Mardi 27 octobre 2020

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 17 h 30.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 - Audition de Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. Je souhaite la bienvenue devant notre commission à Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie.

La loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie a créé une cinquième branche de la sécurité sociale, dont la gestion a été confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Le Gouvernement a ensuite confié à M. Laurent Vachey, que nous auditionnerons demain, la mission de formuler des propositions sur l'organisation et le financement de cette branche en vue de ce PLFSS. Celui-ci reprend, parmi les propositions du rapport Vachey, le transfert d'une prestation, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), de la branche famille à la branche autonomie, ainsi que le transfert de recettes de la contribution sociale généralisée (CSG) depuis la branche maladie et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), tout en conservant le financement des établissements dans le champ de l'Ondam, qui s'élargit aux dépenses financées par la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) et la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA).

Les contours de cette branche sont renvoyés à une concertation, le « Laroque de l'autonomie ». Demeure en toile de fond une question lancinante, à laquelle vous ne pourrez peut-être pas répondre aujourd'hui : comment financer cette cinquième branche ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie. - Permettez-moi avant tout de féliciter celles et ceux d'entre vous qui ont été élus ou réélus lors des dernières élections sénatoriales. Vous connaissez mon attachement à la démocratie parlementaire, à l'équilibre entre les deux chambres du Parlement et, par extension, au rôle essentiel de la Haute Assemblée, représentante de nos territoires.

Pour avoir travaillé sur plusieurs projets de loi de financement de la sécurité sociale en tant que députée et que présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, j'estime que le PLFSS pour 2021 est un beau PLFSS. Il est à la hauteur de la crise sanitaire que nous traversons, mobilise tous nos moyens et apporte aux personnels de soin, au sens large, la juste reconnaissance que nous leur devions. Enfin, il prépare l'avenir, en consacrant une nouvelle branche de la sécurité sociale, la couverture du risque de perte d'autonomie ; c'est à cet égard un PLFSS fondateur, qui fera date.

Cela fait presque deux décennies que les pouvoirs publics songent à une telle branche. Ce sujet est évidemment au coeur de ce qui fait société : il convient de s'organiser pour prendre soin des plus vulnérables, leur insuffler confiance et les considérer comme des êtres qui agissent, et non qui subissent. La réforme que nous devons porter repose notamment sur un appui accru au secteur médico-social, secteur du « prendre-soin », mais cela doit se faire au service d'un objectif plus large, du principe intangible de la préservation de la dignité et de la liberté des aînés jusqu'au bout.

Nous ne partons pas de rien : nous nous inscrivons dans la continuité de réformes majeures, telles que la création de la CNSA après la canicule de 2003. Nous franchissons aujourd'hui une étape historique. Certains ne voient dans la présente réforme qu'une mesurette administrative, mais il nous faut prendre la mesure du moment : en tranchant, en pleine crise sanitaire, le débat ancien sur la cinquième branche, nous avons fait un choix politique aux conséquences de long terme.

La création de cette cinquième branche porte en elle quatre promesses.

Une promesse d'universalité, d'abord : la gouvernance de la branche conservera son originalité, du fait du rôle des conseils départementaux, mais sa création doit être synonyme d'équité territoriale renforcée.

Une promesse de qualité renforcée de l'offre d'accompagnement, ensuite, ainsi qu'une promesse de renforcement des politiques transversales de l'autonomie, au croisement des politiques en faveur des personnes âgées et de celles qui sont destinées aux personnes handicapées ; le soutien aux proches aidants sera également évoqué.

Enfin, une promesse de démocratie, avec la création d'un rendez-vous annuel au Parlement, qui mettra en lumière la politique publique de l'autonomie, mais aussi les déterminants de sa trajectoire financière. La création de cette branche permet de faire la vérité des prix et de regarder en face les ressources que nous consacrons à cette politique et celles qui nous manqueront pour répondre aux défis posés par la transition démographique.

Cela ne se fera pas en un jour : je reviendrai sur la façon dont ces promesses s'incarneront dans le futur projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie.

D'ores et déjà, ce PLFSS redéfinit les missions de la CNSA et renforce les pouvoirs du conseil départemental, tout en offrant une architecture simplifiée propice à la diversification des interventions de la CNSA, qui pourra ainsi employer les 600 millions d'euros d'investissement prévus par le Ségur de la santé, notamment en apportant son aide à la modernisation numérique des établissements et des services.

Surtout, ce PLFSS apporte une première définition du périmètre de la branche : il comprendra les dispositifs gérés par la CNSA ; l'AEEH y sera également intégrée. C'est une première étape ; le périmètre pourra évoluer dans les années à venir.

La création de cette branche s'appuie sur un renforcement de l'information du Parlement, puisqu'une nouvelle annexe du PLFSS sera désormais consacrée aux dépenses consolidées de l'État et des départements dans le champ de l'autonomie. Cette source d'information nouvelle sera extrêmement riche.

Nous avons fait le choix dans ce PLFSS d'un financement autonome de cette branche par des recettes propres : la CNSA sera affectataire de 28 milliards d'euros de CSG, toutes assiettes confondues, à compter de 2021. Nous anticipons partiellement l'affectation de la fraction de CSG qui avait été prévue pour 2024 dans la loi du 7 août 2020. Cela permettra le financement de mesures nouvelles à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Cette branche est donc très loin d'être une coquille vide.

Est ainsi prévue une revalorisation salariale massive dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). La nouvelle branche prendra à sa charge la totalité des revalorisations de tous les personnels, quel que soit leur statut, dans tous les Ehpad. Nous ne demandons rien aux départements ni aux résidents : c'est inédit. Sont également prévus des crédits d'investissement dans l'immobilier, le numérique et les petits équipements.

Une somme de 2,1 milliards d'euros a été prévue sur cinq ans pour le secteur médico-social. Ce plan inédit doit nous permettre, à terme, de rénover et de restructurer près d'un quart de l'offre, mais aussi de concevoir et de mettre en oeuvre un établissement de type nouveau, l'Ehpad de demain, qui soit plus ouvert, plus protecteur, mieux structuré en petites unités de vie, plus adapté enfin à la transition climatique et aux troubles cognitifs.

On peut aussi citer parmi les mesures nouvelles ainsi financées, à hauteur de 300 millions d'euros, la poursuite de la convergence tarifaire, qui vise à augmenter le taux d'encadrement dans les Ehpad. S'y ajoutent de nouvelles mesures de soutien aux personnes en situation de handicap, que Sophie Cluzel vous détaillera.

Enfin, je voudrais mettre l'accent sur le soutien au secteur de l'aide à domicile, qui vous tient à coeur et que je connais bien. Nul besoin de remettre l'église au milieu du village : ce secteur relève de la compétence des départements. La branche autonomie soutient ceux-ci dans leur action à travers des concours financiers massifs : près de 3 milliards d'euros en 2020. Des informations complémentaires nous ont conduits à proposer une hausse de 120 millions d'euros de ces concours pour 2021.

Au-delà de ce soutien, j'ai tenu à ce que l'État intervienne plus massivement en faveur des aides à domicile, aux côtés des conseils départementaux. Ainsi, 80 millions d'euros viennent soutenir les collectivités qui s'engagent à verser une prime Covid à ces aides, en contrepartie d'un effort au moins égal de leur part. À ce jour, au moins 84 départements se sont engagés à verser cette prime.

Mais le virage domiciliaire ne saurait s'incarner que dans une mesure conjoncturelle. Le PLFSS intègre donc un dispositif inédit et pérenne : la branche autonomie financera à hauteur de 200 millions d'euros en année pleine un soutien aux conseils départementaux qui s'engageront à revaloriser les salaires de l'aide à domicile. Sur la base de cette enveloppe, des échanges avec les départements sont engagés avec les départements pour convenir d'un effort public global de revalorisation salariale. Les partenaires sociaux seront invités à négocier une trajectoire ainsi finançable ; nous les recevrons dès la semaine prochaine pour préparer cette démarche.

Nous faisons le pari de la coconstruction : l'État ne décidera pas seul de la revalorisation. Je peux néanmoins déjà vous annoncer que l'avenant 44 à la convention collective de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile, première étape de la revalorisation, sera bien agréé. Le seul objectif que l'État fixera dans la négociation qui s'ouvre est la nécessité de procéder prioritairement à une revalorisation des bas salaires. Il n'est pas admissible que certains demeurent en dessous du SMIC.

Ce PLFSS est une étape, mais nombre de sujets trouveront leur place dans le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie qui sera présenté en 2021. La branche, ce sont les fondations ; il nous faut désormais construire la maison.

Cela passe par l'amélioration de la gouvernance territoriale, la simplification des modes de financement des établissements et des services, et un dialogue renforcé entre agences régionales de santé (ARS) et départements.

Cela passe aussi par une amélioration de l'offre à domicile comme en Ehpad, au travers d'une augmentation progressive du taux d'encadrement, mais aussi d'un changement de modèle dans l'intervention des professionnels : le domicile et l'établissement doivent travailler en continuum.

Cela passe encore par l'amélioration de l'information donnée aux citoyens, par le biais notamment d'un réseau très identifié de maisons de l'autonomie dans tous les territoires, chargées d'accueillir et d'orienter les personnes. Cette réflexion est en cours ; nous devons la construire avec les départements.

Il faudra financer la trajectoire qui sera portée par le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie. Vous avez pris connaissance des pistes évoquées par le rapport Vachey et vous connaissez la complexité des choix à faire dans un contexte très difficile pour toutes les branches de la sécurité sociale. Les choix ne sont pas simples ; il faudra les regarder en face et en discuter avec l'ensemble des partenaires au cours de l'élaboration du prochain projet de loi, dans le cadre de ce que j'ai appelé le « Laroque de l'autonomie ».

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour la branche autonomie. - Nous saluons la mise en place de cette nouvelle branche, mais de nombreuses questions demeurent en matière de finances et d'organisation. La pérennité des moyens financiers nouvellement dédiés à cette branche est incertaine. En effet, si le Ségur de la santé permet à cette branche d'afficher des dépenses en hausse, elles sont essentiellement financées par le déficit de la branche maladie. C'est notamment le cas des dépenses d'investissement, qui seraient, selon le Gouvernement, tirées par le plan de relance. Est-ce une manière pérenne de financer le secteur médico-social ?

Le Gouvernement a fait une lecture a minima du rapport Vachey pour dessiner le périmètre de la branche autonomie. Certes, il aurait vocation à évoluer. Où en sont les concertations à ce sujet ?

Comment justifier le déficit prévu en 2022 et 2023 ? Pourquoi ne pas prévoir dès à présent les ressources correspondantes ?

Tous les Français plébiscitent le maintien à domicile. Dès lors, est-ce un bon signal que d'engager, dans le cadre du plan de relance, la construction de nouvelles places d'Ehpad, alors qu'aucune mesure en faveur du maintien à domicile ne figurait dans la version initiale du PLFSS ? Seule la mobilisation des acteurs de terrain a fait évoluer les orientations du Gouvernement au cours de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.

La deuxième vague de l'épidémie de covid-19 menace les Ehpad. Nous nous interrogeons sur leur capacité à gérer cette crise et sur la surveillance épidémique dans ce secteur. Quelle est votre vision de la situation actuelle ?

Quelles pistes du rapport Piveteau sur l'habitat inclusif souhaitez-vous mettre en avant ?

Enfin, le comité interministériel du handicap se réunira dans quelques jours. Quelles en seront les grandes lignes ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Je tiens à m'inscrire en faux par rapport à vos propos concernant le soutien au maintien à domicile. Il y a trente ans, mon premier métier a été de créer une telle structure. Or il n'y a pas eu beaucoup de progrès depuis lors : on ne peut pas nous faire porter la responsabilité de problèmes récurrents. Dès mon entrée au Gouvernement, j'ai fait remarquer qu'il était anormal que les travailleurs de ce secteur n'aient pas reçu la prime Covid : seuls 19 départements, d'ailleurs loin d'être les plus riches, l'avaient fait spontanément, sans soutien de l'État. Nous avons cherché comment offrir une enveloppe supplémentaire pour aider tous les départements dans cette démarche. Nous sommes là pour aider les départements sans leur ôter leurs compétences dans ce secteur. Ce n'est pas sous la pression des fédérations que l'État et les départements construisent, ensemble, une démarche de revalorisation salariale ; le rôle des parlementaires est également important, car il faut être unanime sur ce sujet.

