Jeudi 26 novembre 2020

- Présidence de M. Mathieu Darnaud -

La réunion est ouverte à 8 h 30.

Audition de M. Erik Orsenna de l'Académie française

M. Mathieu Darnaud, président. - Après l'audition de Futuribles le 12 novembre dernier, qui nous a permis de réfléchir à ce qu'est une démarche prospective, nous avons le plaisir de poursuivre ce nouveau cycle d'auditions avec celle d'Erik Orsenna, de l'Académie française.

Notre délégation a le luxe de n'être pas liée par le court terme, un avantage auquel notre invité, qui a souvent fait l'éloge de la lenteur, ne peut qu'être sensible. Au cours de son long et brillant parcours, que je ne pourrais résumer ici, Erik Orsenna a souvent traité des crises et des transitions sous leurs multiples formes, notamment sous l'angle de l'économie internationale et de la mondialisation. Récemment, c'est au travers du coton, de l'eau, du papier, du moustique et plus récemment encore du cochon qu'il a pu nous éclairer sur ce qu'il a appelé, pour reprendre les mots qu'il avait prononcés lors d'une conférence dans mon département de l'Ardèche, une « conjonction des transitions ». Nous serions comme un adolescent qui vit quinze crises d'adolescence à la fois, soit autant de difficultés à affronter et à illustrer.

M. Erik Orsenna, membre de l'Académie française. - Le lieu où nous nous trouvons ne pourrait pas être plus approprié : il y a, dans cette ancienne fabrique de lustres de la rue Casimir Delavigne, à la fois de la lumière et du temps. Il y a quinze ans, j'ai donc décidé de quitter le Conseil d'État et de me consacrer à mon rêve de toujours : devenir reporter, d'abord en France, puis un peu partout. Pour mon premier livre, sur le coton, ce bien d'abord exotique puis symbole de l'industrialisation - puis de la désindustrialisation - du Nord de la France, je ne devais le soutien de mon éditeur qu'à notre amitié ; trois mois plus tard, et devant le succès remporté en librairie, j'avais carte blanche pour la suite. J'ai alors travaillé sur l'eau et sur le papier.

Il y a trois ans, alors que je m'installais dans le fauteuil de Pasteur sous la coupole de l'Académie française, ma formation littéraire et mon métier d'écrivain me valurent quelques taquineries amicales : « comment oses-tu ? ». Pour me rattraper, je fis une biographie de Pasteur, puis un livre sur les moustiques. J'y disais - et je maintiens - ma crainte d'une prochaine pandémie causée par la dengue ou quelque parasite dont le moustique serait le vecteur, pointant notamment la question des retenues d'eau à proximité des zones d'habitation ou d'élevage.

L'élevage est le sujet auquel je me suis attelé ensuite, au travers du personnage du cochon. Durant deux ans et demi, j'ai travaillé, notamment sur le sujet de la peste porcine. J'ai rencontré le préfet chargé de la barrière mise en place à la frontière belge pour éviter la propagation d'une maladie dont l'origine, selon toute vraisemblance, s'expliquait par l'importation d'animaux depuis les pays de l'Est, peu regardants sur les normes sanitaires, à moins que ce ne soit un sandwich abandonné sur une aire d'autoroute par un chauffeur routier. Les mécanismes de la crise actuelle sont déjà à l'oeuvre, et pourtant, le conseil scientifique mis en place par le Gouvernement ne compte pas un seul vétérinaire !

M. Jean-Raymond Hugonet. - Très juste !

M. Erik Orsenna. - J'ai du reste moi-même fait partie de tels comités d'experts, en deux occasions : la commission Attali pour la libération de la croissance française en 2008, et la commission Juppé-Rocard sur le grand emprunt en 2009. Il y a en effet deux manières de mal préparer l'avenir : occulter la dette, et ne pas investir.

Permettez-moi maintenant de passer au sujet qui nous occupe aujourd'hui, au risque de m'en tenir à quelques lieux communs.

