Mercredi 29 septembre 2021

- Présidence de M. Étienne Blanc, président -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Examen du projet de rapport de la mission d'information

M. Étienne Blanc, président. - Mes chers collègues, avant de donner la parole à notre rapporteur André Gattolin, qui va nous présenter le projet de rapport de la mission d'information, je veux rappeler le défi qui nous a été fixé le 6 juillet dernier, celui de rendre nos conclusions avant la fin de la session parlementaire. Avec seulement huit semaines utiles, notre mission a été menée à marche forcée : près de 50 personnalités françaises et étrangères ont été entendues. La visioconférence nous a permis de démultiplier notre rayon d'action du Canada à la Polynésie française, en passant par la République tchèque et l'Australie. Notre mission a également reçu 28 contributions écrites, dont 23 de la part d'établissements d'enseignement supérieur et 5 de la part des ambassades qui ont accepté de répondre à nos questions sur leurs politiques publiques d'influence.

Au-delà des chiffres, je veux exprimer le plaisir que j'ai eu à participer à ces travaux, avec vous, monsieur le rapporteur, dont j'ai mesuré la passion et l'érudition sur le sujet, mais aussi avec nos collègues qui ont assisté aux auditions de cet été.

Cette mission sur « les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français et leurs incidences » nous a immergés dans ce que les services de renseignements appellent la « zone grise », qui s'étend de l'influence à l'ingérence étrangère, laquelle est assez mal définie et reste le plus souvent sous les radars des institutions, qu'elles soient universitaires, ministérielles ou encore judiciaires. Que les atteintes à l'intégrité scientifique ou aux libertés académiques puissent jouir d'une forme d'impunité ne peut laisser personne insensible.

Je formule toutefois un regret, que nous pouvons tous partager : celui de la brièveté de cette mission, qui ne nous aura pas permis d'explorer plus en profondeur les facettes multiples de la volonté d'hégémonie ou du pouvoir de nuisance de certaines puissances étrangères, dont notre rapporteur vous décrira plus précisément les multiples modalités.

Il n'était pas question, dans ces conditions, de prétendre livrer un état des lieux exhaustif et des conclusions définitives. Malgré tout, nous aurons fait oeuvre utile si le message de sensibilisation que nous adressons au monde universitaire et au Gouvernement est entendu.

Je vous informe que j'ai reçu de la part de notre collègue Nathalie Goulet une liste de 13 propositions de modifications. Aussi, pour la bonne organisation des débats, je propose que nous procédions en plusieurs séquences : tout d'abord, le rapporteur présentera son rapport et ses recommandations ; ensuite, je donnerai la parole à nos collègues membres de la mission d'information pour engager une discussion générale. Après celle-ci, nous examinerons les propositions de modification. Enfin, je soumettrai à vos votes l'adoption du rapport.

Après ces précisions d'usage, je vous passe la parole, mon cher collègue.

M. André Gattolin, rapporteur. - Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui les conclusions de notre mission consacrée aux influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français et à leurs incidences.

Contrainte par les délais inhérents au « droit de tirage » des groupes politiques et constituée le 6 juillet dernier, cette mission n'a, je crois, pas à rougir de ses travaux. Comme l'a rappelé notre président, dans ce laps de temps réduit, nous avons mené 32 auditions et entendu près de 50 personnes. Nous avons adressé un questionnaire à l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur ainsi qu'aux ambassades des pays les plus concernés. Bien entendu, je regrette que nous n'ayons pas disposé de plus de temps sur un sujet jusqu'alors très peu étudié, mais les constats et les recommandations que je vais vous soumettre reposent, me semble-t-il, sur une analyse assez solide et un travail approfondi, que je suis très heureux d'avoir pu mener à vos côtés. Je salue en particulier Pierre Ouzoulias et Jean-Michel Houllegatte, qui se sont beaucoup investis dans ce travail collectif.

Je crois également que ce rapport tombe « au bon moment ». Comme vous avez pu le lire, l'attention médiatique portée sur la question et sur le travail de notre mission a été soutenue durant tout l'été. Nous le savons tous, les relations internationales traversent une zone de forte instabilité, qui déborde désormais sur les modalités de fonctionnement de notre enseignement supérieur et de notre recherche.

Notre mission, dont la création a reçu un accueil assez enthousiaste de la part des établissements et des chercheurs que nous avons entendus, doit parvenir à un constat clair et à des propositions concrètes, préalable indispensable à une prise de conscience plus large du monde académique, mais également des pouvoirs publics.

Je profite de l'occasion pour remercier sincèrement Étienne Blanc de sa présidence pleine de sagesse. Son état d'esprit nous a permis d'oeuvrer en excellente intelligence pour parvenir à un diagnostic partagé, que je vais tâcher de vous exposer le plus synthétiquement possible.

Tout d'abord et à titre de prolégomènes, il convient de préciser la nature assez diversifiée de ce que nous appelons « influences » - j'ai délibérément choisi ce terme lorsque j'ai demandé la création de la mission d'information, parce qu'il offrait le spectre le plus large.

Ces influences relèvent globalement de deux grandes catégories, qui correspondent à des objectifs bien distincts. Il existe, d'une part, des influences qui visent au façonnage de l'image ou de la réputation d'un État, sa « narration nationale » pourrait-on dire, à travers l'instrumentalisation, voire le dévoiement des sciences humaines et sociales, notamment de l'histoire. Il existe, d'autre part, des influences qui visent à l'accès par un État tiers à des données scientifiques protégées par la propriété intellectuelle et à leur transfert, en priorité dans les sciences liées à la technologie, à l'ingénierie, à la recherche fondamentale et qui, in fine, peuvent être détournées à des fins de compétition économique et même à des fins militaires.

