Jeudi 6 octobre 2016

- Présidence de Mme Chantal Jouanno, présidente -

Rapport « Femmes et laïcité » - Troisième échange de vues

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Nous abordons maintenant notre troisième échange de vues sur le rapport que j'appelle par commodité « Femmes et laïcité ». Vous avez dans vos dossiers les projets de conclusions du rapport, qui ont été reformulées à la suite de la réunion de la semaine dernière pour hiérarchiser nos diverses propositions et recommandations.

Ces conclusions sont désormais classées en quatre catégories. Les observations sont en quelque sorte les « considérants », qui nous amènent à formuler : d'abord, des propositions à l'attention du législateur, dans l'ordre de la hiérarchie des normes (la Constitution en premier, puis les lois), ensuite des recommandations à l'attention du Gouvernement et, enfin, des pistes de réflexion à l'attention des acteurs (partis politiques, associations, établissements d'enseignement supérieur, représentants des cultes...).

Ce qui concerne les établissements d'enseignement supérieur a été reporté dans les suggestions adressées aux acteurs, par cohérence avec le principe d'autonomie. Ce ne sont donc pas des recommandations, mais des pistes de réflexion.

Les conclusions ont été allégées, notamment pour supprimer une précédente recommandation sur le sport, qui est cependant rappelée dans le corps du rapport. Nous nous en tenons, s'agissant du sport, si vous en êtes d'accord, à ce qui concerne le respect de la Charte olympique.

Il y a désormais dans les « considérants » un alinéa qui reprend nos débats de la semaine dernière sur le voile. Vous convient-il ?

Enfin, des débats de la semaine dernière, il résulte aussi qu'il n'y a pas consensus pour proposer une réforme législative qui fasse des parents accompagnateurs de sorties scolaires une catégorie soumise au respect de la neutralité. Il faudra voir par ailleurs comment rédiger la partie sur la neutralité des élus dans le cadre de leur mandat.

Le débat est ouvert.

Mme Corinne Féret. - Avant toute chose, pourriez-vous me rappeler le calendrier d'adoption du rapport ?

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - La date d'adoption a été fixée, en principe, au 20 octobre, sous réserve que chacun et chacune d'entre vous soit prêt à cette date pour procéder à ce débat. Nous pourrons bien sûr prévoir une réunion ultérieure si vous le souhaitez. Par ailleurs, les groupes ou les sénateurs et sénatrices, de façon individuelle, peuvent nous adresser des contributions spécifiques qui seront annexées au rapport. Pour ceux qui souhaitent que l'on puisse échanger sur le contenu de leur contribution avant l'adoption du rapport, nous demandons d'adresser leur contribution en temps voulu. Pour les autres, la date butoir est fixée en cohérence avec la date d'adoption définitive du rapport, afin que les contributions puissent lui être annexées.

Mme Laurence Cohen. - J'ai relu attentivement le rapport cette semaine et j'éprouve l'inquiétude que certains de nos propos soient détournés, dans le contexte tendu que nous connaissons aujourd'hui, attisé par la primaire de novembre prochain. Pourrions-nous évoquer d'emblée les questions concernant la formation des ministres du culte ?

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Nos propositions en ce domaine s'inspirent des remarques formulées par certains participants à la table ronde du 14 janvier 2016 et de celles de la mission du Sénat sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France et de ses lieux de culte, présidée par notre collègue Corinne Féret. Le projet de rapport ajoute une dimension relative à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Je voudrais dire que j'ai eu le souci constant, en travaillant à ce rapport, de ne pas stigmatiser un culte plus qu'un autre, mais d'avoir au contraire la vision la plus globale possible.

Mme Corinne Féret. - En matière de formation des ministres du culte, l'État, comme vous le savez, n'intervient en aucun cas dans le volet théologique, en conformité avec la loi de 1905. En revanche, il est possible d'accompagner les cadres religieux avec des formations profanes ou civiques, lesquelles peuvent s'adresser à l'ensemble des cadres religieux, et pas seulement aux imams, sujet sur lequel la mission d'information que j'ai présidée s'est concentrée pour des raisons évidentes. La question de la formation doit donc être posée pour l'ensemble des cultes.

