COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mardi 2 mars 2021

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 12 h 15.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant diverses mesures relatives à l'élection du Président de la République

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant diverses mesures relatives à l'élection du Président de la République s'est réunie au Sénat le mardi 2 mars 2021.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. François-Noël Buffet, sénateur, président, de Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente, de M. Stéphane Le Rudulier, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et de M. Alain Tourret, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire ensuite procède à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. François-Noël Buffet, sénateur, président. - Nous sommes réunis pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant diverses mesures relatives à l'élection du Président de la République.

M. Alain Tourret, député, rapporteur. - Ma venue au Sénat me rappelle René Garrec, un ancien président de la commission des Lois que j'ai très bien connu, et Gaston Monnerville, un ami qui fut une grande figure de la République et un défenseur de la Haute Assemblée.

Présenté à la fin du mois de décembre dernier par le Gouvernement, le projet de loi organique qui nous occupe aujourd'hui a été examiné par l'Assemblée nationale mi-janvier et adopté par le Sénat le 18 février dernier. Ce texte présente une dimension que l'on peut qualifier de « technique » : il vise essentiellement à actualiser certaines dispositions de la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l'élection présidentielle. Le Président de la République constitue la « clef de voûte » de nos institutions, selon la formule de Michel Debré : en tant que législateurs, nous devons veiller à ce que son élection soit parfaitement sécurisée, dans un souci légitime de sincérité du scrutin.

Je ne reviendrai pas en détail sur l'ensemble des dispositions du projet de loi. Je veux néanmoins citer la date de publication du décret de convocation des électeurs, la procédure de parrainage des candidats, le vote par correspondance des personnes détenues, sur lequel nous avons vraiment progressé, la mise en place de la déterritorialisation des procurations conformément à ce que prévoit la loi dite « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 ou encore l'adaptation de dispositions relatives aux listes électorales consulaires et au vote des Français de l'étranger.

Lors de son examen au Sénat, le texte a été enrichi par plusieurs dispositions que j'estime tout à fait opportunes, à l'image, pour n'en mentionner qu'une seule, de l'article 1er bis, aux termes duquel les candidats veillent à l'accessibilité de leurs moyens de propagande aux personnes handicapées.

Les débats se sont quelque peu échauffés en séance publique au Sénat à la suite du dépôt tardif d'un amendement du Gouvernement visant à mettre en place un dispositif de vote anticipé sur des machines à voter, sans même tenir au courant le rapporteur que je suis... Cet amendement a suscité des réactions fortes, ce qui a conduit à son rejet massif.

Sur la forme, je regrette que l'amendement ait ouvert un débat sur un enjeu d'une aussi haute importance, dans des conditions qui ne pouvaient pas, compte tenu de l'état d'avancement de l'examen parlementaire, être pleinement satisfaisantes. En effet, nous ne disposions ni de l'avis du Conseil d'État sur cet amendement ni d'aucune analyse des conséquences de celui-ci.

En ce qui concerne le projet de loi organique, ce sujet est donc derrière nous. À titre personnel, je suis cependant convaincu de la nécessité, au cours des prochaines années, en prenant bien sûr le temps de la réflexion, de revoir l'ensemble des modalités opératoires des scrutins, de façon apaisée et transparente.

Avec mon collègue rapporteur du Sénat, dont je salue ici l'engagement et la force de conviction, nous avons travaillé en bonne intelligence pour parvenir à un consensus à l'issue de l'adoption du projet de loi organique par le Sénat.

Au-delà de quelques amendements techniques introduits par nos collègues sénateurs, nous avons essentiellement discuté, de façon ouverte et constructive comme cela doit se faire dans le cadre d'un bicamérisme rénové, modernisé et intelligent, d'un point soulevé par l'article 2 : la durée de la période de financement de la campagne électorale.

Dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, cette période s'étendait sur douze mois, à compter d'avril 2021. Le Sénat a fait le choix de raccourcir cette période à neuf mois, afin qu'elle débute le 1er juillet 2021. L'objectif est d'éviter le chevauchement de deux périodes de financement de campagne électorale : d'une part, celle des élections départementales et régionales qui ont été reportées à juin 2021 et, d'autre part, celle de l'élection présidentielle.

Dans son avis rendu sur le projet de loi organique, le Conseil d'État a considéré que ce chevauchement de quelques mois, très en amont de la date du scrutin présidentiel, ne présentait pas de difficulté particulière. Ce fut également la position de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Cependant, je reconnais que les arguments du Sénat, tels que développés par son rapporteur, sont tout à fait recevables, pour faciliter et rendre plus lisible le contrôle des financements.

Dans un esprit de dialogue, je pense que nos deux assemblées peuvent s'accorder sur ce point, en acceptant la position exprimée par nos collègues sénateurs. Cette convergence nous permet donc de soumettre à la commission mixte paritaire un texte complet. Le choix de maintenir l'ensemble des dispositions insérées par le Sénat témoigne sincèrement de ma volonté, qui rejoint - je l'espère - celle de notre assemblée, de parvenir à un accord entre nos deux chambres.

Je forme donc le voeu que le texte que nous vous présentons soit celui de cette commission mixte paritaire.

M. Stéphane Le Rudulier, sénateur, rapporteur. - À titre liminaire, je tiens à remercier mon collègue Alain Tourret, rapporteur pour l'Assemblée nationale, avec qui j'ai échangé à deux reprises pour préparer cette commission mixte paritaire. Son esprit constructif nous permet de vous proposer un texte commun. Je salue son attachement au bicamérisme, qu'il veut renouveler, mais également sa grande expérience de parlementaire. Je songe notamment au rôle qu'il a joué dans l'adoption de la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale.