MM. Véran et Dussopt ont eu l'occasion de se prononcer sur la suite donnée au rapport Vachey. Le PLFSS pour 2021 prévoit un financement de cette branche par des recettes propres : 28 milliards d'euros issus de la CSG. Nous lui affectons aussi, dès cette année, une fraction de la CSG, comme il était prévu à partir de 2024 dans la loi relative à la dette sociale et à l'autonomie. C'est une première étape.

En vérité, il n'y a pas de solution magique. Le rapport Vachey préconise de nouveaux prélèvements obligatoires, de nouveaux transferts et de nouvelles économies : un débat complexe s'annonce dans un contexte délicat pour les finances sociales. Des travaux interministériels s'ouvrent ; le débat sera mené avec tous les partenaires. Il doit être mené parallèlement à celui qui portera sur le financement du futur projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie. Les pistes d'économies du rapport Vachey, déjà évoquées dans le rapport Libault, sont également prises en compte dans notre réflexion.

Concernant le comité interministériel du handicap, je laisserai Sophie Cluzel faire les annonces à l'issue de sa réunion.

Le rapport Piveteau porte sur des enjeux majeurs et contient des pistes de réflexion intéressantes. Nous aborderons la réforme de l'autonomie à travers une approche domiciliaire. Cela recouvre toutes les formes de domicile, au-delà de celui que vous avez occupé toute votre vie. Les locations partagées seront évoquées, tout comme les actions coeur de ville : ce sera une politique éminemment territoriale. Les personnes âgées qui veulent rester à domicile ne doivent plus être isolées, mais être placées au coeur des villes et des villages. M. Piveteau a plutôt évoqué ces pistes dans le champ du handicap, mais nous travaillons sur toutes les formes de l'autonomie.

Quant à la situation sanitaire dans les Ehpad, 550 clusters sont aujourd'hui en cours d'examen, avec les conséquences que vous imaginez. Nous devons anticiper d'éventuelles aggravations ou hospitalisations. C'est ce que nous faisons au travers de la distribution, dès maintenant, dans tous les Ehpad de tests antigéniques, de manière à éviter les propagations soudaines connues lors de la première vague. Il faut tester pour pouvoir isoler. Nous avons voulu maintenir une ligne de crête : protéger tout en essayant de ne pas isoler ces personnes. En effet, la première vague nous a montré les situations dramatiques que pouvait causer un confinement total des personnes âgées. Il faut tenir compte des proches aidants et des fins de vie qui doivent être accompagnées. Le contexte de nouvelle flambée de l'épidémie et la nécessaire vigilance sanitaire rendent cette tâche plus difficile : c'est notre devoir que de protéger, mais un dépistage et un isolement immédiat des cas pourraient permettre d'éviter un reconfinement total de ces établissements. Nous demandons à leurs directeurs d'avoir des réponses graduées.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - J'ai entendu vos réponses à nos questions financières. Nous avons déjà beaucoup débattu des besoins à venir de la cinquième branche : à l'évidence, on ne pourra pas se limiter aux 31 milliards d'euros déjà prévus. Même si le Sénat a approuvé la création de cette branche, il garde un regard critique, car il en attend beaucoup. Nous comptons sur vous pour apporter tous les apaisements nécessaires sur les futurs financements de cette branche. Concernant l'aide à domicile, toutes les associations expriment une attente très forte et seront attentives à vos déclarations et au changement de paradigme que vous annoncez.

Mme Michelle Meunier. - Les attentes suscitées par la création de cette branche sont importantes, notamment dans le milieu associatif du handicap. La promesse d'universalité qui est faite représente un défi majeur. La barrière d'âge, le fameux seuil des soixante ans, demeure problématique pour les personnes handicapées. Comment analysez-vous la position du collectif Handicaps, qui propose d'étoffer l'ordonnance prévue à l'article 16 de ce PLFSS en y intégrant la création d'une nouvelle prestation unique de compensation de la perte d'autonomie ?

Mme Jocelyne Guidez. - On parle depuis des années de cette cinquième branche, mais on n'est jamais allé jusqu'au bout du sujet. Vous avez évoqué les moyens qui lui seront consacrés : ce n'est pas une coquille vide, mais on sait qu'ils ne suffiront pas. On avance, mais il y a urgence. L'État peut-il tout faire, ou bien faudrait-il mettre en place un impôt de solidarité ? On ne peut pas faire l'autruche ! Les gens sont prêts à payer, à condition que les recettes aillent vraiment à la cinquième branche.

M. Olivier Henno. - Cette nouvelle branche, avez-vous dit, porte une promesse d'équité territoriale. Nous sommes évidemment favorables à une réduction des écarts territoriaux, mais je m'interroge sur la méthode que vous comptez employer pour l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH). Ces prestations seraient-elles transférées vers la cinquième branche, ce qui pourrait entraîner une perte de compétences pour les conseils départementaux ? Si seule une harmonisation est prévue, à quel coût cela se fera-t-il, et selon quelles modalités ?

Mme Corinne Imbert- Que feriez-vous sans les départements ? La coconstruction et le cofinancement deviennent la règle. Tout le monde souhaite la revalorisation des services d'aide à domicile ; je l'ai moi-même portée dans mon département, dans un souci de simplification et d'équité. Des maisons départementales de l'autonomie (MDA) seraient créées dans tous les départements : quelle plus-value en attendez-vous ?

Les moyens prévus pour la nouvelle branche dans ce PLFSS sont insuffisants. Surtout, en allouant à la CNSA une fraction des recettes de la CSG sans augmenter cette dernière, à hauteur de 2,5 milliards d'euros, on retire une somme équivalente à l'assurance maladie. Pouvez-vous démontrer le contraire ?

Enfin, quelle est votre position concernant le nombre d'agréments possibles pour un accueillant familial ? Aujourd'hui, quatre personnes peuvent être accueillies s'il y a parmi elles au moins un couple. Êtes-vous favorable à la suppression de cette condition ?

Mme Raymonde Poncet Monge. - La création de la cinquième branche a été une très bonne nouvelle, mais la trajectoire de financement prévue inquiète beaucoup le secteur de l'aide à domicile. À la suite de l'adoption d'un amendement par l'Assemblée nationale, 200 millions d'euros lui seraient consacrés en année pleine - 150 millions en 2021. Les fédérations du secteur ont pourtant estimé les besoins à au moins 600 millions d'euros, en regard de l'application d'un avenant en souffrance de signature du Gouvernement. Celui-ci se proposerait de couvrir, par le biais de la CNSA, un tiers du coût de cet avenant, les départements couvrant le reste ; la répartition serait donc plus défavorable à ces derniers qu'actuellement. Pouvez-vous confirmer qu'un tel partage est prévu ?

Certes, vous n'avez rien demandé aux départements ni aux personnes accueillies pour financer la revalorisation salariale dans les Ehpad, mais le secteur des soins et de l'aide à domicile doit une nouvelle fois attendre. Face à cette équation financière, des départements sont tentés de mettre en cause l'opposabilité des conventions collectives, loin de votre promesse d'universalité et d'équité territoriale. Le secteur est sinistré : on constate une hémorragie du personnel médico-social, notamment dans les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).

L'avenant 43 à la convention collective de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile est signé depuis des mois. S'il n'est pas agréé en 2020, son application, prévue pour 2021, serait reportée d'une année. La revalorisation salariale a déjà été reportée dans ce secteur. En outre, cet agrément conditionne le tournant domiciliaire prôné par les rapports Libault et El Khomri. Pouvons-nous avoir des garanties quant à son agrément avant la fin de l'année ?

Mme Véronique Guillotin. - Vous avez évoqué la revalorisation salariale des personnels des Ehpad, tous statuts confondus. Qu'en est-il des personnels des Ssiad et des maisons d'accueil spécialisées ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Je suis une départementaliste convaincue. Le domaine social fait partie des missions premières des départements : ne pas parler de coconstruction serait incompréhensible. L'État, pour la première fois, veut les aider dans le domaine de l'aide à domicile. Y consacrer 200 millions d'euros au sein du PLFSS est complètement inédit : il faudrait tout de même le saluer ! Cette approche a fonctionné pour le versement de la prime Covid. Certains départements l'ont élargie aux soignants à domicile ; d'autres requièrent l'aide de l'État ; d'autres encore refusent cet élargissement par principe. Les départements revendiquent cette compétence et chacun sait qu'une convention collective ne se négocie pas tout seul : il faut les partenaires sociaux, mais aussi les financeurs que sont les départements, aidés par l'État. Cette méthode a d'ailleurs été saluée par le président de l'Assemblée des départements de France (ADF).

La barrière d'âge est un sujet évoqué de longue date. Nous devons dans un premier temps renforcer les politiques transversales du handicap et de l'autonomie, le soutien aux proches aidants et l'approche domiciliaire. Il n'y a pas de consensus général quant au champ des prestations qui devraient devenir transversales et faire l'objet d'un modèle unique. Notre but est en tout cas que les personnes s'y retrouvent : elles ne doivent pas affronter un parcours du combattant quand elles passent d'un dispositif à l'autre. Un travail de concertation est nécessaire.

Quant à l'APA et à la PCH, notre souhait premier est l'équité territoriale. La situation actuelle n'est pas satisfaisante : on relève énormément de disparités dans la qualité des services, dans le maillage territorial et dans l'offre même. Le principe d'universalité de la cinquième branche justifie des changements. Parvenir à l'égalité sera plus compliqué, mais l'équité territoriale est le moins que nous devons à la population. Nous entendons donc apporter un soutien dans ce domaine, sans prévoir une recentralisation de ces prestations.

Le transfert d'une part des recettes de la CSG correspond au financement des services médico-sociaux qui étaient jusqu'à présent financés par la branche maladie. Les mesures nouvelles du Ségur de la santé auraient été financées par celle-ci en l'absence de cinquième branche. Il ne s'agit donc pas d'un déficit supplémentaire de la branche maladie au profit de la branche autonomie.

Mmes les députées Robert et Corneloup doivent bientôt remettre un rapport sur les accueillants familiaux. Beaucoup de préconisations vont dans le sens d'un élargissement de cet accueil, solution très humaine et demandée à laquelle je suis très favorable. Il faut seulement faire en sorte de respecter cette dimension familiale. Permettre l'accueil de quatre personnes est un bon équilibre, qui me semble envisageable.

J'ai demandé à M. Libault d'analyser le rôle des MDA existantes, afin d'élaborer une modélisation de ce qui pourrait être mis à disposition sur tous les territoires, sans obérer d'autres options peut-être plus innovantes. Les gens ont besoin d'un lieu unique où recevoir ces informations, pour mettre fin au parcours du combattant que tous dénoncent aujourd'hui. La transversalité de ces lieux entre handicap et autonomie est également importante.

Concernant les Ssiad, nous avions prévu des travaux complémentaires sur les champs du secteur médico-social qui n'avaient pas été couverts par le Ségur de la santé. Une première réunion avec les organisations syndicales a eu lieu ; nous voulons faire aboutir ces travaux au plus vite, car ces revendications sont tout à fait légitimes.

Quant à l'avenant 43, s'il était agréé aujourd'hui, les départements devraient automatiquement régler une facture de plus de 600 millions d'euros. Nous avons décidé de les accompagner, au travers de l'enveloppe supplémentaire prévue dans le PLFSS, afin de pouvoir négocier cet avenant. Cette négociation demande quelque temps, mais les départements sont sensibles à cette aide de l'État et sont donc prêts à aller dans le sens souhaité par le Gouvernement et les fédérations de ce secteur. Nous jouons un rôle de facilitateur de cette négociation, qui devrait être finalisée à la mi-novembre. Donnez-nous encore quelques jours ! Sachez en tout cas que l'enveloppe que nous offrons vise à aller dans le sens de cet avenant. Surtout, il faut s'attaquer à la revalorisation des bas salaires, pour qu'aucun travailleur de ce secteur ne soit plus payé en dessous du Smic.

Mme Élisabeth Doineau. - Merci de nous avoir éclairés sur les propositions que vous faites dans ce PLFSS. Je m'interroge sur l'organisation territoriale des Ehpad et des établissements recevant des personnes handicapées. Longtemps, la doctrine a favorisé les établissements d'au moins 100 places, ce qui a freiné nombre de projets locaux. Au prétexte de l'inclusion, on pousse les établissements installés dans des territoires ruraux à déménager dans des zones urbaines. J'espère que ce n'est pas votre objectif !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Je partage complètement votre analyse. Le grand âge est trop souvent resté à l'écart de nos préoccupations : les établissements étaient trop souvent loin des centres et adossés à des hôpitaux ; l'aspect sanitaire, certes très important dans le contexte actuel, a pris le dessus sur les impératifs de proximité. Il faut des établissements à dimension humaine, soumis à une charte de qualité et mieux intégrés au coeur des villes ; cela seul permet des relations intergénérationnelles, avec les écoles ou les associations. Enfin, les plus grosses structures ont davantage souffert de l'épidémie de covid-19.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Élisabeth Doineau a raison : nous sommes régulièrement sollicités par des maires qui se voient contraints de fermer les Ehpad de leurs communes du fait des travaux de restructuration imposés par les règles des ARS.