En matière de formation civique, il existe déjà une certaine offre de formations et ce rapport les mentionne. Nous avons fait des recommandations pour les développer davantage sur les questions relatives à la société française, aux valeurs de la République et à la laïcité. Ces formations peuvent être proposées dans des universités publiques. Une quinzaine de diplômes universitaires (DU) existent sur le territoire français et sont ouverts à tous. Nous avons préconisé qu'il y ait aussi un module ou des heures dédiées à la non-discrimination dans le droit français. En conclusion, l'encouragement à suivre ces DU devrait concerner l'ensemble des religions et leurs ministres des cultes.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Vous avez raison, nous allons rédiger la proposition dans ce sens. Il faut insister sur le fait que dans la partie non théologique de la formation, il est important que les cadres religieux soient sensibilisés tout particulièrement au principe d'égalité entre les femmes et les hommes, valeur centrale de notre République.

Mme Chantal Deseyne. - On ne peut certes pas s'immiscer dans le volet théologique de la formation des ministres du culte, mais en revanche, je confirme que l'État a son mot à dire en ce qui concerne la formation civique ou profane. Cette formation doit à mon avis concerner aussi les aumôniers.

Mme Corinne Féret. - Les aumôniers interviennent à l'hôpital, dans les prisons, dans les armées, et toutes les religions sont concernées. Leur rôle est prévu par la loi de 1905.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Le rapport traite la question des aumôniers dans les établissements hospitaliers, en recommandant d'avoir davantage d'aumôniers, de nommer des femmes pour accomplir cette mission et de renforcer leur formation aux valeurs de la République et à la question de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Corinne Féret. - Je voudrais souligner que la question des aumôniers dans les prisons, bien que non abordée dans le rapport, est un vrai sujet.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Nous avons limité notre analyse aux secteurs où se présentent des difficultés au regard plus particulièrement de la mixité. Les établissements hospitaliers en font partie. Je vous propose donc de mentionner le sujet des prisons pour montrer qu'on ne l'ignore pas, même si nous n'y consacrons pas de développements spécifiques. En revanche, je suis d'accord avec vous sur l'importance de la question de la situation des femmes en milieu carcéral, qui d'ailleurs a été le thème d'un rapport de la délégation en 20091(*).

Mme Chantal Deseyne. - De façon générale, la nouvelle présentation des recommandations que vous nous proposez aujourd'hui me convient tout à fait, car il était impératif de les hiérarchiser. Cela permet de mettre en exergue les principes sur lesquels on ne peut transiger, puis de les décliner ensuite dans les différents domaines thématiques. J'associe à ma remarque notre collègue Didier Mandelli qui ne pouvait être présent ce matin.

En ce qui concerne les propositions sur l'enseignement supérieur, je me pose la question de l'enseignement privé. Quant à la charte des examens que vous évoquez, j'estime qu'elle devrait émaner du ministère et non de chaque établissement.

Mme Corinne Bouchoux. - Cela irait à l'encontre du principe d'autonomie des universités...

Mme Chantal Deseyne. - J'en suis consciente, mais cela me gêne s'agissant des examens. Sur la question des parents accompagnateurs, je pense qu'il faut faire attention à ne pas priver de toute sortie les enfants concernés.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Ce point débattu la semaine dernière a été écarté des recommandations mais, dans le rapport, je propose de faire figurer un encadré qui prenne acte de l'absence de consensus sur ce sujet. Vous avez évoqué sur ce point l'intérêt des enfants.

Mme Chantal Deseyne. - Il y avait également une interrogation sur la neutralité des élus dans le cadre de leur mandat.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Là encore, la rédaction a été reformulée. Le paragraphe relatif aux cérémonies religieuses auxquelles les élu-e-s peuvent être amenés-e-s à participer dans le cadre de leurs fonctions a été maintenu dans le rapport, mais il ne figure plus dans les conclusions.

Mme Chantal Deseyne. - Et la question des candidats pendant leur campagne ?

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Ce point a été tranché par le Conseil d'État, et il me paraissait important de le noter. Je suis d'avis que cette remarque ne figure pas dans les conclusions, mais qu'elle soit maintenue dans le corps du rapport. Je précise au passage qu'une référence à un rapport de l'Observatoire de la laïcité sur ce sujet a été ajoutée.

Mme Françoise Laborde. - Cela me convient.

Mme Chantal Deseyne. - Sur la question de la mixité dans les entreprises, certains comportements me semblent inacceptables, tel que le refus de serrer la main d'une femme ou d'obéir à son autorité hiérarchique. Il faut le souligner.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Nous en parlons abondamment dans le rapport.

Mme Chantal Deseyne. - Est-ce également le cas dans les conclusions ?

