Jeudi 5 juillet 2017

- Présidence de Mme Chantal Jouanno, présidente -

Examen du rapport d'information « Femmes et agriculture »

Mme Chantal Jouanno, présidenteMes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui au terme du travail que notre délégation consacre depuis le début de cette année à la situation des agricultrices.

Ce rapport a commencé avec le colloque que nous avons organisé le 22 février, quelques jours avant l'ouverture du Salon de l'agriculture, et qui, nous pouvons le dire, a remporté un vif succès. Pour notre délégation, ce colloque a été un temps fort de cette année.

J'ai l'impression que nos collègues sénateurs et sénatrices présents salle Médicis ce jour-là ont également apprécié ce moment. Je suis heureuse aussi que le public, composé dans sa grande majorité d'agricultrices, ait passé un bel après-midi au Sénat et que notre institution soit pour elles associé à ce bon souvenir. Nous avons pu mesurer la détermination de ces femmes et la passion dont elles font preuve à l'égard de leur métier.

Ce rapport donne largement la parole au terrain : il s'appuie sur les témoignages des 14 agricultrices qui ont été entendues pendant le colloque, auxquels s'ajoutent les quelque 70 témoignages d'agricultrices rencontrées lors des quatre déplacements des co-rapporteur-e-s dans la Drôme, en Vendée, en Haute-Garonne et en Bretagne. Je souhaite au passage remercier les collaborateurs et collaboratrices de nos collègues qui, dans les départements, ont contribué à la parfaite réussite de ces déplacements, dont je n'ai eu que des échos très positifs.

Outre ces « paroles d'agricultrices » qui rythment le rapport, il faut rappeler les deux tables rondes qui, le 30 mars et le 4 avril, ont permis aux co-rapporteur-e-s de travailler sur l'enseignement agricole et sur les questions sociales, et les quatre auditions de représentant-e-s des syndicats agricoles.

Au total, le travail des co-rapporteur-e-s s'appuie sur une centaine d'entretiens et témoignage !

Je voudrais aussi mentionner que l'une des interlocutrices des co-rapporteur-e-s, rencontrée en Bretagne le 14 juin 2017, a depuis été élue députée. Il s'agit de Nicole Le Peih, à qui nous adressons tous nos voeux pour la législature qui commence.

Je voudrais souligner aujourd'hui combien j'ai attaché d'importance, pendant ces trois années que nous avons passées ensemble, à l'élaboration de rapports d'information consensuels, dans le cadre de groupes de travail constitués d'un-e co-rapporteur-e par groupe (je parle de la configuration du Sénat au moment où nous avons commencé ce travail, avec un groupe Écologiste et pas encore de groupe La République en marche).

Cette méthode est devenue la « marque de fabrique » de la délégation et j'en suis fière. Je trouve qu'elle est particulièrement adaptée au sujet qui nous réunit aujourd'hui.

Le monde agricole est confronté à une crise structurelle très grave qui imprègne tous les témoignages que nous avons reçus et entendus. Les « États généraux de l'alimentation », dont la tenue a été récemment annoncée, permettront probablement de passer en revue ces sujets d'inquiétude.

Le métier agricole est certes une passion, que les agricultrices nous ont fait partager tout au long de ce travail. Mais c'est d'abord, il faut toujours l'avoir à l'esprit, un travail très dur et exigeant, qui n'enrichit pas nécessairement celles et ceux qui l'exercent... Il suffit de voir le niveau de leurs retraites ! La question des revenus a d'ailleurs très fréquemment été évoquée par nos interlocutrices.

Les six co-rapporteur-e-s vont maintenant vous présenter leur travail et les 40 recommandations qui le concluent.

Je passe la parole à Brigitte Gonthier-Maurin pour un « portrait-robot » des agricultrices aujourd'hui.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, co-rapporteure. - Pour commencer cette présentation, je vous propose un portrait-type des agricultrices en France, en 2017.

J'aimerais faire tout d'abord un bref rappel historique.

Les agricultrices d'aujourd'hui sont les héritières d'une longue invisibilité. De manière significative, le mot « agricultrice » n'est entré dans le Larousse qu'en 1961, comme l'a mentionné Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, lors de son audition.

Les agricultrices ont longtemps été considérées comme « sans profession » : leur travail à la ferme, pourtant considérable, étant dans cette logique le prolongement naturel de tout ce qu'elles faisaient à la maison. Je voudrais sur ce point citer une phrase d'un ouvrage qui s'intitule fort justement Pionnières ! : « En ces temps-là [avant les années 1960], la femme qu'on admirait, c'était celle qui travaillait comme un homme, était capable de porter du poids, celle qui ne s'asseyait jamais et ne perdait pas de temps à discuter. Le travail était un devoir et une religion ».

Il faut dire que les agricultrices ont elles-mêmes contribué, par leur discrétion, à leur invisibilité. Je rappelle à cet égard ce témoignage très éclairant, entendu lors de l'audition de la présidente de la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB), qui a cité sa belle-mère : « Je ne fais pas grand-chose : juste la traite et la comptabilité ! ». Sauf que, dans une exploitation laitière, ce sont justement des compétences très importantes !

Depuis cette époque, du chemin a été parcouru et les agricultrices représentent actuellement, comme on l'a vu pendant le colloque du 22 février, un quart des chef-fes d'exploitations.

Entre la femme d'agriculteur et la « femme-agriculteur », il y a eu une lente progression vers l'acquisition de droits. La mise en place d'un statut en a été l'aspect le plus important. J'ai pour ma part été frappée d'entendre nos interlocutrices nous dire à quel point l'acquisition du statut de cheffe d'exploitation avait été significative pour elles en termes de reconnaissance.

Aujourd'hui, le tableau que l'on peut faire de la situation professionnelle des femmes dans l'agriculture est contrasté :

- 30 % des entreprises agricoles sont dirigées ou codirigées par des femmes, mais les cheffes d'exploitations accèdent à ce statut généralement plus tard que les hommes, par exemple quand leur conjoint prend sa retraite. Elles ont donc un âge moyen supérieur à celui des hommes : les parcours des agriculteurs et des agricultrices demeurent différents.

- Les femmes, qui représentent 36 % des salarié-e-s de l'agriculture, sont plus souvent employées en CDD, à temps partiel et avec des écarts de rémunération horaire par rapport aux hommes.

- Dans l'enseignement agricole, les jeunes filles représentent certes plus de la moitié des élèves, mais elles sont moins présentes dans les filières dédiées à la production agricole et sont surreprésentées dans les filières « Services ».

- Enfin, il faut rappeler la question très préoccupante des femmes sans statut qui, malgré le travail qu'elles fournissent dans l'exploitation, ne disposent pas d'une réelle couverture sociale.

Quant au profil des agricultrices, il est diversifié :

- à côté du schéma traditionnel de l'agricultrice qui rejoint la profession par mariage avec un agriculteur, on observe des parcours de femmes qui réalisent en s'installant (généralement vers 40 ans) un projet autonome, construit, qu'elles viennent du milieu agricole ou qu'elles fassent partie des « hors cadre familial », voire des « néo-ruraux ».

- Certaines agricultrices s'installent après des formations et des expériences professionnelles sans aucun lien avec l'agriculture. Leur formation est un sujet important de notre rapport.

- Quand elles dirigent leur propre exploitation, les agricultrices ont généralement des surfaces inférieures à celles de leurs homologues masculins.

Pendant la préparation de ce rapport, nous avons aussi fréquemment constaté que les agricultrices semblent privilégier des pratiques professionnelles spécifiques par rapport aux agriculteurs.

Elles partagent, et depuis très longtemps, une appétence particulière pour la diversification des activités de l'exploitation : vente directe, ferme pédagogique, gîtes ruraux, activités de loisirs se développent souvent à l'initiative des femmes. Cette diversification contribue aussi, il faut le souligner, à l'animation de la vie rurale et des territoires, question à laquelle beaucoup d'agricultrices semblent particulièrement sensibles. Elle présente aussi l'intérêt de permettre de dégager des revenus, ce qui est particulièrement précieux dans le contexte de la crise actuelle.

