Mardi 22 octobre 2019

La réunion est ouverte à 17 h 15.

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

Situation en Irak et en Syrie - Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

M. Christian Cambon, président. - Monsieur le ministre, vous revenez d'Irak et j'ai souhaité que la commission puisse vous entendre au sujet des djihadistes détenus dans les camps kurdes et de votre proposition de les faire juger en Irak, si besoin par des instances internationales. Sur ce plan, quel a été le résultat de votre visite ?

Le coordonnateur des juges antiterroristes a, quant à lui, appelé à judiciariser ces criminels en France. Quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. - J'ai accepté volontiers de partager avec vous quelques remarques sur la Syrie et l'Irak.

Je reviens d'un déplacement en Irak et dans le Kurdistan irakien qui avait d'abord pour objectifs de marquer publiquement le soutien de la France à l'Irak, rapidement, car c'est le pays dans lequel le risque d'une résurgence de Daech est le plus élevé, et d'évoquer la situation des Kurdes avec les autorités du Kurdistan autonome.

Cette démarche a été très appréciée par mes interlocuteurs : le président irakien, M. Saleh, le Premier ministre M. Abdel-Mehdi et le ministre des affaires étrangères, ainsi que, au Kurdistan, le président en exercice, M. Netchirvan Barzani, son Premier ministre, M. Masrour Barzani et le patriarche, Massoud Barzani.

J'ai ressenti une inquiétude légitime chez mes interlocuteurs, parce que l'Irak traverse une crise politique qui n'est pas encore réglée et qui a donné lieu à des affrontements début octobre, lesquels ont fait des victimes. Cette crise a bousculé le gouvernement, d'autant que ces manifestations - comme celles qui se déroulent en ce moment même au Liban - ne coïncident pas avec les lignes de fractures ethniques et religieuses.

Le pays est donc fragilisé. Je vous rappelle que son Premier ministre est un ami de la France, qu'il est francophone et qu'il a engagé un rapprochement avec les autorités kurdes, ce qui permet une relation « déconflictée » entre le Kurdistan et les autorités irakiennes.

Je n'ai pu que constater que tous les acteurs étaient en train d'assumer le changement de posture des États-Unis. La donne a changé. La France reste toutefois un interlocuteur essentiel.

En outre, les acteurs que j'ai rencontrés considèrent tous que la guerre contre Daech peut reprendre. L'état de clandestinité du mouvement en Irak lui permet de monter une organisation souterraine en particulier dans les régions sunnites, qui alimente sa résurgence.

S'agissant des djihadistes emprisonnés, l'erreur serait de ne parler que des étrangers. Des milliers de combattants sont détenus dans l'est du Nord-Est syrien, parmi lesquels des combattants étrangers originaires de 72 pays différents, dont des Français. Ils sont donc syriens et, très majoritairement, irakiens. Ces combattants ont lutté jusqu'à la fin, dans les dernières batailles contre la coalition.

Damas et les Kurdes syriens se sont rencontrés et se sont entendus. Le régime syrien a déployé des soldats dans la partie ouest du Nord-Est, afin d'éviter aux Forces démocratiques syriennes (FDS), de se trouver sous le feu turc. Ils ont passé un accord. Ce n'est pas un accord politique pour l'instant, c'est un accord de protection et de sécurité.

Ceci me fait dire qu'on assiste au début de la récupération, par le régime de Damas, de la zone que l'on appelle le NES - pour nord-est syrien -, à la suite du retrait américain.

Les Kurdes syriens sont en relation avec les Kurdes d'Irak, d'autant que 3 000 personnes environ ont déjà gagné le Kurdistan irakien depuis la Syrie et se sont installées dans des camps mis en place par les autorités de la province autonome.

Nous sommes, quant à nous, toujours en relation avec les FDS, malgré la nouvelle donne que constitue l'accord conclu avec le régime syrien.

S'agissant de la reconstruction de l'Irak après la chute de Daech, elle avance lentement. Le Premier ministre a décidé de prendre le taureau par les cornes pour accélérer le retour à la vie normale en matière d'eau et d'électricité. C'est important, car, faute d'un retour à une vie normale, les populations sont particulièrement sensibilisées aux messages qu'envoie Daech à ce sujet.

L'Irak fait face au risque, que le Gouvernement craint beaucoup, d'une connexion entre l'organisation clandestine de Daech en Irak et les djihadistes combattants emprisonnés, auxquels s'ajoutent les 30 000 ou 40 000 déplacés qui se trouvent dans des camps, y compris des familles de combattants, les femmes venues de tous horizons dont de France. Pour les Irakiens, la priorité n'est pas les Français, mais bien ces  milliers de combattants et le risque d'un lien avec les sympathisants. Ils essaient donc de trouver les voies d'une sécurisation de leur situation.

Je n'ai pas d'information sur le résultat des discussions que tiennent actuellement MM. Poutine et Erdogan à Sotchi. L'accord entre MM. Pence et Erdogan ne porte que sur une zone de 30 kilomètres de profondeur au nord de la route nationale 4, et de 130 à 150 kilomètres de long. On ne sait pas ce qu'il en sera, d'autant que le cessez-le-feu arrive à son terme ce soir. Les FDS, quant à elles, se sont repliées, mais annoncent leur volonté de poursuivre le combat.

La situation est donc grave et la donne a beaucoup changé.

M. Christian Cambon, président. - Nous avons assuré les Kurdes de notre soutien, mais qu'en sera-t-il si ceux-ci se tournent vers Bachar al-Assad ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Avec cet accord, ils garantissent seulement le minimum sécuritaire, avec la complicité du régime syrien et des Russes, en prenant bien soin de préciser qu'il ne s'agit pas d'un accord politique, car ils doivent se protéger face à la rupture que constitue la décision américaine de retirer leurs forces,. Il ne s'agit en aucune manière d'un accord politique. Nous continuons donc à entretenir des relations avec les FDS, ainsi qu'avec les autorités kurdes d'Irak.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je m'inquiète de la situation des djihadistes emprisonnés. Sommes-nous certains que le déploiement des forces syriennes sera suffisant pour les maintenir en prison ?

S'agissant de leur jugement, nous avons voté une proposition de résolution défendue par Bruno Retailleau visant le renforcement de la justice irakienne afin de les juger sur place. Vous-même avez proposé qu'ils soient jugés sur place. Est-ce réalisable ? Ce transfert lourd est-il possible vers ce pays qui, si j'en crois mes propres observations, n'est pas encore très solide ? La fragilité des institutions que vous décrivez est, à ce titre, inquiétante.

M. Joël Guerriau. - On dit que Daech a été défait, mais, à mon sens, tant que l'on n'a pas arrêté le chef ennemi, le danger existe toujours !

Sur les combattants, j'ai une position qui paraîtra peut-être provocatrice : ils ont combattu la France au nom de Daech, ils ont donc à mes yeux quitté la nationalité française et ne sont que des ressortissants de l'État islamique. À mon sens, ces gens ne sont pas français.

M. Bernard Cazeau. - Nous avions perçu l'instabilité du pouvoir irakien dans les difficultés que le Premier ministre avait rencontrées pour former son gouvernement. Ces dernières semaines, des troubles importants se sont produits, dont vous dites qu'ils n'avaient pas de motifs religieux. S'agissait-il de crimes déguisés ? On a parlé, par exemple, de snipers. Y avait-il la volonté de déstabiliser un gouvernement qui n'aurait pas de majorité suffisante ?

Mme Hélène Conway-Mouret. - Peut-on espérer une réaction européenne ? Qu'en est-il, sur ce plan, de vos contacts avec vos homologues européens ? L'Europe peut-elle peser dans l'OTAN et préparer une réaction plus forte que celle qui a été exprimée à Londres il y a une dizaine de jours ? M. Macron est certes très actif, mais l'Europe pèse d'un poids plus lourd que la seule France.

Mme Christine Prunaud. - Vous avez évoqué la nouvelle donne en matière d'alliances après l'offensive turque. A-t-il été question, au cours de vos contacts, de la pérennisation du Rojava ? Ce territoire restera-t-il l'axe principal de notre défense des Kurdes ? Je crains qu'avec la mise en place de la zone de sécurité, les Kurdes soient pris en étau et que ce territoire leur soit subtilisé.

Mme Sylvie Goy-Chavent. - Il y a 60 combattants français incarcérés. Avez-vous plus d'informations à leur sujet ? Dans les camps dont vous parlez, combien y a-t-il de femmes et d'enfants ? Il semble que certaines personnes se soient déjà échappées, avez-vous des informations sur ce point ? Avez-vous engagé des contacts avec vos homologues pour envisager un effort de protection des Français contre d'éventuelles représailles ?

M. André Vallini. - Ma question est simple, monsieur le ministre : à quoi sert encore l'OTAN ?

M. Yannick Vaugrenard. - L'Irak assume donc le changement américain, mais peut-on envisager une nouvelle guerre contre Daech sans les Américains ? Les prémisses du désengagement américain remontent à la décision de M. Obama de ne pas agir après les bombardements chimiques menés par Damas. La France et l'Europe vont-elles rester spectatrices ou adopter une autre posture ? L'Europe représente tout de même le troisième ensemble démographique et la deuxième puissance économique au monde, peut-on imaginer, indépendamment du Brexit, un rapprochement entre la Grande-Bretagne et la France pour peser dans ce nouvel ordre mondial ?

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Vous décrivez un Premier ministre fragilisé et vous affirmez que le changement d'attitude américaine chamboule tout et entraîne des bouleversements d'alliances. Comment avez-vous perçu ce changement d'alliance ?

S'agissant de Daech, pouvez-vous nous indiquer comment la France anticipe les évolutions à venir ?

M. Hugues Saury. - Quelles sont, d'après vous, les conséquences de ce revirement d'alliances inédit en ce qui concerne la confiance envers l'occident après le retournement américain et une certaine forme d'impuissance européenne ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Tout d'abord, je reste prudent : je ne vous communique que mes impressions à l'instant T, mais la situation peut évoluer d'un jour à l'autre.

S'agissant du problème géographique, la partie sud du Nes n'appartient pas au Rojava qui ne se limite pas à la partie occupée par les Turcs ; le territoire kurde syrien continue à exister, même amputé de 30 km de profondeur, et même si la volonté du président Erdogan est d'y installer les réfugiés syriens arabes, ce qui pose d'autres problèmes.

Vous m'avez interrogé sur l'OTAN. Même si la Turquie en est membre, ce n'est pas un sujet qui concerne directement l'Alliance.

En revanche, nous avons demandé la réunion de la coalition contre Daech, dont le principe a été adopté le lundi suivant par les 28. Aujourd'hui, tout le monde la demande, comme en témoignent les déclarations des Irakiens, des Saoudiens ou des Émiratis. Les États-Unis ont admis le principe d'une telle réunion. La France joue dans ce processus, un rôle de pilotage et d'incitation.

Il reste toutefois qu'un trouble s'est fait jour dans la relation transatlantique, Un sommet de l'OTAN prendra place à Bruxelles dans les semaines qui viennent, qui permettra d'évoquer l'état de cette relation en présence de M. Trump.

De ce point de vue, monsieur Yannick Vaugrenard, il me semble en effet que nous devons mobiliser l'Europe, et j'en discute avec le Président de la République. Ce trouble dans la relation transatlantique nous interroge tous et impose un sursaut de la solidarité.

Si nous ne nous prenons pas en main, quelle crédibilité nous restera-t-il ? Mes interlocuteurs me disent : « que voulez-vous que nous fassions ? Nous devons penser avant tout à notre sécurité. » C'est compréhensible. L'Irak a beaucoup donné ces dernières années.

C'est un moment majeur dans la relation entre les puissances, qui introduit une rupture de l'ordre international issu de 1945. L'Europe doit prendre conscience de ces enjeux et s'organiser, car la France seule ne le peut pas. Nous avons adopté une posture très ferme vis-à-vis des Turcs, mais nous devons conserver un moyen de leur parler et être attentifs à ce qu'ils veulent faire.

M. Joël Guerriau, je n'ai, quant à moi, jamais dit que Daech était mort. J'ai pu évoquer la défaite du califat territorial, après les dernières batailles du mois de mars, mais M. Baghdadi n'a pas été arrêté et Daech n'a pas disparu.

S'agissant des détenus, l'essentiel est pour l'instant resté sous contrôle. La sécurité des zones sensibles est assurée, sauf à Aïn Issa où un camp est séparé en deux, avec des femmes et des enfants de djihadistes d'un côté et des réfugiés de l'autre. Dans ce camp, des mouvements se sont produits il y a trois jours, des femmes sont parties, certaines sont ensuite revenues, je n'ai pas d'information plus complète. Avec l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède, nous discutons de manière approfondie avec l'Irak du traitement des combattants. Nous sommes ainsi en contact avec les autorités politiques, judiciaires, pénitentiaires pour élaborer un dispositif de judiciarisation.

Cela ne se produira pas dans l'immédiat, mais nous avons l'expérience de mécanismes antérieurs et nous travaillons sur cette hypothèse. Les Irakiens sont compréhensifs et coopératifs, mais leur préoccupation majeure reste les  milliers de djihadistes. Quoi qu'il en soit, du fait de l'histoire et de la confiance que nous avons construite, nous sommes en bonne position. Certains mouvements locaux ne sont toutefois pas favorables à ce processus, mais cela relève de questions internes au gouvernement irakien.

Les manifestations récentes, qui ont fait des morts, n'opposaient pas simplement les Chiites aux Sunnites. Il s'agissait plutôt d'un soulèvement populaire contre le Gouvernement en général, et la corruption.

M. Pierre Laurent. - Le coordinateur du pôle anti-terroriste en France a déclaré qu'il vaudrait mieux que chaque pays rapatrie ses ressortissants pour les juger, y compris pour des raisons de sécurité.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Je vous suggère de l'interroger sur ce sujet et de lui demander comment il ferait. J'ai été surpris de cette déclaration.

M. Christian Cambon, président. - La Belgique, d'après M. Trump, souhaite récupérer les siens. Si chacun agit en ordre dispersé...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Ce n'est pas simple. Nous avions sorti dix-sept enfants dans le passé. Je ne me hasarderais pas à envoyer des diplomates traiter ces questions, tant le terrain est devenu dangereux. La confiance envers la France n'est pas touchée, au contraire. L'Europe sera-t-elle à même de relever ce défi ? On peut être optimiste. Peut-être un prochain accord va-t-il permettre la sécurisation de la zone. Il n'empêche que des actes ont été posés, ce qui posera à l'avenir un problème de crédibilité. Il y a aussi des invraisemblances. M. Trump a dit qu'il n'irait pas séparer Turcs et Syriens à 11 000 kilomètres des États-Unis. Après le 11 septembre, l'article 5 de l'OTAN a été mobilisé pour la seule fois de l'histoire de l'Alliance. Nous étions là, nous avons franchi les 11 000 km pour intervenir en Afghanistan. Et nous avons eu des morts.

M. Christian Cambon, président. - Merci pour ce point de situation.

Projet de loi de finances pour 2020 - Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

M. Christian Cambon, président. - Nous entendons l'exposé du ministre aujourd'hui, et remettons les questions à une réunion ultérieure.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Le budget de mon ministère pour 2020 passe pour la première fois le seuil des 5 milliards d'euros, en hausse de 138,5 millions d'euros, soit 3 %, par rapport à la loi de finances initiale de 2019. Il se décompose en deux parties : 2,87 milliards d'euros pour la mission « Action extérieure de l'État », dont les crédits augmentent de 2,3 millions d'euros, et 2,14 milliards d'euros pour le programme 209 « Aide publique au développement », en hausse de 136 millions d'euros.

Nous menons une réforme des réseaux de l'État à l'étranger dans le cadre du programme « Action publique 2022 » pour améliorer l'efficacité de notre action. Cette réorganisation place le Quai d'Orsay au centre du jeu, puisque la gestion des emplois de soutien et des crédits de fonctionnement de tous les réseaux internationaux de l'État est désormais unifiée sous sa seule responsabilité. Cela met un terme à une gestion en silo des ressources humaines. Très concrètement, nous mutualisons les chauffeurs, les secrétariats, etc. Cette réforme s'est traduite par le transfert sous le plafond d'emplois du ministère, au 1er janvier 2019, de 387 emplois et de leur masse salariale.

Nous unifions également la gestion des crédits de l'État à l'étranger. Mon ministère est affectataire depuis cette année de l'ensemble du parc immobilier de l'État à l'étranger, et gère également les parcs de véhicules. Les frais de fonctionnement correspondant sont d'environ 15 millions d'euros. Cette réorganisation renforce la cohérence de l'action interministérielle de nos ambassadrices et nos ambassadeurs, et nous aide à maîtriser l'évolution de notre budget. Mon ministère a travaillé avec sérieux et loyauté pour dégager les économies prévues dans le cadre de cette réforme. Son plafond d'emplois se trouve ainsi ramené à 13 524 emplois l'an prochain, soit une économie de 15 millions d'euros sur la masse salariale.

L'année dernière, j'avais été interpellé sur l'éventualité d'une cible initiale de 10 %. Grâce à votre détermination, nous avons pu réduire cette cible à 5,5 % de la masse salariale. Au total, les crédits de personnel s'élèveront à 977 millions d'euros en 2020, soit moins d'un cinquième du budget du ministère des affaires étrangères. Leur hausse de 1,6 % peut surprendre, alors que le nombre d'emplois diminue. Ce phénomène n'est pas propre à mon ministère, puisque le nombre d'emplois de l'État a diminué de plus de 10 % en dix ans quand la masse salariale a augmenté dans le même temps de 10 %. Or, sur la période 2008-2018, la masse salariale de mon ministère n'a progressé que de 8,7 %, en raison de diverses mesures catégorielles et du GVT.

Un autre élément doit être pris en compte : les trois quarts des agents du ministère sont en poste à l'étranger, où ils sont exposés aux effets d'une inflation supérieure à celle que nous connaissons en France : entre 2008 et 2018, l'inflation mondiale a dépassé 48 %, contre 15 % chez nous. La dépréciation de l'euro a également gonflé notre masse salariale. Il s'agit de facteurs exogènes sur lesquels nous n'avons guère prise.

