Jeudi 29 octobre 2020

- Présidence de Mme Annick Billon, présidente

Échange de vues sur l'organisation du travail de la délégation pour la session 2020-2021

Mme Annick Billon, présidente. - Chers collègues, nous nous retrouvons aujourd'hui pour notre première réunion de cette session 2020-2021.

Avant les échanges auxquels nous allons procéder sur notre programme de travail et divers sujets dont je souhaite vous informer, je vous propose de faire un point rapide sur la place des sénatrices depuis le dernier renouvellement. On relève en effet des avancées certaines en termes de féminisation du Sénat et d'accès des sénatrices aux responsabilités au sein de notre assemblée.

Entre le renouvellement de 2017 et celui de 2020, le pourcentage de sénatrices est passé de 29,3 à 33,6 %. On comptait 102 sénatrices en octobre 2017, il y en a aujourd'hui, en octobre 2020, 117. L'augmentation est donc de quasiment 15 %.

Entre les élections de 2017 et la fin de la précédente mandature (2017-2020), le nombre de sénatrices est passé de 102 à 119 (chiffre constaté à la veille des élections de 2020), soit une hausse de 17 % en trois ans. On le sait, d'un renouvellement à l'autre, la proportion de femmes progresse au gré des remplacements : les trois dernières années ne font pas exception à ce constat classique.

Fait très positif, on note une féminisation sans précédent du bureau du Sénat, avec 46 % de femmes, soit presque la parité : 4 vice-présidentes sur 8 et 8 secrétaires sur 14.

Le classement des commissions permanentes en fonction de la proportion de sénatrices est le suivant :

· la commission des affaires sociales est la plus féminisée avec plus de 60 % de sénatrices et une présidente (le bureau, lui aussi est mieux que paritaire : 55 % de sénatrices) ;

· configuration inédite, la commission des lois, où le pourcentage de sénatrices s'élève à 42,9 %, occupe la deuxième place ;

· la commission de la culture, qui comprend 39 % de femmes, reste la troisième en termes de féminisation ;

· la commission des affaires économiques occupe désormais la quatrième place avec un tiers de femmes, et non plus la deuxième comme c'était le cas en 2017-2020. Elle a par ailleurs gardé sa présidence féminine, qui était une « première » en 2017 et un symbole important, cette commission ayant été considérée longtemps comme plutôt masculine ;

· puis vient la commission du développement durable (30,6 % de femmes) ;

· les commissions des affaires étrangères et des finances restent les moins féminisées (respectivement 16,3 % et 12,2 %).

La commission des affaires européennes compte quant à elle 24,4 % de sénatrices, en légère baisse par rapport à 2017.

Je m'arrête là pour ce matin.

J'en viens au programme de travail de la délégation jusqu'à la fin de 2020. Comme je vous l'ai indiqué la semaine dernière, nous entendrons Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, le jeudi 5 novembre à 9 heures.

Il s'agit de l'audition qui, chaque année, permet de faire le point sur l'évolution des crédits consacrés aux droits des femmes dans le projet de loi de finances, mais aussi d'évoquer l'actualité du ministère. Ce sera aussi la première audition d'Élisabeth Moreno au Sénat.

Le 19 novembre à 9 heures, nous entendrons la présidente du Haut conseil à l'égalité, Brigitte Grésy, interlocutrice fidèle et précieuse de la délégation. Nous travaillons en bonne intelligence et dans un esprit de complémentarité avec cette instance.

Le jeudi 26 novembre, nous auditionnerons Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, ce qui permettra d'aborder les deux dossiers qui lui ont été confiés au sein du Gouvernement : le congé paternité et la prostitution des mineurs. Je précise que l'audition d'Adrien Taquet, pendant le confinement, sur les violences faites aux mineurs, a été un moment fort de l'activité de notre délégation au cours de cette période particulière. 

Enfin, le 10 décembre à 9h30, nous avons rendez-vous avec nos collègues de la commission des finances, rapporteurs spéciaux du programme 137, Arnaud Bazin et Éric Bocquet, afin qu'ils nous présentent leur rapport d'information sur le financement des violences : Le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes : une priorité politique qui doit passer de la parole aux actes1(*).

