Mardi 6 décembre 2016

- Présidence de M. Jean Bizet, président, puis de M. Jean-Paul Emorine, vice-président -

La réunion est ouverte à 17 h 30.

Institutions européennes - Audition conjointe de M. Harlem Désir, secrétaire d'État chargé des affaires européennes, et de M. Michael Roth, ministre adjoint chargé des affaires européennes (République fédérale d'Allemagne)

M. Jean Bizet, président. - Nous sommes particulièrement heureux d'avoir l'opportunité d'entendre conjointement les deux ministres français et allemand en charge des questions européennes. Je les salue en votre nom à tous en remerciant tout particulièrement Michael Roth que nous recevons pour la première fois au Sénat. Nous souhaitons vivement pouvoir renouveler régulièrement cet exercice.

La relation franco-allemande est, à nos yeux, essentielle. Elle n'est pas exclusive bien sûr. Mais elle est souvent décisive pour donner l'impulsion et entraîner nos partenaires européens. Nous sommes à un moment crucial pour la construction européenne. Le Brexit a été un choc. À la demande du président du Sénat, nous avons constitué, avec la commission des affaires étrangères, un groupe de suivi que je copréside avec Jean-Pierre Raffarin.

Le retrait britannique implique une réponse unitaire de la part des autres États membres. La France et l'Allemagne doivent ensemble impulser cette réponse commune des Européens au retrait britannique. Quelle est votre analyse ?

L'Europe est par ailleurs confrontée à des défis multiples. Elle doit pouvoir répondre à ces défis en se concentrant sur l'essentiel et en agissant de façon plus efficace. Dans ce contexte, nous devons donc réfléchir à une refondation de l'Union européenne. C'est aussi l'objet de ce groupe de suivi.

Nous avons besoin d'une Europe puissance qui assume ses responsabilités en matière de sécurité et qui sache défendre ses intérêts en matière commerciale. Nous voulons une Europe compétitive et créatrice d'emplois. Nous demandons aussi une Europe de la subsidiarité qui fasse toute sa place aux parlements nationaux.

Dans cette perspective, nous sommes intéressés de connaître les analyses de nos amis allemands. Nous nous rendrons d'ailleurs à Berlin en janvier avec le groupe de suivi pour avoir un échange avec nos collègues parlementaires.

Sur plusieurs sujets, il nous semble qu'une étroite coopération franco-allemande présenterait un intérêt majeur. Je songe en particulier au numérique et à l'énergie. Je souhaiterais, à cet égard, mettre l'accent sur le numérique suite au message de votre ambassadeur, M. Meyer-Landrut, et de la « Table ronde des industriels européens »
- association qui rassemble 51 chefs d'entreprises françaises et allemandes -, que nous avons récemment reçue au Sénat. Présidée par le dirigeant d'Air Liquide, cette association promeut une union européenne du numérique. Nous souhaitons que cette démarche aboutisse rapidement par la conclusion d'un protocole entre le Bundesrat et le Sénat, de façon à soutenir cette particularité du numérique qui sera au coeur de l'industrie de tout le XXIsiècle. Messieurs les Ministres, je vous laisse la parole.

M. Michael Roth, ministre adjoint chargé des affaires européennes (République fédérale d'Allemagne). - Bonsoir Monsieur le Président, Messieurs les Sénateurs et Monsieur Désir, c'est pour moi un honneur que d'être reçu au Sénat. Parler de l'Europe est chose difficile car on ne sait par où commencer. Je vais tenter d'être bref et pertinent.

Depuis des années, l'Europe traverse diverses crises qui sont à la fois économique, sociale, migratoire, sécuritaire, terroriste et identitaire. À tout cela s'ajoute le Brexit dont vous avez parlé, Monsieur le Président. Nous n'avons pas le droit de nous laisser intimider et paralyser notamment par cette dernière crise. À cet égard, il est important que toutes ces négociations à venir soient bien menées. Nous devons ainsi dire à nos amis britanniques qu'ils ne pourront pas profiter des avantages des deux solutions, à savoir prendre le meilleur de l'Union européenne et tirer le meilleur profit de leur situation en dehors de l'Union. Nous ne voulons pas punir le Royaume-Uni, mais notre fermeté doit préserver la cohésion des vingt-sept autres pays. Il n'y aura donc pas d'accès au marché commun sans le respect des quatre libertés fondamentales de l'Union européenne : la liberté de circulation des services, des biens, des capitaux et des personnes, salariés et entrepreneurs. Je remercie d'ailleurs les chefs d'État et de gouvernement de l'avoir exprimé si clairement.

Nous avons besoin également d'une communication expliquant aux citoyens de l'Union que l'Europe n'est pas une partie du problème, mais de la solution. Les politiques donnent une réponse compliquée à des questions complexes, tandis que les populistes et nationalistes simplifient tout et jouent sur les angoisses des populations. Les démocrates que nous sommes doivent demeurer fermes et expliquer la situation à nos concitoyens. Nous n'y parviendrons qu'en nous concentrant sur des projets aux implications concrètes qui renouvelleront l'espérance de nos populations dans le projet européen.