Le projet de loi organique qui nous est soumis a été conçu comme un texte technique. Il s'inscrit dans la continuité des textes de « toilettage » adoptés avant chaque élection présidentielle depuis 1988 pour mettre en conformité les mesures d'organisation de l'élection présidentielle avec les évolutions du code électoral. La loi organique du 6 novembre 1962 a d'ailleurs été modifiée à vingt-trois reprises.

L'enjeu est majeur : au printemps prochain, plus de 47 millions d'électeurs seront appelés aux urnes pour l'élection présidentielle, qui constitue la « clef de voûte » de nos institutions pour reprendre la formule, déjà citée par Alain Tourret, de Michel Debré.

Le texte a malheureusement pris une dimension politique, avec le dépôt devant le Sénat d'un amendement très tardif - moins de 24 heures avant la réunion de la commission - du Gouvernement sur le vote anticipé par machines à voter. Notre assemblée s'y est fermement opposée, toutes tendances confondues, à l'exception d'un groupe, et l'amendement a été rejeté par 321 voix contre 23.

Nous ne refusons pas de réfléchir à des évolutions de notre droit électoral : j'en veux pour preuve la récente mission d'information de la commission des Lois du Sénat sur le vote à distance, dont le rapporteur était le président Buffet. Mais notre réflexion doit se faire de manière apaisée, à bonne distance des échéances électorales.

Sur la forme, l'amendement du Gouvernement avait été déposé devant la seconde chambre saisie, sans consultation préalable des forces politiques ou du Conseil d'État, et sans que l'Assemblée nationale ait été appelée à se prononcer. De nombreux députés, dont certains d'entre vous, s'en sont émus. Il s'agissait d'une question de respect du Parlement et, plus globalement, de nos institutions. Nous ne pouvions accepter une telle manière de procéder, ce que la ministre déléguée a d'ailleurs reconnu en séance publique.

L'amendement posait également des problèmes de fond, qui devront être de nouveau abordés de manière plus sereine.

Comment voter par anticipation alors que la campagne électorale n'est pas terminée ? Le débat entre les deux tours peut modifier la perception qu'ont les électeurs des candidats.

Comment garantir la sécurité des machines à voter ? Le Gouvernement prévoyait notamment de conserver les machines à voter jusqu'au dimanche du dépouillement, pour que le dépouillement puisse avoir lieu en même temps que celui des bulletins de vote physiques.

Comment organiser ce dispositif sur le plan matériel, notamment si des dizaines de milliers d'électeurs se rendent dans la commune chef-lieu de département pour voter par anticipation ?

Ces problèmes auraient pu remettre en cause la sincérité du scrutin présidentiel et, partant, la légitimité du candidat élu.

Une fois l'amendement du Gouvernement repoussé, l'accord en commission mixte paritaire nous a paru tout à fait possible.

Certains apports du Sénat n'ont soulevé aucune difficulté.

Je pense, d'abord, à l'accessibilité de la campagne électorale aux personnes en situation de handicap. Il s'agit d'une avancée majeure, même si elle présente un caractère essentiellement incitatif pour les candidats, qui pourront s'appuyer sur l'expertise du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Je pense, ensuite, à l'actualisation de la liste des « parrains » pour tenir compte des dernières réformes territoriales et l'élargir aux présidents des conseils consulaires des Français de l'étranger ; à la publication des marges d'erreur des instituts de sondage ; au caractère expérimental de la dématérialisation des comptes de campagne et des reçus-dons, afin d'évaluer ce dispositif avant toute extension aux autres élections ; et à la publication des comptes de campagne en open data, comme pour les autres scrutins.

Trois sujets ont fait l'objet de discussions plus approfondies.

Deux points étaient d'ordre technique. Ils sont issus de deux amendements du groupe socialiste du Sénat, que nous vous proposons de conserver : la fixation d'une date limite plus précoce pour la publication de la liste des candidats, ce qui permettra de sécuriser la « période intermédiaire » tout en laissant suffisamment de temps au Conseil constitutionnel pour contrôler la validité des parrainages ; et l'augmentation de l'avance versée à l'ensemble des candidats pour financer leur campagne, qui passerait de 153 000 à 200 000 euros. Sur ce point, nous ne faisons que prendre en compte l'inflation - le montant de l'avance était gelé depuis 1995.

Le sujet le plus délicat a été celui de la durée des comptes de campagne. Cette durée est aujourd'hui d'un an pour l'élection présidentielle, au lieu de six mois pour les autres scrutins. À titre exceptionnel et en raison de la crise sanitaire, nous vous proposons une durée de neuf mois : la période de financement de la campagne en vue de l'élection présidentielle débuterait ainsi le 1er juillet 2021.

Notre objectif est clair : éviter tout chevauchement avec les élections régionales et départementales, reportées en juin prochain. Il s'agit ainsi de se prémunir contre les difficultés de ventilation des dépenses entre ces différents scrutins, qui pourraient placer les candidats dans une situation d'insécurité juridique.

Au cours des auditions, les critères de répartition évoqués par la CNCCFP nous ont paru trop incertains. La situation n'est d'ailleurs pas comparable avec l'élection des députés : un candidat malheureux à l'élection présidentielle n'entame sa campagne en vue des élections législatives qu'une fois sa défaite consommée, au premier ou au second tour. Nous ne sommes pas dans cette chronologie pour les prochaines élections régionales et départementales.

