Mardi 6 mars 2018

- Présidence de M. Patrick Chaize, vice-président -

La réunion est ouverte à 13 h 45.

Proposition de loi tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit - Examen des amendements de séance

M. Patrick Chaize, président. - Nous sommes réunis pour examiner les amendements de séance sur la proposition de loi tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit.

Je vous propose que nous examinions d'abord les amendements présentés par la rapporteure, puis les amendements proposés par nos autres collègues.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE LA RAPPORTEURE

Article 1er

L'amendement de coordination DEVDUR.1 est adopté.

Article 2

L'amendement rédactionnel DEVDUR.4 est adopté.

Article 9

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - L'amendement DEVDUR.3 réécrit l'article 9 afin de proposer un dispositif plus ciblé que dans la rédaction actuelle. En raison d'éléments techniques qui nous sont parvenus après le passage en commission, il s'avère que le dispositif de plafonnement prévu risque de provoquer des pertes importantes de recettes pour les collectivités, ce qui n'est bien évidemment pas l'intention des auteurs de la proposition de loi. Cet amendement propose donc un mécanisme d'exonération ciblée sur les futurs déploiements destinés à assurer ou à améliorer la couverture par les réseaux mobiles dans les zones identifiées conjointement par l'État, les collectivités territoriales et les opérateurs. Ainsi, il n'affectera pas le rendement actuel de l'IFER, ni même son évolution future pour les déploiements de sites en dehors de ces zones, tout en permettant une mise en oeuvre rapide de l'accord conclu en janvier avec les opérateurs.

L'amendement DEVDUR.3 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article 1er

La commission demande le retrait de l' amendement n°6 et, à défaut, y sera défavorable.

Article additionnel après l'article 1er

La commission demande le retrait de l' amendement n°3 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 2

La commission émet un avis favorable aux amendements identiques nos 12, 13 et 14.

La commission émet un avis favorable à l' amendement n° 8, identique à l'amendement DEVDUR.4.

La commission émet un avis favorable à l' amendement n°7.

Article additionnel après l'article 4

La commission émet un avis favorable à l' amendement n°11 rectifié.

Article 6

La commission émet un avis favorable à l' amendement n°9 rectifié.

Article additionnel après l'article 6

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°1.

Article 8

La commission émet un avis favorable à l' amendement n°5.

Article 9

La commission demande le retrait de l' amendement n°4 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 11

La commission émet un avis favorable à l' amendement n°2 rectifié.

Article additionnel après l'article 12

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°10.

La réunion est close à 13h55.

Mercredi 7 mars 2018

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Article 13 de la Constitution - Audition de Mme Chantal Jouanno, candidate proposée aux fonctions de Présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP)

M. Hervé Maurey, président. - Nous entendons ce matin Chantal Jouanno, candidate proposée aux fonctions de présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP).

Je vous rappelle qu'en application du 5ème alinéa de l'article 13 de la Constitution, cette nomination ne peut intervenir qu'après l'audition de la personne pressentie devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, ces auditions étant suivies d'un vote.

Conformément aux dispositions de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010, cette audition est publique et ouverte à la presse.

À l'issue de cette audition, je demanderai aux personnes extérieures de bien vouloir quitter la salle afin que nous puissions procéder au vote qui se déroulera à bulletin secret.

Le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat. L'Assemblée nationale procédera à l'audition de Mme Jouanno cet après-midi à 16 h 30 ; nous pourrons donc dépouiller le scrutin aux alentours de 18 heures.

Enfin, je vous rappelle qu'il ne pourrait être procédé à cette nomination, si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins 3/5ème des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Madame Jouanno, le Sénat vous connaît bien puisque vous y avez siégé entre 2011 et 2017 et que vous étiez, avant votre départ, membre de notre commission et présidente de la délégation aux droits des femmes.

Je rappellerai brièvement quelques éléments de votre parcours. Après avez été sous-préfète et directrice du cabinet du préfet de la Vienne et de la région Poitou-Charentes à votre sortie de l'Ecole nationale d'administration, vous occupez divers postes au ministère de l'intérieur avant de rejoindre le cabinet de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, comme conseillère technique en 2003.

En 2006, vous devenez directrice de cabinet et de la communication à la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine.

À la suite de l'élection de Nicolas Sarkozy comme président de la République en 2007, vous devenez sa conseillère pour le développement durable, avant d'être nommée présidente de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie en février 2008.

Vous restez moins d'un an à ce poste, puisqu'en janvier 2009, vous êtes nommée secrétaire d'Etat à l'écologie, puis ministre des sports en novembre 2010

En 2011, vous êtes élue sénatrice de Paris, et vous exercez en parallèle un mandat de conseillère régionale puis de vice-présidente de la région Ile-de-France, à partir de la fin de l'année 2015. Lors du renouvellement sénatorial de 2017, vous choisissez de ne pas vous représenter et vous annoncez votre intention de quitter la vie politique pour rejoindre le privé.

Votre retraite de la sphère publique aura été brève, ce qui nous donne le plaisir de vous retrouver ce matin.

Créée en 1995, la CNDP est une autorité administrative indépendante dont la mission est d'organiser la consultation du public en amont de l'élaboration de certains projets, plans ou programmes, à travers la tenue de débats publics ou de concertations préalables sous l'égide de garants.

Il s'agit d'une mission importante, puisque l'association des citoyens au moment de l'élaboration de grands projets d'infrastructures est très utile pour assurer leur acceptabilité.

Cette participation du public en amont est complémentaire à celle qui existe en aval, au moment de l'autorisation des projets, par le biais de l'enquête publique ou de la consultation publique.

Le rôle de la CNDP a été récemment renforcé par une ordonnance du 3 août 2016, récemment ratifiée, qui a réformé les modalités de participation du public, en reprenant en grande partie les préconisations faites par la commission présidée par Alain Richard.

Cette réforme a notamment conduit à élargir les cas de saisine obligatoire de la CNDP et à créer un droit d'initiative au profit des citoyens, des parlementaires, des collectivités territoriales et des associations de protection de l'environnement, qui peuvent saisir la commission afin de lui demander d'organiser une consultation sur un projet donné.

Avant de vous laisser la parole pour que vous puissiez nous présenter votre projet, j'aimerais vous poser quelques questions liminaires.

Nous aimerions, bien sûr, savoir quelles sont vos motivations pour exercer la fonction de présidente de la CNDP ? Quelle est votre vision du rôle de la CNDP et de la participation du public préalablement à l'élaboration de certains projets ? On sait que des interrogations se font jour sur une éventuelle fusion avec le CESE, le Conseil économique, social et environnemental : vous nous donnerez sans doute votre avis.

Vous nous donnerez aussi, je n'en doute pas, tous les éléments nous permettant d'être certains de l'impartialité qui sera la vôtre dans vos fonctions, où vous pourrez être amenée à animer des débats sur des sujets dont vous avez eu à connaître dans vos responsabilités passées. Je pense par exemple aux consultations à venir sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), ou sur des projets d'aménagements dans la région Ile-de-France, par exemple les projets d'infrastructures olympiques.

Mme Chantal Jouanno. - J'ai grand plaisir à vous retrouver. Je reviendrai tout à l'heure sur les raisons de la brièveté de mon passage vers le privé, mais veux vous dire d'emblée les raisons de mon intérêt pour la CNDP. Dès lors que l'on s'engage sur les questions environnementales, de développement durable et d'aménagement du territoire, on se trouve aussitôt confronté à la question du débat public : quelle est l'acceptabilité mais plus encore la faisabilité d'un projet, quel sera son impact sur les populations, pour qui sera-t-il soutenable et pour qui le sera-t-il moins ? Telles sont les questions qui se posent d'emblée sur des sujets qui touchent à notre modèle de société, nos modes de production, nos comportements, et qui exigent un débat très large. Autant dire que ces questions sont inhérentes à tout ce qui touche à l'aménagement du territoire et à l'environnement.

Dans mon parcours professionnel, j'ai eu l'occasion d'expérimenter différentes techniques de concertation, de participation ou de consultation du public pour élaborer des projets ou des politiques - non pas tant dans la préfectorale, où les décisions du préfet sont motivées par l'exigence, régalienne, de garantir la sécurité, que dans mes fonctions au sein de collectivités locales. Je pense, par exemple, à la consultation qui avait été menée par le Conseil général des Hauts-de-Seine pour inviter la population à hiérarchiser les priorités dans les politiques qu'il entendait mener. C'est ainsi qu'ont été organisés des consultations par internet, des débats avec les élus, des conférences de consensus avec des citoyens représentatifs. Toutes ces expériences ont été enrichissantes.

Lors du Grenelle de l'environnement, nous avons répondu au souhait exprimé, durant la campagne, par le futur Président de la République, de construire les politiques avec les associations environnementales. Il nous revenait de mettre en oeuvre cette volonté, et d'engager le débat avec l'ensemble des parties prenantes en veillant à ce qu'il soit le plus ouvert possible et ne sombre pas dans un affrontement manichéen. D'où l'initiative du « dialogue à cinq partenaires », une technique de construction des politiques réutilisée dans le cadre du plan de prévention des risques technologiques et dont le Conseil d'Etat, dans son rapport de 2011, a souligné tout l'intérêt.

Comme vice-présidente de région sur les projets d'aménagement, j'ai eu à mettre en place une politique de soutien aux quartiers innovants et écologiques, avec toutes les difficultés que cela emportait. Il s'agissait de rencontrer les porteurs de projet en associant la population très en amont, afin qu'elle en retire le maximum de bénéfice.

Si l'on veut aller plus loin sur l'aménagement du territoire, l'environnement, le développement durable, il faut rechercher les meilleurs moyens d'organiser le débat public, pour qu'il soit utile. Là est le sens de ma candidature : il s'agit pour moi d'être utile aux porteurs de projets, aux collectivités locales, aux citoyens.