Nos concitoyens doivent ainsi comprendre que l'Europe les protège. La France a été particulièrement touchée par le terrorisme. Il ne saurait y avoir de réponse au terrorisme qui ne soit que nationale, alors que le voisinage de l'Europe ne présente pas moins de dix conflits. Ce sont là les réalités du monde d'aujourd'hui auxquelles l'Europe doit se confronter.

Les causes des migrations sont nombreuses et nous ne pourrons les éradiquer qu'ensemble. Il n'est pas possible de conduire des politiques purement nationales comme en Afrique. Nous avons au contraire besoin d'une politique de sécurité cohérente commune. Des impulsions importantes en ce sens ont d'ailleurs été données par la France et l'Allemagne.

Le chômage des jeunes est beaucoup trop élevé dans nombre de pays et ne concerne pas que les jeunes Italiens, Français ou Espagnols. Toute une génération est concernée et menace de sombrer.

Je suis heureux de constater qu'au cours des dernières années 1,4 million de jeunes ont pu intégrer le marché du travail, mais nous n'avons pas le droit de cesser nos efforts. Car la sécurité est aussi sociale et nos concitoyens associent perte d'emploi, mondialisation et insécurité. Il nous faut donc trouver une solution à ces angoisses.

L'Europe n'est pas qu'un idéal théorique et ésotérique, mais une réponse concrète à la mondialisation qui ne peut être façonnée qu'ensemble de manière démocratique, sociale et durable. Cette solution ne dépend pas que de la Commission européenne et du Parlement européen. En effet, nous sommes tous l'Europe et Bruxelles d'une certaine manière, et nous devons être plus justes et plus prudents quant à notre communication au sujet de l'Europe.

Nous avons ainsi besoin d'un nouveau consensus quant à l'avenir des vingt-sept pays de l'Union européenne. L'heure n'est ni aux grandes réformes institutionnelles ni à une nouvelle Constitution européenne. Malgré cela, je reste un homme politique convaincu de la nécessité d'une Europe fédérale qui n'induira pas la disparition des États. Il s'agit de se comprendre à la fois comme national et européen. Quelle est notre attitude vis-à-vis de la Chine, des États-Unis, de l'Amérique latine ou de la Russie ? Comment pouvons-nous être pris au sérieux lorsque nous intervenons en tant qu'acteur individuel ? L'Europe n'est pas qu'un projet économique visant l'instauration d'un marché commun. Il est ainsi nécessaire qu'une monnaie unique mène aussi à une politique sociale, fiscale et budgétaire commune.

Loin de concéder un nouveau transfert de souveraineté à Bruxelles, il faut forger de nouvelles coopérations, dans un contexte marqué par trop d'inégalités sociales et économiques et pas assez de convergences. Nous devons nous protéger des crises à venir, car nous ne voulons exclure aucun pays, à moins qu'un État ne décide de partir volontairement, comme l'a fait le Royaume-Uni.

Nous avons donc besoin d'une communication plus efficace, claire et honnête en Europe. D'ailleurs, la science et la culture tendent à être évincées de la communication qui a été, ces dernières années, trop centrée autour de la crise et marquée par l'émergence des nationalismes. Être arrogants quant aux angoisses de nos concitoyens ne nous mènera nulle part. Il est important au contraire de les comprendre, ces angoisses, et d'y apporter des réponses raisonnables dans le cadre de l'Europe.

J'espère, au travers de mes propos, vous avoir démontré que je suis un Européen convaincu. À la suite du Brexit, l'Europe ne peut avancer que si la France et l'Allemagne travaillent de concert. La qualité de la coopération franco-allemande ne réside pas que dans l'évocation d'un passé glorieux, mais également dans le fait que nous parvenions à agir de concert et à mettre en oeuvre une synthèse attrayante pour d'autres partenaires. Nous avons besoin d'une avant-garde dans l'Union européenne et c'est ce que nous formons. Cette avant-garde n'est pas une Europe des noyaux, c'est-à-dire d'une conception élitiste de l'Europe. Certains États, dans des domaines politiques spécifiques, avanceront et montreront la voie vers des solutions européennes plus prometteuses que les solutions nationales. Cependant, ces avancées ne sont possibles que si la France et l'Allemagne s'impliquent dès le début et renforcent, en retour, cette Europe des 27. Je tiens à vous indiquer que nous travaillons, mon collègue français, M. Harlem Désir et moi-même, dans un climat cordial lors des différents Conseils européens auxquels nous participons. Je vous remercie, encore une fois, pour votre invitation.

