Mercredi 6 juillet 2016

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 15.

Audition de M. Mathieu Gallet, président-directeur général de Radio France

La commission auditionne M. Mathieu Gallet, président-directeur général de Radio France.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Notre matinée est consacrée à la radio. J'accueille tout d'abord M. Mathieu Gallet, président-directeur général de Radio France, ainsi que son équipe. Cette audition intervient à un moment important pour le groupe public pour au moins trois raisons. La première, c'est que Radio France a connu, il y a un peu plus d'un an, une grève difficile qui a duré plusieurs semaines. Il est ainsi nécessaire de connaître l'état du moral de l'entreprise et de ceux qui la composent. Nous souhaitons également avoir une vision la plus juste possible de la situation financière de l'entreprise, alors qu'est entré en vigueur le nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour la période 2015-2019. Enfin, nous sommes à quelques semaines du lancement de la nouvelle chaîne d'information en continu du service public, dont Radio France est l'un des principaux partenaires. Nous souhaitons ainsi comprendre comment la mutualisation des moyens est mise en oeuvre.

Nous sommes très attachés à Radio France et l'année dernière notre rapporteur, M. Jean-Pierre Leleux, avait souhaité que le projet de contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2015-2019 qui nous avait été présenté soit amélioré. Nous sommes cependant dans une dynamique positive car nous observons les progrès réalisés depuis ces derniers mois : certains sujets, à peine esquissés dans le COM, ont pris une dimension nouvelle comme les mutualisations mises en oeuvre dans le projet de chaîne d'information en continu. Nous sommes heureux d'avoir été entendus sur la nécessité d'engager plus ouvertement l'entreprise dans cette voie, afin de rassembler progressivement les moyens du service public auquel nous sommes très attachés. Nous ne manquerons pas d'aborder un grand nombre de sujets, parmi lesquels la relance éditoriale de Mouv' qui commence à porter ses fruits ; ce dont nous nous félicitons. À l'issue de votre intervention liminaire, je donnerai la parole à notre rapporteur pour les crédits de l'audiovisuel, notre collègue Jean-Pierre Leleux avant de proposer à l'ensemble de nos collègues de vous interroger.

M. Mathieu Gallet, président-directeur général de Radio France. - Je vous remercie de me donner l'occasion de faire le point sur les activités de Radio France. Il y a un peu plus d'un an, nous sortions d'une grève historique par sa longueur et qui exprimait un certain nombre d'inquiétudes. Cette année 2015 a été la première année d'exécution du COM, même si nous ne l'avons signé qu'en avril 2016, en raison de la longueur des discussions avec nos ministères de tutelle et de la longueur de la grève. Je me félicite d'ailleurs de cette feuille de route qui marque l'engagement entre l'entreprise et son actionnaire pour les années 2015-2019. Avec Sybille Veil, en charge des finances, nous aurons l'occasion de revenir sur un certain nombre de sujets, dont l'amélioration de notre trajectoire financière dès cette première année d'exécution. J'avais également bien noté que le Sénat avait rendu un avis guère enthousiaste sur le COM, mais j'espère que l'audition de ce matin permettra de lever ses précédentes inquiétudes.

Cette année 2015 a été pour Radio France l'occasion de revoir profondément son offre de programmes, à l'issue d'un mouvement débuté en septembre 2014 et poursuivi depuis lors. Je ne doute pas que les fidèles auditeurs qui se trouvent dans la salle ne manqueront pas de nous interroger sur les modifications qui doivent être effectuées à la rentrée. L'ensemble du repositionnement des différentes antennes vise à rendre le groupe plus exhaustif dans sa couverture des différents sujets, qu'il s'agisse de l'information, de la culture à travers nos productions, comme les fictions radiophoniques qui n'existent que dans le service public de la radio ou le documentaire radiophonique, ou encore du divertissement et de l'humour qui appartiennent à l'ADN de la radio du service public. Nous avons souhaité, avec Frédéric Schlesinger, repositionner l'ensemble de notre offre, afin qu'elle soit la plus complète possible et que le plus grand nombre possible de Français puisse s'y retrouver et être fidèle à Radio France.

