Mercredi 5 juillet 2017

- Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président -

La réunion est ouverte à 18 h 35.

Audition de Mme Florence Parly, ministre des armées

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Au nom de la commission, je vous souhaite, madame la ministre, la bienvenue, et vous remercie de vous être rendue disponible moins de deux semaines après votre nomination au gouvernement.

Vous prenez vos fonctions dans une période particulièrement tendue, alors que la menace est puissante, inquiétante, et toujours innovante, et crée donc des besoins importants pour la défense nationale. Il faut en effet assurer, à la fois, le rattrapage des moyens humains et de l'équipement conventionnel qu'impose la densité de notre activité sur les différents théâtres. A quoi s'ajoutent le défi majeur de la dissuasion nucléaire et la nécessité de trouver de nouvelles ressources pour les exigences nouvelles du renseignement et de la cyberdéfense.

Nous avons accueilli votre nomination avec intérêt, conscients que votre expérience en matière budgétaire sera utile au ministère et à nos forces armées, qui ont besoin de capacités à la hauteur de leurs missions. Dans le rapport 2 % du PIB pour la défense qu'avec Daniel Reiner j'ai cosigné, nous avons rassemblé ce que j'appellerai la « sédimentation réflexive » de notre commission, fruit d'un travail engagé depuis plusieurs années avec le souci de nous attacher, au-delà des seules considérations tactiques, aux enjeux véritablement stratégiques, dans une éthique de responsabilité. Parmi ces réflexions, que nous avons présentées à votre prédécesseur et au Président de la République, certaines ont été entendues, mais il nous reste, sur d'autres, des interrogations.

Le gouvernement nous a entendus en engageant une revue stratégique, dont le pilotage a été confié à M. Arnaud Danjean, et qui peut être menée à bref délai, sans qu'il soit besoin de la faire précéder d'un Livre blanc. Quelle sera cependant la place des parlementaires dans cette réflexion, à laquelle ils souhaitent être associés ?

Nous aurions souhaité que la nouvelle loi de programmation militaire que nous appelons de nos voeux soit adoptée dès la fin de l'année 2017, pour construire sur l'ensemble du quinquennat. Elle ne le sera vraisemblablement qu'en 2018. Comment, dès lors, se présentera la première marche que doit être le budget pour 2018, sachant que compte tenu de la situation, des besoins conventionnels et en faveur de la vie quotidienne des soldats, l'effort à faire est considérable. Pour atteindre l'objectif de 2 % du PIB à l'horizon 2025, la marche annuelle devrait être de deux milliards. Au regard des déclarations du Premier ministre que nous venons d'entendre dans l'hémicycle, nous sommes inquiets.

Cet objectif des 2 %, auquel s'était initialement engagé le Président de la République « hors pensions et surcoût des Opex », a au moins la vertu de mobiliser les esprits sur les besoins. Quel périmètre visez-vous aujourd'hui, et quel calendrier retenez-vous pour atteindre cette cible ?

Vous savez, enfin, que nous sommes réservés sur la proposition de nouveau service national. Lorsqu'il l'a évoquée, hier, le Premier ministre n'a prononcé ni le terme de militaire ni celui d'obligatoire. Cette proposition, si elle répond sans doute à une question de société, ne répond pas à un besoin de la défense. Nous comprenons qu'on vienne chercher dans les méthodes de l'armée une réponse à certains besoins de la société, mais est-ce bien au budget de l'armée de le supporter ? C'est une question qui n'est pas anodine compte tenu des besoins à cinq ans, sachant que la première partie du quinquennat se concentrera sur les forces conventionnelles, la dissuasion nucléaire étant renvoyée à sa deuxième partie, pour ne pas mobiliser trop tôt les ressources.

Comment voyez-vous, enfin, la coopération avec la secrétaire d'Etat placée auprès de vous, pour construire une méthode de travail ? Nous nous félicitons de la manière dont nous avons travaillé avec votre prédécesseur. Nous avons apprécié sa disponibilité, en échange de laquelle il a pu compter sur notre discrétion. Soyez assurée que nous en agirons de même avec vous, afin de nouer un dialogue très libre et très confiant.

Mme Florence Parly, ministre des armées. - C'est un immense plaisir que de retrouver le Sénat, où j'ai passé, lorsque j'étais secrétaire d'Etat au budget, mes meilleurs moments parlementaires. Je ne puis dire que le gouvernement d'alors ait été beaucoup suivi dans ce qu'il souhaitait lui soumettre, mais j'ai retenu que le Sénat était un endroit où l'on faisait de bonnes lois.

Etre nommée ministre des armées fut une surprise, et un honneur ; une très grande responsabilité, aussi. Je pense à l'engagement, au courage des hommes et des femmes de ce ministère, aux risques auxquels ils sont confrontés. C'est pourquoi j'ai tenu à aller à leur contact dès ma prise de fonction. J'étais la semaine dernière au Mali, auprès des militaires de l'opération Barkhane, et j'espère y retourner avec mon homologue allemande en juillet. J'ai pu me rendre compte du courage et de l'abnégation que nos militaires mettent au service de la protection de la nation et des Français.