M. Jean Bizet, président. - Merci, Monsieur le Ministre, pour vos propos d'une grande clarté et votre volontarisme qui nous sied. Chacun ici a compris votre souhait d'une Union européenne à cercles concentriques avec une avant-garde constituée par un couple franco-allemand attentif à l'angoisse de nos concitoyens et soucieux que l'Europe protège, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, et réponde aux défis de la mondialisation.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes. - Je vous remercie de votre invitation et de celle que vous avez adressée à mon collègue M. Michael Roth qui est, comme vous avez pu le constater, un Européen convaincu, enthousiaste et déterminé. Tout au long de notre histoire européenne contemporaine, rien n'aurait pu se faire sans la détermination franco-allemande. Cependant, l'Europe est désormais confrontée à des crises sans précédent qui redonnent à la coopération franco-allemande son importance primordiale et sa responsabilité particulière. Bien sûr, nous devons avancer ensemble avec tous les membres de l'Union européenne. Alors que la construction européenne ne semble plus être un processus irréversible avec le Brexit et la montée du populisme - qui peut toutefois être endiguée comme vient de l'illustrer l'Autriche -, rien ne peut être garanti en Europe sans un tandem franco-allemand solide.

Les négociations qui auront lieu avec le Royaume-Uni seront particulièrement difficiles et les dispositions ont été prises pour que le Sénat et l'Assemblée nationale puissent exercer leur rôle dans le suivi de cette négociation. Nous ne pouvons accepter l'idée qu'un État tiers obtienne une position plus favorable qu'un État membre. C'est là un enjeu de cohésion extrêmement fort qui se pose à l'Union européenne et la volonté conjointe du Président de la République et de la Chancelière, exprimée au lendemain du référendum et soulignant avec fermeté les obligations du Royaume-Uni au regard des quatre libertés européennes.

En outre, certaines mesures ont été prises pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens. En termes de sécurité, grâce au travail très étroit de nos ministres de l'intérieur, nous avons fait en sorte que les garde-côtes et les gardes-frontières européens puissent voir le jour. Il faut que tous les États apportent désormais leur contribution à leur instauration.

S'agissant de l'Europe de la Défense - thématique sur laquelle votre Haute assemblée a remis des rapports et émis des propositions -, la France et l'Allemagne, par la voix de leurs ministres de la défense et des affaires étrangères respectifs, ont fait des propositions reprises par le Conseil des affaires étrangères du mois de novembre et qui sont inscrites à l'ordre du jour du Conseil européen du 15 décembre prochain. Ces dispositions vont marquer une avancée considérable pour la coopération européenne en matière de défense et de capacités de projection communes, même si cela va demander encore de nombreux efforts. Avec mon collègue, M. Michael Roth, nous avons d'ailleurs ouvert ensemble, en septembre dernier, la « Berlin Security Conference » qui rassemble de nombreux responsables en charge des questions de défense au plan européen et international.

En matière d'investissements, vous avez mentionné l'importance de tourner l'Europe vers la préparation de l'avenir. Une conférence franco-allemande sur le numérique se tiendra à Berlin le 13 décembre prochain, suite à une première rencontre qui avait eu lieu au Palais de l'Élysée. Aujourd'hui même, nous sommes arrivés à l'accord des 28 États membres pour augmenter le plan Juncker qui devrait atteindre 500 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2020. Une telle réussite n'a été possible qu'en raison de la volonté commune franco-allemande.

Avec Michael Roth, nous avons soutenu des projets qui concernent la jeunesse et promeuvent la mobilité des jeunes en formation et des apprentis, pour le moment, écartés du programme Erasmus. Dans le cadre d'un projet pilote, des jeunes en apprentissage devraient pouvoir effectuer leur formation entre les deux pays. C'est là une perspective d'avenir dans un environnement marqué par les incertitudes, les guerres, le terrorisme ou encore le comportement incertain de certains grands acteurs internationaux, y compris après l'élection américaine. L'Europe doit prendre ses responsabilités, assurer sa propre sécurité et investir dans son propre avenir. Elle doit permettre la convergence économique et sociale au sein de la zone euro. C'est pourquoi il est très important de travailler au renforcement des liens non seulement d'amitié, mais aussi de coopération politique entre la France et l'Allemagne.

M. Louis Nègre- J'ai bien apprécié, Monsieur le Ministre fédéral, votre discours d'introduction que nourrissait un volontarisme ardent et rare. Voilà un acte de foi envers l'Europe qui ne peut que nous satisfaire. Nous partageons votre analyse de la nécessité d'un couple franco-allemand, voire d'un tandem, qui est le moteur de l'Europe et je n'en connais pas d'autre. Je pense qu'effectivement il faut peut-être un peu plus d'Europe que moins d'Europe, mais peut-être pas dans tous les domaines. Vous avez évoqué le principe d'une avant-garde de quelques États. C'est sans doute là une manière de faire avancer les choses. Enfin, à plusieurs reprises, vous avez également employé le mot « concret » qui est un mot fort qui permet, au-delà des discours, d'atterrir. Si l'on prend l'exemple de l'Europe industrielle et le secteur ferroviaire, l'Allemagne est le second acteur mondial et la France le troisième. Cette industrie ferroviaire est en danger parce que nos grands champions, comme Alstom en France, ne pèsent que 6 à 7 milliards d'euros alors que leurs concurrents chinois pèsent, quant à eux, au minimum 24 milliards d'euros.