La deuxième activité significative - qui relève de l'axe n° 2 du COM - concerne la production musicale et culturelle. La réouverture de la maison, avec celle de l'auditorium en 2014, a amorcé un véritable changement dans les pratiques. En effet, Radio France produisait, par le passé, les concerts de l'Orchestre national au Théâtre des Champs-Élysées et ceux de l'Orchestre philarmonique à la Salle Pleyel. Depuis plus d'une saison, nous jouons à domicile, ce qui a entraîné une réelle évolution des métiers et l'acquisition de nouvelles compétences. M. Michel Orier, auparavant directeur général de la création artistique au ministère de la culture et de la communication, va prendre la tête de la direction de la musique et de la création musicale. Dans cette direction également, l'équipe artistique va être renforcée avec la désignation de délégués généraux pour chaque orchestre, Éric Denut et Jean-Marc Vador. Enfin, Emmanuel Krivine va être désigné comme nouveau chef pour l'Orchestre national de France à compter du 1er septembre 2016 avant qu'il n'en devienne, le 1er septembre 2017, le directeur musical à part entière. C'est d'ailleurs la première fois, depuis plus de quarante ans, qu'un grand chef français dirigera l'un de nos grands orchestres nationaux à Paris.

L'activité de production de concerts est très importante et nous a permis, au cours de la dernière saison, de dépasser les deux cents concerts par an, alors que nous n'en produisions que cent-trente précédemment. Cette grande ambition ne peut être portée que si l'entreprise s'en donne les moyens et l'organisation idoine. C'est la raison pour laquelle, conformément au troisième objectif de notre COM, Radio France doit poursuivre la modernisation de son fonctionnement. Comme vous l'avez souligné, la grève de l'année dernière a été difficile et le travail accompli par le médiateur Dominique-Jean Chertier a été essentiel pour nous permettre de renouer le dialogue. Nous sommes aujourd'hui engagés dans une stratégie financière qui nous amènera à réduire notre masse salariale d'ici 2019. Je rappellerai que celle-ci s'élevait à un peu moins de 400 millions d'euros en 2014 et que notre objectif est de l'abaisser à 395 millions d'euros en 1999, en faisant plus qu'absorber son évolution naturelle estimée à 4 millions d'euros par an. Pour atteindre un tel objectif, nous avons remplacé le plan de départs volontaires - qui a beaucoup joué dans les crispations du printemps dernier du fait de sa mauvaise perception par les salariés - par le non-remplacement partiel des départs naturels, soit un non-remplacement sur deux en 2016 et 2017, et un sur trois en 2018. Il nous faut opérer certains choix en termes d'organisation, suite à cette baisse d'effectifs correspondant à 270 équivalents temps-plein, se répartissant entre 230 contrats à durée indéterminée (CDI) et 40 contrats à durée déterminée (CDD).

Outre ce travail sur la masse salariale, l'ensemble des postes de dépense de Radio France seront mis à contribution, comme les frais de diffusion qui fournissent le second poste de dépenses. Ceux-ci seront donc réduits de 13 millions d'euros, avec l'arrêt de la diffusion en ondes moyennes, puis en ondes longues d'ici à la fin de l'année. Notre effort de réduction porte également sur la politique d'achats qui avait déjà été porté avant mon arrivée, mais qui va continuer tout au long du COM.

Lors de la première année de son exécution, en 2015, nous avions voté un budget en déficit de vingt millions d'euros. Finalement, celui-ci s'est avéré moins important que prévu à 13,9 millions d'euros, en raison d'économies et d'écritures comptables comprenant des reprises de provisions. Le rythme plus étalé du chantier de réhabilitation explique également ce résultat sur lequel Sybille Veil reviendra ultérieurement.

La période reste difficile, comme l'attestent les deux journées de grève de la semaine dernière, l'une pour l'ensemble du réseau Radio France et l'autre pour le réseau France Bleu.