Vous connaissez ce ministère mieux que moi, aussi je me contenterai de rappeler que ses deux missions sont de protéger les intérêts de la nation, sur le territoire national et à l'extérieur, et de concourir à la sécurité, nationale et internationale. Je salue ceux qui remplissent ces deux missions au quotidien, sans oublier les personnels civils. La première semaine de mon entrée en fonction a été marquée par l'hommage rendu au caporal Albéric Riveta, décédé le 18 juin dernier au Mali. Nous avons, avec son régiment parachutiste, honoré la mémoire de ce jeune homme de 22 ans, venu de Tahiti pour s'engager au service de son pays. La rencontre avec sa famille a été un moment fort : il avait choisi sa carrière et voulait ardemment partir pour le Mali.

Je connais la qualité de la réflexion que mène votre commission, qui sait travailler en tenant à distance les clivages partisans, et nouer le dialogue avec le ministère. Le rapport plein d'actualité que vous et M. Daniel Reiner venez de publier ne me fait pas oublier ceux qui l'ont précédé, comme celui sur les drones d'observation et les drones armées de MM. Perrin, Bockel, Roger et Vall, ou celui sur la modernisation de la dissuasion nucléaire de MM. Pintat et Lorgeoux.

C'est la dernière séance de cette commission dans sa composition actuelle, et sous votre présidence, monsieur le président. Je sais votre attachement à nos forces armées et votre connaissance profonde des questions de défense. Le choix que vous avez fait est exaltant - pour nous tous, vous faites honneur à la République.

Le sens de cette audition est d'établir les bases d'une relation de confiance entre nous. Je sais que votre commission sait faire preuve de discrétion et respecter, quand il le faut, la confidentialité des échanges - ce qui est un gage de leur qualité.

Nos armées sont fortement sollicitées, sur le territoire national comme à l'étranger. Les menaces sont de deux ordres : la menace terroriste, liée à la faiblesse de certains États, et la résurgence des stratégies de puissance mises en oeuvre par certains pays.

La lutte contre le terrorisme est l'engagement principal de nos armées en opérations tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Le phénomène n'est pas nouveau mais, depuis le début des années 2000, il s'est intensifié et répandu sous l'effet conjugué de la mondialisation, de l'expansion de l'islam radical et de la faillite de certains États, donnant naissance à de véritables franchises planétaires comme Al-Qaïda.

Avec la montée en puissance d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique au Sahel puis celle de Daech au Levant, c'est un changement de nature qui s'est opéré. En Irak et en Syrie, pour la première fois, un groupe terroriste a réussi à conquérir un territoire et tenté d'y fonder un État. C'est une évolution du terrorisme international, à laquelle nos armées ont dû s'adapter. Elle leur a imposé de s'adapter à un ennemi utilisant des modes d'actions inédits et ne s'interdisant aucune pratique, même les plus barbares - un ennemi auquel le droit de la guerre est inconnu.

Nous avons également vu s'estomper la frontière entre notre sécurité intérieure et extérieure. Là encore, le phénomène est ancien mais l'accroissement des moyens de communication et de la mobilité lui ont donné une ampleur inédite, prise en compte dans des deux derniers Livres Blancs de 2008 et 2013. C'est dans ce cadre qu'interviennent nos armées au Levant ou au Sahel.

L'importance donnée à la lutte contre le terrorisme ne doit pas nous faire oublier les stratégies de puissance mises en oeuvre par un certain nombre de pays. Il ne s'agit de débattre ici de la légitimité pour tel ou tel pays de vouloir peser sur la scène internationale. Ce sont les moyens utilisés et les tensions qui peuvent en découler qui nous préoccupent.

Deux pays attirent plus particulièrement notre attention.

La Russie, tout d'abord, a effectué ces dernières années un retour remarqué sur la scène internationale avec l'occupation d'une partie du territoire géorgien en 2008 puis l'annexion de la Crimée et un soutien aux séparatistes ukrainiens. L'attitude de Moscou est préoccupante pour l'Europe, d'autant que la Russie s'est lancée dans un vaste programme de modernisation de ses armées, qui se montrent de plus en plus fréquemment sur le terrain, en Syrie comme aussi, ostensiblement, au large de nos ports sur l'Atlantique.

La Chine - que vous connaissez très bien, monsieur le président - est le deuxième État qui suscite notre vigilance. Elle mène une politique du fait accompli en cherchant à transformer unilatéralement la mer de Chine en une sorte de mer intérieure. Cette politique engendre de nombreuses tensions, jusque dans les dernières heures, et s'appuie sur un budget de défense en très forte augmentation. Elle se traduit par l'aménagement d'îlots polderisés, alors que ceux-ci sont revendiqués par nombre d'autres pays. Jusqu'à présent, nous avons réussi à ne pas prendre parti dans ces litiges. Nous appelons au règlement pacifique des contentieux, mais nous veillons au respect de la liberté de navigation, conformément aux dispositions de la convention des Nations Unies pour le Droit de la Mer. Nous exerçons de fait cette liberté par le transit de bâtiments de la marine nationale dans cette zone.

Les menaces que j'ai évoquées n'appellent pas toutes une réponse militaire, mais elles imposent à nos armées de maintenir une capacité d'intervention forte et crédible afin de fortifier nos relations avec nos alliés.

