 5 % de la masse salariale brute de la commune, tandis qu'une attestation mensuelle d'emploi délivrée par l'Urssaf se substituerait, pour les agents concernés, au bulletin de paie. Pour les seuls vacataires, l'utilisation de ce dispositif serait réputée valoir acte d'engagement.

Comme tous les employeurs, les petites communes font face, en matière d'embauche, à des difficultés de taille que notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ a mises en lumière.

Il s'agit d'abord, pour certaines d'entre elles, de difficultés financières, après des années de recul des dotations de l'État. La direction générale des finances publiques (DGFiP) a toutefois précisé que, sur la période récente, entre 2019 et 2021, les recettes de fonctionnement des communes de moins de 3 500 habitants ont augmenté plus rapidement que leurs dépenses de fonctionnement, à hauteur de 4,4 % contre 2,2 %.

Il s'agit également de difficultés d'ordre procédural. Les collectivités ne peuvent en effet recourir à des agents contractuels ou à des vacataires qu'en des circonstances très précises déterminées par la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Lorsque la loi les y autorise, elles doivent, en outre, respecter une procédure strictement encadrée permettant de garantir l'égal accès aux emplois publics et la préservation des droits des agents publics.

Il s'agit, enfin, de difficultés de recrutement. Comme l'ont rappelé l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), il s'agit davantage d'une problématique de pénurie de candidats dans certains territoires que de lourdeurs administratives à l'embauche.

Or les organismes que j'ai entendus dans le cadre de mes travaux ont unanimement considéré que le déploiement d'une offre simplifiée ne constituait pas une solution adaptée et était difficilement envisageable.

D'abord, les centres de gestion, auxquels 94 % des communes adhèrent obligatoirement, fournissent une aide précieuse aux petites communes en matière de gestion des personnels. En effet, ceux-ci peuvent mettre à leur disposition des agents pour assurer le remplacement d'agents momentanément indisponibles, pour assurer des missions temporaires, pour pourvoir à la vacance d'un emploi ou pour affecter ces agents à des missions permanentes.

Plus de 90 % des centres de gestion assurent actuellement un service de remplacement et 42 % d'entre eux proposent à leurs affiliés de réaliser toutes les tâches liées à la confection des paies.

Les centres de gestion fournissent également aux collectivités des prestations d'aide à la définition de leurs besoins en personnels, à la conduite des entretiens d'embauche et à la rédaction des contrats de travail et des arrêtés de nomination. D'après l'AMRF, les maires interrogés seraient globalement satisfaits des services de leur centre de gestion. Lorsque ce dernier n'assure pas la mission de remplacement, les communes peuvent faire appel à des sociétés d'intérim. Il en va de même lorsqu'elles doivent faire face à une vacance temporaire d'emploi, à un accroissement temporaire d'activité ou à un besoin occasionnel ou saisonnier.

Rappelons, par ailleurs, que les élus peuvent également solliciter l'intercommunalité en vue de la mise à disposition de personnels ou opter pour le recours à une association fournissant des prestations de services.

En somme, le dispositif prévu par la proposition de loi serait probablement utilisé par un nombre marginal de communes. J'attire votre attention, à ce propos, sur l'absence d'attractivité financière de ce dispositif.

Contrairement au CESU, qui est cumulable avec le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, aucune mesure de soutien financier en faveur des communes ne serait attachée au titre emploi qui leur serait dédié. J'ajoute que celui-ci n'exonérerait pas les communes utilisatrices du paiement de l'indemnité de fin de contrat, également appelée « prime de précarité », due, depuis le 1er janvier 2021, aux contractuels dont la durée du contrat est inférieure à un an.

Par ailleurs, la simplification des procédures de recrutement, de déclaration et de paiement des agents des communes n'est, pour l'heure, pas envisageable, en raison de leur encadrement par le droit de la fonction publique et les principes de la gestion budgétaire et comptable publique.

De fait, un certain nombre de formalités doivent être accomplies pour recruter un agent contractuel ou vacataire.

D'abord, le vote d'une délibération par le conseil municipal afin d'autoriser la création d'un emploi dans le cas des contractuels ou d'autoriser le recrutement en ce qui concerne les vacataires. Il est alors nécessaire d'inscrire les crédits afférents au budget et, dans certains cas, de transmettre la délibération à la préfecture en vue du contrôle de légalité.

Ensuite, l'obligation de publicité de la création ou de la vacance de l'emploi s'impose s'il s'agit d'un emploi permanent ouvert aux contractuels.

Enfin, la rédaction d'un contrat de travail écrit précisant le motif de recours à un contractuel ou, dans le cas des vacataires, un acte d'engagement précisant les conditions de recrutement et faisant apparaître les éléments justifiant la qualité de vacataire, c'est-à-dire l'accomplissement d'un acte déterminé, la discontinuité des tâches dans le temps et une rémunération attachée à l'acte.

Compte tenu de ces obligations légales et réglementaires, le chèque emploi petites communes ne permettrait pas d'accélérer outre mesure les embauches en vue de répondre à des besoins ponctuels.

De surcroît, je rappelle qu'en vertu du principe fondamental de séparation de l'ordonnateur et du comptable public ce dernier doit s'assurer de la régularité de la dépense ordonnée par le premier au moyen de pièces justificatives. Or la quasi-totalité des contrôles effectués sur la rémunération des agents publics est réalisée à l'aide du bulletin de paie.

Si, comme le prévoit la proposition de loi, une simple attestation d'emploi devait se substituer à ce document, le comptable ne pourrait ni satisfaire à ces contrôles réglementaires ni, par conséquent, mettre en paiement la rémunération des agents concernés. Malheureusement, l'Urssaf m'a indiqué ne pas être en mesure d'émettre un tel document, compte tenu des spécificités liées à la paie des agents publics.

Aussi la mise en conformité du dispositif avec la réglementation en vigueur entraînerait-elle la disparition des éléments de simplification qu'il contient.

Un dernier obstacle s'oppose à l'adoption de cette proposition de loi par notre commission.

En effet, comme l'a rappelé l'Urssaf, l'expérimentation de ce titre emploi impliquerait son développement complet. S'il n'est pas possible d'évaluer avec précision le coût de ce déploiement, la direction de la sécurité sociale l'estime aux alentours de 12 millions d'euros, alors que le dispositif expérimental ne serait vraisemblablement utilisé que de façon très marginale.

À titre de comparaison, le titre emploi service entreprise (TESE), qui permettait à 70 000 entreprises de déclarer chaque mois 150 000 salariés en 2021, n'est pas encore « rentable » compte tenu du faible nombre d'utilisateurs au regard du coût induit par la gestion de cette offre simplifiée.

En tout état de cause, la feuille de route de l'Urssaf est chargée de réformes d'ampleur en cours et à venir, notamment le transfert du recouvrement des cotisations sociales dues à plusieurs caisses de retraite et le passage de l'ensemble de la fonction publique à la DSN depuis le 1er janvier. Le déploiement d'un nouveau dispositif simplifié ne pourrait intervenir, au mieux, avant 2025.

Toutes ces problématiques ne pouvant être résolues aisément, mais la question soulevée par notre collègue faisant écho aux préoccupations de bien des élus locaux, j'estime qu'il est nécessaire de mener une réflexion plus large sur les moyens d'assouplir la gestion par les collectivités locales de leurs ressources humaines, de renforcer leurs capacités de recrutement et d'accroître l'attractivité des emplois publics territoriaux.

Sur ce dernier point, la ministre de la transformation et de la fonction publiques a confié une mission à plusieurs spécialistes, dont le rapport devrait être remis dans les jours ou les semaines à venir.

Parmi les enjeux identifiés par la Fédération nationale des centres de gestion figurent, entre autres, le strict encadrement des procédures de recrutement, les niveaux de rémunération, les inégalités de traitement entre fonctionnaires et contractuels exerçant les mêmes fonctions ou la mauvaise adaptation du recrutement par concours aux besoins des collectivités. Autant de sujets sur lesquels le Sénat fera entendre la voix des territoires.

Par conséquent, je vous propose de soumettre au Sénat une motion tendant au renvoi du texte à la commission.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, auteur de la proposition de loi. - Je remercie l'ensemble des collègues qui ont cosigné cette proposition de loi. Il ne s'agit pas d'un problème nouveau, l'Assemblée nationale ayant examiné un texte similaire en 2006, mais celui-ci ne concernait que les communes de moins de 1 000 habitants.

Dans la Sarthe, sur 355 communes, 175 communes comptent moins de 1 500 habitants. Quasiment la moitié des communes pourrait donc être concernée par cette mesure. Je comprends les difficultés soulevées par la transposition au secteur public local d'un chèque emploi service issu du secteur privé. L'idée n'est pas de supprimer des emplois dans la fonction publique. Il s'agit simplement de permettre exceptionnellement, par exemple le temps d'une matinée, aux communes rurales d'employer une personne pour faire face à un besoin ponctuel. C'est une solution plus simple que d'adresser une demande auprès du centre de gestion, d'autant que des garde-fous sont prévus puisque les sommes utilisées par la commune au titre du chèque emploi petites communes ne peuvent excéder 5 % de la masse salariale brute, pour une durée maximum de trois mois.

J'ai bien noté que l'ensemble des administrations estime que cette proposition de loi est extrêmement compliquée à mettre en oeuvre. En 1991, les arguments devaient être les mêmes lors de la mise en place du CESU. Pourtant, plus de 2 millions de personnes l'utilisent aujourd'hui !

Je ne vois aucun inconvénient à retravailler ce dossier afin qu'il trouve une issue plus favorable. Je ne m'oppose bien évidemment pas au souhait de Mme le rapporteur de renvoyer ce texte à la commission. J'ai soumis l'idée d'un chèque emploi à l'ensemble des maires des petites communes au moment de la campagne sénatoriale de 2020. Leur accueil a été plutôt favorable puisque j'ai été réélu !

Je ne cherche pas à compliquer les choses. Cette proposition de loi mérite sans doute d'être améliorée. En tout état de cause, les communes rurales, qui ont aujourd'hui des difficultés à recruter des secrétaires de mairie et du personnel, apprécieraient qu'on leur simplifie la tâche afin qu'elles puissent embaucher ponctuellement les jeunes de la commune.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur. - Chacun s'accorde à reconnaître qu'il faut simplifier la paperasse des petites communes, qui manquent de personnel pour effectuer les remplacements. Sur le fond, nous sommes tous d'accord. Pour autant, sur la forme, la mise en place d'un tel système s'avère aujourd'hui impossible. L'Urssaf nous a annoncé que nous n'y parviendrons, au mieux, qu'à compter de 2025. Nous avons donc fait preuve de sagesse en décidant de surseoir à l'examen de cette intéressante proposition de loi afin de réfléchir à un texte plus solide. Il s'agit d'éviter toutes les oppositions que nous avons pu rencontrer au cours des différentes auditions.

Mme Frédérique Puissat. - Je vous remercie, madame le rapporteur, de nous avoir éclairés sur cette proposition de loi que j'ai cosignée avec plusieurs de mes collègues. Louis-Jean de Nicolaÿ soulève une vraie question pour laquelle les petites communes n'ont aucune réponse. Une commune de 5 000 habitants est-elle petite ? J'aurais plutôt mis la jauge à 500 habitants. Vous avez rappelé que les centres de gestion pouvaient aider au recrutement, mais ce n'est pas ce qui se constate sur le terrain. Certes, les élus sont globalement satisfaits, mais c'est oublier un peu vite que ce sont souvent leurs amis qui composent en grande partie les conseils d'administration des centres de gestion... Quant à l'intérim, il n'est pas monnaie courante. On essaie donc, en général, de piocher dans les habitants de la commune pour trouver une ou deux personnes susceptibles d'effectuer des remplacements. À mon sens, cette simplification aurait été la bienvenue. Je vous remercie de ne pas avoir fermé la porte au débat. Quand j'entends tous les arguments qui nous ont été opposés lors des auditions, je me dis que l'on a besoin d'un choc administratif dans ce pays. Il sera peut-être permis grâce aux prochaines échéances électorales...

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Le groupe CRCE n'a pas cosigné cette proposition de loi. Un certain nombre de dispositifs sont déjà en place et il conviendrait plutôt de les améliorer. Nous sommes tous conscients qu'il existe des problèmes administratifs lourds à gérer pour certaines communes. Le Pas-de-Calais, dont je suis l'élue, compte 890 communes, dont 787 communes de moins de 3 500 habitants et 640 communes de moins de 1 000 habitants. Les remontées du terrain font état d'un besoin de simplification. Néanmoins, comme l'a souligné Frédérique Puissat, la problématique des communes diffère en fonction de leur taille. Contrairement aux communes de 300 habitants, les communes de 5 000 habitants ont du personnel et peuvent traiter avec les centres de gestion. Il n'en va pas de même en ruralité profonde : ce sont d'ailleurs souvent les élus qui tondent les pelouses ou qui effectuent les remplacements dans les restaurations scolaires !

Par ailleurs, vous ne traitez pas le problème au fond et vous passez sous silence tous les moyens supprimés pour la ruralité au cours de ces dernières années, qu'il s'agisse des fermetures de trésoreries, de la suppression de la taxe d'habitation ou de la perte de 13 milliards d'euros au titre de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Je ne suis pas de ceux qui disent qu'il ne faut rien faire, mais je défends mordicus le statut de la fonction publique territoriale. Il y a également matière à réflexion dans nos centres de gestion. Nous pourrions, par exemple, disposer de pools de ressources spécifiques par bassins d'emploi. Quoi qu'il en soit, la lourdeur administrative est effectivement un véritable souci.

Mme Monique Lubin. - Je partage en grande partie les propos de notre rapporteur. Je ne suis pas favorable à cette proposition de loi, qui contribue à accélérer la précarisation de l'emploi, dans la droite ligne des attaques en règle menées depuis quelques années contre le statut de l'emploi public auquel je tiens particulièrement.

Pour avoir été maire d'une toute petite commune, je ne méconnais pas les problèmes que vous soulevez, mais il existe des solutions. Les centres de gestion proposent des services de remplacement. Il existe également des mutualisations via les communautés de communes. Par ailleurs, je ne crois pas que ce chèque emploi petites communes permettra de recruter les bonnes personnes. J'ajoute qu'il existe des solutions au travers de l'économie sociale et solidaire (ESS). Je préside une association d'insertion qui permet à un certain nombre d'intervenants de donner un coup de main dans les communes. Cette proposition de loi a le mérite de poser le problème, mais les solutions préconisées ne nous semblent pas acceptables.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Je ne suis pas spécialement attaché au seuil de 5 000 habitants, si ce n'est que la commune dont j'étais maire compte 4 500 habitants...