Par ailleurs, les agricultrices paraissent relativement nombreuses dans l'agriculture biologique, même si l'on ne dispose pas de statistiques précises sur ce point. Est-ce lié à des préoccupations particulières qu'auraient les femmes à l'égard de la santé ? À tout le moins, on constate que leurs pratiques professionnelles coïncident souvent avec celles de l'agriculture biologique, comme cela été relevé lors de l'audition de la présidente de la Fédération nationale d'agriculture biologique : surfaces moins étendues, moindre mécanisation et circuits commerciaux courts sont des points communs à l'agriculture bio et aux méthodes professionnelles privilégiées par les femmes.

Enfin, je voudrais souligner la convergence de ce portrait type avec celui que révèle un rapport du Parlement européen publié à l'occasion du 8 mars 2017 et intitulé Rapport sur les femmes et leurs rôles dans les zones rurales.

Ce rapport insiste sur la contribution des agricultrices des pays de l'Union au développement durable et à la vie rurale. Sur ce point, il souligne tout particulièrement le développement, grâce aux initiatives de femmes, d'« activités complémentaires », par exemple le tourisme, qui « apportent une plus-value aux activités dans les zones rurales ».

Nos collègues du Parlement européen mettent aussi en évidence un contraste majeur entre l'importance de la contribution des agricultrices à la production agricole et l'invisibilité de leur travail.

Ils regrettent en outre, comme nous le faisons dans ce rapport, la trop faible participation des agricultrices aux processus de décision et à la gouvernance de la profession dans les pays de l'Union, pointant plus particulièrement les syndicats et les coopératives agricoles.

Didier Mandelli va maintenant vous présenter une synthèse des témoignages d'agricultrices que nous avons entendus au cours de la préparation de ce rapport.

M. Didier Mandelli, co-rapporteur. - Je vais donc pour ma part vous exposer les « échos du terrain » sur lesquels s'appuie notre rapport, c'est-à-dire sur le « vécu » dont ont témoigné au cours de nos travaux les quelque 80 agricultrices auxquelles nous avons donné la parole, au Sénat et dans les territoires dans lesquels nous nous sommes rendus. Ces « échos du terrain » font état de préoccupations largement partagées par l'ensemble de nos interlocutrices.

Certains de ces « ressentis » se rapportent à la profession dans son ensemble : si le rapport est centré sur la situation des agricultrices et sur les leviers à mettre en action pour l'améliorer, nous ne pouvions pas passer sous silence les manifestations d'un malaise qui concerne tant les hommes que les femmes.

- Un premier constat : l'insuffisance des revenus et l'impression d'une dégradation régulière de la situation. Comme l'a exprimé Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, lors de son audition, « Les agriculteurs qui vendent en-dessous des coûts de production se lèvent le matin pour perdre de l'argent ». Autre témoignage : garder une exploitation est aujourd'hui un combat de chaque jour, a fortiori en période d'alerte sanitaire ou de sécheresse.

- Un deuxième constat : la difficulté d'acquérir des terres agricoles pour ceux et celles qui s'installent, face à des cédants qui, en raison de la modicité de leur retraite, ne sont pas en mesure de laisser leur terre pour un prix raisonnable. Leur terre est leur capital, c'est important de le souligner.

- Un troisième constat : le « métier a besoin d'être défendu », car il pâtit d'une image négative qui contribue à l'isolement du monde agricole. « Nous sommes la profession oubliée », nous a dit de manière très marquante Christiane Lambert le 23 mai 2017. La « profession oubliée », l'image du métier sont aussi des thèmes qui ont régulièrement émergé au cours de nos travaux.

En ce qui concerne ensuite les difficultés spécifiques aux agricultrices, j'ai été frappé par le fait que la crise oblige le plus souvent les agricultrices à travailler à l'extérieur de l'exploitation pour rapporter un revenu, ce qui multiplie par deux leur charge de travail. Cela rend aussi leur situation précaire, car il est fréquent que de ce fait elles cessent d'avoir un statut sur l'exploitation, ce qui affecte leur couverture sociale et plus particulièrement leurs droits à pension de retraite.

Toujours dans le domaine social, les difficultés les plus fréquemment évoquées sont évidemment la faiblesse du niveau des retraites (nous y reviendrons au moment de l'exposition des recommandations) et la non-reconnaissance des grossesses pathologiques, qui n'ouvrent pas droit au Service de remplacement, de même d'ailleurs que le mi-temps thérapeutique, non reconnu par la MSA.

Des témoignages ont fait état d'obstacles que rencontrent souvent les jeunes agricultrices pendant leur parcours de formation et d'installation, qu'il s'agisse :

- de l'accès aux stages, plus compliqué pour les jeunes filles élèves de l'enseignement agricole ;

- de l'accès au foncier (certains cédants seraient réticents, lors de leur départ en retraite, à vendre leurs terres à une femme) ;

- ou de l'obtention de la dotation jeune agriculteur (DJA), dont les critères d'attribution (surface, âge, formation) correspondent davantage au profil des agriculteurs qu'à celui des agricultrices.

La persistance d'attitudes d'un autre âge a également souvent été évoquée par toutes les générations rencontrées, avec des échanges tels que : « - Vous pouvez me passer le patron ? - C'est moi » ; « - Où est le chef ? - C'est moi ». Nos interlocutrices ont donc fait part d'une certaine difficulté à faire reconnaître leurs compétences au sein-même de la profession. Sur ce point, je vous invite à regarder, à la fin de l'avant-propos du rapport, un encadré intitulé « paroles d'agricultrices » : c'est un recueil de citations assez édifiant.

Les questions relatives à la conciliation des responsabilités professionnelles et familiales sont également revenues régulièrement, avec le besoin de solutions d'accueil des jeunes enfants en milieu rural. Nous y reviendrons avec les recommandations.

Les insuffisances des services de remplacement sont très souvent revenues. Or ils sont indispensables, par exemple pendant les congés maternité, pour suivre des stages de formation continue ou pour l'exercice de mandats, par exemple dans les syndicats ou les chambres d'agriculture.

Ce qui m'a paru très intéressant, c'est que ces remontées du terrain, ce « vécu » dont nous ont fait part les agricultrices rencontrées, correspondent au diagnostic établi tout récemment par le Parlement européen dans le Rapport sur les femmes et leurs rôles dans les zones rurales que vient d'évoquer Brigitte Gonthier-Maurin.

Ce document souligne par exemple le contraste entre l'apport considérable des femmes à la production agricole et l'absence de statut professionnel qui caractérise de trop nombreuses femmes dans l'agriculture, injustice majeure qui les prive de couverture sociale et d'indépendance financière.

S'agissant plus particulièrement des retraites, le Parlement européen encourage les États membres à « garantir un régime de retraite décent, comprenant une pension nationale minimum ».

Il engage également les pays de l'Union à offrir des solutions de garde d'enfants « de qualité et à un prix abordable » en zone rurale, sans oublier d'ailleurs des services permettant les soins aux personnes âgées et dépendantes, décisifs aussi pour l'équilibre entre vie professionnelle et personnelle.

Marie-Pierre Monier va exposer nos premières recommandations, qui portent sur l'installation des agricultrices et sur la problématique de l'articulation des temps personnel et professionnel.

Mme Marie-Pierre Monier, co-rapporteure. - Je voudrais tout d'abord remercier la Présidente d'avoir accepté ce sujet de travail, et vous faire part de la satisfaction que j'ai eue à faire plusieurs déplacements sur le terrain. Cela a été un grand moment de vous côtoyer tous et toutes en dehors du Sénat.

Je vais vous parler de l'installation des agricultrices et de la problématique de l'articulation des temps personnel et professionnel, qui font l'objet des recommandations nos 1 à 14.

Je rappellerai en préambule que l'installation est un enjeu pour l'agriculture dans son ensemble, alors que le nombre d'agriculteurs en Europe baisse de 25 % tous les dix ans. En France, la diminution est de 56 % en 25 ans, de 1988 à 2013. Les personnes qui souhaitent s'installer en tant qu'exploitant agricole se heurtent à deux principales difficultés : l'accès aux capitaux pour les aider à financer leurs investissements de départ, et l'accès à la terre, dans un contexte d'accroissement de la pression foncière. Il semblerait que ces difficultés soient parfois plus prononcées pour les femmes que pour les hommes, comme l'avait souligné la sociologue Sabrina Dahache au cours du colloque du 22 février dernier.