La première catégorie relève de l'« influence » à proprement parler, quand la seconde correspond davantage à ce que nos services de renseignement appellent la « captation ». C'est l'influence qui heurte le plus directement les libertés académiques et l'intégrité scientifique, en ce qu'elle consiste bien souvent à déformer, manipuler ou censurer l'information et le savoir. La captation vise, au contraire, à une plus grande circulation des données, mais selon des procédés illicites, notamment dans un contexte de rattrapage technologique ou de suprématie dans un domaine donné. Souvent, ces deux notions sont mélangées, alors même qu'elles appellent, à l'évidence, des réponses spécifiques.

Lors de son audition par la mission d'information, l'ancien ambassadeur et président de l'Institut français, M. Pierre Buhler, a proposé une typologie en quatre points, que je reprends à notre compte.

La première modalité est la diplomatie culturelle. Elle se traduit notamment par la promotion de l'enseignement d'une langue, l'organisation de manifestations culturelles, mais aussi par l'établissement de liens bienveillants tissés dans les domaines politique et économique.

La deuxième modalité est le développement des relations interuniversitaires. La politique d'attractivité des universités crée une vulnérabilité particulière lorsque la masse d'étudiants étrangers dans un pays devient critique, via deux canaux : la dépendance financière de ces universités aux droits d'inscription versés par ces étudiants étrangers, mais aussi, parfois, les pressions exercées par ces étudiants sur le corps enseignant - par exemple, des manifestations d'étudiants pour faire cesser telle ou telle conférence.

La troisième modalité est l'interdépendance tissée dans la recherche. Le monde de la recherche est traditionnellement et par nature ouvert sur le monde et s'inscrit de plus en plus au sein de réseaux internationaux. La volonté de certains États de nouer des partenariats tous azimuts avec les unités de recherche occidentales tient au contexte de rattrapage dans lequel ils se situent, avec souvent comme objectif la captation plus ou moins licite de technologies.

La quatrième et dernière modalité est l'intrusion du « hard power », par opposition à l'influence culturelle - ou « soft power » -, avec des méthodes que l'on peut qualifier de « coercitives ». Celles-ci visent souvent, en premier lieu, la diaspora du pays qui tente de capter les informations, en deuxième lieu, les chercheurs spécialistes du pays en question, parce qu'ils participent à la construction externe du « narratif » sur le pays et, en dernier lieu et plus largement, l'ensemble des chercheurs. On peut ici évoquer l'autocensure des étudiants qui savent qu'ils devront retourner dans leur pays et y faire face à des exigences politiques et idéologiques, le harcèlement juridique à l'égard de certains chercheurs et, parfois, les propos pouvant aller jusqu'à l'injure publique et aux menaces.

Une fois ce cadre d'analyse posé, la mission d'information, comme cela a été annoncé lors de notre première réunion, a retenu quatre axes de travail. Le premier consiste à identifier les États qui s'emploient de manière délibérée à détourner les valeurs de liberté et d'intégrité scientifique de nos universités. Le deuxième vise à délimiter la frontière entre le « soft power » traditionnel et les pratiques plus offensives de certains États.

Sur ces deux premiers points, nous avons eu à coeur d'analyser les expériences de pays plus précocement concernés que nous par ce sujet. Ainsi, nous avons entendu James Paterson, président de la commission conjointe du Parlement australien sur le renseignement et la sécurité, Garnett Genuis, député à la Chambre des communes du Canada et membre du comité de travail consacré aux relations de ce pays avec la Chine, et des chercheurs étrangers, enfin Martin Hála, chercheur à l'université de Prague et directeur du think-tank Sinopsis.

Ce travail nous permet de bénéficier d'une vision assez unique, je crois, des stratégies dynamiques et parfois systémiques d'influence de certains États, qui déploient des moyens considérables afin d'influencer notre monde académique dans un sens favorable à leurs intérêts. Le rapport décrit de manière précise ce nouveau paradigme des relations internationales.

Je veux d'ailleurs, à ce stade, lever une ambiguïté relative à la République populaire de Chine. Nous n'avons a priori pas de préjugés à l'égard de ce grand pays, qui constitue un partenaire indispensable pour affronter les défis du XXIe siècle, que le très récent rapport de mes collègues Patrick Allizard et Muriel Jourda, au nom de la commission des affaires étrangères, vient de qualifier de « siècle chinois ». À cet égard, le rapport de notre mission d'information apporte un focus particulier et complémentaire du travail de nos collègues.

Force est cependant de constater que, par sa taille, sa puissance et sa cohérence stratégique, qui s'impose aujourd'hui dans tous les secteurs, la Chine élabore aujourd'hui des modalités d'influence radicalement nouvelles, qui pourraient, demain, inspirer d'autres grands États. Ce pays dispose d'ores et déjà d'un réseau très visible en France, avec les 17 instituts Confucius, qui sont autant de relais de son influence, même si nos travaux ont montré que cette modalité d'action était en perte de vitesse. Nous nous sommes également intéressés au cas de plusieurs autres pays, comme la Russie, la Turquie ou certains États du golfe Persique.

Après ce rapide tour d'horizon, j'en arrive à une première conclusion : il n'est pas inutile de nous préparer dès aujourd'hui au défi de ces nouvelles formes d'influence qui se développent à l'échelle internationale, d'autant que la France est, dès à présent, loin d'être épargnée.