Je rappelle, enfin, que le délai d'un an avait été maintenu pour l'élection présidentielle afin « d'englober » d'éventuelles primaires. Or, à ma connaissance, aucun parti politique n'a prévu l'organisation de primaires d'ici au 1er juillet prochain.

Le délai de neuf mois, qui correspond d'ailleurs à l'idée initiale du Gouvernement, nous semble donc plus adapté pour la prochaine élection présidentielle. Il s'agit d'une mesure ponctuelle, et non d'une modification pérenne de la loi de 1962.

Voilà, à grands traits, le texte que nous vous proposons.

Je renouvelle mes remerciements à mon collègue rapporteur Alain Tourret.

Article 1er

L'article 1er est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 1er bis

L'article 1er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2 bis

L'article 2 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 3

L'article 3 est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 3 bis

L'article 3 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 4

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi organique.

M. François-Noël Buffet, sénateur, président. - Je remercie les rapporteurs de leur travail et me félicite de l'accord qui vient d'intervenir.

La réunion est close à 12 h 40.

- Présidence de Mme Fadila Khattabi, députée, présidente -

La réunion est ouverte à 17 h 15.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification se réunit à l'Assemblée nationale le mardi 2 mars 2021.

La commission mixte paritaire procède à la désignation de son bureau, ainsi constitué de Mme Fadila Khattabi, députée, présidente, de Mme Catherine Deroche, sénatrice vice-présidente ; Mme Stéphanie Rist, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat,

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

Mme Fadila Khattabi, députée, présidente. La proposition de loi initiale de notre collègue Stéphanie Rist comptait quinze articles. L'Assemblée nationale en a ajouté vingt-deux et supprimé deux. Le Sénat en a ajouté dix-huit et supprimé douze, tandis qu'il a adopté sept articles conformes et confirmé deux suppressions d'articles. Par conséquent, quarante-six articles restent en discussion et sont à l'ordre du jour de nos travaux. Avant le début de ces travaux, je voudrais souhaiter un prompt rétablissement à notre collègue Alain Milon, rapporteur de la proposition de loi au Sénat.

Mme Catherine Deroche, sénatrice, vice-présidente. - Je voudrais en effet excuser l'absence de notre rapporteur Alain Milon, remplacé ce jour par Mme Corinne Imbert, et lui souhaiter à mon tour un prompt rétablissement.

Sur de nombreux sujets, les positions des deux assemblées ne sont pas si éloignées et auraient sans doute pu trouver à se concilier si ce texte, intervenu dans le climat très particulier de la crise sanitaire et de la crise de l'hôpital, n'avait pas suscité des attentes aussi fortes et par conséquent, n'avait pas été considéré avec une grande sévérité de la part des acteurs du système de santé et par conséquent, de la part du Sénat.

Le calendrier nous a également été défavorable dans la mesure où le Gouvernement n'a pas encore publié les ordonnances prévues par la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, qui interfèrent avec le contenu du texte. Si nos rapporteures n'ont pas pu nous proposer un texte commun, je suis certaine que cette navette aura été utile, et je ne doute pas que le texte portera in fine la marque de certaines orientations définies par le Sénat.

Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Je voudrais tout d'abord saluer la qualité du travail qu'Alain Milon a réalisé en tant que rapporteur de ce texte au Sénat.

Lors de l'examen de cette proposition de loi initiée par Mme Stéphanie Rist, nous avons été nombreux au Sénat à exprimer notre déception : si elle contient certaines mesures intéressantes, il nous a semblé toutefois que son ambition ne se montrait pas à la hauteur des attentes fortes du moment. C'est un constat partagé par nombre d'acteurs de santé, pour lesquels ce texte ne répond qu'imparfaitement aux enseignements de la crise sanitaire et ne traduit que partiellement les travaux fédérateurs de la mission conduite par le Professeur Olivier Claris.

Nous avons également regretté la méthode retenue par le Gouvernement, s'en remettant à une initiative parlementaire dont le calendrier d'examen se chevauche avec celui des ordonnances issues de la loi précitée sur la santé de 2019, portant notamment sur la gouvernance hospitalière et les groupements hospitaliers de territoire (GHT). Nous naviguons ainsi « à vue » en nous privant d'une vision globale sur ces sujets majeurs.

Cependant, le Sénat a cherché à apporter des améliorations à ce texte. Quarante-six articles restent en discussion, après l'adoption de neuf articles conformes, dont celui supprimant la limitation de durée pour les arrêts de travail prescrits par des sages-femmes ou plusieurs articles concernant les mutuelles. Le Sénat a supprimé douze articles dont la portée ne nous est pas apparue suffisante ou engageant des évolutions semblant inopportunes, comme l'article 4 bis ouvrant la voie à un bénévolat individuel dans les établissements de santé. Nous avons parallèlement introduit dix-huit nouveaux articles, ce qui montre l'ampleur des attentes dont nous nous sommes fait l'écho. Sur plusieurs sujets, nos positions auraient pu converger, par exemple sur le service d'accès aux soins, sur la plateforme « Mon parcours handicap » et sur l'articulation des compétences entre le chef de service et le chef de pôle.

Cependant, les échanges préalables entre rapporteurs n'ont pas permis de dépasser des divergences de fond dans l'approche de ce texte pour proposer à notre commission mixte paritaire une rédaction de compromis.