En effet, les jeunes femmes qui souhaitent s'installer ne sont pas toujours éligibles aux aides à l'installation - ou plus difficilement que les hommes. Ainsi, en 2010, seules 28 % des nouvelles installées ont bénéficié de la dotation jeune agriculteur (DJA), pour 39 % des hommes installés au même âge.

Nous avons identifié plusieurs causes à cette situation :

- premièrement, pour bénéficier de la DJA, le projet doit entre autres remplir des conditions minimales de surface. Or, bien souvent, les surfaces exploitées par les femmes sont inférieures à celles exploitées par les hommes. Plusieurs des agricultrices rencontrées ont indiqué n'avoir pu bénéficier des aides en raison de trop faibles surfaces ;

- deuxièmement, le critère de l'âge limite, fixé à 40 ans, pour prétendre à ces aides, peut pénaliser les femmes dont les projets d'installation sont, comme on l'a vu, souvent plus tardifs que pour les hommes. Ainsi, elles ne représentaient en 2010 que 24 % des installations des moins de 40 ans, et leur âge moyen à l'installation était de 31 ans contre 29 ans pour les hommes.

Pour prendre en compte ces spécificités, nous proposons de mettre à l'étude une évolution des critères d'attribution de la DJA, de façon à les rendre plus compatibles avec le profil des agricultrices : je vous invite à lire la recommandation n° 1.

Nous préconisons aussi de mieux faire connaître le Fonds de garantie à l'initiative des femmes (FGIF) ainsi que les plateformes de dons ou de prêts en ligne, qui peuvent permettre de diversifier les financements (recommandation n° 4).

Plus généralement, nous souhaitons que, dans le cadre de la réforme de la PAC, la dimension de l'égalité entre femmes et hommes soit intégrée avec la plus grande vigilance dans tous les mécanismes d'aides (recommandation n° 3).

S'agissant de l'accès aux terres, il semblerait que les propriétaires agriculteurs à la retraite ne soient pas toujours enclins à louer ou céder leurs terres à une femme, comme l'a dit Brigitte Gonthier-Maurin. Nous recommandons donc une étude systématique sur les difficultés à l'installation et la mise en place de référent-e-s auxquels les nouveaux agriculteurs et agricultrices pourraient s'adresser en cas de problème (recommandation n° 7, 2ème et 3ème paragraphes).

Nous préconisons aussi une diversification de la composition des instances statuant sur l'attribution des terres ou des aides (recommandation n° 2).

Nous avons également noté toute l'importance des stages à l'installation dispensés dans les Centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) pour les jeunes femmes qui souhaitent s'installer après un premier parcours professionnel et qui ont souvent un niveau de diplôme élevé, sans avoir suivi de formation agricole. C'est nécessaire pour leur permettre d'obtenir la capacité agricole qui conditionne les aides. Nous sommes allés au CFPPA de Nyons, dans la Drôme, où la proportion de stagiaires femmes est de 60 %. Nous réaffirmons donc le rôle central des CFPPA (recommandation n° 6).

Enfin, le rapport aborde le sujet de la transmission en soulignant l'intérêt des stages « Reprise d'exploitation agricole » et des initiatives comme les « pépinières », qui permettent l'expérimentation des projets en conditions réelles, avant l'installation (recommandation n° 5).

J'en viens maintenant à la problématique de l'articulation des temps professionnel et personnel. C'est toute la question de l'accès aux services de remplacement, notamment en cas de maternité.

La proportion d'agricultrices recourant au Service de remplacement en cas de maternité est aujourd'hui de 58 %, ce qui reste assez bas. Quatre raisons principales sont ressorties des témoignages : le manque d'information ; le coût du remplacement ; l'inadéquation, voire la carence de l'offre ; et les réticences psychologiques à laisser l'exploitation à des tiers. Les mêmes raisons expliquent peu ou prou le recours encore insuffisant des agricultrices au Service de remplacement pour prendre des congés, suivre une formation ou exercer des responsabilités professionnelles ou syndicales.

Nous recommandons donc d'améliorer la communication sur le Service de remplacement et de sensibiliser les agricultrices aux bénéfices du remplacement (recommandations nos 13 et 14).

De plus, nous préconisons de renforcer l'information des agricultrices sur leurs droits en matière de congé maternité (recommandation n° 9).

En outre, il est évident qu'une bonne articulation des temps professionnel et personnel passe par une offre suffisante de solutions de garde pour les jeunes enfants en milieu rural (recommandation n° 10).

Le développement de politiques enfance et jeunesse au niveau local, en zone rurale, nous paraît également important (recommandation n° 11).

Enfin, nous avons été sensibles à une revendication des agricultrices portant sur la mise en place d'un congé enfant malade (recommandation n° 12).

Je passe la parole à Françoise Laborde qui va vous présenter la problématique des statuts et des revenus des agricultrices.

Mme Françoise Laborde, co-rapporteure. - Je m'associe aux remerciements précédents. Cette période de travail a été très enrichissante, car je n'identifiais pas tous les problèmes des agricultrices. J'en avais une petite idée, puisque nous avons décidé de travailler ce thème, mais les auditions et déplacements réalisés en quatre mois ont permis de soulever beaucoup de difficultés que je n'imaginais pas.

Je vais vous parler d'un sujet qui nous a particulièrement interpellés au cours de nos travaux : celui du statut des agricultrices et de la fragilité de leurs revenus et retraites. Tout est lié.

Si les agricultrices ont progressivement acquis la reconnaissance de leur place sur l'exploitation, avec la création de nouveaux statuts au fil des années, les témoignages que nous avons recueillis tout au long de nos travaux démontrent que leur situation peut encore largement être améliorée à cet égard. Vous trouverez dans le rapport de belles citations de pionnières qui illustrent ce combat.

Premièrement, il reste des agricultrices sans statut, ce qui pose un problème de droits sociaux et de retraite, comme l'a souligné Brigitte Gonthier-Maurin. Les données sont incertaines, mais on estime leur nombre à environ 5 000. Il s'agit généralement de femmes âgées de plus de 50 ans, entrées en agriculture à une époque où les femmes n'avaient pas de statut, et qui n'ont ensuite pas effectué la démarche de choisir un statut, soit parce que cela aurait entraîné des charges supplémentaires pour l'exploitation, soit parce qu'elles n'en ont pas réalisé l'importance, à défaut d'information suffisante.

La recommandation n° 15 préconise donc :

- un recensement aussi précis que possible des agricultrices sans statut ;

- une sensibilisation des agricultrices en activité à l'importance d'avoir un statut et aux préjudices liés à l'absence de couverture sociale, notamment en cas de divorce ;

- une responsabilisation des chefs (et des cheffes) d'exploitations, en rappelant que l'emploi d'une personne sans rémunération et sans statut peut s'apparenter à du travail au noir, comme nous l'a rappelé la Commission des agricultrices de la FNSEA, et peut donc être sanctionné comme tel. Cela peut paraître un peu sévère, mais il faut avancer sur ce sujet ;

- la possibilité de réaliser un audit de l'exploitation concernée pour accompagner le choix du statut le plus adapté.

Deuxièmement, trop d'agricultrices ne sont pas encore suffisamment sensibilisées aux différents statuts et à la protection qu'ils offrent au niveau juridique et social. En particulier, il semble important de leur faire prendre conscience des limites du statut de conjoint collaborateur, qui maintient la personne concernée dans une situation de dépendance vis-à-vis du chef d'exploitation (ou de la cheffe d'exploitation), sans offrir une pleine reconnaissance professionnelle. Nous recommandons donc de rendre transitoire ce statut, comme cela a déjà été fait pour les aides familiales (recommandation n° 16).

Plus généralement, nous préconisons de renforcer l'information sur la pluralité des statuts et sur les droits qui y sont associés (recommandation n° 17) et nous insistons sur la nécessité d'inciter les agricultrices à choisir, si possible, le statut le plus protecteur, c'est-à-dire celui de cheffe d'exploitation, de co-exploitante ou d'associée exploitante. Or, elles ont parfois une appréhension par rapport aux responsabilités qu'il implique. Pourtant, les témoignages recueillis ont mis en exergue les atouts des formes sociétaires pour les femmes.

En ce qui concerne les revenus, nous connaissons le contexte actuel de la crise agricole, qui a des conséquences dramatiques sur les revenus des agriculteurs en général. De nombreuses agricultrices ont évoqué leur souhait de dégager un revenu qui leur permette de vivre correctement de leur travail, notamment lorsque ce travail met en valeur la qualité des produits. C'est une question centrale, puisque la faiblesse des revenus a des répercussions sur le statut, la protection sociale et le niveau des retraites des agriculteurs - et plus encore des agricultrices.

