Mardi 17 octobre 2017

- Présidence de M. Alain Milon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 25.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 - Audition de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé et de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

M. Alain Milon, président. - Je suis heureux d'accueillir ce matin Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé et M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics pour la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018.

Avant d'examiner ce PLFSS, notre commission donnera un avis sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 qui définit la trajectoire des finances sociales pour les cinq ans à venir et traduit d'ores et déjà les principaux choix du quinquennat en matière de prélèvements obligatoires et de dépenses.

Ce PLFSS pour 2018 est le premier de la législature. Il est marqué par des mesures en recettes - hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), suppression ou allègements de cotisations - qui modifient en profondeur la structure du financement de la sécurité sociale et, au-delà, de la protection sociale. En 2018 et 2019, ce sont ainsi plus de quarante milliards d'euros de recettes, deux points de PIB, qui sont « déplacés » par le projet de loi de financement.

Ces transferts de recettes marquent des choix forts : faire contribuer les retraités, concentrer plus encore les allègements sur les bas salaires, financer l'assurance chômage par l'impôt. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Le projet de loi traduit également l'engagement présidentiel de la suppression du régime social des indépendants (RSI).

En dépenses, nous notons une certaine continuité des choix par rapport au précédent gouvernement. C'est le cas en matière de politique familiale, avec une accentuation des objectifs de lutte contre la pauvreté, mais aussi pour l'assurance maladie, avec la poursuite et l'accentuation du plan d'économies sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) et le déport de dépenses vers d'autres acteurs. C'est également le cas en matière de retraites, où l'on dégrade à nouveau le solde du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) en le privant de recettes sans prendre de mesures plus structurelles. Sur ce point, le Gouvernement a annoncé une réforme importante.

Cependant, un fait nouveau nous alerte : si nous sommes habitués aux transferts entre branches et entre entités de la sphère sociale, au profit notamment de l'assurance maladie, de nouvelles relations s'instaurent entre l'État et la sécurité sociale avec le retour des mesures non compensées, décidées de surcroît en loi de finances, comme c'est le cas pour la taxe sur les salaires. C'est donc un PLFSS riche en mesures d'importance qui nous est soumis.

J'ai surtout abordé le volet financier. Notre rapporteur, Catherine Deroche, traitera du volet santé mais je voudrais ajouter que j'apprécie particulièrement les mesures fortes concernant la vaccination et le prix du tabac.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. - Je suis très heureuse de présenter devant votre commission le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette mandature. Ce PLFSS est un texte dense, qui fait des choix et qui porte une orientation politique forte.

Le texte a quatre dimensions. C'est d'abord le PLFSS des engagements tenus, sur le pouvoir d'achat ; l'aide aux entreprises et aux entrepreneurs, l'adossement du RSI au régime général, la priorité forte donnée à la prévention et l'attention portée à ceux de nos concitoyens qui sont dans les situations les plus difficiles et les plus vulnérables.

Si le projet de loi permet de tenir les engagements pris devant les Français, c'est parce qu'il est un PLFSSS de responsabilité. En tant que ministre en charge des solidarités, je suis particulièrement attentive, et vous l'êtes aussi, à l'équilibre des comptes, parce qu'il conditionne la confiance de nos concitoyens, à moyen et long terme, dans notre système de protection sociale. Le déficit de la sécurité sociale - régime général et FSV - devrait s'établir en 2017 à 5,2 milliards d'euros, en amélioration de 2,6 milliards par rapport à 2016. En 2018, ce déficit sera de 2,2 milliards d'euros, soit une nouvelle amélioration de 3 milliards d'euros. C'est le déficit le plus faible depuis 2001. Nous sommes donc clairement sur la trajectoire du retour à l'équilibre à l'horizon 2020, conformément à l'engagement pris par le Premier ministre dans son discours de politique générale.

C'est aussi un PLFSS de la solidarité : nous avons fait des choix, mais ces choix privilégient les personnes, les familles les plus en difficulté, pour lesquelles la solidarité nationale doit jouer en priorité.

Le PLFSS revalorise le minimum vieillesse. Le Président de la République s'est engagé à le revaloriser de 100 euros pendant le quinquennat. Cela commencera avec une augmentation de 30 euros le 1er avril prochain, puis de 35 euros en 2019, et de 35 euros en 2020. Nous harmoniserons la date des revalorisations des avantages vieillesse au 1er janvier, en avançant celle du minimum vieillesse de trois mois et en reculant celle des pensions de trois mois. Cette mesure représente un moindre gain temporaire pour les pensionnés mais elle doit être mise en regard de l'effort de solidarité très important que représente la revalorisation du minimum vieillesse, un effort sur moins de trois ans de plus de 500 millions d'euros.

Je veux également mieux répondre aux besoins des personnes âgées en perte d'autonomie. Ce PLFSS crée 4 500 places d'hébergement permanent en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), 1 500 places d'accueil de jour ou d'hébergement temporaire. Nous renforçons l'encadrement en soins des Ehpad, avec 100 millions d'euros de crédits consacrés à cet objectif. Nous aiderons au déploiement d'infirmières de nuit pour une meilleure évaluation et une meilleure prise en charge des difficultés des personnes âgées pendant la nuit et éviter des hospitalisations inutiles. Cette forme d'organisation, adaptée, a fait ses preuves.

En matière de politique familiale, le PLFSS traduit ma priorité aux familles qui ont le plus de difficultés et en particulier aux familles monoparentales. Telles sont les orientations de la politique familiale que j'ai exposée au conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) début septembre : augmenter et améliorer les solutions de garde des jeunes enfants ; créer une véritable politique de soutien à la parentalité, qui fait parfois défaut ; soutenir les familles fragiles, notamment monoparentales, et permettre aux femmes de travailler quelle que soit leur situation ; lutter contre la pauvreté des enfants, et nous lançons aujourd'hui avec le Président de la République une concertation nationale pour aboutir en mars 2018 à un plan d'ensemble de lutte contre la précarité des enfants et des jeunes.

Plusieurs dispositions du PLFSS augmenteront les prestations à destination des familles les plus fragiles. Les familles nombreuses les plus pauvres bénéficieront de la hausse du complément familial majoré au 1er avril 2018, une augmentation de 17 euros par mois qui concernera 450 000 familles. Le montant de l'allocation de soutien familial sera revalorisé, au 1er avril également, pour 750 000 familles monoparentales. Le montant maximum de l'aide à la garde d'enfants pour les parents qui recourent à un assistant maternel, une garde à domicile ou une micro-crèche augmentera de 30 %. Ainsi, un parent avec un enfant, qui perçoit 2 000 euros de revenus et qui emploie directement une assistante maternelle, percevra jusqu'à 138 euros de plus par mois pour payer la garde de son enfant. Nous faisons évoluer le montant du barème et le montant de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje). Ce faisant nous dégageons des marges d'action pour satisfaire aux besoins prioritaires, nous redonnons une cohérence dans l'articulation de ces deux prestations qui assurent la continuité de la prise en charge des enfants, et nous mettons fin au gel depuis près de cinq ans de la prime de naissance. Cette mesure d'harmonisation du montant et du barème de la Paje ne sera appliquée qu'au flux des bénéficiaires, pour les enfants nés à compter du 1er avril 2018, elle ne touchera pas les bénéficiaires actuels.

C'est enfin un PLFSS de transformation. L'ambition de réforme concerne d'abord le champ de la protection sociale. Le 1er janvier 2018, le RSI sera adossé au régime général. C'est l'une des réformes les plus importantes depuis la création de la Sécurité sociale en 1945, nous nous donnons le temps nécessaire pour la mener : une période de deux ans sera ouverte pour faire évoluer les organisations et mener le dialogue social avec les représentants des caisses. Nous avons dit aux personnels du RSI et à celui des organismes conventionnés gérant l'assurance maladie des travailleurs indépendants toute l'attention que nous portons à cette mutation, qui ne doit pas les pénaliser. La dimension sociale du projet est l'objet de toutes nos attentions.

L'ambition de transformation concerne également le champ de la santé. Je construis une stratégie nationale de santé. J'indiquerai en décembre les choix retenus, qui seront le cadre d'un plan national et de plans régionaux de santé, au printemps.

Cette stratégie privilégie quatre priorités : la prévention, l'égal accès aux soins, l'innovation et la pertinence et la qualité des soins. La promotion de la prévention est centrale dans ma politique. Ce PLFSS comporte deux mesures très fortes et emblématiques avec un impact financier et je souhaite que le Sénat soutienne ces orientations. Je veux rendre obligatoires pour les jeunes enfants onze vaccins - obligatoires ou recommandés actuellement dans le calendrier vaccinal. De sept à huit enfants sur dix les reçoivent déjà : ce n'est donc pas un bouleversement des habitudes. Ce taux est toutefois insuffisant pour éviter des épidémies. Je souhaite atteindre le taux de neuf enfants vaccinés sur dix pour éviter des épidémies, des handicaps ou des décès inutiles chez les enfants.

Ce PLFSS porte aussi une hausse importante des prix du tabac, sur trois ans, avec une hausse d'un euro par paquet dès le 1er mars 2018. Le tabagisme, première cause de mortalité évitable en France, cause près de 80 000 morts par an, des souffrances pour les familles et des vies abrégées. Je remercie vivement M. Darmanin pour le dialogue noué avec son ministère - c'est suffisamment rare et inhabituel - pour progresser vers cet objectif majeur de santé publique. Nous accompagnerons cette hausse par la prévention, avec un deuxième programme national de réduction du tabagisme (PNRT) en mars. Nous lutterons également contre les marchés parallèles.

L'égalité d'accès aux soins comporte une double dimension, sociale et territoriale. Le PLFSS ne comporte pas directement de dispositions relatives au « reste à charge zéro » mais j'ai proposé de reporter la mise en oeuvre du règlement arbitral dans le domaine dentaire afin de rouvrir un espace de négociation avec les professionnels. La négociation qui s'est ouverte doit prendre en compte l'objectif du zéro reste à charge pour des soins indispensables. Ce chantier couvre aussi l'optique et les audioprothèses et je ferai connaître très rapidement le cadre de travail et de concertation pour aboutir à un accord avant la fin du premier semestre 2018. Ces dispositions figureront donc dans le PLFSS pour 2019.

J'ai présenté vendredi dernier avec le Premier ministre un plan pour renforcer l'égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire. Je sais l'importance que vous attachez à cette question et je remercie M. Daudigny et M. Cardoux pour la grande qualité de leur rapport mais aussi Mme Doineau qui a accepté d'accompagner la mise en oeuvre de ce plan, qui comporte quatre axes : le renforcement de l'offre de soins dans les territoires par une présence médicale et soignante accrue ; la mise en oeuvre de la révolution numérique en santé, une meilleure organisation des professions de santé pour assurer une présence soignante pérenne et continue et une nouvelle méthode de gouvernance, qui fait confiance aux acteurs et promeut une responsabilité territoriale. Ce plan sera copiloté avec les élus et ne requiert pas de mesure législative de mise en oeuvre.

Ce PLFSS portera la généralisation de l'usage de la téléconsultation et de la téléexpertise, en les sortant de leur cadre expérimental pour les faire entrer dans le droit commun. Il donnera également une base légale pérenne au dispositif Asalée (action de santé libérale en équipe).

S'agissant de l'innovation et de la pertinence des soins, je veux faciliter l'expérimentation de formes d'organisation et de rémunération nouvelles pour dépasser les logiques sectorielles ville-hôpital, rémunérer par exemple au forfait des séquences de soins, et prendre en compte la prévention et la pertinence des actes réalisés.

Je vous propose donc d'adopter un cadre général pour lancer et évaluer ces expérimentations. Je souhaite faire évoluer et compléter les dispositifs actuels - rémunération à l'acte ou tarification à l'activité (T2A). Le levier tarifaire est fondamental pour l'évolution de notre système de santé, vers plus de prévention et de pertinence des soins. Nous prévoyons un Ondam fixé à 2,3 %, taux conforme à l'engagement du Président de la République et supérieur à celui des trois années précédentes. Il consacre 4,4 milliards d'euros de plus pour la couverture des soins, prend en compte des engagements déjà souscrits, dont la convention médicale avec les médecins libéraux signée en 2016. Son impact, important en 2017, le sera encore en 2018. C'est pourquoi le sous-objectif des soins de ville sera supérieur au taux global d'Ondam à 2,4 %. Cette convention va dans le sens de mes orientations, elle valorise mieux l'action des généralistes et prend mieux en compte notamment les actes complexes ou ceux réalisés dans des situations d'urgence. Les recettes des établissements augmenteront de 2,2 %, soit un taux supérieur à l'an passé, grâce à l'apport du relèvement de deux euros du forfait journalier. Ce dernier n'a pas augmenté depuis 2010 et correspond à l'inflation constatée depuis lors et à celle anticipée de 2018.

Un Ondam à 2,3 % reste un Ondam exigeant. J'entends les critiques de l'industrie du médicament puisqu'il prévoit des baisses de prix de près d'un milliard d'euros. Mais nous avons augmenté à 3 % le taux Lh d'évolution des prescriptions hospitalières, ce qui favorisera les produits les plus innovants pour les maladies orphelines ou graves. J'entends aussi les critiques de l'industrie ou des distributeurs de dispositifs médicaux. Je recherche une plus grande pertinence dans la prescription et l'usage de ces dispositifs.

Cet Ondam exigeant permettra un investissement immobilier et numérique à hauteur de 400 millions d'euros et l'amélioration des prises en charge médico-sociales.

Ce PLFSS met en oeuvre des réformes concrètes au bénéfice des citoyens et engage des transformations en profondeur de nos systèmes de santé et de protection sociale.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. - J'évoquerai surtout la trajectoire financière, la modération de la dépense publique, l'équilibre de nos comptes sociaux et, enfin, le PLFSS comme facteur de transformation de l'activité économique. Ce projet comprend notamment la bascule des cotisations sociales vers la CSG et il est donc à examiner en parallèle avec le projet de loi de finances (PLF) qui sera débattu par le Parlement à partir des prochains jours.

Sur le rétablissement des comptes, l'Ondam est tenu pour la huitième année consécutive, avec plus de quatre milliards d'euros d'économies, des dépenses maitrisées sur la gestion administrative des caisses et une amélioration de la conjoncture économique. L'année prochaine, nous prévoyons des cotisations assises sur une augmentation de la masse salariale d'un peu plus de 3 %, en écho à l'augmentation de 3 % de cette année. La situation de toutes les branches s'améliore : le déficit de l'assurance maladie s'améliore de 700 millions d'euros en un an, soit le meilleur résultat depuis 2001 ; la branche accidents et maladies professionnelles connaît un excédent de plus d'un milliard d'euros, celui de la branche vieillesse 1,3 milliard d'euros. Pour la première fois depuis dix ans, nous prévoyons un excédent de 300 millions d'euros - certes modeste, mais positif - pour la branche famille. Le déficit du FSV continue de se résorber. Le Gouvernement souhaite atteindre l'équilibre des comptes sociaux d'ici 2020 et poursuivre ce désendettement d'ici 2024 pour les rétablir définitivement.

Je reviens sur plusieurs mesures économiques et sociales de ce PLFSS de transformation. Le PLFSS comprend les engagements de la majorité parlementaire et du Président de la République sur la fin du RSI tel qu'il est connu actuellement. Au 1er janvier 2018, le RSI fusionne dans le régime général, avec une phase transitoire de deux ans. Il est particulièrement délicat d'écouter les agents du RSI qui ne sont pas responsables de « l'accident industriel » dont nous connaissons tous les conséquences sur les artisans ou commerçants et qui sont inquiets de leur devenir. Avec la ministre des solidarités et de la santé, nous leur avons assuré qu'il n'y aurait aucune mobilité géographique forcée ni de séparation de collaborateurs. Ces deux ans de transition garantiront une fusion dans de bonnes conditions.

Les indépendants ne perdront pas leurs avantages : ils n'auront pas de hausse de cotisations ni de pertes qui leur seraient imputées à cause de la fusion du RSI. Ils resteront indépendants, mais le système sera géré par le régime général et les systèmes informatiques fusionnés. Nous avons confié une mission à M. Dominique Giorgi, qui présentera ses conclusions devant la représentation nationale.

Le CICE sera transformé en allègement de charges généralisé pour les entreprises jusqu'à 1,6  Smic à partir du 1er janvier 2019. Pour la première fois dans notre pays, toute entreprise qui embauchera en 2019 une personne au Smic ne paiera aucune charge pour cette embauche. L'année blanche de cotisations pour les créateurs d'entreprise les encouragera et simplifiera leurs démarches. La simplification administrative est également très forte sur les déclarations des activités économiques, notamment pour les TPE et les PME.