Au cours de la période récente, le Gouvernement a régulièrement fait état d'augmentations des crédits dédiés à la politique publique de lutte contre les violences, mais ces annonces ont souvent été nuancées par les associations, qui jouent un rôle crucial dans ce domaine avec des moyens souvent limités.

Par ailleurs, il me semble important d'évoquer l'inquiétude qu'inspire aux associations engagées dans la lutte contre les violences l'annonce de la mise en concurrence de la Fédération nationale solidarité femmes, qui gère le numéro 3919 dédié à l'écoute, à l'information et à l'orientation des femmes victimes de violences. Cette annonce va de pair avec l'inscription, dans le projet de loi de finances pour 2021, de crédits tirant les conséquences de l'extension de la disponibilité de cette plate-forme, qui devrait à l'avenir être accessible 24/24. Je précise que le 3919, comme vous le savez, a été largement médiatisé pendant le confinement de mars 2020. L'attribution de cette ligne d'écoute devrait donc prochainement faire l'objet d'un marché public, alors même que cette ligne a été créée en 1992 par Solidarité femmes, qui est propriétaire de ce numéro, la marque 3919 ayant été déposée à l'INPI (Institut national de la propriété intellectuelle). On peut donc s'étonner du choix de la mise en concurrence de préférence à la formule du renouvellement du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens dont la FNSF est titulaire.

Sur le plan de l'efficacité, on peut aussi s'interroger sur les conséquences d'un éventuel échec de la FNSF pour les victimes de violences. Celles-ci auraient-elles encore la garantie d'être accueillies par des écoutantes professionnelles, expérimentées et capables de leur consacrer le temps nécessaire à leur orientation ?

Si une logique strictement managériale dominait à l'avenir cette mission d'écoute et de conseil, on peut probablement craindre des conséquences fâcheuses pour les femmes victimes de violences. Une telle évolution serait-elle à la hauteur de la « grande cause du quinquennat » ?

On comprend ainsi que le projet de mise en concurrence suscite une réelle émotion dans le milieu associatif. Mes chers collègues, nous devrons demander à Mme Moreno des éclaircissements sur ce point quand nous l'entendrons la semaine prochaine.

Il me semble qu'à la veille d'un nouveau confinement, nous avons toutes les raisons de nous inquiéter, comme c'était le cas en mars dernier, d'un risque accru de violences conjugales. Le rapport que nous avons publié en juillet 2020 a effectué un bilan de cette période sur les violences faites aux femmes et aux enfants et a proposé des orientations pour améliorer la lutte contre ces violences. Nous avons notamment établi le constat que le quotidien des femmes et des enfants confrontés à un conjoint ou à un père violent est tout simplement, comme le relève le titre de ce rapport, un « confinement sans fin ».

Quelle peut être la réaction de la délégation par rapport à ce marché public ? J'aimerais que nous en débattions. L'une des options envisageables consisterait à déposer des questions écrites pour attirer l'attention du Gouvernement sur ce point. Ces questions constitueraient, bien entendu, des initiatives individuelles des membres de la délégation et non une démarche collective de celle-ci.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Pourrons-nous intervenir sur les difficultés posées par ce marché public lors de la discussion du projet de loi de finances ?

Mme Annick Billon, présidente. - Cela me semble tout à fait indiqué. Je précise toutefois que les délégations, à la différence des commissions, ne sont pas habilitées à présenter des amendements aux textes de loi en discussion. Si les remarques que je viens de vous exposer devaient se traduire par un amendement au projet de loi de finances, celui-ci devrait être déposé à titre individuel. Ce ne pourrait être, là non plus, une démarche collective de la délégation. La même restriction vaut à l'égard des propositions de loi ou de résolution, qui relèvent, elles aussi, d'initiatives individuelles.

Mme Dominique Vérien. - Cet appel d'offres s'inscrit dans une logique juridique. Rien ne dit, d'ailleurs, que la candidature de la FNSF ne sera pas retenue. Sommes-nous sûrs, d'autre part, qu'un autre prestataire s'acquitterait moins bien de cette mission ?