Vous m'interrogez sur ma vision de la CNDP. Je n'ai pas la prétention de vous livrer, à ce stade, un plan stratégique, car il me faut d'abord en passer par la pratique, et mesurer les conséquences des dispositions de l'ordonnance d'août 2016 qui, avec l'élargissement des motifs de saisine obligatoire et du droit d'initiative, accroît considérablement la mission de la CNDP. La priorité, pour les années à venir, sera de mettre en oeuvre ces dispositions nouvelles, et de voir en quoi elles contribuent au débat public et à la mise en oeuvre de projets ou de politiques : en somme, de les évaluer. Il sera intéressant, de ce point de vue, de débattre avec les porteurs de projets, les maîtres d'ouvrage et l'ensemble des parties prenantes des modalités de cette évaluation. Comment savoir si le débat public a été efficace ? On ne l'évalue pas au nombre de projets arrêtés mais bien plutôt à la mesure dans laquelle le débat a contribué à enrichir un projet ou un programme. Il s'agit, dans le débat public, de dresser une cartographie des données et des intérêts, pour que la décision soit prise à la lumière de cet éclairage.

On comprend, du même coup, combien impartialité et neutralité sont essentielles à la CNDP. Vous avez donc raison de me demander comment, eu égard à mon parcours politique, je saurai les garantir. Car de fait, la CNDP, garante de l'objectivité du débat public, doit permettre à toutes les opinions de s'exprimer et s'assurer qu'elles seront prises en compte jusqu'en aval, c'est-à-dire jusqu'à la phase de l'enquête publique.

L'impartialité de l'institution est garantie, tout d'abord, par son mode de fonctionnement. Ses 25 membres sont nommés par les institutions qu'ils représentent, et qui rassemblent l'ensemble des parties prenantes de la société - acteurs économiques, sociaux, associatifs, élus, membres du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Ce pluralisme est une première garantie. Ces membres s'engagent tous sur une charte de déontologie, qui garantit l'absence de conflit d'intérêt. Son président ne saurait présider de commission particulière : si ma candidature était retenue, je n'aurais donc pas à interférer dans des débats qui peuvent concerner des projets dont j'ai eu à connaître.

Si je suis candidate, enfin, c'est bien pour garantir la neutralité de l'institution. Il est hors de question que j'exprime une opinion politique sur un projet. Ce serait sortir du rôle du président, qui est de garantir que les conditions du débat public soient réunies. J'ai déclaré, naguère, que vous n'entendrez plus parler de moi, et je ne m'en dédis pas : je ne ferai aucune déclaration politique.

M. Didier Mandelli. - Vous aviez en effet déclaré que vous quittiez la sphère publique. N'étant guère familier des arcanes du pouvoir, je me demande comment vous en êtes venue à vous porter candidate. Vous a-t-on sollicitée ? Y avez-vous vu une opportunité qui vous a décidée à quitter la sphère du privé ?

Je m'interroge, également, sur le statut du président de la CNDP. Est-il un fonctionnaire ou est-il régi par un autre statut ? Qu'en est-il, enfin, de sa rémunération, et du budget de l'institution ?

M. Hervé Maurey, président. - Je rebondis sur cette question, car lors de précédentes nominations, il nous avait été indiqué que de nouveaux processus de recrutement avaient été mis en place, par le biais de cabinets de recrutement - je pense à la présidence de la RATP, notamment... Je rappelle également, s'agissant de la question des rémunérations, qu'un récent rapport de la Cour des comptes porte sur les autorités administratives indépendantes et notamment les conditions de rémunération de leur personnel et de leurs dirigeants.

Mme Chantal Jouanno. - Dans le secteur privé, où j'ai travaillé pour un cabinet de chasseurs de têtes - une expression que je n'aime guère -, j'ai conservé une petite frustration : celle de ne pas capitaliser l'expérience acquise dans mes fonctions publiques. Quand on s'est occupé par le passé de l'intérêt général, le coeur balance toujours de ce côté.

Je connais encore beaucoup d'acteurs de la sphère publique, qui m'ont fait savoir que la présidence de la CNDP venait à échéance le 22 mars et qui m'ont demandé si j'étais intéressée. C'est un poste qui ne se refuse pas tant sont vastes les enjeux politiques, au sens large, qui y sont attachés. Puis je n'ai plus entendu parler de rien, jusqu'à la publication du communiqué de presse de l'Elysée.

Vous m'interrogez sur les conditions statutaires. Le président de la CNDP n'a pas le statut de fonctionnaire - même si je le suis par ailleurs, comme administrateur civil. Il est nommé, comme les autres membres, pour cinq ans. Sur les conditions de rémunération du président et des vice-présidents, il y a eu un projet de décret sur cette question, dont je ne sais s'il a été publié. En général, ces conditions font l'objet d'un dialogue avec le secrétaire général du gouvernement mais elles sont, en tout état de cause, très éloignées de ce qu'étaient les miennes dans le privé. Ce n'est pas l'argent mais l'intérêt de la fonction qui a motivé ma candidature.

Vous avez tous à connaître du budget de la CNDP à l'occasion des lois de finances. Pour les années à venir, il n'est pas facile de le calibrer, compte tenu de l'ampleur des réformes introduites par l'ordonnance, mais aucune difficulté budgétaire n'est aujourd'hui signalée.

Mme Nelly Tocqueville. - Je me félicite que le précédent gouvernement ait élargi le champ des compétences de la CNDP, pour une meilleure contribution du débat public à l'élaboration des grands projets d'aménagement. Vous mesurez combien son rôle et ses prérogatives sont devenues importantes ; vous mesurez aussi l'indispensable neutralité qui doit être la sienne. Dans l'organisation de la concertation préalable sur les quatre façades maritimes, pour prendre un exemple au coeur de l'actualité, comment la CNDP sera-t-elle garante de cette impartialité ? Notre commission a mené une importante réflexion sur les problématiques du littoral. La CNDP doit assurer une vraie concertation entre collectivités, maîtres d'ouvrage et porteurs de projets. Comment entendez-vous travailler à concilier les usages de la mer pour le développement économique et les enjeux humains et environnementaux ?

Mme Chantal Jouanno. - La principale garantie de neutralité réside dans les personnes en charge de l'organisation de la concertation. Comme je l'ai dit, il serait bon que les règles de déontologie s'appliquent à l'ensemble des représentants de la CNDP. La Commission, cependant, ne doit pas se tromper de rôle : elle n'est pas décisionnaire, mais intervient en amont pour dresser une cartographie de l'ensemble des parties prenantes, des intérêts en présence, des arguments. Elle doit prendre en compte ceux des élus, des maitres d'ouvrage, des représentants des associations locales. Son rôle n'est pas d'émettre un avis mais de permettre aux décideurs de se déterminer. Déontologie des personnes en charge, cartographie aussi large que possible, rôle circonscrit : tels sont les trois moyens de garantir l'impartialité dans des débats sensibles.

M. Ronan Dantec. - La CNDP a participé à l'organisation des débats sur le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Quel bilan tirez-vous de la manière dont elle est intervenue dans ce débat ? Car le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'a pas apaisé le débat public, qui s'est, au contraire, durci. Vous nous dites que ses 25 membres, issus de tous horizons, garantissent la pluralité. Mais dans ce débat, on a retrouvé chez eux le clivage entre les « pro » et les « anti ».

La question des garants est centrale. Comment faire pour que les présidents de débat soient toujours dégagés de tout conflit d'intérêt ?

Vous dites, enfin, que vous vous interdirez d'intervenir sur le fond, mais quid de la forme du débat ? Si, dans le cadre d'un débat sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, manquent les éléments formant le socle du débat, considérerez-vous que l'Etat oppose une difficulté ou estimez-vous devoir vous en tenir à la réserve ?

Mme Chantal Jouanno. - Sur Notre-Dame-des-Landes, le travail de la CNDP n'a pas été évalué. Je ne saurais dire, ainsi, quels ont été les sujets des 240 saisines intervenues. Le rapport du Conseil d'Etat a tiré un bilan en 2011, mais pas depuis. Il manque une évaluation plus régulière, qui doit servir à nous améliorer. Le seul fait que les acteurs locaux, notamment politiques, aient pu avoir le sentiment que la CNDP est partisane pose problème. Le retour d'expérience est donc très important. Reste à savoir qui doit conduire l'évaluation, pour garantir son impartialité.

La CNDP a adopté une charte déontologique pour remédier à des soupçons de prise de position. Il est important, à mon sens, que ces dispositions soient élargies à l'ensemble des représentants, des garants et des présidents de commissions particulières. Ces présidents, jusqu'à présent, sont nommés par un vote des membres de la CNDP, sur proposition de son président. Il serait bon de mettre en place un jury préalable, avec plusieurs candidats, pour que l'ensemble des membres de la Commission puissent juger en impartialité.

Dans l'organisation des débats, le rôle de la CNDP et de son président est d'être vigilants sur la forme. Si elle considère que l'ensemble des informations ne sont pas fournies, elle doit le dire. Sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, les modalités d'organisation des débats ont été publiées hier soir : il semblerait que le président de la commission particulière estime que le gouvernement a fourni l'ensemble des informations nécessaires.

M. Hervé Maurey, président. - Songez-vous à un « audit » de fonctionnement de la CNDP pour modifier certaines pratiques ?

Mme Chantal Jouanno. - Le terme d'audit est un peu dur. Il serait logique, en revanche, alors que l'ordonnance a modifié ses compétences, d'évaluer l'organisation des débats. Il ne s'agit pas de mettre en question ce qui a été fait, mais de rendre des comptes sur le fonctionnement de la Commission et de démêler le bon du moins bon.

M. Jean-Michel Houllegatte. - La mission de la CNDP s'inscrit dans le cadre des grands projets d'aménagement du territoire, qui se déploient dans le temps long. Vous mettez en avant l'exigence d'impartialité, d'objectivité, de neutralité, mais comment y répondre quand on voit, dans un débat public tel que celui de Flamanville, qui s'est tenu en 2005-2006, que la mise en service était initialement prévue pour 2018-2019 et que le coût du projet, initialement de 2,8 milliards, est aujourd'hui de 10,5 milliards ? Autant dire que les conditions initiales ont été largement modifiées par l'évolution même du projet. Ne pensez-vous pas que le débat public ex ante devrait se prolonger ex post pour voir où en sont les objectifs initiaux, s'ils ont été modifiés, et pourquoi ?

