Mercredi 5 juin 2019

- Présidence de M. Jean-Pierre Leleux, vice-président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Communication sur les conseillers techniques et sportifs (CTS) 

M. Jean-Pierre Leleux, président. - Mes chers collègues, je vous prie en premier lieu d'excuser notre Présidente retenue ce matin en Normandie pour les commémorations relatives au 75ème anniversaire du Débarquement.

C'est donc en son nom que je souhaiterais vous entretenir de la question de l'avenir des conseillers techniques et sportifs (CTS).

Je vous rappelle que ces cadres de l'État travaillent dans les fédérations sportives à la mise en oeuvre des politiques sportives et à la formation des athlètes. Ils sont donc essentiels notamment dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Depuis plusieurs mois le Gouvernement envisage la suppression de 1600 de ces cadres et leur détachement auprès des fédérations et des collectivités locales.

Si j'évoque aujourd'hui cette question c'est que l'inquiétude est montée d'un cran il y a quinze jours avec l'adoption d'une disposition dans le projet de loi de transformation de la fonction publique qui aurait pour effet de permettre un détachement d'office de ces CTS aux fédérations sportives. Je précise que la disposition visée à l'article 28 du projet de loi est d'ordre général et ne vise pas uniquement les CTS. Cependant, des articles de presse ont fait état ces dernières semaines des documents de travail du ministère des sports qui laissent peu de doute sur le fait que des détachements d'office seraient envisagés dans le cas où le volontariat ne suffirait pas.

Interrogée à ce sujet, la ministre des sports a déclaré pour sa part qu'il n'y aurait pas de détachements d'office, sans pour autant convaincre pleinement puisque le non-remplacement des départs à la retraite a déjà engagé l'extinction de ces emplois.

La situation est suffisamment confuse et préoccupante pour que la Présidente nous propose de confier à notre collègue Michel Savin la mission de faire le point sur ce sujet.

Il pourrait nous présenter ses conclusions lors d'une communication d'ici la fin du mois de juin. Bien entendu, les auditions qu'il conduira sur ce thème seront ouvertes à l'ensemble des membres de la commission.

M. Michel Savin. - Les premières auditions ont eu lieu hier. Le texte arrive en effet très rapidement en séance au Sénat - dès le 18 juin. Je présenterai ainsi un avis la semaine prochaine à la commission. Les présidents des fédérations que nous avons reçus hier sont très inquiets. Nous recevons tout à l'heure à 11h30 les représentants des syndicats des CTS. J'invite tous les collègues à y participer. Tous les groupes présents hier ont exprimé l'idée d'arriver à une position unanime. Nous commençons à nous organiser en ce sens.

Projet de loi pour une école de la confiance - Désignation des candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire

M. Jean-Pierre Leleux, président. - Je vous propose par ailleurs de désigner les membres de la commission mixte paritaire appelée à se réunir dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'École de la confiance. Après consultation de l'ensemble des groupes politiques, je vous suggère de soumettre au Sénat la nomination comme membres titulaires de : Mme Catherine Morin-Desailly (Union Centriste), M. Max Brisson (Les Républicains), M. Jacques Grosperrin (Les Républicains), - Mme Laure Darcos (Les Républicains), Mme Maryvonne Blondin (Socialiste et républicain), - Mme Marie-Pierre Monier (Socialiste et républicain) et M. Antoine Karam (La République En Marche).

Pour les membres suppléants, les noms sont les suivants : Mme Céline Brulin (CRCE), Mme Françoise Laborde (RDSE), M. Laurent Lafon (Union Centriste), M. Philippe Mouiller (Les Républicains), M. Olivier Paccaud (Les Républicains), M. Stéphane Piednoir (Les Républicains) et Mme Sylvie Robert (Socialiste et républicain).

Je ne vois pas d'opposition. Il en est ainsi décidé.

Parcoursup - Audition de M. Bastien Brillet, rapporteur général de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), et de Mme Christelle Guichard, secrétaire générale

M. Jean-Pierre Leleux, président. - Nous avons le plaisir d'accueillir deux représentants de la Commission d'accès aux documents administratifs.

Dans le cadre de notre mission de suivi de l'application des lois, je vous rappelle que notre commission a engagé, après le vote de la loi Orientation et Réussite des étudiants, un travail sur la question des algorithmes locaux utilisés, dans le cadre de Parcoursup, par les établissements d'enseignement supérieur.