Mme Catherine Deroche, présidente. - On n'est jamais si bien servi que par soi-même !

Mme Véronique Guillotin. - Cette proposition m'a séduite. La solution proposée me paraît agile et simple à mettre en oeuvre, d'autant qu'elle ne viendra pas télescoper les autres solutions de la fonction publique ni s'y opposer. Il s'agirait d'un outil de simplification supplémentaire dans la boîte à outils des petites communes. Je salue donc cette proposition de loi, tout en entendant les remarques formulées par Mme le rapporteur.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur. - Pour répondre à Cathy Apourceau-Poly et à Frédérique Puissat, le seuil d'habitants me paraît également trop élevé, c'est un point qu'il faudra revoir. D'après la direction générale des collectivités locales (DGCL), à partir de 3 000 habitants, les communes disposent généralement d'un agent dédié à cette fonction.

Quelle que soit la taille de la commune, le problème relevé aussi bien par l'AMF que par l'AMRF est la faible attractivité de la fonction publique territoriale, sans doute en raison de la pénibilité du travail et de la faiblesse des rémunérations.

En réponse à Monique Lubin, d'après l'AMRF, les maires sont globalement satisfaits des centres de gestions. Je rappelle également que 94 % des communes y adhèrent obligatoirement. C'est aussi ce qui ressort de nos auditions.

Pour défendre notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ, je rappelle que cette proposition de loi ne concerne pas du tout les fonctionnaires, ce qui, d'ailleurs, pourrait causer des difficultés en ce qui concerne la déclaration sociale nominative.

Enfin, je veux dire à Véronique Guillotin que nous sommes tous d'accord sur le bien-fondé de cette proposition de loi. C'est la raison pour laquelle nous allons continuer d'y travailler. En revanche, elle n'est pas du tout applicable en l'état. Serait-il bon de forcer les lignes en période électorale ? Il me paraît plus sage de prendre notre temps et de travailler davantage ce dossier.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je rappelle que notre rapporteur suggère d'approfondir le sujet soulevé par la proposition de loi par le dépôt d'une motion de renvoi à la commission.

Si le principe du dépôt de cette motion est adopté, cela suppose que notre commission rejette l'article unique. En conséquence, la discussion en séance porterait, en application de l'article 42 du Règlement du Sénat, sur la proposition de loi initiale.

Le dépôt d'une motion de renvoi à la commission est décidé.

L'article unique n'est pas adopté.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

Mme Catherine Deroche, présidente. - La séance est prévue le mardi 1er février prochain, sauf si le groupe Les Républicains demandait d'ici là le retrait du texte de l'ordre du jour du Sénat, ce qui n'est pas exclu.

Situation des étudiants en médecine - Audition de M. Nicolas Lunel, président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), de M. Patrice Diot, président, et de Mme Bach Nga Pham, vice-présidente, de la Conférence des doyens des facultés de médecine

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons M. Nicolas Lunel, président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), M. Patrice Diot, président, et Mme Bach Nga Pham, vice-présidente, de la Conférence des doyens des facultés de médecine, sur la situation des étudiants en médecine, dans un contexte marqué par l'épidémie de covid-19 et, plus largement, par une forte tension sur les ressources humaines dans le domaine sanitaire et social en général, et en médecine en particulier.

La démographie médicale se situe dans les classes creuses imputables au resserrement du numerus clausus, mais subit aussi les effets d'une forme de désaffection à l'égard de la profession liée notamment aux conditions de travail.

J'ai donc souhaité entendre le point de vue de l'association des étudiants en médecine ainsi que celui de la Conférence des doyens, afin de dégager un constat, mais aussi, peut-être, des propositions.

M. Nicolas Lunel, président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France. - Étudiant à la faculté de Toulouse, j'effectue une année de césure entre la troisième et la quatrième année de mon cursus.

Mon propos traitera de trois sujets : la santé mentale des étudiants en médecine avant et après la crise sanitaire, leurs difficultés financières et leur formation.

Il convient de rappeler, s'agissant de la santé mentale, que la particularité du cursus de médecine réside dans un partage du temps de formation entre l'université et l'hôpital, qui entraîne une surcharge de travail pour les étudiants, tenus d'effectuer des gardes dès la quatrième année tout en préparant le concours de sixième année déterminant leur spécialité.

Avant la crise sanitaire, l'enquête que nous avions réalisée en 2017 indiquait que 62 % des étudiants en médecine souffraient d'une anxiété pathologique et que 27 % faisaient état de symptômes dépressifs. En 2021, ces chiffres s'établissaient respectivement à 75 % et à 39 %, tandis qu'un quart des étudiants avouaient avoir déjà connu des idées suicidaires au cours des douze derniers mois.

Le partage du temps de formation entre l'hôpital et l'université ne permet pas d'exercer parallèlement un emploi alimentaire. Les difficultés financières, comme le fait de subir des humiliations ou des violences sexuelles et sexistes à l'hôpital, constituent un facteur aggravant pour la santé mentale. En outre, le temps de travail des étudiants en médecine, bien que difficile à mesurer avec précision, demeure élevé.

Pour améliorer la santé mentale, il convient donc d'agir sur plusieurs facteurs. D'abord, s'il paraît difficile de bouleverser la formation, il faut mettre fin aux humiliations dans les services hospitaliers en sanctionnant durement leurs auteurs et en brisant l'omerta qui, trop souvent, règne à l'hôpital. Les établissements pourraient également être sanctionnés financièrement en cas de qualité insuffisante des stages, à condition que cela n'affecte pas la prise en charge des patients.

Concernant la situation financière des étudiants en médecine, il convient de rappeler que, à compter de la quatrième année jusqu'à la sixième année, ils bénéficient d'émoluments à hauteur de 200 à 300 euros nets par mois. La faiblesse de leur rémunération et l'impossibilité à la compléter par un emploi alimentaire créent des situations de précarité. Ainsi, une enquête menée en 2018 a montré qu'un quart des étudiants ont songé à arrêter leur formation faute d'argent, que la moitié d'entre eux ne recommandent pas de suivre un tel cursus en raison de la pression, du manque de considération et des difficultés pécuniaires, et que deux étudiants sur cinq souffrent de problèmes financiers.

Les revalorisations salariales opérées par le Ségur de la santé ont été saluées, mais elles demeurent insuffisantes, car en deçà du statut de stagiaire de l'enseignement supérieur, soit 375 euros nets mensuels. En outre, la réforme des aides personnalisées au logement (APL) a privé les étudiants en médecine d'une centaine d'euros par mois.

Le manque d'argent crée un cadre anxiogène auquel s'ajoute la pression liée à la préparation du concours de sixième année. La qualité des études en pâtit. Aussi, nous proposons que les étudiants en médecine voient leur rémunération alignée sur celle des stagiaires de l'enseignement supérieur. Certes, les gardes sont également rémunérées, mais elles se révèlent particulièrement fatigantes et ne peuvent être multipliées. Il conviendrait aussi de réviser les critères d'accès à la prime d'activité, afin qu'elle puisse bénéficier aux étudiants en médecine.

Il semblerait enfin judicieux de clarifier le statut d'étudiant hospitalier, considéré, selon les textes, comme un étudiant, un agent de la fonction publique ou un salarié, ce qui rend difficilement compréhensibles les aides, droits et responsabilités qui s'y attachent.

S'agissant de la formation, il est exact que nous manquons de médecins - les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) le confirment - conséquence du numerus clausus mis en place dans les années 1970. Son augmentation massive, notamment depuis la décision du Conseil d'État et la création de 20 % de places supplémentaires qui a suivi, apparaît bienvenue, mais le manque de moyens des facultés de médecine conduit à ce que les stages et les travaux pratiques soient surchargés.

À titre d'illustration, alors que nous étions 280 étudiants il y a peu en deuxième année de médecine à Toulouse, la promotion actuelle s'établit à 350 étudiants. Les stages accueillent plus de vingt étudiants, ce qui ne permet pas à chacun de voir plusieurs patients par jour avec des conséquences sur la qualité de la formation. Or, quand les médecins sont mal formés, les patients en souffrent...

Il apparaît donc indispensable d'investir dans les infrastructures des facultés de médecine, y compris dans les équipements de simulation et les nouvelles technologies de pédagogie, et de créer des postes d'enseignants. À défaut, elles ne pourront assurer le suivi de tant d'étudiants, alors qu'elles se trouvent déjà sous pression du fait de la triple réforme des études de médecine.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Le sujet comporte effectivement un volet relatif à l'enseignement supérieur et aux moyens alloués aux facultés.

M. Patrice Diot, président de la Conférence des doyens des facultés de médecine. - Nous partageons les préoccupations exprimées par M. Lunel.

Si l'attractivité des métiers de santé ne se dément pas - la première année de médecine accueillait 60 000 étudiants avant la réforme, davantage depuis ; elle représente le cursus le plus demandé après les formations d'infirmiers - les professions hospitalo-universitaires n'attirent plus.

En raison des enjeux de démographie médicale, le Gouvernement a choisi de communiquer prioritairement sur la disparition du numerus clausus, mais elle ne peut tout résoudre en raison des contraintes d'encadrement pesant sur la formation des étudiants.

Le numerus clausus constitue, depuis sa création en 1972, une erreur fondamentale. Né des revendications des étudiants de 1968 en faveur d'une formation pratique ne bénéficiant pas uniquement aux lauréats des concours de l'externat et de l'internat, le système a conduit à surcharger les stages. Le numerus clausus ne constituait nullement, à l'origine, un outil de régulation de la démographie médicale.

Il fallait bien entendu le supprimer, mais la France n'est pas en mesure de former plus de 10 000 médecins, sauf à augmenter massivement les moyens des facultés ou à réduire la qualité de la médecine française.

La suppression du numerus clausus ne réglera pas non plus les difficultés d'accès aux soins dans les zones sous-denses, peu attractives pour les médecins, comme pour d'autres professions de la fonction publique, auxquelles s'appliquent davantage de contraintes d'installation... Il ne faut pas avoir de tabou sur le sujet.

Les trois cycles des études de médecine sont réformés concomitamment. Les nouvelles modalités de sélection en premier cycle visent une diversification des profils, au-delà des excellents bacheliers scientifiques, souvent issus d'un milieu favorisé et citadin. Les premiers résultats semblent positifs, mais doivent s'accompagner d'un soutien renforcé aux étudiants.

La réforme du deuxième cycle porte sur les compétences, alors que longtemps a été favorisée l'accumulation des connaissances. Cela implique notamment des investissements dans des appareils de simulation.

Le troisième cycle, enfin, s'affirme comme celui de la professionnalisation. Il s'agit de former des médecins plus ouverts à tous les territoires, mais il faut aller plus loin en matière d'incitation.

Si les objectifs poursuivis apparaissent louables, leur mise en oeuvre risque de se trouver contrariée par un taux d'encadrement saturé. En 2020, le Gouvernement a annoncé la création de 250 postes d'enseignants sur cinq ans, mais les facultés de médecine devront les partager avec les formations paramédicales et les facultés de pharmacie. Dès lors, elles se contenteront chacune en moyenne d'un poste supplémentaire tous les quatre ans...

Le mal-être des étudiants en médecine, dramatique, nous inquiète. Certains mettent fin à leur vie ! Il ne s'agit pas là d'une spécificité française. Les étudiants sont confrontés, du fait de leur formation, aux évolutions et à la pression de la société et, parfois, le fardeau pèse trop lourd.

Nous travaillons avec les autres formations médicales et les établissements hospitaliers sur un plan d'action qui sera décliné dans les territoires. En particulier, nous refusons toute tolérance face à des pratiques humiliantes d'un autre âge. Les étudiants en médecine ne sont ni de la chair à canon ni de la main-d'oeuvre gratuite !

Enfin, s'agissant du manque d'attractivité des carrières hospitalo-universitaires, je déplore que le Ségur les ait oubliées. Si des avancées ont été obtenues depuis, il convient de revaloriser encore les rémunérations et de mettre en valeur la mobilité.

Mme Bach Nga Pham, vice-présidente de la Conférence des doyens des facultés de médecine. - La France souffre d'une démographie médicale insuffisante dans les zones sous-denses. Certes, le nombre d'étudiants en médecine augmente, mais il ne faut pas dégrader la qualité de la formation, dans un contexte où le nombre de formateurs demeure restreint. Nous devons également réfléchir aux conditions de travail et à la santé mentale des étudiants en médecine.

Les facultés de médecine exercent une triple mission de soin, de formation et de recherche hospitalo-universitaire.

La crise sanitaire a bouleversé le système de santé. Nous devons encore faire face à la prise en charge de patients atteints par le covid et réintégrer d'autres patients dont les soins ont été décalés. Les soignants, comme les étudiants, sont fatigués.

Parallèlement, doivent être menées de front trois réformes. Il convient également de maintenir le niveau de la recherche, qui s'est dégradé. Former les formateurs demande du temps, en plus des autres missions.

Je crois nécessaire de former aussi en dehors des centres hospitaliers universitaires (CHU), afin d'attirer des étudiants en médecine dans d'autres territoires. Cela nécessite le développement de réseaux de formateurs impliquant des médecins n'appartenant pas aux CHU. Or, compte tenu de la crise démographique et de la charge de travail induite, peu d'entre eux souhaitent devenir formateurs. L'équation semble compliquée à résoudre...

Pour pallier le manque d'effectif à l'hôpital, nous faisons appel à des médecins étrangers, mais leur connaissance limitée du système de santé français ne leur permet pas d'être formateurs.

Il faut remettre au coeur du sujet la qualité de la formation et des formateurs.

Mme Corinne Imbert. - Je vous remercie pour vos témoignages et vos exposés. Monsieur Lunel, votre analyse, hélas, ne me surprend pas...

Monsieur Diot, j'ai rencontré trois doyens il y a dix ans, qui ne faisaient pas montre du même enthousiasme que le vôtre s'agissant de la suppression du numerus clausus. Nous avons perdu du temps sur le sujet.

Madame Pham, il faut effectivement former aussi dans les territoires. Dans mon département, nous travaillons à développer des formations au plus près du lieu d'exercice des formateurs.

Le Sénat avait intégré à la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé un stage obligatoire en zone sous-dense en fin d'internat de médecine générale et de certaines autres spécialités. Cela n'avait pas suscité l'enthousiasme des étudiants... Le décret, hélas, n'a pas été publié et nous perdons du temps. Quelle est votre opinion sur le sujet ? Comment serait-il possible d'avancer ?