Les étrangers viennent en Europe acheter nos pépites, comme l'entreprise de taille intermédiaire (ETI) Baldung achetée par les Chinois ou l'ETI Faiveley. L'industrie française est favorable à la concurrence, à la condition que le principe de réciprocité soit assuré. Or, il y a cinq ans, j'avais obtenu une déclaration commune, avec l'industrie ferroviaire allemande, demandant le respect du principe de réciprocité. À la Commission européenne, il m'a également été conseillé de faire avancer le principe de réciprocité. J'attends donc de vous un engagement sur ce principe, afin de nous prémunir contre une forme de naïveté dans cette mondialisation de la compétition.

Mme Fabienne Keller. - C'est un beau symbole, Messieurs les Ministres, de vous voir réunis. Merci également pour votre enthousiasme et votre énergie. J'aurai trois questions concrètes : d'une part, pourriez-vous nous indiquer les domaines susceptibles de faire l'objet de convergences rapides ? D'autre part, qu'entendez-vous par l'avant-garde européenne que vous avez, Monsieur Roth, appelée de vos voeux et quelle y serait la place du tandem franco-allemand ? Enfin, quelles propositions pourraient être avancées conjointement par la France et l'Allemagne pour redonner un espoir à l'Europe que vous avez si bien décrite tous deux ?

M. Didier Marie. - Je me réjouis comme tous mes collègues de la présence des deux ministres devant nous. Vous avez tenu des propos forts, réalistes et vrais. L'Europe a déçu, faute d'avoir répondu aux inquiétudes de la mondialisation qui promettait le progrès et a généré notamment la mise à mal d'une partie de notre industrie et le déclassement d'une partie de la population, à l'origine de la montée des populismes. Si l'on peut se réjouir du résultat des élections en Autriche, malgré le score élevé de l'extrême-droite, encore faut-il s'inquiéter des conséquences du référendum en Italie. À cet égard, comment voyez-vous la collaboration européenne avec ce pays ?

Nous avons en perspective le soixantième anniversaire du traité de Rome et nos institutions doivent être rendues plus démocratiques. Il nous faut ainsi prendre un certain nombre d'initiatives en matière de croissance pour aller plus loin que le Plan Juncker et renforcer l'union économique et monétaire. Pourriez-vous nous dire à court terme les initiatives que le couple franco-allemand peut prendre dès le 15 décembre prochain et d'ici les célébrations du soixantième anniversaire du traité de Rome ?

M. Michael Roth. - Merci beaucoup pour vos paroles de reconnaissance. Monsieur le Sénateur Nègre a mis en exergue l'importance de l'industrie ferroviaire européenne et notre naïveté vis-à-vis des autres grands acteurs mondiaux et en particulier de la Chine. Je ne peux que souscrire à vos propos. Nous avons besoin actuellement de réciprocité. Si nous ouvrons notre marché, il faut que les Chinois ouvrent le leur ! Ni la Chine, ni la Russie n'ont d'intérêt à voir une Europe forte. Elles pratiquent la politique du « divide et impera ». Lorsqu'on considère le marché chinois dans sa globalité, on considère moins le partenaire européen lorsque l'engagement national paraît plus avantageux. Or, nous avons nos chances si nous coopérons ensemble sur ce marché ! Il n'est pas possible que le dumping chinois finisse par détruire notre industrie, en particulier dans le domaine ferroviaire, comme dans d'autres secteurs. Il nous faut être sans cesse plus innovants que les Chinois. Je suis également inquiet, mais je reste convaincu de la nécessité du respect du principe de réciprocité défendu par l'Union européenne et de l'engagement, au niveau international, en faveur de normes économiques ambitieuses.

Nous avons pu mesurer la difficulté d'une telle exigence à l'occasion de la négociation de l'accord économique et commercial global (CETA) et du traité de libre-échange transatlantique (TAFTA). Il y a peut-être eu moins de manifestations en France qu'en Allemagne, mais les citoyens ont la tentation d'associer la mondialisation aux normes de dumping mises en oeuvre par les Chinois. Notre communication ne met en exergue que les risques, et non les chances, de la mondialisation. Avec 1,4 million de jeunes chômeurs, il nous faut être tout particulièrement ambitieux et proactif.

Madame la Sénatrice Keller, nous avons pour ambition commune, avec mon homologue M. Harlem Désir, que l'Europe continue à avancer et à se développer, mais nous sentons bien que l'aptitude au compromis et au consensus s'avère de plus en plus fragile. Il nous est impossible de nous adapter aux souhaits de l'État le plus réfractaire à l'intégration européenne. C'est pourquoi, je refuse une « Europe du noyau », concept apparu en Allemagne dans les années 90 qui me semble véhiculer l'image d'une Europe de la fermeture et selon laquelle quelques États plus unis devanceraient les autres. Je ne souscris pas à ce concept car je suis pour l'ouverture, puisque de nouvelles alliances se font constamment jour dans l'Union européenne comme en témoignent l'examen de la Taxe Tobin ou les débats sur la politique migratoire ou sur le climat. La zone euro a une responsabilité particulière dans ce domaine, car lorsque dix-neuf États partagent la même monnaie, une responsabilité particulière leur échoit. Quels sont les points de convergence envisageables ? Une telle démarche ne consiste pas en une harmonisation de l'État providence. Pourquoi n'arrivons-nous pas à mettre en place des indicateurs qualitatifs obligatoires au niveau européen ?