M. Alain Milon. - À vous entendre, avant, on ne faisait rien pour les personnes âgées ; maintenant, vous faites tout... Georges Clemenceau disait qu'on succède toujours à des imbéciles et qu'on précède toujours des incompétents ! J'ai défendu, en 1975, à Lille, une thèse de médecine portant sur l'influence de l'environnement sur le psychisme de la personne âgée. Depuis lors, des progrès ont été accomplis, diverses actions ont été mises en oeuvre pour les personnes âgées. La prestation spécifique dépendance (PSD) a été créée en 1997, sur l'initiative du président Chirac. Certes, c'est encore insuffisant, mais tout cela a été fait !

La création de la cinquième branche a été saluée par notre rapporteur comme une avancée ; elle serait totale, à mes yeux, s'il y avait un système de gestion paritaire, plutôt qu'une gestion directe par la CNSA. Vous évoquez un apport financier de plusieurs milliards d'euros issus de la CSG, mais celle-ci n'augmente pas. Dès lors, il y a obligatoirement une perte de recettes pour l'assurance maladie.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Jamais je n'ai dit qu'il ne s'était rien fait avant ! J'ai même rappelé dans mon propos liminaire que nous ne partions pas de rien !

M. Alain Milon. - Vous lisiez un discours écrit pour vous !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - J'ai toujours salué mes prédécesseurs et leurs accomplissements. Je parle d'une vision de la société et du regard porté aujourd'hui sur le grand âge : ce regard doit être changé, il ne faut plus voir les retraités comme des personnes inutiles et coûteuses. C'est pourquoi nous imaginons les Ehpad de demain, ou le maintien de ces personnes à domicile, au coeur des villes, de la société et de la culture. Pour ce faire, nous ne partons pas d'une feuille blanche, bien au contraire : nous nous appuyons sur les innovations territoriales en cours, pour essayer de les universaliser et de réduire les disparités.

J'ai les mêmes interrogations que vous sur le financement. On nous propose souvent de nouveaux prélèvements, mais le Gouvernement ne veut pas opérer de prélèvements supplémentaires. Il faudra mener une réflexion interministérielle, mais aussi, peut-être, repenser toutes les branches de la protection sociale et voir ce qui est encore adapté à la société d'aujourd'hui. Le cinquième risque est réel, il requiert des financements rapides, alors que d'autres systèmes méritent peut-être d'être revus.

Mme Monique Lubin. - Les agents d'Ehpad relevant de la fonction publique hospitalière ont bénéficié au 1er septembre d'une première augmentation de salaire. Cette augmentation a été assurée par les établissements, alors que leur trésorerie est souvent fragile ; seront-ils remboursés ?

Par ailleurs, j'ai compris que la revalorisation des traitements des agents territoriaux des Ehpad ne coûterait rien aux départements : de manière dérogatoire, le financement de ces mesures serait assuré par la nouvelle branche. Cette dérogation sera-t-elle durable ?

Enfin, vous avez affirmé que le financement de cette branche était autonome. Je ne comprends pas ce qui vous permet de l'affirmer ; en dehors des transferts de recettes de CSG, il n'y a pas de nouvelles sources de financements. Votre réponse à M. Milon finit de m'inquiéter : si le Gouvernement ne veut pas de prélèvements supplémentaires, comment financera-t-on cette branche ? Allez-vous procéder à des réductions de droits dans les autres branches ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Concernant les pistes de financement, je ne peux pas aller au-delà de ce que j'ai déjà dit, car la question n'est pas tranchée au-delà de 2021. Ce PLFSS est une première étape.

En réponse à votre première question, les sommes avancées par les Ehpad seront bien remboursées. Cela se fera en deux fois, en octobre et en janvier. Tous les agents des Ehpad seront revalorisés par la branche autonomie, et non pas seulement les agents territoriaux ; cela se fait par dérogation, non de manière pérenne.

En ces temps de crise, on relève beaucoup de demandes de renfort en personnel. Nous avons lancé hier une circulaire auprès de Pôle Emploi pour faciliter les recrutements dans les Ehpad et pour l'aide à domicile. Tous les leviers devront être utilisés, de l'alternance à l'apprentissage, et tous les surcoûts seront pris en charge. Ces établissements doivent le savoir. La réponse à la crise actuelle peut être l'occasion de susciter des vocations.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 35.

Mercredi 28 octobre 2020

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 - Audition de Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d'administration, et de M. Vincent Mazauric, directeur général, de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 avec l'audition de Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d'administration, et de M. Vincent Mazauric, directeur général, de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site Internet du Sénat et consultable à la demande. Je rappelle que le port du masque et la distance d'un siège entre deux commissaires sont obligatoires et je vous remercie de bien vouloir y veiller tout au long de cette audition.

Les comptes de la branche famille sont marqués par la crise sanitaire après un retour à l'équilibre en 2019. La branche famille a joué un rôle de soutien au revenu des familles et aux structures qui relèvent de ses financements.

Pour 2021, la branche est marquée par le transfert du financement de l'AEEH à la branche autonomie et l'allongement du congé de paternité.

Au-delà de ces deux mesures, quelles évolutions envisagez-vous pour la branche dans une période économique et sociale qui s'annonce difficile et où la pauvreté se concentre chez les jeunes et les familles monoparentales ?

Je vais vous laisser la parole pour un bref propos introductif avant de passer la parole à notre rapporteur, Élisabeth Doineau, puis aux commissaires qui souhaitent vous interroger.

Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). - Je souhaiterais souligner la mobilisation de la branche famille de la sécurité sociale durant la crise du Covid, et qui se poursuit.

Durant le confinement, nous avons eu comme priorité absolue de sécuriser le financement vers nos partenaires. Dès le premier jour, le conseil d'administration a pu déployer un filet de sécurité couvrant tout le spectre de nos missions et partenariats : l'accueil de la petite enfance, l'animation de la vie sociale, la parentalité et la jeunesse.

Nous avons mis en oeuvre à la fois des aides exceptionnelles en faveur des établissements d'accueil du jeune enfant complétée par une aide en faveur des micro-crèches et des crèches familiales. Nous avons également pris des mesures d'aide en faveur des Maisons d'assistants maternels (Mam) en contribuant aux charges locatives. Nous avons adapté des mesures de calcul de prestations de service pour les établissements autres que les établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE) qui maintiennent une offre de service minimum, comme les dispositifs « Relais assistantes maternelles » (RAM) ou « Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap » (AESH), les lieux d'accueil enfants-parents, les centres sociaux et les espaces de vie sociale, et enfin, les foyers de jeunes travailleurs. Pour terminer, nous avons mis en place des aides d'urgence en faveur des familles pour faire face à la crise sanitaire et aux situations de précarité.

À ce jour, les aides financières individuelles s'élèvent à plus de 16,4 millions d'euros avec un montant moyen accordé de 358 euros et nous avons 45 700 dossiers en cours.

Ces dispositifs exceptionnels mis en place durant le confinement, ont montré leur efficacité. Entre le 16 mars et le 10 mai, 427 000 places en moyenne ont bénéficié de l'aide exceptionnelle chaque semaine, soit 94 % des places. Nous avons, au moment du déconfinement, fait le choix de continuer d'accompagner les structures en faisant évoluer nos aides. Sur la période du 11 mai au 3 juillet, nous avons créé une aide à la réouverture des places de crèche de 10 euros par jour et par place occupée, destinés à tous les EAJE. Nous avons maintenu nos aides aux équipements touchés par une décision de fermeture administrative et nous avons poursuivi le maintien de prestations de service pour les équipements tels que les accueils de loisirs sans hébergement (ALSH) qui subissaient une baisse d'activité. Sur la période du 2 mars au 31 juillet, ces aides sont estimées à 655,5 millions d'euros pour le seul secteur de la petite enfance.

Aujourd'hui, avec l'accélération de l'épidémie, le conseil d'administration a pris l'initiative de prolonger les aides votées en début de crise, qui sont encore indispensables aux équipements d'accueil du jeune enfant, afin de passer ce cap difficile, pour les places fermées et inoccupées par un enfant identifié comme cas contact. Ces aides exceptionnelles de soutien aux micro-crèches, PAJE et Mam ont été adoptées dans un contexte de crise sanitaire. Elles ne sont pas de nature à être supportées financièrement par le Fonds national d'action sanitaire et sociale (FNASS). Le conseil d'administration, à l'unanimité, a redit qu'il était nécessaire et légitime que le Fonds national des prestations familiales (FNPF) transfère en 2020 au FNASS une somme égale à celle consacrée à ces dispositifs.

Je souhaiterais enfin souligner le rôle essentiel de proximité des Caf et l'équipe de direction continuera à être aux côtés de nos partenaires et allocataires dans la mise en oeuvre des mesures nécessaires à leur protection et à assurer ce filet de protection.

M. Vincent Mazauric, directeur général, de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). - Je suis accompagné de Mme Patricia Chantin, directrice adjointe de cabinet et de M. Frédéric Marinacce, directeur général délégué chargé des politiques familiales et sociales.

Le premier défi de la crise se résume à protéger et servir. Tout d'abord, il fallait protéger les personnels des caisses qui ont été mis en télétravail même si nos capacités de connexion étaient insuffisantes au départ. Nous avons rapidement remédié à cet état, travailler avec 24 000 connexions et retrouver une capacité normale de production aux alentours des 85 % ce qui nous a permis de tenir face à nos allocataires malgré les circonstances. C'est une réussite.

Nous avons décidé de maintenir les droits sociaux considérant que tous les allocataires ne pouvaient remplir les formalités à leur charge afin d'éviter toute rupture de droit, quel que soit le motif.

De la même manière que nos collègues des autres branches, nous avons suspendu l'action de contrôle que nous avons reprise de façon progressive mais résolue depuis le mois de juillet.

Le contact avec nos allocataires a été brutalement stoppé, mais nous avons rapidement développé des moyens pour rester à leur disposition, notamment avec 4 à 5 000 rendez-vous téléphoniques par jour durant cette période. Nous avons pris l'habitude, et nous la garderons, de nous porter au-devant des allocataires, notamment des plus fragiles, en les appelant plutôt d'attendre qu'ils nous appellent.

Pendant cette période, les pouvoirs publics nous ont demandé de procéder à la préparation et au paiement de plusieurs aides exceptionnelles de solidarité, qui avec l'allocation de rentrée scolaire, représente environ 1,5 milliards d'euros. Nous allons, à nouveau le 27 novembre, payer des aides exceptionnelles de solidarité pour environ un milliard d'euros aux foyers les plus précaires.

Je voudrais vous signaler quelques observations sur notre soutien à l'accueil du jeune enfant, notamment aux EAJE et aux assistants maternels. Nous avons apporté notre soutien aux établissements relevant de notre branche et à d'autres que nous ne finançons pas, comme les crèches privées. Il était important pour nous d'apporter un soutien direct à ces établissements car la nécessité de préserver un patrimoine d'accueil a prévalu sur le statut. Nous constatons une atonie du secteur du jeune enfant qui se manifeste par la faiblesse du nombre de création de places d'accueil. Nous avons dans notre contrat d'objectif et de gestion (COG) pour la période 2018-2022, un objectif de voir se créer 30 000 places nettes, compte tenu des suppressions et fermetures momentanées. À ce jour, je ne suis pas sûr d'atteindre la moitié de l'objectif. La création nette de places en 2018 s'élève à 1 700 et en 2019, à 2 560. Nous ne sommes pas sur une trajectoire de 30 000 !

Cela m'amène à une réflexion sur l'état des lieux, les raisons de cette situation et les conséquences à en tirer. Le modèle français est très particulier. Nous avons une pluralité d'acteurs publics et privés, à but lucratif ou non. Il y a un financeur direct, la branche famille, ou indirect, le budget de l'État. Il faut une volonté commune de création de places de crèches. Peut-être que la demande est saturée, quelles seront les conséquences des nouveaux modes de travail, quels seront les nouveaux besoins des parents ? Nous nous interrogeons aussi sur les axes prioritaires des collectivités territoriales qui sont le principal opérateur. Le fléchissement actuel pose une vraie question, pas seulement conjoncturelle.

Les bonus Inclusion handicap et Mixité sociale, demandés à la branche, trouvent leur cible mais ces apports sont insuffisants pour constituer une révolution sectorielle.