Toutefois, nous avons intégré l'inflation dans les chiffres de la masse salariale qui vous seront présentés, et nous allons constituer une provision reflétant les sommes que nous estimons nécessaires pour préserver le pouvoir d'achat des agents du ministère compte tenu de l'inflation. J'aurais pu repousser la concertation à la fin de l'année, mais il me semble de bonne gestion d'inscrire ces sommes, que nous estimons à 15 millions d'euros, dans le budget initial que je vous présente aujourd'hui. Deuxième élément nouveau, confirmé par le Premier ministre dans sa lettre-plafond : le risque d'une perte de change en gestion sera couvert en fin d'année par la mobilisation de notre réserve de précaution. Nous avons passé un accord avec le ministère des comptes publics. S'il y a une perte, nous serons couverts ; un gain, nous rembourserons ! C'était une revendication que nous avions depuis très longtemps.

Les crédits du programme 105, consacré à l'action de la France en Europe et dans le monde, sont maintenus à 1,13 milliard d'euros. Ceux du programme 151, consacré aux Français à l'étranger et aux affaires consulaires, se maintiennent également, avec 136 millions d'euros hors dépenses de personnel. Ceux du programme 185, consacré à la diplomatie culturelle et d'influence, augmentent, hors dépenses de personnel, de 18 millions d'euros pour atteindre 643 millions d'euros. Si les moyens de notre réseau diplomatique et consulaire sont stabilisés, ceux de notre politique d'influence sont en hausse.

Les crédits de fonctionnement des services centraux et des postes dans le programme 105, de 354 millions d'euros, sont en légère hausse de 1,3 %. La réforme des réseaux de l'État nous permet de dégager une économie de 3 millions d'euros sur les moyens de fonctionnement, notamment grâce à la renégociation des contrats de prestation de service, désormais unifiée par nos ambassades, ce qui fait par exemple baisser le coût de nos factures de téléphone, ou grâce à la rationalisation du parc automobile. Nous avons aussi intégré dans ces crédits la compensation du différentiel d'inflation entre la France et le reste du monde, au bénéfice du fonctionnement des postes à l'étranger. Cette mesure a été établie très rigoureusement sur la base des anticipations d'inflation du FMI. Il s'agit d'une mesure complémentaire à la couverture des risques de change.

Comme vous me l'aviez demandé l'an dernier, j'ai veillé à augmenter les moyens de l'entretien de notre patrimoine exceptionnel à l'étranger. Le budget immobilier passe de 72 à 80 millions d'euros, soit une augmentation de 9 %. Cette mesure nous permettra d'agir face à la dégradation de nos biens immobiliers et au ralentissement des cessions immobilières à l'étranger qui réduit l'abondement de crédits au profit du programme 723 correspondant au compte d'affectation spéciale. Comme je m'y étais engagé, nous avons stoppé l'hémorragie de nos biens immobiliers à l'étranger, dont je considère qu'ils constituent des outils de travail majeurs, jouant un rôle indéniable en termes d'influence et d'attractivité. Le plan de sécurisation de nos ambassades et de nos lycées sera poursuivi en 2020. Pour mémoire, 100 millions d'euros ont été rendus disponible à cette fin en 2019 et 2020 sur des crédits non budgétaire du compte d'affectation spéciale 723 de la direction de l'immobilier de l'État. Nous avons dégagé des moyens pour achever la sécurisation de nos implantations à l'étranger qui devrait être achevée en 2020, 2021 au plus tard.

En 2020, nous prévoyons de vendre pour 30 millions de biens immobiliers à l'étranger, ce qui devrait nous permettre de poursuivre les investissements nécessaires par le biais de ce compte d'affectation spéciale. Cela dit, nous devons réfléchir au financement de notre politique immobilière après 2021 : nous ne pouvons pas vendre indéfiniment nos emprises majeures à l'étranger. La sécurisation sera financée, mais il faudra bien entretenir ce patrimoine à l'étranger, sans plus vendre. Si le Sénat a des suggestions.

M. Christian Cambon, président. - Nous connaissons bien ce sujet !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - C'est un sujet que j'ai trouvé en arrivant. La méthode consistant à vendre les bijoux de famille n'est plus acceptable, et je me suis opposé à certaines ventes. Il faudra trouver d'autres solutions.

Les crédits de la diplomatie culturelle et d'influence sont en hausse de 3 %. J'ai fait stopper leur baisse continue et je les ai fait remonter depuis ma prise de fonction. En effet, dans un contexte de concurrence exacerbée au plan international, la diplomatie culturelle devient une diplomatie stratégique. Nous voulons donc continuer l'enseignement et la diffusion de notre langue et de notre vision de la culture, et défendre nos industries culturelles et créatives. Je sais l'attention que vous portez chaque année aux moyens alloués à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Ils ont augmenté de 24,6 millions d'euros, et notre subvention à l'opérateur atteindra 408 millions d'euros. J'avais dû subir 33 millions d'euros de réduction en 2017 : nous revenons à une meilleure situation. J'ai présenté avec Jean-Michel Blanquer un plan de développement de l'enseignement français à l'étranger, qui a pour objectif d'accueillir davantage d'élèves en élargissant le cercle des partenaires, et d'alléger les procédures d'homologation, même si elles resteront exigeantes. Nous disposerons de 1 000 titulaires supplémentaires, qui vont être rapidement détachés, et pourrons mobiliser des ressources locales. Le Président de la République souhaite que nous doublions le nombre d'élèves dans ces établissements d'ici à 2030. C'est un enjeu considérable.

Le montant des bourses au bénéfice des étudiants étrangers sera maintenu au même niveau que l'an passé, et nous consacrerons les deux tiers des crédits du programme 105 aux contributions européennes et internationales. La réduction du coût des opérations de maintien de la paix, avec la fermeture de celles déployées à Haïti et dans le Darfour, compensera la hausse de nos contributions aux organisations internationales, européennes - comme le Conseil de l'Europe - ou d'influence - comme le soutien de nos compatriotes et des jeunes experts associés dans les organisations internationales.

Nos Français résidents ou de passage à l'étranger constituent aussi un vecteur d'influence et d'attractivité considérable. Nous poursuivrons la modernisation de notre action consulaire pour leur assurer un meilleur service public, grâce à une dématérialisation accrue de leurs démarches administratives. Nous avons quatre projets emblématiques : le vote par Internet, France visas, qui sera pleinement opérationnel fin 2021, le registre d'état civil électronique, qui sera opérationnel fin 2022, et le centre de réponse téléphonique et courriel unique. La numérisation des actes d'état civil dégagera des économies et permettra un meilleur service, en évitant aux Français d'avoir à effectuer parfois plusieurs centaines de kilomètres pour venir chercher tel ou tel acte d'état civil.

Je vous confirme que l'enveloppe des bourses scolaires sera préservée à hauteur de 105 millions d'euros. En cas de besoin, la soulte accumulée par l'AEFE grâce à la sous-consommation de ses lignes les années passées permettra de couvrir les besoins. J'avais évoqué cette question que je sais sensible l'année dernière et je reste attentif à ce sujet.

Je rappelle enfin que les agents de mon ministère rapportent au budget de l'État des recettes grâce aux droits de visa. Celles-ci s'élevaient à 139 millions d'euros l'an passé, dont 3 % sont utilisés pour financer le recrutement des vacataires dans les services de visas et la promotion des destinations françaises à l'étranger via Atout France.

La seconde mission budgétaire de mon ministère a trait à notre aide publique au développement (APD). L'APD correspond à l'agrégation de dépenses très diverses, dont le recensement obéit à des standards précis de l'OCDE. Parmi ces dépenses figurent celles relatives aux réfugiés, à la recherche dans le domaine du développement, d'autres programmes budgétaires ministériels, des flux financiers, les prêts de la France, des dépenses relevant d'autres entités publiques que l'État - par exemple la part française du financement transitant par l'Union européenne, par la coopération décentralisée, par les agences de l'eau... Les programmes 110 et 209 représentent environ un tiers des crédits du total de l'APD.

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » est géré par le ministère de l'économie et des finances. Ses autorisations d'engagement (AE) s'élèvent à 4,48 milliards d'euros, et ses crédits de paiements (CP) à 1,14 milliard d'euros. Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » est sous ma responsabilité. Hors dépenses de personnel, il représente 2,68 milliards d'euros d'AE et 1,98 milliard d'euros de CP, soit plus de 50 % de notre budget. Les CP sont en hausse de 128 millions d'euros par rapport à 2019, soit 7  %. Cette progression nous permettra de poursuivre une trajectoire ascendante de l'APD, avec pour objectif d'y consacrer 0,55 % de notre richesse nationale en 2022, conformément à l'engagement du Président de la République rappelé encore fin août lors de la conférence des ambassadeurs. Nous avons déjà redressé notre trajectoire, qui avait atteint son niveau le plus bas en 2016, avec 8,6 milliards d'euros. En 2018, nous avons réalisé 10,3 milliards d'euros, soit 0,43 % de notre PIB.

Les priorités de 2020 seront fixées par le comité interministériel de la coopération internationale du développement. Y figureront en bonne place le climat, la santé, l'éducation, la prévention des crises et l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous conservons les mêmes choix géographiques, l'Afrique, notamment, qui compte que dix-neuf pays prioritaires, mais aussi les pays en crise. Comme je m'y étais engagé l'année dernière, nous procéderons en 2020 à un rééquilibrage des grands thèmes, des acteurs, des bénéficiaires et des instruments de notre APD pour rendre notre action de solidarité plus cohérente avec nos priorités politiques : d'une part, à travers un effort conséquent en faveur des organisations internationales et des ONG ; d'autre part, grâce au recours privilégié aux instruments directement disponibles pour le réseau diplomatique, avec une augmentation de l'aide humanitaire et des Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), qui sont à la main des ambassadeurs.

L'action que nous menons grâce au programme 209 repose sur une logique triple. Notre action bilatérale nous permet de projeter dans le monde nos priorités géographiques et sectorielles et de peser sur les décisions de nos partenaires. Pour rétablir les leviers d'action directe de la France sur nos priorités géographiques et sectorielles, nous poursuivons cette année la dynamique que j'avais déjà exposée l'année dernière qui consiste à renforcer la composante bilatérale de notre APD d'ici 2022. Nous maintenons l'objectif d'allouer les deux tiers de la hausse des AE de la mission APD à des objets bilatéraux, et un tiers à la coopération multilatérale. En effet, j'ai constaté en arrivant que l'essentiel allait au système multilatéral et que nous n'avions plus la maîtrise de notre propre action ! J'ai donc inversé cette logique.

Nous augmentons les moyens consacrés aux projets directement initiés par les ambassades, qu'on appelle les FSPI, qui vont atteindre 60 millions d'euros, soit 36 millions de plus qu'en 2019. Cela permet aux ambassadeurs d'engager tout de suite des fonds, qui sont ensuite relayés par l'AFD.

M. Christian Cambon, président. - Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Par exemple, à Madagascar, nous contribuons au renforcement de la formation professionnelle par la professionnalisation de l'offre de formation immédiate - qui bénéficie du FSPI - et par la création d'une école d'ingénieurs utilisant l'alternance - financée par l'AFD - ce qui crée un cheminement beaucoup plus efficace et rapide. Vous savez en effet que la mise en oeuvre des moyens de l'AFD prend du temps, qui correspond au délai d'ouverture des autorisations d'engagement, soit deux à trois ans parfois. L'articulation FSPI-AFD permet de gagner en réactivité.

Deuxième inflexion importante à notre aide bilatérale : l'aide humanitaire va bénéficier d'un effort budgétaire de 100 millions d'euros supplémentaires, comme l'a souhaité le Président de la République, et transitera par divers canaux, qui ne sont pas uniquement bilatéraux, comme le fonds d'urgence humanitaire, qui dépend du centre de crise, ou les contributions au volant multilatéral de l'aide alimentaire européenne. Ses crédits sont en hausse de 100 millions d'euros, et atteignent ainsi 155 millions d'euros.

Enfin, la priorité à l'aide bilatérale se traduit par une nouvelle augmentation, mais à un rythme moins soutenu, des moyens alloués à l'AFD au titre de l'aide-projet, qui reste notre ligne centrale d'aide bilatérale. Ceux-ci atteignent un milliard d'AE, soit un doublement par rapport à 2018, mais un niveau plus faible qu'en 2019. Je vous rappelle que la progression à surveiller est celle des CP. Ils atteindront 475 millions d'euros en 2020, auxquels s'ajouteront les 186 millions d'euros de crédits extrabudgétaires imputé sur le fond de solidarité pour le développement, soit une hausse de 148 millions d'euros.

Je me suis engagé à ce que les subventions aux ONG augmentent. Elles dépasseront pour la première fois les 100 millions d'euros. Enfin, les crédits relatifs à la coopération décentralisée augmenteront de 24 %, conformément aux engagements que j'avais pris devant les élus : j'avais proposé un doublement d'ici à 2022, je suis cette trajectoire. Les collectivités territoriales sont particulièrement engagées dans le Sahel.

Le rapprochement entre l'Agence française de développement (AFD) et Expertise France sera inscrit dans le projet de loi de programmation sur le développement, qui en précisera les modalités. Je souhaite rendre le pilotage de l'AFD plus efficace, comme vous l'aviez réclamé avec force l'an dernier. C'est pour moi une priorité. Nos actions doivent servir nos priorités géographiques ou thématiques. Cela passe par une chaîne de pilotage renouvelée, depuis Paris jusqu'au terrain où la France met en oeuvre sa politique. Les ambassadeurs auront pleine responsabilité pour piloter l'équipe France : l'articulation doit se faire autour d'eux. Il n'y a pas les ambassadeurs d'une part et l'AFD d'autre part. Il y a « les ambassadeurs dont l'AFD ». Je vais mettre en place un comité de pilotage qui fera régulièrement le point sur notre politique de développement et l'activité de l'AFD.

M. Christian Cambon, président. - C'est très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Par ailleurs, je vais mettre en place sous mon autorité un comité de pilotage qui fera régulièrement le point sur notre politique de développement et l'activité de l'AFD. C'est une mesure importante qui vient, en partie, de vos propres recommandations. En matière de développement, il y a aussi la logique multilatérale. Nous sommes mobilisés pour renforcer le multilatéralisme : c'est l'un de mes thèmes politiques de référence. En 2020, notre soutien aux organisations internationales atteindra 292 millions d'euros en CP, soit 97 millions de plus que l'an passé. Il en va de la crédibilité internationale de la France. Ces crédits vont en soutien aux agences des Nations-Unies, en particulier celles qui sont engagées dans l'action humanitaire. Nous renforçons le financement du Haut-commissariat aux réfugiés et de l'Organisation internationale pour les migrations. Nous poursuivons nos efforts en faveur de l'éducation en accroissant notre contribution à l'Unesco, et nous augmentons notre appui à la nouvelle académie de l'Organisation mondiale de la santé lancée à Lyon lors de la mobilisation pour le Fonds mondial contre le Sida, avec l'ambition d'accueillir les professionnels mondiaux de la santé sur notre territoire à Lyon. Cette rencontre à Lyon a été très stimulante. Nous devons retrouver une diplomatie du développement de la santé. La France avait dans le passé une expertise reconnue dans ce domaine. Elle avait déclinée mais nous sommes en passe de retrouver cette influence grâce au Fonds mondial. Ce sera pour moi un thème majeur dans les mois à venir.

L'enveloppe consacrée aux autres contributions volontaires hors Nations Unies concerne les engagements dans différents forums : Partenariat mondial pour l'éducation, conférence de Pékin+25, et d'autres engagements, dont la francophonie, avec une contribution qui demeure à un niveau élevé de près de 48 millions d'euros. Plusieurs de nos contributions multilatérales dans le domaine de la santé, de l'éducation et du climat resteront, comme les années précédentes, financées partiellement ou totalement par le Fonds de solidarité pour le développement, qui est alimenté par deux taxes affectées : la taxe sur les transactions financières et la taxe sur la solidarité des billets d'avion. Ce sera en particulier le cas du Fonds vert pour le climat, dont la prochaine conférence de reconstitution se tient à Paris à la fin de cette semaine. Le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme est accru. Le Président de la République avait souhaité que soit atteint le chiffre de 14 milliards d'euros. C'est chose faite, après un combat auquel notre diplomatie a largement participé - la France augmentera sa part de 20 %. Nous participons aussi au Fonds européen de développement pour 842 millions d'euros. C'est un montant important, qui fait de nous le deuxième contributeur, ce qui nous permet de vérifier que nos priorités - l'Afrique, les pays les moins avancés ou la lutte contre le changement climatique - soient bien prises en compte dans le futur cadre financier pluriannuel.

M. Christian Cambon, président. - Merci de cette présentation. Les chiffres sont assez encourageants, notamment pour l'APD.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Nous nous reverrons avant le débat budgétaire. J'ai essayé de mettre en lumière les points les plus significatifs, notamment ceux sur lesquels votre commission m'avait interpellé l'année dernière.

M. Christian Cambon, président. - On voit que certains sujets avancent, notamment sur l'aide au développement. Quand la loi cadre nous sera-t-elle présentée ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Elle devrait passer prochainement au conseil des ministres et arriver au Parlement au début de l'année prochaine.

La réunion est close à 18 h 45.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Mercredi 23 octobre 2019

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Projet de loi de finances pour 2020 - Audition du général Philippe Lavigne, chef d'état-major de l'armée de l'air

M. Christian Cambon, président. - Mon général, nous sommes heureux de vous accueillir dans le cadre de cette audition sur le projet de loi de finances pour 2020. Vous nous parlerez sûrement de la situation des ressources humaines, qui constitue votre priorité, des grands programmes - transport ou chasse -, des drones, mais aussi de la modernisation de la dissuasion - futur missile, système de combat aérien du futur (SCAF).

Sans doute aborderez-vous aussi les problèmes d'infrastructures, du soutien, du maintien en condition opérationnelle (MCO), question à laquelle notre commission est toujours attentive. Nos rapporteurs ne manqueront pas de vous interroger à ce sujet.

Pour ma part, je voudrais vous adresser quatre questions plus particulières.

La première concerne l'avenir de notre base H5 en Jordanie, dans le contexte de l'intervention de la Turquie dans le Nord-Est syrien. Cette base retrouve une importance stratégique. Quel est votre point de vue à son sujet ? Une décision se profile-t-elle ?

Ma deuxième question porte sur l'accord de Toulouse entre Mme Merkel et le Président de la République, notamment sur les exportations du SCAF. L'arrangement qui semble avoir été trouvé vous convient-il ? N'y a-t-il pas encore quelques difficultés dans le détail ?

J'aimerais également vous entendre à propos du développement par les grandes puissances de vecteurs hypersoniques capables de pénétrer nos systèmes de défense. Est-ce préoccupant ? Comment la France va-t-elle y faire face ?