Durant la crise sanitaire, les étudiants en médecine ont été mobilisés en renfort, notamment pour les tests et la vaccination. Comment cela s'est-il organisé avec leur cursus ? Comment valoriser leur implication ?

M. Daniel Chasseing. - Monsieur Lunel, le constat n'était pas très différent à mon époque pour les étudiants issus de familles modestes...

L'augmentation du nombre d'étudiants en médecine portera ses fruits dans quelques années, à condition de renforcer les équipes enseignantes et de mettre l'accent sur les compétences.

Comme Corinne Imbert, je m'interroge sur les freins à la mise en oeuvre d'un stage de six mois dans un désert médical en fin de troisième cycle. Comment renforcer la formation dans les territoires ? Faut-il l'envisager en second cycle ? Ne conviendrait-il pas de mobiliser les hôpitaux périphériques pour les stages ? Dans les zones rurales, les maîtres de stage vieillissent et sont surchargés. Les internes qu'ils forment restent rarement. Quant aux médecins étrangers, ils ne peuvent être maîtres de stage. Comment résoudre l'équation ?

M. René-Paul Savary. - Vous avez commencé à esquisser des propositions. N'hésitez pas à nous en faire part.

Le Sénat en a lui-même fait. Que pensez-vous, notamment, de la proposition d'une année d'apprentissage supplémentaire, qui serait une année d'exercice sur le territoire, sous forme de collaboration, rémunérée via les feuilles de soins ? Cela résoudrait-il les problèmes ?

Par ailleurs, que pensez-vous du statut de collaborateur ? Pour ma part, je pense que c'est la meilleure solution et qu'il faudrait y inciter, car cela permet aux médecins de travailler véritablement, à côté d'autres médecins, donc d'offrir des heures médicales supplémentaires.

Mme Émilienne Poumirol. - Nous sommes tous d'accord sur les constats et sur le problème du numerus clausus. Je rappelle que, à Toulouse, c'est la bataille des parents des étudiants en parcours accès santé spécifique (PASS) et la licence accès santé (LAS), qui a donné lieu à l'arrêt du Conseil d'État grâce auquel le nombre de places a pu être augmenté de 20 %.

Je crois que nous sommes tous d'accord sur la nécessité de la formation. Il ne suffit pas de dire qu'il faut 10 000 étudiants par an : il faut aussi les enseignants pour les former.

Je souhaite tout particulièrement revenir sur la formation sur les territoires, que je trouve extrêmement intéressante, dès le deuxième cycle. Il n'y a pas de raison que la formation ait lieu uniquement à Toulouse, pour prendre l'exemple que je connais le mieux, et non à Albi, Castres ou Pamiers.

Je veux revenir sur la proposition qui a été faite au Sénat - Corinne Imbert, René-Paul Savary et Daniel Chasseing viennent de l'évoquer - d'une dernière année sous forme de stage. Plus avant, que penseriez-vous de médecins assistants rémunérés, non pas comme des stagiaires, à 1 500 ou 1 600 euros par mois, mais avec un vrai salaire, digne d'une formation de niveau bac+9 ? Comment, ensuite, les inciter à rester et faciliter leur installation, en particulier dans les maisons de santé pluridisciplinaires ? De fait, je crois que l'époque du médecin exerçant seul, isolé en campagne, est révolue. Il faut leur proposer des conditions de travail complètement différentes de ce que nous avons pu connaître.

M. Nicolas Lunel. - Effectivement, du point de vue de la santé mentale, les étudiants vont mal, comme je l'ai détaillé tout à l'heure. Il est difficile de savoir si la situation était différente auparavant, car on manquait de chiffres. Quoi qu'il en soit, de nombreux médecins nous disent que, par le passé, les étudiants s'amusaient à fond, travaillaient à fond et soignaient à fond et redoutent que les étudiants d'aujourd'hui, fragilisés, ne parviennent pas à supporter les exigences du système de santé. Beaucoup d'étudiants perdent foi en leurs encadrants, ne pensent pas à leur parler, à leur partager leurs craintes. Il y a une difficulté dans cette relation de compagnonnage. J'ose espérer que, dans les prochaines années, la situation s'améliorera.

Concernant l'ouverture du numerus clausus, je souscris aux propos qu'ont tenus M. Diot et Mme Pham : effectivement, on connaît de très grandes difficultés pour former plus de médecins.

S'agissant de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (OTSS), et la proposition d'un temps de stage en zone sous-dense, plusieurs questions se posent. En premier lieu, quels sont les internes concernés ? Outre les internes de spécialités de premier recours, il faudrait des internes de gynécologie, de pédiatrie, car, au-delà de la médecine générale, d'autres professions sont en manque. On crée donc une certaine disparité entre des spécialités qui ne peuvent pas travailler en zone sous-dense parce qu'ils n'y trouveront pas l'équipement nécessaire - un neurochirurgien, par exemple, ne pourra pas exercer dans un cabinet. Cela crée, au surplus, une différence d'attractivité entre spécialités d'internat : on sait que le choix de telle ou telle spécialité impliquera de passer, par exemple, six mois en zone sous-dense.

Par ailleurs, comment définit-on les zones sous-denses ? Actuellement, l'Île-de-France est l'un des plus gros déserts médicaux de France, parce qu'il est très compliqué de pouvoir y acheter un bien pour ouvrir un cabinet.

Il est très compliqué de jongler avec ces différents paramètres.

La proposition d'un stage de six mois en zone sous-dense soulève d'autres difficultés : l'étudiant concerné ne peut pas vraiment lâcher l'appartement qu'il occupe dans sa ville d'études. Et il n'est pas facile de trouver un logement que l'on n'occupera que six mois... Le cumul de charges devient très important.

Mme Monique Lubin. - On vous loge souvent !

M. Nicolas Lunel. - Certes, mais dans quelles conditions ?

Certaines propositions ont été faites, notamment par le département de la Vendée, qui a mis en place des hébergements territoriaux d'étudiants en santé pouvant loger les internes. Il faut que les logements soient accessibles, proches du lieu de stage et qu'ils permettent à tous les étudiants - en médecine, en pharmacie, en maïeutique - de se rencontrer, pour créer une cohésion.

En outre, la motivation principale de ce stage de six mois ne doit pas être de résoudre le problème de l'accès aux soins. Il faut vraiment que ce soit centré sur la formation. On entend souvent que les étudiants doivent aller dans les territoires pour soigner la population, mais il faut d'abord que ce soit les étudiants qui bénéficient de la formation. Il faut donc garantir une qualité de cette formation. Or il existe encore actuellement une difficulté à mailler le territoire de maîtres de stage des universités (MSU), car cet accompagnement des étudiants requiert un investissement en temps important et nécessite d'être formé.

Faut-il revaloriser la compensation financière des MSU, qui, accaparés par cette fonction, pourront prendre moins de patients ? Faut-il mieux les former pour leur apprendre des ficelles pédagogiques et développer leur goût de l'enseignement ? Quoi qu'il en soit, les maîtres des universités sont vraiment la base pour pouvoir découvrir les territoires.

Je reviens sur les stages en ambulatoire de deuxième cycle. Malheureusement, tous les étudiants ne peuvent pas en faire, non par manque d'envie, mais par manque de terrains de stage disponibles. Certes, il y a des stages au CHU - nous avons eu l'occasion de dire que la formation était très « CHU-centrée » -, mais il faut que la formation s'étende. Il y a une ouverture de plus en plus grande vers des stages en périphérie. En faisant des stages à 200 kilomètres, par exemple, de la ville de la subdivision, les étudiants peuvent rencontrer des médecins généralistes qui ont une tout autre pratique que les médecins généralistes de ville et les médecins hospitaliers.

Toutefois, cela représente un coût important pour les étudiants. À cet égard, les hébergements territoriaux d'étudiants en santé sont une clé pour les externes, qui, avec leurs 200 à 300 euros nets mensuels, ne peuvent pas supporter le coût de deux logements. Une impulsion est donnée progressivement par les collectivités, mais la mise en oeuvre est assez compliquée, parce qu'il faut, notamment, pouvoir rénover des biens. Il faut aussi améliorer le maillage des MSU, pour éviter que le lieu d'hébergement de l'étudiant soit à quarante minutes du lieu de stage.

Enfin, il convient d'être prudent sur la quatrième année de médecine générale, parce que l'un des facteurs d'attractivité de la médecine générale, c'est aussi la durée, plus courte, de sa formation par rapport à celle des autres filières d'internat. Il faut bien avoir en tête que les études de médecine sont, en France, parmi les plus longues : un étudiant qui commence ses études à dix-huit ans les terminera à vingt-sept ans.

Une éventuelle quatrième année d'internat doit vraiment être centrée sur la formation. Il ne faut pas que ce soit un simulacre de formation pour régler un problème d'accès aux soins, parce que cela dévaluerait l'attractivité de cette spécialité. Les internes qui ont déjà trimé pendant plusieurs années à un salaire très bas pour le système de santé vont hésiter à s'engager dans une filière si la formation est allongée d'un an. Il faut, au contraire, inciter véritablement l'interne à découvrir les territoires, où il sera bien formé, où qu'il aille, grâce à un maître de stage des universités, mais cela nécessite des aides au logement, des hébergements territoriaux d'étudiants en santé, un maillage complet des MSU.

L'internat de médecine générale souffre encore de nombreux problèmes et est assez rigide. Il est difficile, pour les internes, de trouver des stages partout. Il faut d'abord améliorer l'existant avant de chercher à rallonger les études ou à envoyer les étudiants à droite à gauche : à force de réformer, il devient difficile d'assurer une cohésion globale, qui permette de développer les stages en périphérie et de garantir que les étudiants connaissent les lieux de pratique.

M. Patrice Diot. - Je veux revenir sur la position des doyens sur le numerus clausus et sur les mesures que nous avons en tête, qui, d'ailleurs, pour certaines, sont issues de réflexions personnelles : elles n'entrent pas directement dans les prérogatives des doyens que nous sommes.

Lorsque j'ai pris mes fonctions de doyen, en 2014, le numerus clausus, à Tours, était fixé à 234. Je vous rappelle que, dans les années 1990, on est descendu jusqu'à 3 500 médecins formés en France... Comment pouvait-on imaginer alors qu'on répondrait ainsi aux besoins qui s'exprimeraient quinze ans plus tard ? On a multiplié les erreurs.

En 2015, j'ai débarqué dans le bureau de la ministre de la santé de l'époque, en lui demandant d'augmenter mon numerus clausus. Elle a fini par le faire, mais j'ai passé beaucoup de temps et d'énergie à la convaincre, car la résistance n'était pas du côté des doyens. Il est vrai que tous n'étaient pas convaincus. Pour ma part, je l'étais dès le début. C'était d'ailleurs l'une des raisons de mon engagement, et la résistance était politique. On paie là des décennies d'erreurs politiques, qui, il faut le dire, ne sont pas l'apanage d'un camp plutôt que d'un autre - les doyens ne sont pas systématiquement les conservateurs que l'on veut bien décrire.

Je suis le doyen de la faculté de médecine de Tours, dans la région Centre-Val de Loire, qui connaît la pire démographie médicale de France.

L'urgence démographique est aujourd'hui. Dans le département de l'Indre, il reste un cardiologue, qui est plutôt en fin de carrière - nous avons été internes ensemble. On ne peut pas attendre les effets de la libération du numerus apertus.

Selon moi, la quatrième année de médecine générale est une nécessité absolue d'un point de vue pédagogique. À ce sujet, je ne suis pas tout à fait d'accord avec Nicolas Lunel. On a construit un enseignement de cette spécialité sur trois ans, contre quatre à six ans pour toutes les autres spécialités. S'imagine-t-on qu'il est moins compliqué d'exercer la médecine générale que les autres spécialités ? Quand mon père exerçait comme médecin de campagne, c'était déjà compliqué. Ça l'est encore plus aujourd'hui. Je ne vois donc pas comment enseigner l'ensemble des compétences nécessaires pour devenir un bon médecin généraliste dans notre pays en trois ans. En tant que chargé de formation, je suis convaincu qu'il faut une quatrième année.

Cela dit, que fait-on de cette quatrième année ? Elle doit permettre de créer ces docteurs juniors qui existent dans les 44 autres spécialités que compte notre pays, c'est-à-dire des internes qui sont docteurs en médecine, mais qui n'ont pas encore leur diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale. Il faut savoir qu'aujourd'hui, au terme des trois années de DES de médecine générale, un grand nombre d'internes ne soutiennent pas leur thèse - ils ont trois ans pour le faire. Il va donc falloir modifier l'organisation de la soutenance pour que les internes puissent devenir docteurs juniors. Il y a là un enjeu pédagogique majeur, qui, selon moi, passe par une nouvelle approche des épreuves « pédagogiques » que les étudiants ont à passer, avec la thèse, qui est un exercice lourd, et le DES de médecine générale. Je pense qu'il faut alléger les attendus pour la thèse et qu'on puisse considérer celle-ci comme la première étape de production d'un écrit qui sera finalisé au moment du DES de médecine générale, de sorte que les internes puissent réellement soutenir leur thèse à la fin de la troisième année.

Ensuite, il faut savoir que les internes de médecine générale s'installent, en moyenne, six ans après la fin de leur DES. Il existe donc aussi des enjeux d'entrée dans la carrière.

Bien sûr, il faut que des docteurs juniors, des docteurs en médecine aillent dans les zones sous-denses.

Je ne veux pas aller plus loin aujourd'hui parce que j'estime que ce débat devrait avoir lieu avec l'ensemble des parties prenantes, avec les représentants des formateurs que nous sommes, mais aussi avec les jeunes, sur les épaules desquelles on s'apprête à faire peser toutes les erreurs du passé, commises à une époque où ils n'étaient même pas nés. Ce ne sont pas de jeunes privilégiés. Prenons garde à ne pas causer de catastrophe en les maltraitant davantage ! Je suis persuadé que ce débat peut avoir lieu sereinement, parce que les jeunes sont généreux.