Notre collègue Jacques Grosperrin, qui avait été notre rapporteur sur le texte ORE, a organisé en début d'année un cycle d'auditions auxquelles vous avez été conviés. Les auditions les plus importantes ont eu lieu en plénière devant notre commission. Ce fut le cas notamment pour le Défenseur des droits, la Conférence des Présidents d'université ou encore la CNIL.

Pour clore ce cycle d'auditions, nous entendons aujourd'hui les représentants de la Commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, en l'occurrence Mme Christelle Guichard, secrétaire générale et M. Bastien Brillet, rapporteur général, pour évoquer avec eux la question de la transparence de Parcoursup et plus particulièrement celle de la « communicabilité » des algorithmes locaux utilisés par les établissements pour classer les candidatures à l'entrée dans l'enseignement supérieur.

En effet, dans un avis de janvier 2019, la CADA a déploré le régime d'accès restreint dont font l'objet les algorithmes locaux de Parcoursup. Nous serions heureux de vous entendre plus en détail, Mme Guichard et M. Brillet, sur votre analyse du régime juridique existant mais aussi sur vos éventuelles préconisations pour améliorer la transparence de Parcoursup, car la confiance des futurs étudiants dans la plateforme est l'une des conditions majeures de son bon fonctionnement, au profit de tous.

M. Bastien Brillet. - Je vous remercie pour votre invitation. Comme vous le savez, la CADA est une autorité administrative indépendante, chargée d'émettre un avis préalable à la saisine du juge administratif, lorsqu'une administration au sens large refuse à une personne la communication d'un document administratif. La saisie de la CADA constitue un recours préalable obligatoire. Une fois l'avis de la commission rendu, celui-ci peut utilement éclairer l'administration sur le caractère communicable ou non du document. C'est la décision prise par l'administration suite à ce recours qui peut être déférée le cas échéant à la juridiction administrative.

Traditionnellement le droit d'accès aux documents administratifs porte sur le caractère communicable de documents existants. Mais le législateur a prévu par l'adoption de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique un renforcement de la transparence de l'action administrative, en contraignant, par un article L. 311-3-1 du code des relations entre le public et l'administration, les administrations à informer les administrés faisant l'objet d'une décision administrative prise sur le fondement d'un traitement algorithmique. Cette information, porte sur les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en oeuvre. Les dispositions réglementaires prises pour l'application de ces dispositions prévoient que sont communiquées les informations suivantes : le degré et le mode de contribution du traitement algorithmiques à la prise de décision, les données à traiter et leurs sources, les paramètres du traitement et, le cas échéant, leur pondération, appliqués à la situation de l'intéressé et enfin les opérations effectuées par le traitement.

Par ailleurs, le législateur a également prévu en créant un article L. 312-1-3 du même code que les administrations publient en ligne les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l'accomplissement de leur mission, lorsqu'ils fondent des décisions individuelles. C'est ce que la CADA considère comme le droit commun de l'accès aux documents administratifs pris sur le fondement d'un traitement algorithmique. En septembre 2018, puis en janvier 2019, nous avons été saisis de plusieurs demandes à la suite de refus de communication, le plus souvent implicites, de près de 68 universités de communiquer les procédés algorithmiques utilisés dans le cadre du traitement des candidatures d'entrée dans le premier cycle de l'enseignement supérieur.

Dans le cadre de l'examen de ces demandes, nous avons entendu les représentants du ministère chargé de l'enseignement supérieur sur la portée qu'ils donnaient aux dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'éducation. Cet article n'est pas d'une appréhension aisée. À l'issue de cette audition et d'un délibéré, le collège de la commission a rendu l'avis du 10 janvier 2019 que vous mentionniez Monsieur le Président. Le collège a considéré, s'agissant des algorithmes locaux mis en place par les établissements, qu'en prévoyant qu'étaient satisfaites les obligations de droit commun et en leur substituant la délivrance d'une information différente, le législateur du code de l'éducation avait créé un régime particulier d'accès au procédé algorithmique ainsi mis en place ; et que, d'autre part, ce régime faisait nécessairement obstacle aux obligations de publication en ligne génériquement prévues par le code des relations entre le public et l'administration. Sans trahir le secret des délibérations, le raisonnement a été de dire qu'une restriction ne touchant que les candidats à l'exclusion des tiers, lesquels tiers auraient donc pu avoir accès à l'information dont la communication était refusée aux candidats, n'avait guère de sens et privait d'effet utile les dispositions prévues par le code de l'éducation. C'est le sens de l'avis que nous avons émis, en relevant que nous déplorions cette dérogation qui ne dit pas formellement son nom eu égard à l'intérêt qui s'attache à la transparence de l'action administrative ainsi qu'à l'accessibilité sociale des algorithmes qui sont de plus en plus utilisés par l'administration. La lecture retenue par la commission n'a pas été suivie par le tribunal administratif de la Guadeloupe, qui avait pourtant notre avis en sa possession. Nous attendons désormais la décision du Conseil d'État qui ne saurait tarder car un recours en cassation a eu lieu. Si mes informations sont exactes, le rapporteur public a conclu à l'annulation du jugement du tribunal pour un motif de fond.