Les deux derniers axes de notre travail ont d'ailleurs été centrés sur la situation propre à notre pays dans ce domaine. Nous avons ainsi cherché à établir un état des faiblesses et des résiliences de la France face à ces nouvelles menaces, évolutives et protéiformes, et à réfléchir à une meilleure structuration des instruments de défense des valeurs de notre système d'enseignement supérieur et des moyens actuels de protection des acquis de notre recherche.

À ce stade, nous avons pu tirer deux constats.

Premièrement, la France apparaît bien comme une cible de choix pour les influences étrangères, y compris les nouvelles influences. Les raisons en sont non seulement le haut niveau de notre recherche scientifique - je rappelle que notre pays figure au troisième rang du classement de Shanghai -, mais également, et malheureusement pourrait-on dire, le relatif manque de moyens de notre recherche publique, qui emporte des conséquences lourdes pour les chercheurs.

En dehors des cas les plus médiatiques, comme les récentes prises à partie publiques du chercheur Antoine Bondaz par l'ambassadeur de Chine ou les pressions exercées à l'occasion de la visite du Dalaï Lama dans notre pays en 2016, la mission a pu prendre connaissance de plusieurs cas assez préoccupants d'ingérences extérieures. Leur volume semble encore réduit à ce jour, mais, j'insiste sur ce point, pourrait s'avérer plus significatif qu'il n'y paraît. En effet, l'identification des tentatives d'influence est problématique, peu organisée et ne fait pas l'objet d'une recension exhaustive par les pouvoirs publics. Par ailleurs, elle ne dit rien d'un phénomène tout aussi inquiétant plusieurs fois évoqué devant nous, celui de l'autocensure croissante des chercheurs dans certains de leurs travaux. Plusieurs personnes ayant accepté de témoigner nous ont informés de l'inquiétude de leurs collègues, qui craignaient des mesures de représailles des gouvernements étrangers mentionnés - je pense notamment au chantage au visa exercé sur certains territoires asiatiques.

Deuxièmement, contrairement à ce que nous pouvions penser, il existe bel et bien un ensemble de mécanismes administratifs destinés à protéger notre recherche. La réforme du dispositif de protection du potentiel scientifique et technique de la nation (PPST) a été actée par un décret du 3 novembre 2011. Celui-ci met en place un système fondé sur une articulation entre le Haut Fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) du ministère de l'enseignement supérieur et le Fonctionnaire de sécurité et de défense (FSD) désigné au sein de chaque établissement universitaire, dont le champ d'activité mériterait, au reste, d'être élargi. Le dispositif a été complété par deux référents créés dans chaque université à partir de 2017, l'un dédié à la déontologie, l'autre à l'intégrité scientifique, sous l'égide de l'Office français de l'intégrité scientifique.

Quel est alors le problème, me direz-vous, si les structures existent déjà ? Nos travaux ont révélé - et ce constat n'a pas été complètement démenti par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation lors de son audition devant nous - que ces différents échelons étaient, pour parler simplement, mal coordonnés et peu connus des principaux intéressés, à savoir les chercheurs, souvent pris par d'autres tâches. Pour résumer, contrairement aux risques d'intrusion et de captation, la détection et le traitement des influences étrangères sont loin d'apparaître comme des priorités et ne bénéficient pas, en conséquence, de moyens adaptés et du niveau de sensibilisation nécessaire, notamment dans le milieu universitaire.

On peut cependant citer, au rang des facteurs de résilience, la faible part des droits d'inscription dans le budget des universités, y compris en provenance des étudiants étrangers, ce qui constitue une forme de protection face aux pressions. Par comparaison, dans d'autres pays, comme les États-Unis, l'Australie ou le Royaume-Uni, les droits d'inscription des étudiants étrangers, notamment chinois, peuvent représenter jusqu'à 70 % des ressources de certaines universités.

En réalité, les établissements d'enseignement supérieur sont pris entre deux injonctions contradictoires : d'une part, répondre à l'objectif politique clairement affiché d'ouverture à l'international ; d'autre part, un nouvel impératif de contrôle plus rigoureux des étudiants étrangers face aux risques pesant sur les libertés académiques ou la souveraineté économique du pays.

À ces injonctions contradictoires se superpose, pour complexifier encore un peu le tableau, ce que certains appellent une « forme de naïveté » du monde académique français. Pierre Buhler souligne ainsi le risque d'une dissymétrie fondamentale des situations, avec, d'un côté, la liberté d'accès et la transparence, qui ouvrent les portes de l'influence sur le terrain académique, et, de l'autre, les manoeuvres, l'intimidation et l'opacité de la part de pays qui disposent d'un énorme appareil de contrôle politique. Pour résumer, les présidents d'université apparaissent, pour certains, bien conscients des risques, mais ne disposent que de peu de moyens pour y remédier, et les chercheurs, hormis les spécialistes du sujet, sont assez loin de ces problématiques, qui leur paraissent souvent incompatibles avec le sens même de leurs travaux.

La mission souligne que toute action en la matière doit parvenir à un équilibre entre, d'une part, un monde académique historiquement fondé sur le partage de connaissances et la circulation des idées et, d'autre part, de nouvelles stratégies planifiées, pensées au long cours et exécutées avec des moyens considérables par des États que l'on peut parfois qualifier d'« hostiles ». Concilier le maintien d'une recherche ouverte avec une vigilance devenue impérative, mais parfois mal comprise, constitue un défi que je ne sous-estime pas.

La vigilance qu'il faut mettre en place renvoie à deux niveaux étroitement reliés.