Mme Annick Billon, présidente. - Certes, mais la situation est un peu différente dans la mesure où la FNSF a non seulement créé ce numéro d'urgence, mais aussi, en quelque sorte, le métier d'écoutante. Sur le plan juridique, est-on certain que l'appel d'offres est la seule option envisageable ? A-t-on envisagé d'autres formules qui auraient permis de préserver ce que la FNSF a construit depuis 1992 ?

Mme Laurence Cohen. - Nous sommes face à une situation très spécifique. La FNSF a créé ce numéro, dont elle a d'ailleurs eu l'idée à un moment où personne n'envisageait ce type d'initiative. Elle a formé des écoutantes à une mission particulièrement complexe. Elle a reçu pour cela un appui financier de l'État. Nous avons pu constater, depuis le début de la crise sanitaire, combien cette association a été sollicitée, dans un contexte de risque accru de violences conjugales, et avec quelle implication elle a su répondre à des besoins croissants, alors même que ses écoutantes étaient confrontées, dans leur vie personnelle, aux difficultés du confinement. La disponibilité de cette plate-forme est actuellement considérable, puisque ce numéro est accessible jusqu'à 22 heures en semaine, et jusqu'à 18 heures les week-ends et jours fériés. Aujourd'hui l'objectif qui sous-tend l'appel d'offres est de rendre cette disponibilité permanente. Il me semble que cette évolution pourrait être assurée par la FNSF, à condition que ses moyens soient renforcés en conséquence. Comme le 3919 est la propriété de la FNSF, ne court-on pas le risque, si celle-ci ne remportait pas le marché public, que soit créé un second numéro dédié aux victimes de violences ? Ce serait paradoxal, après avoir consacré tant d'énergie à faire connaître le 3919 ! On peut aussi craindre des confusions entre le 3919 et le numéro du nouveau prestataire... Il est évident par ailleurs que celui-ci ne sera pas en mesure d'assurer la même formation à ses écoutantes et écoutants. Les femmes victimes de violences en subiront les conséquences ! En prévision du nouveau confinement, nous devons nous mobiliser. La formation politique à laquelle j'appartiens a exposé ses réserves à la ministre : la délégation n'étant pas encore constituée à cette date, je n'ai pu suggérer une démarche collective. Nous devons maintenant, je pense, nous manifester en tant que délégation.

Mme Annick Billon, présidente. - Le 3919 a fonctionné jusqu'à présent sans mise en concurrence. La volonté d'offrir aux femmes victimes de violences une écoute 24/24 est l'occasion de revoir le cadre de l'action de la FNSF. Celle-ci me semble tout à fait capable de monter en puissance, si on lui en donne les moyens.

Mme Laurence Rossignol. - C'est une vieille histoire : depuis la création du ministère des droits des femmes en 1981, et quel que soit le gouvernement, disposer de moyens dédiés aux droits des femmes a été une bataille permanente. Il n'y a jamais eu, dans l'administration de l'État, de services à la hauteur des besoins. C'est une politique publique qui a donc été sous-traitée aux associations, alors qu'une autre organisation administrative aurait pu être mise en place. De ce fait la question des subventions aux associations engagées dans l'égalité femmes-hommes est cruciale. Mais le bon côté de cette situation est que les associations de défense des droits des femmes disposent de vraies compétences, construites au fil des années. Il me semble que sur ce sujet, les arguments juridiques que l'on nous oppose sont, comme c'est souvent le cas, réversibles. Cet appel d'offres s'inscrit dans une logique de mise à distance du mouvement associatif traditionnel dont fait partie la FNSF.

Il faudrait donc à mon avis demander le retrait de la procédure d'appel d'offres, et si ce n'est pas possible, obtenir l'assurance que ce ne soit pas le moins-disant qui emporte ce marché, mais que des critères qualitatifs dominent le choix du futur attributaire. Il faut que cette mission décisive de la politique publique de lutte contre les violences soit attribuée au plus compétent.