A ces deux menaces principales, s'ajoute un mode d'action nouveau auquel il faut nous adapter. L'utilisation du cyber par nos ennemis est un tournant dans nos stratégies de défense. Cette menace prend des formes multiples, et même des actes anodins peuvent emporter de lourdes conséquences. Le seul vol de données peut avoir des conséquences sur notre sécurité nationale. Il en va, bien sûr, de même pour la destruction de systèmes entiers ou la perturbation de systèmes d'information. Mon propre téléphone portable, comme le vôtre, peut être très facilement écouté - nous pouvons tous être les instruments crédules d'une organisation malveillante. Nos comportements quotidiens montrent bien combien peu nous sommes préparés pour parer cette menace. Nous devons garder aussi en tête les troubles récents dans certaines gares et dans nos grandes entreprises. Le système d'affichage de la Deutsche Bahn a ainsi récemment été anéanti. La cyberattaque mondiale « NotPetya » a récemment infecté deux millions de serveurs dans le monde. De telles attaques peuvent aussi affecter des infrastructures vitales, y compris au sein de nos armées. Aussi devons-nous assurer la montée en gamme technologique de nos moyens d'y faire face.

Conformément à l'engagement pris par le Président de la République, et aux recommandations de votre commission, j'ai lancé le 30 juin dernier les travaux d'une revue stratégique de défense et de sécurité. Cela me semble une bonne façon d'aller vite. Vous avez évoqué le souhait d'une loi de programmation militaire démarrant en 2018. C'est sans doute un peu tôt, mais nous ne devons surtout pas nous enliser dans de trop longs travaux préparatoires. D'ailleurs, les derniers livres blancs sont toujours d'actualité. Le député européen Arnaud Danjean, spécialiste reconnu des questions de défense, a bien voulu prendre la tête d'un comité restreint de quinze experts. Pour que le Parlement soit associé à ses travaux, il auditionnera plusieurs d'entre vous. Naturellement, ses conclusions vous seront formellement présentées dès qu'elles auront été validées en conseil de défense.

Nos relations bilatérales avec nos alliés doivent constituer un socle solide pour l'amplification de l'effort de défense européen. Les positions exprimées récemment par nos alliés américains sont une source d'instabilité et de questionnement. La réunion des ministres de la défense de l'Otan, la semaine dernière, l'a bien montré. Même si la vigilance s'impose, nous ne devons pas retirer notre confiance à cet allié.

La relation franco-allemande est un pilier de l'Europe de la défense. La réponse allemande à l'invocation par la France de l'article 42.7 du Traité, dès novembre 2015, a été l'expression d'une solidarité exceptionnelle ; elle s'est traduite par des engagements nouveaux tant au Levant qu'au Sahel, bien au-delà des réponses traditionnelles de l'Allemagne sur les théâtres d'opérations extérieures. Nous travaillons sans relâche au renforcement de notre relation bilatérale de défense. Très concrètement, notre coopération militaire se traduit, par exemple, par la formation commune des pilotes et mécaniciens de l'A400M et par la mise en commun à horizon 2021 d'avions C 130J.

Dans le domaine opérationnel, nous sommes engagés de manière complémentaire sur les mêmes théâtres d'opération, au Mali ou en Irak. Nous cherchons à renforcer les engagements opérationnels de la Brigade franco-allemande. Par ailleurs, nous opèrerons un déploiement conjoint en Lituanie en 2018 dans le cadre de la « présence avancée rehaussée » de l'Otan. Concernant l'industrie d'armement, la création de KNDS a fait émerger un leader industriel européen. Le conseil des ministres franco-allemand, mercredi prochain, suivi d'un conseil franco-allemand pour la défense et la sécurité, donnera un nouvel élan à ce partenariat, décisif pour la relance de la défense européenne.

La relation franco-britannique, historique, est centrale pour notre défense. Elle exprime une solidarité fondamentale, renforcée par le statut nucléaire des deux États. Cela dit, des obstacles liés aux conséquences économiques et stratégiques du Brexit risquent de se présenter : baisse des budgets de défense, révision des priorités, rééquilibrage atlantique. In fine, c'est de la volonté politique de la France et du Royaume-Uni de surmonter ces obstacles que dépendra l'avenir des accords de Lancaster House.

La France entend poursuivre cette relation bilatérale au plan opérationnel comme capacitaire. Sur le plan opérationnel, une force expéditionnaire commune interarmées (CJEF) a été validée en avril 2016. D'un point de vue capacitaire, la coopération de défense franco-britannique a été confortée par la revue stratégique de défense et de sécurité conduite par Londres en 2015. Des projets essentiels doivent être lancés, notamment dans le domaine des missiles, du système de combat aérien futur (FCAS) ou de guerre des mines. Ces engagements ne semblent pour l'heure pas être remis en question par Londres. Le succès du premier tir du missile antinavire léger franco-britannique, le 21 juin dernier, illustre la vivacité de notre coopération industrielle et capacitaire.