Enfin, ma dernière question touche à l'espace, qui devient une composante de l'armée de l'air. Vous allez vous-même en devenir chef d'état-major. Êtes-vous satisfait des moyens qui sont consacrés à ce nouveau commandement ?

Général Philippe Lavigne, chef d'état-major de l'armée de l'air. - Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'accueillir au sein de votre commission.

Il y a un an, je vous présentais mon projet pour l'armée de l'air, mon « plan de vol » et je vous faisais part de mon enthousiasme à prendre le commandes de cette armée de l'air dans une période très favorable et pleine de perspectives que nous n'avions pas connues depuis des années.

Un an après, mon enthousiasme reste entier. Le plan de vol se déroule conformément à la planification, grâce aux efforts et aux engagements pris en faveur de la défense.

Avant de revenir sur les belles réalisations opérationnelles et capacitaires que vous avez commencé à évoquer, j'ai une pensée pour le commandant Baptiste Chirié et la capitaine Audrey Michelon, tragiquement disparus le 9 janvier dernier, à bord de leur Mirage 2000, dans le Jura. J'ai également une pensée pour leur famille et leurs proches. Ils sont allés jusqu'au bout de leur engagement au service de la France.

Ceci nous rappelle l'importance de la préparation opérationnelle qu'effectue l'armée de l'air, comme la marine ou l'armée de terre, dans des conditions aussi proches que possible de celles rencontrées en opérations, ainsi que l'importance de la sécurité aérienne.

Ces deux sujets sont pour moi l'objet d'une attention permanente et constituent le fil rouge de mes priorités pour 2020.

Ces priorités s'inscrivent dans un nouveau contexte géopolitique et militaire, qui nous incite à développer de nouvelles stratégies, adaptées à de nouveaux champs de confrontation. Comme l'a rappelé devant vous Madame la ministre il y a quelques jours, le projet de loi de finances 2020 va nous permettre de poursuivre la remontée en puissance de nos armées, notamment de l'armée de l'air, pour continuer à assurer notre mission de protection des Français.

Revenons tout d'abord sur l'année 2019, qui est une belle année pour l'armée de l'air, marquée par le franchissement de jalons structurants sur des enjeux majeurs.

L'armée de l'air est encore, en 2019, au rendez-vous des opérations. Elle a la capacité de conduire l'intégralité du spectre des missions dans la troisième dimension, grâce aux 3 000 aviateurs et 90 aéronefs de l'armée de l'air qui sont engagés en permanence en mission opérationnelle, sur les théâtres extérieurs, sur le territoire national, ou en tant que forces de souveraineté et de présence, en Guyane ou à Djibouti par exemple.

Tout d'abord, l'armée de l'air participe à la protection du territoire national, en particulier de l'espace aérien et des points d'intérêts vitaux que sont par exemple les bases aériennes, mais aussi les centrales nucléaires. À l'heure où le trafic aérien se densifie considérablement - 12 000 aéronefs transitent chaque jour dans l'espace aérien français -, et où les petits vecteurs de type drones se multiplient, comme nous l'avons vu sur l'aéroport de Gatwick en décembre 2018), à l'heure où des avions à long rayon d'action russes descendent de plus en plus régulièrement le long de nos côtes, la capacité à détecter, identifier, voire engager est primordiale.

La posture permanente de sureté aérienne (PPS) assure la défense du territoire contre toute menace aérienne avec une grande réactivité.

Au premier semestre 2019, l'armée de l'air a réalisé 140 décollages sur alerte pour assister des aéronefs en difficulté ou contraindre ceux en infraction.

Elle a conduit cinq dispositifs particuliers de sûreté aérienne sur des évènements majeurs, comme Le Bourget, le 75e anniversaire du débarquement en Normandie ou le G7, mettant en oeuvre une combinaison de moyens air allant du commandement et du contrôle - radars, AWACS -, à l'alerte en vol - Rafale, Fennec -, en passant par la défense sol/air et le renseignement - drone Reaper -, en lien avec les forces de sécurité intérieures. Ce type de dispositif préfigure le combat collaboratif connecté, sur lequel je reviendrai dans la deuxième partie de mon intervention.

L'armée de l'air participe également à la mission de dissuasion au travers de la composante nucléaire aéroportée.

2019 a vu l'arrivée du deuxième MRTT Phoenix, le tir d'évaluation des forces d'un missile ASMPA sans charge nucléaire tiré par un Rafale au large de la côte Atlantique.

La dissuasion aéroportée repose désormais sur le couple Rafale/ASMPA-MRTT, dont la première capacité opérationnelle nucléaire a été signée le 3 octobre. Et elle a célébré, le 4 octobre dernier, 20 000 jours d'alerte sans interruption depuis 1964.

Dans le cadre de la fonction intervention, l'armée de l'air est présente de la BSS au Levant en passant par l'Europe, et ce depuis 2014.

Dans l'opération Barkhane, nous déployons un éventail complet de capacités - renseignement, surveillance, frappes, aérotransport et largage -, et nous nous appuyons sur des bases aériennes projetées, à N'Djamena et Niamey, qui constituent de véritables systèmes de combat modulaires et réactifs. Dans cette zone grande comme l'Europe, la mobilité aérienne joue un rôle central.

Capable de mener une opération en autonome, l'armée de l'air s'insère également dans des dispositifs interarmées et interalliés, comme l'illustre l'opération de juillet 2019, où trois Mirage 2000, un C-135, deux Reaper, un américain et un français, deux hélicoptères Tigre, une section de commandos et deux avions légers de surveillance et de reconnaissance ont neutralisé un dispositif ennemi de véhicules et de personnels armés.

Dans le cadre de l'opération Chammal, la composante aérienne représente l'effort majeur de la France, au travers d'un large éventail de missions.

Le dispositif déployé démontre, encore une fois, toute la pertinence de la base aérienne projetée en Jordanie et de la coopération interalliée, car nous travaillons aux côtés de nos alliés, notamment allemands, avec leurs capacités chasse et de ravitaillement en vol.

Si l'armée de l'air a joué un rôle déterminant dans la défaite territoriale de Daech, le combat n'est pas pour autant terminé. Une nouvelle période, incertaine, a débuté, où se mêlent de nombreux acteurs. Daech a basculé en mode insurrectionnel, retranché dans les déserts où l'arme aérienne conserve toute sa pertinence.

Ces succès en opérations sont rendus possibles d'une part grâce à la modernisation des équipements : il y a un an, je vous annonçais des perspectives de régénération et de modernisation, offertes par le projet de loi de finances pour 2019.

Au bilan, ont notamment été livrés en 2019 les derniers PC-21, le quinzième A400M, le premier KC-130J ravitailleur, trois drones Reaper (et la capacité d'armement arrive en fin d'année), un deuxième MRTT, un C-130 H modernisé, ainsi qu'un certain nombre de radars pour la PPS.

Sur le Rafale, la première capacité opérationnelle du standard F3R, équipé de missiles Meteor, sera déclarée en novembre 2019. Nous en avons déjà une vingtaine.

Nous avons également un deuxième ALSR en location, dans l'attente des deux que nous aurons en 2020.

Par ailleurs, je n'oublie pas les aviateurs, vraie richesse de notre système de combat. Après une déflation conséquente, de 30 % de ses effectifs entre 2008 et 2016, notre format croît de nouveau : nous avons compté 99 postes supplémentaires en 2019. Je reviendrai sur le sujet des ressources humaines qui est l'une de mes priorités pour l'année à venir.

Je ferai néanmoins un focus sur un sujet qui me tient à coeur : la connexion entre l'armée de l'air et la jeunesse, comme je l'avais inscrit dans mon « plan de vol ». En 2019, cinq escadrilles Air Jeunesse ont été créées à Salon-de-Provence, Évreux, Luxeuil-les-Bains, Dijon et Nancy. Elles ont pour but, sans se substituer à d'autres dispositifs existants, de développer les liens avec la jeunesse à travers l'aéronautique, les valeurs de l'aviateur, son histoire et ses traditions.

Pour terminer ce bilan de l'année 2019, je ne peux passer sous silence les jalons structurants que nous avons franchis, sur des sujets qui comptent parmi les priorités du ministère des armées : le 17 juin 2019, la signature au Bourget de l'accord de coopération entre la France, l'Allemagne et l'Espagne dans le cadre du programme SCAF jusqu'en 2030 et, le 3 septembre 2019, la création du commandement de l'espace. Je reviendrai sur ces sujets qui font partie de mes priorités pour 2020.

Ces décisions majeures sont motivées par les mutations de la guerre, que nous devons intégrer, car elles influeront sur nos besoins opérationnels et nos futures stratégies d'action. C'était la thématique de l'Université d'été de la défense 2019, à laquelle j'ai eu le plaisir de vous accueillir sur la base aérienne 702 d'Avord les 12 et 13 septembre derniers.

Ces mutations sont de deux ordres, celles liées à l'environnement - trafic aérien congestionné, multiplication des drones, comme déjà évoqué -, et au développement de stratégies de contestation de nos adversaires, après trente ans d'hyperpuissance occidentale. On parle ici de fugacité, d'ambiguïté, de ruptures technologiques telles que les armes à énergie dirigée, l'hypervélocité, la furtivité, la prolifération de moyens de déni d'accès, comme les chasseurs de sixième génération, l'émergence de systèmes de détection lointains et discrets, mais également l'espace exo-atmosphérique, qui fait lui aussi l'objet d'une contestation croissante. La supériorité aérienne et opérationnelle est désormais contestée.

L'armée de l'air, au service des opérations, doit donc s'adapter et prendre en compte ces nouveaux champs de confrontation. En conséquence, j'ai défini 5 priorités pour 2020.

La première, c'est la protection de l'espace aérien et des sites sensibles, enjeu de souveraineté pour la France, pour lequel l'armée de l'air dispose d'expertises et doit développer des capacités encore peu explorées. Les deux enjeux que j'identifie sont d'une part la lutte anti-drones, sur laquelle l'armée de l'air travaille au travers de programmes classiques, mais aussi dans le cadre de l'innovation en coopération avec l'Agence de l'innovation de la défense et Aéroports de Paris, pour expérimenter de nouveaux équipements et, d'autre part, le successeur du système de commandement et de conduite des opérations aériennes, au travers du programme ACCS de l'OTAN, qui a connu des difficultés et pour lequel 2020 sera une année clé pour en décider la poursuite.

Ma deuxième priorité concerne l'espace. Elle est portée au plus haut niveau et a été confiée à l'armée de l'air en juillet dernier. Un nouveau programme à effet majeur nommé « Maîtrise de l'espace » va être lancé. Il intègrera deux volets, la surveillance, que nous faisons déjà mais dont les moyens doivent être améliorés, et la défense active de nos satellites. Cette montée en puissance sera le fruit d'un travail d'équipe avec l'EMA, la DGA, le SGA et le CNES.

Cette approche collaborative est également celle qui guide les travaux sur le SCAF. C'est ma troisième priorité. Ce programme a été pensé pour répondre, en coopération, à l'évolution des menaces et à l'accélération du tempo des ruptures technologiques.

Au coeur du SCAF, se trouvera l'avion de combat, autour duquel s'agrégeront des capacités de commandement, de renseignement, et des effecteurs. Tous ces moyens seront aussi des capteurs. Je travaille actuellement avec mes homologues allemands et espagnols pour garantir la bonne prise en compte du besoin opérationnel dans les travaux menés au niveau politique, avec la DGA et les industriels. Les alliances sont en effet désormais primordiales pour disposer de la force militaire, en qualité et en quantité, lorsqu'elle est nécessaire. Le nombre redevient un élément décisif pour emporter une victoire.

Mes préoccupations sont aussi celles du quotidien, et notamment la disponibilité des moyens en service, permettant d'atteindre un niveau d'activité cohérent avec les missions qui nous sont confiées au regard de ses effectifs et moyens. La remontée de l'activité repose en partie sur la réussite de la réforme du MCO aéronautique, qui constitue ma quatrième priorité.

Ce sujet est primordial pour le succès des opérations, mais également pour la préparation opérationnelle et pour le moral du personnel.

Comme vous le savez, la ministre des armées a décidé la mise en place d'un plan de transformation afin d'améliorer la gouvernance et la performance du MCO aéronautique. La direction de la maintenance aéronautique (DMAé) a ainsi été créée en avril 2018.

L'armée de l'air est proactive et pleinement mobilisée aux côtés de la DMAé pour que ce plan de transformation soit un succès et qu'il amène des résultats positifs à la remontée de l'activité.

À ce titre, nous avons développé le projet NSO 4.0, qui vise à optimiser notre organisation, en constituant des équipes de maintenance pluridisciplinaires pour les chantiers. Il s'agit également d'optimiser l'ordonnancement des chantiers grâce à des systèmes d'information performants et à des méthodes de lean management.

Nous créons en outre des instances de dialogue permanentes réunissant tous les acteurs du MCO afin d'optimiser la maintenance en temps réel. Des premiers résultats ont déjà été enregistrés, comme la diminution de moitié du temps nécessaire à la dépose-remontage d'un moteur A400M et, sur C-160, un gain de quatre semaines sur les vingt semaines de durée moyenne d'une visite de maintenance.

Il nous faudra aussi continuer de disposer d'hommes et de femmes formés, en nombre nécessaire et suffisant, et que l'on parvienne à fidéliser. J'ai ainsi évalué à 11 150 le seuil minimal de mécaniciens militaires nécessaires à maintenir notre capacité. Il m'en manque mille aujourd'hui.

Ceci me permet une transition naturelle vers le sujet des ressources humaines. Pour mémoire, la LPM 2019-2025 a octroyé 1 246 postes à l'armée de l'air, mais cela reste éloigné des besoins souhaités, évalués à près de 3 000 postes, qui permettraient de réparer le présent et d'absorber l'apparition de métiers nouveaux, comme le cyber-renseignement ou l'espace.

Dans le même temps, nous faisons face à une recrudescence de départs non souhaités, leur nombre ayant doublé depuis 2015.

Ce phénomène peut en partie s'expliquer par l'ouverture des droits à pension pour les fortes cohortes recrutées au début des années 2000. Il est en revanche exacerbé par la surcharge de travail, les absences prolongées, les aspirations différentes des nouvelles générations et la concurrence du secteur privé. Il était donc impératif de trouver des leviers de fidélisation.

En parallèle du plan famille lancé par Mme la ministre, nous avons mis en place le méta projet DRHAA 4.0, qui vise à moderniser les politiques d'attractivité, de gestion et de fidélisation. Le défi est de taille : il s'agit de passer de l'incitation au départ à l'incitation à rester, de la gestion par flux à la gestion des compétences.

Pour cela, nous prenons en compte l'évolution de la société et des modes de vie, grâce au plan famille. Une crèche va par exemple être ouverte à Bordeaux-Mérignac.

La reconnaissance des spécificités d'emploi des aviateurs doit également être prise en compte au travers d'indemnités liées à des spécialités exposées. Un gros travail a déjà été commencé en 2019, avec par exemple l'obtention de la prime ATOM pour les militaires mettant en oeuvre des armements nucléaires et une prime de lien au service pour fidéliser certaines compétences duales très recherchées dans le secteur civil. Ce travail doit se poursuivre dans la perspective de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), prévue pour 2022.

Pour revenir sur le coeur du sujet pour lequel nous sommes aujourd'hui réunis ici, le projet de loi de finances 2020 offre des perspectives très favorables pour poursuivre le travail de régénération et de modernisation, en regard des priorités que je vous ai énoncées.

Ce PLF est conforme aux prévisions de la LPM et devrait permettre de suivre une trajectoire de remontée d'activité planifiée, que j'appelle de mes voeux.

Notre ressource est de 5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, couvrant la totalité des besoins exprimés en LPM. Nos crédits de paiements atteignent 2,3 milliards d'euros, hors surcoûts OPEX. L'armée de l'air a obtenu la quasi-totalité de ses demandes car elles s'inscrivaient dans les objectifs politiques de la ministre en termes de modernisation, d'innovation mais également de coopération, ainsi que dans la priorité opérationnelle donnée au renseignement.

Il est à noter que le volume élevé d'autorisations d'engagements est dû aux importants marchés pluriannuels liés à la verticalisation du soutien. Il faudra se montrer vigilant quant aux surcoûts possibles de ces marchés.

Les principaux équipements attendus dans l'armée de l'air en 2020 pour être au rendez-vous des opérations sont 40 Rafale au standard F3R - pod Talios, missile Meteor, troisième MRTT, deux A400M portant le total à dix-sept livrés fin 2020, un deuxième KC-130J, un système Reaper et un nouveau standard, le Block 5, un deuxième satellite CSO, les deux premiers Mirage 2000D rénovés, etc.

Il convient toutefois d'être attentif sur la flotte de transport, qui est vieillissante et encore sous-dimensionnée jusqu'en 2025, et sur la flotte hélicoptère de manoeuvre Puma, hors d'âge et dont le volume d'appareils récents est insuffisant pour les missions de sauvetage, au combat en particulier.

Un projet de remplacement des Puma par vingt hélicoptères d'occasion est en cours d'étude avec l'EMA, la DGA et la DMAé. Cette opération est urgente et prioritaire pour moi afin de pouvoir tenir mes contrats opérationnels.

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, si je devais résumer l'armée de l'air aujourd'hui, je dirais qu'elle agit vite, loin, dans la durée, en national ou en coalition, en parfaite interopérabilité avec nos alliés. Je me réjouis encore une fois de ces perspectives favorables.

Notre armée de l'air se modernise et étend son champ d'action pour continuer à gagner en opération. C'est une armée de l'air collective, moteur dans le développement de la défense européenne (avec le SCAF). Elle s'appuie sur l'engagement sans faille de ses hommes et de ses femmes et s'investit dans la jeunesse (avec les escadrilles Air Jeunesse).

Vous êtes les bienvenus dans l'armée de l'air et sur nos bases aériennes, pour constater par vous-mêmes que nous sommes au travail et que nous tenons le cap. Je vous invite d'ores et déjà sur la base aérienne 105 d'Évreux, le 4 décembre prochain, pour une présentation des missions et matériels de l'armée de l'air aux côtés des promotions 2019 de l'IHEDN et de l'École de guerre.

M. Pascal Allizard, co-rapporteur du programme 144. - Mon général, il semblerait que l'aéronautique et le spatial soient bien dotés en matière de crédits d'études amont. Hormis le SCAF et la dissuasion, quelles devraient être selon vous les autres priorités ?

Concernant le SCAF, où en sont le projet de lancement de démonstrateur et la convergence entre l'Allemagne et la France sur la polyvalence de l'avion, qui doit répondre à des besoins semble-t-il très éloignés, notamment, concernant la France, une capacité de pénétration en profondeur dans un espace fortement défendu pour délivrer l'arme nucléaire ?