Dès l'article 1er, nous divergeons sur la méthode. Il serait souhaitable de laisser des dispositifs comme les pratiques avancées, les protocoles de coopération ou encore les assistants médicaux s'installer dans la durée avant d'en tirer des bilans partiels ou de sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier. Il conviendrait de travailler avec les acteurs de santé pour identifier des évolutions possibles dans leurs missions socles, avant d'ajouter une nouvelle strate à un système déjà complexe.

À cet égard, si nous avons soutenu plusieurs évolutions des prérogatives des professions de santé, les aspirations légitimes des sages-femmes de mieux voir reconnaître leurs compétences ne doivent pas se faire au détriment de la cohérence du parcours de soins pour le patient. C'est un autre point de divergence entre nous.

Sur le volet relatif à la gouvernance hospitalière, la commission des affaires sociales du Sénat a apporté d'importantes modifications aux articles de la proposition de loi, dont je pense qu'elles auraient pu pour leur majorité recueillir l'accord de nos deux assemblées. Comme l'Assemblée nationale, nous avons eu à coeur de faire de ce texte un véhicule législatif dédié aux préoccupations des professionnels hospitaliers et de renforcer l'ambition qui pouvait parfois lui manquer.

Il semble pourtant que nous achoppions sur deux principaux sujets. Le premier concerne l'élection du président de la commission des soins infirmiers. Cette proposition simple, explicitement formulée par le rapport de Nicole Notat rendu à l'issue du « Ségur », avait pour ambition de remédier au défaut d'attractivité de l'hôpital public pour les personnels paramédicaux et d'améliorer leur représentativité auprès de la direction. Cette évolution ne menace pas la place du directeur des soins auquel est conservée l'appartenance de droit au directoire. Alors que nos soignants nous alertent sur les conditions de leur exercice professionnel, nous suggèrent les moyens de rendre à ce dernier le sens qui se perd progressivement, je ne peux que constater qu'ils peinent à être entendus.

Mais c'est sur l'article 10, qui concerne la lutte contre le recours abusif à l'intérim, que le Sénat s'est montré le plus circonspect. Si le Sénat et l'Assemblée nationale se rejoignent dans la conviction que cette lutte doit être résolument menée, ce sont sur les armes que nos avis divergent.

Le décret sur les plafonds de rémunération a indéniablement constitué une première avancée, mais son application gravement lacunaire a conduit l'Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement, à proposer un dispositif consistant à investir le comptable public de l'hôpital d'une mission de police du recours abusif. Pour citer le ministre de la santé, cette proposition permettrait alors « de faire en sorte que les directeurs d'hôpitaux ne puissent pas verser plus d'une certaine somme et ainsi, les intérimaires potentiels ne chercheront plus à négocier des prix supérieurs ». Nous avons tenté d'alerter en séance publique contre les faux espoirs que cette idée suscite. Un directeur d'hôpital d'une zone sous-dotée est contraint de recourir à l'intérim selon les prix imposés par un praticien dont la seule présence évite de fermer un service : l'imagine-t-on vraiment refuser d'emblée ces prix au motif que le comptable public pratiquera une régularisation a posteriori ? Le transfert du contrôle de légalité de la dépense d'intérim à l'issue de l'engagement de cette dernière expose au contraire l'hôpital - et son directeur - à d'importants contentieux. C'est à notre sens une disposition d'affichage, dont nous comprenons la motivation, mais dont nous restons persuadés qu'elle présente plus de dangers que de ressources.

Le Sénat regrette que notre commission mixte paritaire ne puisse aujourd'hui conclure sur un texte qui, sans embrasser l'intégralité des problèmes, aurait pu apporter des réponses attendues par les soignants. Nous restons néanmoins confiants dans la poursuite de la navette, en espérant que des apports du Sénat sur lesquels un accord aurait pu être trouvé soient conservés.

Mme Stéphanie Rist, députée, rapporteure. Nous sommes aujourd'hui réunis pour discuter d'une proposition de loi dont l'objectif est d'améliorer notre système de santé, de poursuivre ce que « Ma Santé 2022 » avait initié, c'est-à-dire de redonner plus de confiance aux acteurs et de simplifier leurs tâches quotidiennes. Cette proposition de loi est la traduction d'un certain nombre de pistes issues du Ségur de la santé, qui sont très attendues des professionnels de santé.

Nul doute que la navette parlementaire a permis d'enrichir ce texte. Ainsi, au terme de son examen en première lecture par nos deux assemblées, la proposition de loi, qui comptait quinze articles initialement, comprend désormais neuf articles adoptés ou supprimés conformes et quarante-six articles encore en discussion. Sept articles adoptés par l'Assemblée nationale ont été supprimés et dix-sept articles ont été ajoutés par le Sénat.

Un certain nombre de dispositions font consensus dans nos deux assemblées, par exemple l'élargissement des compétences des sages-femmes. Le Sénat a adopté les articles, très attendus sur le terrain, permettant aux sages-femmes de prescrire enfin des arrêts de travail de plus de quinze jours et de les renouveler. Cela permet à la fois de mieux reconnaître les compétences des sages-femmes et de réduire les inégalités d'accès aux soins.

On peut également citer notre volonté commune de recentrer la gouvernance hospitalière autour des personnels soignants. Nous avons certes des divergences sur des points concrets de cette évolution de la gouvernance de nos hôpitaux : si aucun des articles concernés n'a été adopté conforme par le Sénat, je me félicite que nous soyons d'accord sur les grands principes. Cette proposition de loi permettra ainsi d'enfin revaloriser l'échelon du service et le rôle du chef de service, sans pour autant remettre en cause l'échelon du pôle, qui reste bien souvent pertinent. Elle renforcera également le rôle de la commission médicale d'établissement et de la commission des soins, ainsi que les synergies entre les deux. Elle donnera également plus de souplesse aux établissements dans la définition de leur organisation interne.