Notre défense doit s'inscrire dans un cadre européen. La Haute Représentante, Mme Mogherini, a poussé l'Union européenne à se doter d'une vision globale qui appelle à l'autonomie stratégique et à la définition de réponses crédibles et efficaces dans le domaine de la sécurité et à la défense. En décembre 2016, le Conseil européen a approuvé les conclusions du Conseil des Affaires étrangères et de la Défense de novembre et décidé de l'établissement d'une capacité opérationnelle permanente de planification et de conduite au niveau stratégique pour les missions non-exécutives, qui doit maintenant monter en puissance.

Lors du Conseil européen de juin dernier, les chefs d'État et de gouvernement de l'Union ont promis de « renforcer la coopération au sein de l'Union européenne en matière de sécurité extérieure et de défense » et ont appelé à la mise en oeuvre rapide d'un Fonds européen de défense. Proposé récemment par la Commission européenne, ce fonds pourrait devenir un puissant levier pour financer la recherche et développement et soutenir l'industrie européenne de la défense, notamment à travers les petites et moyennes entreprises. La Commission va le doter dans un premier temps de 90 millions d'euros, avec pour objectif de monter à 500 millions d'euros par an à partir de 2020. Les dirigeants ont aussi revu le financement des groupements tactiques européens (GTUE) dans l'espoir de lever les blocages qui pesaient sur leur utilisation.

Le Président de la République s'est félicité de ces avancées. Il nous appartient de poursuivre nos efforts en matière de construction de l'Europe de la défense. Nous devons le faire de manière très concrète, sans idéalisme mais avec pragmatisme.

Le renforcement de l'Europe de la défense n'est pas contradictoire avec notre engagement au sein de l'Otan, et je suis convaincue que les complémentarités entre les deux alliances sont nombreuses. C'est ce que j'ai dit la semaine dernière à nos alliés, afin qu'ils ne s'inquiètent pas de la montée en puissance de l'Europe de la défense. Sans en faire le détail précis, je rappelle que la France est fortement engagée dans des opérations au titre des mesures d'assurance de l'Otan, notamment en Pologne et dans les pays baltes. Dernièrement M. Trump a refusé de s'engager explicitement en faveur de la défense collective des Alliés, suscitant un certain émoi. Aussi était-il important de rappeler le ferme engagement de la France au sein de l'Otan.

Pourquoi un ministère des armées plutôt qu'un ministère de la défense ? Ce choix revêt une dimension historique et renoue avec les fondements de la Vème République. Cependant, il a surtout été fait pour mettre en avant les hommes et les femmes, civils et militaires, qui composent notre armée. Il renvoie à la diversité des missions, des métiers, des talents. Il est un hommage à leur engagement, leur professionnalisme et leur sens du service.

Je ne connais pas ce ministère, de l'intérieur. J'ai eu à en connaître lorsque j'étais au Budget, et je suis frappé des transformations profondes qu'il a connues récemment. Au sein de ce ministère, l'État s'est vraiment réformé.

L'armée de Terre achève un cycle de recrutement visant à porter les effectifs de la force opérationnelle terrestre de 66 000 à 77 000 hommes. C'est le début d'une période de changement de génération, qu'il s'agisse des hommes ou des équipements. La plupart des véhicules de combat datent des années 1970, et ont été mis à rude épreuve au cours des dernières décennies. La marine nationale et l'armée de l'air connaissent les mêmes tensions, caractérisées par un besoin fort de recrutement et de renouvellement du matériel. Aussi aurai-je à coeur, comme mes prédécesseurs, de poursuivre une politique ambitieuse soutenant nos personnels et améliorant nos équipements.

À l'intérieur du territoire, la protection de nos concitoyens mobilise des moyens aériens, maritimes et terrestres. Près de 2 000 marins et aviateurs sont ainsi mobilisés dans ce cadre, qui comporte aussi la sécurisation d'évènements ponctuels, comme l'hommage récemment rendu à Helmut Kohl à Strasbourg. À terre, 140 000 soldats ont été engagés dans l'opération « Sentinelle » depuis son déclenchement. Ils patrouillent jusqu'à 30 kilomètres par jour dans le cadre de cette mission de protection face à la menace terroriste. Leur vigilance et leur professionnalisme ont permis de détourner des attaques potentiellement gravissimes, par exemple au Louvre ou à Orly.

Je profite d'ailleurs de cette première audition devant votre commission pour remercier les élus, les services déconcentrés de l'État et certains opérateurs pour la qualité de l'accueil qu'ils réservent à nos soldats, en leur permettant d'accéder à des installations particulières, à des sites de loisirs et à de nombreux événements sportifs et culturels dans nos territoires. Ils leur fournissent aussi parfois des sites de repos, étant donné l'étendue des plages horaires. Pour autant, nous ne devons pas oublier que cette opération a généré des tensions importantes, en particulier sur l'armée de terre. Aussi avons-nous entrepris une rénovation en profondeur de notre politique des réserves, afin de mobiliser plus facilement les réservistes opérationnels au profit des missions de protection. Ce travail porte ses fruits, il a été amplifié par la création de la Garde nationale, constituée des réservistes en armes du ministère de l'intérieur et des armées.