Le premier Hercule KC-130J, qui permet de ravitailler les hélicoptères, participe-t-il déjà aux opérations ? Par ailleurs, l'A400M va-t-il bientôt être capable de ravitailler les hélicoptères en vol ?

Enfin, hormis le SCAF, quelles sont les premières avancées concrètes du traité d'Aix-la-Chapelle pour l'armée de l'air ?

M. Michel Boutant, co-rapporteur du programme 144. - Mon général, l'an passé, notre rapport pointait la stagnation des crédits versés à l'ONERA. Le DGA, il y a quelques jours, nous a dit que le ministère des armées n'était pas opposé à une augmentation des crédits affectés à l'ONERA, à l'exemple de ce que font les pays voisins pour des organismes de même nature.

Pourrait-on connaître votre appréciation à ce sujet ?

M. Cédric Perrin, co-rapporteur du programme 146. - Mon général, je voudrais vous faire part de mes inquiétudes concernant le programme EuroMALE.

Nos amis allemands viennent, dans le cadre du programme Pegasus, de retenir deux drones monomoteurs pour remplacer le Triton, qu'ils vont abandonner pour des raisons budgétaires. C'est assez cocasse, lorsqu'on sait que ce sont eux qui nous ont imposé la double motorisation, qui a contribué à plomber l'EuroMALE. Ne va-t-on pas se retrouver avec des budgets exorbitants en matière de drones ?

Je pense en effet que le prix va doubler, sans gap technologique. Or nous partageons la technologie et les chaînes de production avec nos amis allemands, espagnols et italiens, qui pourraient ne plus être intéressés si le prix est trop élevé.

Certes, ceci nous permettra maintenir la souveraineté de l'Europe en la matière, mais ne serait-il pas intéressant d'essayer de trouver un vecteur sur étagère et d'y intégrer un système européen qui offrirait une solution acceptable politiquement et industriellement ?

Mme Hélène Conway-Mouret, co-rapporteure du programme 146. - Mon général, il semblerait que nos amis anglais soient assez confiants sur l'avancée qu'ils peuvent réaliser sur le programme Tempest avec leurs partenaires suédois et italiens. Où en sommes-nous avec le SCAF ? Nous n'avons pas besoin de deux avions européens. Échangez-vous avec vos homologues anglais ?

Par ailleurs, l'A400M rencontre-t-il encore des difficultés, en particulier en matière de transport tactique et stratégique ? Le largage de parachutistes a connu quelques problèmes qui paraissent réglés aujourd'hui. Pouvez-vous nous le confirmer ?

M. Joël Guerriau, co-rapporteur du programme 212. - Mon général, vous avez évoqué une possibilité de 1 246 recrutements, tout en notant que vous aviez besoin de 3 000 militaires supplémentaires. Comment se déroule le plan de recrutement ? Rencontrez-vous des difficultés ?

Certains métiers rencontrent-ils des tensions en la matière ?

Vous avez indiqué par ailleurs que la cyberdéfense constitue une priorité. Avez-vous développé des partenariats avec le privé permettant de créer un parcours RH qui réponde aux difficultés de recrutement dans certaines spécialités ?

M. Gilbert Roger, co-rapporteur du programme 212. - Mon général, la question de la base H5 me paraît essentielle.

En second lieu, en quoi la prime de fidélisation est-elle utile pour éviter l'évasion des personnels vers les entreprises privées ?

M. Jean-Marie Bockel, co-rapporteur du programme 178. - Mon général, la réforme du MCO était une urgence, la disponibilité des aéronefs ayant baissé globalement de 10 % en quinze ans, alors que les coûts de maintenance, durant la même période, se sont envolés de 40 %.

La flotte d'hélicoptères Puma est hors d'âge. Vous prévoyez d'ailleurs une flotte de vingt hélicoptères d'occasion pour pallier les insuffisances. S'agit-il d'un achat ou de location ? Comment leur MCO sera-t-elle financée ?

Par ailleurs, les objectifs fixés à la DMAé prennent en compte les demandes des états-majors, auxquelles est opposé l'état des flottes. Est-ce satisfaisant ? Avez-vous le sentiment d'être suffisamment entendu, puisque c'est sur vous que repose l'exécution des contrats opérationnels ? Quels sont vos objectifs prioritaires d'amélioration de la disponibilité technique opérationnelle pour 2020 ?

Mme Christine Prunaud, co-rapporteure du programme 178. - Mon général, vous avez annoncé cet été, lors d'une audition, que le Centre de préparation opérationnelle du combattant d'Orange a mis en place en 2019 un stage de projection concernant l'opération Sentinelle ou les opérations extérieures. Avez-vous réellement pu mutualiser les formations des aviateurs dans deux types de déploiement aussi différents ?

Vous avez également annoncé revisiter la formation des personnels navigants afin d'avoir moins de changement d'avions dans la phase d'instruction, car les projections de format concernant les pilotes d'ici 2025 sont assez préoccupantes. Quelles solutions comptez-vous mettre en oeuvre pour répondre à cette situation ?

Enfin, quand pensez-vous atteindre la norme d'activité individuelle de 180 heures de vol par pilote de chasse ?

M. Jacques Le Nay. - Mon général, dans la logique du programme SCAF, Safran a été désigné comme chef de file principal sur la partie relative aux moteurs, mais les parlementaires allemands ont remis en cause cette organisation proposée par la France et acceptée par le gouvernement fédéral. Ils souhaitent une parité dans le leadership entre MTU et Safran, d'où la difficulté de coopérer avec l'Allemagne.

Pourtant, selon l'accord signé entre les deux groupes, la répartition des rôles s'est faite sur le principe du « meilleur athlète ». Comment sauvegarder notre leadership dans nos coopérations militaires, surtout lorsqu'il s'agit de nos domaines d'expertise ?

Mme Sylvie Goy-Chavent. - Mon général, permettez-moi de vous poser une question sur la base aérienne 942 de Lyon-Mont Verdun. Cette base est un centre névralgique de la défense aérienne française et compte environ 1 300 personnels, qui travaillent souvent dans des galeries enterrées et hautement sécurisées.

Or cette base rencontre des problèmes de fidélisation de ses personnels, qui ont souvent un très haut niveau de qualification. Leur travail est difficile et s'effectue en milieu confiné. Il semble par ailleurs que les salaires ne soient malheureusement pas très attractifs.

J'ai visité cette base plusieurs fois. Le renouvellement des personnels pose de grands problèmes : lorsqu'un militaire s'en va, il faut en recruter un autre à haut niveau de qualification, à des conditions de salaire peu attractives, et prendre en charge sa formation. Ceci peut déstabiliser les services. Quel regard portez-vous sur ce sujet ?

M. Alain Cazabonne. - Mon général, quel est cet appareil qui ressemble à un râteau de télévision et que l'on voit sur certaines images ?

M. René Danesi. - Mon général, l'armée de l'air envisage-t-elle un moyen de transport des hélicoptères plus souverain que les Chinook de Boeing récemment déployés par les Britanniques pour appuyer la force Barkhane au Mali ?

La LPM prévoit après 2028 l'acquisition des hélicoptères interarmées légers, qui remplaceront plusieurs types d'appareils actuellement en service. Votre prédécesseur, le général Lanata, considérait en 2016 que ces appareils conviendraient pour les missions de sûreté aérienne assurées aujourd'hui par les Fennec mais que, s'agissant du remplacement des Puma, un hélicoptère de manoeuvre serait préférable. Où en sont vos réflexions à ce sujet ?

M. Richard Yung. - Mon général, ma question porte sur les appareils de transport. Ce sont des investissements très importants. Avez-vous des projets en la matière ? Ne pourrait-on imaginer développer des appareils de grande capacité et de long rayon d'action ?

Général Philippe Lavigne. - Tout d'abord, s'agissant de la base aérienne projetée H5, la pertinence de sa constitution et des effets produits s'exprime pleinement dans le contexte actuel : participation directe au combat contre Daesh par des actions cinétiques et des actions de renseignement, protection des forces de la coalition (en appui aérien notamment), pivot logistique et présence française significative au coeur du Proche et Moyen Orient.

Le positionnement de la BAP H5 est en effet idéal, à proximité des zones de combat, dans un environnement sécuritaire favorable, permettant une action la plus autonome possible sur le théâtre syro-irakien (moindre besoin de ravitaillement en vol, réactivité). H5 est également un point nodal du circuit logistique de toute la zone.

En termes économiques, les investissements nécessaires à son activité ont été réalisés et sont en cours d'amortissement. Moins de 300 aviateurs y sont déployés ; la BAP fonctionne à un coût maitrisé et a atteint un niveau de polyvalence optimal.

Le concept est d'ailleurs au coeur des réflexions de l'armée de l'air américaine.

Comme je l'ai rappelé, Daech a évolué dans sa forme de combat en devenant insurrectionnel et s'est retranché dans les déserts. L'arme aérienne est plus que jamais pertinente en termes de renseignement et de fulgurance pour pouvoir traiter les objectifs qui nous sont fixés.

Ce système de combat est modulaire, réactif et réversible. La décision concernant l'avenir de la base aérienne H5, qui peut accueillir des avions de combat, de transport ou de renseignement, appartient bien évidemment au chef d'état-major des armées.

Concernant les vecteurs hypersoniques, effectivement les grandes puissances développent désormais des missiles capables de bouleverser l'équilibre des forces mondiales : la Russie, la Chine, comme les Etats-Unis, n'hésitent pas à afficher leur savoir-faire dans un milieu réputé pourtant ultra-secret. Dans les airs, la bataille du futur passe par la maitrise de la vélocité. Ces vecteurs, capables de porter des charges conventionnelles comme nucléaires, permettraient à leurs détenteurs de frapper n'importe où sur de longues distances et dans un périmètre large. La France a pris la mesure de cette menace. Mme la ministre a en effet estimé que la France ne pouvait plus attendre pour en faire de même, d'autant qu'elle dispose de toutes les compétences pour cela ; elle a annoncé début 2019 qu'un démonstrateur de planeur hypersonique, appelé V-MAX, effectuerait un premier vol d'ici fin 2021. Il permettra d'étudier les atouts qu'apporte cette capacité, dans le domaine offensif, ainsi que les mesures à prendre face à cette nouvelle menace.

S'agissant de l'accord de Toulouse, la France et l'Allemagne ont réaffirmé leur volonté de coopérer, sur le volet espace d'abord, dans le domaine de l'évaluation de la menace, de la promotion des normes de comportement responsable dans l'espace, du programme GALILEO qui vise à renforcer l'autonomie européenne en matière de navigation par satellite, ou de la coordination des capacités dans le domaine de la sécurité spatiale.

Cette coopération structurée permanente s'appuie sur les fonds européens de défense et constitue une action complémentaire à celle de l'OTAN.

S'agissant du système de combat aérien futur, la notification d'un contrat de recherche et technologie annoncée pour fin janvier 2020 est une bonne chose pour tenir l'objectif d'un démonstrateur d'avion de combat de nouvelle génération d'ici à 2026.

Pour revenir sur l'espace, vous m'avez questionné Monsieur le président, sur les moyens alloués, alors que vient d'être créé le Commandement de l'Espace au sein de l'armée de l'air. 3,6 milliards d'euros y sont consacrés dans la LPM 2019-2025 et un programme à effet majeur « maitrise de l'espace », de 700 M€, va être lancé, qui, comme je vous l'ai dit en introduction, intégrera les volets surveillance spatiale et défense active de nos satellites.

Nous disposons déjà de moyens de surveillance que nous travaillons à renforcer, qu'il s'agisse du renseignement image (le satellite CSO-1 a été lancé le 19 décembre 2018) ou du renseignement électromagnétique (le satellite CERES, qui devrait être lancé en 2020, doit permettre de détecter, de caractériser et de suivre les émissions électromagnétiques sur les théâtres d'opération. Une étude est déjà menée sur son successeur, CELESTE).

Nous coopérons activement avec nos voisins allemands et italiens, notamment au travers de leurs systèmes d'observation radar SAR-Lupe et Cosmo-Skymed, et leurs successeurs (SARah et CSG).

En matière de télécommunications, le programme Syracuse IV doit être lancé entre 2021 et 2022. La commande d'un troisième satellite est annoncée. Il sera plus spécialement dédié à la connectivité. Les satellites étant de plus en plus nombreux et petits, les systèmes doivent être de plus en plus efficaces. Je pense notamment à GRAVES et à la trajectographie SATAM, dont une rénovation est prévue au titre de la LPM 2019-2015.

Enfin, la protection active de nos satellites fait aujourd'hui l'objet d'études : quelle doit être notre doctrine ? Quels sont nos besoins ? Nous travaillons actuellement sur une feuille de route.

S'agissant des ressources humaines, vous m'avez interrogé sur les leviers que l'armée de l'air a mis en place pour recruter, en quantité et en qualité, et pour fidéliser.

Entre 2008 et 2017, l'armée de l'air a perdu plus de 15000 aviateurs, soit 30% de ses effectifs, alors qu'elle était plus engagée que jamais. Les conséquences ont été significatives, sur l'équilibre des flux RH et sur la pyramide des compétences associées. Aujourd'hui, certains métiers sont en tension, impactant directement les capacités opérationnelles (commandos, mécaniciens, spécialistes infrastructures, ...), en particulier pour les métiers d'expertises longues à acquérir (pilotes de chasse, experts des systèmes d'information et de communication, ...).

En conséquence, un effort majeur est porté sur le recrutement, passé de 1 300 à plus de 3 000 par an en 5 ans. Pour cela, nous avons adopté des méthodes basées sur le démarchage systématique, par le biais du e-sourcing ou des réseaux sociaux ; nous menons une communication attractive et innovante (notre prochaine campagne paraitra d'ailleurs prochainement). Nous renforçons et professionnalisons notre chaine de recrutement, et nous modernisons profondément nos formations initiales et professionnelles. Tout cela afin d'attirer les nouvelles générations, plus « pressées » d'exercer un métier.

En matière de formation, l'armée de l'air dispose d'instructeurs, qui savent enseigner et qui connaissent les besoins opérationnels. Nous développons des partenariats avec l'éducation nationale et l'enseignement supérieur.

S'agissant plus spécifiquement de la formation des personnels navigants, la livraison des dix-sept PC21 à Cognac a grandement contribué à moderniser la formation initiale des pilotes de chasse. Le projet « Mentor » vise à compléter cette modernisation par la rationalisation des phases amont (à Salon de Provence) et aval (aujourd'hui sur Alphajet à Cazaux), ce qui aura pour effet de diminuer les durées et coûts de formation des équipages. Il permettra de former plus tôt les stagiaires à l'utilisation d'un système de combat et offrira un rôle capital à la simulation.

Au total, nous devrions gagner douze mois de formation sur quatre ans. Cela répond à un besoin urgent de renforcer les unités opérationnelles et de motiver les jeunes pilotes. A la question posée de la remontée d'activités des équipages chasse, celle-ci est prévue en LPM à compter de 2022, pour atteindre la norme de 180 heures en 2025.

S'agissant de la fidélisation, dans un contexte de remontée en puissance sous tension opérationnelle et de compétences intéressant le secteur privé, il est essentiel de fidéliser les aviatrices et les aviateurs, dont le savoir-faire précieux contribue au succès des missions de l'armée de l'air et des autres entités du ministère. J'ai ainsi validé en début d'année 2019 une feuille de route « fidélisation » qui repose sur six axes : niveau de rémunération attractif, progression dynamique, compétences valorisées, dialogue, conditions de vie améliorées et entreprises concurrentes partenaires.

Nous avons également développé des partenariats avec certains industriels ou campus, qui ont déjà mis en place des outils d'ingénierie de formation très utiles pour moderniser l'instruction de nos jeunes.

Sur la rémunération et la valorisation des compétences, la différence entre le salaire des militaires et celui proposé par certaines sociétés est une réalité. Nous avons donc créé ou étendu certaines primes de qualifications ou de lien au service. En outre, une étude sur la nouvelle politique de rémunération des militaires est en cours. Elle doit permettre une meilleure lisibilité et une plus grande cohérence. L'armée de l'air a la particularité de mener des opérations depuis ses bases aériennes. Cela doit être pris en compte dans la rémunération des militaires concernés ; je pense notamment au personnel qui, sur la base de Lyon-Mont Verdun, conduit des opérations à partir de l'ouvrage enterré, vous l'évoquiez madame la sénatrice Goy-Chavent.

J'ai également évoqué, parmi les axes de fidélisation, l'amélioration des conditions de vie et de travail. À Lyon-Mont Verdun, une salle de sport a été créée à l'intérieur de l'ouvrage enterré. A Saint-Dizier, des bâtiments destinés à l'hébergement ont été réhabilités et la construction de bâtiments pour l'escadron de protection d'Istres est prévue en 2020. Et, parce que l'amélioration des conditions de vie doit s'appliquer autant au militaire qu'à sa famille, deux maisons familiales ont été aménagées à Villacoublay pour permettre la visite d'enfants aux parents séparés. A Solenzara enfin, une maison des assistantes maternelles tenue par les conjoints des militaires est en cours de création.

Concernant le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », comme vous l'avez souligné monsieur le sénateur Allizard, une partie des ressources servira à financer les études portant sur le renouvellement des composantes de dissuasion nucléaire et les études de maturation des différentes briques technologiques qui seront utilisées par les aéronefs du SCAF. C'est notamment le cas des travaux relatifs aux évolutions du Rafale, principalement dans les domaines de la localisation et de la guerre électronique. S'agissant des missiles, seront pris en compte les travaux concernant le démonstrateur de planeur hypersonique que j'ai évoqué précédemment. Par ailleurs, se poursuivront les programmes conduits en coopération avec les Britanniques, dont le Futur missile anti-navire/Futur missile de croisière. L'année 2020 verra en outre le lancement d'études en matière de gestion des drones et d'autoprotection des aéronefs de transports.

Enfin, le programme 144 porte le financement des travaux sur la préparation des moyens spatiaux futurs de renseignement d'origine image et électromagnétique, ainsi que sur le futur satellite de communication militaire, dont l'architecture de la charge utile sera définie en cours d'année.

Monsieur le sénateur Boutant, vous m'avez interrogé sur l'ONERA. Cet établissement public est l'un des principaux centres de recherche français du secteur aéronautique, spatial et défense, ayant travaillé sur les programmes Rafale, missiles, moteurs et radars de l'armée de l'air.