Nos deux assemblées partagent également l'objectif de simplifier les démarches des personnes en situation de handicap. La création, dans le cadre de cette proposition de loi, d'une plateforme numérique pour centraliser leurs démarches en ligne devrait permettre des améliorations réelles et très concrètes au quotidien.

Le Sénat a également adopté conformes la plupart des articles visant à simplifier la gouvernance des organismes mutualistes. Les dispositions adoptées permettront de protéger les mutuelles et la logique de solidarité qu'elles promeuvent.

Néanmoins, un grand nombre de dispositions opposent nos deux assemblées, à tel point qu'il me semble impossible de trouver aujourd'hui un texte de compromis.

Je pense, en particulier, aux protocoles de coopération ; cette proposition de loi est née de la nécessité de simplifier le déclenchement de ces protocoles de coopération. Ce dispositif permet aux professionnels de santé travaillant en équipe de s'engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération pour mieux répondre aux besoins des patients. La mise en place des protocoles de coopération a été récemment simplifiée par la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dite « ASAP ». À l'Assemblée, nous avons adopté des dispositions permettant d'étendre ces protocoles de coopération simplifiés au secteur médico-social et à l'exercice coordonné en ville. Il est dommage que le Sénat soit revenu sur les dispositions de la loi « ASAP », rendant ainsi beaucoup plus complexe, voire impossible, la mise en place de protocoles de coopération.

Je pense également à la lutte contre les dérives inquiétantes de l'intérim médical, qui doit être une priorité absolue. La loi de modernisation de notre système de santé de 2016 a permis de plafonner par voie réglementaire les prestations d'intérim à 1 170 euros pour une journée de 24 heures de travail effectif. Malgré ce signal extrêmement fort, le cadre réglementaire fixé reste très insuffisamment respecté et appliqué. Notre majorité est déterminée à se montrer la plus ferme possible contre ces pratiques abusives, qui grèvent les finances de petits hôpitaux publics. Il faut pour cela doter les agences régionales de santé d'outils dissuasifs. Dans ce contexte, je ne peux comprendre que le Sénat ait purement et simplement décidé de supprimer l'article 10 en séance.

En ce qui concerne la gouvernance hospitalière, si nous nous rejoignons sur les grands principes et certaines propositions concrètes, notamment issues du rapport du Professeur Claris, nous sommes en désaccord sur de nombreux points. Je pense par exemple à la dissociation du statut de directeur des soins et de président de la commission des soins. Cette dissociation, qui n'est pas demandée par les acteurs du terrain, bien au contraire, déstabiliserait la gouvernance et nuirait à l'attractivité des postes de directeur des soins.

La suppression de l'article 11 relatif au projet de management des établissements ainsi que la suppression de la présence d'étudiants en santé au directoire envoient un signal de fermeture, là où nous souhaitons promouvoir un hôpital public plus ouvert et plus moderne, donnant une place à chacun.

Sur l'ensemble de ces points, pourtant, j'aurais aimé que chacune de nos assemblées puisse faire un pas, afin de nous mettre d'accord aujourd'hui sur un texte commun. Cela semble toutefois très difficile sans que nous renoncions à nos « lignes rouges » respectives, et je ne peux que le regretter.

M. Jean-Pierre Door, député. Les députés Les Républicains ont une pensée pour Alain Milon, après l'accident survenu il y a trois jours, et lui souhaitent un prompt rétablissement. Après l'examen de la proposition de loi au Sénat, nous regrettons de ne pas avoir été suffisamment écoutés à l'Assemblée nationale. Il y a des points qui font consensus. Nous divergeons en revanche sur plusieurs articles, notamment les articles 1er, 4, 5 et 6, et quelques autres. Ces articles étaient des éléments essentiels pour un consensus général. Le Sénat a apporté beaucoup d'éléments différents, d'amélioration, ou des éléments nouveaux. Tous ne sont pas à retenir, mais nous en soutenons certains. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut revenir en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.

Mme Élisabeth Doineau, sénatrice. - Mes chers collègues, lorsque nous avons commencé à étudier cette proposition de loi, j'ai eu surtout un sentiment de surprise. Évidemment, je salue l'intention de traduire des mesures non-budgétaires du « Ségur ». Il y a eu beaucoup de rapports et beaucoup d'attentes des professionnels à ce sujet. Le texte issu de l'Assemblée nationale a cependant suscité beaucoup d'interpellations, de tous les bords : les fédérations sur la gouvernance des hôpitaux, les auxiliaires de santé, les professionnels de santé et les personnels paramédicaux étaient déconcertés. Je me suis interrogée et j'ai essayé de comprendre ce que voulaient les uns et les autres. J'ai constaté, dans un premier temps, que le texte de la rapporteure avait subi à l'Assemblée nationale beaucoup de transformations. Beaucoup d'autres sont intervenues au Sénat. Et encore, aujourd'hui, à quelques heures de la commission mixte paritaire (CMP), nous recevons beaucoup de demandes et d'interpellations au sujet de ce texte. Je suis donc très ennuyée par ce texte dont l'intention est bonne mais dont la rédaction ne semble pas convenir à beaucoup de monde. C'est déconcertant.