Le Gouvernement choisit d'augmenter de 1,7 point la CSG pour les salariés, les agents publics et aussi sur le capital, puisque la CSG les touche tous proportionnellement, et supprime des cotisations pour les salariés correspondant à 3,15 points de cotisation. En janvier s'appliqueront les deux tiers de la suppression des cotisations et un tiers de gain de pouvoir d'achat pour les salariés et au mois d'octobre le tiers de cotisation restante sera supprimé et les deux tiers de pouvoir d'achat attribués. Une personne au Smic à 1 152 euros gagnera 160 euros de pouvoir d'achat l'année prochaine et en année pleine, 260 euros. C'est proportionnel par rapport au revenu.

Cette suppression de cotisations revient à passer d'un régime de statut à un régime universel, soit à un système plus beveridgien que bismarckien. Ce n'est plus une multiplication de cotisations qui accompagne ces transformations mais bien un impôt universel que chacun peut payer. Le travail doit payer et le pouvoir d'achat augmenter pour ceux qui sont salariés et notamment ceux qui ont les revenus les plus bas.

Le seuil de déclenchement de l'augmentation de la CSG pour les retraités est de 1 400 euros, contrairement à ce que l'on peut entendre. Certes, les retraités de moins de 65 ans voient cette augmentation s'appliquer à partir de 1 289 euros, mais la plupart des retraités ont plus de 65 ans. À partir de 65 ans, il y a un abattement, c'est donc le seuil de 1 400 euros qui s'applique.

En lien avec le PLF, la mesure de compensation du pouvoir d'achat pour les classes moyennes - le salaire médian est à 1 700 euros - se réalise avec la suppression de la taxe d'habitation : la taxe d'habitation, par personne seule, est supprimée à partir de 2 500 euros net. Tous les salariés gagnent à l'augmentation de la CSG, les agents publics également - nous avons rassuré hier les employeurs publics sur la compensation intégrale de la CSG par le budget de l'État. Nous connaissons tous des personnes avec des petites retraites, en ville ou dans le monde agricole avec des retraites de 500 à 700 euros, éligibles au minimum vieillesse. Ces petites retraites seront augmentées de 100 euros par mois dans la durée du quinquennat, dès l'année prochaine. Ces personnes ne seront pas concernées par les mesures d'augmentation de la CSG. Les personnes au-dessus du minimum vieillesse mais gagnant moins de 1 400 euros ne seront pas touchées par l'augmentation de la CSG mais verront leur taxe d'habitation supprimée sur trois ans, avec un tiers dès l'année prochaine. Les personnes gagnant de 1 400 à 2 500 euros verront leur CSG augmenter mais une suppression de taxe d'habitation la comblera ; leur pouvoir d'achat sera maintenu voir amélioré ; ceux qui touchent une retraite personnelle de plus de 2 500 euros verront leur taxe d'habitation maintenue et une augmentation de la CSG.

L'augmentation de la CSG est déductible pour ceux qui déclarent et paient des impôts sur le revenu. Elle touche également les produits du capital. La négociation avec les partenaires sociaux de la fonction publique prévoit que l'État compensera l'augmentation de la CSG de l'intégralité des agents de la fonction publique - y compris les contractuels, la fonction publique territoriale ou hospitalière - par des suppressions de cotisations payées par les agents - comme la cotisation de solidarité de 1 % des fonctionnaires ou la cotisation maladie de 0,75 % des contractuels - et en parallèle la suppression de cotisations employeurs que nous inscrirons dans la loi. Cette prime non dégressive et pérenne touchera aussi les nouveaux agents publics entrant au 1er janvier, qui connaîtront aussi cette compensation intégrale de CSG.

M. Alain Milon, président. - Merci. Madame la ministre, quelles sont vos positions sur le tiers-payant et sur l'évolution de la tarification dans les Ehpad ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Ce PLFSS est un exercice nouveau pour vous, ministres, intéressant et habituel pour nous. Vous avez fait référence à plusieurs rapports du Sénat, dont certaines recommandations - sur la prévention, la pertinence des actes et l'accès aux soins notamment - sont reprises, ce dont nous nous félicitons.

Néanmoins je m'interroge en particulier sur le volet financier. Je ne reviendrai pas sur la CSG, détaillée par le ministre mais reste la question que vous avez élégamment traitée du revenu fiscal de référence retenu pour l'application du taux réduit. Vous évoquez 1 400 euros pour une personne seule, c'est un revenu assez faible... L'impact de cette mesure peut être considérable. Le revenu fiscal de référence est évolutif, ne faut-il pas profiter de cette réforme sur la CSG pour le faire évoluer ? Le taux réduit de 3,8 % pour la CSG s'applique en fonction de ce revenu fiscal de référence.

Quant au CICE, le Gouvernement a concentré les allègements sur les bas salaires. C'est un vrai débat entre économistes. Faut-il privilégier les bas salaires pour favoriser l'emploi ou privilégier un positionnement plus haut de gamme en allégeant les cotisations des salaires plus élevés ? Cette occasion de transformer le CICE ne se reproduira plus. Pouvez-vous revenir sur votre position ?

Notre collègue Jean-Noël Cardoux, fin connaisseur du RSI, y reviendra sans doute. Depuis plusieurs années, la marque RSI a été durablement affectée par la crise du recouvrement des cotisations. Mais la cause principale en est la défaillance du système informatique des URSSAF, détaillée dans l'annexe 3B du PLFSS, qui montre aussi les progrès importants réalisés. L'offre de service et d'accueil n'est pas affectée. Le transfert des travailleurs indépendants vers le régime général ne va-t-il pas dégrader à court terme le service des prestations d'assurance maladie et d'assurance vieillesse ? Le transfert de l'activité retraites implique de demander à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) de gérer non seulement plusieurs millions de personnes supplémentaires, mais aussi le régime complémentaire des indépendants, soit une activité nouvelle pour la Cnav, a fortiori dans un contexte où certaines caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) sont en difficulté. Ce calendrier n'est-il pas trop ambitieux ? Faire tout cela en deux ans, alors qu'une réforme systémique des retraites est prévue, pose question. Par ailleurs, que deviendront les 17 milliards d'euros d'excédent du régime complémentaire des indépendants ?

Sur la loi de programmation des finances publiques et le périmètre du PLFSS, différent de celui des administrations de sécurité sociale (Asso), vous avez fait plusieurs annonces sur le pilotage des comptes sociaux avant même d'envisager une révision, nécessaire, de la loi organique. Renforcerez-vous l'information du Parlement sur la contribution des différentes Asso à la trajectoire prévue par la loi de programmation ?

M. Alain Milon, président. - Chaque année, nous avons une réponse positive à cette question mais non suivie d'effet...

Mme Catherine Deroche, rapporteur pour la branche assurance maladie. - Vous avez notre soutien sur la vaccination et le prix du tabac. Avec M. Daudigny, j'ai publié un rapport relatif à la fiscalité comportementale préconisant une augmentation de 10 % par an pendant cinq ans du prix du tabac.

Nous notons le report du règlement arbitral pour l'égal accès aux soins. Il faut ouvrir une négociation car nous sommes très sollicités par les chirurgiens-dentistes.

L'entrée du remboursement de la télémédecine dans le droit commun est positive. De nombreux verrous réglementaires persistent sur « qui peut faire quoi ». En Pays-de-la-Loire, des projets d'expérimentation et d'innovation sur la téléconsultation butent sur l'impossibilité pour le médecin traitant de pratiquer lui-même la téléconsultation.

Le comité d'alerte de l'Ondam a souligné le caractère important mais incertain des économies nécessaires pour respecter l'objectif de dépenses pour 2018. Respecter une progression de l'Ondam de 2,3 % par an face à des tendanciels de dépenses très dynamiques, notamment en soins de ville, est difficile. Quelle stratégie comptez-vous mener au-delà de 2018 pour respecter la progression de l'Ondam ? Quel équilibre de prise en charge entre les régimes de base et complémentaires envisagez-vous ?

D'après l'étude d'impact, le cadre d'expérimentation pour l'innovation dans le système de santé aurait un coût net d'amorçage de 10 millions d'euros en 2018 et un autofinancement attendu dès 2019. La réactivité de ce cadre n'est pas toujours opérante, notamment pour la télémédecine. Comment assurer cette réactivité ?

MM. Alain Milon et Jacky Le Menn avaient publié un rapport sur la tarification et la T2A, montrant sa pertinence mais aussi ses limites. Sur plus long terme, quel regard portez-vous sur ce mode de financement des hôpitaux ? Envisagez-vous des aménagements rapides ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteur pour la branche famille. - Je soutiendrai, moi aussi, les mesures relatives à la vaccination, mais il conviendra de tordre le cou à tout ce qui se dit sur les réseaux sociaux à ce sujet ; ce sera sans doute la principale difficulté...

Mes questions portent sur la branche famille. Après près de dix années de déficit, cette branche devrait connaître un excédent de 300 millions d'euros en 2017 et de 1,3 milliard d'euros en 2018. Il faut certes s'en réjouir mais cela est partiellement dû à des mesures mises en oeuvre depuis 2012, avec une économie nette de 1,5 milliard d'euros à l'échelle de la politique familiale, qui ne touche pas que les ménages les plus aisés.

On aurait donc pu s'attendre à un relâchement des efforts demandés aux familles l'année prochaine. Or le PLFSS contient une nouvelle mesure d'économie portant sur les ménages modestes, ainsi qu'une mesure favorable aux familles monoparentales dont l'impact financier demeure limité. Comment conserver son ambition à la politique familiale alors que le nombre de naissances continue de baisser ?

Par ailleurs, après la modulation des allocations familiales intervenue en 2015, on parle aujourd'hui de mettre définitivement cette prestation sous condition de ressource. Cela porterait un coup majeur au principe d'universalité de la politique familiale, selon une logique que nous ne souhaiterions pas étendre aux autres branches. Quelle est votre position sur cette question ? Les aides aux familles ne doivent-elles que lutter contre la pauvreté ou la solidarité horizontale demeure-t-elle selon vous pertinente ? Le Gouvernement sera-t-il défavorable à d'éventuels amendements visant à mettre fin à l'universalité des allocations familiales ?

Enfin, en ce qui concerne le complément de mode de garde, le CMG, qui serait revalorisé pour les familles monoparentales, je voudrais souligner le fait que les familles doivent avancer le premier mois de garde, ce qui reste un effort important pour eux.

M. Jean-Noël Cardoux. - Mes deux questions seront ciblées. Premièrement, il me semble que la réforme du RSI se fait contre la volonté des travailleurs indépendants, qui y sont unanimement opposés et expriment des craintes importantes. En effet, on ne s'attaque pas aux causes du problème, qui remonte à 2008, quand on a institué l'interlocuteur social unique. À cette époque, on a mis face à face deux blocs : l'Acoss et les caisses de travailleurs indépendants, qui ont refusé de se parler pendant trois ans. Le ver était donc dans la pomme...

En outre, le logiciel de recouvrement SNV2 est, de l'avis de tous, totalement obsolète, et le montant à investir pour le remettre à niveau serait colossal. Par conséquent, la fusion des régimes ne réglera pas le problème informatique ; or c'est par là qu'il faut commencer. Par ailleurs, des efforts considérables ont été réalisés ; par exemple, le RSI a créé une cellule pour les parlementaires, qui accélère la résolution des problèmes quand elle est saisie. J'ajoute que la réduction des acomptes, qui figurait dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, n'a jamais été appliquée parce que tout le monde en ignorait l'existence...

Il faudrait donc prendre du temps, écouter les interlocuteurs et, surtout, faire des simulations pour les travailleurs indépendants car c'est là que réside leur principale crainte. Il conviendrait aussi de convier l'ordre des experts comptables autour de la table. Il était disposé à travailler avec l'ensemble des interlocuteurs et il préconisait une solution, l'auto-déclaration, qui résoudrait une partie important des problèmes de rappel de provisions.

Il faut réformer, soit, mais pas contre les travailleurs indépendants, et il faut leur fournir des éléments financiers leur permettant de juger de l'impact de la réforme du régime sur les cotisations et sur les prestations.

Ma seconde question porte sur les déficits cumulés figurant dans les comptes de l'Acoss. Nous avons auditionné la semaine dernière le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, et je lui ai demandé s'il était favorable à une augmentation de la CRDS pour annuler le stock de dette demeurant au sein de l'Acoss.

Je vous rappelle que le secrétaire d'État chargé du budget du précédent gouvernement avait épuisé le plafond des autorisations de transfert des déficits à la Cades, à hauteur de 23,6 milliards d'euros ; ces transferts sont désormais impossibles et l'Acoss est obligée de supporter des déficits dont le cumul représentera bientôt 30 milliards d'euros. Ainsi, si par malheur les taux d'intérêt augmentent - ce qui arrivera - l'Acoss explosera.

Ne serait-il donc pas plus opportun d'autoriser de nouveau les transferts de l'Acoss à la Cades en fixant une augmentation de la CRDS d'environ 0,4 point. Cela ne serait pas insurmontable et cela rééquilibrerait les comptes. Le Premier président de la Cour des comptes a indiqué être favorable à cette solution.

Mme Laurence Rossignol. - J'observe une forme de continuité par rapport au gouvernement précédent. Je m'en réjouis car on sait que la prévisibilité en telle matière est un élément important mais je suis aussi frustrée car on ne retrouve pas les engagements de campagne du président Macron. Je parlais de continuité mais c'est presque du conservatisme...

Il était par exemple question de l'évolution de la rémunération des médecins de ville, destinée à mieux valoriser les actes de prévention ; qu'en est-il ? Par ailleurs, comment comptez-vous remédier aux gaspillages, à hauteur de 7 milliards d'euros, en matière de dépenses de médicaments ? En outre, quelle réforme de la T2A prévoyez-vous pour favoriser les financements liés à des priorités de santé publique ?

Par ailleurs, concernant la politique familiale, je me réjouis que vous augmentiez le CMG mais le coût des modes de garde n'est qu'un facteur, l'offre de garde étant l'autre aspect de la question. Comment augmenter les offres de places en crèche, notamment en zone rurale ?

Mme Catherine Deroche, rapporteur. - À ce sujet, il n'y a pas de continuité.

Mme Laurence Rossignol. - Le coût de fonctionnement est très lourd et l'augmentation des subventions à l'investissement ne suffit pas. Ne pourrait-on donc discuter de la nécessité d'un service public de la petite enfance ? Cela serait vital pour bien des familles.

Pour ce qui concerne la PMA, le fait que cette question figure dans les lois de bioéthique me rend assez perplexe. Il s'agit d'une question politique. L'examen des lois de bioéthique est long et on risque d'obérer des sujets sérieux. Pourquoi pas un projet de loi dédié à cette question ?

Enfin, le plan interministériel de lutte contre violences aux enfants prévoyait la présence d'un médecin référent dans chaque service d'urgence. Où en est-on sur ce point ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - En ce qui concerne la CSG, monsieur le rapporteur général, je conçois qu'avec 1 400 euros par mois on ne soit pas riche mais j'aimerais que les retraités de ma commune gagnent autant car ils touchent plutôt cinq cents ou six cents euros par mois. Nous augmentons le minimum vieillesse de cent euros par mois, ce que personne n'avait fait jusqu'à présent.

On peut toujours discuter du seuil, mais pendant les campagnes présidentielle et législative, on avait évoqué un seuil de 1 200 euros. Nous le fixons à 1 400 euros ; on peut certes l'augmenter mais il y aura toujours des effets de distorsion car vivre avec cette somme à Paris ou en province, c'est différent.

Sans doute, si l'on ne considère que l'augmentation de la CSG, on trouvera des cas de personnes en difficulté mais il faut considérer les mesures du PLFSS avec celles du projet de loi de finances, qui sont complémentaires, notamment avec la suppression de la taxe d'habitation.

Les mesures touchant au revenu fiscal de référence, question technique, peuvent alimenter les réseaux sociaux. Cela dit, seules les feuilles de salaire, de traitement ou de pension montreront que l'on gagne du pouvoir d'achat jusqu'à 2 500 euros net par mois.

Néanmoins, il est vrai qu'il y a un choix politique clair de la part du Gouvernement. Certains veulent augmenter la TVA de deux points sur les produits consommés mais cela aurait un effet négatif plus fort pour les retraités qu'une augmentation de la CSG.