En matière de recherche, nous coopérons non seulement avec l'ONERA, mais également avec le CNRS ou le CNES. La co-implantation sur la base aérienne de Salon de Provence d'un centre de l'ONERA avec l'Ecole de l'air, favorise les échanges entre chercheurs et dans le cadre de la formation des officiers (soufflerie, spatial).

Pour revenir sur le SCAF, sur lequel vous m'avez posé plusieurs questions, j'espère qu'il n'y aura au final qu'un seul système européen. Comme l'a dit Mme la ministre, le SCAF sera ouvert en temps utile à d'autres partenaires. Avec le Royaume-Uni, la coopération se poursuit dans le cadre du traité de Lancaster House. En atteste le projet majeur du futur missile de croisière et missile anti-navire, créé en 2017 et dont les engagements contractuels sont attendus en 2020 des deux côtés de la Manche. Les travaux d'interopérabilité guident aussi nos activités entre les systèmes de combat F35 britannique et Rafale français. Cette interopérabilité est une priorité à court ou moyen terme, sur laquelle nous travaillons notamment au travers d'exercices majeurs tels qu'Atlantic Trident avec nos alliés américains et britanniques.

S'agissant du SCAF, nous nous réunissons régulièrement avec mes homologues allemands et espagnols pour remettre l'« opérationnel » au coeur du système. Un document appelé « HLCORD » en précise les grandes caractéristiques. Nous sommes en train de les décliner pour faire en sorte que l'architecture et les développements industriels les prennent en compte. Trois officiers allemands ont rejoint la Combined Project Team du SCAF en octobre 2019 ; les premiers officiers espagnols sont attendus début 2020.

Nous partageons de plus les feuilles de route de nos aviations de combat respectives afin d'assurer l'interopérabilité des appareils dits « de deuxième cercle du SCAF » et d'améliorer les capacités de combat collaboratif dans une démarche incrémentale.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Quelle est la place des Espagnols ?

Les Anglais assurent le leadership du Tempest et laissent la porte ouverte à tous ceux qui veulent les rejoindre, mais nous sommes entrés quant à nous dans un partenariat avec les Allemands. J'ai du mal à comprendre.

Général Philippe Lavigne. - Nous avons les mêmes objectifs et les mêmes besoins opérationnels. Comme je l'ai dit, nous allons travailler sur la déclinaison de ces besoins. Je laisserai le DGA répondre pour ce qui concerne le partage industriel.

D'un point de vue opérationnel, je le redis, nous partageons la volonté d'échanger sur les feuilles de route de nos aviations de combat afin d'en garantir l'interopérabilité.

Quant à l'A400M, il a certes connu des débuts difficiles, mais ses capacités opérationnelles se développent désormais de manière satisfaisante, au rythme de la disponibilité des avions et des fortes sollicitations opérationnelles. Ainsi, la capacité d'aérolargage de matériel par gravité a récemment été testée à Kidal au Mali et devrait être mise en service opérationnel d'ici fin 2019. Le largage des parachutistes à grande hauteur est validé depuis début 2019. Quant au largage par les portes latérales, il vient d'être expérimenté avec succès par 80 parachutistes. Nous espérons une autorisation d'emploi d'ici fin 2020.

Les contre-mesures électroniques constitueront la dernière phase de ces essais.

S'agissant du ravitaillement en vol des hélicoptères sur A400M, nous commençons à y travailler avec Airbus pour une mise en service attendue en 2021. D'ores et déjà, à la demande de la DGA, un H160 a effectué avec succès un ravitaillement en vol à partir d'un A400M le 24 septembre 2019.

Pour ce qui est justement du futur hélicoptère interarmées léger, le Guépard a vocation à remplacer le Fennec de l'armée de l'air dans sa mission de posture permanente de sureté aérienne, en particulier dans le cadre des dispositifs particuliers de sureté aérienne comme celui déployé pour le G7 à Biarritz ou pour le 14 juillet. Ces missions engendrent deux exigences opérationnelles : une capacité de détection et de liaison de données tactiques pour la mission de police du ciel, et une vitesse de 150 noeuds permettant l'interception d'aéronefs lents.

Cet hélicoptère aura, de par sa taille (6 tonnes au lieu de 2 tonnes pour le Fennec aujourd'hui), une capacité de sauvetage double de celle du Fennec.

Enfin, au-delà des missions remplies actuellement par le Fennec, l'armée de l'air utilisera le Guépard Air en accompagnement du Caracal, dans son action dans la profondeur. Pour cela, la capacité de ravitaillement en vol est jugée primordiale pour l'armée de l'air. Comme je vous le disais, l'A400M nous permettra prochainement de ravitailler nos flottes hélicoptères, et le KC130J que nous avons reçu en octobre à Orléans nous le permet d'ores et déjà.

Le calendrier de livraison des HIL prévoit que l'armée de l'air soit la dernière servie, ayant fait le choix de ne pas avancer le calendrier de livraison afin de disposer d'une flotte cohérente, remplissant les missions telles qu'exprimées, avec une cadence régulière de livraison de trois appareils par an à partir de 2030.

Le remplacement des hélicoptères Puma, hors d'âge pour les deux tiers de la flotte, constitue une priorité alors que le coût de l'heure de vol croît de manière exponentielle. L'état-major des armées a proposé deux solutions reposant sur des opérations de location-vente, de 20 H225, ou de 12 H225 complétés d'un transfert de 8 Caracal de l'Armée de terre vers l'Armée de l'air d'ici 2026. Les ressources financières permettant la location avant 2025 reposent essentiellement sur le P178 (diminution d'entretien Puma et récupération des montants d'un contrat actuel de location d'heures de vol H225 à Cazaux).

Concernant le programme d'hélicoptères de transport lourd (HTL), contrairement à de nombreux pays de l'OTAN, la France ne dispose pas de capacité propre et a recours à des moyens de coopération (britannique et bientôt danois) en Bande sahélo-saharienne. S'agissant du transport aérien de manière plus globale, un travail de cohérence est aujourd'hui nécessaire, intégrant la manoeuvre logistique et les besoins exprimés par les forces spéciales, et en prenant en compte les capacités grandissantes de l'A400M, ainsi que la question de l'avenir du C-130. Rien ne figure à ce stade dans la LPM.

Sur le HTL, l'armée de l'air est en train de réfléchir à un partenariat avec l'Allemagne, à l'image de celui que l'on va conduire à Évreux au sein de l'escadron franco-allemand de C130J.

Une capacité de transport lourd et très volumineux est utile pour les opérations militaires comme pour certaines missions civiles (humanitaires notamment). Nous pourrions imaginer une flotte de transport européenne, comme celle de l'OTAN avec ses AWACS.

Vous avez posé une question à propos du brouilleur destiné à la lutte anti-drones que nous apercevons dans le film qui a illustré mon propos introductif. C'est un des effecteurs que nous mettons en place à cette fin. J'en ai fait une priorité, eu égard aux évènements qui ont paralysé les aéroports de Gatwick et Francfort et, plus récemment, à l'attaque des installations pétrolières en Arabie saoudite le 14 septembre dernier. Je m'inscris aussi dans l'objectif des Jeux Olympiques de 2024 et de la coupe du monde de rugby de 2023, chère à mon coeur.

S'agissant de l'Eurodrone, Mme la ministre s'est exprimée devant cette commission. Nous avons détaillé nos besoins opérationnels, dont le principal est la non-régression par rapport au système actuel. La négociation avec les industriels est en cours : le coût ne doit pas avoir d'effet d'éviction vis-à-vis d'équipements et performances jugés primordiaux.

M. André Vallini. - Quelle est la différence entre supersonique et hypersonique ? C'est une question de vitesse ?

Général Philippe Lavigne. - En effet, lorsque la vitesse atteint Mach 5, on parle de vitesse hautement supersonique ou hypersonique.

Enfin, s'agissant du maintien en condition opérationnel et de la disponibilité, c'est en équipe que nous allons gagner, tout en étant tous individuellement plus forts. Je l'ai détaillé dans mon introduction car ce sujet compte aujourd'hui parmi mes priorités. La DMAé a notamment lancé des contrats de verticalisation, longs, dédiés à chaque flotte, pour rationaliser les responsabilités et enrayer les deux principaux inducteurs d'indisponibilité : attente de pièces et attente de décision. Nous avons d'ores et déjà obtenu des résultats, les attentes de décision sur le marché MCO Rafale ont significativement diminué. Pour poursuivre vers une remontée de disponibilité effective, nous devons agir sur l'organisation, mais aussi sur l'ordonnancement, avec les industriels et le Service industriel de l'aéronautique (SIAé), en coordination avec la DMAé.

M. Christian Cambon, président. - Merci pour toutes ces précisions.

La réunion est ouverte à 10 h 15.

Projet de loi de finances pour 2020 - Audition de l'amiral Christophe Prazuck, chef d'état-major de la Marine

M. Christian Cambon, président. - Après l'air et l'espace, nous plongeons maintenant dans les océans. Amiral, soyez le bienvenu. Nous sommes attentifs à l'exécution de la loi de programmation militaire (LPM) ; nous le serons alors que commence la période des gels et annulations. Nous avons l'oeil sur les 420 millions d'euros bloqués en réserve, et sur les 400 millions d'euros de surcoûts liés aux opérations extérieures (Opex) qui doivent être financés en interministériel.

Pour la Marine, la modernisation des équipements est en route, certes sur un rythme lent. J'ai eu la chance de voir le sous-marin Suffren... Est-il à flot ?

M. Christophe Prazuck, amiral, chef d'état-major de la Marine.

Le programme se déroule de manière normale et le Suffren pourra conduire ses essais à la mer début 2020.

M. Christian Cambon, président. - Je pense aussi aux Atlantique 2 rénovés, aux missiles Aster, aux hélicoptères Caïman qui seront livrés en 2020. Avez-vous des inquiétudes sur l'exécution de la LPM ; les promesses seront-elles tenues ?

Les enjeux relatifs aux ressources humaines nous mobilisent. La Marine a été la première à passer sur le logiciel de paie « Source-solde » : nous nous intéressons donc au Retex : nous avons de mauvais souvenirs de Louvois. Comment se passe le doublement des équipages ? Enfin, comment lutter contre les problèmes de recrutement qui touchent très durement les micro-spécialités de la marine, en concurrence avec les recruteurs privés ? La prime de lien au service sera-t-elle suffisante pour les fidéliser ?

Enfin, y voyez-vous plus clair sur le porte-avions de nouvelle génération, dossier qui sera sur la table du Président de la République en 2020 ? Le Sénat suit ce dossier de près. L'état d'avancement du système de combat aérien du futur (SCAF) vous inquiète-t-il ? Il est légitime d'être inquiet lorsqu'on entend ce que disent certains collègues du Bundestag...

Amiral Christophe Prazuck. - C'est comme d'habitude un grand plaisir pour moi d'être parmi vous. Nous sommes en période de gel, mais aussi de dégel... c'est plutôt ce dernier que nous attendons pour être dans les eaux de la LPM. Je voudrais utiliser l'exemple de la frégate Jean Bart pour illustrer les enjeux que rencontre la Marine en matière de taux d'engagement opérationnel, de dangers, de valeur des marins, d'effectifs, d'obsolescence des moyens et de partenaires...

Le Jean Bart est déployé dans le détroit d'Ormuz. Pourquoi ? Vous le savez, cette zone a été le théâtre d'attaques dont certaines n'ont pas été attribuées : sabotages de quatre tankers au mouillage de Fujaïrah en mai, agression de deux tankers en route dans le détroit d'Ormuz en juin, destructions de drones dont un américain en juillet. Cela faisait suite à des attaques assez sophistiquées sur des bateaux militaires et civils au sud de la mer Rouge, et à l'arraisonnement de plusieurs tankers, dont un britannique par les Iraniens le 19 juillet.

Le Jean Bart a donc une mission de sécurité maritime - il doit pouvoir accompagner des bâtiments militaires ou civils français qui traversent le détroit -, mais aussi de connaissance et d'anticipation : voir ce qui se passe et être capable de rendre compte, afin de disposer d'une autonomie d'appréciation de situation.

Ces patrouilles ont commencé à l'été, avec la Provence, frégate multi-missions (FREMM) qui a été détachée de l'escorte du Charles de Gaulle à la fin de la mission Clemenceau, et qui a donc fait un mois de mer supplémentaire avant d'être relayée par le Surcouf, puis par le Jean Bart. Nous avons donc ajusté le programme d'environ cinq cents marins pour remplir cette mission de sécurité maritime et d'appréciation de situation.

Le Jean Bart est une frégate de premier rang. Il est doté d'un système antiaérien et antimissile SM1. Ce système de lutte antiaérienne et antimissile est entré en service en 1967 et a été construit jusqu'en 1987 ; il a été retiré de l'US Navy en 2003 et restera en service sur le Jean Bart jusqu'en 2021. Ce sont les missiles Aster qui lui succèdent sur les frégates plus récentes.

Le Jean Bart a des capacités radar et de guerre électronique très performantes. Mais son système d'armes, c'est aussi son équipage... Alors qu'une FREMM compte une centaine de marins, le Jean Bart compte quant à lui 220 marins de 49 spécialités. Leur moyenne d'âge est de 28,7 ans, le plus jeune marin a 17 ans et le plus âgé, 55 ans. Le bateau a actuellement 7 % de « trous » : 16 marins ne sont pas à bord. Cela peut fonctionner sur un équipage de 220, mais ce ne serait pas possible sur une FREMM.

À ces trous, il faut ajouter des distorsions qualitatives : sept postes d'experts, normalement détenus par des titulaires d'un brevet de maîtrise, sont occupés par des techniciens supérieurs, qui n'ont pas encore acquis le brevet de maîtrise. De même, deux postes de techniciens supérieurs sont occupés par des opérateurs.

Le bateau totalise 156 jours d'absence, chiffre bien au-delà de la moyenne. Le record à bord est détenu par le commissaire qui a eu 265 jours d'absence au cours de la dernière année. Avant d'être sur le Jean Bart, il naviguait sur le Charles de Gaulle.

M. Ladislas Poniatowski. - N'a-t-il pas de famille ?

Amiral Christophe Prazuck. - On peut consentir un tel effort une année, mais pas le répéter.

Revenons à la mission du Jean Bart. Sa chaîne de commandement est nationale : le bâtiment est sous les ordres du chef d'état-major des armées à Paris et est localement sous le contrôle opérationnel d'ALINDIEN, c'est-à-dire l'amiral commandant la zone maritime de l'Océan Indien, installé à Abu Dhabi.

Le Jean Bart échange toutefois en permanence avec des bateaux alliés : si un bateau détecte un missile, il le signale sur un réseau de données protégé et partagé avec d'autres forces navales. Le Jean Bart agit en soutien de la Combined Task Force 150 qui lutte depuis une vingtaine d'années contre les trafics dans la région. Il y a deux semaines, il a ainsi repéré un boutre à l'attitude suspecte. Il a transmis l'information au Montrose, frégate britannique, qui après l'avoir visité, y a trouvé 180 kilos d'héroïne et de méthamphétamine. Sa mission nationale est donc évidemment compatible avec des opérations conduites avec nos alliés.

Outre le Montrose, d'autres navires européens sont en effet présents dans le nord de l'océan Indien : le bâtiment espagnol Canarias et l'italien Marceglia patrouillent dans le golfe d'Aden dans le cadre de l'opération Atalante, commandée depuis Rota.

Dans le détroit d'Ormuz, il faudrait idéalement deux frégates au lieu d'une, ce qui assurerait une permanence. Nous avons déjà une capacité de commandement à Abu Dhabi. La liaison avec le monde du shipping civil se fait avec le MICA Center (Maritime Information Cooperation and Awareness) basé à Brest. Par cet intermédiaire, les navires civils peuvent interagir avec les bâtiments militaires européens qui transitent dans la zone.

L'exemple du Jean Bart illustre la tension sur les effectifs, ou la présence d'équipements vieillissants dans la Marine, mais aussi l'importance de partenariats stratégiques comme celui avec les Émirats, et les progrès de la défense européenne avec la coopération avec les Britanniques, les Italiens et les Espagnols.

Monsieur le président, c'est vous qui m'avez le premier, l'année dernière, demandé de commenter une vidéo - il s'agissait du défilé de la marine chinoise. Je vous commenterai cette année le dernier déploiement du Charles de Gaulle, la mission Clemenceau. Parti au mois de mars de Toulon, le groupe aéronaval est rentré en juillet après être allé jusqu'à Singapour. En Méditerranée, il a frappé Daech lors de la bataille de Baghouz?; il est allé dans le golfe d'Oman pour un exercice de lutte anti-sous-marine avec des Australiens et des Américains?; il a participé au grand exercice annuel Varuna avec nos partenaires indiens - le plus grand que nous ayons organisé, avec des exercices porte-avions contre porte-avions et sous-marin contre sous-marin et des dimensions guerre des mines et forces spéciales?; il a participé à l'exercice La Pérouse dans le golfe du Bengale avec des bâtiments australiens, américains et japonais?; il a ensuite fait escale à Singapour pendant les dialogues du Shangri-La et participé à des exercices avec l'armée de l'air singapourienne, tandis qu'une des frégates l'accompagnant allait patrouiller en mer de Chine méridionale.

M. Christian Cambon, président. - Quand j'étais avec le président Larcher au Koweït, le général américain LaCamera nous a dit combien il était admiratif du travail mené par le groupe aéronaval et le Charles de Gaulle au sein de la coalition.

Amiral Christophe Prazuck. - Ce général dirigeait les opérations de frappe contre Daech pendant la bataille de Baghouz.

Le Charles de Gaulle était accompagné des frégates Forbin et Duncan, l'une française, l'autre britannique, toutes deux bâtiments de lutte anti-aérienne conçus dans le cadre du programme Horizon. Elles sont dotées d'un radar de conduite de tir, installé en haut du mât pour diriger les missiles. Une frégate danoise était aussi du déplacement, car la mission Clemenceau était européenne, avec le Charles de Gaulle comme fédérateur. Enfin, vous pouvez voir un navire américain, Arleigh Burke, qui dispose de 90 missiles en soute contre 30 pour les nôtres.

À l'arrière du Forbin et du Duncan, un radar de longue portée complète un autre radar à vision plus fine, permettant un meilleur guidage des missiles.

Le porte-avions peut recevoir sur son pont 30 avions Rafale, un hélicoptère NH90 et des avions radars Hawkeye E-2C qui seront bientôt remplacés par les E-2D, dont la commande figure dans le budget 2020. Un rail permet de catapulter ces avions grâce à un piston à vapeur qui fait décoller en deux secondes un avion de 25 tonnes. Les porte-avions américains ont des capacités de catapultage encore plus importantes.