S'il ne nous appartient pas de faire des recommandations sur la crise agricole et sur les revenus des agriculteurs, il ne paraît pas acceptable que des personnes dont la profession est de nourrir le pays se retrouvent dans l'incapacité de se nourrir elles-mêmes et soient contraintes de s'adresser aux Restos du coeur, comme cela nous a été indiqué par plusieurs sources. Et cela ne risque pas de s'arranger dans le contexte actuel ! C'est pourquoi notre recommandation n° 18 vise à attirer l'attention des associations caritatives sur ce public vulnérable, qui n'a pas l'habitude de faire appel à ce type de secours. Car ce que veulent les agriculteurs et agricultrices, c'est vivre de leur travail, pas des aides... Nous en débattrons au moment de l'examen des recommandations.

Par ailleurs, nous avons plusieurs fois entendu le désarroi des agricultrices face à la complexité des démarches et à l'inadaptation des procédures de demandes de RSA et de prime d'activité aux spécificités du métier d'exploitant agricole, qui les découragent d'effectuer des demandes d'aides auxquelles elles ont pourtant droit. Il faut vraiment qu'on y travaille. Nous appelons donc de nos voeux la mise en place de mesures de simplification sur ce point (recommandation n° 19).

Enfin, s'agissant des retraites, je ne vous apprends rien en vous disant que celles des agricultrices sont parmi les plus basses de notre pays, oscillant entre 500 et 600 euros par mois en moyenne (contre environ 800 euros pour les agriculteurs). La faiblesse de leurs retraites est liée à la précarité de leurs statuts, à l'insuffisance des revenus, mais aussi, dans certains cas, à une réticence à cotiser de la part des chefs d'exploitations. Nous formulons donc cinq recommandations sur les retraites des agricultrices (recommandations nos 20 à 24) :

- une information systématique des conjoint-e-s sur l'état des cotisations retraite payées au titre de leur travail par le chef (ou la cheffe) d'exploitation (recommandation n° 20) ;

- une revalorisation à court terme du montant de base des retraites agricoles (cela n'a pas été le cas depuis trois ans). Nous pensons qu'aucune retraite agricole ne devrait être inférieure au minimum vieillesse (recommandation n° 21) ;

- la mise à l'étude d'une évolution de la base de calcul des retraites agricoles, actuellement fondée sur l'intégralité de la carrière, de manière à ne retenir que les 25 meilleures années ou à enlever les années les moins favorables. L'objectif est de mieux prendre en compte les aléas de revenus des agriculteurs au cours de leur période d'activité et la brièveté des carrières en cas d'installation tardive (recommandation n° 22) ;

- le passage à une bonification forfaitaire pour les agricultrices ayant eu au moins trois enfants (recommandation n° 23) ;

- une meilleure information des conditions d'accès à la pension de réversion et un alignement de ces conditions sur celles du droit commun, notamment par la suppression du plafond de revenus qui la caractérise (ou dans un premier temps le relèvement de ce plafond) (recommandation n° 24).

Je cède la parole à Annick Billon qui va vous parler de l'enjeu d'une meilleure prise en compte de la féminisation de la profession agricole.

Mme Annick Billon, co-rapporteure. - Je m'associe évidemment aux remerciements de mes collègues et je voudrais ajouter que nos déplacements sur le terrain ont été très bien perçus par nos interlocuteurs et interlocutrices, suscitant en même temps une forte attente quant à notre rapport : ne les décevons pas !

Je vais vous parler de nos propositions pour mieux prendre en compte la féminisation de la population agricole ; elles concernent plusieurs domaines.

Tout d'abord, des actions doivent être menées dès la formation, qu'elle soit initiale ou continue. Beaucoup de témoignages ont en effet souligné la difficulté pour les jeunes filles à trouver des stages ou à se faire recruter par des maîtres d'apprentissage, ou encore l'inadaptation de certains locaux à la présence de filles dans les filières les plus investies par les garçons. Je pense aux exemples développés au cours de la table ronde du 30 mars dernier, mais aussi aux obstacles évoqués par les jeunes stagiaires et élèves avec lesquelles nous nous sommes entretenues à Toulouse. C'est un constat que nous avons déjà dressé dans d'autres secteurs (on l'avait vu avec le rapport sur les femmes et l'automobile).

Nous estimons donc nécessaire que les structures destinées à héberger des jeunes filles, que ce soit dans les internats de l'enseignement agricole ou lors de stages ou de formations en alternance, soient conçues de la manière la plus adaptée possible.

Dans cette perspective, nous encourageons une politique concertée d'aménagement des lieux d'accueil (écoles et entreprises) et, le cas échéant, l'attribution d'aides spécifiques pour contribuer à la mise en place de ces équipements.

Enfin, nous préconisons de prendre en compte la présence de jeunes filles dans la mise en place de structures d'accompagnement social au sein des internats de l'enseignement agricole (infirmerie et assistance sociale). Les syndicats de l'enseignement agricole public présents à la table ronde du 30 mars dernier ont en particulier regretté le nombre insuffisant d'infirmiers et l'absence d'assistant-e-s sociales (recommandation n° 25).

Par ailleurs, les témoignages que nous avons recueillis au cours de nos auditions et déplacements ont mis en avant le besoin de formations en mécanique pour favoriser l'autonomie des futures agricultrices sur leurs exploitations, notamment pour celles qui, ne venant pas du milieu agricole, n'ont pu acquérir de compétence en ce domaine dans l'exploitation familiale.

Nous recommandons donc que des stages et ateliers, notamment de mécanique, puissent être systématiquement proposés aux élèves de l'enseignement agricole ou aux stagiaires de la formation continue (recommandation n° 26).

Faire en sorte que les agricultrices soient plus à l'aise dans leur métier passe aussi par une généralisation de l'ergonomie des outils et matériels agricoles pour les adapter à la morphologie féminine et par le développement d'une offre de vêtements mieux conçus pour les femmes. Nous en avons parlé en Bretagne et en Vendée ! Je vous renvoie sur ce point aux recommandations nos 28 et 29.

Prendre en compte la féminisation de la population agricole, c'est aussi permettre aux agricultrices d'accéder davantage à la formation continue, indispensable pour les aider à prendre confiance en elles et à acquérir de nouvelles compétences, alors qu'elles sont aujourd'hui davantage contributrices que bénéficiaires au fonds VIVÉA. Cela implique de trouver des solutions aux blocages qui les empêchent de se former et qui tiennent essentiellement au coût de la formation et aux modalités d'organisation.

Pour cela, nous considérons avec intérêt les propositions en faveur d'une organisation des stages davantage compatible avec d'importantes contraintes horaires (réduction du temps de présence, séquences de formations à distance) et nous recommandons la mise à l'étude, par la MSA, de chèques emplois services prépayés pour financer le recours à une aide à domicile pendant le temps d'absence lié à la formation (recommandation n° 27).

En outre, il nous semble fondamental de mieux intégrer les enjeux de la santé des femmes dans l'exercice de la profession agricole. Plusieurs témoignages ont évoqué la question de la santé des agricultrices enceintes et les risques qui peuvent exister pour l'enfant, pendant la grossesse, en cas d'exposition de l'agricultrice à des pesticides ou à des maladies touchant les animaux.

Nos recommandations sur la santé (nos 30 à 32) concernent donc en particulier la santé maternelle et infantile : mise en oeuvre d'une évaluation des conséquences de la manipulation de tous les produits (pesticides...) et médicaments vétérinaires utilisés dans l'agriculture et l'élevage et diffusion de ses conclusions ; formation et sensibilisation de tous les professionnels concernés sur les précautions à adopter lors de la manipulation de ces produits ; mise à l'étude d'un congé pour grossesse pathologique ; formation des agricultrices et futures agricultrices aux bonnes pratiques permettant d'éviter les troubles musculo-squelettiques (TMS) ; amélioration de l'offre de soins gynécologiques en milieu rural pour assurer à toutes le dépistage du cancer du sein ou du col de l'utérus...