Cette phase d'effort est historique pour Radio France, puisque l'entreprise n'avait jamais connu de budget reconduit à l'identique comme nous allons en faire l'expérience pendant cinq ans. Nous sommes obligés de faire des efforts sur l'ensemble de notre gestion. Comme je l'ai précédemment dit, Radio France réalisant l'intégralité de sa production en interne, la masse salariale représente le premier poste de dépenses. Les économies à réaliser sur celui-ci suscitent des questions et, au-delà, des inquiétudes. Je souhaitais souligner ce matin qu'un certain nombre d'organisations vont devoir évoluer. Nous nous préparons à le faire avec notre équipe en conduisant un véritable effort de pédagogie. Depuis un an, les efforts de transparence, dans les organigrammes ou les informations financières transmises lors des conseils d'administration et des comités centraux d'entreprises, ont modifié la perception de notre gestion précédemment considérée comme opaque. On ne disait pas tout non par choix, mais parce que la préoccupation financière était tenue pour secondaire ; Radio France, compte tenu de l'augmentation annuelle de son budget, n'avait pas de culture économique. Ce temps est terminé et notre entreprise doit aujourd'hui participer à l'effort de redressement des finances publiques. Pour le dirigeant que je suis et l'équipe qui m'accompagne, nous aurions certainement préféré bénéficier de la situation que certains de nos prédécesseurs ont connue. Je suis très confiant dans la capacité d'évolution de Radio France et son aptitude, malgré les contraintes qui sont les siennes, à conquérir de nouveaux territoires d'expression, comme le numérique dont la distribution monte en puissance. En effet, en mai dernier, le nombre de podcasts diffusés par Radio France a dépassé les trente-trois millions, ce qui fait de nous le premier groupe radiophonique sur ce créneau. Une telle évolution est constante depuis des mois et c'est l'ensemble des radios du groupe qui contribue à ce succès.

Vous avez évoqué le cas de Mouv'. À cet égard, nous attendons le 13 juillet prochain pour obtenir la confirmation par Médiamétrie de l'évolution positive de son audience. Mais nous constatons que le numérique a permis à Mouv' de trouver un positionnement auprès des jeunes publics. La chaîne d'intervention en continu, avec France Télévisions, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) est aussi pour nous l'occasion de montrer que nous savons nous adapter à un univers technologiquement très changeant et extrêmement concurrentiel, en mutualisant nos forces et nos moyens avec les autres acteurs de l'audiovisuel public, pour proposer à l'ensemble de nos concitoyens de nouvelles offres. C'est le sens de notre travail que de mettre le public au coeur de nos préoccupations.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Monsieur le président, nous sommes évidemment très heureux de faire le point avec vous sur la société Radio France, une année après l'émission d'un avis peu enthousiaste, comme vous l'avez rappelé, sur le contrat d'objectifs et de moyens. Je tiens à rappeler que la position de notre commission sur le COM 2015-2019 ne manifestait pas une défiance vis-à-vis de la société et de son personnel, mais exprimait une inquiétude réelle quant à la pérennité de l'entreprise, compte-tenu des réalités financières et des perspectives inscrites dans ce document. Vous avez répondu par anticipation à quelques-unes de nos demandes d'éclaircissements. Les questions que nous nous posons aujourd'hui tiennent en fait à la définition de votre marge de manoeuvre pour réformer cette société et au soutien dont vous pouvez disposer de la part de l'État.

Je souhaiterai dans ces conditions vous poser quatre questions précises. Quelle est, aujourd'hui, la situation financière de l'entreprise ? Est-on toujours sur une tendance de 16,5 millions d'euros de déficit pour 2016 ? La deuxième question concerne le chantier dont il se dit qu'il connaît de nouveaux dérapages tant en termes de coût que de délais. Pouvez-vous nous expliquer ce qu'il en est aujourd'hui et nous rappeler les échéances initialement prévues pour son achèvement en 2018, ainsi que les nouveaux délais qui pourraient être nécessaires ? Confirmez-vous le fait que de nouveaux surcoûts seraient inévitables ? Ma troisième question est relative à la réforme des orchestres ; sujet sensible lors de la grève de l'année dernière. J'avais alors regretté que le rapport de M. Gehmacher qui appelait à une refonte des orchestres n'ait pas reçu d'application. Vous avez annoncé, il y a peu, la mise en place de directions artistiques distinctes pour les orchestres. Faut-il comprendre que toute idée de rapprochement serait désormais abandonnée ? Ma quatrième question portera sur les coûts de structures. Nous savons que Radio France a besoin de maîtriser ses coûts de personnel. Vous nous l'avez indiqué, en vous appuyant sur un échéancier stratégique adopté après avoir abandonné le plan de départs volontaires au profit du non-remplacement partiel des personnels partant à la retraite. Les personnels semblent toujours très réticents face à ces évolutions. Comment comptez-vous procéder pour favoriser un état d'esprit plus positif sur les changements à conduire ? Êtes-vous suffisamment soutenu par le Gouvernement sur ce point ?