Le premier niveau est celui de l'établissement : il appartient aux structures d'encadrement de créer les conditions favorables à une prise de conscience des personnels de la recherche. Quelques établissements, comme l'université de Lorraine, nous ont indiqué avoir « déconseillé à des chercheurs de participer à de grands réseaux des Routes de la soie ». La même université a pu bénéficier de formations du ministère de l'intérieur qui lui ont permis d'« être attentifs à toutes sollicitations trop alléchantes ». Les points de fragilité les plus souvent identifiés sont les conventions passées avec des établissements étrangers et l'origine des financements obtenus par les doctorants et post doctorants. Dans ces deux cas, le rôle des instances de gouvernance universitaire et leur degré d'implication paraissent essentiels et reposent très largement sur la prise de conscience et la force d'impulsion des présidents et des vice-présidents d'université.

Le second niveau est celui de l'individu. Une large partie des activités des chercheurs et enseignants-chercheurs s'exerce dans une indépendance qui exclut a fortiori, de manière très légitime, un contrôle renforcé sur leurs activités. Or, si certains, par leur domaine de recherche, sont particulièrement sensibilisés aux questions d'influence, la plupart ne voient dans une invitation à un colloque ou une opportunité de financement que la reconnaissance logique de la qualité de leurs travaux, dans des domaines souvent très spécialisés. Dès lors, il peut leur être difficile d'adopter une attitude appropriée. Ce sujet est d'autant plus sensible qu'un pays comme la Chine développe, depuis plusieurs années, un réel intérêt pour les sciences humaines et sociales, domaines où les chercheurs sont probablement moins attentifs, car ils se sentent - jusqu'à présent, à juste titre - moins ciblés que leurs collègues des sciences dures. Cette nouvelle direction s'explique notamment par la volonté du pays d'influer sur le « narratif » et, à terme, d'imposer sa vision du monde.

Face à certaines situations à risques rapportées devant la mission, il est essentiel d'informer de ces périls tous les acteurs du monde académique. Comme l'a indiqué Guillaume Gellé, vice-président de la Conférence des présidents d'université (CPU), lors de son audition, « il nous faut aller maintenant jusqu'aux chercheurs, qui doivent être mieux formés pour la conduite de leurs travaux individuels, de pair à pair, et ce dès leur arrivée à l'université. »

J'en viens maintenant à nos recommandations. Elles sont au nombre de 26 et nous les avons regroupées en cinq objectifs. Certaines sont très précises, car nous souhaitons qu'elles puissent avoir des effets assez rapidement.

Le premier objectif est d'élever le sujet des interférences étrangères au rang de priorité politique, pour dresser un état des lieux et coconstruire avec le monde universitaire des réponses adaptées.

Nous avons en effet constaté, du côté des politiques publiques, un manque de hiérarchisation et, du côté du monde de la recherche, des lacunes dans la prise de conscience. Nous proposons donc de dresser en urgence un état des lieux des alertes. Il sera essentiel que les remèdes et les procédures soient largement acceptés par le monde universitaire ; aussi, nous préconisons la constitution d'un comité scientifique, prenant la forme d'un « observatoire des influences étrangères et de leurs incidences sur l'enseignement supérieur et la recherche », qui associerait universitaires et spécialistes des ministères. Ce comité serait chargé d'élaborer une étude scientifique de référence sur l'état des menaces constatées en France. Ce document ferait l'objet d'un suivi actualisé et devrait être transmis au Parlement. Notre souhait est bien entendu qu'un débat public puisse intervenir au Parlement et que les commissions parlementaires compétentes se saisissent régulièrement de cette question.

Le deuxième objectif consiste à aider les universités à protéger leurs valeurs de libertés académiques et d'intégrité scientifique, dans le respect de leur autonomie.

Nous proposons de renforcer considérablement l'architecture administrative. Cela passe par une meilleure coordination des acteurs, des moyens dédiés et par la diffusion de bonnes pratiques auprès de la communauté universitaire et scientifique. Il convient également de prendre enfin en compte les sciences humaines et sociales, qui sont actuellement très largement passées sous silence. Il est également nécessaire - c'est une idée très pertinente de notre président - d'étendre le bénéfice de la protection fonctionnelle à l'ensemble de la communauté académique pour lui assurer une protection efficace face à des tentatives d'intimidation et de soutenir l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) dans la réalisation systématique d'un audit sur la sécurité des systèmes informatiques des universités, en y intégrant notamment la confidentialité des cours en ligne.

Le troisième objectif est d'ériger, au niveau national, la transparence et la réciprocité en principes cardinaux de toute coopération universitaire internationale.

J'approuve pleinement une orientation de Pierre Ouzoulias, qui, lors de l'audition de la ministre, a proposé de profiter du retard accumulé par le ministère dans la parution des décrets de la loi de programmation de la recherche pour prévoir l'obligation, pour les chercheurs, de signaler, dans leurs thèses, travaux postdoctoraux et publications scientifiques, les éventuelles aides directes et indirectes dont ils ont pu bénéficier de la part d'États extra-européens. Cette obligation existe déjà aux États-Unis et constitue une règle déontologique efficace. Tout doit en effet aller dans le sens d'une meilleure transparence et d'une réciprocité, de l'origine des financements des projets au respect des libertés académiques dans les conventions passées avec des organismes liés à des États étrangers.

Le quatrième objectif consiste à renforcer les procédures administratives destinées à contrôler les partenariats passés par les établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

Nous avons été frappés par le flou qui entoure le régime d'autorisation des partenariats entre les établissements d'enseignement et les organismes de recherche étrangers. Il est donc proposé de systématiser le contrôle et de l'exercé au meilleur niveau sur l'ensemble de ces partenariats, y compris à l'égard de filiales françaises d'entreprises étrangères.

Enfin, le cinquième et dernier grand objectif est de promouvoir au niveau national, européen et international l'adoption d'un référentiel de normes et de lignes directrices.