M. Jean-Pierre Leleux. - Je passe d'abord la parole à M. Grosperrin, rapporteur de la loi « orientation et réussite des étudiants ».

M. Jacques Grosperrin. - L'article L. 612-3 du code de l'éducation voté dans le cadre de la loi ORE vont semble-t-il parfaitement conforme aux nouvelles dispositions issues du RGPD ? Je m'interroge en particulier sur la notion de « traitement entièrement automatisé » : comment être certain que des formations n'ont pas eu recours à un traitement tout-automatisé ? Dans les formations ayant eu à traiter un très grand nombre de candidatures il me paraît évident qu'un certain nombre de dossiers (les moins bons et les meilleurs probablement) ont fait l'objet d'un traitement purement automatisé, sans aucune intervention humaine ...

L'argument majeur du Gouvernement pour refuser la communication des algorithmes locaux est la protection du secret des délibérations du jury. Cet argument vous semble-t-il recevable ? La définition des critères (quelles notes, quelle pondération) qui seront utilisés dans les algorithmes locaux vous semble-t-elle relever de la « délibération » du jury ?

M. Bastien Brillet. - La CADA est uniquement chargée de se prononcer sur le caractère communicable d'un document administratif. Elle n'est pas compétente pour interpréter les dispositions du RGPD, qui ne traite que du traitement des données à caractère personnel. D'ailleurs, le RGPD prévoit en son article 86 qu'il est sans incidence sur le régime du droit d'accès aux documents administratifs. La commission ne saurait vous apporter un éclairage utile sur ce point. Je relève toutefois que la CNIL - interrogée par votre commission sur ce sujet - a répondu de manière précise et argumentée sur la compatibilité des dispositions de l'article L. 612-3 et des articles 15 et 22 du RGPD d'un point de vue théorique. Toutefois, votre question ne porte pas tant sur le droit que sur le dispositif mis localement en place par chacune des universités. Personnellement, je ne vois pas de contrariété manifeste avec les dispositions de la loi. Mais cela ne signifie pas que lorsqu'il a été mis en place localement, il n'y ait pas de difficulté. Cet avis personnel n'engage pas la commission.

Le législateur a fait le choix de poser le principe du secret des délibérations, pour en tirer une protection. Il n'appartient pas à la CADA d'apprécier ce choix. Notre avis ne concerne pas ce point. La CADA est parfois confrontée à ce principe à l'occasion des jurys de concours d'accès à l'emploi public. Cette notion a été dégagée par le Conseil d'État : il a considéré que le secret des délibérations était l'une des garanties de l'égal accès à l'emploi public au sens de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Si on avait été réellement en présence d'un jury au sens de ces dispositions, sans doute que la précision législative n'aurait pas été utile. Sauf erreur de ma part, les commissions de sélection mises en place par les universités s'apparentent plus à des commissions administratives qu'à des jurys de concours d'accès à l'emploi public.

M. Pierre Ouzoulias. - J'ai sollicité votre commission à plusieurs reprises. Dans un avis du 6 septembre 2018, vous m'aviez donné raison, mais en me demandant de me retourner vers chacune des universités pour demander les documents en question. Sur le fond, vous étiez d'accord avec moi. Sur la forme, vous m'aviez indiqué qu'il vous était impossible de collecter la totalité des informations auprès des quelques 80 universités. Fort de votre avis, mon groupe a contacté les universités afin d'obtenir ces documents. Or, nous ne les avons pas obtenus. Cette situation est pénible, car on sent que dans son travail d'évaluation des politiques publiques, le Parlement subit un certain nombre de freins qui ne se justifient pas au regard de nos missions. Je pense que ce dossier est essentiel. J'en profite pour remercier notre collègue Jacques Grosperrin de l'esprit avec lequel il mène notre mission sur ce sujet.