Les simplifications et allègements n'ont pas encore pu être mis en oeuvre dans ce secteur.

Enfin, je ne néglige pas la question de l'accueil individuel par les assistants maternels. Le secteur continue de fléchir. On voit une inégalité d'accès de nature financière à ces deux modes d'accueil. Et c'est normal, la charge financière pèse différemment sur les familles. C'est d'ailleurs le fondement du système. Nous avons un tarif social adapté aux revenus des familles pour les crèches mais il est moins normal que le niveau d'effort demandé aux familles ne soit pas linéaire lorsque l'on souhaite recourir à une assistante maternelle. Plus vous êtes modeste, plus le taux d'effort est élevé pour recourir à une asmat. On peut se demander s'il n'y a pas lieu de modifier la donne dans un secteur où nous déplorons l'atonie.

En résumé, pour tirer quelques leçons de la crise et sur le PLFSS pour 2021 s'agissant du traitement des 13,5 millions d'allocataires, nous avons la conviction qu'il faut mieux accompagner les allocataires, améliorer la délivrance des prestations sociales et la prise en compte plus personnelle des situations de chaque foyer. Autrement dit, il faut rapprocher le travail social et les prestations. Nous avons devant nous une année 2021 qui verra enfin d'importants changements dans la manière de délivrer les prestations. En janvier, interviendra une réforme dans le mode de calcul des aides au logement. Nous souhaitons avant la fin de l'année 2021 changer la manière d'administrer la prime d'activité, voire le RSA, de façon à ne plus reposer sur des déclarations mais d'aller chercher les données dans le dispositif de ressources mutualisées récemment créé.

S'agissant des équipements familiaux et sociaux, nous chercherons à préparer, le plus positivement possible, la période conventionnelle suivante.

Sur le contenu du PLFSS pour 2021, l'équilibre financier de la branche famille est changé. 2020 qui devait être une année d'équilibre, sera naturellement une année de déficit. Selon les prévisions, le retour à l'équilibre est prévu en 2021 mais je m'empresse de dire que les facteurs qui rentrent en jeu ont plus trait aux recettes qu'aux dépenses et nous n'attendons, concernant les dépenses, pas de bouleversements majeurs. Le congé de paternité est une disposition du projet de loi initial qui a un effet direct pour la Cnaf. Cela conduit à un doublement de la dépense consacrée aux congés actuels. Ce sont les prémices d'un mouvement plus général de refonte du congé parental.

La création de la 5ème branche a un impact sur la Cnaf avec le transfert de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) d'un montant de 1,2 milliards d'euros, bénéficiant à quelques 300 000 familles. Dans les Caf, on continuera d'administrer l'AEEH, à charge pour la Caisse nationale de passer à la CNSA les nécessaires conventions pour garantir le pilotage de cette prestation dans l'esprit de la création de la nouvelle branche.

Nous avons fait adopter à l'Assemblée nationale, 2 amendements dans le PLFSS. Le premier concerne la date de paiement de la prime à la naissance dès le 7ème mois. Cela demande un travail technique non négligeable mais opportun. Cette nouvelle disposition devrait entrer en vigueur dès le mois de mars 2021, s'il est définitivement adopté. Le second amendement est relatif à l'augmentation des pénalités qu'il est possible d'infliger dans des cas de fraude en bande organisée. À partir du premier trimestre 2021, la branche famille mettra en place des équipes de contrôle spécialisées sur le territoire, pour s'attaquer aux comportements frauduleux. La lutte contre la fraude représente plus de 300 millions d'euros chaque année. Mais il faut être encore plus pugnace, plus précis et plus offensif pour lutter contre ces phénomènes afin de préserver les finances sociales et le tissu social.

Mme Catherine Deroche, présidente. - La lutte contre la fraude doit concilier fermeté et vigilance, grande préoccupation de notre commission.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour la branche famille. - Cet exposé ouvre le champ à de nombreuses questions. J'en retiendrai 4 relatives aux effectifs de la Cnaf et aux modes de garde.

Quel est l'état d'avancement du service d'intermédiation du versement des pensions alimentaires ? Je souhaiterai avoir plus d'explications, la mise en oeuvre ayant été retardée par la crise sanitaire. Avez-vous eu le temps de recruter des effectifs supplémentaires pour cette nouvelle mission ? Est-ce que tout parent qui en fait la demande pourra recourir à ce service dès le 1er janvier comme prévu ?

Depuis la COG de 2018, comment évoluent les effectifs des Caf qui prévoyaient de les réduire, conformément aux objectifs de la COG ? Ces évolutions sont-elles compatibles avec les réformes en cours ? Les nombreuses nouvelles mesures mises en oeuvre par les Caf du fait de la crise sanitaire ont elles un impact sur ses effectifs ?

Concernant la fréquentation des crèches largement affectée par la crise sanitaire, n'est-il pas souhaitable, dans ce contexte, d'assouplir les modalités de financement des places de crèche ? Par exemple, une place normalement financée par la prestation de service unique (PSU) peut-elle l'être temporairement par la PAGE afin d'augmenter le taux d'occupation ? Que pensez-vous de cette orientation ? Est-il possible d'engager une réflexion sur l'opportunité de maintenir ces différents modes de financement alors qu'ils induisent des restes à charge différents pour les familles ?

Enfin, concernant les assistants maternels, j'ai souvent entendu dire qu'ils se trouvaient livrés à eux-mêmes depuis la crise sanitaire sans bénéficier d'un soutien suffisant des pouvoirs publics. Pourriez-vous nous rappeler les mesures prises en faveur des assistants maternels depuis le début de la crise et ce qui est envisagé pour l'avenir ?

M. Vincent Mazauric. - La mise en oeuvre de l'intermédiation des pensions alimentaires a effectivement dû être retardée par le fait de la crise. Nous serons prêts pour offrir une intermédiation en janvier à toute personne qui le souhaite, à savoir l'interposition entre le débiteur et le créancier de la pension alimentaire. C'est un changement social de grande importance, sans aller jusqu'au modèle québécois où cette formalité est obligatoire. Nous n'avons pas eu de difficultés à recruter les 400 emplois. Cela montre que l'on a su proposer des emplois attractifs. Certes la formation a dû être interrompue justifiant le report de la mise en oeuvre. Mais nous sommes prêts !

Sur la réduction des effectifs, il est exact que la COG de la branche famille prévoit un effort en matière d'emploi, soit une suppression totale sur la période 2018-2022 de 2 100 emplois répartis entre l'emploi à durée indéterminée et déterminée. Je suis favorable à un effort sur les emplois à durée déterminée (CDD) car je ne pense pas que l'on puisse faire fonctionner sérieusement le service public avec des CDD. Nous respectons la trajectoire qui nous est assignée. L'effort a été dosé de manière progressive de telle sorte que la justification de la capacité à faire cet effort doit reposer sur quelque chose de tangible liée à la réforme de la manière de délivrer les prestations. L'implantation d'une nouvelle technologie va nous permettre d'alléger le traitement des prestations qui est aujourd'hui d'une lourdeur considérable à la fois pour les allocataires et pour les Caf, sans compter les risques élevés d'erreurs qui se chiffrent en milliards d'euros. C'est une logique gagnante : faire plus simple et plus sûr pour se permettre d'employer moins et alléger le poids sur les allocataires. Je dois donc apporter les moyens de faire cet effort car, comme vous l'observiez, toutes les autres sollicitations sont plutôt vers une augmentation des effectifs : des prestations d'urgence, une meilleure attention, plus de perméabilité entre les métiers, une meilleure adaptation, un meilleur quadrillage territorial ...

Sur l'accueil du jeune enfant, beaucoup de questions sont sur la table sur le modèle de financement des crèches. La réflexion est ouverte. Faut-il permettre une mixité de mode de financement au sein d'une crèche ? Je suis assez réticent à cette solution car cela ne garantit pas la survie du secteur PSU et elle n'est pas nécessaire au développement du secteur PAJE. Toutefois, nous avons bien remarqué de nombreuses difficultés autour de l'idée vertueuse d'organiser le financement des crèches, le meilleur financement avec le meilleur remplissage possible que les circonstances risquent de modifier.

Je partage le sentiment que les assistants maternels se sentent isolés. Pendant la crise, ces professionnels ont été cadrés et soutenus par le ministère avec de nombreux guides. Il n'a pas toujours été facile pour les départements d'exercer leurs compétences en la matière. Je rappelle que les asmat dépendent de la protection maternelle et infantile (PMI), ce qui a pu donner l'impression d'un angle mort. Le travail partiel et le chômage partiel était ouvert aux asmat. J'en profite pour dire que le dispositif technique pour l'usager a été mis au point très vite. Sur le moyen et long terme, je crois qu'il faut travailler sur le tarif du choix du mode d'accueil (CMG) qui est, pour les familles les plus modestes, un frein objectif, en raison du taux d'effort qu'il exige alors que l'accueil par les asmat a une valeur indiscutable. Il n'y a pas de hiérarchie entre les modes d'accueil.

Mme Isabelle Sancerni. - Je voudrai vous dire, en complément, que nous organisons, au niveau du conseil d'administration, un séminaire de réflexion sur la petite enfance, en novembre, afin de faire un état des lieux sur la fréquentation des crèches et de prévoir des mesures à très court, moyen terme et dans le cadre de la future COG. Des pistes ont déjà été évoquées en début d'audition.

Mme Jocelyne Guidez. - L'APF France handicap s'est récemment inquiétée d'un éventuel transfert de l'AEEH dans sa globalité de la branche famille vers celle de l'autonomie. Cela va à l'encontre de l'essence même de cette allocation qui est une aide financière familiale destinée à couvrir les coûts d'éducation d'un enfant handicapé de moins de 20 ans. L'APF propose que la partie allocation familiale de l'AEEH soit conservée au sein de la Cnaf tout en transférant certains éléments de ses compléments. Pensez-vous que c'est une solution viable pour créer une véritable prestation de compensation au handicap (PCH) de l'enfant ?

Mme Frédérique Puissat. - Je vous remercie pour votre action et votre capacité à coller aux réalités des territoires avec les Caf.

Les enjeux de la crise nous amènent à nous poser certaines questions. Nous avons été interpellés par des assistants maternels sur la Pajemploi qui a connu un certain nombre de difficultés. Cet outil important pour les professionnels fonctionne-t-il, a-t-il su faire face à la crise ?

Quant à la présence sur le terrain, quelle conclusion tirez-vous de la présence de la Caf dans les Maisons France Services ? Est-ce que l'outil est pertinent ou faut-il se tourner vers de nouveaux outils ?

Mme Michelle Meunier. - J'atteste, comme ma collègue, de la grande réactivité de nos Caf sur les territoires. Vous avez été présent dès le début de la crise dans mon département.

Je m'interroge sur la prestation de congé parental qui est servie en début de mois, comme beaucoup de prestations sociales. Or parfois, la fin de congés parentaux se situe avant la fin du mois et cela peut constituer un frein pour certains ménages modestes à la prise de ce congé. Avez-vous une réponse technique à cette question ?

Dans votre réflexion sur les formes d'accueil de la petite enfance, on assiste à des détournements de réglementation sur la qualité de l'accueil, sur l'encadrement, sur les qualifications des professionnels. Je redoute que l'on aille vers des solutions « parking » ou « garderie » et que l'on s'éloigne de la qualité d'accueil de la petite enfance. Je pense qu'il est important de reprendre cette question de la qualité de l'accueil lors de votre prochain séminaire.

M. Olivier Henno. - Ma question concerne l'atonie du secteur de la petite enfance. Sur les territoires, on a le sentiment que cette question n'est plus au centre des préoccupations comme cela l'était dans les années 90 et 2000. Je pense que nous manquons d'études qualitatives sur le sujet. Est-ce un changement structurel, en fonction de nos modes de vie ou est-ce une question plus conjoncturelle liée au coût assez élevé des modes de garde ? Quel est votre sentiment sur cette question, avez-vous ou allez-vous faire des études sur les mentalités des personnes et les raisons de leur choix ?

M. Vincent Mazauric. - Je voudrai exprimer ma gratitude à tous ceux qui ont salué l'action des Caf.

Je vais être réservé sur la question de l'AEEH et de l'impact de son transfert à la 5ème branche. Du point de vue de l'usager et de l'administration de cette prestation, les choses ne changeront pas. Toutefois, je pense que la réflexion sur l'actuelle AEEH et l'actuelle prestation de compensation du handicap sera mieux traitée dans une 5ème branche mais la branche famille ne doit surtout pas être vue comme se détournant de la question du handicap. Cela a toujours constitué une de nos priorités.