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - En effet, cette question est traitée à la fois dans les propositions au législateur à travers la création d'un délit autonome d'agissement sexiste, et dans les pistes de réflexion pour les acteurs à travers la nécessité de faire connaître la législation sur l'agissement sexiste, dans le code du travail et dans le statut des fonctionnaires.

Mme Françoise Laborde. - C'est une bonne chose que le rapport propose de modifier le code pénal pour créer un délit autonome d'agissement sexiste.

Mme Corinne Bouchoux. - En tant qu'historienne, je suggérerais de remplacer dans le rapport l'expression « place des femmes » par celle de « rôle des femmes ». En effet, le terme « place » était pertinent quand les femmes n'avaient pas de place et qu'on se battait pour qu'elle existe. Cette place étant acquise par l'égalité dans tous les domaines, il me paraît plus exact de parler du « rôle des femmes ».

Je me réjouis que nous ayons pu procéder à différents échanges de vues sur le rapport de façon apaisée, grâce à une méthodologie qui devrait à mon sens être plus répandue au Sénat...

J'en viens maintenant aux points du rapport qui me gênent. En premier lieu, la question des certificats de virginité et des réfections d'hymen qui, pour certaines femmes, sont des questions de vie ou de mort. Je pense que c'est d'abord un problème d'injonction sociale qui fait que ces femmes n'ont pas d'autre choix que de faire ce type de demandes. De plus, ces pratiques, loin de diminuer, tendent semble-t-il à augmenter.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - La nouvelle rédaction pourrait mentionner par exemple les contraintes sociales qui pèsent sur ces jeunes filles, pour mieux marquer qu'elles sont victimes et que nous nous en indignons.

Nous pourrions formuler notre remarque ainsi : « la délégation s'indigne que les contraintes sociales qui pèsent sur certaines jeunes femmes les obligent à formuler de telles demandes » ?

Mme Laurence Cohen. - Je suis d'accord, il ne faut pas juger le fait, pour ces jeunes femmes, de recourir à ces actes, mais ce qu'on les oblige à subir. Ces femmes sont d'abord des victimes !

Mme Corinne Bouchoux. - Le dernier point que je voudrais soulever concerne l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur. Ce principe est un choix politique validé par la loi. À l'époque, j'étais contre la loi Pécresse, mais maintenant il faut l'appliquer correctement. Ne demandons pas à ces établissements d'appliquer une disposition qui n'est pas une obligation légale. Je fais référence à l'adoption d'une charte des examens que vous suggérez.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Nous les invitons à adopter une charte des examens, dans le respect de leur autonomie. Ce n'est pas une recommandation. Dans nos conclusions, les recommandations s'adressent au Gouvernement.

Mme Corinne Bouchoux. - - Posons-nous la question : qu'est-ce que l'autonomie ? Ces établissements ont un conseil d'administration, un président.

Je salue la précision que vous avez apportée sur le jour de l'examen, s'agissant de la neutralité qui pourrait s'imposer aux candidats aux concours de la fonction publique. Pour le reste, je me fie à mon expérience. Certaines jeunes filles ont besoin d'achever leur formation à l'ÉSPÉ pour s'affranchir du voile. Peu importe qu'elles le portent pendant la formation si, le jour où elles prennent leur poste d'enseignante, elles ne le portent plus.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Ce n'est donc pas le fond de notre recommandation qui vous gêne, mais sa faisabilité.

Mme Corinne Bouchoux. - Pour finir, je respecte totalement votre point de vue sur le sport. Pour autant, dans les quartiers, je préfère voir une gamine faire du foot avec un petit signe religieux, que pas de fille du tout.

Pour les avoir rencontrées, dans 98 % des cas, ces jeunes filles, si elles ne portent pas un signe religieux, ne peuvent pas venir faire du sport.

À mon avis, la recommandation de neutralité ne doit pas s'appliquer au sport amateur, mais seulement aux compétitions régies par la Charte olympique.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Dans les recommandations, nous nous en tenons aux Jeux olympiques. Pour avoir bien connu le dossier, puisque le problème s'est posé à la Fédération internationale de karaté, la question ne s'était jamais posée jusqu'à très récemment. On avait des combattantes de tous les pays qui venaient non voilées, ou avec un signe très peu visible. Or tout d'un coup, c'est devenu une obligation dans certains pays. On n'aurait pas laissé faire pour des hommes.

Mme Corinne Bouchoux. - J'assume mon point de vue. Je suis contre une recommandation qui risque de pénaliser doublement des jeunes femmes. Cela ne m'empêchera pas de voter le rapport. C'est un problème politique majeur : pourquoi ce sont les femmes qui sont pénalisées alors qu'elles sont des victimes ? Et pourquoi fait-on preuve de tant de compréhension envers les pays qui formulent ces exigences ?