Je prendrai deux exemples. Lorsque nous nous engageons à employer 3 % de notre produit intérieur brut dans l'éducation et la recherche, tous les partenaires doivent s'y tenir. Lorsque nous nous engageons à respecter un certain salaire minimum au sein de la zone euro et de combattre les salaires trop bas, alors une rémunération minimale doit être instaurée dans chaque État et ce, selon la productivité de telle branche et la situation économique nationale. Ainsi, le salaire minimum de l'Allemagne sera toujours plus haut qu'en Slovaquie ou dans d'autres pays, au moins à moyen terme. Nous avons également besoin de couloirs d'imposition, comme c'est le cas pour la taxe sur la valeur ajoutée puisque les États ne peuvent prélever cette dernière qu'entre 15 et 25 %. Il n'est pas possible que la France taxe ses entreprises à 25 % tandis que d'autres d'États n'exigent que moins de la moitié de ce taux. Il n'est pas non plus possible que, dans le même temps, ces mêmes États reçoivent des financements pour assurer de nouvelles infrastructures, tandis que la France manque d'argent pour financer les siennes ! Ce n'est pas possible et je ne veux pas de cette concurrence qui est déloyale. La zone euro a une responsabilité particulière dans ces trois domaines que je viens de vous exposer.

M. le Sénateur Marie m'a interrogé sur notre perception de l'Italie. Nous avons besoin d'un partenaire important comme l'Italie, qui est signataire du traité de Rome, et c'est pourquoi nous sommes très inquiets quant à l'échec du référendum de Matteo Renzi et la chute à venir du gouvernement italien. En effet, l'Italie est, après l'Allemagne et la France, le pays le plus industrialisé de l'Union européenne. Nous ne pouvons laisser tomber un tel pays et il importe de conserver des relations très étroites avec lui.

Le Brexit est un sujet très important pour le Parlement français. Il n'y aura pas de privilège du Royaume-Uni et je ne peux que vous inviter à négocier à nos côtés. Sans doute les Britanniques tenteront-t-ils de nouer des accords bilatéraux et spéciaux ! Nous avons de l'influence sur notre attitude commune vis-à-vis du Royaume Uni dans le cadre de cette négociation. Notre solidarité devra être telle qu'il n'y aura qu'un seul accord des 27 États membres vis-à-vis d'un pays qui va finir par nous quitter.

M. Harlem Désir. - Je partage naturellement ce qui vient d'être dit par mon homologue M. Michael Roth, mais pour compléter sa réponse à la question adressée par M. le Sénateur Louis Nègre, je rappellerai que l'industrie ferroviaire n'est pas la seule concernée. Il nous faut faire évoluer les règles de concurrence en Europe. Ce sujet a d'ailleurs été abordé, en présence du Président de la République et de la Chancelière, par les chefs d'entreprises lors des rencontres d'entreprises d'Évian. Nous sommes aujourd'hui face à des géants industriels qui bénéficient de systèmes dérogatoires à l'économie de marché ou de la puissance de pays mieux installés comme les États-Unis où le marché des télécommunications est moins fragmenté qu'en Europe. Dans les pays émergents et les États-Unis, on retrouve ainsi une grande quantité de concurrents disposant de capacités d'investissement et d'innovation susceptibles de mettre en péril les acquis européens. Tout en évitant la constitution de monopoles ou d'oligopoles en Europe, il faut permettre à nos industriels de s'allier dans divers secteurs où la taille du marché est désormais mondiale, notamment dans les secteurs du numérique, de l'énergie et du ferroviaire, et dans tous les autres secteurs où les acteurs sont de taille mondiale. C'est un débat que nous devons avoir avec la Commission européenne et sa direction de la concurrence dont l'accord est requis lors des projets de fusion.

J'ajouterai deux exemples à la question de la réciprocité sur laquelle mon homologue M. Michael Roth a répondu. S'agissant de la règle du droit moindre actuellement en discussion au plan européen, la France et l'Allemagne défendent une évolution du droit commercial européen qui permettrait, en cas de dumping, d'élever fortement nos droits de douane jusqu'à 300 %, contre 25 % aujourd'hui. Dans le secteur de l'acier, d'autres membres de l'Organisation mondiale du commerce, comme les États-Unis, peuvent monter leurs droits de douane jusqu'à 300 %. Il faut ainsi être capable de sortir d'une certaine forme de naïveté et de réagir de façon très forte afin de protéger nos industries menacées par le dumping. Je prendrai également la question des intérêts stratégiques évoquée lors de la dernière visite du Premier ministre Manuel Valls à Berlin. L'Allemagne essaie de s'appuyer sur la démarche réglementaire française qui vise la protection d'un certain nombre d'entreprises françaises en cas de menaces ourdies par certains investissements étrangers. Le secteur de la défense n'est d'ailleurs pas le seul à être concerné par cette démarche qui concerne les intérêts stratégiques entendus au sens large. Sur tous ces sujets de la protection de nos industries, je pense que la France et l'Allemagne ont des intérêts tout à fait convergents et une vision commune qu'il convient désormais de faire partager à l'ensemble de l'Union européenne.