Tout d'abord, et au coeur du problème, se trouve la remise en cause profonde et mortifère du savoir, considéré comme l'outil de l'élite. Ce qui se passe avec les vaccins est alarmant. Toutes les semaines, je suis attaqué sur le sujet en tant qu'ambassadeur de l'Institut Pasteur. Le pouvoir politique ne peut pas fonder son action sur l'ignorance - quoique les États-Unis aient failli nous en donner le spectacle récemment.

Ensuite, la question de l'unité - unité du vivant, unité de la société. Cette crise devrait au moins nous faire réaliser que le plus petit organisme vivant - un virus - peut conduire à une crise mondiale majeure. C'est le sens de l'approche One Health de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) : si l'animal va mal, l'homme va mal. Nous payons ici la folie de la philosophie cartésienne qui, en séparant l'homme de la nature, nous rend incapables de trouver des solutions. La vision cartésienne du monde nous promet maîtrise et efficacité - jusqu'au jour où l'unité se venge.

L'unité de la société n'est pas moins cruciale. Depuis mon plus jeune âge, je suis marin, et je suis toujours le plus faible de l'équipage, n'étant pas un marin professionnel : cela m'a appris que la valeur d'un équipage c'est la valeur de son membre le plus faible. J'ai fait un rapport avec l'économiste Daniel Cohen qui, citant un banquier, rappelait qu'il ne faut jamais prêter à une entreprise au sein de laquelle l'écart entre le plus haut salaire et le plus bas dépasse 30 %. Non pas pour des raisons morales, mais parce qu'avec un tel écart, les salariés ne se sentent pas concernés par la réussite de l'entreprise - et les écarts constatés aujourd'hui sont plutôt de l'ordre de 300 % ou 400 %... Dernier exemple : comment peut-on bâtir une République lorsque 20 % des enfants d'une classe de sixième ne maîtrisent pas les fondamentaux de la langue française ?

Vient ensuite la question de l'environnement. J'ai été formé à l'Université Paris-I et à la London School of Economics (LSE), où l'on nous apprenait que la croissance passe avant toute autre priorité. J'étais en même temps militant au Parti socialiste unifié (PSU), pour qui l'histoire l'emporte sur la géographie. Bref, j'ai parcouru du chemin, et je l'ai fait notamment en écrivant cet ouvrage sur l'eau, comme miroir de notre société : « dis-moi quelle eau tu produis, comment, avec quelle qualité et au bénéfice de qui, et je te dirai qui tu es ». Je prédis que la prochaine grande crise, après celle que nous vivons, sera une crise de l'eau - et je me tiens d'ailleurs à votre disposition pour en discuter, mon prochain livre portant sur la géopolitique des fleuves. Des millions d'êtres humains qui vivent sur un sol creusé ou affaissé sont menacés ; il devrait y avoir près de 70 millions de réfugiés climatiques pour le seul Bangladesh d'ici 20 ans ; et bien d'autres encore dans le delta du Mékong asséché par la Chine.

Plus près de nous, le débit du Haut-Rhône est aujourd'hui plus faible, et plus irrégulier, parce que le glacier qui l'alimente a été bâché pour ralentir sa fonte. Ce qui n'est pas sans danger - que l'on pense par exemple au refroidissement des centrales nucléaires en aval. Lors de mes travaux avec l'Association des maires de France (AMF) dans le cadre du programme Action Coeur de Ville, j'ai mesuré les conséquences de la volonté de Bercy de revenir sur le modèle des agences de l'eau pour en recentraliser la gestion, au motif qu'à Paris, on sait mieux faire et pour moins cher.

Enfin, la question de la démocratie représentative et sa remise en cause. Le vote ne suffit plus, par l'élection à intervalle réguliers de représentants, à assurer l'acceptation de la décision. D'où les tâtonnements dont le « Conseil citoyen » annoncé par le Président de la République est un nouvel exemple. Nous devons impérativement trouver un moyen d'intégrer les préoccupations de long terme, ce que le système actuel peine à faire. La gestion de l'eau constitue là encore un exemple parlant : quel courage faut-il à un élu - quelle virtù, devrait-on dire - pour investir dans les réseaux, investissements cruciaux mais qui n'apportent à court terme que des désagréments (travaux, etc.) et dont aucun bénéfice n'est à espérer avant la fin du mandat, alors qu'il est si facile d'inaugurer une usine de production et d'y faire de belles photos...