Les mâts du Forbin sont équipés d'antennes munies de capteurs électroniques pour détecter les radars. Les frégates des années 70, comme le Latouche-Tréville, ont une signature radar beaucoup plus importante et une silhouette peu épurée.

La frégate multi-missions est dotée d'un radar Herakles qui tourne très vite, car il sert tout à la fois à détecter et à guider les missiles. C'est avec ce bateau que nous avons réussi à détecter et intercepter un missile supersonique dans le cadre de l'exercice de l'OTAN Formidable Shield, en mai dernier.

Nous disposons aussi d'un sonar qui peut être remorqué à plusieurs centaines de mètres de profondeur, et qui peut émettre des ondes sonores à très basses fréquences pour détecter des sous-marins très éloignés. C'est le meilleur sonar du monde.

M. Ladislas Poniatowski. - Qui le fabrique ?

Amiral Christophe Prazuck. - Thalès.

À l'image, vous pouvez voir le pétrolier ravitailleur Marne ravitaillant simultanément le Charles de Gaulle et une frégate. Ce pétrolier peut délivrer plusieurs centaines de mètres cubes par heure et ravitailler jusqu'à trois navires en même temps.

M. Christian Cambon, président. - Il n'a pas de double coque ?

Amiral Christophe Prazuck. - Non, mais cela va venir sur les nouvelles classes de ravitailleurs (BRF). Le savoir-faire en matière de ravitaillement à la mer a été développé dans le cadre de l'OTAN. Le ravitaillement concerne aussi les vivres et le matériel, munitions et pièces de rechange.

Les avions de patrouille maritime que nous vous montrons ont opéré notamment à Niamey et à N'Djamena. Ils peuvent accompagner le Charles de Gaulle et sont spécialisés dans la lutte anti-sous-marine.

Le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) qui faisait partie de la mission jusqu'en Inde est doté d'une antenne d'écoute de 600 mètres de long, à l'arrière. Elle comporte des microphones permettant des détections à des centaines de kilomètres.

La frégate portugaise Corte Real était aux côtés du Charles de Gaulle pendant les frappes sur Daech. La frégate danoise Niels Juel a la particularité d'être équipée d'un radar à plaques qui détecte par rotation électronique sur 360 degrés simultanément, sans tourner physiquement. C'est l'avenir, car ce type de radar est nécessaire pour détecter des missiles hypersoniques. Elle est aussi dotée d'antennes de guerre électronique.

Le CEMM poursuit son commentaire du film : et parle du Rafale Marine, capable d'emporter des missiles ASMP-A : nous venons de fêter les 40 ans de la force aéronavale nucléaire, opérée depuis le porte-avions.

Le CEMM parle ensuite du commandant du porte-avions en expliquant qu'il faut 23 ans pour le former, à travers de nombreux postes qualifiants, notamment des commandements, et une formation d'ingénieur atomicien.

M. Joël Guerriau, rapporteur du programme 212. - Au nom de mes collègues, je vous remercie pour votre présentation, très dynamique.

Mes questions touchent à la politique de la marine nationale. Est-ce que le nouveau logiciel Source Solde est satisfaisant ? De quelle amplitude disposez-vous en matière d'hébergement des marins, notamment dans les zones tendues comme Toulon ? La loi de programmation militaire prévoit-elle des investissements suffisants ?

Vous vous êtes fixé un objectif de doublement des équipages sur les frégates multi-missions, soit 900 marins supplémentaires. Cela suppose des redéploiements et de la formation. Qu'en est-il ?

Comment se déroule votre plan de recrutement en 2019 ? Y a-t-il des spécialités sous tension ? Avez-vous prévu des partenariats avec le privé pour le recrutement dans certaines spécialités, notamment le nucléaire ?

M. Gilbert Roger, rapporteur du programme 212. - Ma question portait sur la fidélisation et les primes. Elle a déjà été posée.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur du programme 178. - Le maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique fait beaucoup parler de lui. Nous connaissons la vétusté des Alouette et des Lynx, et les difficultés rencontrées dans le soutien industriel du Panther. Des améliorations ont-elles été constatées depuis la mise en place de la direction de la maintenance aéronautique ? Vos besoins ont-ils été entendus ? Le MCO naval paraît plus satisfaisant, mais va connaître une révolution avec la mise en service du Barracuda. Le Suffren, premier SNA de ce type, a rejoint en juin dernier son dispositif de mise à l'eau pour prendre le relais des sous-marins d'ancienne génération. La chaîne de MCO est-elle en place ?

La disponibilité technique reste préoccupante outre-mer, malgré la livraison de six nouveaux patrouilleurs. Les matériels neufs sont de gros consommateurs de MCO lors des mises en service. Comment évoluera la disponibilité technique opérationnelle (DTO) outre-mer ?

Mme Christine Prunaud, rapporteure du programme 178. - Il existe déjà des bâtiments à double équipage : l'ensemble des sous-marins, les bâtiments multimissions, les bâtiments de soutien logistique outre-mer... D'autres bâtiments seront-ils dotés d'un double équipage en 2020 ?

La réforme améliore la prévisibilité des programmes d'activité des marins et permet d'augmenter de 120 à 180 le nombre de jours en mer par an des bateaux. Nous nous en félicitons, mais cela suffit-il à nous faire remonter au niveau des standards d'entraînement internationaux ?

Le faible stock de munitions complexes n'empêche-t-il pas nos marins de bénéficier d'une préparation opérationnelle complète ?

Enfin, l'effet induit évident est l'augmentation des besoins de maintien en condition opérationnelle. Cette hausse sera-t-elle financée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 et tout au long de la LPM ?

M. Cédric Perrin, rapporteur du programme 146. - Le PLF prévoit un effort significatif sur les renseignements d'origine électromagnétique et la surveillance aérienne.

Pourriez-vous nous donner la date de livraison des nouveaux Hawkeyes et des deux ATL2 ? Quel gain cette livraison permettra-t-elle ?

Nous devrions recevoir deux NH90 en 2020. Or il semblerait que l'Allemagne ait constaté des problèmes sur les rotors. Sommes-nous également concernés ?

Enfin, est-il exact que la frégate que nous avons déployée au large de Chypre, notamment dans le cadre du forage par les Turcs d'un certain nombre de puits de pétrole, a dû être enlevée du large de la Syrie ? Dans ces conditions, notre capacité opérationnelle est-elle suffisante dans la région ?

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure du programme 146. - Après l'importante commande de chasseurs de mines, y a-t-il de nouvelles perspectives de coopération avec les Marines belge et néerlandaise ?

Plus largement, avons-nous des projets de coopération ? Si oui, avec quels pays ?

M. Pascal Allizard, rapporteur du programme 144. - Pouvez-vous nous confirmer que les Chinois sont en train de construire une usine de production « en série » pour leurs porte-avions ? Pensez-vous qu'ils soient en capacité de rattraper les États-Unis ?

Quelle est votre analyse de la situation à Chypre ? Je pense notamment aux forages dans le bloc 7 de la zone économique exclusive.

Peut-on considérer que la présence de notre Marine nationale et les accords avec les Marines de nos pays alliés soient suffisants compte tenu des enjeux sécuritaires ? Pourriez-vous nous donner des détails sur la part du naval dans les études amont ? Pourriez-vous, enfin, nous dire quelques mots sur l'aventure du Vendémiaire en mer de Chine ?

M. Michel Boutant, rapporteur du programme 144. - Où en sommes-nous en matière de drones aéromaritimes ? Le financement du démonstrateur est-il bien prévu pour 2020 ?

M. Olivier Cigolotti. - Nos forces spéciales, notamment nos commandos de Marine, sont régulièrement projetées sur de nombreux théâtres d'opérations, dans la plus grande discrétion. Ces hommes sont rompus à toutes les techniques de combat et participent activement à la lutte contre le terrorisme.

Voilà quelques mois, vous avez annoncé souhaiter procéder à une réorganisation des commandos de Marine, en leur attribuant une double compétence, en matière de neutralisation et de libération d'otages. Allez-vous mener cette réorganisation à effectifs constants ou, au contraire, augmenter l'effectif de ces commandos ?

M. Ladislas Poniatowski. - Le passé naval militaire de la France et de l'Italie a permis le mariage de Naval Group et de Fincantieri, alors que les relations politiques entre les deux pays étaient très difficiles. L'essentiel de l'activité de la société ainsi créée portera sur les corvettes et les frégates. C'est dans ce domaine que la concurrence est la plus forte au plan international : alors que les Américains étaient les premiers constructeurs et exportateurs voilà encore trois ans, ils ont été dépassés en 2018 par les Chinois, qui seront eux-mêmes dépassés, en 2020, par les Russes, eux aussi très offensifs.

Le mariage de Naval Group et de Fincantieri est un mariage d'intelligence : il permettra de conserver notre avancée technologique, la France étant leader européen dans le domaine des frégates et l'Italie troisième, derrière l'Allemagne.

Cependant, sera-t-il suffisant ? Il faut construire en quantité. Or, pour ce faire, il faudrait quasiment un Airbus naval. N'oublions pas qu'Airbus a commencé par un groupement d'intérêt économique entre la France et l'Allemagne, rejointes, dans un second temps seulement, par les Anglais et les Espagnols. Ne faudrait-il pas aller plus loin ?

M. René Danesi. - La loi de programmation militaire prévoit le renouvellement des patrouilleurs de la Marine nationale, dont l'acquisition de six navires destinés à l'outre-mer. Dans le cadre du programme Batsimar, dont le lancement a été constamment reporté depuis plus de dix ans, il était initialement prévu de remplacer les patrouilleurs P400 et les avisos A69 par un seul type de navires. Mais, pour des raisons de coût, cette approche a été abandonnée.

En 2017, vous avez déclaré devant les députés que vous proposiez « de déployer outre-mer des bateaux deux à trois fois moins chers, pour les avoir plus vite » et que vous étiez « donc prêt à échanger du niveau de spécification contre un raccourcissement des délais ». Où en êtes-vous dans cette recherche du meilleur rapport prix-délai de livraison ?

M. Christian Cambon, président. - Avant de vous donner la parole, Amiral, je vous rappelle ma question sur le porte-avions de nouvelle génération : quels seront le calendrier et le tuilage avec le Charles de Gaulle ? Quid du système de propulsion ?

Amiral Christophe Prazuck. - Nous devons prévoir une admission au service actif du premier porte-avions de nouvelle génération en 2038. Le Charles de Gaulle arrivera alors en fin de vie, quarante ans après que ses chaufferies nucléaires auront été mises en fonction. Il est possible que l'on soit dans l'obligation technique de le retirer du service actif à cette date.

Sur ce futur porte-avions, il y a aura toujours des Rafale - on sait qu'un Rafale pèse 25 tonnes quand il est chargé d'armes. Concernant le SCAF, les études menées actuellement évoquent une trentaine de tonnes. Comment faire pour catapulter un tel avion ? Il existe aujourd'hui des catapultes électromagnétiques, d'ores et déjà utilisées par les porte-avions américains et en passe de l'être par les porte-avions chinois. Ces catapultes, qui mesurent 90 mètres de long, permettent de catapulter des avions très lourds, d'une trentaine de tonnes, en n'éprouvant pas trop leur structure, mais aussi des objets beaucoup plus petits, comme des drones.

De combien d'avions avons-nous besoin et pour quelles situations ? Actuellement, il y a jusqu'à 30 Rafale sur le Charles de Gaulle. On estime que c'est cohérent aujourd'hui dans tous les scénarios, qu'il s'agisse de mener des frappes massives ou d'exercer le contrôle sur un espace maritime. Le nombre d'avions et leur taille permettent de connaître la taille du pont et le tonnage du bateau. Les avions étant plus gros, on comprend aisément que le tonnage du futur porte-avions devra être supérieur aux 42 000 tonnes du Charles de Gaulle.

Avec quelle source d'énergie faire avancer un tel bateau ? Des études très poussées sont conduites sur le choix du type de propulsion, nucléaire ou classique. On sait que l'énergie classique permet de faire naviguer très rapidement les grands paquebots d'aujourd'hui, ceux qui transportent 4 000 passagers, alors qu'ils pèsent 100 000 tonnes. Une propulsion nucléaire présente par ailleurs des avantages indéniables en termes d'emploi et d'autonomie.

Enfin, il nous faut prendre en compte l'enjeu de la pérennisation de notre savoir-faire en matière de propulsion navale nucléaire, de manière à pouvoir concevoir une nouvelle chaufferie et la réaliser.

Autant de questions que nous devons nous poser pour avoir une vision éclairée du dossier et une idée du coût.

La Marine est passée à Source Solde au mois de mai dernier. Depuis, tout va bien : les quelque 10 000 changements d'affectation prononcés entre juin et août ont été intégrés dans le calculateur. Cette période de bouchons est la plus compliquée ! car des retards obligent à des calculs rétroactifs. Or tout s'est bien passé. C'est un bon signe !

C'est pour moi un motif de satisfaction. Je mesure l'effort considérable qui a été réalisé par les services du ministère et de la Marine.

Entre 2019 et 2025, les investissements en matière d'hébergement s'élèveront à 1 milliard d'euros pour l'ensemble du ministère et à 118 millions d'euros pour la seule Marine. En 2020, un effort particulier sera consenti pour la base aéronautique navale de Hyères, la base de la force des fusiliers marins et commandos de Lorient et le Pôle écoles Méditerranée à Saint-Mandrier, pour renouveler environ 225 places d'hébergement. Nos besoins sont pris en compte - dans la même mesure, d'ailleurs, que les autres besoins du ministère en la matière. J'en suis très satisfait.

J'en viens à l'attractivité et au recrutement. Voilà vingt ans que l'on diminue nos effectifs. Quand je suis entré dans la Marine, il y avait 70 000 marins, dont 10 000 appelés, soit 60 000 engagés. Aujourd'hui, ils sont 40 000 ! Autrement dit, en quarante ans, nous avons perdu cinq cents marins en moyenne chaque année.

Ainsi, tout était organisé pour diminuer nos effectifs : notre réglementation, notre manière de travailler... Cela doit changer. Force est de constater qu'il y a encore une certaine inertie sur ce plan.

En tout état de cause, nous ne pouvons pas reproduire, en 2019, la trajectoire insuffisante de 2018. Pour ce faire, nous nous sommes mis au poste de combat.

Nous avons mis en place des primes de lien au service pour fidéliser les marins.

Nous avons distribué 160 bourses à de jeunes étudiants dans des spécialités qui nous intéressent en échange d'un engagement à servir dans la Marine. Prenant en compte l'expérience de l'Armée de l'Air, nous avons initié des recrutements locaux.

Nous allons également pratiquer du sourcing, de manière totalement dématérialisée, pour retrouver et relancer, par téléphone ou internet, ceux qui, un jour, ont manifesté un intérêt pour la Marine.

Même si nous ne parvenons pas encore à combler le trou de 2018, nous infléchissons la pente.

De nombreux partenariats ont été lancés avec l'éducation nationale, les lycées professionnels, les IUT... Nous avons même créé des cursus en mécatronique navale, encadrés par l'Education Nationale, sur un programme défini par la Marine.

Nous avons noué des partenariats avec EDF. Leurs apprentis qui ne sont pas embauchés m'intéressent ! Nous faisons de même avec Areva.

Mme Darrieussecq vient de signer un partenariat avec l'Association des maires de France pour étendre notre maillage territorial. Je m'en félicite. De fait, les marins sont concentrés sur Brest, Toulon et, dans une moindre mesure, Lorient et Cherbourg. Ce partenariat nous permettra d'avoir un auditoire plus large et de diversifier nos viviers de recrutement.

Je veux aussi augmenter le nombre de femmes dans la marine, d'ici à 2030, de 14 % à 21 % des effectifs. Je ne peux à la fois ériger les ressources humaines en enjeu stratégique des dix ans à venir et laisser de côté la moitié de la population française. Traditionnellement, nous nous sommes focalisés sur les jeunes hommes ; à nous d'élargir notre vision du recrutement pour aller chercher des jeunes femmes.

Vous m'avez interrogé sur le MCO aéronautique. Les choses se mettent en place, notamment en ce qui concerne la verticalisation des contrats. Je pense notamment à ce que nous avons fait pour le Rafale. Nous allons faire de même pour l'Atlantique 2. Les résultats ne seront pas instantanés.

Nous allons retirer du service les Alouette, le fameux hélicoptère de Fantomas, et les Lynx, dont le coût du MCO est en train d'exploser, pour réinvestir les économies obtenues dans la location d'hélicoptères Dauphin et H160. Nous retrouverons ainsi un meilleur taux de disponibilité.

La ministre avait demandé à M. Malcor de réaliser un audit du MCO naval. Nous sommes en train de suivre plusieurs de ses recommandations, notamment en matière d'innovation sur la maintenance prédictive et sur les imprimantes 3D et en matière de formation. Je veux mettre en place un master spécialisé en maintenance navale.

Le problème des patrouilleurs outre-mer relève plus du vieillissement que d'une question de capacité industrielle. Les futurs patrouilleurs que nous avons évoqués ne seront pas des bateaux très compliqués. Ils doivent d'ailleurs être construits à la mesure des capacités industrielles de l'outre-mer. La question est davantage celle du remplacement de ces bateaux vieux de quarante ans que celle d'une nouvelle organisation du MCO naval outre-mer.

Nous allons commander sous peu les premiers patrouilleurs outre-mer pour remplacer les P400. Ils seront différents de futurs patrouilleurs métropolitains, dont le spectre de missions sera plus large. Le plan se déroule conformément à nos ambitions et à nos objectifs.

Madame Prunaud, il est important de donner aux marins une meilleure prévisibilité de leur activité. C'est l'objectif premier du doublement des équipages de certaines frégates : sur ces bâtiments, les marins connaîtront plusieurs mois à l'avance les périodes de quatre mois pendant lesquelles ils seront en charge du bateau et donc potentiellement en mer, et les périodes de quatre mois pendant lesquelles, n'étant plus en charge du bateau, ils resteront à terre pour se consacrer à la formation, à l'entraînement et au soutien. Les marins sont heureux et fiers de partir en mer, d'aller à l'autre bout du monde, mais ont besoin de pouvoir organiser leur vie personnelle en conséquence.