En réponse à Madame la Sénatrice Fabienne Keller, certains domaines requièrent une avant-garde. L'euro en constitue le plus bel exemple, ainsi que l'Europe de la défense. Nous essayons certes de faire avancer nos propositions dans l'Europe des 27, mais la coopération structurée permanente, définie par le traité, permettra aux États comme la France et l'Allemagne, mais aussi l'Espagne et l'Italie, d'aller plus loin que d'autres États, dont les normes constitutionnelles obligent à la neutralité notamment. Une telle démarche rend ainsi possible la constitution d'une avant-garde dans un grand nombre de domaines. La taxe sur les transactions financières fournit également un bon exemple de création d'une telle avant-garde. En matière de convergence, sans attendre des avancées communes à l'Union européenne, la France et l'Allemagne pourraient définir des objectifs communs, en matière fiscale notamment, et viser une harmonisation de la fiscalité des entreprises entre nos deux pays. Notre vision sociale est également conjointe, même si nos mécanismes nationaux sont différents. L'Allemagne a récemment adopté un salaire minimum, qui permet de lutter contre le dumping social. Ainsi, je crois vraiment que, lorsque la France et l'Allemagne peuvent créer des repères, cette démarche s'avère fructueuse pour nos deux pays et aide l'Europe à effectuer cette convergence économique et sociale vers un modèle qui nous est commun.

M. Richard Yung. - Il faut que la France et l'Allemagne aient un front commun vis-à-vis du Royaume-Uni qui a plusieurs siècles d'expérience en matière de division des pays d'Europe continentale. Le Royaume-Uni souhaite négocier séparément avec chacun d'entre nous. Il nous faut converger et j'espère que ce front commun durera. Dans les domaines économique et financier, nous avons certes des liens, mais nous éprouvons aussi des difficultés. Il nous faut en parler. S'agissant de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, l'Allemagne critique l'achat massif de dettes des États, qui engendre des taux d'intérêt très bas auxquels les Allemands sont plus sensibles que nous. Ce problème est assez délicat.

Pour la coordination des politiques budgétaires, certaines sensibilités divergentes se font jour. Ainsi, M. Wolfgang Schäuble a réagi fortement aux suggestions de la Commission sur l'emploi de l'excédent budgétaire allemand, à tel point qu'il s'est exprimé en faveur de la limitation des pouvoirs de l'exécutif européen en la matière. Telle n'est pas notre approche, puisque nous souhaiterions aller plus loin dans la coordination des politiques budgétaires et dans la gouvernance de la zone euro. Enfin, notre approche est différente s'agissant notamment de la garantie des dépôts en matière d'union bancaire ou encore le fameux fonds de résolution pour la faillite des banques. Il nous faut donc un filet de sécurité dans le contexte que nous connaissons car les 50 milliards d'euros du fonds de résolution s'avèrent insuffisants. L'Allemagne s'oppose de manière très nette à l'utilisation de ce fonds de résolution européen. Tout cela avance extrêmement lentement. Il faudrait ainsi souhaiter plus de coordination entre nos deux pays et plus de travail commun.

M. Jean-Yves Leconte. - Le risque italien est manifeste et les questions industrielles sont liées aux capacités de financement des banques elles-mêmes liées à certains ratios prudentiels. Or, les banques sont de plus en plus prudentes vis-à-vis du financement de l'économie. Par conséquent, renforcer l'union bancaire est une absolue nécessité, afin de faire en sorte que les banques puissent s'engager dans le financement de l'économie. Certaines sociétés voient d'ailleurs leur compte se fermer, dès lors qu'elles exercent leurs activités dans tel ou tel pays qui ont une réglementation bancaire quelque peu contradictoire avec la réglementation européenne. Un tel handicap empêche les sociétés d'asseoir une présence hors de l'Union européenne à la hauteur de leurs capacités techniques.

Vous avez évoqué l'axe franco-allemand comme majeur pour la construction européenne ; ce à quoi j'adhère. Dans l'Europe à 27, on ne peut faire la même chose que dans l'Europe à 6. Tiendrez-vous le même discours à Varsovie ? Je ne pense pas que, dans l'Europe d'aujourd'hui, ce tandem puisse faire autant bouger les choses, à l'instar de ce que révèle la crise migratoire dans laquelle l'Europe centrale agit de manière autonome. Même sur l'avenir de la zone euro, lorsque la France et l'Allemagne essaient de converger, on voit bien que d'autres pays de la zone euro sont aussi en divergence. Si, pour chaque nouvelle politique, une avant-garde avec une géographie différente est constituée, à la sortie, il n'y aura plus de lisibilité de l'Europe ni de contrôle démocratique possible, puisque chaque politique sera alors conduite dans un espace différent.