Aujourd'hui, les documents mis en ligne par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche montrent très bien que dans le traitement des dossiers, il y a deux phases distinctes : une phase « de pré-traitement » où il s'agit de définir des coefficients qui vont permettre de donner une note aux dossiers. Selon ce que l'on comprend du RGPD, il s'agit sans doute d'une forme de profilage, d'algorithmes automatiques sans intervention humaine, à partir de coefficient définis par les enseignants chercheurs. Dans un deuxième temps seulement, il y a une intervention humaine. Si le ministère distingue lui-même une phase de pré-traitement et ensuite une phase d'analyse individuel - ou pas - des dossiers, il serait légitime que nous ayons la possibilité d'avoir des informations aujourd'hui refusées sur la première partie. On considère aujourd'hui qu'il y a un seul traitement englobant toute la démarche. Or, la pratique montre que ce n'est pas le cas. La première phase est d'ailleurs très différente en fonction des universités. Si le ministère reconnait lui-même qu'il y a deux phases, pourquoi ne pouvons-nous pas obtenir les documents sur la première d'entre elles ?

Mme Mireille Jouve. - Comme la CADA l'a déploré dans son avis du 10 janvier dernier, les dispositions introduites - insidieusement si j'ose dire - par le gouvernement dans le cadre du projet de loi ORE empêchent aujourd'hui la communication des algorithmes locaux qui sont protégés par le secret des délibérations. Le gouvernement avait pourtant à plusieurs reprises assuré à la représentation nationale qu'il n'y aurait aucun obstacle à la publication de tous les algorithmes. Vous évoquez l'instauration d'un régime spécial d'accès par le législateur. Existe-t-il d'autres régimes d'accès en matière d'algorithme, d'autres « brèches » dans la loi pour une République numérique de 2016, que celle introduite par le gouvernement dans le cadre de la loi ORE ?

M. Stéphane Piednoir. - Ma question porte sur le décret du 26 mars dernier qui enjoint les établissements de préciser sur la plateforme les critères généraux d'examen des voeux des candidats. Que pensez-vous de ces dispositions ? Cette précision est-elle de nature à lever vos réticences sur l'accès restreint aux algorithmes locaux de Parcoursup ?

Mme Sylvie Robert. - Mes questions étaient similaires. En tant que commissaire de la CNIL, nous avons débattu de cette question. D'ailleurs, deux personnes de la CNIL sont venues devant la commission et cela a été extrêmement utile. Je demanderai à la présidente de la CNIL de pouvoir retravailler sur le sujet.

Permettez-moi de prendre un peu de distance et d'évoquer la réforme du bac : le choix des spécialités est en train d'influer sur la façon dont un certain nombre d'universités vont préciser leurs algorithmes locaux en fléchant et en profilant déjà les jeunes qui auront choisi telle ou telle spécialité. Se crée une articulation, qui est d'ailleurs heureuse, et nous avions tous indiqué ici qu'il fallait une articulation entre Parcoursup et la réforme du bac. Mais, je ne suis pas certaine que ce soit la bonne articulation. La philosophie de la réforme du bac est intéressante car elle ouvre sur la transversalité et sur l'ensemble des compétences des jeunes pour pouvoir ouvrir aussi les parcours à d'autres formations. Ce sujet est également d'actualité dans le projet de loi Santé, car il peut être intéressant qu'un médecin ait également des compétences en matière de sciences humaines, intégrées dans son parcours de lycéen. C'est une ouverture de la culture générale des jeunes.

En tout cas, l'articulation entre réforme du bac et Parcoursup me semble être un nouveau chantier. Nous devons être extrêmement vigilants : il faut faire attention qu'il y a de la transparence, mais également que cette réforme du bac soit vue comme une ouverture d'accès et non un profilage.

M. Laurent Lafon. - Pierre Ouzoulias faisait remarquer qu'il y avait très probablement un traitement automatisé pour écarter ou intégrer très rapidement un certain nombre de demandes. C'est le cas dans un certain nombre de filières sous tension. En revanche, dans les filières qui ne sont pas en tension, parce qu'il n'y a pas de besoin, on peut imaginer qu'il n'y ait pas de traitement automatisé. Il y a des différences à faire entre universités mais aussi au sein des filières elles-mêmes. Cela doit sans doute complexifier votre position, pour définir une règle générale.

Dans un souci de transparence par rapport aux bacheliers et dans leurs voeux sur Parcoursup, il faut peut-être distinguer entre les critères et leur pondération. Les critères sont un élément indicatif fort sur sa capacité à être accepté dans une filière, alors que les éléments de pondération n'apportent pas grand-chose au bachelier pour s'avoir s'il a une chance d'être admis ou s'il vaut mieux qu'il s'inscrive dans une autre filière.

Enfin, je n'ai pas encore vu l'avis du rapporteur public du Conseil d'État.