Une dernière question sur la chaîne d'information continue : la date du 1er septembre sera-t-elle honorée et quelles sont les ambitions d'audience de cette chaîne, ainsi que les coûts qu'elle va générer et devront être partagés entre ses différents acteurs ?

M. Mathieu Gallet. - Monsieur le rapporteur, la situation financière en 2015 s'est finalement avérée meilleure qu'attendue, quoiqu'avec un déficit record de quelque 14 millions d'euros. Nous serons encore en déficit en 2016 et la trajectoire du COM le prévoit. Je laisse le soin à Sybille Veil de vous retracer la situation financière actuelle.

Mme Sibylle Veil. - Le déficit de l'année 2015 était effectivement moindre qu'annoncé, puisque Radio France a clôturé son exercice avec un déficit de 13,9 millions d'euros, et non de 19 millions d'euros comme estimé dans le COM. C'est à la fois la traduction des efforts de l'entreprise pour réaliser des économies et la conséquence d'événements conjoncturels, comme les effets de la grève qui a occasionné un manque à gagner des recettes de billetteries et des publicités de parrainage, ainsi que des économies sur les salaires. Au-delà de cet événement très atypique, un autre fait a permis d'améliorer fortement le résultat 2015. Il s'agit d'un litige gagné par Radio France qui y avait consacré une importante provision dans ses comptes. L'entreprise souffre d'un déficit d'exploitation sur son activité courante, puisque les charges de personnel y sont extrêmement élevées, dans le contexte où la ressource publique est plutôt stable, voire décroissante. Dans le même temps, l'entreprise doit supporter le coût du chantier de réhabilitation qui pèse en fonctionnement et sur son résultat. Ces deux paramètres font que Radio France consacre un important effort au redressement de ses comptes. En 2016, les efforts d'économie, qui ont commencé à porter leurs fruits en 2015, vont se poursuivre et pourraient permettre de continuer à réduire progressivement le déficit. En 2015, d'importantes économies ont été réalisées à travers les politiques d'achats, ce qui a conduit à remettre en concurrence un certain nombre de prestations et à réduire certains postes, comme les taxis, les affranchissements ou encore les frais d'imprimerie. Nous essayons vraiment de dégager des économies, via des politiques d'efficience. Par ailleurs, sur la masse salariale, l'évolution de 2015, en grande partie conjoncturelle, était due à des vacances de postes lors de la période de grève qui a rendu la gestion de l'entreprise relativement complexe. Ainsi, un grand nombre de postes, qui aurait dû être pourvu en cours d'année, n'a pu l'être, générant un effet frictionnel qui a induit une économie de la masse salariale qui se retrouve dans l'exécution de l'exercice 2015.

En 2016, nous allons poursuivre la stabilisation à la baisse de la masse salariale en poursuivant la politique de non-remplacement. En effet, la masse salariale de l'entreprise croît chaque année de 4 millions d'euros, compte tenu de diverses évolutions automatiques et revalorisations, qui font l'objet de la politique salariale habituelle de l'entreprise. On doit absolument poursuivre la trajectoire de non-remplacement des départs pour limiter la hausse de la masse salariale et la stabiliser à la baisse. Cet effort est extrêmement complexe, puisque les activités de Radio France n'évoluent pas. Les départs non-remplacés impliquent ainsi des efforts de productivité qui doivent être conduits par tous les services. Cette démarche est extrêmement contraignante et difficile à mener pour l'entreprise. C'est là une première étape : des réformes d'organisation internes et des mesures de productivité devront être menées à bien, sans passer par la suppression d'activités, puisque le COM ne le prévoit pas. Sur un effectif d'environ 5 000 personnes, une réduction à hauteur de 270 ETP représente un effort important qu'il faudra tenir dans la durée, en concertation avec les organisations représentatives du personnel et notamment syndicales.