Nous avons fait un choix : au-dessus de 2 500 euros, il n'y a pas de gain de pouvoir d'achat mais une redistribution aux salariés les plus modestes. C'est un choix politique, qui peut prêter à la discussion ; on peut aussi considérer que les retraités qui ont travaillé toute leur vie et qui gagnent 3 000 euros par mois grâce à l'argent qu'ils ont mis de côté ne doivent pas contribuer à la redistribution envers les salariés mais se concentrer sur la solidarité intergénérationnelle au sein de la famille. Néanmoins, notre choix est assumé : au-dessus de 2 500 euros par mois, il y a redistribution non seulement intergénérationnelle mais aussi au travers de la solidarité car, sans doute, des personnes aident déjà leurs parents ou leurs enfants mais ce n'est pas le cas de tout le monde.

Tel est notre choix, même s'il faut le tempérer au regard de la suppression de la taxe d'habitation.

Pour ce qui concerne le CICE, on a eu tout un débat démontrant la nécessité de diminuer les charges, puis on nous dit que le CICE fonctionne finalement très bien ; c'est très français... C'est un peu la même chose avec le RSI ; j'apprends maintenant qu'il fonctionnerait très bien. Pourtant, quand je prononce le mot « RSI » dans une salle et que j'annonce sa suppression, on se lève et on m'applaudit. Le RSI souffre d'un dysfonctionnement évident.

M. Jean-Marie Morisset. - Alors, on ne parle pas de la même chose...

M. Gérald Darmanin, ministre. - Pourtant, tous les candidats à la présidentielle voulaient le supprimer, monsieur le sénateur. Sans doute, il est évident qu'il y a eu des améliorations, qu'il existe des problèmes informatiques et que les agents du RSI ne sont pas responsables de cette situation ; mais la marque est, selon moi, définitivement entachée. Il y aura donc fusion.

On me dit qu'une période de deux ans serait peut-être trop rapide mais j'entends aussi dire que c'est trop lent. C'est, selon nous, le temps nécessaire pour rassurer tous les salariés du RSI. Un moment viendra où le rapporteur général et les ministres expliqueront à la commission le processus, étape par étape, et, s'il faut plus de temps, on le prendra.

En tout état de cause, il n'y aura pas d'augmentation des cotisations et, je le répète, les 17 milliards d'euros que vous évoquiez, monsieur le sénateur, resteront dans le régime des indépendants. Certes, on peut s'opposer à cette transformation mais, pour ma part, je constate que les indépendants que je connais sont pour cette suppression, alors que les dirigeants de caisse que je connais - qui sont aussi des travailleurs indépendants - sont contre.

L'allègement de 6 points de charges jusqu'à 2,5 Smic, niveau assez élevé, touche aussi, contrairement au CICE, l'économie sociale et solidaire et le monde associatif employeur, ne l'oublions pas ; il faut donc mettre cela en perspective avec les annonces du Gouvernement sur les emplois aidés. Il n'y a ainsi plus aucune charge sur le Smic.

Sur le renforcement des pouvoirs du Parlement, je propose au rapporteur général qu'il soumette un amendement visant à ce que le Gouvernement s'engage à fournir les informations que vous souhaitiez. Je serai toujours favorable aux dispositions permettant d'éclairer le Parlement sur les tuyauteries complexes. Parlons-en en amont pour que nous puissions vous donner toute l'information que vous souhaitez.

En ce qui concerne le tabac, je suis, comme Mme Buzyn, favorable à l'augmentation très forte du prix du tabac. Toutefois, il y a des conséquences. D'abord, cela n'entraînera pas des recettes très importantes, ce n'est d'ailleurs pas l'objectif, contrairement à ce que l'on croit parfois. En outre, il peut y avoir des effets d'aubaines pour la contrefaçon et la contrebande, surtout en zone frontalière. Il faudra donc lutter contre cela, avec les services des douanes - dont nous augmentons à cette fin les effectifs dans le projet de loi de finances - mais aussi avec la police et la gendarmerie.

En outre, il faut accompagner les buralistes, qui ne sont pas des tabatiers. Ils représentent notamment des lieux de socialisation dans les villages ; nous allons donc leur proposer des changements de travail. Il y a un avenir pour eux. On peut à la fois lutter fortement contre la première cause de cancer et conserver ce métier. Je rencontrerai les buralistes vendredi prochain dans ce but. Si vous avez des idées, cela m'intéresse.

Mme Agnès Buzyn, ministre. - Monsieur le président, vous nous avez demandé où en est la généralisation du tiers payant. Nous attendons les conclusions du rapport que nous avons commandé au mois de juillet sur la faisabilité de cette généralisation au 1er décembre prochain. Ce rapport nous sera rendu en fin de semaine ; nous nous déciderons sur ce fondement.

En ce qui concerne le financement des Ehpad, il y aura une mesure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, avec une augmentation de 100 millions d'euros des sommes affectées aux soins et un accroissement du nombre de postes d'infirmières de nuit car les résidents sont de plus en plus âgés et de plus en plus malades. Nous prenons donc en compte la difficulté croissante de la prise en charge de nos aînés.

En outre, nous instaurons un comité de suivi de la tarification des Ehpad, qui s'est réuni fin septembre pour sa première réunion au ministère. Cette réforme doit se faire sur sept ans, nous avons le temps d'accompagner les établissements. Pour l'instant, l'évolution de la tarification est favorable pour 80 % des établissements et défavorable pour 20 % d'entre eux.

En ce qui concerne votre question sur la télémédecine, madame Deroche, nous considérons comme vous qu'il y a encore trop de verrous réglementaires. Les expérimentations ont mis trop de temps à se mettre en oeuvre, elles sont trop limitées, alors que la télémédecine est entrée dans l'usage des professionnels de santé, on ne peut l'ignorer. Nous intégrons donc cette pratique dans le droit commun.

Toutefois, je souhaite saisir la Haute Autorité de santé sur l'encadrement de sa pratique car tous les actes médicaux ne peuvent se faire par télémédecine. Nous allons avancer de manière pragmatique avec les professionnels de santé sur ce sujet.

L'Ondam, fixé à 2,3 %, est considéré par certains comme trop exigeant mais le comité d'alerte de l'Ondam a souligné que notre prévision est réaliste. Nous souhaitons engager un milliard d'euros d'économies grâce à la baisse des prix des médicaments. Nous allons faire monter en puissance les génériques et avancer sur les biosimilaires. Il y a des marges de progrès sur le coût des traitements.

Nous souhaitons aussi travailler avec les professionnels de santé sur la maîtrise médicalisée, que j'appelle plutôt « pertinence des soins ». Ce sujet est central pour maîtriser les dépenses et pour bien soigner car il ne s'agit pas que d'efficience. Il faut octroyer le bon acte au bon patient et au bon moment. Nous avons à ce sujet un plan quinquennal commun avec l'assurance maladie et les ARS.

Le niveau d'économie à l'hôpital est équivalent à celui de 2017. Cela accompagne l'évolution des hôpitaux ; les groupements hospitaliers de territoire, les GHT, constitueront un levier d'économie, notamment grâce aux achats. Ces évolutions s'articulent autour de la pertinence et de l'efficience sur cinq ans ; ce n'est donc pas une révolution.

En ce qui concerne l'innovation, vous avez évoqué, madame Deroche, le fonds d'amorçage de 10 millions d'euros pour le fonds d'intervention régional uniquement, le FIR, qui est à la main des ARS ; nous ajoutons à cela 20 millions d'euros dans un fonds pour l'innovation, qui fera l'objet d'un comité stratégique incluant les professionnels de santé et les fédérations hospitalières, et qui siègera au niveau de la Cnamts. Il devra être capable de financer et de suivre des expérimentations. Ce fonds servira aussi à payer les rémunérations innovantes, notamment au forfait, au parcours ou à la pertinence des soins.

Ce sont des modes innovants de tarification que nous souhaitons accompagner au travers de ce fonds. Tout ce qui se révélera utile sera ensuite déployé à l'échelon national. Cela ne se substituera pas à la tarification à l'acte ou à la T2A, cela viendra en complément. Ce fonds de vingt millions d'euros sera abondé en tant que de besoin à partir du fonds national de gestion du risque.

La T2A représente 60 % du financement des établissements de santé ; je souhaite que cette proportion diminue. On connaît les dérives de cette tarification, la pression sur les professionnels de santé et sur les établissements. Nous souhaitons inciter financièrement à la pertinence du parcours de soins (article 35 du PLFSS), augmenter la prise en compte de la qualité dans le modèle de financement (les incitations financières à l'amélioration de la qualité, ou IFAQ), intensifier le virage ambulatoire, moderniser les soins de suite et de réadaptation ou encore accompagner l'offre de soins avec notamment la télémédecine (article 36 du projet de loi).

Il y a donc beaucoup de projets de modification en profondeur, dont les effets se manifesteront progressivement au cours des cinq prochaines années.

Madame Doineau, nous souhaitons effectivement accompagner l'extension des obligations vaccinales d'un effort de communication à l'égard du grand public et des professionnels de santé. En effet, si je suis très bien soutenue à cet égard par les sociétés savantes et par les académies de médecine, de pharmacie et des sciences, 30 % des généralistes ont des doutes sur la vaccination et 25 % en font part aux patients.

Nous devons donc accompagner les médecins de terrain par de l'information rigoureuse et des outils de communication. Nous travaillons sur des supports devant être publiés le 1er janvier 2018.

La branche famille de la sécurité sociale sera, vous l'avez dit, excédentaire mais il y a tout de même un déficit sur l'ensemble du régime général. Nous souhaitons donc que l'esprit de responsabilité touche l'ensemble des branches. En outre, il y aura 70 millions d'euros de dépenses supplémentaires à destination des familles les plus en difficulté car le taux de pauvreté a augmenté ces dernières années.

En ce qui concerne les crèches, il faut favoriser le nombre de places de garde. Il ne faut pas un modèle unique ; il faut favoriser les crèches, les assistantes maternelles, la garde à domicile. Tous les territoires n'ont pas les mêmes besoins. Cela fera l'objet d'objectifs de la convention d'objectifs et de gestion, la COG, que je vais signer avec la Cnaf.

La question n'est pas de porter atteinte, via le PLFSS, à l'universalité des prestations sociales, ce que je ne souhaite pas mais de remettre en cause notre politique familiale à l'aune de la baisse flagrante de la natalité française depuis deux ans. Est-ce que notre politique familiale répond à cet enjeu ? Je veux que l'on ait à ce sujet un débat apaisé et non idéologique ni doctrinaire. Cela aura aussi une traduction dans la COG.

Vous avez aussi évoqué l'allocation sur le complément de mode de garde, qui est décalée d'un mois. Les familles n'auront plus à assurer l'avance des frais.

Madame Rossignol, j'ai répondu à votre question sur les modes de garde et sur la T2A. Vous parliez de continuité avec le mandat précédent mais je vois pour ma part deux ruptures : l'expérimentation ambitieuse de nouvelles tarifications sur cinq ans et le temps de discussion que je souhaite avoir autour de la PMA. Il s'agit d'ailleurs pour moi d'un sujet relevant d'une loi de bioéthique, qui implique la tenue d'états généraux. Il ne faut pas de dogmatisme, pas d'idéologie. Cela fera donc l'objet d'une loi de bioéthique.

Pour les violences faites aux enfants, le médecin référent se met progressivement en place dans les établissements. Nous débutons une mission autour de la continuité des soins car il faut non seulement un référent mais il faut aussi des médecins capables d'assurer les soins pertinents.

M. Yves Daudigny. - Vous avez affirmé quatre priorités : la prévention, l'égalité d'accès aux soins, l'innovation et la pertinence et la qualité des soins ; en outre, vous poursuivez l'effort vers l'équilibre de la sécurité sociale. Tout le monde adhère à ces objectifs.

L'Ondam pour 2018 ouvre 4,4 milliards d'euros de dépenses nouvelles mais l'effort demandé à l'assurance maladie (3,3 milliards d'euros) est très important. L'Ondam hospitalier ne s'élève qu'à 2 % ; l'hôpital peut-il supporter de nouveaux efforts de maîtrise des dépenses sans mettre en danger ses missions, les soins et les conditions de travail de son personnel ?

Je veux aussi évoquer le cas particulier des praticiens diplômés hors de l'Union européenne. Une loi de 2012 avait apporté des dispositifs dérogatoires pour les praticiens engagés avant 2010. Ils sont aujourd'hui nombreux mais sont dans une situation précaire, sans avenir professionnel, alors qu'ils contribuent à l'offre de soins sur les territoires. Nous avons été alertés sur ce point ; envisagez-vous d'autres dispositions ?

Sur les médicaments, comment trouver le point d'équilibre entre le rapport de la Cour des comptes qui met en cause la garantie de prix européens et les professionnels du secteur ? Je pense en particulier à la fragilisation de l'autorisation temporaire d'utilisation, l'ATU. Le risque serait que les médicaments innovants ne soient plus mis aussi rapidement à la disposition des Français.

Je veux aussi vous interroger sur les génériques et les biosimilaires. L'article 38 prévoit des tarifs uniques de remboursement pour les médicaments, y compris les génériques et les biosimilaires. Si les tarifs de remboursement sont les mêmes pour les médicaments princeps, les génériques et les biosimilaires, quel est l'intérêt du générique ?

Enfin, comment envisagez-vous le déploiement du dossier médical partagé, le DMP ?

M. Dominique Watrin. - Madame la ministre, vous avez évoqué le nécessaire devoir de solidarité des retraités et une hausse de la CSG. Pour ma part, j'aurais aimé que vous parliez également de l'allégement de l'ISF. Ce sont 5 milliards d'euros de solidarité à l'envers, au profit des plus riches !

Le plan de lutte contre les déserts médicaux prévoit, comme c'est le cas depuis vingt ans, des mesures incitatives, alors qu'elles sont pourtant des échecs. Alors qu'il n'y a jamais eu autant de praticiens dans notre pays, le nombre de médecins exerçant en secteur I diminue inexorablement et leur répartition sur le territoire est de plus en plus inégale. Pourquoi vous interdisez-vous d'instaurer des mesures de régulation des médecins alors que de telles mesures ont donné des résultats positifs dans certaines professions paramédicales ?

Ma deuxième question porte sur les structures d'exercice de la médecine de groupe. Vous annoncez un nouveau plan de développement des maisons de santé, mais vous ne dites pas un mot des centres de santé. Or le maillage du territoire par ces structures permettrait de répondre à l'aspiration des jeunes diplômés, qui souhaitent exercer en tant que salariés et pourrait être un levier nouveau de lutte contre la désertification médicale.

M. Michel Amiel. - Madame la ministre, la mesure que vous annoncez en matière de vaccination demandera un effort de communication important, en particulier en direction des médecins généralistes car ils sont assez réticents sur cette question et ce pour des raisons parfois confuses. Il faut également envisager des mesures un peu coercitives s'agissant de la vaccination contre la grippe, cette maladie étant la première cause de mortalité infectieuse. Or les professionnels de santé, en particulier en milieu hospitalier, ne sont pas vaccinés et peuvent propager allègrement la maladie.

Je suis bien conscient, monsieur le ministre, qu'il faut ménager les buralistes. Je rappelle toutefois que seule une augmentation brutale du prix du tabac est efficace sur les comportements. N'aurait-il donc pas été opportun de porter tout de suite le prix du paquet à 10 euros ?

Dans sa dernière analyse, la Cour des comptes a parlé d'éléments d'insincérité, s'agissant en particulier de la sortie de l'Ondam du Fonds de financement pour l'innovation pharmaceutique. Pensez-vous l'y réintégrer, madame la ministre, même si l'innovation générera des dépenses considérables ?

Par ailleurs, ne pourrait-on pas simplifier le circuit de validation des prix du médicament en créant une seule agence ? Aujourd'hui, la Haute Autorité de santé s'occupe du volet médical pur, le Comité économique des produits de santé, du prix.

La prévention est la première priorité de la stratégie nationale de santé. À cet égard, je rappelle que certains secteurs de la médecine sont oubliés, pour ne pas dire sinistrés : la médecine du travail, les soins palliatifs et la pédopsychiatrie.

M. Bernard Jomier. - Ma première question porte sur les annonces que vous avez faites vendredi, madame la ministre, concernant le partage des tâches et de nouvelles formations pour les professionnels de santé. Ce partage des tâches, couplé au développement de la télémédecine, pourrait produire des effets réels sur l'offre de soins dans nos territoires. Or cette orientation n'apparaît que de façon très timide dans le PLFSS. Pouvez-vous nous éclairer sur votre calendrier ?

Ma deuxième question porte sur la santé environnementale. Lors d'un colloque la semaine dernière, Brune Poirson a déclaré que la santé environnementale serait un axe majeur de votre politique de santé et de la stratégie nationale de santé. Or cette orientation n'est pas traduite dans le PLFSS. Je rappelle que les trois principales causes de mortalité dans notre pays sont le tabac, l'alcool et la pollution de l'air. Des collectivités territoriales ont engagé des travaux et éliminé les produits néfastes pour la santé humaine. De tels dispositifs vous paraissent-ils envisageables ?