Mme Chantal Jouanno. - La question s'est posée dans le cadre de l'ordonnance : le fait que le temps des grands projets soit très long et que ses conditions, au moment du débat initial, ne soient pas les mêmes que lors de la décision finale, est un constat partagé. On part, de fait, d'un projet à l'état zéro, assorti des alternatives possibles. Il faut s'assurer que les évolutions soient prises en considération pour apporter des réponses à l'opinion. C'est pourquoi il a été décidé de nommer des garants post-débat, chargés de veiller à la bonne transmission de l'information au public et aux parties prenantes. Mais ce processus ne doit pas, cependant, interférer avec l'enquête publique, en aval. Autrement dit, le garant poursuit le processus d'information mais sans être partie prenante à l'enquête publique.

M. Jérôme Bignon. - J'ai vécu la mauvaise expérience de deux débats publics, qui se sont étalés sur une dizaine d'années et ont abouti à un échec, faute de parvenir à concilier deux exigences politiques majeures : développer les énergies marines renouvelables d'une part et protéger les milieux marins et la vie des pêcheurs, d'autre part. Malgré deux débats publics, le consensus n'a pas été possible si bien que le gouvernement a été amené à modifier la procédure d'adoption, en transférant l'avis conforme du conseil de gestion du parc marin, où l'Etat n'est pas majoritaire, au conseil d'administration de l'Agence pour la biodiversité, où il l'est. D'où, sur le terrain, un sentiment de frustration.

En 2015, l'autorité administrative a préconisé de confier à la CNDP une mission de conciliation, importante sur des sujets conflictuels, et d'encourager la production de contre-expertises indépendantes de celles des maîtres d'ouvrage et porteurs de projets, pour plus de crédibilité. Ces mesures ont été reprises dans l'ordonnance et le décret, et je m'en réjouis. Quel est votre point de vue sur cet élargissement ?

Mme Chantal Jouanno. - La possibilité a été ouverte, en effet, de demander des expertises alternatives et complémentaires, nécessaires pour garantir l'objectivité de l'information. Le dispositif de conciliation, en revanche, est chose plus radicalement nouvelle au regard de la mission initiale de la CNDP. Il faudra du temps pour le mettre en oeuvre. Autant il est possible d'identifier, dans les arguments, les points sur lesquels les parties peuvent se retrouver, autant il est plus délicat de produire un document sur les points d'accord. Il faudra creuser tout cela, car c'est très nouveau.

M. Alain Fouché. - J'indique à notre président que Mme Jouanno n'a pas été directrice de cabinet du préfet de la Vienne, mais du préfet de la région Poitou-Charentes, ce qui est plus important.

Je m'interroge sur le budget de la CNDP. Les textes votés visent à augmenter la transparence, ouvrir les possibilités de saisine et en faciliter l'accès. De quelle équipe disposerez-vous pour y faire face ? Avez-vous idée des moyens complémentaires dont vous aurez besoin ?

Mme Chantal Jouanno. - Le budget pour 2017 a été de quelque 2 millions d'euros en exécution. L'équipe de la CNDP, composée de 7 personnes, est petite, mais elle s'appuie sur des ressources importantes : 250 garants, et des présidents de commissions particulières. J'ajoute qu'au-delà de ce budget, les porteurs de projet financent la concertation via un fonds de concours, estimé à près de 3 millions d'euros pour l'an prochain. Quant au budget voté pour 2018, il est en forte augmentation, à 3,4 millions d'euros, pour prendre en compte les nouvelles missions de la CNDP.

Mme Angèle Préville. - Ma question porte sur l'acceptabilité des projets et la transmission de l'information sur les sujets de nature scientifique. Comment intensifier l'effort sur cette information pour tenir compte de l'insuffisante culture scientifique de la société française ? Un projet comme celui du centre industriel de stockage géologique de Bure devrait être accompagné d'un effort d'information.

Comment associer le plus de citoyens possible, notamment ceux qui vivent sur le territoire concerné ? Comment mieux les mobiliser, car force est de constater que peu d'entre eux se déplacent ?

Mme Chantal Jouanno. - Je préfère parler de faisabilité que d'acceptabilité, car la CNDP intervient très en amont. Il s'agit de voir ce qui est faisable et qui en recevra l'impact, car pour certaines personnes, le fait est qu'il n'y a pas d'alternative possible. Souvenez-vous que dans le Grenelle I, le principe d'un droit à l'alternative avait été reconnu, même si l'on n'a pu le mettre en oeuvre.

La CNDP se doit de diffuser une information aussi impartiale, complète et compréhensible que possible. Sur des sujets très complexes, l'une des solutions passe par un système consistant à tirer au sort des citoyens et à les former à la compréhension de l'ensemble des enjeux. Ce système a fait ses preuves. A Bure, le débat public n'a pas été possible, du fait des opposants au projet. Ce système, en même temps que l'information diffusée par la presse locale ont néanmoins permis d'ouvrir le débat le débat.

Pour élargir le champ de la participation, il est possible de recourir au numérique. Mais c'est une solution qui, du fait de la fracture numérique, ne saurait se substituer au débat public. Avec l'expérience, on parvient à trouver des voies adaptées à la technicité ou à la conflictualité des projets.

Mme Françoise Cartron. - Quelle articulation envisagez-vous entre la CNDP et le CESE, le Conseil économique, social et environnemental, que le Président de la République souhaite voir devenir un outil de la consultation publique pour tout projet de réforme ? Comment voyez-vous la place de la CNDP ? Partenaire, coopérateur, impulseur ? Car je n'ose dire concurrent.

Mme Chantal Jouanno. - La CNDP a certes la possibilité d'organiser des débats nationaux, mais dans le champ circonscrit de l'environnement ou de l'aménagement du territoire. L'ordonnance a utilement précisé qu'elle intervient très en amont et non une fois que la réforme a déjà été pensée. Voyez le cas des nanotechnologies, où la CNDP avait été chargée d'organiser un débat qui s'annonçait conflictuel. Le gouvernement avait déjà des orientations, mais dans le débat public, il s'agissait de fournir une information en cartographiant l'opinion avant d'élaborer un projet de réforme. Le CESE interviendrait plus en aval : nous ne sommes pas en concurrence. En revanche, la CNDP dispose d'une réelle expertise en matière d'organisation du débat public, qui peut être très utile. Elle intervient en accompagnement de la politique de modernisation de l'action publique, afin de d'apporter son conseil pour l'organisation de débats.

M. Gérard Cornu. - Quel est exactement le rôle du président de la CNDP ? Est-il à la fois président et directeur, est-il assisté d'un secrétaire général ayant la fonction de directeur ? Quel est sa mission, au-delà d'être une caution morale importante de respect et d'impartialité, pour des dossiers où l'environnement et l'aménagement du territoire sont parfois difficilement conciliables ?

Mme Chantal Jouanno. - La commission nationale de la CNDP compte 25 membres permanents. Sur les débats particuliers sont nommés des présidents de commissions particulières, avec des équipes dédiées, et des garants. Cette assemblée de 25 membres se réunit chaque mois et prend les décisions : elle arbitre sur la nomination des présidents de commissions particulières, les équipes qui l'entourent, l'état d'avancement des dossiers, le lancement des débats et la validation de leurs modalités. Le président présente les candidats à la présidence des commissions particulières, fait en sorte que les dossiers soumis soient le plus complet possible. Il veille donc au respect de l'ensemble des règles de la CNDP.

Il a également un rôle dans le fonctionnement interne de la CNDP : il nomme les membres permanents, et assure le budget. Le secrétaire général, en lien avec le président, assure le fonctionnement interne, notamment la rédaction des marchés publics.

Pour des raisons déontologiques, le président ne peut présider des commissions particulières, mais lorsque la CNDP organise le débat avant de décider de projets, il vérifie que tous les éléments d'information sont réunis.

M. Michel Vaspart. - Vous aspirez à présider une autorité administrative indépendante (AAI), alors que celles-ci ont été mises sur la sellette par la Cour des comptes et le Sénat. Une commission d'enquête du Sénat, présidée par Marie-Hélène des Esgaulx, et dont le rapporteur était Jacques Mézard, a examiné la quarantaine d'AAI existantes. Nous avons été désagréablement surpris de découvrir une certaine opacité de fonctionnement de ces autorités. Tous les gouvernements ont créé des AAI, parfois pour se désengager de leurs responsabilités, parfois pour des raisons pertinentes...

Le rapport proposait la suppression de 20 AAI sur 40 - la moitié ! Vous engagez-vous, devant cette commission, à être transparente sur le fonctionnement de votre autorité ?

Mme Chantal Jouanno. - La CNDP était sur la sellette, cela ne m'a pas échappé. Une AAI demandant la transparence sur les informations transmises dans le cadre des débats doit être particulièrement transparente sur son budget et son fonctionnement. La CNDP est indépendante car la décision d'organiser un débat est indépendante, mais cela ne l'exonère pas des règles de fonctionnement des institutions publiques... Les deux questions sont distinctes : être indépendant ne signifie pas être opaque...

M. Michel Vaspart. - Y compris sur les rémunérations ?

Mme Chantal Jouanno. - Oui. Reste à vérifier si un décret a acté cela.

M. Olivier Jacquin. - J'ai été membre de la CNDP durant huit ans. En 2011, on ne donnait pas cher de l'avenir de cette institution lors de son évaluation. J'ai vu les efforts de Christian Leyrit et Jacques Archimbaud pour remettre la CNDP au goût du jour. Je m'étonne de vous entendre parler de la nécessité d'un audit éventuel car les discussions actuelles sur les ordonnances sur l'environnement ont plébiscité et renforcé l'institution. Après avoir connu une CNDP un peu poussiéreuse avec des débats se tenant uniquement en salle, j'ai vu apparaitre une expertise du débat public et des techniques diversifiées de consultation - consultations numériques, conférences du consensus, débat en salle suivi d'un débat mobile à la sortie d'une gare ferroviaire... Le croisement de ces différentes techniques est utile. Citoyen, j'ai aussi constaté que le recours au débat public et aux contre-expertises peut être une réussite, comme ce fut le cas pour la consultation relative à l'A 31. Cela rassure le public et peut ébranler les certitudes du maître d'ouvrage.