Nous avions approuvé et salué les mesures budgétaires du Ségur, tout en soulignant qu'il y avait des oubliés. Aujourd'hui, je me demande s'il n'y a pas des mesures non budgétaires du Ségur qui ont été oubliées également. On ne va pas satisfaire tout le monde. En ce qui me concerne, j'ai soutenu toutes les mesures en direction des professionnels de santé, les sages-femmes notamment et les personnels paramédicaux. En période de difficultés d'accès aux soins, il faut s'ouvrir, même si je sais que certains sénateurs sont en désaccord avec moi sur ce point, y compris le rapporteur. La délégation de tâches est aujourd'hui nécessaire, et il faut reconnaître que le texte d'aujourd'hui la porte.

J'ai essayé de comprendre les évolutions proposées concernant la gouvernance des hôpitaux. Avec tout ce que nous avons entendu et reçu, les éléments étaient à chaque fois plus confus qu'au départ. Je ne comprends pas que notre pays ne soit pas dans un état d'esprit plus transversal et moins pyramidal. Tout le monde se combat pour son terrain d'autorité ! Soyons plus ouverts sur le monde. Dans d'autres pays, tout le monde travaille ensemble, chacun se respecte et chacun se complète. Il faut arrêter de vouloir le pouvoir à tout prix, même si c'est le cas dans beaucoup de domaines. À l'hôpital, la priorité doit être la santé de nos concitoyens et il ne faut pas perdre de temps avec ceux qui se disputent le pouvoir. Il faut embarquer tout le monde, en respectant la profession de chacun.

Je vous redis donc mon malaise et ma perplexité, après toutes les auditions et ce travail sur ce texte. Je regrette que Sénat et Assemblée nationale ne puissent s'entendre, mais il y a tellement de points de divergence que je ne vois pas ce qui peut nous réunir, au-delà de quelques articles consensuels améliorés par le Sénat. En conclusion, wait and see !

Mme Annie Vidal, députée. - Tout d'abord, je voudrais m'associer aux voeux de bon rétablissement au rapporteur Alain Milon. Quelques mots sur ce texte, et notamment le contexte dans lequel il a été discuté, c'est-à-dire des réformes suivies de la crise du covid-19, qui nous a imposé un changement de paradigme. Le Ségur de la santé vise à répondre aux rigidités dont notre hôpital souffre. Ce texte n'est donc pas un projet de loi relatif au système de santé. Les parlementaires ont bien sûr participé à animer le débat, avec l'objectif constant d'améliorer les conditions de travail des soignants et de prendre des mesures pragmatiques. Notre groupe, au nom duquel je m'exprime, a ainsi amendé les dispositions du texte, dont certaines ont été supprimées par le Sénat. Je pense notamment au renforcement de la coopération des acteurs de santé à l'école, à l'article 1er bis A, ou aux dispositions relatives aux compétences managériales au sein des établissements de santé, qui nous paraissent contribuer à la coopération entre professionnels et au bon fonctionnement des équipes au quotidien. Cette réforme a été construite dans un esprit de concertation avec le terrain. Le texte issu de l'examen au Sénat est très différent de celui issu de l'Assemblée nationale, ce qui met un coup de frein aux objectifs de simplification et de confiance aux acteurs. Je salue certaines avancées au Sénat sur les établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC) ou encore sur l'interopérabilité dans les GHT. Nous avons encore cependant de nombreux points de divergence difficiles à résorber, ce qui ne nous permet pas de converger vers un texte commun.

M. Bernard Jomier, sénateur. - Je souhaiterais dire en quelques mots pourquoi ce texte n'est pas adapté. Le texte souffre de deux choses : premièrement, d'une furia législative. Beaucoup d'ordonnances de la loi Santé de 2019 n'ont pas encore été publiées et vont l'être au mois de mars. Elles vont interférer avec des dispositions du texte, et on demande au législateur de légiférer dès maintenant, dans l'urgence. Nous avons ces dernières années un mouvement législatif d'ampleur : l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 puis la loi présentée par Agnès Buzyn en juin 2019 au Sénat, puis les mesures prises lors des LFSS suivantes. Ce mouvement a réformé en profondeur le système de soins, les liens entre les professionnels et le financement. Aussi les touches apportées par la proposition de loi sont-elles partielles, sur un édifice dont on ne connaît pas encore les contours. Pourquoi ? Parce que nombre d'ordonnances sont encore dans les tiroirs. Pourquoi légiférer à toute vitesse ? Ce texte est victime de la procédure accélérée permanente. Les débats au Sénat n'étaient pas du tout antagonistes : nous n'étions pas loin, avec un peu plus de temps, d'aboutir à un accord. Quand on ne veut pas d'accord, on fait une procédure accélérée sur tous les textes. Depuis le début du quinquennat, le seul texte à avoir été examiné de manière normale est le projet de loi relatif à la bioéthique. À 99 %, nous légiférons en procédure accélérée. Ce n'est pas comme cela qu'on peut faire « mûrir » un texte.

C'est d'autant plus regrettable que le texte avec lequel on s'est retrouvé est un peu, comme l'a dit Élisabeth Doineau, un objet législatif non identifié. Il n'est tout de même pas banal qu'une proposition de loi compte autant d'articles et aborde autant de thématiques (gouvernance des hôpitaux, rapports entre les professions, urgences avec le service d'accès aux soins). Le texte souffre d'une sous-maturité, il n'est pas abouti. Il ne peut pas l'être dans des délais si courts.