Notre corpus juridique doit être complété en intégrant un régime adapté et évolutif de responsabilité. Par ailleurs, la question des ingérences étrangères doit être portée au plus haut niveau européen, y compris par la mise en place d'un classement des établissements fondé sur le respect des libertés académiques et de l'intégrité scientifique, afin de ne pas laisser le champ libre au seul classement de Shanghai.

Mes chers collègues, tels sont les constats et recommandations que je soumets aujourd'hui à votre appréciation. Je suis maintenant prêt à prendre en compte vos questions.

M. Étienne Blanc, président. - Nous allons pouvoir entamer la deuxième séquence de nos travaux.

M. Pierre Ouzoulias. - Monsieur le président, monsieur le rapporteur, je vous remercie de la qualité du travail que vous avez réalisé et de l'esprit de grande amitié qui a présidé à nos travaux.

Si nous avons disposé de très peu de temps, j'ai le sentiment que nous avons quasiment fait le tour de la question. Pour aller beaucoup plus loin, un mois supplémentaire ne nous aurait pas suffi : il aurait fallu au moins six mois ou que notre mission se transforme en commission d'enquête.

J'avoue que j'ai été très surpris par les auditions. Elles ont révélé l'ampleur de la volonté politique et de l'énergie déployée sur l'ensemble de la planète par la Chine, qui cherche à la fois à récupérer des informations technologiques et à exercer son influence. J'étais un peu naïf : je n'avais pas pris conscience de l'ampleur de ces réseaux, du caractère extrêmement coordonné de la machinerie du parti communiste chinois et, surtout, de l'immense avantage qu'ont les dictatures sur nos démocraties, par leur capacité à mener des projets durant trente ans sans connaître l'alternance...

J'ai également été très étonné de constater que toutes les institutions, au premier rang desquelles la Conférence des présidents d'université, demandaient ce rapport sans le dire et ont été très satisfaites que le Sénat se saisisse de la question, parce que cela permet de poser un jalon et de montrer qu'on n'est pas dans le fantasme. Le Sénat est parfaitement dans sa mission quand il parvient à alerter les pouvoirs politiques sur la nécessité de réagir à une situation imminente.

Je suis quelque peu en désaccord avec le point de vue exprimé, lors des auditions, par certains groupes de recherche, notamment liés au ministère de la défense, qui ont tendance à voir une réédition de la guerre froide, où la Chine remplace l'Union soviétique. Je ne le crois pas. L'Union soviétique n'a jamais eu l'ambition de devenir la première puissance économique capitaliste du monde ! Le rouble n'était pas convertible et ne l'aurait jamais été, alors que la globalisation, dont la Chine profite de façon absolument opportuniste, permet à celle-ci de pénétrer la totalité du monde économique et scientifique, avec des moyens d'influence nettement supérieurs à ceux qu'a pu mettre en oeuvre l'Union soviétique en son temps.

La capacité de la Chine à mobiliser des techniques extrêmement sophistiquées et à ne jamais donner aux chercheurs l'impression de travailler directement avec son armée populaire, grâce à une multitude de sociétés écrans, est très inquiétante. Cela fait peser sur les chercheurs une responsabilité qui, selon moi, dépasse largement leur niveau de compétence.

M. André Gattolin, rapporteur. - C'est le chercheur qui le dit !

M. Pierre Ouzoulias. - De fait, si certains chercheurs ne s'embarrassent pas de réserves idéologiques à l'égard de la Chine, nous en avons rencontré d'autres qui ont découvert, après coup, en toute bonne foi, qu'ils avaient contracté avec des sociétés très proches de l'armée populaire chinoise.

Le rapport lance un signal d'alarme : il faut en finir avec l'irénisme. Dans ce monde de confrontations nouvelles, absolues, il faut sensibiliser les chercheurs aux risques, tout en leur donnant l'assurance que l'on n'empiète pas sur leur liberté académique et que l'on n'institue pas une police de la pensée. Il faut mettre en place un certain nombre de garde-fous, d'obligations de transparence, pour que l'on sache exactement qui fait quoi, pour qui et dans quel jeu. L'exercice est défavorable, mais extrêmement important.

Sur le sujet, je n'ai pas eu le sentiment que le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, bien qu'il soit le principal ministère intéressé, se mobilisait autant que, par exemple, la direction générale de la sécurité intérieure ou le ministère des affaires étrangères... Il nous a plutôt tenu un discours de circonstance, selon lequel tout serait maîtrisé.

Il y a, pour les 32 000 agents du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), un fonctionnaire de sécurité et de défense, aidé par deux secrétaires. Le CNRS a-t-il vraiment aujourd'hui les moyens de savoir exactement avec qui il travaille ? Je ne le pense pas. Il est nécessaire qu'il puisse renforcer le suivi de ses activités.

Pour terminer, il serait intéressant que la ministre de la recherche puisse saisir le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres), auquel la loi de programmation de la recherche a confié des missions très importantes en matière d'analyse de l'évaluation et des classements, pour qu'il poursuive notre enquête et se penche, notamment, sur le classement de Shanghai. Pour ma part, je n'ai jamais compris pourquoi l'on donnait autant d'importance à un classement conçu par le parti communiste chinois, avec des objectifs très clairs ! Je crois que l'on peut promouvoir un autre classement, fondé sur les valeurs de l'université française. Ce serait une très bonne participation à l'universalisation de nos valeurs.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Je veux vous féliciter pour votre implication dans une période qui a largement coïncidé avec les vacances d'été. Les travaux de la mission ont été passionnants. Ses objectifs ont, selon moi, été atteints, dans la mesure où nous sommes parvenus à délimiter le sujet, complexe, mais aussi sensible diplomatiquement. Nous n'avons pas été culpabilisants. Nous n'avons pas pointé du doigt des défaillances, comme peut le faire une commission d'enquête. Nous avons plutôt été accompagnants.