Je remarque que l'assiduité des parlementaires des deux chambres était assez faible, même si je sais désormais quelles sont leurs contraintes d'agenda...

Quelle sera l'ampleur donnée à la CNDP par les ordonnances ? Qu'en sera-t-il de la multiplication des débats, avec le droit d'initiative citoyen ? Nous aurons besoin de plus de moyens et de garants. Comment mettrez-vous en oeuvre ces réformes ?

Mme Chantal Jouanno. - Je n'ai pas parlé d'audit, c'est le président Maurey qui a utilisé ce terme...

M. Hervé Maurey, président. - ... avec des guillemets, non perçus à l'oral !

Mme Chantal Jouanno. - J'ai utilisé les termes d'évaluation et de retour d'expérience sur les débats menés. Nous devons tirer les enseignements des très gros débats publics.

Il y a un trio à la tête de la CDNP, avec les vice-présidents Ilaria Casillo et Jacques Archimbaud, ce dernier devant également bientôt être remplacé. Il pourrait être intéressant que le Parlement ait à connaître de la nomination des vice-présidents. Les membres de ce trio doivent avoir des expertises complémentaires.

Les garants ont déjà été sélectionnés par un jury représentant les différentes parties prenantes. Ils ont dû suivre une formation, et bénéficient d'un tutorat entre garants, les plus expérimentés aidant les nouveaux garants. Le vivier existe, avec 250 garants, qu'il faudra faire vivre pendant plusieurs années. Il a été envisagé de recourir à des délégués régionaux pour animer et suivre ces garants.

Mme Michèle Vullien. - Le rapport Duron préconise d'organiser un nouveau débat public pour la métropole lyonnaise en matière d'organisation des transports. Maire depuis 20 ans au sein de cette métropole, j'ai été entendue par plusieurs commissions sur les réseaux ferrés et routiers. À chaque fois, elles ont botté en touche en raison de la complexité du sujet entre les noeuds ferroviaires, les contournements... N'utilise-t-on pas la CNDP et le débat public pour éviter de trancher, alors qu'il s'agit parfois d'un problème de gouvernance ? Une fois le débat public réalisé, n'est-il pas vain d'en refaire continuellement ? Pourquoi le rapport Duron préconise-t-il encore la tenue d'un tel débat ?

Mme Chantal Jouanno. - M. Duron serait plus à même que moi de répondre. Ne confondons pas les rôles de la CNDP et du décideur public. N'oublions pas que les débats publics coûtent cher : ils doivent être organisés en cas de nécessité, avant une décision. Après un débat public, des garants assurent la continuité jusqu'à la réalisation du projet. Ils évitent de recourir une nouvelle fois à un débat public, qui peut coûter un à deux millions d'euros. Les ordonnances, qui prévoient un garant systématique, évitent le type d'écueil que vous évoquez.

M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie. Nous allons procéder au vote mais attendrons celui de l'Assemblée nationale pour dépouiller le scrutin. Ce vote se déroule à bulletins secrets et il ne peut y avoir de délégation de vote.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Vote sur la proposition de nomination aux fonctions de présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP)

La commission procède au vote sur la candidature de Mme Chantal Jouanno, candidate proposée aux fonctions de présidente de la Commission nationale du débat public, en application de l'article 13 de la Constitution.

Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Françoise Cartron en qualité de rapporteure de la proposition de loi visant à proroger l'expérimentation de la tarification sociale de l'eau.

Questions diverses

OUVERTURE À LA CONCURRENCE DU TRANSPORT FERROVIAIRE

M. Hervé Maurey. - Nous avons appris, par voie de presse et avec consternation, le recours à des ordonnances pour l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire... Le président du Sénat a annoncé être totalement opposé au recours à des ordonnances sur ce sujet crucial pour les territoires. J'ai moi-même dénoncé cette démarche. Selon le Gouvernement, cela permettrait d'aller plus vite. Cet argument n'est pas recevable car Louis Nègre et moi-même avions déposé en septembre une proposition de loi sur le sujet. À la demande de la ministre des transports, nous avions accepté de ne pas l'examiner en janvier, en attendant le rapport de la mission Spinetta. Chose extrêmement rare, le président du Sénat a saisi le Conseil d'État sur cette proposition de loi. Ce dernier a rendu son avis le 22 février. Nous étions convenu, avec la ministre, que cette proposition de loi serait le véhicule législatif soutenu par le Gouvernement pour mettre en place la réforme.

Recourir aux ordonnances n'est pas correct vis-à-vis du Sénat, même si ce n'est ni la première, ni probablement la dernière fois. Cette proposition de loi est prête. Les ordonnances ne sont pas une baguette magique : il faut demander l'avis du Conseil d'État, présenter le projet de loi d'habilitation en Conseil des ministres, le déposer devant les assemblées avant le débat. Ensuite, les ordonnances sont signées et doivent être ratifiées...

Le projet de loi d'habilitation pourrait être examiné la semaine du 9 avril à l'Assemblée. La procédure envisagée est particulièrement surprenante. Nous examinerons le projet de loi d'habilitation, mais au fur et à mesure du débat, des dispositions législatives seraient incluses dans la loi d'habilitation : ces dispositions n'auront donc pas été examinées par le Conseil d'État, nous les découvrirons au fil de l'eau, et elles pourront parfois être déposées directement en séance !

Cela s'inscrit dans une série de manques d'attention et de respect à l'encontre du Sénat, comme lors de l'examen des propositions de loi relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et relative au développement durable des territoires littoraux. Hier, le secrétaire d'État Julien Denormandie estimait que la proposition de loi de Patrick Chaize tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit était un texte remarquable, mais qu'il n'était pas débattu au bon moment. Elle a tout de même été adoptée à l'unanimité, et j'en félicite son auteur et son rapporteur...

Mardi prochain, le président du Sénat proposera à la Conférence des présidents d'inscrire la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs à l'ordre du jour de la séance à partir du 28 mars, pour qu'elle soit votée avant l'examen du projet de loi d'habilitation à l'Assemblée nationale. Cela prouvera qu'on peut aller plus vite tout en respectant les droits du Parlement.

Quel que soit votre avis sur le fond du texte, je vous invite à soutenir cette démarche : s'il y a trop d'obstruction et que le texte n'est pas adopté, nous donnerons raison au Gouvernement. Une durée suffisante a été prévue pour un débat démocratique.

Nous avons quelques divergences avec le Gouvernement, d'abord sur l'annonce gouvernementale de report de l'ouverture à la concurrence de 2019 à 2023. Nous prenons aussi davantage en compte les territoires. Le Gouvernement se fonde sur un open access pur, avec une concurrence totalement libre. Les opérateurs risquent alors de se positionner uniquement sur les TGV ou les lignes les plus rentables. Ils se battront sur le Paris-Lyon, et les autres sortiront leur mouchoir pour pleurer...

Notre proposition de loi met en place un système très important de lots : vous pouvez vous positionner sur le Paris-Lyon, mais en même temps vous devez vous positionner sur des lignes moins rentables, afin que l'ouverture à la concurrence ne se traduise pas par un moindre service rendu aux usagers.

M. Jean-François Longeot. - ...et prenne en compte les territoires !

M. Hervé Maurey, président. - La prise en compte de cet enjeu par notre proposition a été saluée lors d'un colloque de la CGT. Nous devons apporter un plus à l'usager, et non un moins. En décembre, Jean-François Longeot a été nommé rapporteur de ce texte. Il devra travailler très vite et très bien. Nous examinerons son rapport en commission le 21 mars.

M. Alain Fouché. - Le Gouvernement tape sur la SNCF, et la rend responsable de tout. Ayant été quatre ans membre du conseil d'administration de RFF, Réseau ferré de France, j'ai vu que le Gouvernement donnait des instructions pour ne travailler que sur les lignes à grande vitesse. Tous les dignitaires, du président de la République à Brice Hortefeux, faisaient réaliser des études mirifiques sur certaines lignes. Celles concernant la ligne Poitiers-Limoges ont coûté 140 millions d'euros. RFF n'a pas pu investir sur l'entretien des voies existantes. Et ensuite, on nous parle du statut des cheminots, certes important...

PLAN NATIONAL 2018-2023 SUR LE LOUP ET LES ACTIVITÉS D'ÉLEVAGE

M. Hervé Maurey, président. - Le plan national 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage a été publié le 19 février, déclenchant de vives réactions. Plusieurs sénateurs, de divers groupes et commissions, ont souhaité que nous nous saisissions du sujet.

Le groupe d'études « Développement économique de la montagne », qui se reconstituera prochainement sous la présidence de notre collègue Cyril Pellevat, me paraît être l'instance la mieux appropriée pour mener ce travail, dans la mesure où tous les sénateurs peuvent y adhérer. Je vous propose de charger notre collègue Cyril Pellevat d'une mission « flash » sur le plan Loup, en associant l'ensemble des membres du groupe d'études, pour entendre au mois de mars différentes personnalités et établir des recommandations.

M. Jean-Marc Boyer. - Le plan Loup a été adopté par le Premier ministre avec un nombre de tirs limité. N'est-il pas trop tard ? Avec des élus de l'arc alpin, nous avons rencontré les cabinets ministériels en décembre.

M. Hervé Maurey, président. - J'ai cru comprendre que les propositions du Gouvernement ne satisfont personne...

M. Jean-Marc Boyer. - C'est sûr !

M. Hervé Maurey, président. - Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, a également été saisie. Nous avons décidé ensemble de confier ce travail au groupe « Montagne », transcommissions et transpartisan.