C'est cette incapacité à prendre en compte le long terme qui explique la tentation meurtrière d'aller vers les régimes autoritaires, de remettre en cause la démocratie. S'y l'on y ajoute le recul du savoir, il est difficile d'être optimiste... Et pourtant !

Permettez-moi maintenant de partager avec vous cinq convictions quant à l'articulation des transitions à venir.

Ma première conviction est transversale, et concerne la transition digitale : nous sommes en train de réaliser le rêve d'un monde sans humains, où la 5G devient obligatoire, et où les libraires ne sont plus que des dépôts de colis. Il faut donc se poser cette question qui fera l'objet d'un de mes prochains livres : un humanisme digital est-il possible ?

Ma deuxième conviction concerne l'espace : c'est le retour de la nation. Reprenant le titre de l'ouvrage Ernest Renan, Qu'est-ce qu'une nation ?, Pascal Ory dresse le même constat, alors que notre génération, issue de Mai 1968, la tenait pour un vestige du passé - comme la religion qui revient également. Pour ma part, et peut-être parce que mon pseudonyme littéraire m'a été donné par Julien Gracq, je crois qu'il n'y a pas d'histoire sans géographie. Pour autant, la nation est-elle le bon niveau pour les transitions auxquelles nous devons répondre ? J'ai assisté cet été à Saint-Brieuc à une réunion sur l'avenir de l'élevage, en présence de 1 200 parties prenantes, et j'ai le sentiment que l'échelon régional est plus efficace pour faire face à cette transition, car les solutions ne sont pas les mêmes de Dunkerque à Cayenne. Mais il faut pour cela en finir avec les injonctions contradictoires. Prenez le programme Action Coeur de Ville, par exemple : tout le monde voit bien qu'il existe une contradiction entre la revitalisation des centres-villes et le fait d'accorder des autorisations pour l'installation de grandes surfaces en périphérie, et pourtant, nous faisons les deux, tout simplement parce que les grandes surfaces procurent aux collectivités locales des revenus qui compensent la baisse des dotations. Nous avons abandonné l'aménagement du territoire - un Haut-Commissariat au Plan vient certes d'être créé, mais que faut-il en attendre ?

Ma troisième conviction concerne le temps : j'en ai parlé tout à l'heure.

Ma quatrième conviction a à voir avec la notion d'égalité : trop souvent, le principe républicain d'égalité permet de s'exonérer d'une réflexion sur l'égalité des chances.

Ma dernière conviction - qu'il me soit permis de défendre ma corporation - est celle de la nécessité d'un récit, car il n'y a pas de démocratie sans République, pas de République sans projet. Nous confondons trop souvent l'action avec l'agitation, nous réformons sans répondre à cette question : « pourquoi réformer ? ».

M. Mathieu Darnaud, président. - Merci pour ce propos éclairant. S'agissant de la question de l'eau, le Sénat a déjà eu l'occasion de s'y intéresser, et nous allons bien sûr continuer. Je retiens de précédents travaux sur le sujet auxquels j'ai participé qu'il y a en la matière la nécessité d'une ardente proximité.

Mme Céline Boulay-Espéronnier. - Vous avez évoqué l'égalité de chances : cet objectif controversé est-il seulement possible ? Une telle égalité existe-t-elle ? Ne vaudrait-il pas mieux parler d'équité, plutôt que d'égalité ?

Mme Véronique Guillotin. - Élue de Meurthe-et-Moselle, j'ai vu de près la barrière mise en place pour prévenir la propagation de la peste porcine. S'agissant de la défiance de la population vis-à-vis des vaccins, je partage votre consternation et votre désespoir : pourra-t-on un jour redonner confiance en l'avenir ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Il est rare d'entendre des gens qui dégagent une énergie telle que la vôtre ! Je suis fils de vétérinaire, et mon père admirait Pasteur. Quel est, d'après vous, le rapport entre la nation et le rythme, pour m'exprimer en musicien ? David Djaïz, que nous avons entendu récemment au sujet de son ouvrage Slow Democracy, soulignait que la révolution digitale surpassait tout à un rythme effréné, y compris la nation, et qu'en même temps celle-ci demeurait la garantie d'avancer ensemble.