Mme Martine Filleul. - Je suis d'accord pour que nous déposions des questions écrites sur ce sujet. Cela me semble une bonne stratégie. Nous verrons aussi, après l'audition de la ministre, si nous devons envisager une autre démarche.

Mme Marie-Pierre Monier. - Je vous rejoins, chères collègues. Le retrait de la procédure d'appel d'offres me paraît cohérent avec notre objectif de protéger les victimes de violences conjugales.

Mme Annick Billon, présidente. - Je vous communiquerai donc prochainement la question écrite que j'envisage de déposer sur ce sujet.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Il me semble que des collègues de nos groupes respectifs pourraient souhaiter se joindre à notre démarche.

Mme Annick Billon, présidente. - Rien ne s'y oppose, ma chère collègue.

Au cours de l'été, Laurence Cohen m'ayant alertée sur la situation du Docteur Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix en 2018, nous avons pris l'initiative d'écrire, le 26 août 2020, au ministre de l'Europe et des affaires étrangères pour lui exprimer notre vive inquiétude concernant la sécurité du Docteur Mukwege, qui fait l'objet dans son pays de menaces extrêmement préoccupantes. Nous demandions la protection de la MONUSCO pour lui-même, ses proches et les patientes de l'hôpital de Panzi. Nous interrogions également le ministre sur les perspectives de création d'un tribunal pénal international pour juger les crimes atroces commis en RDC entre 1993 et 2003.

M. Le Drian nous a répondu le 25 septembre, ce que nous saluons. Sa lettre rappelle que la France soutient le combat mené par le Docteur Mukwege pour protéger les femmes victimes de violences terribles en RDC et appuie la Fondation Panzi, où de nombreuses victimes de violences sont soignées. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a confirmé l'engagement de notre pays pour assurer la sécurité du prix Nobel de la paix et de ses proches, en lien avec les autorités congolaises et la MONUSCO, et pour lutter contre l'impunité des auteurs des crimes mentionnés dans notre lettre.

Mme Laurence Cohen. - Il faut saluer cette démarche constructive qui a prospéré parallèlement à une pétition appelant à soutenir le Docteur Mukwege et qui a recueilli un soutien massif. Je suis heureuse que notre mobilisation ait porté ses fruits. Cependant, cela ne peut être qu'une première étape qui doit se poursuivre afin que sa sécurité soit assurée de manière pérenne car il continue à faire l'objet de menaces en poursuivant son travail.

Certes, le Docteur Mukwege bénéficie actuellement de la protection de la MONUSCO pour lui-même, sa famille et les patients de l'hôpital de Panzi. Toutefois, il semble que la mission de la MONUSCO doive bientôt s'achever : il reviendra alors au gouvernement de la RDC de prendre la relève, ce qui n'est pas sans inquiéter, d'autant que les violences et les viols se poursuivent dans ce territoire.

Mme Martine Filleul. - Je propose que la délégation soutienne le combat des femmes polonaises qui manifestent contre une récente décision d'interdire l'accès à l'avortement même en cas de malformation grave du foetus. Nous ne pouvons y rester indifférents.

Mme Annick Billon, présidente. - Un message de soutien aux femmes polonaises pourrait être une démarche envisageable, pour autant qu'un consensus se dégage au sein de la délégation pour communiquer sur ce point.

Mme Martine Filleul. - Je crains qu'un communiqué de presse ne soit pas suffisant et qu'il faille une démarche qui pourrait prendre la forme d'un courrier adressé à l'ambassadeur de Pologne.

Mme Annick Billon, présidente. - Y associer le groupe d'amitié France-Pologne serait je pense judicieux.

Mme Dominique Vérien. - Le groupe d'amitié France-Pologne ne s'est pas encore reconstitué.

Mme Marie-Pierre Monier. - L'idée d'associer le groupe d'amitié France-Pologne est pertinente, mais il faudrait attendre sa reconstitution pour le solliciter, alors que l'affichage de notre soutien aux femmes polonaises ne semble pas pouvoir attendre.

Mme Annick Billon, présidente. - Nous retenons donc la proposition de Martine Filleul sans attendre la reconstitution du groupe France-Pologne.