M. Guillaume Gontard. - Il était indispensable de se saisir du sujet. Certes, le plan Loup a été adopté, mais il n'est qu'un cadre général. Il ne satisfait personne. Travaillons aussi sur sa mise en oeuvre dans les territoires avec les parcs régionaux...

M. Olivier Jacquin. - Il importe de réagir. Le loup a quitté la montagne et se déplace désormais en plaine. Je ne vais pas multiplier les adhésions à des groupes d'études, mais souhaiterais parfois participer à ces réunions.

M. Hervé Maurey. - Les auditions seront ouvertes à tous les sénateurs de la commission.

La réunion est close à 12h10.

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -

La réunion est ouverte à 16 h 35.

Article 13 de la Constitution Audition de M. Arnaud Leroy, candidat proposé aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

M. Hervé Maurey, président. - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, nous entendons M. Arnaud Leroy, candidat proposé aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Cette nomination ne peut en effet intervenir qu'après l'audition de la personne pressentie devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, auditions qui doivent être suivies d'un vote.

L'audition est publique et ouverte à la presse ; à l'issue de cette audition, je raccompagnerai M. Leroy et demanderai aux personnes extérieures de bien vouloir quitter la salle afin que nous puissions procéder au vote qui se déroulera à bulletin secret.

Le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat. Je vous informe que l'Assemblée nationale a procédé à l'audition de M. Leroy ce matin à 9 h 30. Nous pourrons donc dépouiller le scrutin aux alentours de 18 heures.

Enfin, en application de l'article 13 de la Constitution, il ne pourrait être procédé à cette nomination si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Après des études de droit, avec une spécialisation en droit maritime, vous avez, monsieur Leroy, effectué la première partie de votre carrière dans les institutions européennes, où vous avez été successivement collaborateur parlementaire, secrétaire général de la délégation française des Verts au Parlement européen, puis chef de projet à l'Agence européenne de sécurité maritime à partir de 2004, chargé de la protection de l'environnement marin et des questions liées au changement climatique.

Élu député en 2012, représentant les Français établis hors de France, vous avez été pendant la dernière législature membre de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, et de la commission des affaires européennes. Dans ces fonctions, vous vous êtes intéressé à deux sujets en particulier.

L'économie maritime d'une part : vous avez notamment rendu en novembre 2013 un rapport au Gouvernement sur la compétitivité des transports et des services maritimes, et avez été auteur et rapporteur à l'Assemblée de la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue, texte transversal visant à améliorer la compétitivité des activités maritimes de notre pays, qui avait été rapporté au Sénat par M. Didier Mandelli.

Le second sujet auquel vous avez consacré une part importante de votre mandat est le changement climatique, notamment comme président du groupe d'études sur les changements climatiques et membre de la commission des affaires européennes. Vous avez ainsi travaillé sur les négociations internationales en matière de lutte contre le changement climatique, le second paquet énergie-climat ou encore la réforme du marché européen des quotas d'émission. Vous avez fait le choix de ne pas vous présenter aux dernières élections législatives.

Je rappelle que l'ADEME est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle conjointe du ministère de l'environnement et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il contribue aux politiques publiques environnementales par des activités d'expertise et de conseil aux pouvoirs publics, collectivités et entreprises, et par des programmes thématiques de financement. Les principaux domaines d'intervention de l'agence sont la gestion et la valorisation des déchets, la préservation des sols, l'énergie, l'énergie, la qualité de l'air, ainsi que l'atténuation du changement climatique et l'adaptation à ses effets.

Les missions de l'agence sont directement structurées par les objectifs fixés par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, concernant en particulier l'augmentation de la part d'énergies d'origine renouvelable dans notre consommation énergétique, la baisse de la production de déchets et leur meilleure valorisation.

Quelles sont, Monsieur Leroy, vos motivations pour exercer la fonction de président du conseil d'administration de l'ADEME ? Quel projet souhaiteriez-vous porter pour l'agence dans les prochaines années ? En matière de transition énergétique, les objectifs que notre pays s'est fixé sont ambitieux mais ils se heurtent à la réalité budgétaire... L'ADEME accumule d'importants restes à payer. Comment envisagez-vous vote mission et l'avenir de l'agence ?

M. Arnaud Leroy, candidat proposé aux fonctions de président du conseil d'administration de l'ADEME. - Je vous remercie de me recevoir. La création de l'ADEME il y a vingt-cinq ans procédait de la fusion de trois agences. Ses missions, inscrites dans le code de l'environnement, n'ont pourtant pas cessé d'évoluer : déchets, énergie renouvelable, lutte contre le gaspillage alimentaire, ou encore l'animation territoriale, notamment par les territoires zéro déchet ou à énergie positive. Elle est encore sollicitée dans le cadre du plan climat proposé par Nicolas Hulot, de la feuille de route sur l'économie circulaire, et des Assises de la mobilité, qui ont donné naissance au fonds de 10 millions d'euros pour lutter contre la pollution de l'air.

Je suis un fervent partisan de l'ADEME dans sa configuration actuelle, qui repose sur une présence territoriale forte, notamment dans les outre-mer. Cela permet à l'agence de massifier son activité, de repérer les bonnes pratiques sur le terrain, de nouer des partenariats de confiance. À la différence de certains autres organes de l'État, l'ADEME n'est pas une agence de contrôle ou de sanction : ses relations avec les élus sont par conséquent apaisées. Une nouvelle stratégie de partenariats avec les collectivités territoriales sera bientôt adoptée, pour tenir compte des dispositions de la loi NOTRe qui ont donné plus de compétences aux régions et aux EPCI en matière de pollution de l'air. L'ADEME est très présente également en outre-mer, où elle travaille sur les questions de déchets et d'autonomie énergétique.

Les partenariats sont déjà nombreux avec les collectivités territoriales, dans le cadre des contrats de plan État-région, comme avec les entreprises. C'est la logique retenue par la COP 21, et dans laquelle je crois fortement : l'État ne peut agir seul, rien ne peut être décidé depuis Paris sans capacité d'animation dans les territoires. Je compte poursuivre ce travail de terrain avec les collectivités, les associations, les consommateurs.

Je conçois mon éventuel mandat à la tête de l'ADEME dans le paradigme de l'accord de Paris : nous avons une obligation - de survie de l'espèce, si je puis dire - de maintenir la température en deçà de 2 degrés et de viser une hausse maximale de 1,5 degré, tout en maintenant un niveau de développement et de confort rendant la transition supportable. L'ADEME est un acteur essentiel pour y parvenir, car elle agit dans de nombreux domaines, et joue un rôle de catalyseur dans de nombreux secteurs de la vie quotidienne de nos concitoyens : alimentation, consommation, transports... L'ADEME n'intervient toutefois pas en matière d'eau, de nucléaire, ni de biodiversité. Je suis partisan de relations plus approfondies avec l'Agence française pour la biodiversité (AFB), notamment pour travailler plus efficacement à la dépollution des sites. L'AFB est jeune ; nous pouvons lui apporter notre expertise dans des domaines en cours d'identification, comprenant notamment la forêt ou la protection de certaines espèces.

L'ADEME est forte de sa neutralité. J'y veillerai tout particulièrement. Je suis certes engagé politiquement, je ne m'en cache pas, mais je serai le garant de l'indépendance de l'ADEME, en pratiquant le déport le cas échéant. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) créera bientôt quelques remous ; il faudra faire des choix politiques de grande importance. L'ADEME ne pourra se prononcer sur la facture du grand carénage, mais présentera ses scénarios de mix énergétique 2030-2050, qui procèdent d'un travail de fond et dont nous garantissons absolument la crédibilité. Nous poursuivrons ces travaux. En matière de déchets, nous entrons dans une nouvelle phase, caractérisée par la valorisation et la réutilisation... Il faudra discuter sérieusement des emballages non recyclables. Pour être crédible, l'ADEME devra conserver la neutralité et l'indépendance de son expertise.

Le Fonds chaleur et le Fonds déchets - renommé Fonds économie circulaire à terme - sont dotés respectivement d'un peu plus de 200 millions et d'environ 150 millions d'euros. Il faudra tenir compte des difficultés budgétaires que vous connaissez, et des conséquences qu'auront sur le Fonds chaleur les cours du gaz et du pétrole. La contribution climat-énergie est un élément de modularité, mais l'ADEME devra s'interroger sur ses modes d'intervention : nous avons longtemps soutenu de grands projets par souci d'économies d'échelle ; nous cherchons à aider davantage les territoires incapables d'accueillir de grosses structures mais disposés à animer plusieurs structures selon une logique de grappe. Depuis la création du Fonds chaleur, plus de 4 000 projets ont été soutenus. La hausse du prix de l'énergie en a retardé certains, nous travaillons à y remédier. Trouver les partenaires pour financer tel ou tel équipement est une autre difficulté, surtout lorsque la visibilité sur les cours des matières premières fait défaut.

Le contrat d'objectifs et de performance qui lie l'ADEME à l'État court jusqu'en 2019 : il faudra aller au bout de sa mise en oeuvre, avant d'en discuter un nouveau. Le Fonds chaleur, autrefois financé par une part de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), l'est à présent par le programme budgétaire 181 « prévention des risques » à hauteur de 540 millions d'euros, ce qui suffit pour agir. Si je suis nommé, je donnerai la priorité à l'évaluation de modes d'intervention - comment faire plus et mieux, comment financer des petits projets supplémentaires ? - et à la question de la méthanisation : l'ADEME a financé plusieurs dizaines d'installations, le ministère de l'agriculture a fait des annonces... Les projets en catalogue restent nombreux : il faudra arbitrer. Le problème réside essentiellement dans les fonds propres disponibles pour démarrer l'activité : nous discutons avec la Banque publique d'investissement (BPI) et la Caisse des dépôts et consignations du point de savoir qui est le mieux placé pour y remédier. J'ai aussi pris l'attache du ministère de l'agriculture sur ce sujet.