Le chantier de réhabilitation a pris un retard important du fait de la grève, ce qui impacte le résultat 2015, comme 2014 à la suite de l'incendie qui s'était déclaré à l'automne 2014. Ces deux événements ont contribué au ralentissement d'un grand nombre d'opérations. En effet, le chantier se déroule en site occupé ce qui signifie que les travaux avancent au fur et à mesure du déménagement des services de la maison pour pouvoir lui faire place. Il fallait obtenir l'accord des services pour assurer la continuité de ce chantier. Or, le climat social au moment de la grève a fortement durci les opérations de délocalisation et a, en conséquence, ralenti la conduite des travaux. Par ailleurs, ce chantier a laissé apparaître des sinistres à la suite de la prise en charge des premières tranches de chantier qui ont été livrées. Ceux-ci concernaient la première couronne du bâtiment, qui abrite notamment le centre de production radiophonique. D'autres sinistres sont survenus dans le sous-sol, sur la terrasse et correspondent à des aléas classiques, mais se traduisent par un ralentissement du chantier et l'augmentation de son coût. Si, en 2015, le chantier de réhabilitation a enregistré un réel retard, celui-ci s'est traduit par une sous-dépense d'investissement. Sur l'enveloppe d'une cinquantaine de millions d'euros prévue, les investissements réalisés ne se sont élevés qu'à 26 millions d'euros, contre 38 millions d'euros prévus, ce qui traduit la moindre exécution des travaux de réhabilitation. Ce décalage a également eu un impact sur notre trésorerie, puisque nous avons fini l'année 2015 avec une trésorerie négative de l'ordre de 5 millions d'euros, soit un écart d'un peu plus de 13 millions d'euros en moins par rapport à la fin de l'année 2014. Cette situation s'est cependant avérée bien moins négative que ce qui avait été anticipé lors des projections qui ne prenaient pas en compte l'impact de la grève et le ralentissement du chantier de réhabilitation.

M. Mathieu Gallet. - Pour compléter la réponse qui vient d'être apportée sur les délais du chantier, nous sommes actuellement en discussion avec l'actionnaire s'agissant de la réhabilitation des studios moyens où la production est assurée et le public accueilli. Ils se situent au rez-de-chaussée de la Maison de la radio et ne figuraient pas dans le projet initial. Leur remise aux normes a fait l'objet d'une injonction de la Préfecture. Le COM prévoyait une clause de rendez-vous à l'horizon 2016, à partir d'études qui sont actuellement conduites ; nous avons rendez-vous à l'automne avec l'État pour décider, au sein du conseil d'administration, du lancement de ce chantier. Dans ces studios sont réalisées les productions dites complexes, comme les fictions radiophoniques, et leur fermeture va nous amener à louer des espaces à l'extérieur pour continuer cette activité. Nous avons souhaité avec l'État repenser l'utilisation de ces studios au mieux des possibilités et des technologies actuelles.

S'agissant de la question soulevée par M. Jean-Pierre Leleux quant aux délais du chantier fixés à 2018, nous ne serons pas en temps et en heure et ce, a fortiori avec ce chantier sur les studios moyens que je souhaite voir aboutir.

La réforme de nos orchestres, aux spécificités distinctes, implique d'abord la redéfinition de leur positionnement artistique. C'est ce que nous avons souhaité faire avec Michel Orier qui a rejoint Radio France en mars dernier. Pour conduire ce travail, il fallait que notre équipe soit au complet. Elle le sera en septembre, avec l'arrivée d'un nouveau délégué général au Philharmonique et d'un nouveau directeur musical au National. Dans ce contexte, après avoir défini un projet artistique, nous souhaitons repenser l'organisation de la direction de la musique. D'ailleurs, nous présenterons au comité d'établissement de cette semaine ce projet de réorganisation qui placera le directeur de la création artistique au rang de véritable coordinateur des quatre formations que sont les deux orchestres, le choeur et la maîtrise. Afin de tenir compte des recommandations du Rapport Gehmacher et conformément aux dispositions du COM, nous proposerons également un redimensionnement de l'ensemble de ces formations qui devra intervenir à la rentrée. Avant tout, je souhaitais que le projet artistique soit défini, car il me paraît essentiel de parler du sens avant d'engager les réformes de structures.