Nos recommandations sont pragmatiques, guidées par un souci d'efficience. Elles visent à définir un processus gradué d'influence, de façon globale, dans un système où tout est en interaction et en évolution. Nous devons faire des propositions et nous montrer agiles et réactifs, alors même que nous sommes face à des stratégies d'influence qui s'inscrivent dans le temps long, avec les inconvénients que cela implique - lourdeur, inertie.

Pour ce qui concerne la méthode, nous avons un peu renversé l'analyse stratégique, puisque nous sommes partis des menaces et des opportunités pour cerner nos points faibles et nos points forts et établir nos recommandations, qui sont non pas des recettes, mais un cadre méthodologique pour renforcer et fluidifier les architectures existantes.

Nous n'avons pas tant besoin de moyens que d'une culture partagée, d'une culture de vigilance, d'une prise de conscience, au niveau des organisations comme des individus. Notre position sur les référentiels devrait y contribuer.

Il est vrai que notre travail n'est pas abouti. Il ne pouvait pas l'être, dans la mesure où les processus sont évolutifs. Cependant, il marque une étape, un point de départ. Le relais est passé ; les pouvoirs publics peuvent désormais approfondir la démarche.

Mme Nathalie Goulet. - Les travaux de la mission ont été très intéressants. On se sent bien petits, bien naïfs et bien perdus dans un monde aussi éloigné de la France des lumières... Notre pays tend à verser dans l'autosatisfaction sur le sujet et ne prend pas les précautions nécessaires.

Je regrette que le droit de tirage n'ait pas été exercé plus tôt. Comme les autres membres de mon groupe, je considère que consacrer si peu de temps à un sujet aussi important est un gâchis. La période des vacances estivales et la covid n'ont pas permis à tous nos collègues d'être aussi éclairés qu'ils auraient pu l'être. Cela ne diminue pas les qualités du travail que vous avez réalisé, monsieur le président, monsieur le rapporteur.

C'est parce que le sujet me semble éminemment européen que j'ai déposé des propositions de modification. Je propose notamment de transformer ce rapport en une proposition de recommandation à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

M. Stéphane Piednoir. - Je veux à mon tour vous féliciter pour vos travaux, menés dans un contexte extrêmement compliqué, notamment en raison de la période estivale. Les auditions ont été très diversifiées et intéressantes.

J'apprécie que le cadre soit posé dès le début du rapport, avec la grille d'analyse de la gradation du phénomène que nous avons été amenés à examiner. Le rapport est très complet et définit plusieurs pistes intéressantes. Il met les choses à plat et revient sur une forme de naïveté dans le monde universitaire. Je suis ravi d'apprendre que la CPU était demandeuse de ce travail, qui met en lumière le rôle de la Chine.

Pour ma part, je suis réservé sur la participation des instituts Confucius à l'entreprise d'influence de ce pays. Ce que nous faisons à l'étranger relève de la même démarche ! Il faut distinguer les éventuelles dérives des bons sentiments.

On observe que la Chine s'intéresse désormais, au-delà des sciences exactes et expérimentales, aux sciences humaines et sociales. Cette diversification montre une volonté d'accroître son influence. Nous sommes désormais confrontés à un dilemme, entre ouverture et ingérence. Où met-on le curseur ? Il faut accepter l'ouverture. Notre enseignement s'enrichit aussi de la présence d'étudiants étrangers sur notre sol.

Je partage les 26 propositions. J'ai une petite déception quant à l'audition de la ministre : on a eu l'impression que tout fonctionnait bien... S'il reste de la naïveté, c'est bien du côté du Gouvernement qu'elle se situe. Ce rapport montre qu'il y a besoin de renforcer la vigilance dans le monde universitaire, de mieux structurer notre action et de renforcer les moyens.

M. André Gattolin, rapporteur. - Nous avions eu d'ailleurs beaucoup de mal à obtenir une date pour l'audition de la ministre. Le fait que les médias se soient emparés de la question en raison de l'actualité a certainement joué en notre faveur. En tout cas, nul ne nous a aidés à défricher les textes pour préciser la hiérarchie des instruments. J'ai ainsi découvert l'existence des référents, alors que j'enseigne à l'université depuis plusieurs années. Cela pose la question de la diffusion de l'information.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Je voudrais revenir sur le rôle des fonctionnaires de sécurité et de défense (FSD) dans les universités. Ce n'est pas un hasard si la ministre est restée en retrait sur le sujet, car chaque université est libre d'organiser ses partenariats comme elle le souhaite, en vertu du principe d'autonomie des établissements. Les recommandations du rapport sont intéressantes à cet égard. Nombre d'étudiants en doctorat ne sont pas sensibilisés aux problématiques de sécurité et de défense. Le FSD est un enseignant, à qui on a confié une mission, mais qui n'a pas le temps de l'exercer correctement. Finalement, la mission est déportée sur des responsables administratifs et les choses ne sont pas claires, allant parfois jusqu'au mélange des genres : dans certains cas, c'est le responsable des coopérations internationales qui se charge du dossier ! Il est donc important d'insérer cette thématique dans les formations doctorales et de sensibiliser l'ensemble de la communauté universitaire à ces enjeux, peut-être même dès les seconds cycles.

M. André Gattolin, rapporteur. - Notre calendrier serré a été contraint par les dispositions relatives au droit de tirage des groupes. Je rappelle que le règlement du Sénat permet l'exercice du droit de tirage jusqu'en juin.