Concernant Pajemploi, les difficultés sont nées à partir d'une réforme lancée en mai 2019 permettant notamment un tiers-payant à l'assistant maternel. Ce fut une grande préoccupation pour nos services due à des raisons techniques et à des insuffisances dans la conception de la communication de l'information de la branche famille et celle de l'Urssaf. Nous avons tout fait pour réparer les erreurs qui ont atteint jusqu'à 2 % des bénéficiaires du CMG. Il reste encore quelques centaines de dossiers en anomalie mais qui sont traités aussitôt. Nous maintenons une surveillance attentive et nos capacités à intervenir.

Les Maisons France Services sont par définition un relai où les services sont représentés par des personnes formées, pour traiter des situations parfois complexes. Je me suis inquiété de ce fonctionnement pour la charge que cela pouvait représenter pour les Caf et leur efficacité. Mon constat est empirique. Et le retour est positif. Nous ne devons pas négliger la valeur de ce dispositif proche des citoyens. Aujourd'hui, nous accompagnons bien sûr ces Maisons France Services.

S'agissant de la date de paiement du congé parental, nous avons une date de paiement de la prestation qui est le 5 du mois et qui ne devrait pas bouger. C'est dommage que la date de prestation prenne une telle place dans la décision. Cela symbolise le défaut du congé parental actuel qui n'est pas un succès.

Sur la qualité de l'accueil des jeunes enfants, la qualité n'est pas l'ennemi de la soutenabilité, ni de la croissance. Ce ne sont pas forcément les établissements les plus sophistiqués qui sont les plus chers. Le prix annuel de revient d'une place de crèche est de 15 000 euros. Et pour 15 000 euros, on peut faire ou pas de la qualité. Dans les modernisations que j'espère, il ne s'agit ni de brader la qualité, ni la qualification mais, par exemple, de mettre tout le monde d'accord sur un référentiel bâtimentaire sur les surfaces à prévoir pour le confort et le bien-être des enfants. Il y a trop de disparités. Nous avons besoin de mieux comprendre pourquoi on est aujourd'hui moins porté à choisir de construire une crèche. C'est aussi une question pour l'élu. Nous savons apporter certaines réponses sur les demandes des familles. Nous venons de lancer une étude qualitative sur l'apport d'une présence en accueil au jeune enfant, en termes de développement. Pourquoi ce type d'accueil est devenu moins prioritaire ?

Mme Isabelle Sancerni. - Concernant le transfert de l'AEEH, il est important que les Caf restent mobilisées pour accompagner les familles confrontées au handicap. Pour la branche famille, ces familles confrontées au handicap doivent bénéficier du même socle de prestations. Nous avons dans la COG 2018-2022 une attention très particulière pour les enfants en situation de handicap, nous avons mis en place un « bonus inclusion handicap », nous avons sollicité une participation moindre des familles dans certains cas en tenant compte de la fratrie, nous souhaitons mettre en oeuvre une aide au répit en lien avec les aides à domicile. Il est important de conserver une action homogène. Je me suis beaucoup investi sur ce dossier qui me tient particulièrement à coeur.

Sur le congé parental, nous constatons une sous-utilisation pour plusieurs raisons. Il n'est pas forcément bien rémunéré. Faut-il le raccourcir et mieux le rémunérer ? Quoi que l'on fasse, il faut mailler l'articulation entre le congé parental et les modes de garde du jeune enfant. Les familles font souvent le choix de la place en « Accueil et éveil du jeune enfant » (AEJE) au détriment du congé parental car ils ne sont pas certains qu'on leur propose encore une place à l'issue du congé parental.

Sur la PSU, ne sont pas pris en compte les chiffres de création dans des micro-crèches PAJE. Nous suivons particulièrement les créations de places nettes, nous avons mis en place des dispositifs pour freiner les suppressions de place qui ne datent pas de la crise sanitaire. Cet objectif en PSU permet de rendre accessible ces offres à toutes les familles. Toutes les places ne se valent pas et ne pourront être accessibles à tous. Cela mérite réflexion, de même que la qualité de l'accueil.

M. Philippe Mouiller. - Aujourd'hui, dans le PLFSS, nous voyons que vous êtes directement concernée par le transfert de l'AEEH pour des raisons de pilotage, sachant que le calendrier du projet de loi « Grand âge et Autonomie » n'est pas encore fixé, ni son périmètre.

Si vous souhaitez garder une vision globale sur les familles par rapport aux prestations complémentaires, quelle coordination envisagez-vous entre le pilotage de la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et votre stratégie que l'on retrouve dans la COG ?

Le transfert de l'AEEH inquiète un certain nombre d'associations qui pose la question de la corrélation entre l'AEEH et le complément de l'AEEH et de l'APCH, sans définition du cadre général.

Quelle est votre vision sur l'éventualité d'un transfert de l'allocation adulte handicapé ?

Enfin, concernant la fraude, on retrouve en permanence le débat sur les chiffres. Vous avez parlé de 300 millions de fraudes constatées et 2,3 milliards de fraudes indirectes, confirmez-vous ces chiffres ?

Mme Catherine Procaccia. - Je voudrais vous faire part de la réalité dans des communes proches de Paris où s'il y a des crèches, il manque d'assistants maternels car les appartements sont petits et les asmat ne peuvent obtenir l'agrément. En conséquence, on se retrouve avec beaucoup d'assistants maternels non agréés et non déclarés. C'est un vrai souci car il y a une vraie demande.

Ne pourrait-il y avoir des adaptations pour les agréments dans les normes de m2 pour les communes à forte densité ?

Dans les crèches privées ou d'entreprises, il y a parfois des places réservées libres car les entreprises des parents ne financent pas ces crèches. Avez-vous réfléchi où dans des lieux tendus nous pourrions essayer de trouver une solution ?

M. Alain Milon. - Je vous remercie d'avoir pris en considération la fraude sociale.

Sur l'atonie du secteur de l'accueil du jeune enfant, vous avez développé certaines causes possibles. Est-ce que la diminution des naissances en est une ?

L'Association des départements de France (ADF) souhaite que les Caf soient complètement intégrées dans les services des départements. J'y suis farouchement opposé. Quelle est votre position sur le sujet ?

M. Alain Duffourg. - Quelles sont les modalités d'application de la 5ème branche ? Quels seront les modes de financement et quels seront les bénéficiaires ?

Mme Victoire Jasmin (en visioconférence). - Je souhaite revenir sur la fraude car les montants me semblent exorbitants. Je pense qu'un certain nombre de services pourraient être amélioré, notamment sur l'accueil des enfants et la prise en charge par les collectivités. Avez-vous une idée des délais pour prendre ces mesures pour diminuer les fraudes et réaffecter ces sommes à un bon usage et notamment à l'amélioration de l'accueil des enfants ?

M. Vincent Mazauric. - En réponse à Mme Procaccia, la réponse tourne autour des Maisons d'assistants maternels (Mam).

Concernant la 5ème branche, elle est organisée sur le périmètre actuel de la CNSA à l'exception de l'allocation d'éducation enfant handicapé. L'affirmation politique de la 5ème branche est née avec le redressement de la dette sociale, mettant de l'espoir dans une gestion de crise. Cela explique que l'édifice actuel qui vous est soumis n'est pas complet. Cela permet d'y réfléchir. La question liée à l'âge pose la question de savoir si c'est une allocation liée à l'état de la personne ou si l'on doit prendre en compte ses caractéristiques sociales en termes de revenu et de foyer, et selon la réponse, le raisonnement et la gestion pourront emprunter des chemins différents. La branche famille pense utile d'en conserver la gestion.

Concernant la fraude, je vous confirme les chiffres cités. Nous sommes la seule branche qui ait tenté d'estimer le montant de la fraude, par des enquêtes approfondies. On s'expose ainsi inévitablement à des comparaisons : 300 millions d'euros représentent bien peu par rapport aux 2,3 milliards d'euros estimés ! Mais cela sert de sincérité à votre égard et de levier pour nous. Je tiens beaucoup à la mise en place de ces équipes de contrôle.

Je pense, M. Milon, que la démographie a bien un lien en tout cas dans le raisonnement du décideur. Nous ne sommes pas dans une crise des naissances ! On mesure chaque année un taux d'offre, l'accueil formel progresse sous toutes ses formes, des places sont créées également en raison du dénominateur démographique.

Les Caf sont bien à leur place dans la Sécurité sociale. C'est leur raison d'être de demeurer sur le territoire départemental et ne rendrait pas un service différent si elles étaient absorbées par les départements.

En réponse à Mme Jasmin, notre politique de lutte contre les fraudes concerne aussi les fraudes aides collectives et aux équipements familiaux et sociaux. Nous faisons là aussi des contrôles. Nous surveillons les entreprises qui optimisent leurs frais généraux en gonflant la facture qu'elles présentent aux Caf. Nous sommes disponibles, et en particulier dans les Outre-mer, pour aider les collectivités. C'est là que notre taux d'intervention et d'investissement dans les crèches est le plus élevé, tant il est important d'avoir une action volontariste dans ces territoires.

M. Frédéric Marinacce, directeur général délégué chargé des politiques familiales et sociales. - Nous avons parfaitement conscience de la difficulté d'entrer dans le métier d'assistants maternels sur certains territoires en raison de difficultés intrinsèques au métier et de la capacité d'accueil et la superficie des lieux, notamment dans la région parisienne.

Le passage par les Mam pourrait être une solution incluant des notions de qualité de l'accueil et une offre en quantité. Elles connaissent depuis leur création en 2010, un développement rapide. Ce modèle est attractif pour les asmat, permettant de rompre avec l'isolement et offrant la possibilité de faire ce métier à des personnes dont les conditions de logement ne sont pas compatibles avec l'accueil de jeunes enfants. Il donne aussi des garanties pour les familles. Ce modèle nous semble vertueux et la COG entre la Cnaf et l'État encourage l'accompagnement par les Caf des Mam. La crise a fragilisé les Mam. Les Caf ont été présentes. On connaît le modèle. On paie aussi des aides au démarrage, des primes d'installation, des prêts à l'amélioration des locaux. On verra dans l'avenir comment réorienter un certain nombre de financements liés à notre 9ème « plan crèche » et à notre plan d'investissement envers les Ram pour encourager ce modèle.

Mme Isabelle Sancerni. - Sur l'éventuel transfert des Caf aux départements, je n'y suis pas favorable pour plusieurs raisons. Nos prestations et nos actions sont identiques sur l'ensemble du territoire et c'est une de nos caractéristiques au sein de la sécurité sociale. En période de crise, lorsqu'il faut payer rapidement des aides d'urgence à des catégories identifiées, nous disposons d'un outil pour le faire. Seul un outil national disposant du même système d'information est capable d'assurer cette action. Nous l'avons fait pendant le confinement et nous serons amenés à le refaire bientôt. Il serait dommageable pour notre pays de ne plus disposer de cet outil.

Concernant l'article 18 du PLFSS sur le transfert éventuel des Points d'accueil écoute jeune (PAEJ), nous nous prononcerons la semaine prochaine sur ce dossier. Aujourd'hui, nous manquons d'une vision précise de ce qui pourrait être transféré. Il va falloir faire un état des lieux de l'existant. La cohésion sociale finance aujourd'hui environ 2/3 des PAEJ. Le transfert financier prévu ne concerne pas l'ensemble du secteur des PAEJ mais que ce qui est financé par l'État. Sur la période 2021-22, à moyens constants, nous ne pourrons maintenir que les financements existants et donc non homogènes. Cela veut dire que nous ne serons pas en capacité d'agir au-delà, s'il y a des zones blanches. Au-delà de 2022, lors de la prochaine COG, il faudra augmenter le concours de l'État si nous voulons avoir une prestation de service homogène sur tout le territoire.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie de nous avoir alertés sur ce point. Nous serons vigilants !

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 - Audition de M. Laurent Vachey, inspecteur général des finances, chargé de la mission de concertation et de propositions relative à la création de la branche autonomie

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 avec l'audition de Laurent Vachey, inspecteur général des Finances, chargé de la mission de concertation et de propositions relative à la création de la branche « autonomie ». Vous avez, M. Vachey, été chargé, à la suite de la création de la branche par la loi du 7 août 2020 d'une mission de concertation et de proposition en vue de la définition, des contenus et du contour de cette nouvelle branche. Votre rapport a été publié le 14 septembre dernier. Il formule une série de propositions et propose notamment une série de pistes pour assurer le financement de la branche. Le PLFSS laisse l'ensemble des questions ouvertes, y compris celle du financement, qui ne peut s'envisager que comme un dosage difficile entre trois leviers : réduire d'autres dépenses, recourir à l'endettement, augmenter les prélèvements obligatoires. Afin d'éclairer notre commission sur ces enjeux, j'ai souhaité que vous nous présentiez les conclusions de votre rapport. Je vous laisse la parole pour un propos introductif à la suite de quoi nous entendrons notre rapporteur Philippe Mouiller, puis les commissaires qui souhaiteront vous interroger. Cette audition, comme la précédente, fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site Internet du Sénat et consultable à la demande. Je rappelle que le port du masque et la distance d'un siège entre deux commissaires sont obligatoires et je vous remercie de bien vouloir y veiller tout au long de cette audition.