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Il y a des sujets sur lesquels il n'y aura pas de consensus entre nous. On peut faire état de ce débat sur le sport dans le corps du rapport. L'essentiel est que nous nous retrouvions sur les grandes lignes.

Mme Corinne Bouchoux. - Je n'y vois pas d'objection.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Ce débat illustre les difficultés inhérentes à ce sujet complexe. Il y a une charte de l'olympisme auxquels les pays participants adhèrent. Pour moi, il est absolument fondamental d'être vigilant sur ce point. Je comprends ce que dit Corinne Bouchoux, mais pour moi c'est vraiment important.

Mme Laurence Cohen. - En tant que féministes, nous sommes toutes confrontées à ce dilemme. D'un côté, il y a effectivement le respect, l'égalité, ce pour quoi nous nous battons. Des femmes meurent parce qu'elles refusent de porter le voile et nous sommes accusé-e-s, nous les intellectuels-les des pays occidentaux, d'être trop tolérant-e-s sur ces sujets. Mais il faut aussi entendre tout ce que dit Corinne Bouchoux. Toutefois, jusqu'où est-on prêt à aller ? À force d'accepter, on recule peu à peu sur l'égalité entre les femmes et les hommes.

Les recommandations sur le sport n'évoquent justement que les Jeux olympiques et ne parlent pas du sport amateur dans un club local.

Mme Corinne Féret. - S'agissant de la neutralité des étudiants dans les ÉSPÉ, je serai d'avis d'opérer une distinction entre le moment où les étudiants sont en cours, comme tous les autres étudiants, et celui où ils sont en stage dans des établissements scolaires. Dans ce dernier cas seulement leur serait applicable, comme aux enseignants, le principe de neutralité. Sinon, je considère que c'est la porte ouverte à l'interdiction des signes d'appartenance religieuse à l'université. Personnellement, je n'y suis pas favorable.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Nous partons du principe que ces étudiants font un choix quand ils se destinent à l'enseignement et doivent donc assimiler tout de suite ce principe de neutralité. Là encore, je crains que nous n'obtenions pas de consensus sur ce point, mais nous pouvons faire état du débat dans le rapport. Il ne s'agit pas d'interdire les signes d'appartenance religieuse à l'université. Je ne pense pas que nous pourrons trouver une rédaction susceptible de satisfaire tout le monde, même si j'avais l'impression que notre formulation était assez neutre en utilisant le conditionnel.

Mme Françoise Laborde. - Sur la question des ÉSPÉ, on ne trouvera pas de consensus. Les personnes qui étudient dans les ÉSPÉ sont de futur-e-s enseignant-e-s. Je suis d'accord pour ne pas se focaliser, à l'université, sur les tenues vestimentaires. L'important, c'est le contenu des enseignements. Si un étudiant ne porte aucun signe religieux ostensible, mais manifeste son désaccord sur le contenu des enseignements, cela me pose un problème. Nous avons eu des échanges avec des directeurs d'ÉSPÉ dans le cadre de la commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de l'éducation nationale. Si on ne les aide pas, ils n'arriveront pas à faire respecter la neutralité au sein de leur établissement. Certains jeunes sont dans le déni de la laïcité, alors que ce sont de futurs professeurs. C'est anormal.

Mme Corinne Féret. - On peut avoir des étudiantes voilées respectueuses de nos valeurs républicaines, et inversement, des étudiantes non voilées, mais totalement opposées à la laïcité.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Certes, je suis d'avis qu'il ne faut pas se focaliser sur le voile. Il me semble cependant que si l'on suivait ce raisonnement, on remettrait en question le principe de neutralité dans le service public.

Mme Corinne Féret. - Dans les appels aux organismes représentant les cultes en France, on parle de deux instances de l'islam, le Conseil français du culte musulman (CFCM) et la Fondation pour l'islam de France, qui relèvent de deux logiques différentes.

Au CFCM, la gouvernance se fait au niveau des musulmans eux-mêmes, tandis que pour la fondation, c'est le Gouvernement qui structure la gouvernance.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Faut-il pour autant recommander au Gouvernement la parité dans la gouvernance de la Fondation pour l'islam de France ? Le problème est que cette recommandation ne saurait avoir d'équivalent pour les autres cultes.