Ma troisième question porte sur l'hôpital. Nos établissements hospitaliers sont depuis des années confrontés à une trajectoire financière difficile, malgré les plans d'efficience qui se succèdent. L'Ondam pour l'hôpital est fixé cette année à 2 %. Pensez-vous qu'il soit raisonnable de tenir cet objectif sans ouvrir un nouveau chantier sur le périmètre des missions de l'hôpital, sur l'articulation entre le secteur hospitalier, les territoires de santé et la ville ? Dans un rapport publié le mois dernier, le Sénat trace des pistes tout à fait intéressantes sur les urgences. Notre système doit évoluer s'il veut tenir ses engagements.

Mme Michelle Meunier. - Monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, jusqu'à présent, les Ehpad associatifs à but non lucratif bénéficiaient du crédit d'impôt de taxe sur les salaires, le CITS, soit le pendant du CICE, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, dont bénéficient les Ehpad privés à but lucratif. Il semble que l'article 43 du projet de loi de finances supprime ce dispositif, ce qui inquiète de nombreux gestionnaires. Que pouvez-vous nous dire sur cette question ?

M. Jean-Marie Morisset. - Je vous remercie, madame la ministre, d'être revenue sur les arbitrages de Mme Touraine s'agissant de la convention dentaire. Mes questions porteront sur l'amélioration de la prise en charge des personnes fragiles.

Si les personnes handicapées sont satisfaites de la revalorisation dont elles bénéficieront en 2018 et 2019, elles sont inquiètes des modifications des règles de prise en compte des revenus. En 2019, le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome risquent d'être fusionnés. Pourriez-vous les rassurer sur ces points ? Les 90 euros que vous allez leur donner d'un côté ne risquent-ils pas d'être absorbés par cette évolution, de l'autre ?

Monsieur le ministre, comment allez-vous compenser la hausse de la CSG pour les personnes vivant en maison de retraite, sachant qu'elles ne paient pas de taxe d'habitation ?

Lorsque nous avons adopté la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, nous n'avions pas envisagé qu'elle aurait des répercussions importantes sur le financement des Ehpad. La mise en place du forfait dépendance sur un point GIR départemental a des conséquences désastreuses. Dans mon département, certains établissements connaissent une baisse de 20 % du tarif dépendance et ne peuvent plus embaucher de personnel. Quant aux départements, ils ne veulent pas supporter sur le tarif hébergement des décisions auxquelles ils n'ont pas été associés.

Pour terminer, j'évoquerai les maisons de santé. À quoi correspondent les 500 millions d'euros que prévoit l'État ? Est-ce la DETR, la dotation d'équipement des territoires ruraux ? Quelles aides l'État prévoit-il pour permettre aux collectivités territoriales de construire des maisons de santé dans les zones rurales ?

Mme Victoire Jasmin. - Je ferai tout d'abord une remarque sur l'accès aux soins et sur les droits des personnes en situation de handicap. Les personnes malentendantes ne peuvent accéder à une traduction simultanée lors d'une consultation médicale. De même, les personnes à mobilité réduite n'ont pas toujours la possibilité d'accéder à la prévention, notamment pour les examens gynécologiques. Il faut prévoir des équipements adaptés à ces personnes.

La T2A pose des difficultés dans les territoires d'outre-mer et plus singulièrement en Guadeloupe. Notre CHU connaît de très grandes difficultés liées à notre insularité, aux frais d'approche, aux démarches de certification, d'accréditation et de mise aux normes de nos différents services, qui entraînent des surcoûts insurmontables.

Le taux de chômage en Guadeloupe est très élevé et beaucoup de personnes bénéficient de très petites retraites. Le problème de la hausse de la CSG se pose donc également.

Enfin, madame la ministre, les personnels de l'Établissement français du sang de Guadeloupe sont inquiets. Qu'en est-il du projet de transférer les analyses de sang en France ? Il serait scandaleux que les prélèvements sanguins réalisés en Guadeloupe soient transférés alors que nous sommes en mesure de réaliser l'intégralité des examens sur place. J'ajoute que la durée de vie des plaquettes est limitée et qu'un tel transfert poserait problème pour les transfusions nécessaires pour traiter certains cancers et les cas de drépanocytose.

M. Martin Lévrier. - Ma question porte sur la suppression du CITS, destiné aux associations à but non lucratif. Quel est le mécanisme de compensation prévu ? Son montant ? Pensez-vous qu'il permettra facilement de remplacer les emplois aidés ?

Mme Brigitte Micouleau. - J'ai bien noté les mesures destinées à améliorer l'accès aux soins mais qu'en est-il du manque cruel de médecins généralistes, du numerus clausus et du problème des déserts médicaux ?

Mme Patricia Schillinger. - L'articulation entre les baisses de cotisations et la hausse de CSG et les spécificités du régime d'Alsace-Lorraine a-t-elle été bien étudiée ? Comme vous le savez, les Alsaciens et les Mosellans paient aussi l'équivalent de la cotisation patronale.

Par ailleurs, 9 000 dossiers concernant les frontaliers suisses sont en attente. Une décision politique est nécessaire.

L'instauration d'une Journée nationale sans alcool est-elle prévue ?

Enfin, le métier d'hygiéniste dentaire n'a toujours pas été mis en place en France. Avance-t-on sur ce dossier ?

M. Daniel Chasseing. - Madame la ministre, vous avez annoncé quelques avancées pour lutter contre les déserts médicaux sans toutefois évoquer la question du numerus clausus, ni la suppression de l'internat national classant au profit d'un internat par faculté.

Par ailleurs, certes les buralistes jouent un rôle très important et il faut essayer de les consolider. Il faut également veiller à maintenir les pharmacies dans les zones rurales, à avoir assez de personnels pour prendre en charge les personnes dépendantes dans les Ehpad et trouver une solution pour contrebalancer la hausse de la CSG pour les personnes âgées vivant en maison de retraite.

Mme Pascale Gruny. - La situation s'améliore pour le RSI. Mais certaines des personnes concernées ont compris qu'avec la réforme, on allait supprimer des cotisations, même si on leur explique qu'elles paient déjà moins de cotisations que sur un revenu salarié. Les difficultés commencent lorsque les artisans et commerçants ne peuvent plus payer leurs échéances, ou au début ou à la fin de leur activité. La fusion au sein du régime général ne changera rien à cela.

Madame la ministre, je siège au conseil de surveillance du centre hospitalier de Saint-Quentin. Venant du monde de l'entreprise, j'ai été choquée d'apprendre que le tarif pour une transfusion de fer était passé de 450 euros à 13 euros. Avec de telles réductions, jamais les hôpitaux ne pourront être à l'équilibre !

M. Jean Sol. - En matière de lutte contre le tabagisme, madame la ministre, que comptez-vous faire concrètement contre les marchés parallèles, en particulier dans les départements frontaliers ?

Par ailleurs, quelles mesures envisagez-vous pour lutter contre les fraudes sociales relativement nombreuses aujourd'hui, en particulier dans certains départements ?

Que faire pour enrayer l'absentéisme du personnel hospitalier, qui hypothèque bon nombre de marges de manoeuvre ?

Pour la prise en charge des personnes âgées dépendantes, allez-vous tenir compte de la démographie et de la cartographie départementales ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - Pour commencer, je rappelle que l'ISF, c'est non pas 5 milliards d'euros, mais 3 milliards d'euros. Cette question n'a rien à voir avec le PLFSS, même si moins de chômeurs signifie plus de cotisations, mais je n'entrerai pas dans ce débat.

Vous m'avez interrogé sur le CITS. La mesure que nous proposons représentera pour les établissements concernés un gain de 1,4 milliard d'euros. Permettra-t-elle de remplacer les emplois aidés ? Je rappelle que ces contrats n'ont pas été conçus pour remplacer les personnels relevant de la fonction publique ou du statut de contractuel. Les préfets ont beaucoup encouragé les élus à y avoir recours, les gestionnaires ont ainsi essayé de rendre un service moins cher. Je n'ignore pas que la situation est complexe. Dans le secteur médico-social, 200 000 contrats aidés sont budgétisés contre un pic à 400 000 à la veille de l'élection présidentielle. Cet allègement de charges pérenne permettra à l'ensemble des établissements concernés de faire la bascule et de créer des emplois qui ne seront pas précaires.

La suppression du RSI n'entraîne pas une suppression de cotisations, nous le redirons. J'ai du mal à comprendre ceux qui veulent garder le RSI alors que les artisans et les commerçants avaient perdu toute confiance en ce régime au point de nous faire part de leur déprime, voire de leurs pensées suicidaires durant la campagne présidentielle. Tous les candidats à cette élection proposaient d'ailleurs sa suppression.

La diminution de la taxe d'habitation pour les personnes résidant en maison de retraite est une question importante et complexe. Le Parlement doit être parfaitement éclairé afin de bien comprendre ce que souhaite faire le Gouvernement.

Pour les personnes vivant en maison de retraite, il faut distinguer trois cas de figure. Premier cas : une personne seule vivant dans une maison de retraite, ayant la jouissance totale de son lieu et ayant gardé, pour différentes raisons, sa résidence principale, paiera sa taxe d'habitation si ses revenus sont supérieurs à 2 500 euros. S'ils sont inférieurs, elle bénéficiera d'un dégrèvement de la taxe d'habitation. Deuxième cas : cette personne vit dans une maison de retraite médicalisée, elle n'a pas la jouissance totale de son lieu, elle ne paie pas de taxe d'habitation. Dans ce cas, le projet de loi de finances prévoira que l'établissement pourra demander le dégrèvement de la taxe d'habitation et qu'il devra ensuite répercuter cette baisse dans son prix. Troisième cas : la personne ne paie pas de taxe d'habitation, l'établissement non plus, ils en ont été exonérés. Nous proposerons dans ce cas une réduction d'impôt dans le projet de loi de finances pour compenser la hausse de la CSG.

Aujourd'hui, 60 % des retraités sont concernés par l'augmentation de la CSG, 80 % des Français, donc une grande partie de ces retraités, par la suppression de la taxe d'habitation. Dans les maisons de retraite et les EHPAD, les gens sont en moyenne plus pauvres : 60 % des retraités dans les EHPAD ont des revenus inférieurs à 1 400 euros. Il n'y a donc pas de gens, nous l'avons vérifié, qui ne bénéficieront pas de la suppression de la taxe d'habitation, même s'ils n'en paient pas. Si leurs revenus sont supérieurs à 1 400 euros, alors ils paient l'impôt sur le revenu et bénéficieront d'une réduction d'impôt. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors du débat parlementaire.

Je laisserai Mme la ministre répondre sur la fonction publique hospitalière et sur les difficultés des personnels soignants. Je rappelle simplement que nous avons rétabli le jour de carence dans la fonction publique et qu'il vaut pour toutes les fonctions publiques.

Mme Agnès Buzyn, ministre. - Monsieur Daudigny, l'augmentation du forfait journalier de 2 euros constituera une recette supplémentaire pour l'hôpital et permet de fixer l'Ondam hospitalier à 2,2 %.

De nombreuses transformations sont nécessaires. Nous devons développer l'ambulatoire et fermer des lits. Malheureusement, la tarification à l'activité ne favorise pas la fermeture de lits. On peut réaliser au moins un milliard d'euros d'économies sur les achats. Grâce aux réformes qui ont déjà été engagées, notamment en ce qui concerne les groupements hospitaliers de territoire, les GHT, l'ambulatoire, et à celles que nous ferons, nous aurons les moyens de respecter l'Ondam à 2,2 %.

Beaucoup d'établissements fonctionnent aujourd'hui avec des praticiens diplômés hors Union européenne car ils en ont besoin. En tant que ministre, je dois m'assurer qu'ils fournissent des soins d'une qualité optimale à nos concitoyens. Je vais veiller à accompagner ces professionnels en termes de formation, d'ouvertures de places aux concours, notamment dans les spécialités très déficitaires. Il s'agit d'accompagner au mieux ces praticiens et de ne pas abandonner en rase campagne ceux qui auraient été recalés trois fois à l'examen. Il faut leur permettre d'exercer dans des conditions dignes, tout en demeurant exigeant sur la qualité des soins. Toutes les mesures seront prises dans l'année qui vient.

La garantie de prix européen est un sujet complexe. Cette garantie ne s'applique qu'aux médicaments ayant un service médical rendu (SMR) I, II ou III, soit un nombre restreint de médicaments. C'est néanmoins une contrainte pour la négociation des prix. La Haute Autorité de santé fait, en parallèle de l'évaluation du SMR, une évaluation médico-économique, laquelle permet de calculer l'efficience de ces produits et d'avoir un outil supplémentaire pour la négociation. Par ailleurs, des médicaments anciens constituent des rentes de situation, nous le savons. Nous avons des marges de progrès dans les négociations. Je suis bien placée pour le savoir, ce qui me permet d'être particulièrement efficace sur ce sujet.

En matière de médicaments génériques et biosimilaires, nous avons d'énormes progrès à faire par rapport à nos voisins. Nous rembourserons aux établissements le tarif du générique afin de les obliger à consommer plus de génériques que de produits princeps.

Le dossier médical partagé peine effectivement à se déployer, car l'équipement informatique des établissements et des professionnels de santé n'est pas interopérable. Le grand plan d'investissement qui a été présenté par le Premier ministre il y a quinze jours prévoit 400 millions d'euros pour l'informatisation afin de permettre le déploiement du DMP.

Monsieur Watrin, nous savons que l'obligation d'installation ne fonctionne pas pour lutter contre les déserts médicaux. Je crains que ce ne soit vrai pour le secteur 1 et pour le secteur 2. La démographie médicale n'est pas à la hauteur de ce qu'elle était il y a quelques années. Elle continuera de dégringoler jusqu'en 2025, année où nous récupérerons le taux de praticiens actuel. Les jeunes professionnels souhaitent mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Beaucoup de femmes veulent s'engager dans un secteur salarié. Si nous imposons des contraintes trop importantes en termes d'installation, les jeunes médecins se tourneront vers un exercice salarié, soit vers la médecine du travail, soit vers la médecine scolaire, voire vers l'industrie pharmaceutique. Ils pourraient même arrêter l'exercice de la médecine, comme le font aujourd'hui près de 40 % des professionnels qui s'installent. Instaurer plus d'obligations, c'est prendre le risque d'accroître le déficit. Mon plan est donc très incitatif, très « facilitant ». Il vise à lever tous les freins et à donner du temps médical aux territoires. Pour être moi-même une professionnelle de santé, je peux vous dire que peu de choses m'auraient contrainte à m'installer dans un territoire où je n'aurais pas eu d'attaches.

Vous avez raison concernant les centres de santé. Dans le grand plan d'investissement que j'ai présenté, les maisons de santé et les centres de santé sont placés au même niveau. Nous ne faisons aucune différence entre eux. Nous parlons de maisons de santé par facilité. Tous deux bénéficient exactement des mêmes mesures : 400 millions d'euros permettront à ces maisons ou centres de santé de s'installer sur le territoire.

Monsieur Amiel, le vaccin contre la grippe a été à un moment obligatoire. Cette obligation a été levée par décret, car le bénéfice de ce vaccin pour les professionnels était trop faible à l'échelon individuel, contrairement au vaccin contre l'hépatite B, qui est obligatoire dans les établissements de santé. On ne meurt pas de la grippe entre 20 et 60 ans. Dès lors, on ne peut pas imposer les mêmes obligations que pour les enfants. Dans ce dernier cas, le bénéfice est certes collectif, mais également nettement individuel. Il s'agit là selon moi d'un sujet déontologique, dont je parle d'ailleurs régulièrement avec le Conseil national de l'Ordre des médecins.

Pourquoi ne pas porter le prix du paquet de tabac à 10 euros d'un coup ? Une augmentation d'un euro par an me semble déjà substantielle. Elle permettra aux fumeurs d'entamer une démarche d'arrêt en étant accompagnés. Une augmentation en trois ans permettra de concilier un objectif de santé public avec l'objectif pragmatique d'accompagner des personnes souffrant d'une maladie addictive, la seule volonté ne suffisant pas. Nous suivrons l'impact de cette augmentation sur le tabagisme et nous en ferons part aux acteurs de santé.

Vous m'avez ensuite interrogée sur l'existence d'une seule agence pour négocier le prix des médicaments, associant la commission de la transparence de la HAS et le CEPS. Seule l'Italie dispose d'une agence unique effectuant à la fois l'évaluation des médicaments et du service médical rendu et la négociation des prix. Pour notre part, il nous a semblé très difficile de réunir au sein d'une même agence des gens négociant avec des industriels et d'autres ayant vocation à procéder à des évaluations purement scientifiques, en se détachant de la notion de prix. Si l'on en tête le coût d'un traitement lors de l'évaluation du service médical rendu, on risque de pénaliser nos concitoyens dans l'accès aux médicaments innovants.