Je reviens sur l'événement organisé le 15 septembre sur l'engagement des femmes dans la Résistance, initialement programmé en mai 2020, à l'occasion de la Journée nationale de la Résistance. L'année 2020 étant marquée par le 75e anniversaire de la libération des camps, la journée nationale du 27 mai 2020 revêtait une dimension particulière.

La Résistance a constitué un véritable vivier de femmes politiques dès le début de la IVe République : En cette année de renouvellement sénatorial, cette référence à la Résistance avait donc du sens. Une plaque, installée dans la galerie des bustes en 2014 à l'initiative de la délégation aux droits des femmes, rend d'ailleurs hommage aux sénatrices issues de la Résistance.

Compte tenu du contexte sanitaire, notre événement a été organisé selon un format moins ambitieux que ce qui était envisagé. Nous sommes partis du témoignage d'une ancienne résistante, Jacqueline Fleury, déportée à Ravensbrück en 1944, et du livre de souvenirs qu'elle a publié à la fin de 2019. Cet ouvrage tout à fait remarquable a d'ailleurs tout récemment reçu le Prix littéraire de la Résistance et de la déportation.

Les collègues qui ont participé à l'animation de cet après-midi d'échanges avec Jacqueline Fleury (Marta de Cidrac, Max Brisson, Laure Darcos, Laurence Cohen, Laurence Rossignol et Claudine Lepage) confirmeront l'intérêt de cette séquence et seront d'accord avec moi, je pense, pour dire que ce moment a été riche en émotions.

Le volume d'actes vient d'être publié sous forme d'un rapport d'information et vous sera communiqué : je vous en recommande vivement la lecture.

Compte tenu de l'absence des membres du groupe Les Républicains qui sont excusés en raison de la tenue simultanée d'une réunion à laquelle ils doivent participer, nous allons échanger sur le programme prévisionnel de la délégation, mais nous reporterons son adoption à une date ultérieure.

Nous devrons prévoir les modalités de la restitution des travaux organisés dans leurs départements par les collègues qui ont souhaité faire partie du groupe de « référents » créé au sein de la délégation fin 2019 pour établir un suivi, dans les territoires, des mesures annoncées à la fin du Grenelle de lutte contre les violences conjugales. Le confinement n'a pas permis à tous les référents de la délégation de mener ces travaux que j'ai néanmoins pu effectuer en Vendée la semaine précédant le début du confinement.

Ces « référents » ont en principe réuni les acteurs et actrices de la lutte contre les violences de leurs départements respectifs pour établir un état des lieux des avancées et des difficultés constatées au niveau local dans la mise en oeuvre de ces politiques publiques et pour mettre en valeur certaines bonnes pratiques qui gagneraient à être largement diffusées.

La crise sanitaire a dans certains cas empêché la tenue des réunions qui avaient été programmées initialement.

Le groupe de « référents » a également été affecté par le renouvellement sénatorial, certains de nos collègues ne faisant plus partie de la délégation. Nous pourrons évidemment les associer à ces échanges.

Qu'en pensez-vous ?

Parmi les présents, lesquels ont pu mener ces travaux ?

Mme Dominique Vérien. - J'ai assuré ce suivi pour mon département de l'Yonne, sans que soit organisée de réunion formelle en raison du confinement. Les acteurs du département restent mobilisés et force de proposition pour contribuer à la lutte contre les violences.

Mme Laurence Cohen. - Dans le Val de Marne, j'ai procédé, par voie téléphonique et visioconférences, en associant le procureur de la République et le préfet, à un état des lieux des difficultés rencontrées par les associations et établi un bilan, mais qui doit cependant être formalisé.

Mme Victoire Jasmin. - Si les rencontres programmées en 2020 n'ont pas pu se dérouler en raison de la situation sanitaire, j'ai toutefois participé à des échanges à distance avec les directrices régionales de la Guadeloupe et de la Martinique, le parquet et la préfecture ainsi qu'une avocate qui assiste des femmes victimes de violence et intervient régulièrement sur Radio Caraïbes international. Le journal Courrier de la Guadeloupe a été un précieux vecteur d'informations sur la prévention et les démarches à accomplir en cas de violences.