À côté de ces opérations sur le territoire national, l'autre moitié de nos soldats est mobilisée dans des opérations extérieures. Le Levant constitue aujourd'hui le théâtre d'opération le plus médiatisé de nos armées. La France est intervenue en septembre 2014, à la demande du gouvernement irakien, afin de l'aider à lutter contre Daech, qui venait de s'emparer de Mossoul, deuxième ville du pays, et y avait proclamé son Califat. Nous avons alors rejoint la coalition internationale formée par les États-Unis, avec 63 autres États, l'Union européenne, la Ligue Arabe et, depuis peu, l'Otan. Face aux attaques terroristes menées sur notre sol en 2015 depuis Raqqa, nous avons étendu notre action à la Syrie au titre de la légitime défense individuelle de notre pays et nous y avons intensifié notre action militaire.

Notre objectif sur ce théâtre est simple : éradiquer la menace que représente Daech pour notre pays et nos concitoyens. Pour cela, il nous faut aider les forces locales à venir à bout des djihadistes. La progression de nos armées s'accélère fortement à Raqqa comme à Mossoul.

En parallèle, nous menons une campagne systématique de destruction des infrastructures de Daech sur l'ensemble des territoires qu'il contrôle - camps d'entrainement, centres de commandement, dépôts logistiques ou puits de pétrole - afin d'affaiblir durablement l'organisation. Pour cela, nous avons déployé d'importants moyens.

Mais l'action militaire ne suffit pas. Il faut nous travailler aussi à l'apaisement des affrontements confessionnels ou tribaux et soutenir la politique de réconciliation nationale menée par le Premier ministre irakien.

Le Sahel, ensuite, constitue le principal théâtre d'engagement des armées françaises. Elles y fédèrent les contributions de nombreux partenaires et s'y coordonnent avec la communauté internationale. À la demande des autorités maliennes, nous sommes intervenus au Mali en janvier 2013 dans le cadre de l'opération Serval. L'opération a été un véritable succès, mais les djihadistes n'ont pas renoncé au combat : ils se sont adaptés, dispersés et ont étendu leurs actions par-delà les frontières. C'est pourquoi, en août 2014, nous avons décidé de régionaliser notre opération en mettant en place Barkhane, opération couvrant les cinq pays de la bande Sahélo-Saharienne - Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad - soit un théâtre d'opération de la taille de l'Europe. L'objectif est de lutter contre les groupes djihadistes afin d'empêcher la reconstitution de sanctuaires terroristes.

Nous déployons pour cela des moyens conséquents : plus de 4 000 hommes, plusieurs centaines de blindés et une quarantaine d'aéronefs de tous types. Après quatre années d'intervention, la menace est contenue sans être éradiquée. Les terroristes profitent de la précarité et de l'absence de l'État dans certaines régions pour se maintenir. C'est pourquoi le Président de la République a vigoureusement appelé le président du Mali à engager les réformes qu'il a annoncées - organisation prochaine d'élections et décentralisation - tout en dévoilant un effort important de coopération, puisque l'agence française du développement s'engagera à soutenir des projets de développement à hauteur de 200 millions d'euros pour les cinq prochaines années.

Nous sommes bien conscients que la solution est avant tout politique et que l'action militaire ne vient qu'en appui. C'est pourquoi nous associons autant de partenaires que possible à notre action. Je me réjouis d'emmener prochainement mon homologue allemande sur le terrain, ce qui devrait faire progresser l'engagement de nos amis allemands.

Le groupe Boko Haram a fait plus de 20 000 morts et provoqué le déplacement de 2,6 millions de personnes. La France apporte un soutien logistique, des conseils et du renseignement à la Force Multinationale Mixte (FNM).

L'opération Daman est la troisième plus importante Opex, avec près de 700 hommes déployés. Elle est la composante française de la mission des Nations unies au Liban, dont l'objectif est de stabiliser le Sud du pays. Nous armons la force de réserve du commandant de la mission.

Je souhaite également vous donner un aperçu de nos engagements navals. Ceux-ci se font essentiellement au sein de coalitions. Dans l'Océan indien, par exemple, nous maintenons un bâtiment pour les coalitions qui luttent contre la piraterie et le terrorisme dans le cadre des résolutions des Nations unies. En Méditerranée, nous participons à l'opération européenne Sophia qui lutte contre les trafics de migrants et d'armes au large de la Libye. Enfin, dans le golfe de Guinée, nous déployons en permanence un navire participant avec nos partenaires africains et européens à la sécurité maritime dans cette zone.

Depuis la chute de Kadhafi en 2011, la Libye est en proie à de nombreuses crises qui ont des répercussions très directes sur les États européens. Les trafics d'armes et de drogue qui alimentent les groupes terroristes au Sahel ou les flux migratoires vers l'Europe sont autant de questions devant lesquelles la France ne peut rester impassible. Nous n'intervenons pas directement en Libye mais notre objectif est d'endiguer la menace terroriste.

Enfin, en Centrafrique, l'opération Sangaris a mis fin au chaos et a empêché un génocide qui s'annonçait. Après une transition démocratique remarquable, nous avons passé le relais aux forces de l'ONU et de l'Union européenne.