Sur la prévention, nous avons effectivement un problème de médecine scolaire. Je n'ai pas de recette magique, car la démographie médicale est en déclin. Jean-Michel Blanquer et moi souhaitons que la visite de prévention à 6 ans, qui est obligatoire, mais qui n'a lieu que dans 20 % des cas, devienne effective dès la rentrée 2018. Nous allons travailler avec les maisons et les centres de santé, avec les généralistes afin de leur permettre d'intervenir au sein de l'école. Nous avons fixé des objectifs chiffrés. Il y a là un enjeu en termes de réduction des inégalités sociales, pour la détection des troubles « dys », des problèmes de vue et d'audition, d'obésité, etc.

Nous manquons de pédopsychiatres. Je fais de ce dossier une priorité personnelle. J'ai obligé les doyens à ouvrir des postes de pédopsychiatres dans les facultés dès la campagne de 2018 pour mieux former des jeunes. La question qui va se poser secondairement est celle de l'ouverture de lits dédiés. Je souhaite y travailler dans le cadre de la stratégie nationale de santé dont nous discutons aujourd'hui avec les professionnels.

Monsieur Jomier, la délégation de tâches est effectivement un énorme sujet. Le plan de lutte contre les déserts médicaux permettra de faire de la délégation de tâches encadrée et financée dans le cadre de protocoles afin de favoriser l'accès aux soins sur les territoires. Cette délégation de tâches sera déployée non pas sur l'ensemble du territoire, mais uniquement dans les endroits où, de fait, elle se fait déjà. Il s'agit de mieux l'évaluer et de mieux l'encadrer.

Par ailleurs, les dispositions sur les pratiques avancées peinent à se mettre en route. Je souhaite donc que, dès 2018, les facultés puissent former les infirmières en pratiques avancées afin qu'elles sortent de l'école en 2020. Nous avançons sur les deux jambes avec une mesure généraliste et une mesure dédiée aux territoires les plus en difficulté.

Nicolas Hulot et moi faisons effectivement de la santé environnementale une priorité. Elle ne figure pas dans le PLFSS parce que nous n'avons pas prévu de mesures budgétaires dédiées. Nous mettons en place une feuille de route commune. Dans la stratégie nationale de santé, un chapitre sera dédié à la santé environnementale. J'indique d'ailleurs que la pollution de l'air n'est pas la troisième cause de mortalité. Elle provoque une mortalité anticipée chez les personnes âgées et les malades. Il ne faut donc pas la placer au même niveau que la mortalité liée au tabac et à l'alcool.

Vous avez évoqué un débat sur la place de l'hôpital public. Lorsque je présidais la Haute Autorité de santé, j'avais ouvert la Paris Healthcare Week sur cette question : quelle sera la place de l'hôpital public en 2025 ? Quelle sera sa valeur ajoutée ? Quelle sera sa place dans le territoire ? Quelles seront ses missions ? Je n'ai pas eu le temps de mener cette réflexion dans le cadre du PLFSS. Ce sera un sujet pour l'année 2018. Il faut redonner du sens à l'hôpital public.

Nous allons également travailler sur la question des urgences. Le Sénat a produit un excellent rapport sur cette question. Nous devons également mener une réflexion collective sur l'objet des soins non programmés.

Monsieur Morisset, nous sommes attentifs à la situation des départements. Il n'y aura aucun perdant dans la réforme de la tarification des Ehpad, d'où le comité de suivi et l'augmentation du budget sur les soins. Des mesures spécifiques accompagneront les départements en difficulté au cas par cas sur certains établissements, avec une enveloppe dédiée en 2018.

Madame Jasmin, un chapitre du Plan handicap, en cours de discussion avec Sophie Cluzel, est dédié à l'accès aux soins. Je suis extrêmement attentive à l'accès aux soins et notamment au dépistage. J'avais déjà inclus le dépistage du cancer du col dans le Plan cancer. Nous devons muscler la capacité des établissements à s'équiper, certes pas partout, mais avec des filières dédiées pour que les personnes à mobilité réduite accèdent à certains équipements et plateaux techniques.

Nous avons d'énormes difficultés à accompagner la mise aux normes des établissements de santé, et notamment dans les départements d'outre-mer (DOM). Nous allons travailler avec Annick Girardin, lors des assises de l'outre-mer, sur la santé dans les DOM. La Stratégie nationale de santé comprend aussi un chapitre dédié à la santé dans les DOM, reprenant les quatre axes de la stratégie, dont celui de l'accès aux soins. Je souhaite qu'il y ait un chapitre par département d'outre-mer, car les problèmes diffèrent selon les départements - j'ai visité récemment le Centre hospitalier et universitaire de Guadeloupe.

Je ne rentrerai pas dans le débat sur l'Établissement français du sang, très technique et qui ne relève pas du PLFSS, même si j'entends vos questions.

Madame Micouleau, effectivement le manque de médecins généralistes s'aggravera jusqu'en 2025 avant de s'améliorer. Je veux impérativement dégager du temps médical et supprimer la paperasserie pour les médecins, afin qu'ils fassent de la médecine et rien d'autre. Aidons-les sur la délégation de tâches et la coopération interprofessionnelle. Certains professionnels comme des infirmières peuvent intervenir sur la gestion d'un INR (International Normalised Ratio) et l'adaptation d'un traitement anticoagulant, grâce à des protocoles qui feront gagner du temps médical.

Madame Schillinger, l'alcool fera partie du chapitre sur les addictions de la Stratégie nationale de santé, nous vous répondrons après les consultations. Sur la situation des frontaliers, nous attendons les décisions de justice, et notamment celle de la Cour de cassation, avant de tirer des conclusions pour accompagner ces professionnels.

Monsieur Chasseing, je n'ai pas parlé du numerus clausus car il ne répond pas à la question de la désertification médicale : il faut douze ans pour former un professionnel. Or dès 2025, nous aurons une augmentation importante de la démographie médicale du fait de l'ouverture du numerus clausus ces dix dernières années. Voyez les projections de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) : je ne veux pas reproduire les erreurs de mes prédécesseurs qui ont mal anticipé les besoins en médecins en fermant le numerus clausus et en l'ouvrant trop tardivement, faute d'avoir anticipé les modifications de la pratique médicale et les aspirations des jeunes professionnels à avoir des horaires différents. Je préfère mener une réflexion collective sur le métier de médecin en 2025, leur accompagnement, la place de la médecine algorithmique, la délégation de tâches, et mettre en regard les besoins en médecins et la progression des professions paramédicales, beaucoup moins régulées. Ayons un regard général sur la démographie des professionnels de santé en 2025 et de « qui fait quoi », plutôt que d'ouvrir le numerus clausus, même s'il s'agissait d'une promesse du président de la République sur laquelle nous travaillerons. S'il est ouvert aujourd'hui, ces professionnels arriveront en 2029. Quel sera l'exercice de la médecine alors ? Privilégions cet angle plutôt que celui des déserts médicaux.

Nous avons répondu sur les buralistes. Je tiens au maillage territorial des pharmacies, je ne souhaite pas les regrouper à tout prix. Nous allons renforcer le tarif soins pour avoir plus d'infirmières en Ehpad, et nous augmenterons le nombre d'infirmières. L'Ehpad d'aujourd'hui ne ressemble pas à son objectif initial. Les résidents actuels ne sont pas les mêmes qu'il y a dix ans. L'Ehpad est-il l'unique modèle d'accompagnement du vieillissement ? Certainement pas. Nous lancerons une mission sur ce que doivent être les différentes étapes avant l'entrée en Ehpad, alors qu'actuellement ils accompagnent des personnes extrêmement grabataires.

Madame Gruny, en tant qu'hématologue, je connais particulièrement bien le sujet du tarif de la perfusion de fer. Il a été diminué car il n'y a quasiment aucune indication de la perfusion de fer. Cette perfusion était réalisée à mauvais escient et elle représentait quelques dizaines de malades par an. Arrêtons des perfusions en fer totalement inutiles chez des personnes carencées, qui peuvent être remplacées par un traitement oral. Cette mesure est totalement volontaire : arrêter un acte non pertinent trop bien tarifé.

Monsieur Sol, M. Darmanin a répondu sur les marchés transfrontaliers. Nous travaillons avec les départements sur une cartographie départementale des places en Ehpad, afin que les places soient disponibles au bon endroit.

M. Alain Milon, président. - Merci, Madame et Monsieur les ministres, pour vos réponses complètes - ce qui est assez nouveau. J'approuve à 1 000 % le programme santé, un peu moins le programme financier...

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11h45.

Mercredi 18 octobre 2017

- Présidence de M. Alain Milon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 - Audition de M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, de la caisse nationale d'allocations familiales

M. Alain Milon, président. - Nous accueillons ce matin M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), accompagné de MM. Daniel Lenoir, directeur général, Frédéric Marinacce, directeur des prestations légales et sociales, Bernard Tapie, directeur des statistiques, des études et de la recherche et de Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires. Cette audition s'inscrit dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 sur lequel le conseil d'administration de la Cnaf a émis le 4 octobre dernier un avis majoritairement défavorable.

Le PLFSS comprend deux mesures sur la branche famille, l'une augmentant le complément de mode de garde pour les familles monoparentales, l'autre révisant le barème de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). Après neuf années de déficit, la branche revient à l'équilibre en 2017, avec des perspectives d'excédents croissants à compter de 2018. Ce résultat est en partie lié à des mesures d'économies sur certaines prestations.

Au-delà des mesures du PLFSS et de la trajectoire financière, nous souhaitons faire le point sur les perspectives d'évolution de la branche. Il y a quelques semaines, la ministre des solidarités et de la santé a présenté devant le conseil d'administration de la Cnaf les orientations gouvernementales en matière de politique familiale, alors qu'une nouvelle convention d'objectifs doit être établie avec l'État. Elle aurait insisté sur la lutte contre la pauvreté et les solutions d'accueil pour les jeunes enfants. Vous nous direz, monsieur le président, votre perception de ces orientations.

Le rapport annuel que nous a présenté le Premier président de la Cour des comptes comporte un volet consacré à la branche famille. Il souligne l'orientation redistributrice suivie ces dernières années et appelle à clarifier les objectifs de la politique familiale, à un moment où notre démographie donne des signes de fléchissement.

M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales. - Merci de nous recevoir. Notre conseil d'administration a émis un vote majoritairement défavorable sur le PLFSS, au regard de l'examen des articles concernant la branche famille de la sécurité sociale. Les organisations patronales ont voté en faveur de ce projet, estimant qu'il fallait laisser la porte ouverte aux propositions du Gouvernement lors de la présentation du premier PLFSS de la mandature.

Après dix ans de déficit, la branche famille retrouve l'équilibre. À mon arrivée à la tête de la Cnaf en 2007, elle était excédentaire. Pour une bonne part, les déficits ultérieurs résultent de transferts de charges à la branche famille, comme les majorations pour enfants des pensions de retraite.

Nous avons les mêmes interrogations que vous sur l'effet redistributif de la politique familiale. Les familles aisées ont été mises à contribution à plusieurs reprises par des mesures fiscales de plafonnement du quotient familial, la fin de l'universalité des allocations familiales par l'introduction d'une modulation, et la modification des plafonds d'ouverture des droits à différentes prestations comme la PAJE. À l'inverse, 400 000 familles modestes bénéficient de la majoration du complément familial, 745 000 foyers séparés de l'allocation de soutien familial, sans compter l'accès au revenu de solidarité active (RSA), et désormais à la prime d'activité. Il y a donc un effet redistributif. Nous avons étudié l'impact sur les familles des réformes intervenues en 2014 et 2015 en matière de politiques sociales et familiales. 3,2 millions de familles auraient perdu en moyenne 67 euros par mois, alors que 2,1 millions de familles auraient vu leurs revenus augmenter de 67 euros. Il y a donc eu plus de perdants que de gagnants et cela a engendré environ 860 millions d'euros d'économies.

Mme Buzyn nous a présenté, lors de notre conseil d'administration en septembre, les axes du PLFSS et sa politique familiale notamment en faveur des familles défavorisées, pour lutter contre la pauvreté des enfants - hier se tenait la journée mondiale du refus de la misère. Près de 70 000 familles monoparentales qui confient leur enfant dans une structure d'accueil voient leur complément de libre choix de mode de garde (CMG) augmenter significativement. En cas d'accueil individuel, la totalité des cotisations salariales est prise en charge, le reste à charge étant diminué du fait de l'augmentation de la prestation avec un montant plafond majoré de 30 %. En année pleine, cela coûtera 40 millions d'euros. La mise en oeuvre en octobre 2018 coûtera 10 millions d'euros à la branche famille.

Le plafond de l'allocation de base de la PAJE sera aligné plus rapidement que prévu sur la base du complément familial, soit une économie de 70 millions d'euros en 2018. En 2015, notre conseil s'était ému que le versement de la prime à la naissance de 923 euros, au départ prévu avant la naissance pour aider à l'accueil du nourrisson, ait été décalé au deuxième mois de l'enfant. Ce décalage était difficilement supportable pour les familles, et les fonds locaux d'action sociale des caisses d'allocations familiales ont attribué des prêts pour corriger le dispositif.

Quel est l'avenir de la politique familiale ? Nous espérons que les négociations pour la nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG) s'ouvriront le plus rapidement possible en 2018. Triste expérience, la précédente COG n'avait été signée qu'en juillet, retardant en septembre la déclinaison opérationnelle et l'obtention des fonds nécessaires par les organismes locaux. Cela a décalé les investissements prévus avec les collectivités. Ainsi, le Fonds national d'action sociale (Fnas) n'a pas été totalement consommé la première année, entraînant son rebasage. Nos concitoyens attendent une politique familiale composée autant de prestations que de services, comme l'accueil du jeune enfant ou l'aide à la parentalité.

M. Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale d'allocations familiales. - C'est la dernière fois que je m'adresse à vous en tant que directeur général de la Cnaf, je partirai avant notre président... J'interviendrai en tant que gestionnaire des finances publiques, qui gère un budget de plus de 90 milliards d'euros, dont la moitié correspond à la branche famille au sens de la sécurité sociale et relève donc du PLFSS. Nous sommes aussi concernés par le projet de loi de finances (PLF) : la totalité des allocations logement sont désormais intégrées dans le budget de l'État, alors qu'auparavant l'allocation de logement familiale figurait dans le PLFSS.

La Cour des comptes a repris, dans son rapport, une étude conduite par les services de la Cnaf dirigés par M. Tapie, qui montrait le caractère redistributif en fonction de l'ensemble du système socio-fiscal -incluant donc la prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés (AAH) non prises en charge par la branche famille, et l'effet fiscal du quotient familial...

Dans les années 1980, l'Insee décrivait la « courbe en U de la politique familiale » aux effets très redistributifs pour les premiers déciles et antiredistributifs pour les derniers. Depuis la réforme de 2012, la deuxième partie de la courbe s'est aplatie, il n'y a plus d'effet antiredistributif. Selon une enquête du Credoc que nous avons commandée, 80 % des Français approuvent la modulation des allocations familiales, de même que 78 % des personnes qui subissent cette modulation. Voyez l'acceptabilité sociale de cette mesure, principale source d'économies de la branche - près de 800 millions d'euros. Nous avons tous apprécié le rapport de la Cour des comptes et les comparaisons avec les autres pays européens.

M. Deroussen a détaillé la modification du plafond du CMG, prévue par le PLFSS. Je ne commenterai pas le choix politique de réaliser des économies qui aboutit à modifier des paramètres et à les harmoniser avec d'autres. Quant au décalage de deux mois du versement de la prime à la naissance, il ne s'agissait pas une mesure d'économies, mais d'une mesure de trésorerie qui a permis des économies la première année.

L'année dernière, vous m'aviez interrogé sur les difficultés de financement du RSA par des départements connaissant des retards de paiement. Le problème n'est toujours pas réglé, même si des mesures ont été prises pour que les départements s'acquittent de leurs dettes. Il est anormal que la branche famille fasse cette avance de trésorerie, soutenable encore avec de faibles taux d'intérêt, mais qui ne l'est plus s'ils se redressent ou si un doute s'instaure sur la capacité du département à payer : il s'agirait d'une provision sur les comptes de la branche famille. Nous avons fait diligence avec l'agent comptable, avec « tact et mesure », mais aussi avec fermeté. Ainsi, le département du Nord connaît un plan d'apurement de la dette. Le problème est en cours de règlement dans presque tous les départements, dans des conditions satisfaisantes. Parallèlement nous mettons en place des téléprocédures pour l'accès au RSA, et nous avons refait toutes les conventions avec les départements pour insérer la clause de neutralité financière prévue par la loi. L'avance de la branche famille doit être couverte par les départements ; les retards de paiement atteignaient parfois plusieurs années ! Or nous sommes tenus d'appliquer la loi.