La question des moyens n'est pas négligeable. Les présidents d'université se plaignent que, chaque année, on leur demande de désigner un nouveau référent sur un nouveau sujet : laïcité, sécurité et défense, genre, etc. Mais leurs équipes ne sont pas extensibles. Or, pour être compétent, le FSD doit être formé, avoir une habilitation, etc. Le niveau varie selon les universités. De plus, ces personnes sont censées faire remonter des informations et être en lien avec le Haut Fonctionnaire de sécurité et de défense. Il serait toutefois judicieux que les FSD puissent échanger entre eux et partager leur expérience.

Une des grandes difficultés que nous avons rencontrées pour définir un panel de situations est que l'on manque de mesures, de remontées, hormis celles des cas médiatiques. Lorsqu'une entreprise est piratée, elle met en moyenne cinq ans avant de se tourner vers l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, l'Anssi, par crainte d'entacher sa réputation. De même, il n'est pas sûr que tous les cas soient signalés aux FSD, ni qu'ils les remontent tous. La volumétrie est donc difficile à apprécier. Une politique publique suppose de la continuité et des moyens. On ne peut ajouter sans cesse de nouvelles missions aux agents. Si l'on veut réussir, il faut s'en donner les moyens : nous le disons, et c'est ce qui nous vaut des relations contrastées avec la ministre...

M. Étienne Blanc, président. - Nous passons à l'examen des propositions de modifications de Mme Goulet.

Mme Nathalie Goulet. - Ma proposition no 1 vise à supprimer l'expression « dresser un état des lieux » au sein de l'objectif 1. Il semble en effet paradoxal de réclamer un état des lieux : n'était-ce pas l'objet de notre mission d'information ?

M. André Gattolin, rapporteur. - On a besoin d'un état des lieux exhaustif. On a étudié la question des influences étrangères ; soyons francs, on a trouvé peu de choses sur la Russie ou la Turquie, plus sur la Chine. Les cas fournis par le ministère, en termes de volumétrie, ne sont pas suffisants pour dresser un diagnostic. Une instance d'experts, associant le monde universitaire et les pouvoirs publics, éventuellement sous le contrôle du Parlement, devrait se charger de dresser un état des lieux. Il a fallu se battre pour obtenir un chiffre concernant les accords de partenariats entre une université française et une université étrangère. Les demandes d'accord doivent être transmises au ministère de l'enseignement supérieur et au ministère des affaires étrangères, qui disposent d'un mois pour faire part de leur opposition. À l'expiration de ce délai, l'accord est réputé approuvé. Cela explique que sur 912 demandes depuis 2019, le taux de refus ne soit que de 6,5 % : comme nombre de dossiers sont déposés avant les vacances d'été, ce chiffre ne signifie rien. On aimerait connaître précisément le nombre de dossiers qui ont été validés par défaut.

La proposition de modification no 1 est retirée.

Mme Nathalie Goulet. - Ma proposition no 2 rejoint les propos de M. Ouzoulias sur la transparence, et vise à définir un régime de déclaration d'intérêts des professeurs, des chercheurs et des intervenants. On pourrait s'inspirer du régime en vigueur pour les parlementaires.

M. Pierre Ouzoulias. - C'est ce que la commission de la culture a proposé lors de l'examen de la loi de programmation de la recherche et que le Sénat a adopté. C'est devenu l'article L. 411-5 du code de la recherche. Il semblait absurde que les universitaires soient soumis à des obligations de transparence inférieures à celles des parlementaires. Nous avons donc calqué leur régime déclaratif sur celui des parlementaires.

Mme Nathalie Goulet. - Il suffirait alors de faire référence à cet article dans le rapport. Ma proposition no 4 serait alors aussi satisfaite.

La proposition de modification no 2, ainsi modifiée, est adoptée. La proposition no 4, satisfaite, devient sans objet.

La proposition de modification no 3 est retirée.

M. André Gattolin, rapporteur. - Je précise que nous ne condamnons pas la politique d'influence en soi, ni la diplomatie publique que nous pratiquons aussi.

Mme Nathalie Goulet. - Ma proposition no 5 s'inscrit dans une série de propositions qui visent à prévoir une déclinaison au niveau européen de nos propositions.

M. André Gattolin, rapporteur. - L'éducation n'est pas une compétence de l'Union européenne ; la seule exception est le programme « Erasmus + ». J'ai soumis une proposition de résolution européenne, il y a quelques années, demandant que tous les étudiants Erasmus aient une formation préalable en cybersécurité. En vain. En revanche, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe pourrait se saisir. J'en suis membre et je vais pousser en ce sens.

La proposition de modification no 5 est retirée.

Mme Nathalie Goulet. - C'est faire beaucoup d'honneur à Maxime Gauin, un pseudo-chercheur négationniste, que de le citer dans le rapport.

M. André Gattolin, rapporteur. - Je suis d'accord. Je vous propose de réécrire ainsi les trois paragraphes : « Il ressort de nos auditions que plusieurs think-tanks ont soutenu des thèses ouvertement négationnistes qui ont engendré des procédures judiciaires. On peut ainsi citer l'affaire « Maxime Gauin », dont l'auteur est connu pour ses positions niant le génocide arménien. »

Mme Nathalie Goulet. - Très bien !

La proposition de modification no 6, ainsi modifiée, est adoptée.

Mme Nathalie Goulet. - La recommandation, présentée page 64, visant à inclure systématiquement une clause relative au respect des libertés académiques dans les conventions passées avec les institutions et entreprises extra-européennes gagnerait en force si elle s'accompagnait d'une sanction. C'est le sens de ma proposition no 7 qui tend à ajouter : « à peine de nullité ».