Sur le sujet de la rémunération, je suis tout à fait opposé à ce que ces futurs docteurs juniors de médecine générale perçoivent une rémunération supérieure à celle des docteurs juniors des autres spécialités - on peut, en revanche, augmenter tout le monde. Des docteurs juniors en cardiologie qui font des échocardiographies sont aussi très précieux dans les territoires pour commencer à démêler les problèmes cardiologiques ! Les docteurs juniors en pneumologie qui font des endoscopies bronchiques le sont tout autant. Attention à ne pas donner l'impression que certains seraient plus précieux que d'autres, d'autant que le manque d'attirance des médecins généralistes pour les déserts médicaux s'explique aussi par l'absence de médecins spécialistes. Il faut donc agir aussi sur les médecins spécialistes, projeter la formation dans les territoires et, de manière très pratique, revoir les modalités de répartition des internes dans le pays.

Dans ma région Centre-Val de Loire, on me dit qu'il faut augmenter encore plus le numerus apertus. La pression politique est énorme, sauf que le nombre d'internes est inférieur. Autrement, nous serions en capacité de former des étudiants en premier et en deuxième cycles, qui, une fois devenus internes, partiraient ailleurs, au bord de la mer ou au soleil - l'héliotropisme est très important. Ce ne serait pas juste. C'est l'ensemble de la chaîne qu'il faut revoir.

Je pense que le moment est venu, parce que l'urgence est réelle, de mettre ce débat sur la table, avec les parlementaires, bien sûr, mais aussi avec l'ensemble des parties prenantes, pour parvenir à quelque chose de consensuel. Nous devons pouvoir aborder ces sujets sociétaux en dehors de tout esprit polémique et en mettant de côté le mot « coercition », qui fait peur à tout le monde. Il faut une concertation intelligente, dans l'intérêt général. Il n'y a pas, sur ce sujet, de bons et de méchants. Nous sommes tous conscients du problème.

Mme Bach Nga Pham. - Comment former nos étudiants - internes comme externes - sur le territoire ? En formant les formateurs avec la maîtrise de stage universitaire.

Au nom de la Conférence des doyens, j'ai porté cette parole au ministère et, à partir de ce travail collaboratif, est paru, à la fin du mois de décembre dernier, un arrêté sur la maîtrise de stage universitaire, qui ouvre la maîtrise de stage universitaire à l'accueil non seulement des internes, mais aussi des externes. En effet, nous sommes tous persuadés que, plus tôt ils seront sur les territoires, plus tôt ils en découvriront les richesses, plus on leur donnera l'envie d'y revenir.

Je parle de maîtrise de stage universitaire pour le secteur ambulatoire, mais aussi pour les centres hospitaliers non universitaires - cette évolution me paraîtrait légitime. De fait, le texte de la maîtrise de stage universitaire est avant tout pour le secteur ambulatoire, et non pour le secteur hospitalier.

Force est de constater qu'il y aura un problème de financement, puisque l'enveloppe qui sera dédiée à la formation de ces maîtres de stage est déjà limitée - il faut en avoir conscience - aux études de médecine. Il faudra aussi penser à mettre en place une maîtrise de stage universitaire pour les autres futurs professionnels de santé, étudiants en maïeutique, odontologie et pharmacie. Comme vient de le dire le professeur Diot, le territoire n'est pas réservé à la seule médecine générale : il doit concerner toutes les spécialités de médecine, mais aussi les autres professions de santé, pour créer un véritable réseau pluriprofessionnel. Il est vraiment important que nous portions tous ce message.

Le financement est actuellement complètement restreint. Or il est essentiel, non seulement pour nos étudiants de troisième cycle, mais aussi pour ceux de deuxième cycle. L'arrêté relatif à la maîtrise de stage universitaire définit, pour la première fois, des critères pédagogiques stricts pour que l'on puisse encadrer nos étudiants et qu'il y ait une qualité de formation, en lien, j'y insiste, avec les coordonnateurs des CHU, pour créer ce réseau professionnel dont nous avons besoin.

Il n'empêche que l'on ne peut attirer les étudiants seulement en leur ouvrant des terrains de stage. Il faut des conditions d'accueil. Il est très important de comprendre que des terrains de stage situés à plus d'une heure ou une heure et demie du CHU et de l'UFR de médecine ne sont pas attractifs si, à côté, ne sont pas créées des lieux de vie et des conditions d'accueil dignes de ce nom sur le département de façon générale, pendant six mois pour les internes et durant six semaines pour les stages étudiants, lesquels impliquent donc des rotations rapides. Ces jeunes doivent pouvoir bénéficier de conditions de vie, de logement et de transport qui les satisfassent et d'espaces de vie dotés de connexions wifi de qualité. Ils doivent pouvoir être considérés non comme des étudiants, mais comme de futurs professionnels de santé que l'on veut ancrer sur le territoire. Il est vraiment important que l'on en prenne conscience. Les conditions pour pouvoir former nos formateurs et pour pouvoir accueillir nos étudiants sont donc désormais réunies.

Je propose que les médecins travaillant dans les maisons de santé pluriprofessionnelles et, plus largement, les structures réunissant plusieurs médecins généralistes ne puissent devenir maîtres de stage des universités et accueillir nos étudiants qu'à plusieurs conditions : avoir été formé correctement, avoir pris conscience qu'il y a des conditions pédagogiques à respecter, que les risques psychosociaux sont une réalité et qu'il faut vraiment prendre en charge nos étudiants en étant attentifs à la fois à la qualité et aux conditions de leur formation.

M. Nicolas Lunel. - Il faut bien comprendre que les étudiants souhaitent cette quatrième année de médecine générale, mais qu'ils redoutent que, dans le contexte actuel, on ne la transforme en une espèce de bouche-trou, pendant laquelle ils ne seraient pas vraiment formés et ne sauraient trop où ils iraient. Si l'on veut faire une quatrième année de médecine générale, il faut la rendre professionnalisante et attractive pour l'interne.

Quel va être le statut de cet interne ? La question de la rémunération est très importante. Si un interne de médecine générale, du fait d'un statut de docteur junior ambulatoire, est mieux payé qu'un interne hospitalier, ne va-t-on pas provoquer une désertification de l'hôpital ?

Je veux revenir sur la question relative à la crise sanitaire. Je citerai mon exemple personnel : j'ai travaillé durant 1 300 heures à l'ouverture du vaccinodrome de Toulouse, qui fut une grande réussite, avec le Centre de réponse à la catastrophe. Pour ce faire, j'ai mis quelque peu mes études en pause, mais j'ai heureusement réussi à les valider. Mon histoire, c'est celle de beaucoup d'étudiants, qui se sont énormément investis pendant la crise sanitaire, qui ont mis leurs études un peu de côté pour se mobiliser pour le système de santé et donner du sens à leur formation.

Dans le même temps, nous avions besoin d'être formés. Or les médecins, qui composent les équipes pédagogiques, devaient être présents à l'hôpital. Il leur était difficile de pouvoir assurer des cours. Les étudiants, eux, travaillaient à l'hôpital, pour y faire de la vaccination et du dépistage... Cette situation a été très compliquée pour les étudiants en termes d'apprentissage. Paradoxalement, certains étudiants ont perdu foi en le système de santé, constant qu'il se retrouvait à genoux et ne pouvait tenir du fait d'un manque de préparation, quand d'autres ont vraiment trouvé leur vocation, témoins qu'ils étaient de l'investissement énorme des équipes de santé et du dévouement de tous les étudiants.

Comment cela a-t-il été perçu ? Sur le plan national, le Ségur a permis une revalorisation, mais, dans le même temps, les APL ont diminué. On a eu l'impression que l'on nous donnait quelque chose pour nous le retirer... Disons que les étudiants trouvent un peu étrange que la compensation de leur investissement massif soit aussi maigre. Sur le plan local, c'est plus compliqué : on se rend compte que les étudiants ont bien travaillé, mais il est, au final, assez difficile de les valoriser, même s'ils ont été valorisés financièrement en aidant à la vaccination, à l'hôpital.

Il faudrait, à tout le moins, qu'on leur garantisse une formation de qualité et que l'on reconnaisse leur investissement. L'adage veut qu'un hôpital doive pouvoir tourner sans les étudiants, mais je n'ose imaginer l'état dans lequel serait l'hôpital si, aujourd'hui tous les étudiants partaient en grève.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je veux tout d'abord exprimer ma reconnaissance pour l'organisation de cette audition. J'ai écouté chacun avec beaucoup d'attention. Je vous remercie de votre expertise, de vos travaux de recherche et de votre investissement aujourd'hui pour demain.

L'accès aux soins est un enjeu majeur pour notre société, et pas seulement parce que la crise sanitaire a mis le projecteur sur notre système de santé : c'est un souci du quotidien des Françaises et des Français.

Vous avez raison de dire que nous ne devons pas tous payer pour les erreurs du passé. On a manqué d'ambition, on a manqué de vision, on a manqué de prospective. La société vieillit et les maladies chroniques sont de plus en plus répandues. Les besoins en santé sont donc de plus en plus importants. Les pratiques de la médecine ont évolué : les souhaits des futurs professionnels de santé sont totalement différents d'il y a quelques dizaines d'années. Nous sommes donc à un carrefour.

Je veux tout d'abord dire deux choses.

Premièrement, j'en ai assez que l'on parle de « déserts médicaux » : cette expression ne donne vraiment pas envie aux jeunes étudiants de s'installer dans les zones concernées ! Cet élément de communication n'a que trop duré. Dans nos territoires, on fait tous des efforts et on gère tous la pénurie - je pourrais citer bien des initiatives. Je préfère que nous parlions de « zones sous-denses ».

Deuxièmement, il faut également cesser de dire que les étudiants en médecine bénéficient d'études gratuites et, par conséquent, doivent quelque chose à la société. Ce n'est pas vrai. Bien au contraire, c'est nous qui leur devons quelque chose. Le mauvais état de santé mentale et la précarité des étudiants en médecine, que Nicolas Lunel a évoqués tout à l'heure, sont-ils normaux, quand on sait que l'hôpital ne tiendrait pas sans eux ?

Si la santé est, à l'origine, une mission régalienne, on voit, depuis quelques années, que les territoires se sont beaucoup investis. Les collectivités les plus en avant sur ces questions ont mis en place des solutions innovantes, autant d'initiatives sur lesquels on peut capitaliser.

L'investissement des collectivités doit se faire en relation intime avec les doyens des régions CHU et avec les jeunes. Il faut absolument travailler avec les jeunes : on ne peut pas leur imposer les choses, il faut qu'ils nous disent ce qu'ils souhaitent.

Je veux vous faire part de mon expérience s'agissant des doyens. Le département de la Mayenne travaille très bien avec le doyen d'Angers. Avec lui, nous avons pu mettre en place une première année de médecine dans le département de la Mayenne, territoire qui n'avait pas de CHU. Cette coopération a permis de donner des moyens techniques, immobiliers pour créer cette première année de médecine et de donner envie aux jeunes mayennais de suivre ces études. De fait, ces derniers se demandaient s'ils étaient capables d'étudier dans une région plus lointaine et si leurs parents pouvaient supporter les frais liés à cet éloignement. Désormais, plus de jeunes entreprennent des études de médecine, parce qu'ils restent la première année en Mayenne et qu'ils peuvent, après, imaginer peut-être un contrat d'engagement de service public. De fait, il ne faut pas oublier que des outils sont mis à la disposition de tous pour essayer d'avancer sur ce sujet. À cet égard, les contrats d'engagement de service public peuvent aussi être une solution, à condition, comme vous l'avez dit, que les professionnels s'engagent à accueillir des stagiaires et à assurer une sorte de tutorat, de mentorat qui puisse les faire s'adapter à ces territoires. Un travail important avec les doyens est donc indispensable.

Pour tisser le système de santé de demain, il faudra absolument prendre en considération ce que veulent les jeunes.

Que pensez-vous, monsieur Lunel, de ces contrats d'engagement de service public ? Comment peut-on changer la donne pour que les jeunes viennent sur nos territoires, dans des maisons de service au public, pour y travailler en partenariat, en coordination et de manière pluridisciplinaire ? Il faut que, demain, nous travaillions encore plus ensemble pour tricoter ces solutions sur les territoires.

Mme Laurence Cohen. - Merci aux intervenants pour leurs propos, les constats qu'ils ont dressés, mais également les propositions qu'ils ont mises en avant.

Je trouve cette audition très salutaire, dans la mesure où elle pose les responsabilités de chacun et de chacune, notamment des parlementaires que nous sommes. En effet, il a beaucoup été question des moyens nécessaires pour répondre aux enjeux aujourd'hui. Or je vous rappelle que les moyens, c'est nous qui les votons, notamment lors de l'examen du budget de la sécurité sociale. On ne peut pas nous parler de restrictions budgétaires pour faire des économies sur la santé et les hôpitaux, puis s'émouvoir de la situation de la démographie médicale et des difficultés en matière de formation.

M. Diot a dit que l'on ne pouvait pas former plus de 10 000 étudiants avec les moyens actuels. Connaître les besoins réels est un enjeu pour l'avenir de la société. Ces besoins doivent être évalués en termes de nombre, mais aussi de qualité. La situation d'aujourd'hui nécessite qu'il y ait plus d'étudiants formés. Il faut créer les conditions pour le faire et commencer par donner plus de moyens.

Pour ce qui concerne les statuts, M. Lunel a indiqué qu'il fallait la même reconnaissance, le même salaire, la même prime pour tous. Cela me paraît extrêmement important. On a vu que les moyens qui ont été donnés à la suite des mobilisations, dans le cadre du Ségur, ont fait énormément de mécontents : certains ont été oubliés et il y a eu de grandes disparités - des praticiens hospitaliers, par exemple, n'ont pas vu leur ancienneté reconnue. Je pense qu'il faut, au contraire, oeuvrer à une uniformisation des statuts.

S'agissant des stages, toutes vos propositions sont extrêmement intéressantes et ouvrent des pistes. Vous avez estimé, madame Pham, que les maisons de santé devaient devenir des lieux de stage. Quid des centres de santé ? Certes, ces derniers sont répartis de manière inégale dans notre pays, mais, lors du « Tour de France des hôpitaux » fait par les membres notre groupe, des médecins nous ont dit que c'est parce qu'ils étaient venus dans des centres de santé quand ils étaient étudiants qu'ils s'étaient installés sur un territoire sur lequel ils n'avaient pas l'intention de s'installer au départ.

Enfin, vous avez évoqué, monsieur Diot, une résistance politique sur le numerus clausus. Il faut aussi souligner qu'il y a eu une grande résistance de la profession !