Nous saurons adapter le MCO des frégates multi-missions pour qu'elles naviguent 180 jours de mer par an, car leurs spécifications le permettent. Le nouveau contrat conclu entre le Service de Soutien de la Flotte et Naval Group pour l'entretien de ces bateaux intègre déjà un niveau d'activité plus élevé qu'aujourd'hui. S'agissant des coûts supplémentaires de MCO liés à l'augmentation de l'activité, des marges de manoeuvre sont obtenues en retirant certains bâtiments du service de façon légèrement anticipée et en reportant les coûts économisés sur les frégates à double équipage.

Par ailleurs, je ne dispose pas actuellement de stocks suffisants pour atteindre rapidement l'objectif d'un tir de munition complexe par bâtiment de premier rang tous les deux ans, que j'ai fixé dans le plan Mercator. Nous sommes en train de relever nos stocks, mais cette ambition ne pourra pas aboutir avant 2022-2023.

Monsieur Perrin, le développement autonome d'un programme de type Hawkeye en France aurait un coût extrêmement élevé. Puisque les chaînes de montage et d'entretien américaines n'existent plus, nos Hawkeye vont péricliter. Comme les Japonais et les Américains, nous devons donc passer à une nouvelle génération plus fiable et plus facile à entretenir. Les missions resteront les mêmes : le Hawkeye est catapulté du Charles de Gaulle pour offrir au groupe aéronaval un parapluie de 800 kilomètres - lorsque le Charles de Gaulle navigue dans les approches de Toulon, le Hawkeye détecte les avions qui décollent de Paris. Le Hawkeye peut également accompagner un raid de Rafale, pour frapper Daech en Syrie, par exemple ; dans ce cas il prend en charge la circulation aérienne, guide les Rafale vers les ravitailleurs, sert de relais radio entre le commandement des opérations à Al Udeid, au Qatar, et les Rafale pour désigner les cibles ; c'est un avion de commandement.

S'agissant des tensions avec la Turquie concernant la zone économique exclusive chypriote, l'Union Européenne s'est exprimée sur ce sujet pour condamner et regretter la situation. La France a de son côté envoyé deux frégates, à deux occasions différentes, patrouiller au large de Chypre.

M. Cédric Perrin. - Vous avez été obligé de la retirer de la zone ?

Amiral Christophe Prazuck. - Non, absolument pas ; mais les frégates que nous déployons en Méditerranée orientale remplissent différentes missions dans cette zone. J'aimerais pouvoir disposer de trente-cinq frégates, monsieur le sénateur. Il faudrait idéalement avoir que une frégate dans le détroit d'Ormuz, une autre dans celui de Bab el-Mandeb, une autre devant la Syrie, une autre encore à proximité de la Libye, en Méditerranée orientale, une en Atlantique nord, tout en assurant l'escorte du Charles de Gaulle et la surveillance des approches maritimes au large de Brest et Toulon... Depuis maintenant plusieurs années, nous devons choisir nos priorités.

Madame Conway-Mouret, vous m'avez interrogé sur nos coopérations. En Atlantique, nous avons un partenariat avec les pays africains du golfe de Guinée pour les aider à améliorer la sécurité maritime, avec les Portugais et les Espagnols. Nous avons également noué des partenariats plus au nord de l'Europe. Je rentre d'Écosse, où j'ai participé à un exercice de certification de notre état-major de conduite d'opérations conjointes franco-britannique dans le cadre de la force expéditionnaire conjointe interalliée, la CJEF - Combined joint expeditionary force -, un des éléments des accords de Lancaster House.

Autour du Charles de Gaulle, vous avez aussi pu voir le Niels Juel, un bâtiment danois. J'ai signé récemment une feuille de route avec mes homologues belges et néerlandais pour développer nos compétences communes en matière de lutte sous la mer.

Nous travaillons beaucoup avec les Norvégiens, avec les Danois, avec les Néerlandais, avec les Belges, les Indiens, les Espagnols, les Portugais, les Britanniques, tous partenaires de haut niveau. Vous verrez dans les prochains mois des réalisations concrètes, notamment autour du Charles de Gaulle.

Monsieur Allizard, je ne connais pas l'objectif précis des Chinois. Je pense qu'ils veulent parvenir à construire six porte-avions, contre douze pour les Américains. Ils sont sur cette voie. Leurs deux premiers porte-avions, de design russe, ne sont pas à catapultes ; on dit que les suivants, de design chinois, seront à catapultes électro-magnétiques, c'est-à-dire capables de lancer des avions très lourds pour des missions offensives.

Le Vendémiaire a croisé en mer de Chine méridionale, puis a emprunté le détroit de Taïwan, comme il le fait tous les ans, avant de participer à la mission de contrôle de l'embargo vers la Corée du Nord. C'est à cette occasion que les Chinois ont pensé que nous étions entrés dans leurs eaux territoriales. Après analyse de la cinématique du Vendémiaire, je ne partage pas leur interprétation. Nos manières de faire dans cette région du monde n'ont pas changé et nous nous en sommes expliqués avec les marins chinois.

Monsieur Boutant, en ce qui concerne le SDAM, ou système de drone aérien pour la marine, mon objectif est d'arriver à un drone par bateau, plus les drones de recherche scientifique, les planeurs sous-marins, les drones des forces spéciales et les drones de surface. D'ici à dix ans, je pense que le nombre de drones dans la marine aura explosé et qu'ils se compteront par centaines. Certains sont tout petits, presque des jouets ; d'autres sont très lourds, comme les drones de chasse aux mines que nous développons avec les Britanniques. Au milieu de tout cela se trouve le SDAM, projet porté à la fois Naval Group et par Airbus. Il s'agit d'un petit hélicoptère, capable de voler dix heures, d'aller à cent nautiques et d'emporter cent kilos de charge utile, c'est-à-dire un radar et une caméra. Les premiers essais d'appontage doivent avoir lieu dans les mois qui viennent. La loi de programmation militaire prévoit une mise en place assez tardive, notamment sur les frégates de défense et d'intervention, les FDI. J'espère que nous pourrons accélérer ce programme.

Monsieur Cigolotti, concernant les forces spéciales, il s'agit d'une réorganisation qualitative qui se fera à effectifs constants ; je n'ai pas besoin de ressources humaines supplémentaires pour les commandos. Auparavant, nous avions des commandos spécialisés soit en libération d'otages, soit en neutralisation à distance. Le commando Hubert, basé à Toulon, rassemble ces deux spécialités. Nous allons étendre ce modèle à l'ensemble des commandos.

Monsieur Poniatowski, en ce qui concerne notre alliance avec les Italiens, nous cherchons à rassembler les besoins de nos marines pour gagner sur les coûts et sur les performances à l'export.

Cela étant dit, les périmètres de Naval Group et de Fincantieri diffèrent quelque peu : Ficantieri a une activité civile assez importante, notamment dans les bâtiments de croisière ; Naval Group a une activité systèmes de combat dont l'équivalent italien serait Leonardo.

Je reste vigilant sur un point : notre savoir-faire en matière de sous-marins nucléaires ne se partage pas. Je veux toutefois souligner qu'Airbus produit nos missiles M-51 qui ne sont évidemment pas partagés. Des organisations industrielles cloisonnées sont donc possibles. Il faut être extrêmement vigilant sur ce point.

- Présidence de M. Robert del Picchia, vice-président -

Projet de loi de finances pour 2020 - Audition de Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor

M. Robert del Picchia, président. - Nous recevons à présent Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor, au sujet de l'un des deux programmes budgétaires de la mission « Aide publique au développement » : le programme 110, « Aide économique et financière au développement », dont elle est la responsable.

Il s'agit d'une situation assez singulière et, pour tout dire, un peu difficile à comprendre : il n'y a pas de principe de répartition clair entre le programme 209, géré par le ministère chargé des affaires étrangères, et le programme 110, dont vous avez la charge. On trouve au sein des deux programmes des dépenses multilatérales, des dépenses bilatérales et des crédits destinés à l'Agence française de développement. De nombreux parlementaires des deux assemblées ont d'ailleurs plaidé, en vain pour le moment, en faveur d'une répartition plus claire, voire une attribution à un seul ministère, car cette diffraction affaiblit la tutelle sur les opérateurs puissants de ce secteur.

D'une façon générale, nous pensons que le pilotage, notamment politique, devrait être réaffirmé.

Deux types de dépenses dominent le programme 110. Ce sont, d'une part, les autorisations d'engagement liées aux grands fonds multilatéraux, en particulier le Fonds vert pour le climat et les instruments de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement, qui représentent à eux seuls la grande majorité des crédits du programme, soit un total de 2,6 milliards d'euros sur les 4,4 milliards du programme. Pourriez-vous évoquer les négociations actuellement en cours pour la reconstitution de l'ensemble de ces fonds, ainsi que les principaux objectifs que leur assignent leurs contributeurs et en particulier la France ?

D'autre part, les crédits de bonification des prêts concessionnels de l'Agence française de développement (AFD) sont en forte croissance depuis deux ans : ils représentent désormais plus de 1,1 milliard d'euros en autorisations d'engagement. Cette montée en puissance est censée correspondre à la trajectoire vers les 0,55 % du revenu national brut (RNB) qui doivent être consacrés à l'aide au développement en 2022 : selon vos évaluations, à quel montant devront alors se monter les crédits de paiement attribués à l'AFD sur cette ligne pour que cet objectif soit atteint ?

Enfin, nous attendons un projet de loi d'orientation sur le développement, mais il semble que la programmation financière qu'il doit comporter ne soit pas encore finalisée. Est-ce bon signe ? Quand pensez-vous que ce texte arrivera sur le bureau des assemblées ?

Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor. -Merci de m'avoir conviée à cette audition sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » et, en particulier, sur les crédits dont la direction générale du Trésor a la responsabilité.

Le ministère de l'économie et des finances participe à l'élaboration de la stratégie d'aide publique au développement (APD), au côté du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE). Les deux ministères assurent le secrétariat du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), qui est l'outil concret opérationnel de coopération et de pilotage de l'aide publique au développement.

La responsabilité de la direction générale du Trésor dans le dispositif de l'APD, est le volet économique et financier de l'APD : les grands fonds multilatéraux, le financement des prêts de l'AFD et annulations de dette -, ainsi que des interventions en matière d'environnement et de climat, du fait notamment de la dimension fortement financière de certains des instruments utilisés, ainsi que de la volonté d'ancrer ces sujets de développement durable au sein des questions de croissance et de politique économique. De son côté, le MEAE pilote principalement les actions sectorielles hors climat, notamment la santé et l'éducation, ainsi que les dons-projets, et donc l'activité de l'AFD en dons. Cette double tutelle a donc une logique : pour le MEAE, la partie dons et une priorité sectorielle sur la santé et l'éducation, et pour le MEF, la compétence en matière économique et financière, et notamment toute l'activité bancaire de l'AFD qui est un établissement de crédit soumis à la supervision de l'ACPR.

Le programme 110 est géré par la Direction générale du Trésor, le programme 209 par le MEAE, et nous gérons en commun, en lien avec le MEAE et la direction du Budget, le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), dont les crédits extrabudgétaires contribuent au financement de fonds multilatéraux sur la santé et sur le climat.

En matière de priorités, le CICID a défini cinq grandes priorités thématiques en 2018 : la lutte contre les changements climatiques, l'égalité entre les femmes et les hommes, la réponse aux crises et vulnérabilités, la santé et l'éducation.

Le programme 110 couvre particulièrement les trois premières priorités.

Tout d'abord, la lutte contre les changements climatiques avec une priorité clairement française qui a été un des axes majeurs du sommet du G7 de Biarritz : la France s'est engagée à doubler sa contribution au Fonds vert pour le climat. Cette contribution s'élèvera à un montant de 1,5 milliard d'euros environ sur la période 2020-2023, financée à la fois par prêt et par don. La conférence de reconstitution du Fonds se tiendra demain et après-demain à Paris [24 et 25 octobre] ; nous avons bon espoir que cette reconstitution s'achève sur des résultats positifs. L'enjeu principal est de combler le manque à gagner qui découle du retrait de la contribution des États-Unis, qui représentait un engagement de 3 milliards de dollars sur les 10 milliards dans la première constitution du Fonds. Les engagements déjà annoncés par d'autres pays représentent un montant d'environ 7,5 milliards de dollars et l'un des enjeux sera de se rapprocher de l'objectif de 10 milliards annoncé par le Président de la République.

Deuxième grande priorité : la réponse aux crises et vulnérabilités. C'est dans cet objectif que nous inscrivons la reconstitution de plusieurs grands fonds multilatéraux, qui sont l'Association internationale de développement (AID), qui est gérée par la Banque mondiale, et le Fonds africain de développement (FAD), qui est le seul guichet concessionnel uniquement consacré aux pays africains. Nos priorités pour la reconstitution de l'AID est la priorité au Sahel - nous visons un objectif d'une augmentation de 30 % des financements accordés à la région Sahel, qui est en grande difficulté - et un objectif climat, qui serait que 30 % des financements de l'AID aient un effet positif sur le climat. Un troisième élément de réponse aux crises et vulnérabilités sont les contributions françaises en faveur de la mobilisation des ressources intérieures dans les pays en développement. Un des enjeux majeurs pour les pays fragiles est d'arriver à avoir une base de ressources fiscales propres qui soutiennent un Etat et les besoins minimum en matière de fonctionnement de l'Etat et de services publics. C'est pourquoi nous avons augmenté notre financement en faveur de la mobilisation des ressources intérieures dans les pays en développement en appuyant l'activité de l'AFD et d'Expertise France, et, dans un cadre multilatéral, avec des contributions spécifiques en la matière.

Troisième priorité : l'égalité entre les femmes et les hommes, qui est aussi une des priorités du sommet du G7 avec deux annonces spécifiques faites dans le cadre du G7 : d'une part, une contribution française de 25 millions de dollars en faveur de l'inclusion numérique financière des femmes en Afrique à l'appui d'un certain nombre d'initiatives qui favorisent la bancarisation, le développement des infrastructures de paiement et l'identification digitale . La deuxième initiative sur laquelle nous allons apporter un soutien spécifique, est l'initiative Afawa, qui vise à favoriser l'accès des femmes au financement en Afrique, et pour laquelle plusieurs pays du G7 dont la France apporteront un concours. Sur le programme 110, 45 millions d'euros sur cinq ans sont prévus pour financer des garanties à des projets entrepreneuriaux portés par des femmes en Afrique. Il a par ailleurs été décidé par le CICID de 2018 que la moitié des volumes annuels d'engagements de l'AFD auront un objectif genre principal ou significatif.

Notre direction générale intervient de manière plus marginale et indirecte en matière de financement de l'éducation et de la santé, à travers notre action au sein de fonds multilatéraux, ainsi la part des financements de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement pour la santé et l'éducation.

Je souhaite à présent revenir sur la question de la trajectoire d'APD. Nous sommes proches des cibles intermédiaires fixées par le CICID de 2018 avec une marge de 0,01% du revenu national brut puisque, en 2018, l'APD française a atteint 10,3 milliards d'euros, soit 0,43 % du RNB malgré un effet défavorable lié au mode de comptabilisation des prêts concessionnels qui entre en vigueur à partir de 2018. Le ratio de 0,43 % serait maintenu en 2019, avec une augmentation de la part bilatérale et malgré l'effet défavorable du contrecoup en 2019 du décaissement du prêt accordé à l'AID en 2018. L'objectif pour 2020 est une augmentation assez sensible de ce ratio, à 0,46 % du RNB, et c'est ce qui est prévu en application du budget présenté cette année. Donc, nous sommes proches de la trajectoire et nous gardons l'objectif de 0,55 % du RNB fixé par le Président de la République pour 2022.

S'agissant du calendrier du projet de loi relatif à l'aide au développement, je ne saurais aller plus loin que ce qu'a annoncé le Président de la République lors de la Conférence des ambassadeurs fin août, qui était : consultations à l'automne, saisine du Conseil d'Etat et examen du projet de loi au premier semestre de 2020. Ce projet de loi devrait contenir des éléments de trajectoire budgétaire, mais les discussions doivent se poursuivre.

Sur la mission budgétaire « Aide publique au développement » et le programme 110 en particulier : dans le projet de loi de finances pour 2020, la mission représente 7,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,3 milliards d'euros en crédits de paiement et, en 2020 , si l'on y ajoute les crédits du Fonds de solidarité pour le développement, soit 738 millions d'euros, on arrive à un total de plus de 4 milliards d'euros de crédits pour l'aide publique au développement. La hausse des crédits de paiement, qui représente déjà une hausse de 7 % entre 2019 et 2020, va s'accélérer dans les années suivantes : on anticipe une hausse totale de 57 % des crédits de paiement entre 2019 et 2022, à comparer à une hausse de 5 % pour le budget de l'État. L'aide publique au développement est la politique publique qui enregistre la plus forte progression sur la période, en cohérence avec les objectifs fixés par le Président de la République.

Pour le programme 110, les crédits de paiement augmenteront de 76 % entre 2019 et 2022. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit pour ce programme 4,47 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 1,14 milliard d'euros en crédits de paiement.

Je voudrais souligner le caractère très contraint du programme 110, qui est fortement conditionné par les engagements internationaux de la France. Les crédits de paiement sont souvent la traduction d'engagements antérieurs que la France a souscrit et auxquels elle ne peut se soustraire, tels que des fonds multilatéraux, comme l'AID, le FAD, le Fonds vert pour le climat, et la bonification de prêts qui ont déjà été octroyés par l'Agence française de développement.

La forte hausse des autorisations d'engagement sur le programme 110 en 2020 est liée à la reconstitution triennale de trois fonds multilatéraux importants : le Fonds vert pour le climat avec le doublement de la contribution française, la reconstitution du Fonds africain de développement (FAD) pour 0,5 Md€, et la reconstitution de l'Association internationale de Développement (AID) pour 1,4 Md€.

Le maintien de notre engagement dans ces fonds est une condition pour maintenir notre influence dans les institutions multilatérales de développement et pour que ces institutions servent les priorités géographiques et thématiques de l'APD française - on voit l'enjeu de l'AID pour la priorité Sahel - et il permet d'avoir un effet de levier sur les contributions des autres pays.