Nous nous félicitons du retour à l'équilibre de la branche famille. D'un point de vue maastrichien, c'est-à-dire de l'ensemble des finances publiques, la branche famille couvre le déficit d'autres branches. C'était le choix du Gouvernement : continuer à faire des économies conformément au plan présenté par M. Darmanin cet été.

La prochaine COG sera signée pour 2018-2022, or j'aurai 65 ans au milieu de cette convention. On ne peut diriger un établissement public au-delà de 65 ans et le Gouvernement a préféré que la même personne élabore le COG et la mette en oeuvre sur l'ensemble de sa durée. Un autre choix eut été possible, celui-ci retardera un peu les négociations de la COG. Depuis deux ans, nous travaillons avec le conseil d'administration sur les priorités de la future COG, à savoir quels seront les moyens de la branche, l'accueil de la petite enfance, l'avenir de la branche famille. Nous avons travaillé sur certaines orientations politiques validées par le conseil d'administration et voulons les transformer en projet stratégique. Les premières COG duraient trois ans, j'aurais souhaité une future COG de cinq ans, pour l'aligner sur le quinquennat, avec une dernière année de bilan et de préparation de la nouvelle COG, plus stratégique que la précédente - et ce n'est pas une critique de l'ancienne.

Pour la future COG, nous prévoyons trois projets stratégiques. Nous voulons généraliser un nouveau modèle de production et de relations de service de la branche famille, pour l'ensemble des prestations. J'ai ainsi mis en partie en place une sorte de Sesam-Vitale pour la branche famille, avec une transmission directe des données de la part des allocataires. Nous avons commencé avec la prime d'activité et la téléprocédure RSA ouverte depuis avant-hier dans une vingtaine de départements, et nous l'envisageons pour les allocations logement dans le cadre de leur réforme. Nous voulons une approche 100 % dématérialisée mais aussi 100 % personnalisée pour régler trois problèmes. Il faut simplifier les prestations - nous avons jusqu'alors échoué - notamment grâce au numérique. Nous avons un taux de recours à la prime d'activité deux fois supérieur à celui du RSA activité. Le numérique n'est pas un obstacle à l'accès aux droits, si l'on s'en donne les moyens. Il peut même être un facteur d'accès aux droits et nous travaillons à l'inclusion numérique avec Emmaüs-Connect pour développer un réseau de points d'accueil numériques. Deuxième enjeu, il faut assurer la sécurité des paiements - la Cour des comptes certifie nos comptes. C'est l'un de nos talons d'Achille : le risque financier résiduel, au bout de deux ans, est d'un milliard d'euros de dépenses non récupérées. Seules 30 à 40 % constituent de la fraude contre laquelle nous luttons. Le reste consiste en des indus liés à diverses erreurs.

Le nouveau modèle de production et de relations de services s'appuiera sur un système d'acquisition directe de données auprès du payeur - l'employeur, l'assurance maladie, Pôle emploi... Cela assurera le prérenseignement de la feuille de télédéclaration simplifiant la démarche mais aussi donnant des données quasi certaines sur le montant des prestations. C'est un enjeu de productivité - je n'ai pas honte de le dire ; le service public de qualité doit être rendu au meilleur coût. Cela avait été expérimenté sur la prime d'activité, pour développer la liquidation automatique. Les données transitent du producteur à la machine sans passer par le technicien - même si tout ne peut pas être informatisé. C'est aussi un modèle de relations et de services, et nous avons réalisé d'énormes progrès dans cette convention d'objectifs et de gestion. Nous nous étions engagés à recevoir 100 000 personnes par an, en réalité 270 000 personnes sont reçues en face-à-face pour l'étude de leurs droits. C'est une révolution silencieuse - on parle plus souvent de ce qui ne marche pas... Nous avons modernisé le site internet caf.fr, dont les flux ont été multipliés par deux. Nous sommes désormais le principal service public et allons dépasser Pôle emploi. Plus de 90 % des bassins de vie sont couverts par au moins un accueil numérique, par exemple dans les maisons de service public.

Nous dressons un bilan en demi-teinte de l'accueil de la petite enfance. Il faudra repenser totalement le système de régulation et de création des places de crèche et d'assistant maternel. Il faudrait aussi prendre en compte l'accueil parental, première forme d'accueil. Une lettre ouverte m'a accusé de rendre 523 millions d'euros à l'État mais cet argent n'a pas été dépensé, il accélère le retour à l'équilibre de la branche. Sur cette somme, 220 millions d'euros sont dus à une sous-exécution, la moitié pour la petite enfance, l'autre pour l'accompagnement des nouveaux rythmes éducatifs. Nous avions eu des échanges vigoureux lors de la préparation du rapport sénatorial de Mme Cartron. Ces sommes ont été surbudgétées à cause d'une demande surestimée. Depuis, de nombreuses communes sont revenues à la semaine de quatre jours. Aujourd'hui, 60 % des enfants à l'école publique ont accès à une activité périscolaire, soit bien plus qu'au début de la dernière COG. Au moment où 110 millions d'euros de moins sont prévus pour le FNAS, 25 000 places de crèche - pas forcément au bon endroit - ont été créées à l'insu de notre plein gré, financées par le Fonds national des prestations familiales (FNPF) sur le CMG. Les schémas départementaux de service aux familles sont très utiles, il ne faudrait pas les rendre prescriptibles - comme le proposait Mme Bertinotti - mais opposables. N'imposons pas de nouvelles places de micro crèche qui déstabiliseraient l'offre existante, mais lançons plutôt des appels à projet dans les zones en manque. J'aimerais que le législateur soit saisi de ce vrai sujet dont nous avons débattu avec les think tanks Terra Nova, l'Institut Montaigne ou France Stratégie. La branche devrait se doter d'un outil de financement de l'évaluation du rendement de la dépense sociale, afin de maîtriser les dépenses. Le conseil d'administration est très proche de ma position.

La budgétisation existe déjà de facto puisque nous versons 31 milliards d'euros de prestations légales pour la branche famille, 42 milliards pour l'État et les départements, 6 milliards pour le FNAS, une dizaine de milliards pour les droits à retraite auprès de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. La partie versée pour le compte de tiers est perçue par le public comme des prestations familiales et sociales. Avoir un seul compte pour toutes les prestations versées serait plus transparent. Cela ne veut pas dire qu'il faut tout budgétiser, des ressources propres étant nécessaires, mais il faudrait une dotation budgétaire pour une image plus claire des dépenses de la branche.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteur pour la branche famille. - Merci de vos points de vue différenciés. Au travers des caisses d'allocations familiales, vous êtes un partenaire essentiel des élus locaux, qu'ils soient départementaux ou intercommunaux, avec lesquels vous travaillez sur des projets de territoire. Je me réjouissais, devant les ministres, du retour à l'équilibre de la branche famille après 10 ans d'exercices déficitaires. Cela résulte notamment d'économies successives sur la politique familiale qui représentent 1,5 milliard d'euros en 2018, avec des conséquences sur une natalité en baisse. N'y a-t-il pas un changement de paradigme ? On passe d'une politique familiale objet d'un large consensus à une politique essentiellement sociale - certes importante - mais non plus purement familiale.

Nous nous réjouissons que le PLFSS relève le plafond de l'aide aux familles monoparentales dont le nombre augmente sur nos territoires avec des difficultés pour les femmes de trouver un travail et de faire garder leurs enfants.

Une partie de ces familles sont concernées par la réduction du plafond de l'allocation de base de la PAJE et la prime à la naissance. Leur effet combiné aboutit à des économies de plus de 100 millions d'euros. On réalise davantage d'économies d'un côté qu'on n'en distribue de l'autre. Disposez-vous d'une estimation du nombre de gagnants et de perdants, et de l'ampleur des pertes ? Comment conciliez-vous les règles et un regard humain dans la masse des prestations ?

Votre objectif était d'augmenter le nombre de solutions d'accueil des jeunes enfants. Le chiffre de 275 000 places n'a pas été atteint, seulement un cinquième ont été créées. Il faut repenser cette politique et le système de régulation. L'accueil parental pourrait être une solution, mais voyez le nombre de femmes qui travaillent en France, ce sera compliqué ! Il faut plutôt concilier vie familiale et vie professionnelle.

Nous ne disposons pas d'évaluation des schémas départementaux des services aux familles, probablement un bon outil. En quoi ont-ils réalisé un travail partenarial sur les territoires pour améliorer l'accueil des jeunes enfants ?

On constate des disparités importantes entre les territoires et selon les revenus. Quelles offres de garde faut-il prévoir et à quel coût ?

La Cour des comptes propose dans son rapport de réfléchir à une budgétisation totale des aides familiales, ce qui supprimerait la branche famille. Qu'en pensez-vous ?

M. Jean-Louis Deroussen. - Les administrateurs de la Cnaf et les conseils locaux ont souligné l'évolution d'une politique familiale vers une politique sociale. Cette politique familiale va au-delà des prestations financières, puisque les familles ont besoin de services comme les places en crèche, l'aide à la parentalité... Certes, un accent plus important est mis sur les situations les plus difficiles - les familles sont monoparentales à la suite d'un décès ou d'une séparation... Regardons les familles dans leur évolution. Nous n'avons pas de données sur les gagnants et les perdants.

Sur les moyens humains et financiers, nous serons plus efficaces demain sur la qualité du service rendu et la dématérialisation, pour éviter les queues au guichet. Mais le face-à-face avec le travailleur social doit être privilégié. Si la COG pointe les réductions de poste, nous devons maintenir des moyens humains suffisants.

Une analyse précise des schémas départementaux de service aux familles montre qu'ils ont rencontrés un grand succès, bien que construits sans cadre commun. Nous devons les reprendre et les affiner. Certains dispositifs d'accueil sont situés dans des localités qui n'en ont pas besoin. Améliorons l'offre tout en travaillant avec les élus, d'autant que les communautés de communes prendront peut-être une autre dimension. Travaillons à la situation la plus pertinente.

Il serait dommage de se priver de la branche famille et de tout ce qui a été construit au nom du bénévolat. Si nous fêtons les 50 ans de la Cnaf, les caisses sont plus anciennes et ont tenté de répondre toujours mieux aux familles.

M. Daniel Lenoir. - Nous n'avons pas le nombre de gagnants ni de perdants à la réforme, faute de base pour l'évaluer - malgré notre importante capacité de prévision. Nous avons été saisis trop tard.

Vous évoquez le fait qu'un cinquième seulement des 275 000 solutions d'accueil prévues dans la COG ont été créées. Il y a là un glissement sémantique. En réalité, étaient prévues par nos calculs 66 000 places en crèche, devenues 100 000 solutions d'accueil, brandies comme une pierre philosophale. J'ai contesté ce calcul. Retenez l'objectif de 66 000 créations nettes. Étaient prévues également 100 000 places chez des assistants maternels et 75 000 places dans des classes passerelle ou préscolaires. Nous n'avons aucune capacité d'agir sur ces dernières et donc aucune responsabilité sur le fait que les objectifs n'aient pas été atteints.

Une note de l'Observatoire national de la petite enfance montre que le recours aux assistants maternels - et non leur nombre - a plutôt diminué. Lorsqu'on créée des places de crèche, cela déplace l'accueil des assistants maternels vers les crèches. Nous voulons améliorer l'accueil par les assistants maternels, et avons généralisé les relais d'assistants maternels, à hauteur de ce que prévoyait la COG et appuyé le développement de maisons d'assistants maternels. Le nombre d'assistants maternels n'a pas augmenté mais cela a amélioré la qualité de l'accueil, quasiment au niveau de celui des micro-crèches. Ce sont les parents qui choisissent leur mode de garde ; souvent ils privilégient l'accueil collectif. Les micro-crèches répondent à ce besoin mais pas à celui de mixité sociale en raison de leur coût.

M. Bernard Tapie, directeur des statistiques, des études et de la recherche de la Cnaf. - Le calcul est extrêmement complexe. La lettre de l'Observatoire mentionne des chiffres approuvés par tous les acteurs du secteur et conclut la polémique. De 54 à 58 000 places en crèche nettes ont été créées entre 2013 et 2017, soit 85 % de l'objectif de 66 000 places. En 2016, un taux similaire a été atteint, soit 87 à 88 %.

M. Daniel Lenoir. - Cela intègre-t-il les places créées par le FNPF ?

M. Bernard Tapie. - Il faut prendre le nombre de places créées par le FNAS et y soustraire 30 000 places de micro-crèches en 2017 et 25 000 en 2016.

M. Daniel Lenoir. - Le phénomène des micro-crèches est massif.

M. Michel Forissier. - Alors que l'argent public est rare, on parle peu de l'avenir. Or les investissements d'aujourd'hui nous permettront de limiter les difficultés de demain.

Les collectivités doivent mettre en place des plans de santé publique locaux et utiliser toutes les armes possibles pour lutter contre les grands problèmes que sont l'échec scolaire, la radicalisation, les difficultés intrafamiliales. Or elles rencontrent aujourd'hui de très grandes difficultés pour investir dans des équipements publics. Les CAF ont toujours été les partenaires efficaces des élus locaux mais les orientations gouvernementales leur permettront-elles toujours d'aider les élus locaux à investir ?

La politique de la ville ne s'arrête pas aux quartiers prioritaires. Nous nous soucions de l'ensemble des populations et proposons ainsi différents modes de garde adaptés aux divers types de familles, qu'elles soient monoparentales ou non. Je rappelle qu'une place de crèche dans une collectivité moyenne coûte environ 14 000 euros par an. Nombre d'élus n'ont plus les moyens.

M. Dominique Watrin. - Je vous remercie, monsieur président, de votre franchise et d'avoir en particulier rappelé l'aberration que constitue le versement de la prime de naissance deux mois après la naissance !

Personne ne peut se satisfaire que l'on passe insidieusement d'un système de solidarité à un système d'assistance. On dénature la mission de la politique familiale.

Les politiques de ciblage peuvent être trompeuses. Ainsi, nous sommes bien sûr favorables à la réévaluation des aides aux familles monoparentales, mais une étude a montré que les familles biparentales ayant un seul enfant rencontraient parfois autant de difficultés, parfois plus, que les familles monoparentales.

On assiste à une fuite en avant concernant les plafonds de ressources. Cette année, 10 % de familles supplémentaires seront exclues de l'allocation de base de la Paje. Quelle dérive ! N'appliquera-t-on pas ce système à d'autres branches demain ?

Comme Mme le rapporteur, je m'inquiète d'une certaine dénaturation de la politique familiale. Je rappelle que la politique familiale ne vise pas uniquement à aider les plus défavorisés. Elle a aussi pour but de développer les capacités dès l'enfance, une telle politique produisant des effets à long terme, de permettre de concilier vie professionnelle et vie familiale, d'assurer la cohésion sociale et de prévenir les comportements à risques. Elle favorise également l'égalité entre les femmes et les hommes.

Les 860 millions d'euros d'économies sont inacceptables.

M. Olivier Henno. - Vous avez évoqué le bilan en demi-teinte de l'accueil dans le domaine de l'enfance et de la petite enfance. Le constat est juste, mais il me semble que nous n'accompagnons pas suffisamment les innovations dans ce domaine, pourtant nombreuses. Je pense notamment aux micro-crèches et aux maisons d'assistants maternels, qui répondent parfaitement à la demande d'accueil collectif, offrent une forme de souplesse et permettent de minorer les coûts, les normes applicables à ces structures étant différentes de celles des crèches collectives. Il me semble que l'on pourrait mieux accompagner ces innovations, les développer plus rapidement et atteindre les objectifs.

M. Philippe Mouiller. - M. Lenoir a évoqué la mise en place des appels à projets pour la création des crèches. Dans le domaine du handicap, les appels à projets ont accru la complexité administrative. Les crédits alloués, souvent peu suffisants, ne sont pas utilisés en raison des délais prévus dans les appels à projets.

Ma question porte sur la prime d'activité. Les outils numériques, en offrant un accès plus large aux bénéficiaires, ont permis d'améliorer le taux de recours. Les objectifs annoncés en matière de taux de recours pour 2017 ont-ils été atteints ? Si oui, quelles sont les incidences financières ? Quels sont les objectifs pour 2018 ?