Mme Nadège Havet. - J'aimerais effectuer ce suivi dans mon département, si cela n'a pas déjà été réalisé.

M. Jean-Michel Arnaud. - Pour les membres nouvellement élus, il serait intéressant de savoir si nos prédécesseurs ont pu mener à bien ces travaux et nous les transmettre ; sinon, une grille méthodologique pourrait-elle nous être communiquée ?

Mme Annick Billon, présidente. - Cette grille méthodologique va vous être adressée.

Il me paraît également utile d'évoquer ensemble les autres aspects possibles du programme de la délégation au cours de la session. En effet, notre calendrier prévisionnel s'arrête au 10 décembre 2020.

S'agissant de notre programme en lien avec le travail législatif, deux textes me semblent importants à ce stade : d'une part, la proposition de loi allongeant de deux semaines le recours légal à l'IVG, adoptée à l'Assemblée nationale, d'autre part, le projet de loi sur les « séparatismes » qui devrait être présenté en conseil des ministres début décembre. Je rappelle que la délégation a consacré en 2016 un rapport à la thématique « femmes et laïcité », sous la présidence de Chantal Jouanno. Nombre des constats établis alors sont encore d'actualité. En outre, la question de la laïcité dans le sport est, entre autres aspects de cette thématique, une préoccupation de notre délégation.

Sur ces sujets, la difficulté d'aboutir à une position commune de la délégation n'empêche pas de travailler ensemble, en toute objectivité.

Qui souhaite intervenir ?

Mme Marie-Pierre Monier. - S'agissant de la proposition de loi concernant l'IVG, sait-on quand elle pourrait être inscrite à l'ordre du jour du Sénat ?

Mme Annick Billon, présidente. - Nous ne le savons pas encore. Notre ordre du jour est parfois bousculé en raison de l'actualité et de l'évolution du contexte sanitaire.

Pour les autres sujets susceptibles de figurer à notre agenda, je vous propose un échange libre ce matin, afin de connaître les centres d'intérêts des uns et des autres. Nous ne prendrons pas, à ce stade, de décision. J'ai bien noté que la prostitution des jeunes était un sujet de préoccupation de certaines de nos collègues : je vous rappelle que l'audition du secrétaire d'État Adrien Taquet devrait notamment permettre de faire le point sur le groupe de travail constitué par le Gouvernement.

Mme Marie-Pierre Monier. - Pour ma part, deux sujets me tiennent à coeur. Il s'agit, d'une part, de la formation de tous les personnels - judiciaires, forces de l'ordre, soignants - amenés à recevoir ou accompagner des femmes victimes de violences. Dans mon département de la Drôme, nous avons créé un collectif qui travaille sur ce sujet depuis cinq ans maintenant. On se retrouve parfois confronté à des gendarmes qui n'ont pas été formés à recueillir correctement la plainte de victimes de violences conjugales. Les formations au niveau national sont très inégales et il me semblerait donc intéressant que notre délégation puisse faire le point sur ce qui existe, l'objectif étant de faire des propositions d'amélioration.

Le second sujet auquel j'attache beaucoup d'importance est celui de l'éducation des jeunes et la façon dont nous pouvons déconstruire les stéréotypes de genre, encore très prégnants chez certains. On le sait, ces stéréotypes peuvent ensuite induire des violences envers les femmes. Il conviendrait de s'intéresser aux programmes de l'Éducation nationale qui contribuent à ce travail de déconstruction des stéréotypes en direction de la jeunesse.

Mme Annick Billon, présidente. - De nombreux thèmes peuvent aujourd'hui être proposés. Mais nous ne pourrons décider officiellement de notre programme que lorsque nous aurons vérifié qu'il n'existe pas déjà des rapports sur ces sujets et si d'autres institutions n'ont pas prévu de les inscrire à leur agenda. Il est important d'éviter trop de « doublons ». Il nous faudra aussi faire des choix entre toutes ces thématiques.