Il contient des dispositions tout à fait intéressantes, par exemple sur les sages-femmes ou sur les mutuelles. Je ne suis pas sûr que ce texte porte le « changement de paradigme » que la crise nous impose. Je l'ai dit à Olivier Véran en séance : vous devriez venir devant le Parlement avec une loi d'adaptation du système de santé pour tirer les leçons de la crise, même si elle n'est pas terminée. Ce « changement de paradigme » ne peut être engagé qu'avec de meilleures conditions d'examen.

Mme Catherine Deroche, sénatrice, vice-présidente. - J'apporterai un point de précision sur l'article 10 : la commission n'a pas supprimé cet article mais avait modifié sa rédaction pour impliquer l'agence régionale de santé auprès du directeur de l'hôpital, avant les conclusions du contrat, afin d'éviter les dérives de l'intérim médical. Un mécanisme a posteriori présente un risque fort de contentieux pour les établissements, ce que nous refusons. En séance, Olivier Véran a bien défendu la rédaction de l'Assemblée nationale et le Sénat a adopté dans un premier temps un amendement modifiant l'article dans ce sens. Lorsque l'article a été soumis au vote, le Sénat ne l'a pas adopté. L'article n'a donc pas été supprimé d'un revers de manche et la rédaction avait été bien travaillée par le rapporteur, pour souligner la nécessité de ne pas faire porter la responsabilité sur les directeurs d'hôpitaux, d'impliquer les ARS très en amont, et surtout d'éviter un contrôle a posteriori qui aurait pu créer des contentieux.

S'agissant du calendrier évoqué par Bernard Jomier, nous avons terminé l'examen du texte le jeudi matin avant l'interruption des travaux parlementaires. La CMP est réunie le mardi de la reprise, et il aurait fallu, dans l'intervalle, élaborer un texte commun en CMP. Si un accord était véritablement souhaité, il n'aurait pas eu lieu dans ces conditions. L'urgence en tout tue l'urgence. Cette forme d'« hystérie législative » devient très pénalisante et le Sénat s'en plaint régulièrement.

Mme Fadila Khattabi, députée, présidente. Je relève qu'il y a un grand nombre de divergences. Dans ces conditions, un peu plus de temps n'aurait pas nécessairement permis d'aboutir à un texte commun. Au regard de la discussion, nous pouvons prendre acte de la commission mixte paritaire ne sera pas conclusive.

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En conséquence, la commission mixte paritaire a constaté qu'elle ne pouvait parvenir à l'adoption d'un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification.

La réunion est close à 17 h 50.

Jeudi 4 mars 2021

- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale s'est réunie à l'Assemblée nationale le jeudi 4 mars 2021.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente, M. François-Noël Buffet, sénateur, vice-président, M. Dimitri Houbron, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et M. Alain Marc, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.

M. Alain Marc, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je tiens à remercier Dimitri Houbron, auteur et rapporteur du texte, pour l'ensemble du travail qu'il a réalisé.

Cette proposition de loi apporte la preuve, s'il en fallait une, que nos deux assemblées savent s'entendre pour façonner des dispositions solides et intelligibles. Si elles sont souhaitables dans tous les domaines du droit, ces deux qualités sont des garanties fondamentales pour le justiciable face aux complexités de la matière pénale. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui comporte des dispositions, parfois techniques, qui visent à doter la justice de nouveaux outils afin de rendre la justice au plus près de nos concitoyens et de répondre sans délai aux petits délits du quotidien. Je voudrais revenir en quelques mots sur les modifications apportées au texte par le Sénat.

S'agissant du premier volet, qui porte sur les alternatives aux poursuites et à la composition pénale, le Sénat a souhaité inclure le travail non rémunéré dans le champ de l'expérimentation prévue par la loi de programmation et de réforme pour la justice. Cette expérimentation vise à évaluer dans quelle mesure le secteur de l'économie sociale et solidaire peut participer à l'accueil des condamnés à une peine de travail d'intérêt général (TIG). Nous avons également modifié le code de la sécurité sociale afin que les personnes qui effectuent un travail non rémunéré dans le cadre d'une transaction conclue avec le maire puissent être indemnisées en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Cette modification permettra de combler une lacune qui compliquait la vie de nos communes.

Le Sénat a également adopté deux amendements à l'initiative de notre collègue Alain Richard. Le premier donne la possibilité au procureur de la République de proposer à l'auteur d'une infraction de se dessaisir d'un bien au profit d'une personne morale à but non lucratif. Le second autorise l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) à mettre des biens immobiliers saisis dans le cadre d'une procédure pénale à la disposition d'une association ou d'une fondation d'utilité publique ou à la disposition d'organismes qui participent à la politique du logement. Je précise que cette mesure a déjà été adoptée par nos deux assemblées dans le cadre de la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations, dont nous ne savons pas quand elle sera de nouveau mise à l'ordre du jour.

Sur le deuxième volet du texte qui vise à fluidifier l'exécution des TIG, le Sénat a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, qui confie entièrement aux directeurs du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) le soin d'établir la liste des TIG dans le département. Cette mesure contribue à clarifier les compétences de chacun et à simplifier les procédures. Le juge d'application des peines conserve la possibilité d'intervenir dans la décision consistant à affecter un condamné sur un TIG particulier, ce qui constitue une garantie importante, puisque c'est le juge de l'application des peines qui est responsable de l'exécution des peines.

À l'article 4, nous avons corrigé une erreur de référence dans le code de procédure pénale.

En conclusion, le Sénat n'a que peu modifié le texte transmis par l'Assemblée nationale, ce qui devrait nous permettre de conclure aisément cette commission mixte paritaire.