Le personnel est inquiet et se pose des questions sur l'évolution du marché de la radio. En sollicitant Médiamétrie, nous avons souhaité être éclairé sur les évolutions à cinq et dix ans du média radio. La semaine prochaine, les trois scenarii élaborés par Médiamétrie seront présentés devant l'ensemble des managers. La situation que nous avons connue et qui était globalement stable depuis l'ouverture des ondes au début des années 80, va profondément évoluer dans les années à venir. Les usages évoluent à l'instar de l'écoute de la radio chez les jeunes : plus de 30 % des moins de vingt-cinq ans écoutent la radio sur des téléphones portables. La concurrence s'intensifie également, puisque ces terminaux permettent l'accès aux radios situées en dehors de la France, avec des agrégateurs de nos offres qui viennent rompre le lien direct qu'il existait jusqu'alors entre la radio et ses auditeurs. Évidemment, les modes de consommation de la musique, qui sont l'un des vecteurs importants de l'écoute de la radio, se sont également diversifiés, avec l'arrivée des offres de streaming et la place des plateformes de vidéo, et en particulier de YouTube. Les autres modes de consommation et d'usage de nos contenus sont devenus autant de concurrents à la radio elle-même et vont bouleverser nos organisations. Il nous incombe de nous y préparer.

S'agissant du projet de chaîne publique d'information, j'ai souhaité collaborer dès le départ avec Delphine Ernotte. Ma conviction est que Radio France et, notamment France Info, ne pouvait rester qu'une radio. Dans cette offre d'information en continu très importante et concurrentielle se trouve une myriade d'acteurs, comme les chaînes de télévision, la radio France Info, les acteurs numériques dont certains sont issus du service public, comme France TV infos, ou encore la presse écrite qui a aujourd'hui pris des positions très importantes dans le numérique. Dès la rentrée 2014, nous avions repositionné, avec Laurent Guimier, France Info comme une chaîne d'information en continu, en faisant une place beaucoup plus importante à la rédaction et en sortant un certain nombre de chroniques qui avait progressivement envahi sa grille pour revenir au travail des journalistes, le coeur, selon moi, d'un média en continu. Au mois de mars 2015, nous avons lancé la vidéo en continu qui accompagne l'antenne radio, nous positionnant ainsi pleinement dans l'idée d'un média global d'information en continu. Ce projet commun avec France Télévisions est l'opportunité d'aller encore plus loin et de pouvoir proposer au niveau du service public une offre globale d'information en continu qui soit à la fois média, télévisuelle et numérique. Les accords avec France Télévisions sont en cours de finalisation : les différentes conventions que nous allons signer vont être soumises à notre conseil d'administration vendredi matin. Nous tiendrons les délais du 1er septembre pour l'ouverture de la chaîne de télévision et, dès le 29 août prochain, la grille de France Info sera profondément remaniée, avec, dans le cadre du projet de chaîne info en continu, les rappels de titres effectués par la radio : toutes les dix minutes, l'essentiel de l'actualité sera rappelé en quatre-vingts secondes pour la radio et la télévision depuis la rédaction de France Info. Par ailleurs, l'interview politique du matin, à 8h30, et deux émissions du soir seront également produites depuis la Maison de la radio.

Mon souhait est que ce nouveau média dispose d'une marque globale. J'ai, à cet égard, indiqué à Delphine Ernotte, que la marque France Info présentait, à mes yeux, de nombreux avantages. Il faudra probablement que nous nous donnions une ambition en matière d'audience hertzienne, qui puisse être abordée lors de la discussion du contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions. Notre ambition est de positionner cette offre d'information en continu comme leader du numérique. En conjuguant nos forces, nous avons la possibilité de hisser cette offre aux toutes premières places : avec France Médias Monde, nous bénéficions d'une couverture de l'activité internationale incomparable ; avec France Bleu et France 3, nous disposons d'une capacité à faire remonter l'information depuis l'ensemble de nos régions, y compris depuis l'Outremer, avec le réseau Outremer-Première. Nous avons la possibilité, en quelques années, de hisser cette offre aux tout premiers rangs de l'information en France. Aujourd'hui, c'est plutôt vers cette ambition numérique que nous nous dirigeons, même si le fait de disposer d'un canal hertzien nous donne une visibilité et une puissance incomparables.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - J'aurais souhaité obtenir une réponse plus précise à ma première question sur les prévisions de déficit de l'exercice 2016. Nous étions sur une base de déficit à 16,5 millions d'euros tandis qu'aujourd'hui, nous sommes à peu près à la moitié de l'exercice. Quelle est donc votre perspective de déficit pour l'exercice 2016 ?