Enfin, il faut aussi améliorer l'accueil des femmes victimes de violences en milieu rural. Ces violences ne sont pas plus importantes en proportion qu'en milieu urbain, mais elles sont souvent moins facilement dénoncées, d'autant que le réseau des associations spécialisées n'atteint pas toujours les régions rurales. En outre, les femmes sans statut sont dépendantes économiquement de leur conjoint, ce qui ne les incite pas à parler.

Nous saluons donc l'action de la MSA, qui a mis en place une cellule de crise et d'écoute dédiée aux violences faites aux femmes en milieu rural. Il convient que cette initiative fasse l'objet d'une large communication. Nous recommandons aussi la désignation et la formation de référent-e-s agissant comme les relais des associations spécialisées (recommandation n° 33).

Je laisse la parole à Corinne Bouchoux pour évoquer les moyens de susciter des vocations chez les jeunes filles, la valorisation du travail des agricultrices et leur accès aux responsabilités.

Mme Corinne Bouchoux, co-rapporteure. - C'est à moi qu'il revient de conclure cette présentation à sept voix pour vous parler de la nécessité de renforcer la reconnaissance des agricultrices, afin qu'émergent des modèles auxquels les jeunes filles peuvent s'identifier.

Nous avons constaté dans le cadre de la table ronde du 30 mars sur l'enseignement agricole et la formation des agricultrices, et cela a été confirmé lors du déplacement à Toulouse sur ce thème, que les stéréotypes dans le monde agricole sont encore en action. Les jeunes filles ne sont pas incitées à choisir des filières majoritairement masculines. Pour faire simple : aux garçons la production, aux filles les animaux et les services !

Or, cette répartition sexuée des filières est porteuse d'inégalités, puisqu'on constate que l'insertion professionnelle des jeunes filles de l'enseignement agricole est moins aisée que celle de leurs homologues masculins.

Pour lutter contre les stéréotypes et susciter des vocations d'agricultrices chez les jeunes filles, nous recommandons de les sensibiliser à la diversité des métiers agricoles dès le collège. Nous préconisons aussi de développer les bonnes pratiques visant à faire découvrir les métiers de la production agricole aux filles (et ceux de services aux garçons). Enfin, il nous paraît décisif de travailler sur les supports de communication présentant les débouchés de l'enseignement agricole, en veillant à ce que, par le vocabulaire et les images choisis, ils « parlent » aux jeunes filles comme aux jeunes garçons (recommandation n° 34).

Lutter contre les stéréotypes passe aussi par une intensification de la sensibilisation et de la formation de la communauté éducative et des familles aux enjeux de la féminisation de l'agriculture (recommandation n° 35) et par une valorisation des initiatives ayant pour objectif de favoriser l'égalité entre les filles et les garçons dans l'enseignement agricole (je citerai notamment le réseau Insertion-égalité).

Ensuite, une excellente façon de renforcer la reconnaissance des femmes dans l'agriculture consiste à mettre à l'honneur des agricultrices, dans le cadre de remises de prix ou de trophées. Nous avons été favorablement impressionnés par la mise en place de prix dans plusieurs territoires, qui ont été mis en valeur lors du colloque du 22 février dernier et sont présentés en détail dans le rapport : le prix des agricultrices de Lorraine, le prix de l'installation des femmes en agriculture de la Lozère, le prix des femmes en agriculture dans l'Eure, et j'en oublie sans doute...

Nous attachons beaucoup d'intérêt à de telles initiatives exemplaires, car ces prix sont susceptibles de créer des modèles à destination des plus jeunes et de rendre le métier d'agricultrice attractif et enviable pour les femmes.

Nous recommandons donc la poursuite et la généralisation à toutes les régions des « prix femmes en agriculture ». Ces manifestations pourraient se tenir de façon opportune, soit le 15 octobre à l'occasion de la Journée internationale de la femme rurale, soit, plus classiquement, le 8 mars (recommandation n° 36).

Je voudrais également citer la manifestation organisée par Jeunes agriculteurs : « Graine d'agriculteurs - Les trophées de l'installation » qui, sans réserver un trophée spécifique aux femmes, a permis de mettre à l'honneur, au cours de ses dernières éditions, plusieurs jeunes agricultrices (souvenons-nous par exemple de Marie-Blandine Doazan, présidente de Jeunes agriculteurs de Haute-Garonne, finaliste de l'édition 2014 de Graines d'agriculteurs - Les trophées de l'installation, présente au colloque du 22 février et lors du déplacement en Haute-Garonne).

Au-delà de ces prix, il faut développer ce que nous appelons une « communication positive ». Dans cette logique, nous souhaitons que les organisateurs de salons, événements et manifestations diverses autour de l'agriculture veillent à éviter de ne s'adresser qu'au public masculin et à insérer des portraits et témoignages d'agricultrices dans leurs supports de communication (recommandation n° 37).

Sur ce point, je citerai une initiative pilote : le programme « Femme et homme en agriculture » de la Chambre d'agriculture des Ardennes, qui nous a été présenté au colloque du 22 février par l'exploitante d'une ferme équestre pédagogique et d'un camping à la ferme, membre du Bureau de la Chambre d'agriculture des Ardennes et référente de ce projet.

Cette initiative a d'ailleurs été inspirée par le groupe « Égalité-parité : agriculture au féminin » de la Chambre d'agriculture de Bretagne, dont la très dynamique présidente a participé au colloque du 22 février et a permis à mes collègues co-rapporteur-e-s de passer une journée extrêmement édifiante en Bretagne. Il s'agit là d'une réalisation exemplaire, car nous savons bien que la mise en place de réseaux féminins est un élément essentiel de l'autonomie professionnelle des femmes, de la diffusion de bonnes pratiques, de prise de confiance en soi et de mentoring. Notre recommandation n° 38 vise donc à encourager la diffusion de tels réseaux dans d'autres régions.

J'en viens maintenant à la question, centrale, de la place des femmes dans la gouvernance agricole, qui fait l'objet des recommandations nos 39 et 40. Pour aller à l'essentiel, je me bornerai aux chambres d'agriculture : la loi du 4 août 2014 prévoyait, je cite, « au moins un candidat de chaque sexe par groupe de trois », ce qui devait permettre l'élection d'un tiers de femmes à peu près. La moyenne nationale est de 27 %. Cette proportion reflète la part des cheffes d'exploitations dans la population agricole.

Or, un fait que nous connaissons bien : les Bureaux des chambres d'agriculture (CA), qui n'ont fait l'objet d'aucune contrainte législative, sont quant à eux restés très majoritairement masculins...

C'est pourquoi nous proposons que cette proportion d'un tiers, qui existe déjà pour les membres des chambres d'agriculture et, depuis la loi d'avenir pour l'agriculture, pour les SAFER, s'étende aux présidences de commissions et aux Bureaux des chambres d'agriculture.

Nous faisons la même recommandation à l'égard des instances dirigeantes des syndicats agricoles. Christiane Lambert nous l'a dit elle-même : elle a été élue par un Conseil d'administration où siègent 17 % de femmes. Chez Jeunes agriculteurs, on compte deux femmes pour les 37 membres du Bureau et du Conseil d'administration (soit 5,4 %). La Confédération paysanne et la Coordination rurale semblent pour leur part se rapprocher de notre objectif.

Quant aux coopératives, nous avons eu des témoignages de femmes qui peinent à s'y faire écouter, mais nous ne disposons pas de données chiffrées suffisamment précises sur leurs instances de gouvernance. La dernière recommandation (n° 40) suggère donc l'établissement de statistiques sur ce point et invite les coopératives à associer les femmes à leurs structures de décision, à raison d'un tiers.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je vous remercie. Nous allons maintenant examiner successivement les quarante recommandations dont ce rapport est assorti.

La recommandation n° 1 concerne la dotation jeune agriculteur (DJA). Il s'agit d'adapter ses critères d'attribution aux agricultrices, qui s'installent souvent plus tard que les hommes et dont les surfaces d'exploitation sont moins importantes.

Mme Marie-Pierre Monier, co-rapporteure. - Je propose une nouvelle rédaction de l'alinéa concernant la surface minimale d'exploitation, de manière à renvoyer à la « modulation » de ce critère. Il faut rappeler qu'à la base, celui-ci est destiné à permettre de s'assurer que l'exploitation que l'on envisage d'aider est viable.

Mme Françoise Laborde, co-rapporteure. - On peut le comprendre, en effet...