Mme Véronique Guillotin. - Je veux vous remercier de vos témoignages. Ils ne m'ont pas beaucoup surprise, et j'y adhère pour l'essentiel. Je souhaite avoir un peu plus de précisions sur le renforcement de l'attractivité des carrières hospitalo-universitaires, sur laquelle je suis très souvent interpellée : avez-vous des propositions pour l'améliorer ? Cette filière d'excellence, qui forme des médecins et d'excellents chercheurs et qui fait la qualité de nos CHU, a été quelque peu oubliée.

Je retiens que le maître-mot, s'agissant des internes, est la formation. Je n'ai pas voté l'amendement sur le dernier stage de sixième année, parce que j'avais l'impression qu'il s'agissait d'« utiliser » des internes pour régler les problèmes qui ont été créés durant ces trente dernières années.

Le débat sur la quatrième année est justifié. Encore faut-il effectivement que l'on pose la question de la formation et que l'on ne donne pas une nouvelle fois l'impression de se servir des internes pour remplir les déserts médicaux, d'autant qu'il peut être paradoxal d'envoyer les jeunes qui sortent de formation dans ces territoires, qui sont les plus compliqués à gérer sur le plan médical.

Sanctuarisons la formation. C'est important pour que nous ayons de bons médecins. Cependant, essayons de tout mettre en oeuvre pour que nos zones sous-denses se remplissent. Tout cela se fera sur le temps long : nous ne pourrons pas, d'un coup de baguette magique, effacer trente années de mauvais choix. Des transformations sont d'ores et déjà engagées : déploiement des maisons de santé, création des infirmiers en pratique avancée et des assistants médicaux, développement de la télémédecine sur les territoires... Tout cela doit permettre aux cabinets médicaux d'accepter plus de patients. Ne serait-il pas nécessaire d'accélérer toutes ces transformations ?

Enfin, s'agissant du rôle des collectivités, je crois fortement en une coopération étroite entre les territoires, les régions, les départements et, bien évidemment, la faculté et l'hôpital. Êtes-vous en accord avec cette nouvelle manière, plus décentralisée, de travailler ?

M. Bernard Bonne. - Il faudrait beaucoup plus qu'une réunion comme celle-ci pour essayer de régler le problème du manque de médecins, pour ne pas parler de « désertification médicale ».

En effet, toutes les parties doivent pouvoir être réunies pour discuter et essayer de trouver des solutions. Nous avons essayé de proposer différentes solutions pour mettre en place des médecins dans des zones sous-denses, mais cela ne suffit pas.

Je pense que la formation est importante. Vous avez déclaré que les capacités des CHU ne permettaient pas, actuellement, de former plus de médecins. La formation des médecins s'est beaucoup améliorée, puisque tous les médecins doivent avoir des stages de médecine, ce qui, hélas, n'a pas toujours été le cas. Cependant, comment tenter de résoudre les problèmes au niveau des CHU ? Est-ce une question de moyens immobiliers ? De moyens humains ? Quels moyens faudrait-il mobiliser, demain, pour former davantage de jeunes médecins ?

J'ai trouvé par ailleurs le tableau dressé par M. Lunel bien noir. Je pensais que la souffrance mentale des étudiants s'observait surtout durant la première année de médecine du fait de l'incertitude totale dans laquelle ils étaient plongés, et qu'une fois ce cap passé ils étaient tellement heureux qu'ils ne souffraient plus du tout, au contraire.

En outre, si la question financière est effectivement importante, elle concerne tous les étudiants et non seulement les étudiants en médecine. Lorsque ces derniers deviennent internes, la rémunération qu'ils perçoivent leur permet de vivre relativement honnêtement.

Je ne crois pas que les internes en médecine manquent de considération. On assiste au contraire à une valorisation incroyable du métier de médecin, et les jeunes médecins disposent d'un statut suffisamment important - à tout le moins à l'extérieur de l'hôpital.

Mme Michelle Meunier. - Monsieur Lunel, vous avez dit que la santé mentale des étudiants en médecine devait être meilleure avant. En réalité, nous ne disposons d'aucune donnée concrète sur ce sujet, faute de recherche dédiée. Concrètement, quels changements sont-ils intervenus dans la conception du cursus des futurs médecins ? Comment se fait-il que ces situations de détresse, de harcèlement ou d'humiliation que vous décrivez et qui ont probablement toujours existé perdurent ?

Mme Annick Jacquemet. - Monsieur Diot, les 250 postes qui devraient être créés dans les cinq années à venir sont-ils suffisants ? Dans le cas contraire, combien de postes faudrait-il ?

Madame la vice-présidente, combien de temps estimez-vous nécessaire pour rattraper le retard de prise en charge des patients non atteints par le covid-19 accumulé sur ces deux dernières années ?

Monsieur Lunel, je vous encourage à visiter la maison des internes qui a été construite par la commune de Morteau. Cet exemple montre que les élus de terrain, conscients des problèmes rencontrés par les étudiants en médecine, s'efforcent d'y trouver des solutions.

Enfin, est-il tenu compte dans le numerus clausus de la différence de temps de travail qui s'observe chez les jeunes médecins de ville par rapport à leurs aînés ? Les jeunes médecins souhaitent en effet - ce n'est pas un jugement, c'est un constat - une vie différente, de ce point de vue, de celle de leurs prédécesseurs.

Mme Monique Lubin. - Monsieur Lunel, avez-vous reçu une réponse de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, concernant la prise en compte du statut d'étudiant hospitalier comme un statut à part entière et le rétablissement de la revalorisation des APL pour tous les étudiants hospitaliers ?

M. Daniel Chasseing. - Je rappelle que les hôpitaux périphériques comportent des services de médecine, de chirurgie, de gynécologie, comme de néonatologie. En revanche, les services de neurologie et de neurochirurgie se trouvent dans les CHU.

Programmer la soutenance de thèse à la fin de la troisième année pour que les étudiants puissent s'inscrire ensuite dans un travail en collaboration me paraît une bonne idée. Les médecins sont très demandeurs de médecins collaborateurs, qui pourraient être rémunérés comme des médecins remplaçants. La question du salaire ne pose donc pas de difficulté.

Enfin, comment les élus des territoires pourraient-ils entrer en contact avec les étudiants qui n'ont pas encore choisi le lieu de leur internat ?

Mme Catherine Deroche, présidente. - Avez-vous expérimenté les mesures d'accompagnement prises par l'Ordre des médecins pour lutter contre le mal-être des étudiants en médecine et pallier les difficultés qu'ils rencontrent ?

Le passage au nouveau système des études de médecine, appuyé sur le parcours accès santé spécifique (PASS) et la licence accès santé (LAS), a-t-il été clarifié - notamment s'agissant de la jonction entre les étudiants en première année du nouveau système et les redoublants de l'ancien ?

M. Nicolas Lunel. - Je pourrai vous transmettre des documents complémentaires présentant nos différentes propositions.

Nous avons souvent l'impression que les étudiants en médecine doivent quelque chose à l'État. En réalité, la façon dont les études de médecine sont organisées lui fait économiser des sommes considérables, comme le montre une étude récente parue sur egora.fr.

La notion de désert médical est très floue et recouvre des réalités multiples. Les déserts médicaux sont souvent désertés aussi par les services publics, de manière générale. Ce sont les efforts de redynamisation des territoires menés par les collectivités qui permettent d'y accueillir des médecins.

Le contrat d'engagement de service public (CESP) est désormais fermé aux étudiants de premier cycle, ce qui est regrettable. Un étudiant qui souhaiterait s'installer dans le territoire rural où il a grandi, par exemple, n'a plus la possibilité de présenter ce choix dès le premier cycle, alors que l'assurance du CESP lui offrait un confort relatif.

De plus, sous sa forme actuelle, le CESP souffre de l'absence d'un véritable accompagnement des étudiants par les agences régionales de santé (ARS), dont de nombreux étudiants sont pourtant demandeurs. Si le CESP se résume à l'octroi d'une aide financière, les étudiants concernés risquent de ne rester sur place que le temps de leur contrat, avant de partir ailleurs. A contrario, un véritable accompagnement par les ARS et les collectivités territoriales dans la construction de leur projet d'installation s'avérerait beaucoup plus incitatif. Les collectivités pourraient, par exemple, aider leurs conjoints à trouver du travail.

Par ailleurs, les statistiques montrent que la plupart des étudiants qui viennent s'installer dans les territoires ruraux ont grandi dans des milieux ruraux. Or les étudiants des milieux ruraux accèdent difficilement aux études de médecine, du fait de la distance qui les sépare des facultés de médecine et des difficultés financières qui en découlent - notamment pour l'accès au logement.

De plus, les lycées ruraux ont plus de difficultés que les lycées de ville à orienter leurs élèves vers les études de médecine, faute de pouvoir organiser facilement des présentations de ces études. Des aides financières devraient être fournies aux universités et aux tutorats étudiants pour programmer ces présentations, et encourager ainsi l'orientation des lycéens vers les études de santé partout sur le territoire.

La rémunération d'un docteur junior hospitalier est en réalité assez faible par rapport au temps travaillé. Une enquête sur le temps de travail des internes pilotée par le ministère des solidarités et de la santé montre ainsi que les internes en médecine générale dépassent, en moyenne, le temps de travail maximal autorisé, et sont payés très peu par rapport au nombre d'heures effectuées.

Dans l'hypothèse où une quatrième année d'internat serait effectivement instaurée en médecine générale, les internes concernés n'ont pas envie d'être rémunérés comme les internes hospitaliers tout en assumant éventuellement en partie les charges du cabinet du médecin généraliste qu'ils auraient rejoint.

Les étudiants sont par ailleurs volontaires pour aller faire des stages en périphérie - dans des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), des cabinets libéraux, des centres de santé, etc. -, et découvrir ainsi des exercices différents, mais cette volonté se heurte souvent à des difficultés de transport ou de logement. Les stages en périphérie doivent être encouragés, notamment via le lien entre les collectivités et les universités. Il faut trouver des solutions au plus près des territoires. En effet, on ne peut décider au niveau national de la meilleure façon de s'adapter aux besoins de santé des territoires. Cela doit se faire au niveau local.

Il est difficile de se projeter dans des carrières hospitalo-universitaires, compte tenu du temps et de l'investissement personnel requis, de manière générale, par les études de santé. De plus, une carrière hospitalo-universitaire recouvre trois missions - l'enseignement, l'activité clinique et la recherche - qu'il est difficile de mener de front du fait de leur caractère chronophage. Un assouplissement de ce statut serait donc bienvenu, notamment afin de renforcer la mission d'enseignement, qui fait figure de parent pauvre. Il est en effet plus prestigieux pour un praticien d'être à la tête d'un grand service de recherche que de dispenser de bons cours à ses étudiants. Il faudrait au contraire valoriser davantage l'enseignement et la pédagogie pour donner aux médecins l'envie de s'y investir, mieux former les étudiants et garantir ainsi le maintien de la médecine française au plus haut niveau.

Enfin, il est faux de dire que seule la première année de médecine est difficile, quand les autres seraient faciles. Si la première année est effectivement très dure, les étudiants sont confrontés dès leur deuxième année à la maladie et à la mort des patients, alors qu'ils n'ont même pas vingt ans. Il faudrait que leurs encadrants soient formés à l'accompagnement des risques psychosociaux que cette situation induit.

M. Patrice Diot. - Les médecins généralistes ne prennent souvent plus de nouveaux patients, car ils sont accaparés par le suivi des maladies chroniques à forte prévalence - hypertension artérielle, diabète, insuffisance rénale, asthme, etc. Pour y remédier, nous proposons d'augmenter le nombre d'infirmiers en pratique avancée (IPA) formés, et d'organiser la prise en charge des maladies chroniques à forte prévalence au moyen d'un trio rassemblant un IPA, pour la prise des mesures - prise de la pression artérielle, etc. - un médecin généraliste et un ou plusieurs spécialistes en téléconsultation. Cela libérerait du temps pour la prise en charge de nouveaux cas par les médecins généralistes.

Pour résoudre par ailleurs le problème du manque d'encadrants dont souffrent les zones sous-denses - expression effectivement préférable à celle de « déserts médicaux » -, une délégation de l'encadrement pourrait être envisagée, moyennant la mise en place d'une sorte de télé-encadrement impliquant des tuteurs situés dans des zones mieux dotées.

Les deux ministères de tutelle des facultés de médecine connaissent les moyens dont elles ont besoin, par le biais de la révision annuelle des effectifs à laquelle elles sont soumises. Pour ma part, je ne crois pas qu'il faille aller au-delà de 10 000 médecins en France. Si nos besoins de santé futurs sont effectivement inconnus, il ne faudrait pas risquer de revenir à la situation des années 1980, où l'on poussait les médecins à partir à la retraite au moyen de mesures incitatives comme le mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité (MICA). Formons bien nos 10 000 médecins, transformons leur présence dans les territoires, et ne répétons pas les erreurs passées.

Enfin, nous sommes très attachés au statut hospitalo-universitaire. Il s'agit d'un statut fatigant, qui implique beaucoup de travail, mais qui m'a rendu très heureux
- notamment en raison des trois missions qui y sont associées. Toutefois, compte tenu du poids considérable des soins et des gardes qui pèse sur les praticiens hospitalo-universitaires, un assouplissement serait effectivement bienvenu, qui pourrait être organisé au sein des équipes au moyen d'une contractualisation.

Mme Bach Nga Pham. - La réponse à l'enjeu de formation des médecins dans les territoires peut se faire en plusieurs temps. Pour répondre à l'urgence, la Conférence des doyens des facultés de médecine met en place depuis deux ans des postes universitaires en dehors des CHU. Ces postes pourraient être également créés dans des centres hospitaliers et le secteur ambulatoire. Cependant, le nombre de postes alloués par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à ce dispositif n'étant pas déterminé, un financement doit être trouvé. Je précise que nous avons toujours eu l'écoute des élus des collectivités pour obtenir les financements nécessaires. Le déploiement de ces postes universitaires constitue un véritable levier pour renforcer l'attractivité des territoires et valoriser la médecine en dehors des CHU.

Dans un deuxième temps, il est important de susciter chez nos étudiants un goût pour la pédagogie afin qu'ils deviennent plus tard des formateurs, et s'inscrivent ainsi dans la ligne du serment d'Hippocrate : « Respectueux et reconnaissant envers mes maîtres, je rendrai à leurs enfants l'instruction que j'ai reçue de leurs pères. » Dans le cadre de la réforme du deuxième cycle, nous instaurerons d'ailleurs des unités d'enseignement d'engagement pédagogique dans les universités.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci beaucoup pour cette audition, qui a mis en évidence notre volonté commune d'agir. Nous serons attentifs à vos propositions ainsi qu'aux documents que vous voudrez bien nous transmettre. Nous entendrons le 2 février prochain Mme Dominique Polton, auteur d'un rapport intitulé Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques.