Sur la question de la part des prêts et des dons dans l'APD française. Le prêt reste l'un des outils importants de l'APD française : c'est un outil vertueux puisqu'il permet de financer des projets de grande ampleur, notamment d'infrastructures, qui pourraient être difficilement financés par dons ; il permet de maximiser l'impact de notre effort budgétaire par un effet de levier ; il permet à des États qui ne pourraient accéder à des prêts sans bonification de disposer de ces financements ; dernier élément positif, il permet de responsabiliser les États bénéficiaires. Cet instrument doit être manié avec prudence  et nous sommes très vigilants dans l'utilisation des prêts de ne pas sur-endetter les pays récipiendaires. Il y a des enjeux de surveillance de l'endettement. Il y a un certain nombre de pays qui se retrouvent, non pas du fait de nos interventions ou des interventions de pays de l'OCDE, mais de l'intervention de nouveaux créanciers, dans une situation de risque de surendettement. Nous utilisons donc cet instrument de façon raisonnée, raisonnable et avec beaucoup de précaution sur la soutenabilité de la dette des pays récipiendaires. Il reste un instrument pertinent pour un certain nombre de pays qui ont la capacité de s'endetter et pour lesquels les conditions de financement, aujourd'hui assez favorables, permettent de financer des projets dont la rentabilité interne est supérieure au taux d'endettement.

Le dernier point sur lequel je voulais revenir est la question de la coopération avec le MEAE et la manière dont nous exerçons conjointement la tutelle de l'AFD. Notre tutelle conjointe et notre coopération se sont beaucoup renforcées. Je vois de façon très régulière, avec le secrétaire général du MEAE, le directeur général de l'AFD pour travailler sur les sujets d'intérêt conjoints et définir les priorités conjointes de l'AFD, les sources de financement, les priorités sectorielles, l'organisation de l'agence pour améliorer son efficacité en tant qu'opérateur de l'aide au développement. Nous avons, par exemple, beaucoup travaillé sur le rapprochement d'Expertise France avec l'AFD. Nos deux compétences se complètent de façon nécessaire et pertinente: nous apportons la compétence bancaire et financière, à la fois nationale et internationale, et le MEAE, et notamment la direction générale de la mondialisation, apporte une compétence plus sectorielle, notamment en matière de santé et d'éducation. Ces deux regards et cette double tutelle paraissent pertinents et nécessaires pour une structure de l'aide au développement française qui repose sur un opérateur qui a un rôle à la fois de banque et de gestionnaire de dons pour le compte de l'Etat, et représente donc une structure complexe biface qui regroupe tous les outils. C'est le choix qui a été fait il y a plusieurs années de regrouper l'essentiel des outils dans un opérateur, une intégration des différents outils qui répond à un continuum de l'aide, les prêts et les dons se complétant.

M. Robert del Picchia, président. - Rassurez-moi : l'AFD, comme banque, est bien bénéficiaire ?

Mme Odile Renaud-Basso. - L'AFD est bénéficiaire dans son activité de prêt. Ce bénéfice est réinvesti à 80 %.

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis pour l'aide publique au développement. - Nous, rapporteurs pour avis, sommes en quelque sorte assis entre deux chaises, puisque nous attendons toujours la loi de programmation de l'aide publique au développement, et devons en même temps examiner les crédits de l'APD pour 2020 dans le cadre de la loi de finances. Notre commission entend aussi approfondir son travail en matière d'évaluation de l'aide.

Tout aussi fondamental est le pilotage politique. Vous avez souligné, madame la directrice générale, le travail mené à cet égard par votre ministère, conjointement avec celui des affaires étrangères. M. Le Drian lui-même, que nous recevions hier, a relevé l'importance des orientations politiques, sur laquelle notre président, Christian Cambon, insiste également.

Ma première question porte sur les prêts concessionnels, qui constituent, pour ainsi dire, la marge de manoeuvre de l'AFD. Pouvez-vous nous fournir des informations plus précises sur leur montée en puissance dans la perspective de l'objectif de 0,55 % que prévoira la loi de programmation ?

Ensuite, s'agissant de l'aide apportée au Fonds africain de développement, qui passe de 369 à 504 millions d'euros par périodes de trois ans, comment nous permet-elle de peser sur les orientations du fonds ? Je pense en particulier au Sahel, où le lien entre la Banque africaine et notre action ne semble pas aussi étroit que souhaitable.

Plus généralement, le ministère des affaires étrangères essaie de conjuguer aide publique au développement et influence française. Comment votre ministère prend-il en compte les relations entre ces deux dimensions ?

Enfin, parallèlement au retrait des Américains, que vous avez abordé, les Russes ont signé l'accord de Paris. Peut-on attendre de cet engagement politique une traduction financière dans les fonds multilatéraux en matière d'environnement ?

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteure pour avis pour l'aide publique au développement. - De façon récurrente, des ONG diverses préconisent un relèvement à 0,5 % du taux de la taxe sur les transactions financières, qui contribuerait grandement à crédibiliser l'objectif de 0,55 % du revenu national brut consacré à l'aide publique au développement. La crédibilité dont vous avez parlé ne nous paraît pas complètement avérée à ce jour.

Cette augmentation de la taxe sur les transactions financières s'inscrirait en outre dans un cercle vertueux en termes de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique.

Le Président de la République a pris plusieurs engagements dans le cadre du G7. En matière d'entrepreneuriat féminin, vous nous avez apporté certaines précisions. En revanche, s'agissant de la transformation numérique en Afrique, nous ne comprenons pas bien comment seront ventilés les crédits, ni même s'il y en aura.

Depuis le début, nous considérons que, dans l'intérêt de la « team France », Expertise France et l'AFD doivent se rapprocher, mais en conservant chacun ses spécificités. Or vos propos nous laissent craindre une absorption pure et simple d'Expertise France, donc la fin de cette entreprise, de son agilité et de son savoir-faire. Nous avons le sentiment désagréable que le regroupement des différents opérateurs de l'expertise française, voulu par le Sénat dans un souci d'efficacité, a déplu dans certains ministères, et que d'aucuns travaillent à un démantèlement subreptice. Pouvez-vous nous rassurer ?

M. Jean-Marie Bockel. - Pour siéger au nom du Sénat au conseil d'administration de l'Agence française de développement, je mesure combien sont imbriquées les différentes dimensions que symbolise la double tutelle. On ne peut pas dissocier l'aspect financier des enjeux de l'aide publique au développement.

En tant que banque, l'AFD a une gestion rigoureuse, comme en attestent ses résultats. Mais, sans remettre en cause le rôle du Trésor, qui est dans notre tradition, ni parler d'impérialisme de sa part, ce qui serait inutilement provocateur, je me demande si la complexité du système actuel n'est pas une spécificité française, et si elle est bien adaptée au monde qui vient.

Par ailleurs, s'agissant des relations entre l'AFD et Expertise France, a-t-on analysé toutes les causes de l'échec récent ? La restructuration en cours vous paraît-elle satisfaisante ? L'excellence française en la matière est en jeu.

M. Olivier Cadic. - Depuis sa création, en 1976, l'Association nationale des établissements français à l'étranger (Anefe) a garanti 166 prêts au bénéfice de 112 établissements dans 95 pays. Cette structure n'a pas coûté un denier à l'État, ni en fonctionnement ni en garantie.

Or, l'année dernière, la direction générale du Trésor a suspendu l'octroi de la garantie de l'État aux emprunts réalisés par l'Anefe pour le compte des établissements. Résultat : tous les projets d'extension et de rénovation sont bloqués depuis plus d'un an. Un audit réalisé en 2018 par vos services, nous a-t-on expliqué, critiquait l'Anefe non pour sa gestion, mais pour sa structure et pour le respect des règles prudentielles. Par souci de transparence, la direction générale du Trésor peut-elle nous communiquer ce rapport d'audit ?

En bloquant toute garantie de l'État, vous mettez en danger la réalisation d'objectifs politiques en matière d'action extérieure. Ainsi, de nombreux investissements sont nécessaires pour atteindre l'objectif, fixé par le chef de l'État, d'un doublement du nombre d'élèves accueillis dans le réseau scolaire français. Au reste, lors de la conférence de presse détaillant les mesures du Gouvernement pour atteindre cet objectif, M. Lemoyne, secrétaire d'État, a reconnu que l'absence de garantie de l'État pour les prêts immobiliers restait une difficulté à surmonter.

Faute d'avoir proposé une alternative, vous menacez tous les projets de développement d'école, alors que le besoin de financement en matière de rénovation et d'extension est estimé, pour les seules écoles conventionnées avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, à 120 millions d'euros.

Cette année, vous avez débloqué la garantie de l'État pour deux dossiers : Panama et Mascate. Tant mieux pour ces établissements, même si les surcoûts liés au délai devront être supportés par les parents d'élève.

Quand proposez-vous une solution pour régler le problème créé par la décision de l'an dernier ? Grâce à son pragmatisme, l'Anefe prouve son efficacité depuis près d'un demi-siècle ; elle est proche de tous les acteurs et ne coûte rien. Faut-il lui préférer un autre système, dont il y a lieu de craindre qu'il ne présente pas les mêmes avantages ?

M. Robert del Picchia, président. - Cette question déborde un peu du domaine de l'aide publique au développement, mais elle a son importance.

Mme Odile Renaud-Basso. - Sur la question de l'évaluation : l'évaluation de l'aide publique au développement est une de nos priorités. Le projet de loi de programmation qui devrait vous être soumis au premier semestre de l'année prochaine prévoira la création d'une commission d'évaluation unifiée. Elle serait placée auprès de la Cour des comptes, donc autonome, et une composante très importante, l'Observatoire des coûts de l'aide serait hébergé dans cette commission indépendante. C'est une des recommandations du rapport Berville qui a été reprise par le gouvernement.

Sur le pilotage politique. C'est un élément très important. Le fait que le gouvernement ait à nouveau réuni le CICID, comité présidé par le Premier ministre, est un élément important de pilotage politique. Par ailleurs, le ministre des affaires étrangères réunit le conseil d'orientation stratégique de l'AFD. Nous avons les outils pour affirmer ce pilotage : la définition des cinq priorités thématiques, du volume de l'APD, la part entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale font partie d'un cadrage stratégique défini par les instances politiques au plus haut niveau et avec une implication tout à fait importante du Président de la République sur ces sujets qui ont très souvent une forte dimension internationale.

Sur l'atteinte de l'objectif de 0,55% et la montée en puissance de l'AFD, il y a une augmentation sensible de l'activité de l'AFD, passée de 3 milliards d'euros en 2006 à 15 milliards d'euros prévus en 2020, en lien également avec l'élargissement du champ géographique de l'AFD, qui se traduit par une croissance forte du bilan. A terme, une augmentation de capital pourrait être nécessaire pour soutenir cette croissance du bilan.

La montée en puissance des prêts contribue à l'augmentation de la trajectoire d'APD et à l'atteinte de l'objectif de 0,55 %, mais ce n'est pas le seul facteur. Nos prévisions prennent en compte à la fois une augmentation des financements en dons, des volumes de prêts et des éléments potentiels d'annulation de dettes, et notamment une potentielle annulation de dette du Soudan.

Sur la question du Fonds africain de développement (FAD). Dans le cadre de la renégociation, nous influons sur les objectifs du FAD, comme nous le faisons pour l'AID. Nous avons la même priorité Sahel au FAD, que pour l'AID, même si le FAD est plus petit et aura un impact financier moins important. La hausse du financement du FAD (à environ 500 millions d'euros) intègre le passage d'un financement mixte combinant des dons et un prêt très concessionnel à un financement exclusif par dons.

Sur l'aide au développement et l'influence française. C'est un objectif que nous partageons. L'arrivée de nouveaux acteurs, et l'importance prise par la Chine en Afrique par exemple, montre que l'aide au développement est un facteur d'influence et un facteur de dialogue politique, de dialogue économique, etc.. C'est un vecteur extrêmement important, d'où l'importance accordée à la fois aux financements bilatéraux et multilatéraux et à ce que nos priorités soient bien prises en compte dans les financements multilatéraux.

Sur la position américaine. Les Américains restent actifs dans le domaine de l'aide au développement : ils ont participé à l'augmentation de capital de la Banque mondiale. Là où il y a un retrait très marqué, c'est sur les actions en faveur du climat et le retrait du Fonds vert, mais pour le reste ils restent partie prenante des discussions, avec un certain nombre de priorités partagées avec nous, comme l'évolution de l'endettement de l'Afrique.

Sur la question de l'augmentation de la taxe sur les transactions financières (TTF). Nous sommes très réservés sur l'hypothèse d'une augmentation de la TFF à 0,5 % pour plusieurs raisons. Tout d'abord, notre évaluation est que cela pourrait avoir un effet négatif sur la base, et donc le résultat global ne serait pas favorable. Un effet de taux permettrait d'augmenter les recettes mais si le taux s'applique sur une base plus réduite parce que une partie de l'activité part à l'extérieur, compte tenu du fait qu'il n'y a pas d'harmonisation de la TTF aujourd'hui, notre évaluation est qu'il pourrait y avoir un effet négatif de l'ordre d'un tiers sur les recettes. Nous n'y sommes donc pas favorables sachant que nous essayons par ailleurs de faire progresser la discussion au niveau européen dans le cadre de la coopération renforcée qui avait été lancée il y a quelques années.

Sur la transition numérique en Afrique. Elle fait partie des priorités des institutions multinationales, et notamment de la Banque mondiale. Du point de vue français, l'action nouvelle annoncée dans le cadre du G7 sont les initiatives en faveur de l'inclusion digitale financière des femmes en Afrique, qui lient inclusion financière et inclusion digitale. L'accès aux comptes et le développement de l'activité économique en Afrique passe par le saut d'une étape en matière de numérisation : l'accès aux comptes bancaires se fera directement par digitalisation. C'est donc un axe important qui a été retenu. Nous travaillons sur ce sujet avec JPAL [le laboratoire d'Esther Duflo].

S'agissant d'Expertise France, le scénario retenu n'est pas un scénario d'absorption mais un scénario d'adossement. Expertise France a connu un certain nombre de difficultés et il y a des synergies importantes avec l'activité de l'AFD. Depuis, dans ce scénario de rapprochement, les coopérations ont ainsi été multipliées par quatre, ce qui est déjà un effet positif assez important, mais Expertise France restera une structure juridique autonome, gardera la personnalité morale et sera comparable à une filiale de l'AFD mais ne sera pas intégrée dans les équipes de l'AFD et, donc gardera une autonomie de gestion. C'est extrêmement important pour l'Etat car Expertise France s'appuie beaucoup sur l'expertise de fonctionnaires, dans le cadre de relations conventionnelles avec un certain nombre de ministères.

Sur la question sur la particularité de l'organisation de la tutelle de l'AFD. Il ne s'agit pas d'une spécificité française. Le fait d'avoir une banque de développement soumise à la tutelle du ministère de l'économie et des finances est une caractéristique que l'on retrouve dans beaucoup de pays qui ont une activité de banque. C'est par exemple le cas en Allemagne où la KfW porte l'essentiel de l'aide au développement ; elle agit pour le compte du Gouvernement et avec une forte implication du ministère des finances dans son pilotage. La situation est différente dans les pays qui ne font que des dons, comme par exemple le cas du Department for International Development (DFID) qui n'a plus qu'une activité de dons au Royaume-Uni,. Le suivi de la Banque mondiale et des autres grandes institutions multilatérales de développement est aussi très souvent assuré par les ministères des finances, en raison des problématiques bancaires qui y sont associées. Dans beaucoup de pays se retrouve cette coopération entre les affaires étrangères et les finances sur ces sujets.

Sur l'Anefe. C'est un sujet compliqué. Nous avons effectivement beaucoup travaillé sur ce sujet. La structure fonctionne mais a un cadre juridique très fragile. Notre préoccupation venait du fait que nous accordions un arrêté de garantie mais dont les bases juridiques n'étaient pas très solides, comme l'a montré le rapport d'audit dont je vous transmettrai au minimum une synthèse ou les principales recommandations. Nous avons débloqué les dossiers pendants et qui étaient prêts. Notre objectif est bien pouvoir mettre en oeuvre les orientations politiques et donc l'objectif de doublement. Nous travaillons d'arrache-pied dans le cadre d'un groupe de travail quadripartite avec le Trésor, la direction du budget, Quai d'Orsay et l'Éducation nationale pour finaliser une solution qui devrait être prête dans les prochaines semaines. Il faut une solution qui fonctionne et une solution qui soit solide juridiquement et qui ne mette pas en risque les fonctionnaires qui signeraient des garanties et prendraient des responsabilités financières sans avoir le cadre juridique ou l'autorité pour le faire. Même si l'Anefe a fonctionné ainsi pendant longtemps, nous devons régler ce problème juridique. Nous très mobilisés sur la recherche d'une solution et nous sommes proches d'un accord sur la voie à suivre ; vous en serez tenu informés dès que ce sera abouti.

Mme Christine Prunaud. - Quelle est la part des dons et des prêts dans l'aide au développement ? Avez-vous réussi à faire baisser le surendettement de ces pays africains auquel vous accordez, à juste titre une attention particulière, ou réduire la dette de ces pays est-il en réalité impossible ?

Mme Odile Renaud-Basso. - Sur la question de notre stratégie en matière d'endettement, nous prenons en compte les analyses de soutenabilité de la dette faites par le FMI et la Banque mondiale. Nous avons fait un effort d'annulation extrêmement important dans les années 1990 avec les pays pauvres très endettés, qui a été un effort international de tous les pays membres du Club de Paris et des institutions multilatérales pour désendetter les pays. La préoccupation aujourd'hui est que, pour les 19 pays prioritaires pour l'aide française, on constate à nouveau une tendance à la ré-augmentation de la dette, avec un niveau moyen de dette publique passé de 35 à 51 % du PIB entre 2012 et 2017, avec des risques de soutenabilité divers : faibles pour certains pays, comme le Sénégal, modérés pour d'autres. Des pays sont à nouveau à risque élevé des risques élevés comme, par exemple, la République centrafricaine. Ce sont typiquement des pays où la France n'intervient que sous la forme de dons.

Cette question est liée notamment à l'arrivée de nouveaux créanciers, et en particulier la Chine qui est devenue un nouvel acteur très important du financement bilatéral de ces pays avec des projets d'infrastructure très importants en volume, et donc un impact assez important sur l'endettement. D'où les efforts qui sont faits au niveau international et bilatéral pour que la Chine se rapproche des disciplines et mettent en oeuvre des principes de financement soutenables, prenne en compte l'analyse de soutenabilité de la dette et participe aux travaux du Club de Paris. Aujourd'hui, la Chine est associée à ces travaux et nous essayons de nous coordonner plus étroitement pour qu'elle se coordonne avec l'ensemble des créanciers.

Sur les questions de volume des prêts. Le volume brut des prêts accordés par l'AFD est plus important que le volume de dons mais en 2019 l'effort budgétaire de l'État est plus concentré sur les dons que sur les prêts.

M. Robert del Picchia, président. - Je vous remercie pour vos réponses.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 30.