Mme Corinne Féret. - En effet, il n'existe pas de telles structures pour les autres religions que l'islam. Cet aspect du rapport s'explique, certes, par le caractère récent de la fondation.

Je veux terminer sur un dernier point qui risque de faire débat. L'une des conclusions du rapport demande l'inscription du principe d'égalité entre femmes et hommes dans la loi de 1905. Dans le cadre de la mission d'information sur l'islam, nous avions pris pour prérequis de ne pas toucher à la loi de 1905, celle-ci constituant notre ligne directrice. Je vous renvoie sur ce point à l'avant-propos du rapport de la mission. Étant donné que j'ai présidé cette mission d'information dont le rapport a été adopté à l'unanimité, je ne peux, par cohérence, être favorable à cette recommandation.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Vous n'avez pas travaillé sous le même angle, mais j'en prends note et vous invite donc à nous remettre une contribution personnelle pour signaler ce point de divergence.

Mme Laurence Cohen. - J'anticipe sans doute nos débats, mais j'ai réfléchi à une proposition de titre, qui s'appuie sur l'une des citations de la rabbin Delphine Horvilleur. Je propose donc : « Laïcité : un point d'appui pour faire reculer l'infériorisation des femmes dans les traditions religieuses ». Ce n'est qu'une suggestion.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Nous aurons un vrai débat sur le titre au moment de l'adoption du rapport. Je ne suis pas d'emblée d'accord avec votre proposition car elle ne mentionne pas le principe d'égalité, alors que le rapport montre justement que la laïcité ne suffit pas pour lutter contre les extrémismes religieux. Le mot égalité doit apparaître dans le titre. Je vous invite tous et toutes à nous faire part de vos idées, et nous en débattrons le 20 octobre.

Programme de travail de la délégation

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Il m'a semblé préférable d'évoquer aujourd'hui, avant notre troisième échange de vues sur le rapport « laïcité », notre projet de programme pour la session à venir afin de laisser tout le temps disponible, le 20 octobre, à l'examen de ce rapport.

Je vous rappelle que la session 2016-2017 sera brève puisque nos séances publiques seront suspendues fin février 2017 pour reprendre, selon toute vraisemblance, à la fin de juin-début de juillet. Il faut se rappeler aussi qu'il y aura ensuite, en septembre, le renouvellement partiel du Sénat.

Je vous propose les éléments de programme suivants, dont certains vous ont été indiqués par courrier.

À l'occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, un débat est prévu en séance publique sur le rapport 2006-2016 : un combat inachevé contre les violences conjugales. (Ce débat devrait avoir lieu, sous toutes réserves, le mardi 22 novembre).

Toujours à l'occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, qui « tombe » cette année un vendredi, je suggère d'organiser notre réunion du jeudi 24 novembre dans la matinée, autour du thème des 100 millions de femmes manquantes (missing women) en Asie. Il m'a semblé important, dix ans après la sortie d'un documentaire sur le sujet, dont les auteurs ont reçu le Prix Albert Londres en 2006, de faire le point sur cette catastrophe démographique. Cette problématique se situe au croisement de tous nos combats, et plus particulièrement de ceux que nous menons contre les stéréotypes et les violences faites aux femmes et aux filles. J'aimerais qu'à travers cette réunion, le Sénat puisse alerter le public sur ce sujet.

Quant au colloque annuel de la délégation, il pourrait mettre à l'honneur en 2017 les agricultrices. Ce choix satisferait des suggestions formulées en 2015 par certaines de nos membres pour qu'un rapport d'information de la délégation aborde cette thématique.

Ce colloque pourrait avoir lieu pendant la dernière semaine de février 2017, par exemple le mercredi 22 février après-midi, quelques jours avant l'ouverture du Salon International de l'Agriculture.

À l'occasion du 8 mars, la délégation pourrait organiser une manifestation sur le thème « Être sénatrice en 2017 ». L'objectif de cette rencontre serait de promouvoir un dialogue entre nous et des historiennes, des élu-e-s, des journalistes, des responsables d'associations, etc. seraient ainsi sollicité-e-s pour réagir aux présentations que nous pourrions faire de notre travail et du rôle de la délégation.

Enfin, nous allons terminer, à l'échéance de la fin de 2016, le rapport « Intersexes » commencé en mai dernier.

Il est également prévu que nous entendions Laurence Rossignol, comme c'est généralement l'usage en période de PLFSS et de PLF. Ce serait l'occasion aussi, comme à l'accoutumée, de faire un point global de l'actualité de son ministère concernant les droits des femmes.