M. Laurent Vachey, inspecteur général des finances, chargé de la mission de concertation et de propositions relative à la création de la branche autonomie. - Je vous remercie, Madame la Présidente. Le rapport qui m'a été demandé à la toute fin du mois de juin 2020 et qui a été remis le 14 septembre 2020 pose trois questions de nature assez différente. Les deux premières questions sont donc relatives au périmètre et à la gouvernance de la branche. Ces deux premières sont liées. La troisième question est de nature plus indépendante. Elle concerne les pistes de financement potentiel. Je ne rappelle pas les délais contraints de la période. J'ai pu m'appuyer sur de nombreux travaux préexistants, notamment le rapport de Dominique Libault sur le grand-âge, les conclusions de la conférence nationale sur le handicap (puisque la branche « autonomie » adresse à la fois les problèmes des personnes âgées et les problèmes des personnes en situation de handicap et de leurs aidants), les nombreux travaux des inspections générales et de la Cour des Comptes et j'ai donc alimenté cette concertation en conduisant des discussions avec le Conseil de la CNSA, puisqu'il est le premier concerné par les sujets, et en adressant des questionnaires qui ont été largement diffusés, en particulier au CNCPH et au Conseil de l'âge auxquelles s'ajoutent des rencontres avec l'Assemblée des Départements de France et les partenaires sociaux.

Le premier sujet concerne le périmètre et les différentes prestations qu'il faut verser au sein de cette branche. Sur ce sujet du périmètre comme sur celui de la gouvernance que j'évoquerai après, je me suis interrogé sur le sens qu'il nous faut donner à la création de cette nouvelle branche « autonomie ». Nous savons qu'elle va intégrer le champ de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Cela ajoute une couche supplémentaire au débat démocratique autour de la politique de solidarité nationale. Mais, au-delà de la nécessaire transparence dans le débat parlementaire qui n'apporte rien directement aux intéressés, il ne faut pas omettre de traiter toutes les questions qui sont relatives au périmètre ainsi qu'à la gouvernance et pour lesquelles j'ai identifié, au terme des diverses concertations que j'ai menées, trois enjeux principaux. Le premier de ces enjeux concerne l'équité et l'égalité dans l'accès aux droits et aux prestations. Ceci est le premier thème sur lequel toutes les associations représentatives que j'ai été amené à rencontrer ont focalisé leur attention. Nous savons que la situation de départ, quand on regarde les données brutes relatives au taux d'allocataires de l'allocation personnalisée d'autonomie par département ou le montant moyen des plans d'aide, présente de très fortes différences territoriales que l'on peine à expliquer. Le premier enjeu est celui de l'équité. Le deuxième enjeu est celui de la simplification. Nous avons un certain nombre de prestations et de réponse aux besoins des personnes qui sont aujourd'hui extrêmement compliqués à mettre en oeuvre. Évoquons ainsi le sujet de l'articulation entre l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, d'une part, et la prestation de compensation du handicap pour les enfants, d'autre part. Depuis 2008, un « droit d'option » existe comme vous le savez. Il est extrêmement compliqué à mettre en oeuvre chez les familles. Le troisième enjeu concerne l'efficience de la dépense publique puisque, comme je le rappelle, le budget de la CNSA seule - id est avant la création de la nouvelle branche « autonomie » et son éventuelle extension - s'élève à 27 milliards d'euros auquel s'ajoute la part que prennent les départements dans le financement de la politique d'autonomie.

S'agissant donc du périmètre, à partir de ces trois critères d'examen, nous avons essayé de faire la part de ce qui peut relever stricto sensu de la compensation de la perte d'autonomie et aurait du sens à inclure dans le périmètre de la branche et des moyens qui relèvent et qui continuent à relever d'une politique de droit commun, moyens renvoyant aux obligations permettant de s'appuyer sur les besoins spécifiques des personnes âgées ou des personnes en situation de handicap. Prenons l'exemple de la politique d'éducation nationale : il a été décidé de rejeter la possibilité d'inclure dans la branche le financement des assistants d'éducation parce que j'ai considéré que ceci constituait le moyen que doit se donner le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour assurer l'obligation scolaire, y compris pour les enfants étant en situation de handicap. Nous avons essayé tout au long de l'examen du périmètre de faire la part de ce qui doit, d'une part, rentrer dans le périmètre de la branche et de ce qui doit rester du champ général des politiques publiques. Vous avez vu que les propositions que j'ai formulées aboutiraient à élargir les 27 milliards d'euros qui constituent le budget de la CNSA, l'objectif étant d'atteindre une enveloppe de 42 milliards d'euros inclus dans le périmètre de la branche « autonomie », en ne tenant pas compte des autres mesures. Parmi ces autres mesures, je retiens celles qui ont trait à la revalorisation salariale, mesures prises dans le cadre du « Ségur de la Santé ». Je ne rentre pas dans le détail de ce que nous avons inclus dans le périmètre de la branche. Je me limiterai à dire que nous avons identifié trois sujets qui ne semblent pas poser de problèmes pour être inclus dans cette nouvelle branche « autonomie ».

Le premier de ces trois principaux sujets d'importance est celui de l'inclusion de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. Ceci est une des propositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2021 qui vous a été soumis. Le deuxième sujet est celui des unités de soins de longue durée qui, aujourd'hui, ne sont plus guère distinctes des EHPAD. Le troisième sujet est celui de l'aide au poste pour les personnes travaillant dans les ESAT. Aujourd'hui nous avons un double circuit de financement se constituant, d'une part, de toutes les subventions de fonctionnement qui relèvent du périmètre médico-social et, de l'autre, de l'aide aux postes qui relève du programme 157 de financement de la sécurité sociale. Certains sujets sont un peu plus complexes, notamment celui de l'allocation adulte handicapé qui s'élevait à 10,6 milliards d'euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. J'ai proposé de l'inclure dans la nouvelle branche « autonomie » car nous constatons de très importants écarts dans la façon dont elle est distribuée à l'échelon territorial. Cette dépense est très dynamique et, malgré certaines tentatives, le récent rapport de la Cour des Comptes montre bien que la dynamique de croissance de cette allocation - représentant 400 à 500 millions d'euros de plus chaque année - n'est nullement maîtrisée dans la façon dont elle est déployée parmi les MDPH. À terme le sujet de l'allocation adulte handicapé est donc posé. La question des moyens destinés à permettre la gestion de cette allocation est également posée. J'ajoute un autre sujet relativement complexe à adresser : il concerne l'articulation entre, d'une part, les pensions d'invalidité et, de l'autre, de ce qui relève de la compensation du handicap. Vous avez probablement lu dans le rapport, qu'après en avoir très longuement échangé, notamment avec la Caisse nationale d'assurance-maladie, nous avons fait le choix de ne pas inclure les pensions d'invalidité au sein de la branche. En revanche, nous avons proposé d'inclure la troisième composante de nos pensions d'invalidité relevant d'une aide humaine pour les gestes quotidiens de la vie et qui sont identiques à ce que nous faisons par l'intermédiaire de la PCH. Le rapport qui m'a été commandé à la toute fin du mois de juin 2020 posait donc la question du périmètre. Il pose ensuite la question de la gouvernance de la branche.

Sur cette deuxième question, je ne propose pas d'évolutions majeures. Dès lors, il me semble inapproprié de revenir à une gouvernance qui serait assurée par les partenaires sociaux comme c'est le cas pour les autres branches « historiques » de la sécurité sociale. J'appuie donc ce constat sur le fait que les participants à ces modalités originales de gouvernance y sont attachés depuis quinze ans. Cela n'a pas posé de problème en termes de gouvernance de la CNSA au cours de ces quinze d'années d'existence. Je propose donc le maintien du statu quo, c'est-à-dire un Conseil d'administration de la CNSA qui resterait en l'état et l'attribution de moyens nettement renforcés pour la branche. Ceci n'est pas une question qui relève à proprement parler du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Ceci n'est pas un sujet de la future loi sur l'autonomie. Ceci relève de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion qui doit être discutée entre l'État et la CNSA l'année prochaine. Il conviendra de définir les moyens permettant à la nouvelle branche « autonomie » de fonctionner correctement et lui permettant d'assurer la gestion des risques. Plus compliqué est le problème de la gouvernance à l'échelon local, notamment la question princeps : puisque nous créons une nouvelle branche de la sécurité sociale, faut-il constituer des caisses locales dédiées à l'autonomie ? Ceci était la position de certains interlocuteurs. Il ne me semblait pas opportun de retenir cette hypothèse car elle est susceptible de générer un bouleversement systémique important. En pratique, cela revient à dépouiller les départements de leurs compétences premières en matière d'aide aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap, sans que nous comprenions bien le bien final que l'on peut attendre d'un tel bouleversement. Il existe également un risque politique puisque ces actions sont très ancrées dans les territoires et les collectivités territoriales y sont elles-mêmes très attachées. Il ne me semblait donc pas utile de créer des caisses locales d'autonomie : je m'en suis tenu aux préconisations de Dominique Libault consistant à s'appuyer sur les ARS et sur les départements. Je conçois que cela soit difficile à mettre en oeuvre car on ne s'adresse pas à des collectivités décentralisées de la même façon que l'on dialogue avec des administrations de l'État. Néanmoins, la préconisation de Dominique Libault me semble être la plus pertinente aujourd'hui.

Le rapport propose cependant un certain nombre d'inflexions concernant les modalités de la mise en place de la gouvernance locale, notamment la création d'un instrument plus adapté dédié à une mise en commun des objectifs entre les départements et les agences régionales de santé (ARS) en matière d'évolution de l'offre. Ceci n'existe pas en ce moment. Des schémas ont certes été définis. Ils demeurent au niveau des objectifs généraux. Il n'y a pas d'exercice commun de programmation sur la réponse aux besoins. L'élaboration de cet instrument reste d'autant plus nécessaire que les solutions mises en oeuvre, selon le domicile ou les institutions, évoluent. Nous suivrions donc les schémas départementaux des services aux familles que la branche « famille » a mis en oeuvre dans le cadre de son dialogue avec les collectivités locales pour la politique de la petite enfance. Mettre en place un outil de programmation est la meilleure solution. Généraliser les maisons départementales de l'autonomie et renforcer leur maillage sur tout le territoire. À date le réseau de ces maisons reste confidentiel et hétérogène. Il permettrait d'inclure dans la gouvernance les associations relevant du secteur du handicap, comme c'est le cas aujourd'hui dans les MDPH, ou des associations représentatives des personnes âgées. Nous mettrions en place une déclinaison à l'échelon territorial d'organismes qui seraient le miroir de la CNSA ainsi que de sa gouvernance particulière. Sur la gouvernance, les deux enjeux sont donc ceux de la contractualisation et de la mise en place des maisons départementales de l'autonomie.