M. Étienne Blanc, président. - Nous sommes réservés, car si une sanction est prévue, alors il faut prévoir une procédure pour instruire le dossier et déclarer la nullité. Dans la mesure où la communauté universitaire est libre de son organisation, cette mesure semble constituer une forme d'ingérence dans l'université, contraire au principe d'autonomie.

La proposition de modification no 7 est retirée.

Mme Nathalie Goulet. - Avec ma proposition no 8, je propose d' « éditer un guide d'informations à destination des universités, des professeurs, des chercheurs, et des étudiants ».

M. André Gattolin, rapporteur. - Avis favorable. Nous proposions de « fournir aux établissements, via le réseau des FSD, un guide des bonnes pratiques de coopération avec certains pays identifiés, guide qui doit être largement diffusé auprès de toute la communauté académique ». Nous pouvons rédiger ainsi : « élaborer et diffuser auprès des établissements via le réseau des FSD un guide des bonnes pratiques (...) ».

Mme Nathalie Goulet. - Saisissons l'occasion pour viser tous les étudiants.

M. André Gattolin, rapporteur. - Mais toutes les formations ne sont pas directement concernées. On pourrait mentionner simplement les « acteurs de la recherche ». Nous trouverons une rédaction adaptée.

La proposition de modification no 8, ainsi modifiée, est adoptée.

Mme Nathalie Goulet. - Ma proposition no 9 vise à introduire un module dans la formation des étudiants pour les alerter sur le danger que peuvent représenter les influences étrangères, ainsi que sur les formes qu'elles peuvent revêtir.

M. André Gattolin, rapporteur. - Il me semble délicat d'introduire dans la carte éducative une mesure aussi systématique. Les universités ont des comités de programmes. J'avais essayé de faire adopter une mesure similaire pour les étudiants en Erasmus + sur la cybersécurité. Les sujets de préoccupation sont d'ailleurs nombreux : influences étrangères, cybersécurité, radicalisation, intégrité scientifique, etc. Il faudrait donc prévoir une formulation générale. Ensuite, faut-il systématiser cette sensibilisation sous la forme d'un module systématique ?

M. Pierre Ouzoulias. - Un tel module existe déjà : il a été imposé par l'arrêté du 25 mai 2016 dans les écoles doctorales, qui ont l'obligation de mettre en oeuvre une formation sur l'éthique de la recherche et sur l'intégrité scientifique. Il suffirait d'ajouter d'autres thématiques.

M. André Gattolin, rapporteur. - Je n'ai pas connaissance d'un tel instrument dans mon école doctorale. Voilà qui montre encore une fois la complexité du dispositif.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Dans de nombreux parcours de premier et deuxième cycle, il existe déjà des modules sur l'intelligence économique, qui pourraient aussi servir de support.

La proposition de modification no 9 est retirée.

Mme Nathalie Goulet. - Vous préconisez la création d'un réseau formalisé de fonctionnaires de sécurité et de défense. Pourquoi ne pas en instituer un également au niveau européen, afin de faciliter l'échange des bonnes pratiques ?

M. André Gattolin, rapporteur. - Des réseaux européens existent déjà, à l'image de l'Alliance U7, qui regroupe Sciences Po, Oxford, etc. Les universités commencent à se rapprocher. Le problème, avec votre proposition de systématisation, est qu'il n'y a pas d'harmonisation des procédures de protection au niveau européen. En revanche, l'idée d'encourager les universités à se concerter est une bonne idée. La commissaire européenne Mariya Gabriel a publié une note stratégique très intéressante sur ce sujet. On sent une prise de conscience. J'espère que la présidence française de l'Union européenne sera l'occasion d'avancer sur cette question.

Les propositions de modification no 10 et 11 ne sont pas adoptées.

Mme Nathalie Goulet. - Nos recommandations ne devraient pas se limiter aux universités, mais concerner aussi les écoles de commerce, les instituts privés, l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur. C'est le sens de ma proposition no 12.

M. André Gattolin, rapporteur. - Avis favorable, nous trouverons une formulation en ce sens.

La proposition de modification no 12, ainsi modifiée, est adoptée.

Mme Nathalie Goulet. - Enfin, il me semble que nos recommandations pourraient faire l'objet d'une proposition de résolution de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

M. André Gattolin, rapporteur. - Nous nous sommes interrogés sur les suites à donner à notre rapport : il est possible de demander un débat en séance publique, de rédiger une proposition de résolution européenne, voire une proposition de loi, en associant les commissions compétentes au fond. En ce qui concerne le Conseil de l'Europe, il appartient aux membres de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe de s'emparer du sujet.

M. Étienne Blanc, président. - Nous allons maintenant procéder à l'adoption du rapport. Avant cela, monsieur le rapporteur, quel titre proposez-vous à l'appui de votre rapport ?

M. André Gattolin, rapporteur. - Je vous propose : « Mieux protéger notre patrimoine scientifique et nos libertés académiques ».

Le titre est adopté.

Le rapport, ainsi modifié, est adopté à l'unanimité.

M. Étienne Blanc, président. - Je vous informe que le rapport sera rendu public lors d'une conférence de presse organisée le mardi 5 octobre à 15 heures. D'ici cette date, je vous rappelle que la confidentialité des travaux doit être respectée.

Enfin, cas de positions divergentes, je rappelle également que les groupes politiques peuvent communiquer une contribution qui sera annexée au rapport. Le délai de remise des éventuelles contributions est fixé à de 48 heures, soit vendredi à 18 heures au plus tard.

La réunion est close à 18 h 10.