L'Europe me tient à coeur. Nous entrons, à l'approche des discussions budgétaires, dans une période charnière. L'ADEME fait partie d'un réseau d'agences européennes. Nous mobiliserons le plus tôt possible les États membres et la Commission européenne pour ériger le financement de la transition énergétique en priorité et mettre l'accent sur le gisement d'emplois qualifiés non délocalisables et socialement utiles qu'elle représente. L'expertise française portée par l'ADEME peut aussi gagner en visibilité, pour aider nos entreprises à gagner en compétitivité énergétique. Travaillant en tant que député sur l'écoconception, j'ai constaté qu'en Allemagne, on fabriquait parfois des ustensiles de chaises avec deux fois moins de matière qu'en France grâce à la réflexion portée par notre homologue allemande... La réutilisation des matériaux recyclés est un autre défi à relever. Nous attendons la finalisation de la feuille de route. Elle semble à ce stade mettre l'ADEME au coeur du dispositif : c'est heureux.

Deux grands chantiers concernent l'assistance de l'ADEME aux services du ministère de l'écologie : la programmation pluriannuelle de l'énergie - sur laquelle l'ADEME a assuré un important travail de fond - et la revue de la stratégie nationale bas carbone. L'objectif de la neutralité carbone en 2050 sera précédé par des échéances importantes, telle la fin des véhicules thermiques en 2040. Il faudra nous y préparer. L'ADEME sera à l'écoute de tous les partenaires. Ce matin, des députés m'ont dit que l'avis de l'agence sur les véhicules électriques leur semblait sommaire ; le véhicule électrique, dit-il simplement, doit être imaginé dans une organisation différente de l'actuelle, pensée pour les véhicules thermiques.

L'Agence compte environ un millier d'agents. Elle devra contribuer à l'effort de réduction des emplois publics, sans perdre de sa force de frappe. C'est un axe majeur du quinquennat présidentiel.

Un mot enfin sur le développement de la finance verte, objet du sommet du 12 décembre 2017. J'ai fait partie des parlementaires défendant l'article 173 de la loi sur la transition énergétique, qui impose des obligations d'information sur la gestion des risques liés au climat aux grandes sociétés et aux gérants de portefeuilles français. Cela marche si bien que de nombreux États sont en train de nous imiter. Autre outil intéressant, notamment pour les collectivités territoriales : les obligations vertes. L'État en a lancé une, avec succès, l'Ile-de-France également. Pour éviter les désastres ou la contraction d'emprunts toxiques, l'ADEME a la responsabilité d'assurer un service après-vente et de soutien aux collectivités locales qui voient dans la transition énergétique l'occasion, par exemple, de rénover des bâtiments publics. J'ai l'ambition de concrétiser cette ambition du Grenelle de l'environnement, pour laquelle 4 milliards d'euros avaient été fléchés par le Gouvernement. Je me suis engagé auprès des administrateurs de l'ADEME représentant les collectivités territoriales, l'ADF, l'AMF, pour travailler sur l'évolution des contrats de plan État-région et l'animation des territoires. Je tiens fortement à cette relation privilégiée avec les élus locaux. La transition numérique est un autre défi à relever, avec les collectivités et les associations.

Les associations sont des partenaires essentiels, notamment pour combattre la précarité énergétique. Nous sommes en relation avec l'Agence nationale de l'habitat, et vigilants à ce que l'argent soit bien dépensé, surtout si les aides sont transformées en aides directes. Les rénovations effectuées correctement sont parfois estimées à 10 % : il faudra y faire attention, car il y a là un enjeu de pouvoir d'achat, de confort, et un enjeu social.

En conclusion, je m'inscris totalement dans les pas de M. Bruno Léchevin, dont je salue l'action conduite pendant cinq ans à la tête de l'ADEME.

M. Didier Mandelli. - M. Arnaud Leroy et moi-même avons travaillé ensemble sur la proposition de loi relative à l'économie bleue : je connais donc ses convictions et sa capacité à mobiliser sur tous ces sujets.

Le budget de l'ADEME, naguère financé par un tiers seulement de la TGAP - part que nous avons cherché à accroître -, n'en dépend plus. Le produit de la TGAP devrait toutefois continuer à croître : le budget de l'ADEME évoluera-t-il en conséquence ? Ces dernières années, les intentions et les financements ont eu tendance à diverger... Des garanties ont-elles au moins été apportées pour mener à leur terme les chantiers en cours ?

Le coût de l'adaptation des entreprises et des collectivités aux principes de l'économie circulaire est estimé à 4,5 à 5 milliards d'euros. Aurons-nous demain les moyens de relever ce défi ?

M. Arnaud Leroy. - Je mentirais si je disais avoir obtenu toutes les assurances sur le plan budgétaire. L'ADEME estime à 150 millions d'euros par an le besoin de financement supplémentaire pour mettre en oeuvre la feuille de route.

Suivre la trajectoire de la TGAP ne me semble pas envisagé. Un objectif ambitieux d'une économie 100 % circulaire en 2022 a été fixé. Il suppose de limiter fortement la production de déchets non recyclables et non réutilisables. Pour y parvenir, l'hypothèse d'une taxation de ces emballages, parfois appelée « TGAP amont », pour abonder le budget de l'agence, est une piste intéressante. Bercy combat toutefois les taxes affectées. Je fais donc appel à vous, mesdames et messieurs les parlementaires ! Ne tombons pas non plus dans la facilité consistant à dire qu'il faut plus d'argent pour dépenser toujours plus. L'ADEME n'a jamais cessé de bien fonctionner, en dépit des coups de rabot, grâce à certains éléments conjoncturels - l'abandon d'un projet lié au prix de l'énergie par exemple.

La trajectoire de la contribution climat-énergie est prévue pour cinq ans, ce qui nous permet de travailler différemment. Je souhaite surtout que l'on soit à la hauteur des obligations que l'on s'est fixées. La campagne électorale a donné lieu à toutes sortes de promesses plus ambitieuses que la loi de 2015, qui n'a pas encore été respectée... Tâchons d'abord de porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 et discutons à Bruxelles du partage de l'effort entre partenaires européens.

La vingtaine de filières à responsabilité élargie du producteur (REP) sont un autre sujet à creuser pour assurer à l'ADEME les financements nécessaires.

M. Gérard Cornu. - J'ai bien compris que vous vous inscriviez dans le cadre de la COP 21 et que vous étiez attentif à l'amélioration de la qualité de l'air. Vous entendez également soutenir le remplacement des véhicules thermiques. Je ne doute pas que la bagarre acharnée des constructeurs aboutira bientôt à résoudre le problème de l'autonomie des véhicules électriques ; le maillage du territoire en bornes de recharge me semble un obstacle plus difficile à lever. Comment l'ADEME entend-elle y remédier ?

M. Arnaud Leroy. - Sous la législature précédente, la loi a encouragé l'installation des bornes de recharge.

M. Hervé Maurey, président. - La loi de transition énergétique.

M. Arnaud Leroy. - Ainsi qu'une proposition de loi adoptée en 2014. Je songe en tout cas à renforcer l'évaluation de ces dispositifs. Le plan de déploiement prévu devait concerner les bâtiments neufs, les services publics... Où en est-il ? Je suis incapable de vous le dire. Je lis, comme vous, que des constructeurs américains ou allemands développent un réseau parallèle dédié à leurs clients. Je vois aussi se développer l'hybride rechargeable. Mais j'ignore précisément où nous en sommes. L'ADEME n'a pas à être prescriptive mais à tenir compte du développement technologique et de ses implications en termes de pollution de l'air ou d'accès à certains métaux rares, ainsi qu'à rester attentive aux nouveaux services qui se développent avec les anciennes batteries. C'est un élément important, aussi bien pour les particuliers que pour les professionnels. Il faudra aussi éviter le stop and go réglementaire, dont nous sommes champions en France. En tant que président de l'ADEME, je m'efforcerai d'alerter sur l'utilité ou les risques que font encourir certains choix : s'il faut par exemple cinq ans pour déployer 2 500 bornes de recharge, l'objectif de 2040 ne sera pas atteint. Le ministre d'État Nicolas Hulot a annoncé un plan ; il faudra le suivre de près, en lien avec les autres servies et agences de l'État, et évaluer les dispositifs existants, en lien avec le Parlement.

M. Claude Bérit-Débat. - Vous avez abordé la question de la méthanisation. Un groupe de travail a été créé pour réfléchir aux meilleurs moyens de la promouvoir. Dans les départements agricoles - la Dordogne par exemple, mais je songe aussi à la Gironde -, la méthanisation fournit un revenu complémentaire aux agriculteurs et alimente la desserte de proximité en biogaz. Vous avez évoqué le problème des fonds propres nécessaires pour installer un méthaniseur, mais le prix des digesteurs de faible capacité est en train de baisser et il peut être utilisé par une ou plusieurs exploitations ou par une coopérative d'utilisation de matériel agricole. Prenons garde en outre à ce que les industriels ne captent pas la ressource. Quel regard l'ADEME porte-t-elle sur ce phénomène et quel plan compte-t-elle mettre en oeuvre pour aider les agriculteurs ?

M. Arnaud Leroy. - J'ai pris l'attache du ministère de l'agriculture sur ce sujet. La concurrence est parfois rude, en effet, pour capter la ressource qui alimente les méthaniseurs. L'Allemagne développe des cultures dédiées : c'est une piste dont l'on peut débattre. En France, l'opinion y est plutôt défavorable, mais certains types de fourrages, à certaines saisons, peuvent avoir un effet régénérateur pour les sols : nous devons en discuter avec l'INRA et les acteurs compétents, et faire comprendre les enjeux aux agriculteurs. Je suis ouvert à ce que l'on développe l'animation en grappes, sur de petits territoires. L'ADEME participe, comme l'ensemble des acteurs de l'État, à l'équilibre des territoires. Pour des raisons d'économies d'échelle et de rendement, l'ADEME a jusqu'à ce jour plutôt privilégié les grandes installations. Ma philosophie et la demande sont un peu différentes ; nous devons contribuer à la sauvegarde d'un modèle paysan français, et trouver les ressources nécessaires pour y parvenir. L'ADEME participe au groupe de travail créé par Sébastien Lecornu. Nous pouvons aider la Caisse des dépôts et la BPI sur le volet de l'expertise technologique ; en matière de financement, cela nous sera difficile pour l'instant.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Les thématiques liées à l'environnement et à la maîtrise de l'énergie sont devenues prioritaires. Elles sont donc partagées par tous les acteurs - institutionnels, consulaires, professionnels, associatifs, économiques -, qui se sont lancés dans une multitude d'initiatives. Voyez le chèque éco-énergie : tout le monde y est allé de son obole, l'agglomération, le département, l'office HLM, la région, le fournisseur d'énergie... On a en conséquence du mal à s'y retrouver. L'ADEME elle-même agit dans un nombre considérable de domaines - jusqu'à la finance verte, ai-je découvert récemment. La contractualisation est une belle initiative, mais ne nous leurrons pas : les Agenda 21 ou les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) ne sont que des catalogues. Dans un souci d'efficience, sur quels outils l'ADEME ferait-elle mieux de s'appuyer ?