Proposition de loi tendant à redonner un caractère universel aux allocations familiales - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi tendant à redonner un caractère universel aux allocations familiales.

M. Olivier Henno, auteur de la proposition de loi, rapporteur. - Le groupe Union Centriste a inscrit à l'ordre du jour de son espace réservé du 2 février la proposition de loi tendant à redonner aux allocations familiales un caractère universel.

Ce texte, que j'ai déposé avec plusieurs de mes collègues, vise à supprimer la modulation des allocations familiales selon le revenu de la famille, en vigueur depuis six ans.

Avant toute chose, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.

Je considère qu'il comprend des dispositions relatives aux conditions d'attribution des allocations familiales et aux modalités de détermination et de versement du montant de ces allocations. En revanche, j'estime que des amendements relatifs aux conditions d'attribution, de calcul et de versement des prestations familiales et sociales hors celles concernant les allocations familiales, aux aides fiscales destinées à favoriser les familles, aux congés parentaux et à l'organisation des modes d'accueil de la petite enfance ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé. De tels amendements seraient donc déclarés irrecevables par notre commission en application de l'article 45 de la Constitution.

Les allocations familiales constituent la prestation historique de la branche famille. Alors que les conséquences démographiques de la Première Guerre mondiale avaient rendu indispensable une politique nataliste, la loi Landry du 11 mars 1932 obligea le versement d'allocations familiales par les entreprises, puis le décret-loi du 12 novembre 1938 les rendit indépendantes de l'entreprise et du salaire de l'employé. Le caractère universel des allocations familiales fut affirmé une première fois après la Libération par la loi du 22 août 1946, puis définitivement consacré par la loi du 4 juillet 1975 qui supprima toute condition d'activité professionnelle pour l'ouverture des droits aux prestations familiales.

Les allocations familiales ne constituent plus aujourd'hui la moitié des dépenses de la sécurité sociale, comme ce fut le cas après la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, en représentant 12,7 milliards d'euros en 2020, soit 41 % des dépenses de prestations légales de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), elles demeurent une prestation majeure versée à près de 5,1 millions de familles.

Leurs conditions d'attribution nous sont bien familières. Les allocations sont versées à partir du deuxième enfant aux personnes ayant la charge d'enfants de moins de 20 ans, à l'exception des départements et régions d'outre-mer dans lesquels les allocations familiales sont ouvertes dès le premier enfant. Les montants à taux plein sont de 132 euros pour deux enfants à charge, 301 euros pour trois enfants et 470 euros pour quatre.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, au travers d'un amendement parlementaire à l'Assemblée nationale, a introduit à compter du 1er juillet 2015 une modulation des allocations familiales selon les revenus de la famille. Cette modulation concerne tant le montant des allocations familiales que celui de la majoration versée pour les enfants de plus de 14 ans et enfin celui de l'allocation forfaitaire accordée lorsqu'un enfant à charge atteint l'âge limite de 20 ans.

Les allocations familiales suivent désormais un barème à trois tranches de revenu. Le montant de l'allocation est ainsi divisé par deux pour les familles dont les ressources se trouvent à l'échelon intermédiaire - soit 255 000 foyers en 2020 - et par quatre pour les plus hauts revenus - soit 270 000 foyers. Un mécanisme de lissage permet d'éviter les effets de seuil pour les familles dont les ressources dépassent de très peu le montant d'un plafond. Toutefois, cette modulation ne prend pas en compte les événements récents pouvant affecter les ressources des ménages puisque les revenus nets retenus sont, jusqu'à présent, ceux de l'année n-2.

La modulation des allocations familiales selon les revenus des familles n'a donc pas stricto sensu abrogé le caractère universel des allocations familiales. Ces dernières continuent d'être versées à toutes les familles éligibles. Afin de ne pas induire en erreur le débat sur cette question fondamentale, je vous proposerai d'ailleurs un amendement visant à rectifier en ce sens l'intitulé de la proposition de loi.

Il est tout de même évident que la réforme de 2014-2015 a altéré l'universalité qui fondait les allocations familiales. Ce caractère universel n'est plus que de façade, tant le montant pouvant être versé à certaines familles est dérisoire. Il s'agit par exemple d'une somme de 33 euros pour deux enfants à charge dans la mesure où les ressources du foyer se situent dans la troisième tranche du barème.

Il ne s'agit pas là seulement d'une entorse à un principe historique. Cette modulation, je le crois, a dévoyé le sens des allocations familiales, emportant avec elle des conséquences nuisibles. Les allocations familiales ont été conçues pour soutenir l'ambition de redistribution horizontale de la politique familiale. Un foyer reçoit une prestation qui doit objectivement compenser une partie du coût de l'éducation de ses enfants, témoignant ainsi de la solidarité de la collectivité pour les familles.

Au contraire, l'introduction d'une logique de redistribution verticale au sein des allocations familiales a brouillé les objectifs assignés à cette prestation. En réduisant à peau de chagrin la redistribution horizontale opérée, la modulation du montant a consacré définitivement la mue de la politique familiale en une seule politique de soutien aux familles les plus précaires.

Il ne s'agit pas là de nier les nouveaux enjeux que la politique familiale doit relever. Depuis les années 1970, la nécessité d'aider particulièrement les familles les plus vulnérables explique la création de prestations sous condition de ressources ou modulées selon les revenus du ménage. Complément familial, allocation de rentrée scolaire (ARS), prime à la naissance ou l'adoption, allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) : nombreuses sont les prestations qui ciblent les familles aux revenus les plus modestes ou les publics spécifiques.

Néanmoins, la modulation des allocations familiales n'a pas répondu à l'enjeu d'aider les familles les plus fragiles puisque cette mesure en soi ne comporte aucun bénéfice pour ces foyers. En diminuant le montant versé à plus de 10 % des bénéficiaires, elle a poursuivi avant tout un objectif assumé d'économies budgétaires. Dès 2016, première année pleine d'entrée en vigueur de la réforme, 760 millions d'euros ont été économisés au détriment des familles. D'autres mesures d'économies se sont d'ailleurs ajoutées à celles-ci comme la réduction du plafond du quotient familial ou bien, plus récemment, la sous-revalorisation des prestations familiales en 2019 et 2020.

Le dévoiement de la raison d'être des allocations familiales comporte, je le crois, un risque non négligeable de miner l'acceptabilité de la politique familiale pour les familles concernées par la modulation. Ces dernières peuvent avoir le sentiment paradoxal de contribuer au financement - au travers, notamment, de la contribution sociale généralisée (CSG) - d'une politique toujours universelle, mais dont elles sont largement exclues.

Plus généralement, la modulation des allocations familiales selon les revenus des ménages soulève des interrogations quant à la possibilité de moduler d'autres prestations jusqu'à présent universelles à l'instar des prestations d'assurance maladie. Si cet universalisme progressif venait à s'étendre, tout notre modèle de sécurité sociale pourrait être remis en cause.

Cette proposition de loi, qui entend supprimer la modulation des allocations familiales selon les ressources du foyer, s'inscrit aussi dans le contexte préoccupant de la natalité que connaît notre pays.

L'exception démographique en Europe que constitue encore la France ne doit pas occulter la dynamique défavorable de la fécondité. Le taux de fécondité conjoncturel, qui oscillait autour de 2 sur la période 2005-2015, a diminué constamment pour atteindre 1,82 enfant par femme en 2020. Ce déclin combiné à la diminution du nombre de femmes en âge de procréer provoque une chute de 80 000 naissances annuelles entre 2014 et 2020. Si l'année 2021 marque une stabilisation du taux de fécondité à 1,83 en raison d'un phénomène de rattrapage suivant la baisse des naissances induites par la crise sanitaire et les confinements successifs, l'Insee nous a confirmé que les chances d'une remontée durable du taux de fécondité étaient faibles.

Certes, aucune étude n'a pu mettre en évidence un lien entre la modulation des allocations familiales et la chute de la fécondité observée depuis quelques années. L'impact d'une mesure isolée de la politique familiale est, en tout état de cause, difficile à mesurer et les seules considérations financières ne suffisent pas à déterminer le choix des familles dans leur projet de parentalité.

Toutefois, je suis convaincu que cette mesure est un mauvais signal quant à une réorientation de la politique familiale. Il convient au contraire, dans cette période de chute de la natalité, d'assurer les familles du soutien de la collectivité pour dissiper les doutes et les inquiétudes qu'elles peuvent avoir.

Pour toutes ces raisons, l'article 1er de cette proposition de loi, que je vous propose d'adopter, vise à supprimer la modulation des allocations familiales selon le revenu de la famille. Cette mesure, dont le coût budgétaire est estimé à 830 millions euros, est soutenable pour la branche famille, qui, en 2022, devrait être excédentaire de plus de 1,7 milliard d'euros. Comme toutes les dépenses en faveur de la famille, il convient de la considérer avant tout comme un investissement pour l'avenir.

Je vous proposerai d'adopter à cet article un amendement prévoyant l'entrée en vigueur de cette suppression à une date fixée par décret dans un délai d'un an suivant la promulgation de la loi. L'article 2 constitue le gage de la proposition de loi afin d'en assurer la recevabilité.

Par cette proposition de loi, je vous propose donc de soutenir les familles et de réaffirmer l'engagement de la société à leurs côtés. De nombreux chantiers restent, bien entendu, à engager, qu'il s'agisse de développer davantage l'offre d'accueil de la petite enfance ou de favoriser une meilleure conciliation de la vie professionnelle et familiale au moyen de congés parentaux adéquats. En outre, si nous souhaitons relancer notre natalité, d'autres politiques comme la politique du logement ou de l'emploi, permettant de sécuriser l'avenir des familles avant la réalisation de leur projet de parentalité, doivent être mobilisées.

Revenir sur la modulation selon le revenu des allocations familiales ne constitue donc qu'une première étape, mais une étape indispensable pour amorcer le second souffle dont la politique familiale a tant besoin.

Mme Laurence Rossignol. - Le rapporteur a raison de dire que l'objectif de la réforme instaurant la modulation des allocations familiales était purement budgétaire. Elle est intervenue en effet dans un contexte marqué par un relatif consensus sur la question de la réduction des dépenses publiques, notamment sociales, à l'oeuvre depuis quinze ans au sein des gouvernements successifs.

La modulation des allocations familiales est apparue à ce titre comme la réforme d'économie la plus indolore et la moins injuste. La réduction aux trois quarts des allocations familiales concerne ainsi la tranche des ménages présentant un revenu supérieur à 8 000 euros, et leur réduction à 50 % la tranche des ménages dont le revenu est supérieur à 6 000 euros. Au total, 10 % des bénéficiaires des allocations familiales ont vu leurs allocations familiales baisser.

Par ailleurs, si le maintien d'une allocation de 33 euros pour un ménage ayant deux enfants et disposant de 8 000 euros de revenu peut paraître un peu ridicule, une allocation de 120 euros représente également une somme négligeable dans son budget

La suppression de la modulation des allocations familiales n'émane pas en réalité d'une demande des familles. Cette réforme a été globalement soutenue dans les enquêtes d'opinion. En revanche, sa suppression est une demande forte de l'Union nationale des associations familiales (UNAF), qui s'est toujours inquiétée des conséquences philosophiques qu'elle pouvait entraîner sur la politique familiale.

Je souhaite revenir sur l'idée selon laquelle cette réforme porterait atteinte à l'acceptabilité de la politique familiale, au motif que toutes les familles ne recevraient pas des allocations d'un même montant alors que toutes cotisent. Toutes les autres prestations sous condition de ressources fonctionnent de cette façon.

De plus, les ménages aisés aspirent davantage à une politique familiale qui soit une véritable politique d'aide à l'accueil des jeunes enfants plutôt qu'une politique de prestations financières. Tous les ménages bénéficient ainsi du complément de libre choix du mode de garde (CMG) et des aides des caisses d'allocations familiales (CAF) à la création de places d'accueil de jeunes enfants, qui constituent, à mon sens, le facteur le plus important de justice et d'équilibre entre les différents cotisants.

Ensuite, il n'y a pas de lien entre la modulation des allocations familiales et la baisse de la natalité, laquelle touche l'ensemble des pays développés. En réalité, ce qui compte, ce sont les facilités pour les parents d'accueillir un enfant, c'est la conciliation avec la vie professionnelle, ce sont les modes de garde - et les enquêtes montrent que le choix des parents d'avoir ou non un enfant n'est pas fonction de cette modulation.

Par comparaison, l'allocation au premier enfant représente un véritable enjeu. De même, nous devrions avancer sur l'extension du complément de mode de garde au-delà de 6 ans, surtout pour les familles monoparentales.

Vous l'aurez compris, nous ne voterons pas cette proposition de loi.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Au Sénat, nous nous sommes déjà déclarés favorables au caractère universel des allocations familiales, et je remercie Olivier Henno pour sa proposition, que je voterai. J'ai récemment lu un livre de Léon Régent, qui propose l'instauration d'une allocation au premier enfant, en soulignant en particulier les avantages de simplification pour l'accès aux autres prestations, nombreuses, qui relèvent de la branche famille : qu'en pensez-vous ? Cette allocation au premier enfant améliorerait aussi la justice distributive, à laquelle la modulation prétend répondre. Je crois que nous devrions examiner une telle piste - mais en tout état de cause, cette proposition de loi mérite des compléments.

Mme Laurence Cohen. - Le groupe CRCE s'est opposé à la modulation des allocations familiales, nous y avons dénoncé une remise en cause de l'universalité de la protection sociale. Nous pensons donc que ce texte va dans le bon sens. Les allocations familiales ont un effet de redistribution horizontale, sans considération du milieu social ni des ressources. C'est pourquoi nous avions critiqué la réforme conduite par Laurence Rossignol, qui a divisé les familles entre elles et confondu l'objectif d'une aide ciblée sur les enfants avec celui de l'aide sociale via la redistribution des ressources.

Cependant, ce texte supprime la modulation à partir du troisième enfant. Il semble que l'allocation n'est alors pas la même selon l'ordre des enfants : n'est-ce pas contraire à la philosophie que notre rapporteur nous a présentée ?

Sur le financement, ensuite, on se souvient que la suppression de la part patronale de la branche famille, entraînant un manque à gagner de 50 milliards d'euros par an, a nécessité la mise en place d'une compensation via la CSG et une part de TVA. Comment le rétablissement de l'universalité des allocations familiales sera-t-il financé ? En attendant des réponses à ces questions, notre groupe s'abstiendra, et nous nous positionnerons en fonction des réponses que le rapporteur nous donnera.