M. François Bonneau. - 15 % des Américains pensent que la terre est plate : il y a en effet motif à s'inquiéter, y compris en France, de la remise en cause du savoir. Que pensez-vous de ceux qui regrettent que les jeunes, aujourd'hui, ne lisent plus mais passent tout leur temps devant un écran ? Président du conseil départemental de la Charente jusqu'à récemment, j'avais mis en place, dans chaque établissement scolaire, le « quart d'heure de lecture », où chacun interrompait ses activités pour lire un livre.

M. Stéphane Sautarel. - Je partage votre inquiétude quant au risque de déshumanisation qu'apporte le capitalisme digital. Le télétravail pendant le confinement a accéléré les choses : comment faire société si la relation humaine n'existe plus ?

M. Bernard Fialaire- À l'instar de Léon Bourgeois et de sa philosophie du solidarisme, qui insistait sur l'homéostasie du corps social, ne devrait-on pas penser une théorie applicable à la révolution digitale ? Par exemple, quelles sont les conséquences des progrès des neurosciences sur l'évolution de notre cerveau ?

Vous avez évoqué le savoir : ne devrait-on pas plutôt dire les savoirs ? La crise actuelle a montré qu'on peut être excellent virologue et néanmoins très péremptoire dès lors qu'il s'agit de politiques de santé publique. Les discours sont multiples.

M. Jean-Claude Anglars. - Sénateur depuis peu, je m'interroge sur le lien entre représentativité et territoires. Les contours des nouveaux cantons et des nouvelles régions ne correspondent à rien : quel est votre point de vue ?

Mme Cécile Cukierman. - Peut-être ai-je le défaut d'avoir fait des études d'histoire plutôt que de géographie. Il y a un mot que, me semble-t-il, vous n'avez pas évoqué : l'effort - des savoirs, de la lecture etc. L'effort est difficile, mais il mène à la satisfaction, il permet de se transcender et de partager.

M. Erik Orsenna. - Sur l'effort, peut-être pourrais-je vous répondre en évoquant la mission sur l'ouverture des bibliothèques que je continue à mener, et au titre de laquelle j'ai récemment été entendu par les commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat. Les statistiques sur le rapport des Français à la culture montrent que la consommation l'emporte sur la pratique. Or, contrairement, par exemple, à un film ou une série télévisée, la lecture n'est pas un simple acte de consommation : c'est une co-création, donc une pratique, car le lecteur doit y mettre du sien, et prendre du recul.

Sur les neurosciences, nous sommes face à un risque, mais aussi à une opportunité. J'ai 73 ans, et je me suis mis au piano il y a cinq ans, avec les résultats que l'on devine : qu'en serait-il si l'implantation d'une puce électronique pouvait me permettre de devenir Glenn Gould ? Mais à l'inverse, qu'est-ce que la vie si ce n'est un parcours, une suite de choix ? À 30 ans, je me suis dit que j'aurais un jour le prix Goncourt : il m'a fallu dix ans de plus, mais au final, c'est bien le parcours qui compte.

S'agissant du rythme : lorsque j'ai écrit mon premier livre comme vulgarisateur scientifique - je préfère le terme italien de divulgatore, moins insultant, plus malin aussi -, j'ai appris une chose importante : pour comprendre un mécanisme vivant, il faut comprendre tous les rythmes auxquels il est soumis. La mer, ce sont les six heures entre chaque marée, mais ce sont aussi les 1 200 ans de la circulation thermohaline. Ce qui vaut pour la mer vaut pour tous les organismes vivants, y compris nous, y compris la nation.

S'agissant des librairies, il me semble inacceptable qu'un gouvernement décrète que certains commerces sont essentiels alors que d'autres ne le sont pas. « Vous ouvrez le Panthéon et vous fermez les librairies », ai-je entendu : « quel symbole faut-il y voir ? ». Ou encore, en allusion au titre du recueil de Maurice Genevoix : « Ceux de 14 oui, mais ceux d'après non ? ». La culture, c'est l'inverse de la dépression : avec la culture, on est plus que soi-même, avec la dépression, on est moins que soi-même.