Parmi les axes de réflexion envisageables à partir de janvier 2021, j'avais pensé vous proposer de travailler avec l'Ordre des sages-femmes. Une réflexion sur l'évolution de ce métier pourrait être menée et permettrait d'aborder des thématiques telles que le nécessaire suivi de la contraception ou les évolutions en matière d'IVG. L'ordre connaît bien les problématiques de terrain puisqu'il a des représentants dans tous les départements. Les sages-femmes disposent d'informations de première main sur l'évolution des attentes des femmes en matière d'accouchement, ce qui fait de ces professionnelles des interlocutrices précieuses de notre délégation. Elles interviennent également parfois dans les établissements d'enseignement dans le cadre de l'information des jeunes sur la sexualité.

Je rejoins Marie-Pierre Monier : le suivi des séances d'éducation à l'égalité dans le cadre scolaire, prévues par le code de l'éducation mais diversement appliquées, pourrait constituer un travail de contrôle intéressant pour notre délégation.

Enfin, un travail sur le thème « Sexisme et jeux vidéo » pourrait figurer à notre agenda. Plusieurs angles pour aborder ce sujet sont possibles. Il s'agit tout d'abord d'analyser le sexisme au moment de la conception des jeux. Sexisme et harcèlement peuvent également se manifester au moment de la pratique des jeux au sein de communautés de joueurs majoritairement masculins (notamment pour les jeux en réseau ou les jeux en ligne). Des affaires récentes de sexisme et de harcèlement dans l'industrie des jeux vidéo ont été révélées par la presse. Enfin, les jeux vidéo constituent également un enjeu d'éducation et d'égalité entre filles et garçons lorsque l'on sait qu'il existe une part croissante de joueuses parmi les jeunes générations. Comme vous le voyez, le spectre d'analyse pour ce sujet est assez large et peut constituer un thème de travail intéressant.

À ce stade, je vous invite donc à consulter les rapports déjà publiés par la délégation dont vous avez reçu la liste et à nous faire part de sujets en lien avec l'actualité qui pourraient selon vous constituer un thème d'étude pour cette session. Il conviendra ensuite de trouver un consensus sur notre programme de travail.

S'agissant de notre programme d'auditions de l'année 2021, j'avais pensé vous proposer d'entendre la nouvelle Défenseure des droits, Claire Hédon. Notre délégation avait auditionné son prédécesseur, Jacques Toubon, lors du rapport sur les enfants dits « intersexes » puis dans le cadre du travail de la délégation sur les violences faites aux femmes handicapées.

Il serait intéressant aussi, si vous en êtes d'accord, de prévoir des rencontres avec les hauts fonctionnaires à l'égalité qui, dans chaque ministère, sont chargés de mettre en oeuvre les mesures destinées à améliorer l'accès des femmes aux responsabilités, la mixité des métiers ainsi que l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Certains de ces hauts fonctionnaires sont également des acteurs des politiques publiques de lutte contre les violences (je pense notamment aux ministères de la justice et de l'intérieur).

Je pense que cette suite d'auditions, à programmer dans la durée, nous permettrait de disposer d'un état des lieux complet des politiques publiques concernant les droits des femmes et l'égalité.

Cela fait beaucoup de projets, entre lesquels il faudra faire des choix.

Qui souhaite s'exprimer sur ces différentes propositions ?

M. Jean-Michel Arnaud. - J'ai une proposition complémentaire à formuler, inspirée par une de mes lectures récentes, celle de l'ouvrage de Léa Salamé intitulé Femmes puissantes. Je trouve qu'il serait intéressant de rencontrer l'auteure de cet ouvrage, notamment parce qu'elle assume un positionnement féministe dans un milieu, celui des médias, où la représentation des femmes souffre encore de nombreux stéréotypes et où l'égalité entre les femmes et les hommes est loin d'être atteinte.

Mme Annick Billon, présidente. - Cette proposition me semble d'autant plus intéressante que la délégation a publié, au cours de la dernière session, un rapport sur la place des femmes dans les médias audiovisuels, dont nos collègues Dominique Vérien et Marta de Cidrac étaient rapporteures. Ce travail avait notamment constaté un net recul de la représentation des femmes dans ces médias au cours du dernier confinement.