Après cette longue liste d'opérations, nous devons nous demander quel bilan nous pouvons dresser. Nous avons sauvé le Mali d'Al-Qaïda, même si la menace n'est pas éradiquée ; empêché une guerre civile en République Centrafricaine ; quasiment défait Daech, qui avait presque créé un État au Levant. Il y a là de quoi être fier et satisfait, d'autant que nos moyens sont restreints, quand les théâtres d'opérations sont vastes. Notre niveau d'engagement dépasse de 30 % celui prévu par la loi de programmation militaire. Les contraintes budgétaires sont donc très fortes, malgré la transformation considérable effectuée par le ministère. Résultat : une forme d'usure des hommes et des femmes, et de dégradation du matériel, qui dégrade nos conditions d'intervention. Ces vulnérabilités conduisent parfois à des pertes d'aptitude opérationnelle. Ainsi, l'âge moyen de nos ravitailleurs aériens est de 51 ans et 60 % de nos véhicules blindés ne sont pas équipés du niveau de protection nécessaire. Nos pétroliers ne sont pas dotés d'une double coque, ce qui enfreint les normes internationales. Nous manquons de personnel, notamment dans le renseignement, le cyber ou la maintenance. Les ressources consacrées à l'entretien programmé ont augmenté, mais restent insuffisantes. Je serai attentive à ces questions lors de la préparation de la loi de programmation militaire.

Nous ne devons pas oublier les pertes subies : 20 militaires morts au Sahel et plusieurs tombés en République Centrafricaine, en Afghanistan, au Liban ou ailleurs au service de la France. Je tenais, avant de poursuivre, à leur rendre ici un hommage appuyé.

Ma priorité à la tête du Ministère sera d'abord de dégager les moyens financiers nécessaires à l'accomplissement de missions particulièrement lourdes. Le sur-engagement actuel des personnels et le vieillissement du matériel justifient pleinement une augmentation des moyens de nos armées, d'autant que ceux-ci ont diminué au cours des dix dernières années, dans un contexte qui ne le permettait nullement. Le ministère a contribué fortement aux économies : entre 2000 et 2016, les crédits de la défense n'ont crû, en euros constants, que de 2 %, contre 32 % pour les dépenses publiques et 15 % pour celles de l'État. Depuis 2006, le ministère a perdu 65 000 emplois, soit 20 % de ses effectifs. Le but n'est évidemment pas de revenir à la situation antérieure, car le ministère a su s'adapter en accroissant son efficacité. Il s'agit donc de poursuivre la modernisation en dotant le ministère d'un niveau de moyens correspondant à l'engagement de nos forces. L'exemple britannique montre que, faute d'un tel rattrapage, la déliquescence peut être rapide, même pour une grande armée.

Le Président de la République a dit et réaffirmé son engagement de parvenir à atteindre un effort de dépenses militaires à hauteur de 2% de notre PIB, hors pensions et hors surcoût des Opex, à l'horizon 2025. À périmètre constant, cela représente 50 milliards d'euros - on retrouve la progression de 2 milliards d'euros que préconise votre rapport. Cet objectif, je le fais mien et m'engage devant vous à ce que nous l'atteignions. Il n'est pas un objectif d'affichage ni même seulement le moyen de respecter certains de nos engagements internationaux. D'aucuns affirment qu'en modifiant le périmètre, nous sommes déjà à 2 % du PIB. D'où l'importance de raisonner à périmètre constant... Nous ne demandons pas des milliards d'euros pour être gros et gras, mais pour réaliser dans les meilleures conditions possibles d'efficacité et de sécurité les missions qui nous sont demandées.

J'aurai besoin de votre soutien, sans doute dès les semaines qui viennent, car on parle déjà d'annuler certains crédits - alors que nous aurions plutôt besoin de dégels. Les pistes énoncées dans votre rapport nous seront très utiles : une loi de programmation militaire ambitieuse et réaliste, une consolidation de notre outil industriel et la poursuite de nos efforts de modernisation. Je reviendrai régulièrement devant vous pour faire le point sur nos progrès.

L'ambition européenne est aussi au coeur de ma feuille de route. L'Europe de la Défense est une manière de répondre plus efficacement à plusieurs enjeux. La menace cyber sera l'une des priorités de la présidence estonienne, par exemple.

Il faut faire plus pour améliorer les conditions de vie et de travail des civils comme des militaires, qu'il s'agisse de l'hébergement, de l'équipement, des procédures administratives... Ce sera une mission centrale pour moi.

Les chantiers de modernisation du ministère touchent en particulier les programmes d'équipement. Nous avons tout récemment rendu hommage à notre DGA qui a quitté le ministère après neuf ans de bons et loyaux services à la délégation. Avec son successeur, nous devrons imaginer de nouvelles pistes de modernisation.

L'industrie de la défense est essentielle au bon fonctionnement de nos forces. Cela représente un investissement de 17 milliards d'euros par an, dans des programmes structurants pour les armées comme pour les filières industrielles : 18 000 entreprises, 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 150 000 emplois, 7 milliards d'euros d'excédents commerciaux.