M. Jean-Louis Tourenne. - Je pense qu'on mélange parfois les objectifs et les moyens de les atteindre. Ainsi, le numérique est non pas un objectif, mais un moyen de rendre un service afin d'atteindre un objectif social.

La France est le deuxième pays industrialisé en termes de déterminisme social. Un petit Français a moins de chances qu'un petit Grec de sortir du milieu populaire dans lequel il est né. Un enfant qui redouble son CP n'a aucune chance de faire des études supérieures car il n'a pas le vocabulaire nécessaire pour apprendre à lire.

Alors que nous parlons d'accueil des enfants, nous ne raisonnons que du point de vue des parents ! Nous voulons des crèches pour que les deux parents puissent travailler. Les crèches sont extrêmement coûteuses pour les communes. Quand 20 enfants sont accueillis en crèche, 300 bénéficient d'un autre mode de garde. Qu'est-ce qui justifie que 20 enfants bénéficient de l'argent public et pas les 300 autres ?

La crèche ne devrait-elle pas permettre d'essayer de compenser des carences éducatives par une intervention extérieure ?

Notre pays est de plus en plus divisé entre ceux qui sont favorisés, pourront suivre des études, réussir leur vie, et ceux qui, parce qu'ils sont nés au mauvais moment dans un mauvais environnement, ont un destin négatif tracé d'avance. Ne faudrait-il pas travailler sur l'affectation des différents modes de garde ? Pourquoi deux parents qui travaillent et sont de bons éducateurs n'auraient-ils pas recours à un assistant maternel ? Leurs enfants ne subiraient aucun préjudice. Pourquoi ne réserverait-on pas une grande partie des places en crèche à des enfants dont les parents ne travaillent pas afin de leur permettre de disposer des outils nécessaires pour réussir leur scolarité et leur vie ? À titre d'exemple, le département d'Ille-et-Vilaine avait constaté que les crèches n'accueillaient que 1 % d'enfants issus des milieux populaires. Il s'est fixé pour objectif d'atteindre le taux de 40 %. Aujourd'hui, 80 % des crèches de ce département ont atteint cet objectif.

Je souhaite que nous ayons une réflexion approfondie sur l'attribution des différents modes de garde. Le raisonnement selon lequel les parents devraient pouvoir choisir me paraît fallacieux. S'ils veulent choisir, qu'ils paient !

Enfin, pourrait-on cesser de stigmatiser les familles monoparentales ? Un enfant a peu de chances de réussir, non parce qu'il est issu d'une famille monoparentale, mais parce que les conditions économiques privent son parent des moyens matériels de l'élever le mieux possible.

Mme Victoire Jasmin. - Des budgets sont-ils fléchés sur les contrats « enfance et jeunesse » et sur les contrats locaux d'accompagnement à la scolarité ?

Que pensez-vous des modes de garde au sein des entreprises ? Pourriez-vous accompagner ce genre de projets ?

Mme Michelle Meunier. - Concrètement, quel sera l'impact des économies demandées à la branche sur les familles ? Avez-vous effectué des simulations ?

Le Fonds national d'action sociale totalise 523 millions d'euros de crédits non exécutés. N'y a-t-il pas là un paradoxe si l'on pense aux besoins constatés des familles, des associations et des collectivités ?

Mme Véronique Guillotin. - Ma question portera sur la garde des enfants dans les secteurs transfrontaliers, notamment dans le secteur franco-luxembourgeois.

L'État luxembourgeois a étendu aux familles des travailleurs transfrontaliers le bénéficie d'une prestation d'accueil pour celles d'entre elles qui font garder leurs enfants au Luxembourg. Cette aide pourrait désormais également être versée aux crèches publiques ou privées situées sur le territoire français pour les enfants des travailleurs frontaliers. Pour prétendre à ces aides, les crèches françaises doivent répondre à certains critères, le critère majeur étant l'environnement multilingue de la crèche. Concrètement, est-il possible d'accompagner les crèches françaises afin qu'elles puissent percevoir la prestation luxembourgeoise ?

Plus généralement, sachant que le jeune âge est la période où les enfants apprennent le plus rapidement les langues, notre pays ne pourrait-il pas, à l'exemple de nos voisins luxembourgeois, instaurer un multilinguisme dans les crèches ? Ce serait une bonne chose pour les enfants, en particulier pour ceux d'entre eux qui sont issus des milieux défavorisés.

Mme Patricia Schillinger. - Dans une crèche, le ratio est d'une personne pour neuf enfants de dix-huit mois.

Dans le secteur frontalier, les crèches accueillent surtout les enfants des parents ayant les moyens, peu les enfants des parents en difficulté. Ces derniers restent au chômage.

Par ailleurs, le service public ne pourrait-il pas trouver de solution pour prendre en charge les enfants lorsqu'ils sont malades ?

Les personnels des crèches sont sous-payés, alors qu'ils ont pourtant fait des études et qu'ils exercent des responsabilités. En conséquence, le turn-over est important.

Les crèches ont des horaires très restreints et contraignants. Elles ouvrent rarement à six heures du matin.

Les municipalités ont tendance à supprimer des places de crèches. Ainsi, ma commune, qui avait réservé des places dans une crèche d'entreprise, les a supprimées arguant qu'elle créait des MAM. Or ces structures n'ont pas du tout la même vocation que les crèches.

Il faut revoir l'ensemble du système.

M. Jean-Marie Morisset. - Les familles sont pénalisées à hauteur de 450 millions d'euros alors que la branche est à l'équilibre et qu'elle sera excédentaire l'année prochaine.

Vous l'avez dit, une révolution silencieuse est à l'oeuvre, l'informatisation réduisant les contacts humains. On ferme des permanences et on ouvre des maisons de services au public, qu'il conviendrait d'ailleurs d'évaluer car on n'en voit pas pour l'instant le côté positif.

Enfin, les communautés de communes ont parfois pris la compétence scolaire, de la garderie au périscolaire, en passant par les centres de loisirs. Les caisses pourraient-elles être des partenaires dans ces domaines et investir, au moment où l'État se désengage ?

Mme Frédérique Puissat. - Je souligne les excellentes relations entre les collectivités et les caisses d'allocations familiales.

Ne devrions-nous pas également parler de bloc départemental, intégrant à la fois les départements et la caisse d'allocations familiales, et pas seulement du bloc communal, afin de travailler davantage sur les droits et devoirs des allocataires ? En matière de droits, les agents des caisses d'allocations familiales devraient être plus présents auprès des agents du département sur l'intégralité des territoires. En matière de devoirs, ne pourrait-on pas faciliter la lutte contre la fraude en permettant une plus grande fluidité : des agents ne pourraient-ils passer d'une entité à l'autre ? Des fichiers ne pourraient-ils pas être partagés de façon plus simple ?

Mme Nadine Grelet-Certenais. - Les crèches proposant des horaires adaptés aux besoins des parents ayant des horaires atypiques coûtent très cher à la collectivité. Ces parents peuvent-ils bénéficier d'aides, sachant qu'ils sont en grandes difficultés en termes d'emploi ?

Qu'en est-il de l'accueil des enfants handicapés, reconnus ou non, dont les parents travaillent ? Les aides de la CAF sont modestes lorsque le handicap est reconnu. L'accueil de ces enfants requiert une vigilance et une attention des personnels qui ne sont pas valorisés dans les coûts de la structure.

J'évoquerai également les relations humaines. En termes d'accueil, il y a certainement des choses à revoir. Le numérique ne résout pas tout. Certaines familles modestes n'ont pas d'équipement informatique à domicile. Quant aux personnes âgées, elles sont très en difficulté face à l'outil informatique. La formation et le soutien pour ces publics doivent être renforcés.

M. Jean-Louis Deroussen. - Je vous remercie d'avoir salué la collaboration entre les CAF et vos territoires. Ce travail doit se poursuivre. Les CAF doivent vous associer à ses expérimentations, recueillir vos avis afin d'enrichir l'offre de services en direction des citoyens.

On l'a vu, certaines choses n'avaient pas été prévues dans la convention d'objectifs et de gestion qui s'achève, comme la question de la radicalisation. En 2013, on n'imaginait pas que notre pays serait confronté aux drames que nous avons connus et que nous devrions porter un regard plus attentif sur les jeunes.

Nous allons réclamer des moyens et l'utilisation des fonds d'action sociale. Vous avez souligné la sous-exécution importante. Nous aurions souhaité dépasser certains objectifs dans certains cas, mais nous n'avons pas obtenu la fongibilité qui nous aurait permis de mieux exécuter certains budgets.

À titre personnel, je ne vois pas pourquoi on devrait pénaliser une famille biparentale. Nous n'avons pas à privilégier un type de famille en particulier. On aura l'occasion d'en discuter dans le cadre des schémas départementaux des services aux familles.

Il faut également éviter les quotas - de familles pauvres, d'enfants porteurs de handicap. Il faut s'adapter à la demande pour répondre au mieux aux situations et aux attentes des familles, pour le bien-être de tous les enfants.

Les CAF apporteront les réponses les plus pertinentes aux travailleurs transfrontaliers.

M. Daniel Lenoir. - Je me focaliserai sur quatre points car il ne me sera pas possible de répondre à toutes les questions.

Premièrement, une place de crèche, c'est une cellule de prison en moins : c'est un investissement social. À cet égard, je partage le point de vue de M. Tourenne mais pas ses conclusions.

Un outil d'évaluation de cet investissement social est nécessaire. Nous avons développé des méthodes d'évaluation du rendement social de la dépense. C'est très important pour la représentation nationale et pour le Gouvernement, pas seulement pour la branche.

En termes de mixité, les résultats d'une enquête montrent que nous sommes très au-dessus du taux de 10 % prévu dans le COG : en moyenne, 20 % d'enfants de familles précaires sont accueillis dans les crèches.

Vous avez raison, monsieur Tourenne, toutes les familles monoparentales ne sont pas précaires, mais 60 % des familles précaires sont des familles monoparentales. La mise en place de l'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires est à cet égard un motif de fierté. On n'en parle pas suffisamment alors que cela a été une très belle réforme.

Deuxièmement, vous m'avez interrogé sur l'accès aux droits et la prime d'activité. Soyons clairs : je n'ai jamais dit que j'étais favorable au tout-numérique. J'ai toujours dit : « 100 % dématérialisé, 100 % personnalisé ». Même si nous avons encore des progrès à faire, nous avons su articuler l'accueil physique et l'accès numérique. A contrario, les travaux que nous avons menés avec Emmaüs Connect sur l'inclusion numérique montrent que ne pas aider les familles précaires à s'inclure numériquement, c'est les préparer à des lendemains difficiles. Il s'agit donc d'éviter un facteur d'exclusion supplémentaire.

La densité des points d'accueil numérique est très supérieure à celle des permanences d'autrefois.

Troisièmement, je rappelle que la fraude ne représente qu'une partie des indus et pas la plus importante. En matière de lutte contre la fraude, nous avons développé un nouvel outil redoutablement efficace, avec l'autorisation de la CNIL, et qui respecte le droit à l'erreur.

Quatrièmement, en matière de coopération transfrontalière, il y aurait beaucoup à dire. Nous avons un programme de travail de plusieurs années avec les Allemands sur le recouvrement des pensions alimentaires, sur le développement des crèches.

M. Alain Milon, président. - Nous vous remercions. Vous pourrez répondre par écrit aux questions auxquelles vous n'avez pas pu répondre.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 - Audition de MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et Renaud Villard, directeur, de la caisse nationale d'assurance vieillesse

M. Alain Milon, président. - Je souhaite la bienvenue à M. Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, et à M. Renaud Villard, directeur.

Le 4 octobre, le conseil d'administration de la Cnav a émis un avis majoritairement favorable sur le PLFSS. Nous souhaitons aujourd'hui évoquer avec vous les mesures qui concernent les prestations vieillesse et l'organisation de la branche, notamment l'intégration du régime social des indépendants au régime général.

Nous souhaitons aussi connaître votre sentiment sur la mise en place d'un régime universel de retraites, objectif auquel va désormais se consacrer le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, nommé par le Président de la République, et René-Paul Savary, pour notre commission.

Enfin, quelle que soit l'organisation de notre système, elle n'apportera pas nécessairement de réponse à la question du financement des retraites. Nous savons bien, dans cette commission, que le retour à l'équilibre de la branche vieillesse annoncé l'an dernier n'est qu'apparent puisque le Fonds de solidarité vieillesse concentre l'essentiel des déficits. Cette situation n'aura par ailleurs été que très provisoire, le PLFSS prévoyant des déficits croissants à compter de 2019. Ne devra-t-on pas procéder à des mesures d'ajustement sans attendre une future réforme systémique ?

Monsieur le président, je vous laisse la parole pour un propos introductif.

M. Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. - Merci, monsieur le président. Je dirai tout d'abord quelques mots sur les comptes de la Cnav, les projections financières, le Fonds de solidarité vieillesse, et sur la question d'un régime universel.

Depuis une douzaine d'années, le régime général était déficitaire. La réforme des retraites, le décret du 12 juillet 2012 et la loi du 20 janvier 2014 ont modifié l'âge légal de départ en retraite, allongé la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein et apporté des cotisations nouvelles à la branche. Ces diverses mesures ont permis un retour à l'équilibre. La Cnav était excédentaire de 0,9 milliard d'euros en 2016 et de 1,1 milliard en 2017. Cet excédent aurait pu être supérieur s'il n'avait pas été décidé de retransférer le financement du minimum contributif à la branche vieillesse, lequel avait été transféré au Fonds de solidarité vieillesse en 2010 afin de diminuer le déficit facial de la Cnav. En 2016, la Cnav revenant à l'équilibre, on a fait le mouvement inverse car le Fonds de solidarité vieillesse est toujours lourdement déficitaire !

À partir de 2018, la Cnav sera en très léger déficit de 0,7 milliard d'euros. Le déficit atteindrait 3,06 milliards d'euros en 2020, soit 0,1 point de PIB.

La facilité, c'est de globaliser les comptes de la Cnav et du Fonds de solidarité vieillesse et de dire que le régime général est toujours lourdement déficitaire. Je rappelle que, en 1994, la décision du gouvernement de l'époque de créer un Fonds de solidarité vieillesse avait été unanimement approuvée. Il s'agissait de faire financer par la solidarité nationale toutes les périodes non contributives validées par nos régimes de retraite, essentiellement les périodes de chômage. Sans prise en charge de ces périodes, le niveau des retraites ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui, notamment pour les salariés du privé, dont les fins de carrière sont particulièrement difficiles. Les périodes de maladie et les congés de maternité sont désormais financés respectivement par l'assurance maladie et par la Cnaf. Ces financements ont été clarifiés, ce dont tout le monde se réjouit.

Reste le problème du financement du Fonds de solidarité vieillesse. Ce fonds est en déficit de 3,8 milliards d'euros. Il sera à l'équilibre en 2020.

Sous l'effet de l'amélioration projetée de la situation de l'emploi, le FSV deviendrait ainsi excédentaire dans les années 2020. J'ai volontairement limité les projections de déficit de la branche vieillesse à 2020, même si le Conseil d'orientation des retraites a pris la mauvaise habitude de faire des prévisions à 2040, voire à 2070. En effet, d'ici à 2040, il y aura quatre élections présidentielles et autant d'élections législatives. Si toutes ces échéances démocratiques ne permettent pas de prendre les mesures susceptibles de redresser la situation, c'est à désespérer de tout...

En outre, comment projeter l'augmentation du PIB sur 55 ans ? Cela aboutit à un déficit projeté de 64,5 milliards en 2070, et ni vous ni moi ne serons plus là pour le vérifier. Une échéance fixée à 2030 permet de se projeter et de prendre les mesures nécessaires car le déficit de la Cnav représenterait tout de même 14,5 milliards d'euros, soit 0,5 % de PIB.

Des mesures doivent donc être prises car je ne me satisfais pas d'un déficit, fût-il léger. La sécurité sociale n'a en effet pas vocation à engranger des déficits année après année. L'amortissement de la dette sociale est en vue puisque, toutes choses égales par ailleurs, la Cades devrait avoir terminé le remboursement de la dette d'ici à 2024 ou à 2025. Je rappelle que 16,5 milliards d'euros sont consacrés chaque année au remboursement de la dette sociale, au travers principalement de la CSG et de la CRDS. L'année 2024 n'est pas demain mais c'est après-demain. Alors, ces 16,5 milliards d'euros seront disponibles pour financer d'autres besoins, pas forcément au sein de la branche vieillesse d'ailleurs.