Dans une perspective fédérale, le budget européen est trop faible et la politique d'asile est lacunaire et doit être coordonnée. Pensez-vous, qu'à court terme, la politique d'accueil et d'instruction des demandes d'asile pourra être financée exclusivement par le budget de l'Union ?

M. Alain Vasselle. - J'ai entendu votre critique sur le tunnel de TVA en faisant remarquer l'écart trop important, allant de 12 à 25 % qui était appliqué par les pays membres de l'Union européenne. Y a-t-il une convergence des points de vue allemand et français quant à l'application du principe de subsidiarité ? Quels sont les domaines dans lesquels vous considérez que ce principe doit s'appliquer ? En outre, considérez-vous qu'il y a une véritable équité, d'un point de vue concurrentiel, dans le secteur agricole entre l'Allemagne et la France ?

M. Jean-Paul Émorine, président. - Je suis convaincu qu'il nous faut des leaders européens. Comme président de la commission des affaires économiques, j'ai pu suivre de très près la réussite d'Airbus qui constitue un exemple concret d'une coopération aboutie. Selon vous, quels seraient les secteurs où l'émergence de tels champions industriels européens permettrait à l'Europe de peser sur la mondialisation ?

M. Michael Roth. - Vous avez mis en exergue le rôle de la Banque centrale européenne. J'ai une opinion quelque peu traditionnelle sur cette question. En effet, l'Allemagne a tenu à ce que la Banque centrale allemande reste dans ses limites et ne prodigue pas de conseils aux politiques. Je sais que la tradition française diffère sur ce point. Cette question est lancinante pour une grande partie de l'opinion publique. À titre personnel, j'ai également profité des taux d'intérêt bas pour acquérir une habitation, à l'inverse de la génération de mes parents qui devaient honorer des taux d'intérêts importants. Les petites et moyennes entreprises (PME) profitent de la politique des taux d'intérêt bas et ce, à l'inverse des épargnants, qui vivent de leurs placements et qui sont nos électeurs. L'Europe est riche, mais où son argent est-il placé ? Je souhaite qu'au sein de la zone euro, le rapport de l'investissement soit attrayant. Si les taux d'intérêt remontent aux États-Unis, il y a un risque de transfert des capitaux européens. Si nous nous étions engagés plus fortement au niveau politique, la Banque centrale européenne n'aurait pas eu à prendre de telles décisions. Nous sommes, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, dans le même bateau et les banques allemandes sont, sur cette question, responsables également. De nombreuses institutions bancaires n'ont pas agi de manière positive et l'Allemagne a une tradition spécifique reposant sur le triptyque banque privée, banque coopérative et banque d'investissement. Mon gouvernement veille à ce que les contribuables ne paient pas en définitive les risques pris par les banques et que ces dernières ne soient pas mises en danger par ailleurs. Il y a là la possibilité de rendre l'union bancaire plus efficace au niveau européen.

M. le Sénateur Leconte a évoqué un point très important. L'Allemagne et la France n'ont pas comme vocation la domination de l'Europe car l'Union européenne est diverse et il nous faut faire oeuvre de persuasion. L'Allemagne se perçoit davantage comme un médiateur et la construction européenne relève d'un travail d'équipe impliquant la prise en compte des petits États. Il est très difficile pour la France de rendre le triangle de Weimar vivant et nous comprenons vos difficultés avec le Gouvernement polonais, sans évoquer les relations avec la Hongrie ou d'autres pays. Il est important de faire des propositions qui unifient l'Europe et ne la divisent pas. Nous y sommes parvenus dans le passé et c'est ce vers quoi nous devons tendre à nouveau.

L'Allemagne a profité plus que les autres pays de l'Union européenne et je vous fais la promesse que l'Allemagne fera plus pour elle que les autres pays européens.

La question de la subsidiarité, qui est un principe d'application et non d'organisation, est actuellement débattue par la Commission européenne qui est devenue plus politique. Est-il nécessaire d'obtenir une unification de son application à l'échelle de l'Union ? Lorsqu'avec mon homologue, M. Harlem Désir, nous débattons de cette question dans le même Conseil, j'ai l'impression que nous partageons l'objectif que l'Europe ne se concentre que sur les actions et les domaines qui lui incombent en propre. Actuellement, il y a beaucoup moins d'initiatives réglementaires de la part de la Commission qui semble s'auto-restreindre. Nous avons l'obligation de respecter ce principe de subsidiarité et si vous pouvez nous aider à le faire, n'hésitez pas !