Les deux défis sont l'innovation et la coopération et l'intégration européenne - la mise en place du Fonds européen de défense est une très bonne nouvelle ! Nous enregistrons des succès avec les consolidations industrielles, comme le rapprochement Safran-Zodiac. Dans le domaine naval, spatial, les avions de combat, nous pouvons faire émerger des champions européens : je m'y emploierai.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Vous avez pris vos fonctions très récemment et je salue la conscience que vous avez déjà de la gravité de la situation, à tous points de vue - menaces, exigences de matériel et d'équipement, etc. Vous avez conscience également de nos atouts, la qualité de nos hommes, notre industrie de défense, notre capacité d'innovation. Ensemble, nous nous appuierons sur ces atouts.

M. Daniel Reiner. - Je vous souhaite bienvenue et plein succès dans vos nouvelles fonctions. Le ministère a changé d'intitulé : la défense, pourtant, est un beau nom, qui englobe les armées mais s'étend au-delà...

Vous avez rapidement pris vos marques dans ce ministère. Sachez que les deux commissions parlementaires, qui travaillent très bien ensemble, ont avec le ministre une parole libre. Nous servons d'abord des hommes qui sur le terrain, au loin, défendent notre pays et y perdent parfois la vie. Nous entendons que leurs moyens, notamment financiers, soient à la hauteur des besoins.

La France doit être à la pointe pour défendre la mutualisation de la défense européenne, à l'intérieur de l'Otan. Les deux cadres sont complémentaires, mais l'exercice n'en demeure pas moins compliqué. Le moment actuel est très favorable ; des avancées décisives sont possibles ; or il importe de prendre en compte les menaces, l'attitude américaine, la situation de certains pays européens, je songe à ceux du groupe de Visegrad - Donald Trump est en visite en Pologne en ce moment.

La coopération européenne ne peut être seulement franco-allemande ou franco-britannique, nous devons tendre la main à tous nos partenaires, y compris ceux qui auraient la tentation de l'esquive. Nous avons besoin d'eux, évitons par conséquent d'apparaître comme arrogants.

Dans l'Otan, comme le recommande le rapport Védrine, il convient de prendre toute notre place, et le moment est favorable : c'est un socialiste qui vous le dit, ce qui aurait été très mal vu à certaines époques ! Mais aujourd'hui nous savons tous que cette alliance est nécessaire aux démocraties occidentales.

M. Christian Cambon. - L'opération Sentinelle va-t-elle être réformée ? Quelles directives le Président de la République a-t-il données ?

Le logiciel Louvois est toujours utilisé, les dysfonctionnements persistent, le système « Source solde » est complexe à mettre en place : avec plus de cent dix primes, comment en serait-il autrement ? Quelles sont vos intentions ? Comment avancer, sachant que cette affaire a tant déstabilisé les militaires ?

M. Robert del Picchia. - Dans vos nouvelles fonctions, madame la ministre, vous aurez un tel besoin de crédits que vous verrez sous un angle nouveau la fonction de ministre du budget ! Car l'objectif de 2 % soutenu par le ministre précédent, et par nous, bien sûr, demeure...

Quelles sont les intentions du Gouvernement concernant la directive européenne de 2003 sur le temps de travail des militaires ? Que de difficultés en perspective... Cette prescription européenne parait contraire à l'obligation de disponibilité propre au service dans les armées. Des créations de postes seront nécessaires. La transposition doit se faire avant fin 2017. Une étude d'impact est-elle conduite ? Quelle est la position du Gouvernement ?

Enfin, que vous inspire le récent lancement du missile intercontinental nord-coréen ?

M. Gilbert Roger. - Les associations de militaires que nous avons reçus cette semaine appellent toujours l'attention des parlementaires sur le problème Louvois. Cette question fait partie des conditions de vie et de travail, de la condition de militaire que vous avez évoquée...

Je suis toujours étonné de l'organisation complexe des achats, des commandes et des travaux dans les bases de défense. Le Premier ministre appelait pourtant tout à l'heure à la responsabilisation décentralisée...

Il faudra prendre un temps spécifique pour travailler sur le service national. Ce n'est pas au seul ministère de la défense de s'en préoccuper... Il faut être partageux !

M. Cédric Perrin. - Nous poussons tous dans le même sens : doter les armées de moyens à la hauteur de notre politique, ambitieuse.

Ce n'est pas à la spécialiste de Bercy que je l'apprendrai : les premiers signaux pour le prochain budget sont inquiétants. La négociation se traduit pour l'instant par un résultat très inférieur à nos attentes. De quelle marge de manoeuvre disposez-vous ? Les relations étaient tendues entre votre prédécesseur et le ministère des finances, il a fallu au premier beaucoup batailler avec le second pour faire respecter les engagements du Conseil de défense. Souhaitons que vous conserviez la même vigilance !

Nous présenterons bientôt, M. Roger et moi, notre rapport d'information sur les drones, qui comporte des préconisations en termes d'armement. Le premier vol de Reaper a eu lieu hier à Cognac, je m'en réjouis puisque cet appareil était absent du Bourget, la DGA ayant volontairement fait l'impasse sur lui.

Madame la ministre, comptez sur le soutien consensuel de notre commission.