M. Dimitri Houbron, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Inscrite dans le cadre de la journée réservée de mon groupe Agir Ensemble, la proposition de loi pour laquelle nous sommes réunis aujourd'hui a été examinée par l'Assemblée nationale en novembre 2020 et adoptée par le Sénat le 18 février dernier. Ce texte concerne un sujet au coeur du débat démocratique : comment améliorer l'efficacité de la justice pénale de proximité ? Cette question soulève des enjeux sociaux et judiciaires majeurs, puisqu'ils interrogent la prévention et la répression de la délinquance du quotidien ainsi que la nécessaire protection des victimes. L'ambition de cette proposition de loi est de répondre à ces défis, en renforçant notre arsenal législatif en la matière.

Je ne reviendrai pas en détail sur l'ensemble des dispositions que contient ce texte. Je me félicite que son examen à l'Assemblée nationale puis au Sénat ait permis de l'enrichir et d'en améliorer le contenu, dans une approche transpartisane que je tiens d'ailleurs à saluer. Je rappelle simplement que cette proposition de loi vise à modifier la procédure pénale sur deux axes principaux, qui correspondent aux articles 1er à 2 ter : d'une part, en élargissant le champ des mesures qui pourront être prononcées au stade des alternatives aux poursuites ; d'autre part, en facilitant le recours au TIG en tant que peine. Elle permettra ainsi au procureur ou à son délégué de demander au délinquant de remettre en état les choses qu'il a dégradées, de ne pas entrer en relation avec la victime ou ses coauteurs ou complices et de s'acquitter d'une contribution dite citoyenne, plafonnée à 3 000 euros, en faveur d'une association agréée d'aide aux victimes.

Ce texte vise également à lever les barrières qui entravent la mise en oeuvre des TIG, qui constituent une mesure efficace et utile à la réinsertion des personnes condamnées. Le juge de l'application des peines pourra désormais s'affranchir de procédures lourdes, qui ralentissent aujourd'hui le recours aux TIG, ce qui permettra simultanément de revaloriser le rôle dévolu aux fonctionnaires des SPIP.

Cet ajustement procédural permettra de fluidifier considérablement l'articulation entre le prononcé et l'accomplissement effectif du TIG, notamment grâce à la suppression du caractère obligatoire de l'examen médical préalable. Enfin, je précise aussi que les articles 3 et 4 prévoient respectivement une minoration du montant de l'amende pour les contraventions de la cinquième classe lorsqu'elles sont forfaitisées et diverses simplifications procédurales devant la Cour de cassation.

L'équilibre général de cette proposition de loi a été préservé par nos collègues sénateurs. Je remercie en ce sens mon collègue rapporteur Alain Marc d'avoir contribué, par le travail qu'il a accompli, à renforcer la portée de ce texte. Le Sénat a introduit plusieurs articles qui vont dans le bon sens.

Il s'agit notamment de l'article 1er bis A qui permet l'affiliation à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale des personnes qui effectuent un travail non rémunéré (TNR) dans le cadre d'une transaction conclue avec le maire, ou encore à l'article 1er ter qui précise que l'AGRASC peut mettre à disposition des associations, des fondations reconnues d'utilité publique ou des organismes concourant aux objectifs de la politique d'aide au logement, des biens immeubles dont l'État est devenu propriétaire dans le cadre d'une procédure pénale.

De même, le Sénat a prévu à l'article 1er que le dessaisissement de la chose qui a servi à commettre les faits ou du produit de l'infraction pourra être réalisé au bénéfice d'une personne morale à but non lucratif désignée par le procureur de la République, lorsqu'il s'agit d'une chose dont l'auteur des faits est propriétaire et sur laquelle aucun tiers n'est susceptible d'avoir des droits. Cette rédaction concrétise l'une des propositions émises par nos collègues du groupe du Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés à l'Assemblée nationale.

En tant que rapporteur, j'ai simplement émis une interrogation sur la modification apportée par le Sénat à l'article 2 bis consistant à retirer la capacité dévolue au JAP de maintenir sa compétence afin de déterminer la liste des TIG susceptibles d'être réalisés, le JAP restant compétent afin de rendre un avis sur la liste de TIG proposée par le directeur du SPIP. Après réflexion et échanges avec mon collègue rapporteur Alain Marc, il m'est apparu que nous pouvions converger sur la rédaction adoptée par le Sénat, qui présente l'avantage de la simplicité tout en revalorisant légitimement le rôle du directeur du SPIP.

Cette convergence nous permet ce matin de soumettre à cette commission mixte paritaire un texte complet. Le choix de maintenir l'ensemble des dispositions insérées par le Sénat, moyennant quelques précisions purement rédactionnelles, témoigne sincèrement de ma volonté, qui rejoint, je l'espère, celle de notre assemblée, de parvenir à un accord entre nos deux chambres.

Je forme donc le voeu que le texte que nous vous présentons soit celui de cette commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire en vient à l'examen des dispositions restant en discussion.

Article 1er

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er bis A

L'article 1er bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux du Sénat.

Article 1er bis

L'article 1er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux du Sénat.

Article 1er ter

L'article 1er ter est adopté dans la rédaction issue des travaux du Sénat.

Article 2

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux du Sénat.

Article 2 bis

L'article 2 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2 ter A

L'article 2 ter A est adopté dans la rédaction issue des travaux du Sénat.

Article 4

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux du Sénat.

Article 5

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire a adopté, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.

La réunion est close à 9 h 15.