S'agissant de la défiance à l'égard des vaccins, je vous avoue que je ne sais pas comment faire. J'étais récemment à Lisbonne pour la « Nuit des idées », où j'ai discuté avec le secrétaire général de l'association des « platistes » lisboètes : exposer des faits à des gens convaincus du contraire ne sert à rien. Pourtant, si l'on arrête de vacciner les gens, la maladie repart immédiatement. La situation est du reste mauvaise en France car nous avons tendance à valoriser le soin davantage que la prévention - il suffit pour s'en convaincre de penser à la hiérarchie qui existe, en termes d'honneurs comme d'argent, entre un chirurgien et un professeur de santé publique.

Pour toutes ces questions, il faut penser de manière globale. J'ai écrit une thèse d'économie, une thèse d'État présentée devant Raymond Barre, certes, mais une thèse néanmoins très mauvaise. Si je devais la refaire, je parlerais de deux choses : le prix et le coût. On ne parle jamais du second.

Face à la déshumanisation qu'apporte la révolution numérique, je suis également impuissant. Et quand je ne comprends pas un phénomène, j'écris un livre dessus.

En réponse à la question sur la représentation des territoires, sachez que je suis favorable au cumul des mandats. Législateur n'est pas un métier mais une mission. Je regrette qu'il ait été supprimé.

M. Alain Richard. - Le cumul des mandats est encore en vigueur, mais il est limité aux mandats non exécutifs...

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Vous évoquez le prix et le coût : ne faudrait-il pas plutôt évoquer le prix et la valeur ?

M. Erik Orsenna. - Il faudrait alors dire les valeurs, tant cette notion renvoie à des réalités multiples. Avec la notion de coût, je reste dans le domaine de l'économie. Par exemple, quelle est la valeur du luxe, par ailleurs l'une des premières capitalisations boursières françaises ? À l'inverse, la rémunération des soignants est, on l'a vu, inversement proportionnelle à leur utilité sociale. Et quelle est la valeur ou l'utilité sociale des banquiers d'affaires qui démantèlent actuellement le troisième éditeur français, Hachette ? Mon parcours m'a conduit du coût, par ma formation d'économiste, à la valeur, en ma qualité d'écrivain.

Pour susciter l'adhésion, comme je le disais, il faut un récit. Lorsque je me suis rendu compte que je ne comprenais pas une question posée à mes enfants à l'école, j'ai écrit une grammaire - La grammaire est une chanson douce - d'après le titre de la chanson qu'Henri Salvador m'avait autorisé à reprendre.

Un dernier mot sur les animaux, où l'on retrouve la question du prix, du coût et de la valeur. Nous sommes tous dans le même bateau. La question-clé à laquelle nous devons répondre pour définir l'agriculture de demain, c'est celle de la valeur que l'on donne à notre nourriture, au prix que l'on accepte de payer pour elle. Or en 20 ans, la part consacrée par un foyer à ses dépenses alimentaires est passée de 25 % à 11 %, et la guerre des prix est repartie de plus belle malgré le « Grenelle de l'alimentation ». Il faut comprendre que « toujours moins cher », cela veut dire « toujours plus dangereux », sans même parler de la question du bien-être animal. Je ne parle pas des porcs élevés en plein-air et nourris aux glands pour produire du jambon haut de gamme : les conditions d'élevage sont bonnes, car on y met le prix. Mais ce n'est pas la majorité, loin s'en faut. Or on ne peut pas non plus imaginer d'élever tous les porcs en extérieur, pour des questions de sécurité sanitaire, et pour des questions de coût. Et l'on ne peut pas non plus compter sur cette fausseté qu'est la « viande non animale », qui n'est pas de la viande, ni sur les seules protéines végétales, car il faudrait alors étendre au-delà de ce qui est raisonnable les surfaces cultivables.

En conclusion, et si je devais résumer mon métier, je dirais qu'il s'agit d'expliquer les interdépendances.

M. Mathieu Darnaud, président. - Je vous remercie.

La réunion est close à 10 heures.