Mme Dominique Vérien. - En effet, notre rapport avait pointé un effondrement de la place des femmes s'exprimant en tant qu'expertes de la crise sanitaire dans les médias audiovisuels pendant le premier confinement. Marta de Cidrac et moi-même avons rencontré notre collègue députée Céline Calvez, qui a fait un travail similaire sur la place des femmes dans les médias pendant la crise sanitaire. Son rapport a pointé les difficultés qui prévalent dans la presse écrite, avec l'absence de statistiques spécifiques relatives à la présence des femmes, contrairement aux obligations auxquelles doivent se soumettre les médias audiovisuels, sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Une des citations clés de notre rapport est précisément qu'il faut « compter les femmes pour que les femmes comptent » : si ce « slogan » s'applique aux médias audiovisuels, la presse écrite ne tient aucune statistique de la présence des femmes, ce qui est problématique. Il est donc important de maintenir notre vigilance.

Mme Laurence Cohen. - Concernant les auditions que nous pourrions mener, j'aimerais proposer celle de l'association Osez le féminisme, dont j'ai rencontré des représentantes il y a quelques semaines et qui travaille sur la question de la pornographie et de la traite des femmes. Cette association s'inquiète de la présence de femmes plus en plus jeunes sur les tournages de films pornographiques. Elle est notamment à l'origine de la plainte contre Jacquie et Michel qui produit ce genre de films en ayant recours à de très jeunes femmes confrontées au risque de viols collectifs sur les plateaux de tournage. Le Sénat a voté, avant l'été, une disposition pour interdire l'accès de la pornographie aux mineurs2(*), mais il me semble que le décret d'application de cette mesure n'est pas paru à ce jour. L'exposition des mineurs à la pornographie n'est pas sans conséquences sur les violences sexuelles, car on sait que des jeunes vivent leur sexualité à l'aune des images qu'ils voient dans ces films. Or ces images renvoient à une conception violente de l'acte sexuel. Nous pourrions donc recevoir des représentantes de cette association.

Mme Victoire Jasmin. - Je souhaiterais également que notre délégation travaille sur les problématiques liées à la prostitution. J'ai récemment rencontré une jeune femme issue du milieu de la téléréalité qui aide aujourd'hui des jeunes à sortir de la prostitution. Son témoignage est éclairant.

Mme Annick Billon, présidente. - Je remercie l'ensemble de nos collègues pour toutes ces propositions très intéressantes. Nous déciderons de notre programme quand tous les groupes auront pu participer à ce débat.

S'agissant par ailleurs des aspects événementiels de notre agenda, j'indique à l'attention de nos nouveaux membres que la délégation organise traditionnellement chaque année des événements à deux occasions : le 25 novembre, journée dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes, et le 8 mars. Les manifestations que nous organisons ont toujours du succès et rassemblent généralement beaucoup de monde. Elles ont également un fort retentissement dans nos territoires.

En tout état de cause, la crise sanitaire ne nous permet pas, cette année, de programmer des manifestations ouvertes au public. Le calendrier de ce début de session rend par ailleurs difficile l'organisation d'une manifestation pour le 25 novembre. Il nous faudra donc peut-être réfléchir à une initiative, le 8 mars, qui s'accommode des contraintes actuelles, même s'il est encore trop tôt pour savoir ce qu'il sera possible d'envisager à cette date.

Je vous remercie pour votre participation active à ces échanges et proposerai prochainement un rendez-vous aux membres du bureau.


* 1 N° 602, 2019-2020.

* 2  Amendement n° 92 rect.de la sénatrice Marie Mercier, rapporteure au nom de la commission des lois, voté le 10 juin 2020, dans le cadre de l'examen au Sénat de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales. Cet amendement a institué une nouvelle procédure destinée à obliger les éditeurs de sites pornographiques à mettre en place un contrôle de l'âge de leurs clients. À défaut de mise en place par ces sites d'un système d'authentification permettant d'interdire la consultation de leurs contenus gratuits aux mineurs, leur accès pourra être bloqué.