Sur la réforme systémique, je n'ai pas plus de renseignements que vous. Comme électeur attentif et citoyen informé, je connais le souhait du candidat Macron, devenu Président de la République : faire en sorte qu'un euro de cotisation procure les mêmes droits à la retraite, quel que soit le statut de celui qui cotise. Dès lors, toutes les pistes d'atterrissage sont possibles. On peut considérer que trente-cinq régimes de base et complémentaires peuvent perdurer et s'organiser dans ce but mais on peut aussi considérer qu'une seule caisse de retraite de base et complémentaire unique et universelle est plus adaptée. Tout est possible.

Jean-Paul Delevoye, le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, va entamer des concertations à ce sujet, je le rencontre la semaine prochaine. En modeste connaisseur du système de retraite, je pense que la piste d'atterrissage la plus probable devrait vraisemblablement se trouver au milieu, entre les deux extrêmes ; en tout cas, cela me semble souhaitable car le maintien de régimes de base et complémentaires par répartition me semble adapté au modèle social républicain français.

M. Alain Milon, président. - Il faudra un pilote automatique car, s'il y a sans doute beaucoup de pistes d'atterrissage ouvertes, il y a aussi beaucoup de brouillard...

M. Gérard Rivière. - Mais Jean-Paul Delevoye est un homme d'une grande sagesse.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - En ce qui concerne les projections, l'échéance de 2050 paraît effectivement lointaine, mais l'échéance de 2030 semble adaptée. On a aussi évoqué, lors d'auditions antérieures, une période de projection de quinze années glissantes, ce qui semble intéressant. Qu'en pensez-vous ?

Pourriez-vous tirer un premier bilan, après six mois, de la LURA, la liquidation unique des régimes alignés ?

Où en est-on de l'intégration du FSV au sein de la Cnav ? C'était prévu pour le 1er octobre 2015 mais il existe toujours une entité.

Comment voyez-vous le défi de la reprise du RSI en deux ans ?

Enfin, il faut que l'on examine toutes les pistes de réforme systémique pour trouver une solution. Nous rencontrons prochainement M. Delevoye à ce sujet, toutes les pistes devront être examinées sans a priori.

Par ailleurs, le système de vases communicants du FSV est inacceptable, ce système de tuyauterie me semble volontairement opaque, pour que le parlementaire ne s'y retrouve pas. Quel est votre avis sur le fait que certaines prestations, par exemple le minimum vieillesse, sont financées par le déficit ? Ce déficit, au travers de l'Acoss, qui emprunte à court terme à des taux négatifs, permet de générer des bénéfices !

M. Gérard Rivière. - Pour ce qui concerne les projections sur quinze ans glissants, tout dépendra de la réforme que l'on mènera.

À propos des tuyauteries que vous évoquez, je partage votre sentiment. D'ailleurs, je l'ai dit à la commission des comptes de la sécurité sociale, le 28 septembre dernier, et le secrétaire général de cette commission comme la Cour des comptes vont dans le même sens : il faut mettre un terme à ces financements opaques ; personne ne s'y retrouve, pas même les initiateurs. Depuis plus de vingt ans, j'observe ces transferts d'une année sur l'autre pour boucher des trous en en creusant d'autres ; c'est une politique digne du sapeur Camember... On doit cesser ces pratiques.

M. Renaud Villard. - À propos des quinze ans glissants, je ne sais pas s'il y a une temporalité idéale. L'échéance de 2070 avait vocation à rassurer les jeunes générations - je ne suis pas sûr que l'objectif soit atteint - mais, en 2002, avant les réformes de 2003, de 2008, de 2010 et de 2014, on projetait un déficit de 60 milliards d'euros pour le régime général en 2020, alors que l'on sera en réalité en léger déficit. L'horizon de 15 ou 20 ans est donc déjà très long au regard du temps démocratique, mais aussi de la capacité de notre système de protection sociale à s'ajuster. Cela montre en outre l'effet des réformes, qui corrigent peu à peu ce déficit ; sans elles, nous aurions été en très grande difficulté.

La liquidation unique des régimes alignés revient à un guichet unique pour trois régimes - régime général, salariés agricoles et RSI -, non seulement pour l'accueil mais aussi pour la gestion des pensions des personnes qui ont cotisé dans plusieurs régimes. Un seul des régimes est donc l'interlocuteur unique de ces retraités et il agrège tous leurs droits au travers d'un versement unique.

C'était un défi énorme pour l'organisation et pour la conception même du régime, mais cela s'est très bien passé, il n'y a eu aucun incident notable car les différents régimes impliqués ont accepté de ne plus être « propriétaires » de leurs cotisants. Certes, certains assurés ne comprennent toujours pas cette évolution mais il y a globalement une grande satisfaction qui se traduit par un très faible taux de recours.

En outre, le travail sur le guichet unique nous a préparés à l'adossement ou à la fusion du volet retraite du RSI car nous entretenons déjà un cousinage très proche. Nous avons rapproché nos règles et nos organisations. Néanmoins, il ne s'agit pas d'une fusion simple, c'est un grand défi, et notre priorité demeure la qualité de service. Si l'on fait un jardin à la française technocratique, on aura fait beaucoup de travail pour rien, c'est pourquoi nous y travaillons d'arrache-pied.

Vous avez mentionné l'adossement en gestion du FSV à la Cnav ; ce projet est un peu avorté. Il s'agissait de mutualiser la gestion du FSV avec celle de la Cnav, mais en réalité, la gestion du FSV est assez limitée. Cela ne posait donc pas de difficulté, mais les tutelles y ont renoncé. Cela dit, nous sommes toujours prêts à le faire ; par rapport au RSI, par exemple, l'activité à absorber est mince, trois ou quatre personnes pourraient s'en charger, tout en conservant une indépendance pour la traçabilité des fonds. Cela pourrait donc être mis en oeuvre très rapidement à la convenance de la tutelle.

J'en viens à la question des taux d'intérêt négatifs, pour les emprunts de la branche retraite. Effectivement, nous empruntons entre huit et dix milliards d'euros à court terme, sur six jours tous les mois, et nous empruntons à des taux négatifs, donc nous gagnons de l'argent. Cela dit, cela est possible parce que la banque de la sécurité sociale qu'est l'Acoss est notée AAA, elle est considérée comme très robuste, ce qui montre la solidité financière de la sécurité sociale. En outre, la dette sociale diminue, puisque nous avons franchi le sommet et nous redescendons avec une fin de parcours prévue en 2024 ou en 2025.

Mme Laurence Cohen. - Merci de ces explications à la fois concises et claires.

On peut se réjouir de la réduction du déficit, mais nous savons que cela passe par l'augmentation des recettes - cela ne dépend pas de vous, je le sais, mais des gouvernements successifs -, et mon groupe désapprouve ces choix. Je suis notamment inquiète de la hausse de la CSG, qui va peser sur les retraités. Il y a eu une grogne importante chez ces derniers et, malgré les mises au point du Gouvernement, je suis très dubitative sur la compensation promise. D'ailleurs, selon Les Échos, 2,5 millions de retraités n'en bénéficieront pas.

Par ailleurs, l'augmentation de l'allocation de solidarité aux personnes âgées passe de 803 à 903 euros ; on est encore très largement sous le seuil de pauvreté.

Cela dit, ces deux remarques liminaires ne vous concernent pas directement.

Ma question, que j'ai déjà posée à la ministre de la santé, porte sur le retard de paiement de certaines pensions par l'assurance retraite d'Île-de-France. 4 000 nouveaux retraités attendraient toujours le paiement de leur pension depuis juin dernier ; cela signifie que 20 000 retraités franciliens perçoivent leurs pensions avec plusieurs moins de retard.

Quelles mesures avez-vous prises pour remédier à ce problème ? Mon ancienne collègue Michelle Demessine était intervenue auprès du précédent gouvernement pour un problème similaire dans la région des Hauts-de-France. Cela est sans doute lié aux faibles moyens des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), qui sont en flux tendus ; il faudrait donc cesser de leur confier plus de missions en leur donnant moins de moyens et sortir du dogme du non-remplacement d'un agent sur deux.

M. Renaud Villard. - Je botterai en touche sur les deux premières remarques ; il ne m'appartient pas de commenter ces choix. Sachez simplement que l'augmentation de la CSG est extrêmement simple à mettre en oeuvre pour nous.

Il en va de même pour la revalorisation de l'Aspa, si ce n'est qu'il nous faudra accompagner les bénéficiaires, et contacter les nouveaux bénéficiaires potentiels. Cela dit, ce qui explique le taux de pauvreté assez faible des retraités en France, c'est justement le minimum vieillesse, qui, couplé avec les APL, dépasse le seuil de pauvreté.

Sur les difficultés de gestion soulevées par L'Humanité, j'aurai une réponse en demi-teinte. Les chiffres que vous évoquez ne sont pas parfaitement exacts, ils émanent d'une section syndicale représentative de la Cnav, qui ne s'exprime évidemment pas en notre nom.

Il est vrai que la gestion est actuellement tendue ; nous avons, en 2017, 50 000 dossiers de plus à traiter par rapport à 2016. Cela a donc mis l'appareil de production en surchauffe. Nous avons pris des mesures exceptionnelles de renfort grâce au mécanisme d'entraide du réseau en faveur de l'Île-de-France, qui était plutôt une caisse aidante jusqu'alors. Nous avons aussi mobilisé des ressources exceptionnelles et des techniciens qui ne liquident pas habituellement des dossiers. Cela a permis de réduire la surchauffe.

Nous avons un indicateur important, la garantie de versement. Elle a été créée après le problème rencontré par la Carsat des Hauts-de-France et elle consiste à s'engager, lorsqu'un assuré verse son dossier complet avant l'échéance, à lui verser sa pension dans les temps. On se situe en général entre 98 % et 99 %, mais on est descendu à 96,5 % au début de l'été. Nous avons donc pris la situation à bras-le-corps et nous étions à 98,1 % en septembre.

Il y a effectivement un afflux important de dossiers, lié au phénomène de « papy-boom » dense, mais nous sommes pleinement mobilisés pour éviter que cet afflux ne se traduise par des retards de paiement.

Mme Laurence Cohen. - Combien de dossiers et de personnes cela représente-t-il ? Derrière les pourcentages, il y a des situations humaines concrètes.

M. Renaud Villard. - Je n'ai pas de données spécifiquement pour l'Île-de-France, je n'ai que des chiffres relatifs à la France entière. La branche retraite liquide environ 700 000 dossiers par an. Sur ce total, 20 000 dossiers sont traités en retard chaque année ; 14 000 le sont parce que le dossier a été déposé après la date de cessation d'activité - on est donc forcément en retard, quel que soit le temps de traitement - et 5 000 à 6 000 dossiers sont traités en retard en raison de la difficulté qu'ils représentent (échanges avec une caisse étrangère avec laquelle nous n'entretenons pas de relation étroite,...).

Au début de l'été, ce stock est monté à 27 000 dossiers, mais nous sommes redescendus sous 25 000 dossiers. Lors des tensions observées dans les Hauts-de-France et à Montpellier, on dépassait 40 000 dossiers en retard. Néanmoins, nous sommes revenus à une situation normale, et nous continuons de communiquer beaucoup pour que les retraités déposent leur dossier dans les temps.

Je tiens à votre disposition les chiffres précis concernant l'Île-de-France.

Mme Nadine Grelet-Certenais. - J'ai été interpellée au sujet de l'articulation entre les caisses de retraite et les dispositifs de prise en charge du handicap. Lorsque des personnes handicapées se retrouvent à la retraite, elles ne relèvent plus des mêmes dispositifs d'aide financière et de soutien. Elles peuvent alors se retrouver en grande difficulté. Il s'agit souvent de très jeunes retraités, qui doivent alors entrer dans un Ehpad, dont on connaît la situation, ou rester à domicile avec une prise en charge lourde.

M. Renaud Villard. - Ce problème concerne les personnes touchant l'allocation adulte handicapé (AAH) et éventuellement d'autres prestations, comme la prestation de compensation du handicap (PCH), qui favorisent le maintien à domicile. Lorsque l'on passe à la retraite, le minimum vieillesse est exactement du même montant que l'AAH, il n'y a donc pas de perte financière, mais les mécanismes d'accompagnement ne sont pas les mêmes. Des mécanismes d'accompagnement existent mais leur articulation n'est pas toujours simple, cela peut se révéler inquiétant pour les assurés et entraîner des variations de revenu, alors qu'ils peuvent pourtant bénéficier de la majoration tierce personne, qui est très supérieure à la PCH.

Je vous rejoins toutefois pour affirmer que mieux on articule le suivi des assurés entre la branche famille (pour l'AAH) et la branche retraite (la retraite et l'Aspa), plus cela rassure les assurés ; l'articulation entre les dispositifs visant à accompagner la perte d'autonomie pourrait être clarifiée, affinée, même s'il y a déjà eu d'importants travaux sur l'articulation entre les minima sociaux.

En tant que gestionnaire, nous veillons toujours, lors de la bascule de l'AAH vers le minimum vieillesse, à ce qu'il n'y ait pas de rupture, mais cela peut arriver, ce qui est inadmissible. C'est pourquoi le conseil d'administration de la Cnav préconise un renforcement de la bascule automatique de l'AAH vers la retraite. Plus cela est automatisé, c'est-à-dire plus la complexité est prise en charge par les caisses plutôt que par les assurés, mieux cela vaudra. Au-delà, il y a aussi des questions de normes réglementaires et législatives mais cela nous échappe à nous, gestionnaires.

M. Alain Milon, président. - Le Premier président de la Cour des comptes, M. Migaud, que nous avons auditionné la semaine dernière, a mis en exergue des paiements indus à des retraités vivant à l'étranger et âgés de 117 ans...

M. Renaud Villard. - J'ai lu ce rapport, le résumé est exact mais la présentation en est trop synthétique. La Cour des comptes a demandé à deux régimes, le régime général et un autre régime de retraite, de lui présenter les cent assurés les plus âgés en Algérie et dans d'autres pays. Or les personnes plus âgées n'étaient pas les mêmes dans les deux régimes et, en l'espèce, l'assuré de 117 ans n'appartient pas au régime général - notre assuré le plus vieux a 106 ans. Nous referons ce croisement de fichiers car il est très instructif ; si un assuré est mort pour un régime, il doit l'être pour l'autre...

M. Gérard Rivière. - La Cour des comptes a raison d'être vigilante mais nous gérons tout de même 14 millions de retraités ; il peut arriver qu'un assuré passe à travers les mailles du filet. Nous contrôlons chaque année l'existence de nos assurés à l'étranger - je rappelle qu'il s'agit d'assurés qui ont cotisé au régime français. Ils doivent nous retourner l'attestation de vie certifiée par une autorité locale, faute de quoi nous supprimons le versement de la prestation.

Il peut toutefois y avoir des faux. Nous souhaitons donc mutualiser les contrôles d'existence. Un retraité à l'étranger peut percevoir des pensions de plusieurs régimes. Aujourd'hui, chaque régime demande cette attestation d'existence à l'assuré, ce qui n'est pas simple pour lui, d'autant que le service postal n'est pas partout aussi performant qu'en France.

Mme Patricia Schillinger. - On a appelé mon attention sur la situation de personnes âgées issues de l'immigration, qui ont rejoint leur enfant en France au titre du regroupement familial tout en touchant une retraite. De quoi s'agit-il ? D'une retraite française, d'une retraite d'un autre pays ou du minimum vieillesse ?

M. Renaud Villard. - Les règles sont très claires. Un étranger qui a cotisé en France touche la retraite française. Pour pouvoir toucher l'ASPA, un étranger doit avoir résidé régulièrement depuis dix ans en France avec un titre de séjour l'autorisant à travailler. Une personne qui arriverait à 65 ans en France au titre du regroupement familial ne pourrait pas toucher le minimum vieillesse. En revanche, il y a environ 70 000 personnes qui n'ont jamais travaillé mais qui touchent le minimum vieillesse, ce sont souvent des conjoints survivants.

M. Alain Milon, président. - J'ajoute que cette durée de résidence régulière de dix ans a été introduite par le gouvernement Fillon en 2011. Le Sénat l'avait rejetée mais le précédent gouvernement l'a maintenue et elle est toujours en vigueur.

Je vous remercie de votre intervention, messieurs.

Projet de loi de finances pour 2018 - Nomination des rapporteurs pour avis

Sont désignés :

- M. Bruno Gilles, pour la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ;

- Mme Chantal Deseyne, pour l'action « Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » ;

- M. Jean-Marie Morisset, pour le programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires »;

- Mme Nassimah Dindar, pour la mission « Outre-mer » ;

- M. René-Paul Savary, pour la mission « Régimes sociaux et de retraite » ;

- Mme Corinne Imbert, pour la mission « Santé » ;

- M. Philippe Mouiller, pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ;

- M. Michel Forissier, pour la mission « Travail et emploi ».

La réunion est close à 12 h 10.