M. Gilbert Roger. - Nous demandons symboliquement que les drones soient intégrés dans le défilé du 14-Juillet.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Je connais votre détermination et votre pugnacité. Votre connaissance de Bercy sera précieuse pour obtenir les moyens financiers indispensables au ministère. Depuis le début de la semaine, le Président de la République et le Premier ministre vont répétant que nous sommes assis sur un volcan, que nous sommes trop dépendants de la dépense publique et que nous devons nous en désintoxiquer... Pourrez-vous obtenir malgré tout gain de cause, dans un tel climat ? Les 2% en 2025 sont-ils réalistes ? Vous avez parlé de dépenses « aussi frugales qu'efficaces ». Comment comptez-vous décliner cet oxymore ? Notre commission à l'unanimité soutient l'efficacité, est-ce compatible avec la frugalité ?

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Ce soutien unanime à nos armées n'est pas conservateur, nous ne sommes pas les avocats des états-majors, nous demandons également des réformes. Il faut poursuivre la transformation engagée.

M. Robert del Picchia. - Madame la ministre, vous avez choisi le bon ministère.

Mme Florence Parly, ministre. - Je n'ai rien choisi ! Mais j'ai été très heureuse que l'on me propose celui-ci !

Quelques mots de Sentinelle, qui a évolué dans le temps, et compte aujourd'hui 7 000 hommes déployés, 3 000 déployables. Il n'est pas envisageable d'augmenter encore les effectifs, car le niveau actuel est déjà très contraignant. Or la menace ne faiblit pas. Il convient donc de rendre plus flexible l'utilisation de la force, travailler sur les conditions d'employabilité des hommes. Vous comprendrez que je n'en dise pas plus à ce stade, nous y reviendrons.

Vous connaissez parfaitement le scandale Louvois. Tout n'est pas réglé, mais les corrections à opérer sur les feuilles de paye sont moins nombreuses aujourd'hui que dans le passé. Le système susceptible de prendre le relais, Source Solde, sera d'autant plus efficace que nous progressons dans la simplification des traitements...

M. Robert del Picchia. - Les primes !

Mme Florence Parly, ministre. - Pour les civils, c'est déjà fait. Reste à simplifier la solde des militaires, ce qui est plus compliqué.

La directive européenne, si elle était appliquée à la lettre, bloquerait toute flexibilité d'engagement des troupes. Oui, l'échéance de transposition est proche, nous devons donc trouver une manière intelligente de nous conformer aux nouvelles exigences.

Le lancement d'un missile intercontinental par la Corée du Nord est à l'évidence inquiétant. Le range balistique s'avère bien supérieur à ce que l'on pensait. Cela ne peut laisser les Américains passifs...

Sur la condition des militaires, nous avons bien progressé, pour ce qui concerne les rémunérations et indemnités ; il reste beaucoup à faire sur les conditions de vie au quotidien, logement, équipement, gilets pare-balles... J'ai visité hier une opération immobilière d'habitation pour les militaires, à Versailles, on souhaiterait qu'il en soit partout ainsi ! J'ai demandé au maire de Versailles que la situation soit améliorée sur le plateau de Saclay. Il faut aussi renforcer la protection des sites, cibles de tentatives d'intrusion et de vols de munitions.

Sur les achats et les travaux, certains délais, certaines procédures, paraissent en effet absurdes. L'inspection générale des armées m'a fait part de problèmes d'organisation dans les bases de défense. Les pouvoirs des commandants, sur place, sont insuffisants, et le maillage des bases peu homogène, peu pertinent. Sur ce sujet aussi, l'inspection générale des armées doit me présenter des propositions.

Le service national, j'en suis bien d'accord, concerne tout le pays, non le seul ministère des armées, qui ne sera pas le bailleur de fonds exclusif.

M. Robert del Picchia. -Il le voudrait qu'il n'en aurait pas la capacité.

Mme Florence Parly, ministre. - Nous nous employons en revanche à recenser l'ensemble des dispositifs qui peuvent contribuer à la mise en application du service national, pour veiller à la cohérence et éviter les redondances. 

Comment négocier avec Bercy ? Je connais une seule méthode : ne rien lâcher ! Ce n'est pas facile, mais le budget de la défense n'est pas comme les autres, il ne saurait passer sous la toise et subir des rabots dans la situation particulière où nous sommes. La base budgétaire ne se limite pas aux moyens de fonctionnement des armées. Doivent être pris en compte non seulement les surcoûts des Opex, mais aussi les décisions des conseils de défense. S'il y a consensus national, gouvernemental autour d'une politique de défense, il faut ensuite s'en donner les moyens.

Sur la fausse monnaie, je veillerai au grain !

Enfin, les drones représentent une évolution souhaitable de nos modes d'intervention, donc d'équipement des forces. Le 14 juillet prochain, un Patroller et un Reaper participeront au défilé.

Pardon pour ces réponses encore superficielles, mais nous nous reverrons !

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Ces réponses ne sont nullement superficielles et nous apprécions votre état d'esprit, d'autant que nous nous méfions de ceux qui croient tout savoir par avance.

Ce qui est décidé en conseil de défense doit être appliqué, le Parlement doit pouvoir compter sur la force exécutoire de ces décisions. Or il faut parfois aller à Bercy pour le rappeler...

Merci madame la ministre.

La réunion est close à 20 h 15.