Les deux premières questions sont relatives au périmètre et à la gouvernance. La troisième question est de nature plus indépendante. Elle concerne les pistes de financement potentiel de la nouvelle branche « autonomie ». Je ne vous renvoie pas au rapport de Dominique Libault, président du haut conseil du financement de la protection sociale, suggérant de profiter de la fin du financement de la dette sociale pour réaffecter des recettes aux besoins de l'autonomie. La proposition qu'il émet est inenvisageable à l'aune du prolongement de mission de la CADES jusqu'à 2033. Cette prolongation repousse nettement l'horizon de la possibilité qu'il identifiait. Il m'a donc été demandé d'identifier dans mon rapport les autres sources de financement envisageable. Nous avons donc étudié toutes les pistes de financement évoquées durant les dix dernières années, leur consistance et les difficultés intrinsèques de leur mise en oeuvre. Il n'est jamais aisé d'identifier des sources de financement complémentaires. Nous avons donc imaginé d'identifier les possibilités de transfert (il en existe quelques-unes, mais elles restent rares), les possibilités d'économie, les possibilités de réduction des niches fiscales et des niches sociales (pouvant permettre d'identifier des financements additionnels), les possibilités de prélèvements obligatoires complémentaires (même si, comme le répète mon ministre de tutelle, la période actuelle n'est pas à l'augmentation de ces prélèvements obligatoires) et les possibilités de mobiliser le patrimoine financier et immobilier des personnes ou la couverture privée du risque, c'est-à-dire le secteur assurantiel. Je n'entre pas dans le détail de toutes ces pistes. Elles vont susciter de votre part des questions. Il ne m'a toutefois pas été demandé de privilégier certaines de ces pistes, mais d'expertiser toutes les pistes possibles. Il ne me revenait pas de privilégier certaines d'entre elles car cette tâche incombe aux pouvoirs publics, au Gouvernement et au Parlement et leur choix s'opère en fonction des besoins que l'on va financer et en fonction des sources potentielles de financement que l'on entend privilégier. Pour autant, toutes les ressources qui seraient retenues au terme du travail d'identification et d'arbitrage ne vont pas être exclusivement affectées à la branche « autonomie ». On peut imaginer qu'une des pistes de financement se traduise ainsi par un transfert de TVA à la sécurité sociale et par l'affectation d'une part supplémentaire de la contribution sociale généralisée (CSG) à la branche « autonomie ». Il ne s'agit que de pistes de financement pouvant répondre aux besoins de ladite branche.

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour la branche autonomie. - Je vous remercie, M. Vachey, de votre intervention. Je souhaite également vous féliciter pour le travail que vous avez établi, à l'aune des délais qui vous ont été imposés, des démarches qu'il a supposées et du contexte dans lequel vous l'avez réalisé. La lecture de votre rapport est fort intéressante, mais je souhaite revenir sur certains éléments méthodologiques. Le Parlement a approuvé le principe de la création d'une cinquième branche sans en connaître le contenu. Nous avons attendu la rédaction de votre rapport puisqu'il était présenté dans la loi comme un élément fondamental permettant de statuer sur cette cinquième branche : il identifie les pistes, notamment de financement de cette nouvelle branche. Nous en venons maintenant au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Avant même d'avoir statué sur le contenu de la branche « autonomie », il est procédé à des transferts de prestation vers la CNSA alors même que nous ne disposons pas de tous les futurs engagements de la loi sur l'autonomie. Je veux vous entendre, puisque vous êtres un spécialiste de la méthode, sur ce qui nous est proposé par le Gouvernement. Concernant la branche « autonomie », j'ai lu dans votre rapport que sa création serait « une opportunité de progresser dans ce qui est un symbole de la sécurité sociale, l'équité dans l'accès aux services et aux prestations ». Parallèlement, nous savons que la majorité de nos concitoyens entendent vieillir à domicile alors que la France présente paradoxalement le taux d'institutionnalisation le plus élevé en Europe, avec 21 %. L'aide à domicile est souvent oubliée dans les mesures d'accompagnement.

Concernant le périmètre financier, nous avons pris acte de la volonté de l'État de transférer la gestion de l'AAH à la CNSA. S'il est un grand sujet, c'est bien celui de l'avenir de l'allocation adulte handicapé avec tous les enjeux financiers que cela présente. Rien n'est tranché, mais un tel transfert renforcerait l'autonomie et la mission de l'AAH. Concernant la gouvernance, nous avons examiné de très près les nouvelles missions de la CNSA qui sont très proches de vos préconisations. Il s'avère que nous sommes inquiets de la déclinaison dans les départements : en effet, il existe aujourd'hui un co-pilotage de l'aide aux missions sur le handicap et les personnes âgées. Tout un système existe au niveau des départements. La signature de ces contrats ou de ces schémas évolués n'est-elle pas un recul du poids des départements, notamment dans la programmation des actions menées dans leur territoire ? Concernant le financement, je veux vous entendre sur cette possibilité de recourir à des financements privés, notamment le secteur assurantiel. Mes deux dernières questions portent respectivement sur la prise en charge et sur l'amélioration de cette prise en charge, d'une part, et sur les pistes d'économie potentielle, de l'autre. Quel est l'intérêt d'intégrer dans une même gestion ou dans un même pilotage la branche adressant les personnes âgées et les personnes handicapées ? Vous avez clairement évoqué les éléments qui devraient intégrer le champ de la branche et les éléments qui devraient demeurer dans le droit commun, notamment le transport. Je voudrais vous sensibiliser au fait que nous rencontrons des difficultés à gérer à l'échelon national cette problématique des transports qui, pour moi, est un élément constitutif de l'autonomie. Laisser les transports dans le droit commun confirmerait la complexité existante, ce qui contribuerait à favoriser la perte d'autonomie.

M. Jean-Noël Cardoux. - Je vous ai écouté avec attention, Monsieur Vachey. Je fais partie des sénateurs qui se sont interrogés avant l'été sur la pertinence de créer la nouvelle branche « autonomie » et qui considéraient qu'il aurait été préférable de prolonger notre réflexion. Ce que vous nous dites me conforte dans mon opinion : je crains, pour avoir longtemps siégé au Conseil d'administration de la CNSA, les lourdeurs qui caractérisent le fonctionnement administratif de cette institution. Je souhaiterais rebondir sur ce que vous nous avez dit à propos de la possibilité de faire agir de façon conjointe les ARS et les départements. Il y a quelque temps, à l'occasion de la crise sanitaire et de la manière dont les ARS ont abordé cette crise sanitaire grave, certains d'entre nous ont suggéré que la gouvernance de ces agences soit confiée aux départements. Je pense que la constitution de la nouvelle branche « autonomie » serait une étape importante du processus de déconcentration. Il serait opportun d'engager une réflexion de fond, en particulier avec l'Assemblée des départements de France. Concernant le recours aux financements privés, cette piste n'est pas nouvelle. Marie-Anne Montchamp y songeait elle-même il y a quelques années lorsqu'elle était en responsabilité. Vous avez cité la possibilité de mobiliser le patrimoine des personnes concernées : je pense que nous pourrions songer, pour leur permettre d'être assurées contre les risques de dépendance à terme, à mobiliser systématiquement le recours sur succession.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Vous avez réalisé, Monsieur l'inspecteur général, un remarquable travail dans un temps contraint. Nous sommes en train de le saluer. S'il est une question que je souhaite vous poser, elle concerne le financement de la branche « autonomie ». Son financement nous préoccupe au-delà des questions concernant son contenu et son périmètre. J'ai questionné hier la direction générale de la sécurité sociale à ce propos qui n'est pas en mesure de répondre à mes interrogations. Pour votre part, vous avez le mérite d'avoir, non sans émois suscité l'appréhension au sein de certaines branches. La difficulté persiste : 10 milliards d'euros ont été fléchés sur les différentes propositions que vous avez formulées. Vous faites bien de rappeler que ces financements pourraient ne pas seulement servir à la nouvelle branche « autonomie », mais également au financement de la sécurité sociale. Il est un élément que vous n'avez curieusement pas évoqué. Il concerne la fraude à la sécurité sociale qui est une réalité. Nous ne sommes pas vraiment en mesure de l'évaluer, mais elle constitue une source d'économie qu'il serait a priori opportun d'explorer plus avant. Il me paraît très curieux que l'on veuille favoriser le maintien à domicile, mais que l'on songe à réduire les financements des aides favorisant ce maintien à domicile. Il me semble opportun, en effet, de faire preuve d'homogénéité.

M. Laurent Vachey - Je vais essayer de répondre à vos questions. Concernant la méthode, il est vrai que la construction par brique est un choix étonnant à l'aune de la construction globale de l'édifice. La construction de la nouvelle branche « autonomie » n'était originellement pas prévue dans la loi sur la dette sociale. Dès lors la question de son contenu s'est posée assez rapidement. Il est exact que l'on devrait avoir une plus grande visibilité sur les étapes suivantes. Nous ignorons quand le fameux « Larroque de l'autonomie » annoncé par la ministre en charge de l'autonomie va intervenir et s'il débouchera sur une loi en bonne et due forme. Nous sentons aujourd'hui que nous manquons de visibilité sur ces deux éléments qui sont les compléments indispensables de ce qui est entrepris et cela est très inconfortable de ne parler que de ce qui peut être versé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour en revenir aux questions de MM. les sénateurs, nous constatons que les aides publiques en faveur du maintien à domicile présentent un niveau de solvabilisation plus intéressant que le séjour en EHPAD. Il y a moins de reste à charge à domicile qu'il n'y en a en EHPAD. Nous répondons mieux à la priorité domiciliaire. En revanche, on constate une inquiétude manifeste, après le « Ségur de la Santé » qui, par capillarité, ne concernent que les personnels des EHPAD, quant à l'aggravation des difficultés, déjà existantes, du secteur de l'aide à domicile à recruter. La question de l'égalité salariale entre l'aide à domicile et le travail en EHPAD doit être rapidement tranchée. Vous m'interrogez aussi sur la question de l'allocation adulte handicapé. Elle ne compense pas en elle-même le handicap puisque c'est le rôle de la prestation de compensation du handicap.

Cela dit, à chaque fois que la question de l'AAH a été posée, il a été convenu qu'il ne s'agissait pas d'un minimum social comme un autre et qu'il ne pouvait, dans ces conditions, pas être versé dans un revenu universel d'activité et que l'AAH devait vivre sa vie indépendamment des autres minima sociaux. Le fait de l'inclure au sein de la branche « autonomie » permettrait de la sanctuariser et de gérer ses versements. Nul ne sait, puisque vous évoquez la fraude sociale, si elle concerne l'AAH. Nul ne s'en préoccupe d'ailleurs. Le rapport 2019 de la Cour des Comptes pointait du doigt le fait que 30 % des entrants à l'AAH 2 étaient antérieurement éligibles au RSA. Si je propose donc d'inclure l'allocation adulte handicapé dans la nouvelle branche « autonomie », c'est pour traiter les problèmes d'iniquité à l'accès à cette allocation qui sont importants selon les territoires et pour mieux gérer le versement de cette allocation, ce que l'État n'est pas parvenu à faire, en dépit de ses multiples tentatives, depuis dix ans. Concernant les départements, il est exact que la situation actuelle favorise l'articulation entre ces collectivités et les instruments de contractualisation. Les ARS sont trop éloignées de ces sujets-là. Nous avons donc repris la question de la possibilité d'établir une délégation de compétences des ARS vers les départements en considérant notamment que cela était possible juridiquement, y compris à droits constants, et que cela était souhaitable. Vous m'interrogez aussi sur la contribution du secteur assurantiel privé. Nous avons échangé avec la FFA et la FNMF qui nous ont présenté, comme nous le redisons dans le rapport, le projet d'une allocation dépendance qui serait systématiquement adossée aux complémentaires « santé ». Évidemment, les paramètres vont changer selon que l'on rentre dans la vie active ou à partir d'un certain âge. Tout dépendra aussi du montant de la rente que l'on souhaite obtenir au moment de l'entrée en perte d'autonomie. Nous arriverions donc à un renchérissement de ces complémentaires « santé » estimé entre 15 et 25 % de leur cotisation actuelle. Une telle hypothèse est inenvisageable actuellement.

C'est la raison pour laquelle le rapport privilégie une autre piste consistant donc à améliorer l'attractivité des assurances complémentaires souscrites de manière volontaire. Les assureurs sont disposés aujourd'hui à reconnaître l'impact de la perte d'autonomie et le rôle des collectivités territoriales dans l'évaluation de la perte d'autonomie. Les assureurs ont réellement progressé dans leur réflexion à ce sujet. Pour les personnes ne souscrivant pas une complémentaire « santé », il reste la piste de la mobilisation du patrimoine privé. Faciliter la mobilisation du patrimoine financier au côté de l'assurance vie transformée en rente ou au côté du patrimoine immobilier est une solution complémentaire venant s'ajouter au socle de la solidarité nationale qu'entend garantir la nouvelle branche. J'ai aussi été questionné sur la question du transport. Nous ne l'évoquons pas dans notre rapport. Je sais comme vous que ce sujet est complexe parce qu'il nous renvoie aux nécessités de transport des enfants en situation de handicap ainsi que des personnes âgées ayant perdu leur mobilité. Ce sujet mériterait une réponse plus cohérente dans l'ensemble des financements. Le rapport évoque, par ailleurs, le sujet des aides techniques et la part du financement de l'assurance-maladie et les prestations complémentaires. Tout ceci pose la question de l'efficience : nous estimons que la CNSA est en mesure de garantir l'efficience de la dépense sur l'autonomie. Cela suppose qu'elle se dote de systèmes d'information en tant que tels. Cela n'est pas le cas aujourd'hui. Aujourd'hui nous sommes incapables de croiser les données des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie avec leurs dépenses d'assurance-maladie. Nous sommes incapables d'établir un lien entre ces deux types de dépenses. Nous avons aussi besoin de bénéficier de statistiques détaillées. Enfin, la CNSA doit également pouvoir davantage agir sur le terrain pour améliorer l'organisation des services, notamment par des audits.