M. Harlem Désir. - M. le Sénateur Richard Yung a indiqué que nous avancions trop lentement, à l'inverse de la mondialisation et des crises qui s'y font jour. Nous ne sommes pas aussi exempts de toute contradiction. En effet, les Français sont aujourd'hui très satisfaits de l'action de la Banque centrale pour des raisons rappelées par mon homologue, M. Michael Roth, puisque nous étions préoccupés par le problème de la croissance molle et de la relance de l'investissement. Nous avons plaidé pour que la Banque centrale permette un rééquilibrage du taux de change de l'euro. Elle a ainsi agi dans un sens correspondant à son mandat, puisque l'inflation est demeurée en deçà de la cible de 2 % et qu'elle a souhaité s'assurer que le système bancaire verse davantage de crédits aux entreprises et aux ménages. Elle a donc créé des liquidités pour cela. C'est d'ailleurs un paradoxe puisque, pendant très longtemps, la France est demeurée très critique vis-à-vis de la Banque centrale européenne, dont l'indépendance était alors défendue par l'Allemagne, du fait qu'elle ne répondait pas aux injonctions politiques.

La politique monétaire reste un atout pour la reprise économique en Europe et fonctionne du fait de l'existence d'une institution européenne. Puisque nous avons créé une monnaie commune, en appliquant le principe de subsidiarité, il nous fallait instaurer une banque centrale européenne qui agisse au service de l'Europe. Il vaut mieux laisser la compétence aux États membres et aux collectivités locales dans les domaines où la souveraineté n'est pas partagée. C'est pourquoi nous avons plaidé avec mon homologue, M. Michael Roth, dans les conseils au sein desquels nous siégeons, pour que la Commission ne s'immisce pas dans tous les domaines de la vie quotidienne ou économique des citoyens, mais qu'elle se concentre sur les priorités dont nous avons parlé : le soutien à l'investissement, les grands dossiers industriels, la croissance, l'émigration ou encore la défense. Une telle limitation change grandement le fonctionnement de l'Union européenne. Ainsi, il nous faut à nouveau débattre du principe de subsidiarité et veiller à ce qu'il soit partagé.

Dans un contexte où il y a plus d'hétérogénéité dans une Europe à 27, il faut bien prendre en compte la diversité qui s'y fait jour. Les préoccupations de départ ne sont plus forcément les mêmes, et il importe de s'assurer que la France et l'Allemagne proposent, sur chaque grande question, des réponses communes. Faute d'une telle démarche, il serait plus difficile encore de maintenir ensemble cette Europe à 27. C'est sans doute notre devoir, dans le contexte de montée des populismes et de la tentation chez certains de s'éloigner, que l'approche franco-allemande soit solide. On reproche parfois à la France et à l'Allemagne de fermer le jeu, mais l'absence de leur approche commune s'avère très vite anxiogène. Nos propositions communes permettent ainsi à d'autres États de participer à des avancées.

C'est le cas également des alliances industrielles, comme dans le secteur de l'armement avec l'alliance entre NEXTER et KMW. Il incombe désormais au secteur privé d'assurer sa propre convergence. Airbus est un exemple particulier puisque la France avait une participation publique dans l'aéronautique et il a fallu que l'État se mêle de la création de cette entreprise dont le fonctionnement s'est progressivement normalisé. Il faut d'ailleurs que l'Europe soutienne les arbitrages d'Airbus face à Boeing. Mais, dans nombre de domaines, il nous faut faire en sorte que les règles européennes de concurrence n'empêchent pas les industriels, tout particulièrement français et allemands, de nouer des alliances par eux-mêmes.

Que voulons-nous faire du soixantième anniversaire du traité de Rome qui se déroulera sous la présidence maltaise et qui ne doit pas être une commémoration, car l'Europe est un projet et non un souvenir ? Il nous faudra clarifier notre agenda et nous concentrer sur des priorités. Au-delà des différences qui peuvent se faire jour entre les États, interrogeons-nous sur notre capacité d'assumer notre destin commun et de défendre nos valeurs communes pour mieux peser sur la mondialisation. La clarification de nos objectifs pourrait alors conduire à d'autres étapes institutionnelles. Quels sont les grands choix qu'il nous faudra opérer ensemble ? Souhaitons-nous que l'Europe soit une puissance qui s'affirme et quels sont les États membres désireux de poursuivre ensemble ce projet ? La France et l'Allemagne sont persuadées que leur destin commun est celui de l'Europe.

M. Jean-Paul Émorine, président. - Merci Messieurs les Ministres. Je souhaitais vous exprimer mon bonheur d'avoir été entouré par nos deux ministres des affaires européennes. C'est là une première autour de cette table qui réunit des Européens convaincus. Certes, des voix différentes peuvent se faire entendre, mais l'essentiel réside dans l'affirmation de la place de l'Europe dans la mondialisation. Nous souscrivons donc à ce que nos deux ministres ont pu dire. Dans cette perspective du XXIe siècle, il faut essayer de faire de l'Europe un leader mondial, car nous ne sommes pas suffisamment structurés, pour peser à la hauteur de nos capacités, dans le contexte mondial actuel.

La réunion est close à 18 h 50.