Mme Corinne Féret. - Je redis que notre groupe ne soutiendra pas ce texte. D'abord, aucune étude ne démontre que la modulation des allocations familiales ait une incidence sur la natalité. Celle-ci évolue en fonction de facteurs très nombreux et bien plus massifs, avec, par exemple, le recul de l'âge auquel les femmes ont leur premier enfant, les modes de garde, la répartition des tâches familiales, la garantie de retrouver son emploi après une grossesse, ou encore de trouver un logement adéquat quand la famille s'agrandit. C'est sur tous ces plans qu'il nous faut conduire une politique active pour aviver le désir d'enfant, informer des facilités de garde, des droits à conserver son emploi, en développant un véritable service public de la petite enfance, ou encore en encourageant une meilleure répartition des tâches dans le couple. Il nous faut également aider les familles qui en ont le plus besoin : tel est l'objet de l'allocation de rentrée scolaire, par exemple, qui cible les familles aux revenus les plus modestes.

Je m'étonne de que votre intervention ait affirmé, que la modulation des allocations familiales conduirait à s'interroger sur la possibilité de moduler d'autres prestations qui sont universelles, remettant ainsi en cause notre modèle social : il n'en a pas du tout été question dans la réforme ayant entraîné la modulation. Ce commentaire est tout à fait hors sujet et je ne comprends pas qu'il figure dans votre rapport.

Enfin, dès lors que vous passez par une proposition de loi, vous ne produisez pas d'étude d'impact, alors qu'il faut chiffrer une telle mesure. Pour le dire autrement, une telle décision mérite un travail plus approfondi.

M. Philippe Mouiller. - Je félicite le rapporteur pour son travail, et remercie l'auteur de ce texte d'avoir remis ce sujet sur le métier. Notre famille politique est très favorable à l'universalité des allocations familiales. Nous avons combattu la modulation parce qu'elle exclut des familles plutôt que de se centrer sur l'enfant - nous pensons, nous, que le principe général des politiques familiales, c'est de se focaliser sur l'enfant.

J'entends les remarques sur l'absence de lien entre les allocations familiales modulées pour une partie des familles et l'évolution de la natalité. Cependant, nous constatons que la natalité diminue depuis que cette modulation a été introduite. Si les facteurs expliquant cette évolution de la natalité sont nombreux, nous pensons que les allocations familiales ont un impact, même difficile à mesurer, mais un impact certain.

M. Olivier Henno, rapporteur. - Comme vous le savez, les propositions de loi ne sont pas concernées par une obligation d'étude d'impact. Le coût du rétablissement de l'universalité est toutefois évalué autour de 830 millions d'euros par la direction de la sécurité sociale. Je rappelle d'ailleurs que la modulation des allocations familiales avait été portée par un amendement au PLFSS pour 2015 qui n'était donc pas accompagné d'une étude d'impact. Vous évoquez le seuil de 8 000 euros, mais cela concerne le second plafond du barème de ressources. Le premier plafond à partir duquel les allocations sont modulées à 50 % est fixé à environ 5 800 euros pour deux enfants à charge. En réalité, nous ne faisons que revenir sur la modulation d'une seule allocation de la branche famille pour la remettre dans le giron de l'universalité. De nombreuses autres prestations demeurent modulées selon les revenus ou placées sous condition de ressources.

Ensuite, je suis convaincu que ce texte aura un impact sur la natalité, certes difficile à mesurer, mais l'incidence existe. C'est une motivation supplémentaire de ce texte.

Le versement des allocations familiales dès le premier enfant existe seulement outre-mer, cette proposition de loi n'a pas vocation à l'étendre à l'Hexagone. Elle n'a pas non plus vocation à écrire une nouvelle politique familiale. Nous nous contentons de corriger ce qui nous semble être une erreur en revenant à la situation antérieure à 2015. Cela ne nous empêche pas de penser, comme d'autres ici, qu'il faille refonder la politique familiale : les modes de garde, l'allocation au premier enfant, tous les sujets devront être sur la table. Ils relèveront d'un prochain projet de financement de la sécurité sociale, et non de cette proposition de loi.

Vous avez raison de poser la question, Mme Cohen, s'agissant de la variation des allocations familiales selon le nombre d'enfants. Cette variation est tout à fait pertinente et je m'apprête à vous proposer un amendement rédactionnel pour corriger l'erreur matérielle qui figure dans le texte. Quant à votre question sur le financement de la branche famille, la réponse relève effectivement de la loi de financement de la sécurité sociale. Toutefois, s'agissant du financement de cette proposition de loi, je rappelle que la branche est excédentaire et que le surcoût de dépenses serait soutenable.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Olivier Henno, rapporteur. - Avec l'amendement COM-2, je vous propose de corriger une erreur rédactionnelle, et de maintenir inchangée la variation des allocations familiales selon le nombre d'enfants à charge.

L'amendement COM-2 est adopté.

M. Olivier Henno, rapporteur. - L'amendement COM-3 vous propose que le texte entre en vigueur non pas au 1er juillet prochain, mais à une date fixée par décret au plus tard un an après la promulgation.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 1er

L'amendement COM-1 rectifié bis est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Intitulé de la proposition de loi

M. Olivier Henno, rapporteur. - Avec l'amendement COM-4, je vous propose par souci d'exactitude, de bien signifier, dans l'intitulé du texte, qu'il s'agit de renforcer l'universalité des allocations familiales plus que de leur redonner un caractère universel.

L'amendement COM-4 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er
Suppression de la modulation du montant des allocations familiales selon les ressources du foyer

M. HENNO, rapporteur

2

Maintien de la variation du montant des allocations familiales selon le nombre d'enfants à charge

Adopté

M. HENNO, rapporteur

3

Entrée en vigueur de la loi à une date fixée par décret dans un délai d'un an suivant la promulgation de la présente loi

Adopté

Article additionnel après l'article 1er

M. SAVARY

1 rect. bis

Mise en place d'un versement sous la forme d'un titre spécial de paiement de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) et de la prime à la naissance ou à l'adoption de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE)

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Proposition de loi tendant à redonner un caractère universel aux allocations familiales

M. HENNO, rapporteur

4

Modification de l'intitulé du texte tenant compte du caractère universel des allocations familiales modulées

Adopté

Proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons enfin le rapport et le texte sur la proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des personnes atteintes du trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).

Mme Annick Jacquemet, rapporteure. - Le trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité associe au moins trois symptômes dont l'intensité et les manifestations varient selon les personnes : déficit de l'attention, hyperactivité motrice et impulsivité. Lorsque ces symptômes deviennent un handicap pour l'enfant dans son apprentissage scolaire, ses relations sociales ou sa vie quotidienne et qu'il provoque une souffrance durable, la qualification de TDAH peut être envisagée et appeler une prise en charge. Il s'agit, à l'instar des troubles du spectre autistique ou de la dyslexie, de ce que les spécialistes appellent un trouble du neuro-développement.

Je l'ignorais avant de commencer mes auditions, et il y a fort à parier que je ne suis pas la seule dans cette commission : notre collègue Jocelyne Guidez a fait oeuvre utile ne serait-ce qu'en déposant ce texte.

Son objectif est simple : améliorer le dépistage de ces troubles, et faciliter leur prise en charge, grâce à une meilleure formation des professionnels de santé et d'éducation, et grâce à des consultations systématiques pour les enfants.

Il faut commencer par un constat paradoxal : le TDAH est un trouble à la fois fréquent et méconnu. Il concerne environ 5 % des enfants, et 2,5 % de la population adulte, soit environ 2 millions de personnes. Aux États-Unis, il toucherait 1 enfant sur 44.

Le repérage du trouble est complexe, car il n'a pas de signes neurologiques ou physiques particuliers et ses signes évocateurs sont semblables à ceux d'autres troubles comme les troubles anxieux, la précocité intellectuelle ou le spectre autistique - le TDAH est souvent associé à d'autres de ces troubles.

La prise en charge doit être globale et adaptée aux symptômes. Elle passe par des mesures psychologiques, éducatives et sociales, puis, quand elles ne suffisent pas, par un traitement médicamenteux, dont la délivrance par certains spécialistes vient d'être autorisée en ville.

On s'étonne d'en savoir si peu sur le sujet quand on lit sur le site de la Haute Autorité de santé (HAS) que le TDAH est une « souffrance au quotidien et inscrite dans la durée ». On est surpris aussi d'entendre que peu de TDAH sont qualifiés de handicaps, sans qu'il soit possible de bien quantifier le phénomène. Certes, ce trouble peut être traité ; on peut apprendre à vivre avec. Mais il faut voir comment, et entendre à cette fin des psychiatres, des neuroscientifiques et des associations, comme je l'ai fait, pour en savoir un peu plus.

Il semblerait, par exemple, qu'il y ait chez les adultes TDAH davantage de suspensions de permis de conduire, d'accidents et d'arrestations que dans le reste de la population. On observe chez eux un risque d'addiction deux à trois fois plus important. Les addictologues formés à la clinique du TDAH diagnostiquent ce trouble chez 20 % de leurs patients, et pour 95 % de ces situations, le diagnostic n'avait jamais été établi antérieurement, ni durant l'enfance ni durant l'adolescence. Selon certaines études internationales, la prévalence du TDAH dans la population carcérale s'élèverait à 26 %.

Bien qu'il trouve sa place dans le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de la société américaine de psychiatrie, dit le « DSM 5 », et dans la classification internationale des maladies de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le TDAH reste mal connu et sous-diagnostiqué. Où qu'en soit la recherche en la matière, qui exploite encore des pistes neurologiques ou génétiques, l'idée d'un « retard français » en matière de diagnostic et d'accompagnement revient très souvent dans le discours associatif et scientifique.

On ne peut certes pas dire que rien n'est fait pour repérer les troubles du neuro-développement et prendre en charge les personnes. Le Gouvernement a lancé en 2018 une stratégie nationale pour l'autisme et les troubles du neuro-développement, qui contient au moins deux mesures importantes. D'une part, la création d'un parcours de prise en charge, voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui repose sur des plateformes de coordination et d'orientation (PCO) pour les enfants, respectivement, de 0 à 6 ans et de 7 à 12 ans. D'autre part, la solvabilisation des familles par la création d'un forfait « intervention précoce » permettant le remboursement - forfaitaire, donc - des consultations de psychomotriciens, ergothérapeutes et psychologues le temps du parcours, soit, au maximum, deux ans.

Cette stratégie s'accompagne d'un effort de formation et de sensibilisation, par la diffusion d'outils de repérage à l'attention des médecins de première ligne et de modules de formation spécifiques.

Ces actions, cependant, paraissent laissées au bon vouloir des uns et des autres. Nous constatons que les médecins sont peu formés et que cette pathologie est peu connue. On peut donc douter que ces actions suffisent.

D'abord, il semble que le TDAH n'ait été inclus dans la stratégie à l'égal des autres troubles que tardivement, au point que les associations de personnes TDAH contestent encore que le livret de repérage pour les plateformes 7-12 ans leur soit tout à fait adapté.

Ensuite, toutes les actions du plan ne produiront pas leurs effets immédiatement. Les plateformes 7-12 ans, par exemple, ne sont pas encore opérationnelles, la circulaire interministérielle qui les concerne n'ayant été publiée qu'en septembre dernier.

Enfin, même si le plan est doté d'environ 350 millions d'euros depuis 2018, il appuie ses efforts de coordination sur les ressources existantes, qui ont leurs limites : par exemple, les plateformes de coordination sont assises notamment sur les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) ou les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP). Or, les délais moyens d'attente dans ces structures, selon un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2018, sont de 4 mois devant les CAMSP, 7,3 mois devant les CMPP, mais peuvent dépasser une année, d'après les personnes que j'ai auditionnées.

En conséquence, les parents impuissants devant les symptômes de leur enfant et leurs conséquences dramatiques sur son éducation cheminent dans une « errance diagnostique », ballotés entre des écoles inadaptées et des médecins convaincus que leur enfant n'est que mal élevé, et lorsqu'ils trouvent des spécialistes, ils y consacrent de nombreux kilomètres et plusieurs centaines d'euros par mois non remboursés, et ce pendant des années.

Alors, que faire ? J'en viens au contenu de ce texte.

Dans une note de cadrage de novembre 2021, la HAS identifie « la formation des professionnels » comme premier enjeu d'une meilleure prise en charge de ces troubles. C'est précisément l'objet des deux premiers articles.

L'article 1er ajoute les troubles du neuro-développement et le TDAH à l'article du code de l'éducation relatif à la place du handicap dans la formation initiale et continue des enseignants. Je souhaitais vous proposer une précision rédactionnelle pour viser tous les troubles du neuro-développement, car on ne saurait en citer un sans les citer tous, mais aussi pour substituer les « situations de handicap » au « handicap », car c'est le terme désormais privilégié, et qui aurait permis de viser les handicaps invisibles.

L'article 2 ajoute les troubles du neuro-développement dans les orientations de formation des professionnels de santé : je vous aurais volontiers proposé de faire une précision analogue à celle de l'article précédent.

L'article 3 crée deux consultations de dépistage obligatoires et gratuites des troubles du neuro-développement, dans la cinquième et la onzième année de l'enfant. Il me semble plus opportun de renvoyer au pouvoir réglementaire, après avis de la HAS, la fixation des âges qui s'imposent au regard des dernières avancées scientifiques, car il semble que les troubles du neuro-développement ne se détectent pas tous au même moment : l'autisme, par exemple, se repère très tôt, et le TDAH, plutôt à partir de 6 ans. Au sein de la HAS, Christine Revel-Delhom coordonne les recherches sur le repérage de ces troubles et devrait pouvoir faire des recommandations l'an prochain.

Un dépistage systématique des troubles du comportement chez les enfants avait été envisagé il y a une quinzaine d'années par le président Sarkozy, sur la base d'un rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Cela avait à l'époque suscité des réticences assez compréhensibles, car cela faisait manifestement partie d'une politique de lutte contre la délinquance. Il ne s'agit pas de cela ici, puisque le mécanisme prend place dans le chapitre du code de la santé publique consacré à la promotion de la santé infantile. L'amendement que j'avais déposé précisait en outre que cet examen peut donner lieu à l'entrée dans le parcours de soins créé en 2019. L'objectif était donc sanitaire, mais si ce repérage précoce pouvait avoir des conséquences favorables sur le comportement social des jeunes, alors tant mieux.