M. Arnaud Leroy. - Je partage votre constat : pendant longtemps, les acteurs engagés sur un même segment étaient nombreux. Si je suis nommé à la tête de l'ADEME, je prendrai d'abord le temps de faire le tour des équipes et des partenaires de l'ADEME - entreprises, collectivités territoriales, associations... - car je crois qu'une revue des missions de l'ADEME s'impose : certaines ne sont peut-être plus nécessaires, car les choses sont mûres ou car d'autres acteurs ont pris sa suite. Ses ressources pourraient en conséquence être réorientées vers les nouvelles priorités.

Le caractère transversal de ses missions fait toutefois la force de l'ADEME. Toutes concourent à faire entrer notre pays dans la stratégie bas carbone et à atteindre les objectifs de la COP 21. Un rapport récent pointait la hausse des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays... Nous devons donc rester vigilants. Je me réjouis des 2 % de croissance annoncés, mais la France devra assurer le découplage de son taux de croissance et de ses émissions de gaz à effet de serre. Voilà le coeur de métier de l'ADEME. Chantier d'ampleur, certes : c'est aussi celle du changement de société que nous devons opérer. Il faudra sans doute faire des choix stratégiques, mais veillons à ne pas limiter la richesse de l'agence, notamment sa mission prospective. La valorisation des déchets organiques par des restaurateurs militants par exemple, qui semblait un gadget il y a trois ou quatre ans, est devenu un succès grâce au soutien de l'ADEME.

Pour relever le défi majeur qui est devant nous, je souhaite échanger régulièrement avec vous, qui avez une expérience d'élus locaux, et qui êtes des partenaires essentiels. Le travail de Ronan Dantec sur le rôle des collectivités territoriales au niveau international l'a montré. À titre d'illustration, les collectivités américaines prennent désormais le relais de l'État fédéral défaillant, de même que le secteur privé - pour relever les problèmes d'alimentation durable ou d'économie circulaire. L'État n'y arrivera pas seul : l'avoir reconnu est une grande victoire de la COP. J'entends toutefois ce que vous dites sur les arbitrages nécessaires.

M. Jérôme Bignon. - La mise en place d'une filière de responsabilité élargie du producteur pour les déchets issus de bateaux de plaisance n'avance pas. Hier encore, le sujet a été évoqué au conseil d'administration du Conservatoire du littoral. Or cela fait partie de l'économie bleue circulaire, et c'est un vrai problème pour les habitants du littoral. Comment avancer ?

Autre sujet auquel je suis sensible : celui des friches industrielles. L'ADEME a sorti récemment un document sur cette question. La consommation de foncier est un vrai problème, qui laisse de nombreux territoires en friche : c'est de l'économie circulaire mal faite ! Ces friches sont en outre épouvantables pour le moral des populations : à regarder ces terrains qui reflètent une activité industrielle disparue, on se dit que c'était mieux avant... En Picardie ou dans le Nord-Pas-de-Calais, ce climat malsain explique sans doute une partie du vote extrême. La note de l'agence est admirable, mais elle manque d'ingénierie technique et financière. Que faire d'un point de vue opérationnel ? Qu'imaginer pour traiter ces terrains qui doivent être dépollués avant d'être revendus ? Les acteurs existent ; tout le monde doit pouvoir mettre un peu d'argent.

M. Arnaud Leroy. - Chti moi-même, j'ai vu l'usine de mon père rasée et transformée en terrain vague, et je partage votre analyse des résultats électoraux. L'ADEME agit pour le compte de l'État, lorsque le propriétaire du terrain a disparu, pour entreprendre les opérations de dépollution. Nous en avons longuement parlé à l'occasion de l'adoption de la loi dite Florange. Nous en discutons encore avec l'Agence française de la biodiversité et CDC Biodiversité, filiale de la Caisse des dépôts et consignations spécialisée en compensation écologique. Que faire tant que ces terrains restent indisponibles pour accueillir des logements ou des panneaux solaires ? L'aspect juridique de la chose est plus de votre ressort que du mien. Je me suis également rapproché du ministère de la cohésion des territoires, et reste preneur de toute nouvelle idée. L'ADEME tient une cartographie des friches industrielles.

Le président de l'établissement en charge de récupérer ces terrains pour construire dessus dit qu'on ne lui donne jamais rien. Sur certains terrains, pourtant, il y a de quoi faire. S'il y a un problème de délai, mieux vaut réaliser un aménagement paysager que laisser le terrain en friche - car, vous avez raison, les friches suscitent de la mauvaise humeur.

La REP pour les navires de plaisance est un sujet sensible. J'ai toujours dit à la filière qu'il fallait avancer, mais cela prend du temps. Et il y a la question du stock. Historiquement, l'ADEME a collecté les données sur les flux. Il faut trouver le bon équilibre. J'ajoute que nos Antilles sont actuellement jonchées d'épaves, après le passage d'Irma. L'ADEME doit aider à gérer ce stock de déchets, ou participer à son rapatriement - comme pour les véhicules hors d'usage.

M. Guillaume Chevrollier. - L'ADEME va avoir un rôle central en cette période de transition vers les énergies renouvelables et l'économie circulaire. Vous avez parlé de neutralité et d'indépendance, mais votre nomination est politique. Comment envisagez-vous votre relation avec l'exécutif, par exemple quand il s'agira de défendre le budget de votre belle institution, ou le Fonds chaleur ? Vous avez évoqué des partenariats avec l'Agence française de la biodiversité, et sans doute avec les agences de l'eau. Pouvez-vous nous en dire plus ? Certes, il faut développer une nouvelle relation avec les collectivités locales, qui ont besoin du soutien de l'ADEME. Dans mon département, le syndicat a conclu un partenariat avec Enedis pour lancer une filière de recyclage des batteries : j'espère pouvoir compter sur le soutien de l'ADEME, que sa neutralité et son impartialité doivent mettre au service de tous les territoires, quelles que soient les sensibilités politiques !

M. Arnaud Leroy. - J'ai montré, député, que je savais être véhément envers le Gouvernement. Avec moi, l'ADEME ne sera pas l'agence de la « Macronie », et je ne serai pas son fossoyeur, prêt à avaler toutes les couleuvres. Je sais quels engagements nous avons pris : nous avons cinq ans pour les mettre en oeuvre. Je ne dis pas que le Fonds chaleur doublera dans le prochain budget - et il faut évaluer ses modes d'intervention. En cas de problème, on pourra me révoquer ! Quant aux sensibilités politiques : nous sommes dans une maison d'élus, et nous traversons une crise démocratique. Inutile d'en rajouter en se faisant des crocs-en-jambe entre nous... Il n'y aura pas de tri en fonction des préférences politiques des uns et des autres. Ce n'est pas ma conception de l'action publique.

M. Ronan Dantec. - Sur la REP, on peut espérer des annonces à La Rochelle à la fin du printemps. La stratégie territoriale du Gouvernement sur les questions de climat et d'énergie reste opaque. Un contrat de transition écologique est apparu, qui devrait consacrer quelques territoires, mais il a surtout brouillé le discours par rapport aux plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et aux schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) qui constituent une avancée importante de la loi transition énergétique. Comment, dans ces conditions, le président de l'ADEME peut-il développer une stratégie territoriale claire et volontariste sur ces enjeux ?

Nous avons voté à la quasi-unanimité l'accroissement de la contribution climat-énergie pour financer la transition énergétique dans les territoires ; Bercy s'y oppose régulièrement, mais nous y reviendrons. L'ADEME, qui est une agence neutre, peut-elle participer au débat ? Elle pourrait au moins montrer que cette contribution climat-énergie n'est pas répartie de manière égalitaire : ce sont les habitants des zones périurbaines et les ménages modestes qui en paient une grande partie.

M. Arnaud Leroy. - Je partage vos préoccupations, que nous avons également à propos du chèque énergie. Il faudra veiller finement à son rôle de compensation financière. Notre conseil d'administration et notre conseil scientifique y sont résolus. On peut même imaginer la création d'un observatoire dédié. Déjà, l'ADEME héberge l'Observatoire national de la précarité énergétique, qui consolide les chiffres sur les rénovations effectuées ; ses relations sont d'ailleurs compliquées avec Bercy, qui refuse de nous donner certaines informations. Je ne suis pas inspecteur des finances, donc vous pourrez compter sur moi pour insister. Déjà, rapporteur sur la création de la BPI pour la partie développement durable, je m'étais heurté à la question du financement de la transition énergétique. Il fallait trouver 4 milliards d'euros pour compenser le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) : nous nous sommes tous battus pour qu'au moins un tiers de cette manne aille au financement de la transition écologique.

Les contrats de transition écologique, mis en place par Sébastien Lecornu, et que je serai ravi d'accompagner, concernent vingt territoires qui sont en mutation. Lorsqu'on ferme une centrale à charbon, quel avenir pour le territoire concerné ? A Fessenheim, comment recréer un écosystème ? Tels sont les enjeux.