Mme Marie-Pierre Monier, co-rapporteure. - Il me semble aussi que nous devrions suggérer une autre dénomination pour cette aide, qui pourrait s'intituler « Dotation nouvel agriculteur » (ou « nouvelle agricultrice »).

M. Patrick Chaize. - Sur ce dernier point, la DJA est finalement une aide à l'installation...

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Le texte initial de la recommandation qui vous est soumis est rédigé de manière neutre : nous nous bornons à préconiser la mise à l'étude d'une réévaluation des critères d'attribution de la DJA. Mais ces propositions d'amendement, il me semble, en améliorent la clarté. Il n'y a pas d'opposition ? Nous retenons donc les amendements de notre collègue co-rapporteure et adoptons la première recommandation dans ce nouveau texte.

La recommandation n° 1, ainsi modifiée, est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 2 concerne le renouvellement et la diversification de la composition des instances et commissions qui statuent sur l'attribution des terres, des aides et sur les autorisations d'exploitation, de façon à l'adapter davantage aux profils actuels des candidat-e-s à l'installation (hors cadre familial, femmes, néo-ruraux, etc.).

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, co-rapporteure. - Certes, l'attribution des terres et des aides est importante pour permettre l'installation des nouveaux agriculteurs. Mais il ne faut pas oublier l'accès au crédit, dont de nombreuses interlocutrices de notre groupe de travail ont souligné la difficulté particulière, semble-t-il, pour les femmes. J'ai donc l'impression que cette recommandation pourrait être étendue à la nécessité de sensibiliser les établissements bancaires aux besoins des agricultrices.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Cela me semble en effet refléter les « échos du terrain », comme le disait Didier Mandelli, dont ce rapport est issu. Cette phrase pourrait être ainsi rédigée : « La délégation souhaite sensibiliser les établissements bancaires et de crédit à la nécessité de ne pas méconnaître les besoins des agricultrices en matière de crédits lors de leur installation ».

M. Patrick Chaize. - Ne pourrait-on pas parler plutôt des établissements ou organismes de financement ?

M. Didier Mandelli, co-rapporteur. - Effectivement, cela me semble pertinent de se référer aux organismes de financement.

Après débat entre Mmes Laborde, Blondin, Gonthier-Maurin, Jouanno, MM.  Chaize et Didier Mandelli, la recommandation n° 2, ainsi amendée, est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 3 vise à intégrer avec la plus grande vigilance la dimension de l'égalité entre femmes et hommes dans tous les mécanismes de la PAC. Il n'y a pas d'opposition ? Nous sommes donc tous d'accord.

La recommandation n° 3 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 4 préconise, à destination des futures agricultrices (élèves de l'enseignement agricole scolaire, apprenties et stagiaires à l'installation), une communication systématique sur les aides dédiées à la création d'entreprise par des femmes, comme le Fonds de garantie à l'initiative des femmes (FGIF). Elle vise aussi à les informer des nouveaux outils de financement que constituent par exemple les plateformes de dons ou prêts en ligne. Là encore, je ne vois pas d'objection.

La recommandation n° 4 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidenteLa recommandation n° 5 vise à mieux faire connaître, dans les différents territoires, les stages « Reprise d'exploitation agricole » et souligne l'intérêt d'initiatives telles que les « pépinières », qui permettent l'expérimentation des projets en conditions réelles, avant l'installation. Il me semble que nous sommes tous d'accord.

La recommandation n° 5 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidenteLa recommandation n° 6 rend hommage aux Centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA), acteurs clés de la formation adulte et de la promotion sociale des agricultrices. Je ne vois pas comment il pourrait y avoir d'opposition...

La recommandation n° 6 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidenteLa recommandation n° 7 est favorable à la production systématique de statistiques sexuées concernant l'insertion professionnelle des diplômé-e-s de l'enseignement agricole, à tous les niveaux et dans les différentes filières, ainsi qu'à la production d'une étude systématique sur les difficultés à l'installation ressenties par les hommes et les femmes, qu'il s'agisse de l'accès aux aides ou à la terre. En cas de difficultés, nous nous prononçons aussi pour la désignation d'un-e référent-e dédié-e. Je fais observer que cette recommandation concerne les agriculteurs comme les agricultrices...

Mme Maryvonne Blondin. - Je suggère que nous « soutenions » l'établissement de ces statistiques plutôt que de les « préconiser », car certaines d'entre elles me semblent d'ores et déjà prises en compte, au moins au niveau théorique.

Mme Michelle Meunier. - En effet, il y a eu beaucoup d'avancées dans ce domaine et un certain nombre de mesures existent à cet égard.

Mme Chantal Jouanno, présidente- Je ne vois pas d'inconvénient à la suggestion de Maryvonne Blondin, mais il me semble que la désignation de référent-e-s pour écouter les agriculteurs et agricultrices nouvellement installé-e-s, qui correspond à une demande de certaines de nos interlocutrices, n'est pas prévue à ce jour.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin- Par cohérence avec mon précédent amendement, je propose que nous intégrions l'accès aux financements parmi les difficultés d'installation dont le suivi s'impose.

Mme Chantal Jouanno, présidente. Vous avez raison, nous allons insérer cette référence au dernier alinéa de cette recommandation.

La recommandation n° 7, modifiée par ces deux propositions, est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. Il s'agit, par la recommandation n° 8, de plaider pour une extension rapide, à l'ensemble du territoire, de la couverture réseau. Nous sommes tous favorables, je pense, à une suppression urgente des « zones blanches » : nous savons que l'accès à Internet et à la téléphonie mobile est devenu un élément essentiel de la gestion des exploitations agricoles et de l'organisation de la vie quotidienne, a fortiori en milieu rural. Nous avons aussi été sensibilisés au fait que l'accès au réseau contribue à limiter l'isolement des agricultrices. Je ne vois aucune opposition !

La recommandation n° 8 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Il me semble que la recommandation n° 9, qui vise une information systématique des agricultrices sur leurs droits à congé maternité, devrait susciter l'adhésion de tous et toutes.

La recommandation n° 9 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. La recommandation n° 10 plaide en faveur d'une vigilance particulière des collectivités pour développer des solutions d'accueil des jeunes enfants en milieu rural, y compris par le biais de solutions innovantes et flexibles prenant en compte les contraintes du métier agricole.

Mme Marie-Pierre Monier, co-rapporteur. - Pourquoi ne faire appel qu'aux collectivités ? C'est aussi une responsabilité forte de l'État...

M. Patrick Chaize. - C'est une compétence locale...

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Pourrions-nous dans ce cas parler, de manière plus neutre, des « pouvoirs publics » ?

M. Didier Mandelli, co-rapporteur. - Et pourquoi ne pas se référer aux « acteurs » ?

Après débat entre Mmes Jouanno, Billon, Blondin, MM. Chaize et Mandelli, la délégation décide de formuler la recommandation de manière à attirer l'attention des « pouvoirs publics et acteurs locaux » sur l'importance du développement de solutions innovantes pour l'accueil des jeunes enfants en zone rurale. La recommandation n° 10, ainsi amendée, est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 11 concerne l'importance des politiques « Enfance-jeunesse » en milieu rural : les politiques d'accueil des jeunes enfants sont en effet décisives, mais il ne faut pas oublier les adolescents et les jeunes qui doivent, eux aussi, pouvoir bénéficier, par exemple, d'activités sportives et culturelles. Cette recommandation est inspirée d'un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur les jeunes en milieu rural, dont Danielle Even, qui préside la Chambre d'agriculture des Côtes-d'Armor, est co-rapporteure. Entre autres constats, ce rapport souligne la nécessité de ces politiques « Enfance-jeunesse ». Je constate un large consensus sur cette recommandation !

La recommandation n° 11 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 12 est importante. Elle répond à une demande que nous avons fréquemment entendue : la mise en place d'un congé pour enfant malade. La formule que nous proposons vise à donner accès aux parents (nous visons les agriculteurs comme les agricultrices), soit au Service de remplacement, soit à un chèque emploi-service universel (CESU) prépayé, comme cela existe déjà dans certaines structures. Nous proposons à la MSA de mettre cette question à l'étude.

Mme Marie-Pierre Monier, co-rapporteure. - L'accès au remplacement est décisif pour les agricultrices ! C'est un aspect majeur de notre rapport.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, co-rapporteure. - Il semble qu'il y ait des inégalités d'accès aux services de remplacement, et c'est une question cruciale pour les agricultrices que nous avons rencontrées.