Nous devrons aussi décider le moment venu si, pendant cette période d'interruption, nous adoptons le principe de réunions régulières.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je voudrais formuler deux propositions complémentaires.

J'ai assisté, au Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) d'Ile-de-France, à la présentation d'un rapport consacré à l'utilisation de l'argent public affecté aux droits des femmes2(*) ; j'aimerais que la présidente du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes, Danielle Bousquet, soit invitée par la délégation pour le présenter et que nous puissions échanger avec elle sur ce sujet.

Je pense par ailleurs que la délégation devrait réagir à la tentative de remise en cause du droit d'accès à l'IVG en Pologne, pays de l'Union européenne, même si de récents développements intervenus hier sont susceptibles de nous rassurer. Pour autant, ils ne lèvent pas toutes les inquiétudes et la situation justifie que la délégation fasse part de sa préoccupation.

Mme Laurence Cohen. - La très importante mobilisation des femmes polonaises a permis de faire reculer le gouvernement polonais sur sa volonté d'interdire totalement l'avortement. Je rappelle que dans la législation actuelle de ce pays, l'IVG est autorisée dans seulement trois cas : lorsque l'enfant à naître est issu d'un viol, lorsqu'il est atteint d'une malformation irréversible ou lorsque la vie de la mère est mise en danger.

J'ai participé à une manifestation devant l'Ambassade de Pologne, comme cela avait été le cas quand de semblables tentatives de remise en cause de ce droit avaient eu lieu en Espagne.

J'abonde dans le sens des propositions de Brigitte Gonthier-Maurin. Il me semble aussi que nous pourrions aller plus loin en établissant un état des lieux de l'IVG en Europe. J'attire votre attention sur le fait que, dans notre pays, bien que la loi ne soit pas répressive quant à l'avortement, j'ai reçu de nombreux témoignages de femmes réduites à se rendre à l'étranger en raison de la fermeture de centres d'orthogénie.

Je constate aussi avec préoccupation que lorsque l'on interroge le terme « IVG » dans un moteur de recherche, les résultats les plus visibles concernent des propositions de sites anti-IVG, malgré les efforts du ministère des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes pour que des sites pro-IVG apparaissent en bonne place.

Mme Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - La situation de l'IVG en France a été traitée dans le rapport « Femmes et Santé »3(*), après une table ronde sur ce sujet qui a rassemblé tous les acteurs concernés (médecins, sages-femmes, représentantes du Planning familial, etc.). Il nous faut peut-être avant tout définir la forme que revêtiraient ces travaux : auditions d'experts ou synthèse dont nous débattrions ? Ce sujet peut aussi faire l'objet de questions d'actualité.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Les possibilités d'intervenir lors des questions d'actualité avant la fin de la session sont des plus réduites.

Mme Laurence Cohen. - Ce serait intéressant de rencontrer des parlementaires européens sur ce thème.

Mme Françoise Laborde. - À titre personnel, j'ai déjà réagi localement sur la situation en Pologne.

À mon avis, le colloque sur les agricultrices devrait nous conduire à traiter de sujets de fond. Je pense que ce thème pourrait donner lieu, après le colloque, à des travaux complémentaires en vue de la publication d'un rapport d'information aussi complet que possible.

Mme Chantal Jouanno, présidente, co-rapporteure. - Je suis d'accord. Le choix des intervenants au colloque nous permettra d'identifier les points qui justifieraient des auditions complémentaires. Nous pourrions envisager un rapport d'information publié à la reprise de nos travaux en séance publique, fin juin-début juillet 2017, dont les actes du colloque constitueraient une composante.

Il s'agit là un sujet de fond qui gagnerait à être débattu au cours de la campagne présidentielle.


* 1 Rapport d'activité pour l'année 2009 et compte rendu des travaux de cette délégation sur le thème Les femmes dans les lieux de privation de liberté, rapport d'information n° 156 (2009-2010) de Mme Michèle André fait au nom de la délégation aux droit des femmes.

* 2 Où est l'argent pour les droits des femmes ? Une sonnette d'alarme, rapport 2016, réalisé par le CESE, la Fondation des femmes, le HCE, le Comité ONU Femmes France, le Fonds pour les femmes en Méditerranée et Women's Worldwide WEB (note du Secrétariat).

* 3 Femmes et santé : les enjeux d'aujourd'hui, rapport n° 592 (2014-2015) de Mmes Annick Billon et Françoise Laborde fait au nom de la délégation aux droits des femmes.