L'article 4 se rattache en réalité à l'article 3 ; d'où l'amendement de suppression que j'avais déposé.

L'article 5 précise que la prise en charge du TDAH peut justifier la limitation ou la suppression du ticket modérateur. L'intention était de réduire à zéro les frais supportés par les familles contraintes de procurer à leur enfant un accompagnement long et coûteux chez des spécialistes parfois nombreux, au-delà de ce que rembourse le parcours de prise en charge.

Je ne suis toutefois pas sûre que le mécanisme soit le bon, car, par hypothèse, la limitation du ticket modérateur ne s'envisage que chez des professionnels conventionnés avec la sécurité sociale. C'est loin d'être le cas pour les professionnels sollicités. Le forfait « intervention précoce » me semble plus opérant, il faudrait sans doute l'élargir à d'autres professionnels ou le rendre plus généreux. De plus, il ne me paraissait pas opportun de ne prévoir un tel mécanisme que pour les enfants atteints de TDAH, à l'exclusion des autres troubles du neuro-développement. Enfin, la question posée est plus largement celle du périmètre des mécanismes d'assurance et de solidarité, qu'on ne peut sans doute facilement trancher au détour d'une telle proposition de loi. Je vous aurais donc volontiers proposé de supprimer cet article, pour en appeler à une réflexion plus large, laquelle pouvait partir de l'idée qu'un dépistage plus précoce et une meilleure formation à la reconnaissance de ces troubles amélioreront leur résorption ou, à défaut, faciliteront la qualification de handicap, s'il y a lieu, pour couvrir les frais du traitement.

Restait donc pour soutenir ce texte un trépied solide : une meilleure formation des enseignants, une formation plus complète des professionnels de santé, et une amélioration de l'accès aux soins par un dépistage systématique des enfants.

C'est pourtant en raison de l'accueil réservé à ces mesures par certaines associations, estimant que la concertation n'avait pas été assez large, ni assez précoce, que le groupe UC a décidé de transformer, dans son espace réservé, l'examen de ce texte en débat. Même si je comprends la sensibilité et la complexité du sujet, je le regrette, car ce texte n'avait strictement rien pour cliver. En dépit de son intitulé, qui nous donne l'occasion de parler du moins connu des troubles du neuro-développement, et dans la rédaction issue de mes amendements, il visait l'ensemble de ces troubles, entre lesquels il n'y a d'ailleurs pas lieu de voir la moindre concurrence puisqu'ils appartiennent à une même famille d'affections.

Il nous faudra de toute façon y revenir, car il y a encore beaucoup à faire. En attendant, sans doute pouvons-nous encourager le Gouvernement à accroître ses efforts pour solvabiliser les familles, assurer l'effectivité des obligations de formation existantes, développer les centres experts de tous les troubles du neuro-développement, mais aussi, à l'école, pour rendre l'organisation du travail en classe respectueuse des différences, et pour recruter du personnel de santé qualifié. Nous aurons, donc, l'occasion d'en débattre la semaine prochaine.

Je voudrais enfin dire à toutes les associations que j'ai rencontrées, ainsi qu'à celles que je n'ai pas eu le temps d'auditionner, que nous restons mobilisés sur cette question délicate de la prise en charge des troubles du neuro-développement.

J'ajoute que les auditions m'ont fait rencontrer des personnes très engagées, chacun de nous a reçu des mails très concrets de parents nous racontant leur détresse, leurs difficultés au quotidien, leurs doutes aussi. J'ai été très touchée par ces fragments de vie, ces appels au secours, mais aussi ces témoignages de parents fiers d'accompagner leurs enfants vers un mieux-être, envers et contre toutes les difficultés, en particulier administratives. Je suis convaincue que les politiques publiques ont beaucoup à faire pour soutenir bien davantage les parents, je compte sur chacun de vous pour que nous ayons un débat constructif. La première étape sera de faire connaître les troubles dont nous parlons, leur extension, leurs conséquences bien réelles, et de trouver les solutions pour aider les familles. Avec Jocelyne Guidez, nous continuerons notre travail, nous sommes convaincues qu'un ciblage sur le TDAH n'enlèvera rien aux actions conduites sur l'autisme.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci pour ces propos, je suis sûre que le débat en séance plénière sera très intéressant et portera ses fruits.

M. Philippe Mouiller. - Je félicite notre rapporteure, elle nous dit avoir découvert le sujet, mais cela ne l'a pas empêchée d'avoir des propositions précises. Merci à Jocelyne Guidez pour son initiative, il est très important que nous parlions des TDAH, car il y a beaucoup à faire sur la formation des professionnels de santé, le repérage à l'école, le diagnostic, la prise en charge. L'une des difficultés tient à ce que les TDAH entrent dans l'ensemble des troubles du neuro-développement, le texte concerne inévitablement l'autisme, les déficiences et retards mentaux, les problématiques de « dys », voire les troubles associés comme l'épilepsie et les troubles neuro-sensoriels. Intervenir sur l'un de ces troubles, c'est intervenir sur les autres, ce qui nous entraîne plus loin qu'on pourrait le souhaiter. Pour certains troubles, des politiques publiques sont déjà engagées, on le voit pour l'autisme, avec, par exemple, des repérages diagnostiques qui changent selon l'âge. C'est pourquoi nous avons besoin d'une vision globale, en commençant par engager un travail de fond sur l'ensemble des maladies concernées.

Nous sommes donc très sensibles à cette initiative, tout en étant réservés sur l'idée d'un texte qui serait inévitablement partiel. J'espère que vous pourrez avancer dans vos travaux, et que le débat sera l'occasion d'alerter le Gouvernement sur le manque de moyens et de soutien aux familles.

Mme Florence Lassarade. - Les pédiatres, dont je suis, connaissent bien cette pathologie ; sa prise en charge a évolué de manière très intéressante, en particulier à Lyon dans l'équipe du professeur Olivier Revol. Il y a cependant trop peu de professionnels formés, par rapport au nombre d'enfants concernés. Ces troubles sont détectés lors des apprentissages, parce qu'ils affectent la capacité des enfants à se concentrer. Nous constatons que notre système scolaire n'est pas du tout adapté à l'accueil des enfants souffrant de ces troubles. Il y a des expérimentations intéressantes, par exemple des « vélo-bureaux » dans des classes, où des enfants peuvent suivre la classe tout en pédalant - on constate que cela augmente leur attention et leurs performances. On sait aussi que, d'une manière plus générale, les enfants manquent d'exercices et d'activités physiques, alors que c'est une partie de la solution. Les États-Unis ont une politique plus « médicamenteuse », avec une mise sous traitement parfois abusive, c'est tout cela qu'il faut examiner.

Mme Jocelyne Guidez. - Merci à la rapporteure, ce sujet est particulièrement complexe et les auditions nous ont permis d'avancer. Il est vrai que l'école n'est pas adaptée, nous avons beaucoup de travail en la matière. J'ai été étonnée d'une certaine animosité entre associations, ces mauvaises relations compliquent les choses.

J'ai entendu les difficultés que ce texte pourrait poser ; c'est pourquoi le groupe UC a décidé de le retirer et d'utiliser sa niche parlementaire pour faire un débat sur le sujet en séance plénière. Il y a une attente très forte des parents, je n'ai jamais reçu autant de mails : les parents savent d'autant mieux de quoi ils parlent que, souvent, l'un des deux est lui-même TDAH. Je suis convaincue que notre débat sera enrichissant, le rapport apporte déjà une contribution des plus utiles. En tout état de cause, j'ai bien l'intention de poursuivre les travaux et de redéposer un texte plus complet.

Mme Élisabeth Doineau. - Je remercie Jocelyne Guidez d'avoir, avec sa proposition de loi, abordé un sujet appartenant au quotidien de nombreuses familles. Je salue également la sage décision de notre rapporteure face aux réactions suscitées par ce texte ; il faut savoir rester bienveillants et ouverts au dialogue.

Je poserai prochainement une question orale sur les plateformes évoquées par la rapporteure. Il est exact que des parents se trouvent en difficulté pour faire prendre en charge leur enfant. De fait, les métiers manquent d'attractivité et tendent à se désinstitutionnaliser. Ainsi, de nombreux orthophonistes ont quitté le milieu hospitalier pour s'installer en libéral. Cela fait craindre un risque de sélection des enfants traités et limite leur prise en charge multidisciplinaire.

Ce qui relève du handicap apparaît toujours complexe et nous devons ensemble, sans polémique, trouver des solutions.

Mme Laurence Cohen. - Je remercie à mon tour nos deux collègues, qui ont fait émerger un sujet important, sur lequel il me semble indispensable de débattre.

L'école peine à dépister les troubles de l'attention, autant que les « dys ». Les enfants concernés pâtissent d'un déficit de prise en charge à l'hôpital comme en libéral, où les professionnels apparaissent surchargés. Les familles doivent parfois attendre plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous en cabinet ou en centre médico-psychologique (CMP), qu'il soit public ou privé. Nous manquons d'orthophonistes ; il convient, là aussi, de supprimer le numerus clausus.

Nous devons effectivement travailler sur les plateformes, dont la multiplication m'inquiète : elles ne constituent pas une réponse adaptée aux troubles constatés chez certains enfants.

Il convient également de mieux former les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et d'améliorer l'éducation à la santé au sein des familles. Trop souvent, les parents croient que la situation de leur enfant trouvera une issue l'âge venant, alors qu'un traitement s'avère nécessaire.

Je partage l'analyse de Florence Lassarade : le recours aux médicaments, massif aux États-Unis, ne constitue pas une solution.

Mme Corinne Féret. - Je remercie à mon tour l'auteure et la rapporteure de la proposition de loi. Nous devons débattre de ce sujet, qui concerne de nombreuses familles.

Mme Laurence Rossignol. - Je salue le travail réalisé par nos deux collègues et approuve la proposition de débattre du sujet en séance publique.

Les troubles de l'attention provoquent des symptômes multifactoriels ; multifactorielle est également la souffrance des enfants et des familles.

Comme sur d'autres sujets relatifs à la santé mentale - l'aliénation parentale et le recours massif aux médicaments par exemple - évitons de suivre l'exemple américain. La Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) réalise une étude portant sur les prescriptions de molécules aux enfants, qui semble indiquer une augmentation inédite des traitements médicamenteux ; je m'en inquiète.

Les parents cherchent certes désespérément des solutions, mais les molécules comme la Ritaline ne doivent pas être utilisées en premier recours. Hélas, compte tenu du déficit démographique dont souffrent les professions concernées, les traitements médicamenteux risquent de se multiplier.

L'idée d'un dépistage généralisé des troubles de l'attention interroge : qui en sera chargé ? Avec quels outils ? Quels seront les traitements proposés en cas de diagnostic ? Les divergences - du domaine de la santé publique - apparaissent nombreuses sur le sujet.

M. Daniel Chasseing. - Je remercie Jocelyne Guidez et je félicite Annick Jacquemet de son rapport très précis ; elle a notamment réalisé un important travail d'auditions. Le TDAH est un syndrome méconnu et douloureux pour les familles. Même si des progrès ont été réalisés depuis quelques années, il importe d'améliorer le dépistage pour mieux accompagner les familles, qui sont en grande difficulté.

Mme Annick Jacquemet, rapporteure. - Le constat est partagé, nous manquons de professionnels. Les familles le savent, pour obtenir un rendez-vous et entrer dans le circuit, les délais sont longs. Elles doivent parfois attendre plusieurs mois, voire des années. Les familles les plus aisées peuvent mieux prendre en charge leurs enfants. Elles déboursent souvent 300 euros par mois. Les autres baissent les bras, d'autant que, dans plus de 50 % des cas, un enfant TDAH a un parent lui-même TDAH. Ce dernier a donc des difficultés à remplir les dossiers.

Florence Lassarade a parlé des écoles. Dans les établissements où il y a déjà un ou deux cas de TDAH, les parents renseignent les enseignants sur cette maladie pour arriver à une meilleure prise en charge. Une association a essayé de développer les « vélos bureaux », car les enfants atteints de ce trouble sont actifs et éprouvent le besoin de bouger. Il peut effectivement s'agir d'une solution.

Le dialogue a été engagé, car j'ai été choquée par certains mails émanant notamment d'associations d'autistes. J'ai donc souhaité les auditionner. C'est un dialogue qui sera poursuivi avec l'ensemble des associations pour parvenir à des solutions convenant à chacun. Il n'y a pas lieu d'être en rivalité entre ces différents troubles, il convient plutôt de travailler ensemble.

Laurence Rossignol a évoqué des médicaments et l'étude de la CNAM sur les prescriptions. Beaucoup de parents sont soulagés d'avoir accès à un traitement lorsqu'ils se heurtent à un mur et ne trouvent pas de solution. Les médicaments ne sont pas prescrits en première intention, mais seulement lorsque la situation devient infernale. L'enfant TDAH a un impact sur l'ensemble de la famille, qu'il s'agisse de la fratrie ou des parents. Le médicament, avec toutes les réserves que l'on peut émettre, soulage les familles, d'autant que le traitement peut être réduit ou interrompu durant les vacances scolaires.

Quoi qu'il en soit, je rassure les associations TDAH, qui étaient en grande attente sur cette proposition de loi, nous continuons à travailler avec elle.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Il est toujours compliqué, lorsqu'un texte présente un intérêt, de surseoir à son parcours législatif. Le remplacement par un débat constitue néanmoins une bonne solution.

Mme Jocelyne Guidez. - Quand on rencontre des difficultés, mieux vaut être sage et accepter l'organisation d'un débat. Laurence Cohen l'a rappelé, nous avons eu très peu de temps pour organiser les auditions. Or il était effectivement important d'entendre les orthophonistes. C'était une proposition de loi d'appel, nous pourrons retravailler cette question après le débat.

EXAMEN DES ARTICLES

Articles 1er, 2, 3, 4, 5

Les articles 1erà 5 ne sont pas adoptés.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

Désignation de rapporteurs

La commission désigne Mme Michelle Meunier rapporteure sur la proposition de loi (n° 64, 2021-2022) visant à maintenir le versement de l'allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse du parent bénéficiaire, présentée par Mme Laurence Rossignol et plusieurs de ses collègues.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je rappelle que ce texte est inscrit au sein de l'espace réservé du groupe socialiste du 23 février prochain. Il sera examiné en commission le 16 février, avec quatre autres textes.

La réunion est close à 12 h 55.