Mme Chantal Deseyne. - Je suis très favorable à cette recommandation, mais j'observe que le besoin de remplaçants n'est pas propre à l'agriculture : il concerne aussi les artisans et commerçants.

M. Didier Mandelli, co-rapporteur. - Notre rédaction est très prudente : nous suggérons ? Pourquoi ne pas demander ? C'est très important !

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je ne demande pas mieux, mon cher collègue. Je soumets aux votes la recommandation n° 12 dans le texte issu de l'amendement de Didier Mandelli.

La recommandation n° 12, ainsi amendée, est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Nous abordons la recommandation n° 13 qui recommande la diffusion d'un fascicule d'information recensant toutes les possibilités offertes aux agriculteurs et agricultrices en matière de remplacement. Je ne vois pas d'opposition !

La recommandation n° 13 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 14 vise à encourager les agricultrices à recourir plus couramment aux services de remplacement. L'un des freins à un recours plus large à ces prestations réside dans le fait que de trop nombreux utilisateurs et utilisatrices pensent, à tort, qu'ils sont liés aux remplaçant-e-s désigné-e-s par les services de remplacement. Or il est possible, si le profil recruté ne correspond pas aux besoins, de recourir à une personne de son choix.

Mme Chantal Deseyne. - C'est en effet très important. Il faut diffuser cette information.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, co-rapporteure. - Nous avons entendu parler d'inégalités, selon les territoires, concernant l'accès au remplacement et son coût. Il y a, me semble-t-il, besoin d'une harmonisation de ces prestations.

Mme Corinne Bouchoux, co-rapporteure. - Cela me semble difficile, car les services de remplacement sont, par nature, très largement déconcentrés et gérés au plus près du terrain, dans l'intérêt d'ailleurs des agriculteurs et agricultrices !

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je comprends, mais cela n'empêche pas que nous demandions un état des lieux qui fasse le point sur les prestations assurées, et à quel coût pour ceux et celles qui les utilisent, selon les territoires. Je propose que cette recommandation soit complétée en conséquence.

La recommandation n° 14, ainsi amendée, est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 15 concerne le problème des agricultrices sans statut, dont nos co-rapporteur-e-s ont souligné la gravité. Nous sommes au coeur du sujet. Notre recommandation vise à établir un recensement des agricultrices sans statut et, surtout, à responsabiliser les chefs d'exploitation pour attirer leur attention sur les risques encourus en cas de non déclaration de leur conjointe ou conjoint. Je souligne que cette recommandation s'adresse tant aux hommes qu'aux femmes qui se trouvent à la tête d'exploitations...

Après débat entre M. Gournac et Mmes Blondin, Monier et Gonthier-Maurin, la recommandation n° 15 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 16 préconise de rendre transitoire le statut de conjoint collaborateur (ou « conjointe collaboratrice »), en s'inspirant du délai de cinq ans prévu pour les aidants familiaux.

M. Alain Gournac. - Pour ma part, je pense que cette période transitoire, fixée par la recommandation à cinq ans, devrait être limitée à quatre ans, voire moins.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Nous pourrions en effet nous référer à une période de cinq ans « maximum ».

Après débat entre M. Gournac, Mmes Blondin, Monier et Gonthier-Maurin, la recommandation n° 16 ainsi amendée est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 17 concerne l'instauration d'un rendez-vous systématique, inspiré de ce qui existe afin de faire le point sur les droits acquis en matière de retraite, pour informer les candidat-e-s à l'installation, sans oublier celles et ceux qui s'apprêtent à rejoindre leur conjoint-e chef-fe d'exploitation, des différents statuts envisageables et des garanties qui leur sont associées. Je ne vois pas d'opposition ?

La recommandation n° 17 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 18 donne suite à une remontée du terrain tirant les conséquences de la fragilité des revenus qui touche, hélas, des familles d'agriculteurs. Vous vous souvenez que la présidente de la FNSEA a parlé de « profession oubliée ». Il s'agit de faire en sorte que, en cas de grave difficulté, les agriculteurs et agricultrices ne soient pas oubliés par les organisations caritatives qui peuvent les aider.

M. Alain Gournac. - Nous devons prendre en compte la précarité qui atteint la profession agricole, c'est certain. Il faudrait toutefois veiller à éviter que le monde agricole se sente stigmatisé par cette recommandation. Nous connaissons l'attachement des agriculteurs et agricultrices à la « valeur travail ». Ils ne demandent qu'à vivre de ce travail !

M. Didier Mandelli, co-rapporteur. - C'est vrai, mais le monde agricole est aussi confronté à la nécessité de recourir à ce type de secours... Nous en avons eu d'ailleurs plusieurs témoignages. J'estime que nous devrions mentionner, avec les associations caritatives, les centres communaux d'action sociale (CCAS).

Mme Maryvonne Blondin. - Je suis d'accord avec cette suggestion, il est très important de mentionner le rôle des CCAS.

La recommandation n° 18, ainsi amendée, est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Nous en venons à la recommandation n° 19, qui a pour objet de faciliter l'accès des agriculteurs et agricultrices aux RSA et primes d'activité.

Mme Marie-Pierre Monier, co-rapporteure. - Il me semble que ce qui est en question, c'est aussi l'information sur ces droits. J'ai l'impression que trop d'agriculteurs, et donc d'agricultrices, ignorent purement et simplement qu'ils peuvent y prétendre.

M. Alain Gournac. - Je peux témoigner que j'ai entendu maintes fois des agriculteurs, par exemple en Normandie, déclarer avec conviction qu'ils n'avaient pas droit à ces revenus. C'est vraiment malheureux ! Il faut faire un effort de communication à leur attention.

Mme Chantal Deseyne. - Pour ma part, je tiens vraiment à ce que la rédaction que nous allons adopter pour cette recommandation mentionne, comme c'est le cas dans le document que nous avons reçu, la simplification des demandes. Nous savons combien ces procédures sont complexes et décourageantes pour trop de personnes...

Mme Chantal Jouanno, présidente. - J'ai l'impression que nous sommes arrivés à un accord. Je mets donc aux voix le texte de la recommandation n° 19 tenant compte de ces modifications : simplification des demandes de RSA et information systématique des agriculteurs et agricultrices sur les droits en la matière.

La recommandation n° 19, ainsi amendée, est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 20 a trait à la nécessité d'informer les conjoints, les femmes comme les hommes, de l'état des cotisations acquittées au titre de leur travail par le chef d'exploitation, qui peut être une cheffe, nous devons le souligner... Je vois que cette rédaction satisfait tout le monde.

La recommandation n° 20 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 21 concerne la nécessaire revalorisation des retraites agricoles. Nous avons à cet égard un message simple : aucune retraite agricole ne doit être inférieure au minimum vieillesse. Je constate, là encore, une belle unanimité.

La recommandation n° 21 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - J'imagine que l'unanimité est la même pour les modalités de calcul des retraites agricoles ?

Mme Maryvonne Blondin. - Je soutiens résolument toutes nos recommandations concernant les retraites !

Mme Chantal Deseyne. - C'est une question de justice. Il s'agit là d'un sujet majeur !

La recommandation n° 22 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 23 vise la bonification pour enfants, pour laquelle nous préconisons une bonification forfaitaire.

M. Alain Gournac. - Je soutiens résolument cette recommandation !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - J'y suis très favorable !

La recommandation n° 23 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Nous passons à la recommandation n° 24 qui vise à améliorer l'accès aux pensions de réversion. J'observe, sur ce point aussi, un consensus entre nous.

La recommandation n° 24 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Nous passons aux recommandations dont l'objet est une meilleure prise en compte de la féminisation de la profession agricole. La recommandation n° 25 concerne la nécessité de locaux adaptés à l'accueil de jeunes filles dans les internats de l'enseignement agricole et dans les structures où sont hébergées des apprenties. Je ne vois pas d'objection.

La recommandation n° 25 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 26 souligne l'importance d'une formation des futures agricultrices au maniement des outils et des matériels agricoles. Nous avons constaté qu'une connaissance de la mécanique est importante pour répondre aux besoins quotidiens d'une exploitation. Or les agricultrices n'ont pas toujours le « bagage » nécessaire en la matière. Il faut donc les encourager, du moins celles qui le souhaitent, à l'acquérir. Cela concerne tant la formation initiale que la formation continue.