Mme Monique Lubin. - Je partage les questionnements et les doutes exprimés par mes collègues sur la place des départements dans le financement de cette branche « autonomie ». Je partage aussi les questionnements sur la gouvernance. Vous avez tout à l'heure posé la question des AESH et avez estimé que leur charge revenait à l'éducation nationale. Je ne partage nullement votre point de vue : les AESH accompagnent les enfants en situation de handicap dans le milieu scolaire et nous avons de plus en plus d'enfants qui nécessitent un accompagnement ad hoc et pour lesquels il n'y a pas de place dans les structures qu'ils reçoivent habituellement. D'un côté, on ne créé pas les places dont nous aurions besoin et, de l'autre, nous avons un réel besoin des AESH qui ne bénéficient pas de statut à proprement parler et qui sont dans la précarité la plus totale. Renvoyer ce sujet à l'éducation nationale ne va certainement pas favoriser la résolution de cette question. A contrario, en les intégrant dans la future branche « autonomie », nous pourrions résoudre assez rapidement cette question, en définissant les moyens dédiés au financement de cette mesure.

Mme Michelle Meunier. - Votre approche, M. Vachey, a été essentiellement budgétaire et financière. Sur la perte d'autonomie, il nous manque une loi ainsi qu'une vision politique nous faisant ensemble progresser sur le même objectif de développer et d'améliorer l'autonomie de chacun. Là n'est pas la question. Nous aurons très certainement la possibilité de reparler l'année prochaine de la loi sur l'autonomie et le grand-âge. Pour ma part, je souhaiterais revenir sur la question du périmètre. Si je vous ai bien compris, la CNSA reprendrait les missions existantes, si ce n'est l'AEH en plus. Le fait de ne pas intégrer l'AAH a été évoqué par l'un de mes collègues. Je m'interroge sur ce point. Je voudrais vous entendre me préciser les raisons vous amenant à ce choix qui pourtant permettrait de délimiter le périmètre de cette branche. Ce n'est pas le choix du Gouvernement.

Mme Corinne Imbert. - Je rejoins les propos du rapporteur général sur la question du financement de la nouvelle branche. Cette question est de première importance. Je m'interroge sur la manière dont les dispositions de financement de cette branche « autonomie » vont être déclarées « recevables » alors qu'elles vont impacter indirectement les collectivités territoriales. Bien évidemment, la branche sera gérée par la CNSA. Je ne reviens pas sur ce point, même si je m'interroge à ce sujet, considérant que la gestion des autres branches est paritaire. Je n'exprime aucune défiance vis-à-vis de la CNSA. Cela étant, comme l'a rappelé le ministre hier, il sera indispensable d'envisager une co-construction financière avec les départements. À compter du moment où une convention sera signée entre les départements et la CNSA, elle contraindra les premiers à apporter des fonds permettant de financer la branche « autonomie ». Ce choix de financement génère donc un impact indéniable sur les collectivités territoriales. Quelle sera la recevabilité de cette disposition tant sur le fond que sur la forme ? Il est proposé de ponctionner une partie de la CSG - ponction qui ne serait pas compensée par une augmentation de la contribution - au bénéfice de la CNSA, mais un tel choix s'opérera au détriment de la branche « maladie ». Vous avez évoqué, Monsieur Vachey, la construction de « schémas départementaux d'autonomie » associant les conseils départementaux, les ARS et les MDPH. Toutefois de tels schémas fonctionnent déjà, parfois sans recourir à un financement des ARS. Ne mettons pas en cause, ne cassons pas ce qui existe déjà localement et qui a fait la preuve de son efficacité. Il ne faut pas mépriser le travail conséquent qui est réalisé dans les départements. Vous avez évoqué une piste particulière qui est celle du patrimoine particulier des personnes. Prévoyez-vous une récupération éventuelle sur succession de l'allocation personnalisée d'autonomie ?

Mme Annick Jacquemet. - Je souhaiterais, Monsieur Vachey, vous interroger sur le financement des aides techniques pour les personnes âgées dépendantes et les personnes qui sont en situation de handicap. Dans le département du Doubs, nous avons mis en oeuvre un dispositif nous permettant de récupérer ces aides techniques au sens large, en particulier au moyen d'une structure d'insertion. Elle récupère des matériels et des équipements et les remet en état, ce qui leur permet d'être revendus par la suite. La sécurité sociale a fait le choix de ne pas financer ce matériel qui est, la plupart du temps, en excellent état. Pensez-vous, Monsieur Vachey, qu'il soit possible de faire évoluer la situation ?

M. René-Paul Savary. - Nous avons le sentiment d'une renationalisation du dispositif de l'autonomie alors que nous étions parvenus à le décentraliser avec le succès que l'on connaît. Je veux vous interroger sur le financement de la future branche « autonomie ». Qu'est-ce qui vous a donc poussé à solliciter le FRR ? Nous savons les difficultés des retraites et l'aggravation du déficit de leur financement. Ne faut-il donc pas laisser ce fonds à sa destination primaire plutôt que de l'utiliser à autre chose ?

M. Jean Sol. - Je souhaite interroger Monsieur l'inspecteur général sur les parcours de santé et leur articulation entre santé médico-sociale et santé sociale. Vous préconisez la création d'un contrat local d'autonomie qui serait établi entre les départements et les ARS. Quelle plus-value y trouvez-vous ? Enfin, quelle place accordez-vous à la prévention ? Ne pensez-vous pas qu'on lui affecte trop peu de moyens ? Chez moi, ce constat suscite de réelles inquiétudes, surtout à l'aune des perspectives démographiques qui s'offrent à nous.

M. Laurent Vachey - Vous m'interrogez sur les assistants d'éducation des enfants handicapés. Il ne me semble pas que la proposition que vous me formulez soit pertinente. J'ai le sentiment que leur mission d'accompagnement scolaire ne se conçoit qu'au sein de l'appareil éducatif. Les intervenants extérieurs qui participent à cette mission éducative rencontreraient de réelles difficultés. Vous avez évoqué la précarité du statut des AESH. Je vous invite à regarder tout ce qui a été fait depuis plusieurs années. Les contrats étaient originellement précaires. Nous en arrivons à présent à des contrats de droit public pour une bonne partie de ces AESH. Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a contribué à stabiliser la situation de ces personnels, même si nous savons beaucoup reste encore à faire, notamment en termes de formation. L'autre difficulté concerne le recrutement de ces AESH. Si ce n'est pas le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports qui les emploie, qui les recrutera ? La branche « autonomie » n'est pas un employeur ! Il n'y a donc pas d'autres solutions que de maintenir le statu quo. Des questions ont été posées sur l'allocation adulte handicapé, notamment sur l'ampleur de la fraude à l'AAH. Nous ignorons très clairement si cette fraude existe vraiment. Nous avons relevé un seul cas de fraude. S'agit-il donc d'un cas d'espèce ? S'agit-il de la pointe émergée d'un iceberg ? Nul n'est en mesure de le dire aujourd'hui. S'il est une certitude, comme n'a pas manqué de le souligner la Cour des Comptes dans son rapport, c'est que la demande des AAH, quand elle parvient à la MDPH, reste conditionnée à la présentation du formulaire type et d'un certificat établi par un médecin (sans que l'on sache l'identité, l'origine et la qualification particulière dudit médecin). La MDPH consacre près d'une vingtaine de minutes à examiner le dossier, sans voir le demandeur, qui est communiqué à la CDAPH. Celle-ci se voit généralement soumettre une centaine de dossiers et, faute de temps, n'en étudie que 2 %. La procédure ouvre la possibilité à de très nombreux risques potentiels de fraude, sans savoir toutefois précisément ce que ces risques représentent. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'une politique de solidarité représentant un montant estimatif de 10 milliards d'euros qui repose sur un processus d'attribution qui est aussi incertain que celui qui prévaut en ce moment.

Vous avez soulevé la question du périmètre de l'allocation adulte handicapé. Je regrette, qu'en l'état, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2021 n'aborde que l'allocation enfant handicapé, mais pas l'AAH. Je note toutefois que nous n'en sommes qu'au stade de la première lecture. Selon moi, il serait opportun que l'AAH soit incluse dans le périmètre de la branche. Si elle ne l'est pas en 2021, peut-être pourrait-elle l'être en 2022 ? Cela donnera de la visibilité à la place de cette allocation et cela permettra à la future branche de se mettre en situation pour anticiper la gestion des risques associés à cette AAH et de se doter les moyens permettant de la financer. Il n'est pas pertinent, selon moi, de laisser la situation aussi incertaine. Vous m'interrogez aussi sur la place des départements dans les dispositifs locaux dédiés à l'autonomie. J'ai constaté, par le passé, la présence, dans les administrations d'État, d'opposants résolus à tout dispositif décentralisé en matière sociale, estimant que la primauté revenait aux seules politiques nationales. Je n'en suis pas et je suis persuadé aujourd'hui qu'une majorité de départements s'investit et travaille correctement en matière d'aide aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap. Je ne suis donc pas du tout opposé à la place des départements dans la mise en oeuvre de ces politiques à l'échelon local. Cette place est tout à fait légitime et elle ne peut être contestée. C'est la raison pour laquelle nous avons examiné la possibilité de mettre en place des délégations de compétences des ARS aux départements. Là où des départements sont disposés à prendre cette responsabilité en charge, il n'y a pas de raison de le leur refuser. Je parlais de schémas départementaux : ils existent déjà dans la branche « famille », au travers des « schémas de services à l'enfance ». Le financement du dispositif est en partie assuré par les communes qui le mettent en oeuvre sur leur territoire. Il conviendrait d'agir de même vis-à-vis de l'autonomie avec le partage des objectifs sur le plan local. Il y a, en effet, des endroits où les schémas qui ont été établis par les départements sont plutôt généralistes alors qu'il en est d'autres incluant une déclinaison opérationnelle de ce qui sera mis en oeuvre. Il y a de plus en plus de solutions qui se construisent et qui doivent se construire de façon innovante et intermédiaire entre la prise en charge institutionnelle, d'une part et l'accompagnement à domicile, d'autre part.

Si l'on souhaite favoriser ce type de formule intermédiaire correspondant très certainement à un besoin et à un souhait des personnes, il convient trouver des formules innovantes, des prestations supplémentaires dédiées au financement de la structure, des aides au fonctionnement par la mobilisation des allocations, tout cela ne pouvant se mettre en place que par la mise en commun de la vision de l'évolution de la réponse aux besoins entre les ARS et les départements. Sur les aides techniques, une mission a été confiée à Philippe Denormandie. Nous en avons parlé avec lui : la France est très en retard en matière d'accès à ces aides. L'articulation financière entre la contribution propre à la sécurité sociale - avec ses règles propres - et ce qui peut être financé localement ne fonctionne pas du tout. Ceci constitue un problème qu'il convient de résoudre. Je poursuis en vous redisant que je partage ce qui a été sur la question de la prévention des parcours puisque nous demeurons insuffisants en la matière. Nous avons donc proposé de re-centraliser dans le budget de la branche « autonomie » une plus grande part du financement liée à la prévention, notamment les crédits liés à l'aménagement du logement des personnes. Ces crédits sont aujourd'hui éclatés entre différents acteurs : nous proposons que la branche « autonomie » ait un rôle à jouer, ce qui permettra de remédier à cet éclatement. Le problème se pose aussi en matière de coordination des parcours. Je terminerai en évoquant le financement : quand on affirme que la branche « autonomie » sera à l'équilibre dans le PLFSS 2021 puisqu'on lui attribue une part suffisante de CSG, on sous-entend que cette part de CSG n'ira pas à l'assurance-maladie, ce qui contribuera à accroître son déficit.

Le versement de la branche « autonomie » dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale améliore la vision d'ensemble. Nous savons qu'il existe des « vases communicants » entre les différents champs de la protection sociale. J'ai été interpellé sur les possibilités de recours sur succession. C'est déjà le cas pour l'APA en EHPAD. Ils sont pratiqués différemment selon les départements. Faut-il aller plus loin ? Je ne peux pas vous le dire. Des propositions ont été formulées pour responsabiliser les personnes quant à leur capacité à financer ce risque.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie, Monsieur l'inspecteur général, pour la clarté et la franchise des propos que vous avez tenus devant la Commission.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 15.