Nous travaillons sur la stratégie territoriale. Je ne porte pas de jugement sur l'animation nationale de l'État ; nous avons un rôle d'« ambianceurs », avec des partenariats effectifs et, je crois, appréciés, avec les collectivités territoriales, et une volonté d'aller de l'avant. Après mon tour de France, je procéderai à une évaluation, mais les outils sont là et l'animation territoriale, aussi.

Je partage votre optimisme sur la REP pour les navires de plaisance ; la filière se retrouve fin mai à La Rochelle. Il serait dommage de priver les plaisanciers de leur capacité d'action pour la protection de l'environnement marin. Nous avons des champions comme le groupe Bénéteau : le devenir d'un navire de plaisance devient de plus en plus un argument de vente.

Au-delà, nous avons une vingtaine de REP en France, qui ne sont pas simples à gérer, et qu'il va falloir « ambiancer » de manière différente si nous voulons tenir nos objectifs.

Mme Angèle Préville. - Le changement climatique est là, nous sommes en retard, très en retard. Les gaz à effet de serre s'accumulent. L'ADEME est un acteur majeur des politiques publiques environnementales et doit contribuer à relever les défis en matière de transition écologique. Où est la stratégie territoriale volontariste et efficace qu'on attend ?

Certes, il faut soutenir les grands projets, par exemple sur la rénovation des bâtiments. Mais ne serait-il pas judicieux de développer aussi des projets peu coûteux, qui aideraient les collectivités territoriales de proximité à investir ces missions ? Les élus locaux ont perdu beaucoup de compétences. Ce serait une manière de reconnaître leur rôle, mais sans rien imposer : je vous ai entendu parler d'obligations et je pense qu'au contraire il faut aider les élus locaux. Plutôt que des injonctions qui viennent d'en haut, mieux vaudrait partir de la base en mettant à leur disposition des outils simples et efficaces, comme les certifications et labellisations. Actuellement, rien n'est fait pour lutter contre le gaspillage alimentaire dans les écoles, par exemple. Certes, la Fondation pour la nature et l'homme (FNH) s'en préoccupe. Ne serait-ce pas le rôle de l'ADEME ? Cela valoriserait les élus qui s'investissent dans ces sujets.

Sur les véhicules électriques, le changement de paradigme serait peut-être de ne pas attendre que l'électricité nous vienne de centrales mais qu'elle soit produite par quartier ou par habitation.

M. Arnaud Leroy. - Des dispositifs légaux permettent déjà de consommer l'électricité que vous produisez. À terme, une articulation globale devra être organisée par des logiciels. Des réflexions sont en cours. Cela signifie qu'il faut repenser notre urbanisme, aussi.

La loi de transition énergétique de 2015 donne à l'ADEME pour mission de travailler sur le gaspillage alimentaire. C'est l'une des missions qui lui a apporté le plus de notoriété. Par exemple, l'ADEME a financé des camions frigorifiques pour que des associations puissent recevoir davantage de dons alimentaires. Certes, il serait bon de descendre au niveau des écoles, mais ce n'est pas simple : il y a 36 000 communes, et le lien avec les municipalités se perd un peu au bénéfice des EPCI, puisque la compétence liée à la qualité de l'air et au changement climatique s'articule désormais entre la région et l'EPCI. Il est vrai que ce sont les maires qui animent les EPCI...

Le représentant de l'Association des maires de France (AMF) au conseil d'administration de l'ADEME est extrêmement volontaire pour engager un dialogue avec les municipalités et la commission « développement durable » de l'AMF. Pour la rénovation de bâtiments publics, la loi de transition énergétique donne déjà un cadre aux relations et permet de valoriser les bonnes pratiques - ce qui est un des rôles de l'ADEME. Je suis très attaché au modèle actuel de présence territoriale forte, avec une direction à Paris, un siège social à Angers, une présence à Nice sur certaines thématiques, et surtout une capillarité sur l'ensemble du territoire métropolitain et outre-mer. Il nous donne la capacité d'entretenir un dialogue très fin avec les collectivités locales et les élus en tenant compte des spécificités locales. Pas d'injonctions ? Oui, vous avez raison, sauf que nous en sommes à un point d'urgence où il faut inciter fortement, si ce n'est obliger. En Gironde, on voit déjà l'impact de l'érosion et de la submersion sur l'urbanisme et les activités touristiques.

M. Frédéric Marchand. - Dans le groupe que je représente, la composante ultra-marine est très importante. Avez-vous vraiment une feuille de route spécifique à destination de ces territoires ? La demande est grande.

M. Guillaume Gontard. - Votre cursus riche vous a conduit à exercer différentes fonctions politiques. Est-ce une bonne chose d'avoir un profil politique plutôt qu'un technicien à la tête de l'ADEME ?

Mme Nelly Tocqueville. - La qualité de l'air fait partie de vos missions, mais vous n'en avez pas vraiment parlé. Au moment où la France a été convoquée à un sommet sur la qualité de l'air, le 30 janvier dernier, et alors qu'elle est mise en demeure de prendre des décisions pour éviter que la Commission européenne n'engage une procédure judiciaire, quelques mesures ont été prises relatives aux émissions des véhicules - parmi lesquelles s'est discrètement glissé la limitation à 80 kilomètres/heure sur les départementales - ainsi que des mesures pour réduire les émissions liées au chauffage. Ces mesures seront-elles suffisantes pour répondre aux exigences européennes ? L'ADEME dispose d'un Fonds mobilité de 100 millions d'euros sur cinq ans : suffira-t-il pour répondre à ces mêmes exigences ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Les friches industrielles, notamment en milieu rural, jouent un rôle important. La manie de l'ADEME de procéder systématiquement par appel à projets tient à l'écart les petits EPCI. Il serait plus simple de mettre en place, au niveau régional, une relation de contractualisation avec les territoires ruraux. Par ailleurs, quelle est votre position sur le compteur Linky ?

M. Joël Bigot. - Je vais siéger au conseil d'administration de l'ADEME. Certains pays, comme les États baltes, importent des déchets de biomasse pour produire de l'énergie. Comptez-vous donner une impulsion en ce sens ? C'est à l'échelle européenne qu'il faut traiter les déchets et produire de l'énergie pour réussir la transition énergétique.

M. Olivier Jacquin. - Les collectivités territoriales, pour bien participer à ce processus de transition, ont besoin de temps, de visibilité, de stabilité. Le dispositif des territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) était très attractif - son sort laisse perplexe. La perspective de nouvelles consignes dans le domaine des déchets perturbe aussi considérablement les collectivités. Quelle est votre appréciation sur le fonctionnement de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ? Mon vote vous est quasiment acquis, même si votre manière de qualifier le président de l'ADEME d'« ambianceur » de la transition écologique m'étonne.

M. Arnaud Leroy. - Oui, j'ai une feuille de route pour les outre-mer, que je serai ravi de venir présenter à votre délégation aux outre-mer. Ses maîtres mots sont une présence maintenue sur le territoire, et une volonté de faire.

Profil politique ? Je pourrais vous répondre que j'ai travaillé dans une agence technique de l'Union européenne sur le taux de soufre dans les fiouls marins et les émissions d'oxydes d'azote (NOx)... Mais il faut que quelqu'un prenne une décision et, lorsqu'il y a trop de techniciens autour de la table, on arrive rarement à aboutir. Et il est important de tenir les engagements. On parle beaucoup de personnes issues de la société civile qui entrent en politique ; je suis un politicien qui rentre dans la société civile ! Cela me semble sain pour notre démocratie. Ce sujet n'a d'ailleurs pas de couleur politique, puisqu'il s'agit de rien moins que de la survie de notre espèce et de la mise en oeuvre de la transition énergétique et écologique. Avant moi, Chantal Jouanno avait été secrétaire d'État et sénatrice. D'ailleurs, c'est aussi un poste politique, parce qu'on est au contact d'élus, dont il faut parler le langage.

Ma feuille de route est ambitieuse : faire réussir la transition écologique. Le Fonds Air Mobilité est tout neuf : créé suite aux assises, il est doté de 20 millions d'euros.

La pollution de l'air intérieur est un autre sujet dont on parle peu. La loi logement doit veiller à ce que les logements ne soient pas trop confinés. Certaines régions, aujourd'hui épargnées, vont être touchés par des pollutions nouvelles, par exemple du fait du développement des croisières. L'ADEME propose des solutions : mise en place de branchements électriques pour les ferries ou pour les paquebots, fourniture de GNL... Le président du Conseil national de l'air était satisfait des annonces du Gouvernement. Quand l'ADEME valide des installations de biomasse, nous examinons le plan d'approvisionnement à dix ou quinze ans. Il faut limiter les importations de biomasse. Je sais qu'il est question de transformer, dans le Sud de la France, une ancienne raffinerie de Total en centrale à biomasse. Nous avons un massif forestier fort et en expansion, qui demande à être valorisé, et nous avons une filière en attente de débouchés. La fonction de puit carbone des forêts est importante.

Je n'ai pas de position particulière sur le compteur Linky. Il est bon que nous recueillions des données sur la consommation. Ce n'est pas à l'ADEME de se prononcer sur le débat relatif aux ondes. En tous cas, j'ai toujours constaté que, lorsqu'on donne aux opérateurs la capacité de mesurer leurs émissions, leur consommation baissait systématiquement.

Je suis à votre disposition pour discuter des difficultés rencontrées par les petits EPCI.

M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site internet du Sénat.

Vote et dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

La commission procède au vote sur la candidature de M. Arnaud Leroy, candidat proposé aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, en application de l'article 13 de la Constitution.

M. Hervé Maurey, président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants : 27.

Bulletins blancs ou nuls : 4.

Nombre de suffrages exprimés : 23.

Pour : 22.

Contre : 1.

Dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination de Mme Chantal Jouanno aux fonctions de présidente de la Commission nationale du débat public

M. Hervé Maurey, président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants : 34.

Bulletins blancs ou nuls : 3.

Abstentions : 1.

Nombre de suffrages exprimés : 30.

Pour : 29.

Contre : 1.

La réunion est close à 18 h 15.