Mme Chantal Deseyne. - Mais les professionnels, dont c'est le métier, jouent un rôle important dans l'environnement des exploitations agricoles !

Mme Annick Billon. - Il ne s'agit pas de faire des agricultrices ou futures agricultrices des mécaniciennes professionnelles, mais de leur enseigner le « kit » de base pour faire tourner leur exploitation au quotidien, sans avoir besoin de faire appel à leur mari - ou à un technicien - pour un oui ou pour un non. L'idée est qu'elles puissent être autonomes et leur éviter d'engager des dépenses pour de petites réparations très simples. Savoir vérifier un niveau d'huile, par exemple, peut leur rendre un grand service, sans pour autant faire concurrence aux entreprises dont on aura toujours besoin... Aujourd'hui, quand on passe le permis de conduire, on doit avoir des connaissances de base en mécanique. C'est important ! D'autant qu'il ne s'agit que de formations non obligatoires : ces stages dont la recommandation encourage la création et la généralisation s'adressent à des volontaires.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Il s'agirait d'ailleurs plus d'une initiation que d'une formation.

M. Didier Mandelli, co-rapporteur. - Le texte proposé vise les agricultrices, mais il faudrait l'étendre aux agriculteurs. J'en ai fait l'expérience quand j'étais élève de l'enseignement agricole : n'étant pas issu d'une famille d'agriculteurs, j'ai dû passer du temps à apprendre à conduire un tracteur et à manipuler les matériels d'usage courant. Ce n'était pas le cas de mes camarades qui avaient pu acquérir ces compétences dans l'exploitation familiale...

Mme Marie-Pierre Monier. - Je propose que notre texte se réfère, plutôt qu'à la notion de mécanique, à celle de « techniques d'utilisation des outils et matériels agricoles », qui couvre un champ plus large.

M. Didier Mandelli, co-rapporteur. - Pour ma part, je suggère que l'alinéa qui évoque les stages et ateliers mentionne une « initiation à la conduite et à la maintenance des matériels agricoles ».

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je note que ces stages doivent concerner aussi les hommes. Je vais donc mettre aux voix cette recommandation dans le texte issu de vos divers amendements.

La recommandation n° 26, ainsi amendée, est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 27 a pour objet l'organisation des stages de formation continue : il s'agit de les adapter à des personnes dont les disponibilités horaires sont, pour des raisons diverses - éloignement, charges de famille - limitées.

Mme Maryvonne Blondin. - Ces formations sont importantes aussi parce qu'elles contribuent à créer des réseaux d'agricultrices. Elles sortent les agricultrices de l'isolement et favorisent des échanges très bénéfiques.

La recommandation n° 27 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 28 concerne l'ergonomie du matériel agricole.

La recommandation n° 28, modifiée par un amendement rédactionnel de Mme Monier, est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 29 concerne l'intérêt, pour les agricultrices, de vêtements de travail adaptés.

Mme Maryvonne Blondin. - J'y attache beaucoup d'importance. C'est un sujet dont nous avons parlé en Bretagne.

La recommandation n° 29 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Nous abordons trois recommandations concernant la santé. La recommandation n° 30 vise l'évaluation des conséquences, pour la santé maternelle et infantile, du maniement de substances (pesticides, médicaments vétérinaires, etc.) utilisées dans l'agriculture et dans l'élevage. Elle a également pour objet la sensibilisation de tous les professionnels à leurs conséquences potentielles. Elle porte enfin sur la mise à l'étude d'un congé pour grossesse pathologique. Nous sommes tous d'accord, il me semble !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, co-rapporteure. - Nous sommes évidemment très sensibles à ces questions.

Mme Françoise Laborde, co-rapporteure. - Annick Billon et moi-même avons d'ailleurs consacré un rapport à ces sujets en juillet 2015, dans le cadre de l'examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé1(*).

La recommandation n° 30 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation suivante concerne la prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS).

M. Didier Mandelli, co-rapporteur. - Nous devrions l'étendre aux hommes. Eux aussi sont concernés !

La recommandation n° 31, ainsi amendée, est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 32 vise à renforcer l'accès aux examens gynécologiques en zone rurale, notamment par des solutions innovantes tels que des bus itinérants spécialement équipés.

La recommandation n° 32 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - L'amendement n° 33 concerne les violences conjugales en milieu rural. Notre collègue Alain Gournac, contraint de nous quitter, m'a fait part il y a quelques instants de sa particulière vigilance sur ce sujet et de son implication dans la lutte contre les violences faites aux femmes en général.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, co-rapporteure. - Il me semble qu'il faudrait, par cohérence avec la rédaction du deuxième alinéa de ce texte, mentionner, à la fin de la recommandation, les délégations départementales et régionales aux droits des femmes, quand il est question du maillage territorial à constituer là où il n'existe pas d'association spécialisée dans l'accueil des victimes. Ces délégations devraient être associées à la constitution de ce maillage. On a bien vu sur d'autres sujets que la mise en réseau de tous les professionnels est un gage d'efficacité.

La recommandation n° 33, ainsi amendée, est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Les recommandations nos 34 et 35 visent à encourager les vocations d'agricultrices dès le collège et à sensibiliser la communauté éducative aux stéréotypes susceptibles de détourner des jeunes filles des filières agricoles.

Les recommandations nos 34 et 35 sont adoptées.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Vous serez d'accord aussi, je pense, avec la recommandation n° 36 qui favorise des prix régionaux mettant à l'honneur des agricultrices, et qui pourraient être remis solennellement, par exemple, à l'occasion de la Journée internationale de la femme rurale, le 15 octobre.

La recommandation n° 36 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 37 concerne l'utilité d'une communication positive sur le rôle des femmes dans l'agriculture.

La recommandation n° 37 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 38 salue l'action du groupe breton « Égalité-parité : agriculture au féminin », et suggère d'en étendre l'exemple aux autre régions.

Mme Maryvonne Blondin. - En tant qu'élue bretonne, je ne peux pas m'y opposer !

La recommandation n° 38 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - La recommandation n° 39 concerne la gouvernance des chambres d'agriculture et des syndicats agricoles.

La recommandation n° 39 est adoptée.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Quant à la recommandation n° 40, elle encourage la féminisation des instances dirigeantes des coopératives agricoles.

Mme Marie-Pierre Monier, co-rapporteure. - Pour siéger dans les instances dirigeantes des coopératives agricoles, il faut avoir un statut. On risque donc de se heurter à la question des statuts des agricultrices. Ainsi, selon les structures des exploitations dans un territoire, il se peut que des coopératives ne soient matériellement pas en mesure d'atteindre l'objectif souhaité d'un tiers d'agricultrices dans leurs instances.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - C'est néanmoins cet objectif que nous devons ambitionner. Nous avons par ailleurs entendu des témoignages d'agricultrices qui peinent à faire entendre leur voix dans ces structures. La féminisation de celles-ci correspond aussi à une recommandation du Parlement européen, comme l'ont fait observer les co-rapporteur-e-s. La féminisation de ces instances fait donc partie des orientations positives auxquelles nous devons aspirer.

La recommandation n° 40 est adoptée.

Je constate que toutes nos recommandations ont été adoptées à l'unanimité ! Je me félicite de ce consensus.

Nous abordons maintenant le titre du rapport. Vous avez dans vos dossiers les différentes propositions qui vous sont soumises :

- Femmes et agriculture : pour l'égalité dans les territoires ;

- Femmes et agriculture : un enjeu/défi d'égalité au coeur des territoires ;

- Femmes et ruralité : un enjeu/défi pour assurer l'égalité au coeur des territoires.

Après débat entre Mmes Jouanno, Laborde, Deseyne, Monier, Blondin, Gonthier-Maurin, MM Chaize et Mandelli, la délégation adopte le premier titre : « Femmes et agriculture : pour l'égalité dans les territoires ».

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je vais mettre aux voix notre rapport, les quarante recommandations qui le concluent ainsi que le titre que nous venons de choisir.

Le rapport assorti de ses 40 recommandations ainsi que son intitulé sont alors adoptés à l'unanimité.


* 1 Rapport n° 592 (2014-2015) : Femmes et santé : les enjeux d'aujourd'hui.