M. Bastien Brillet. - Il ne s'agit pas d'un avis, mais d'une décision juridictionnelle.

M. Laurent Lafon. - A-t-elle été publiée ?

M. Bastien Brillet. - L'audience a eu lieu le 17 mai. La décision va être rendue dans les jours qui viennent.

Pour répondre à la question sur les deux phases du processus de sélection, dont une comprendrait un traitement algorithmique, je l'ai compris et su - car à la CADA nous n'avons pas eu accès aux systèmes mis en place - à la lecture du compte-rendu de votre audition de la CNIL. A l'époque, lorsque nous avons délibéré, nous n'avions pas conscience de cette double étape et de la difficulté juridique qu'elle était susceptible de poser au regard du RGPD. Mais, en première analyse, je ne crois pas que cela changerait notre avis sur le fond. Quand bien même il y aurait deux phases, il me semble que les deux phases sont incluses dans les dispositions de l'article L. 6121-3 du code de l'éducation. Sans m'avancer sur la volonté du législateur, il me semble que cela a été fait à dessein.

À ma connaissance, il n'existe pas d'autres régimes dérogatoires au droit commun de transparence des décisions administratives prises sur le fondement d'un traitement algorithmique. Ceci étant dit, la disposition de l'article L. 311-3-1 est relativement récente. Nous avons été en pratique assez peu saisis, hormis les cas nationaux de plateformes. Mais il est vrai que nous constatons de plus en plus, et pas spécifiquement sur les algorithmes, la multiplication de régimes dérogatoires au droit commun dans tous les codes. Chaque législateur spécialisé prévoit un régime spécifique d'accès pour des considérations qui lui appartiennent. Avec la direction des archives du ministère de la culture, nous avions fait un recensement. Nous avions dénombré près de 300 régimes particuliers de communication et d'accès aux documents administratifs, et autant de dérogations. Cela pose un double degré de difficulté : d'accès au droit pour tout à chacun, mais aussi à la CADA qui n'a pas une compétence de plein droit sur l'accès aux documents administratifs, mais d'attribution définie par le code des relations entre le public et l'administration, notamment à l'article L. 340-2-2. Le législateur d'un secteur particulier, qui n'est pas forcément au fait du droit d'accès aux documents administratifs oublie - volontairement ou non - la CADA. On a donc un régime autonome sur lequel la commission n'a pas son mot à dire. C'est une vraie difficulté. Je ne l'ai pas encore rencontrée sur les algorithmes locaux. Mais elle est générale, et il n'y a pas de raison qu'elle n'apparaisse pas.

La CADA n'a pas eu à connaître du décret du 26 mars 2019. Je ne suis pas un spécialiste du droit de l'éducation ni des traitements algorithmiques en tant que tels. Mais mon avis personnel est le suivant : je ne suis pas certain qu'il faille y voir une avancée substantielle : les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'éducation prévoyaient déjà la communication des informations relatives aux critères. Je ne suis pas sûr que le fait de le rappeler dans le décret soit d'une portée juridique signifiante. En tout état de cause, cette précision ne saurait remplacer l'information prévue par le droit commun : le degré et le mode de contribution du traitement algorithmique à la prise de décision, les données traitées et leurs sources, les paramètres du traitement et le cas échéant la pondération appliquée à la situation de l'intéressé ainsi que les opérations effectuées par le traitement.

Les remarques de Mme Robert n'appellent pas de réponse en particulier. Nous prenons acte que d'autres chantiers sont à venir et nous y serons vigilants.

M. Lafon, vous sembliez privilégier une publicité des critères qui serait plus profitable aux candidats que la pondération de tels critères. Il me semble que la publicité des critères est déjà prévue, tant par les dispositions législatives que les dispositions réglementaires. Ce qui importe aux candidats est de savoir comment les différents critères sont articulés en fonction de leurs projet personnel. Or, cela est fait par l'algorithme via la pondération.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Si vous me permettez une réflexion fondée sur mon expérience, il est plus intéressant de s'occuper de Parcoursup en tant que père, qu'en tant que sénateur, afin de comprendre les affres de ce système. Certes, le tirage au sort n'était pas une solution et nous sommes tous d'accord sur ce point. Ce système est nouveau et demande à être peaufiné. Passer d'un système à un autre n'est jamais simple, mais je pense qu'il y a des marges d'amélioration sur la transparence des algorithmes locaux - des précisions sont nécessaires pour les filières en tension - mais également de manière générale. Il serait intéressant de connaître le regard des jeunes sur ce système.

La réunion est close à 10h15.