Mme Sybille Veil. - Aujourd'hui, nous n'avons pas encore présenté au conseil d'administration de budget rectificatif. D'après nos estimations, on sera très proche ou très légèrement en-dessous de ce niveau de déficit prévisionnel.

Mme Corinne Bouchoux. - Votre exposé était empreint d'une certaine sérénité et de satisfaction pour le travail accompli qui est indéniable. Je voudrai revenir sur un point que vous avez précédemment esquissé et qui me paraît important. La génération actuelle des auditeurs est essentiellement venue à la radio par transmission familiale. Une deuxième génération a acquis l'habitude de la radio en écoutant les radios libres. La génération suivante est la première à ne pas être acculturée à l'usage habituel de la radio. J'aurais souhaité vous entendre sur le fond. Que faites-vous pour développer la culture scientifique en général et tout particulièrement l'éducation aux médias ? Comment comptez-vous capter de nouveaux auditeurs ? Comme vous le montrez bien dans le COM, tous les publics, et pas seulement les jeunes, s'interrogent sur l'indépendance des médias vis-à-vis des pouvoirs économique et politique. Comment comptez-vous à la fois capter de nouveaux auditeurs et offrir quelque chose de nouveau, sachant que votre marge budgétaire est infime ? En outre, pour faire écho à une question que je vous avais posée lors de votre précédente audition, qu'en est-il de l'évolution des salariés de Sophia ?

Mme Colette Mélot. - Votre exposé était tout à fait intéressant et nous a éclairés sur bon nombre de sujets. Même à l'heure d'internet, le média radio demeure déterminant dans la carrière d'un artiste et permet de générer des revenus et des droits voisins. L'ensemble de la filière musicale a soutenu le principe de l'application des quotas radio pour la mise en place de mesures visant à limiter la concentration des titres. Cette mesure est essentielle pour permettre la découverte et l'exposition la plus large possible de nouveaux talents chantant en langue française. Comme nous le savons tous, dix titres francophones représentent en moyenne les deux-tiers des titres diffusés chaque mois, notamment pour quelques radios privées. Ce sujet a été largement abordé lors de l'examen du projet de loi sur la liberté de la création. Comment allez-vous veiller au respect des quotas francophones et de la diversité des titres francophones diffusés par la voie radiophonique ?

M. David Assouline. - Votre exposé actualise, comme à l'accoutumée, nos connaissances. J'aimerais en savoir plus sur l'état des relations sociales. Lors du mouvement social, j'avais ressenti un certain mal-être au travail, sans doute suite aux bouleversements que connaissent ces métiers et les difficultés d'adaptation. Par ailleurs, vous nous avez précisé les raisons pour lesquelles l'exercice 2015 s'était révélé moins déficitaire que prévu par le COM. L'insistance sur la question des déficits de mon collègue Jean-Pierre Leleux me conduit à vous poser une question : je serai heureux de recueillir votre sentiment sur le contenu d'une tribune écrite dans laquelle notre rapporteur propose la fusion de l'ensemble des services publics dans une holding, qu'accompagneraient une réduction de moyens et la suppression totale de la publicité. Vous êtes, d'ailleurs, dans une démarche inverse avec la publicité avec laquelle vous comptez assurer le développement de Radio France. Pensez-vous par ailleurs que la réduction du périmètre et du nombre de salariés représente une perspective envisageable sans mettre en péril cette maison ? C'est là l'essentiel. Je veux saluer à travers vous le service public de la radio, irremplaçable dans le contexte actuel. Heureusement que demeure un pôle de stabilité portant haut la culture, l'intelligence et la formation, avec des programmes de qualité qui restent des références ! On dit souvent que l'audimat triomphe au détriment de la qualité. Je constate à l'inverse qu'en audience, France Inter demeure très puissante, tout en ne cédant pas à l'uniformisation ambiante qui caractérise le paysage radiophonique. Enfin, je reviendrai sur une inquiétude constante qui est la mienne à la fois pour Radio France et France Télévisions. Il s'agit du vieillissement des auditeurs, dont la moyenne d'âge est presque de soixante ans. On peut ainsi se dire que dans dix ans, les auditeurs auront, en moyenne, dix ans de plus, sans qu'il n'y ait de véritable changement générationnel. Si Mouv' vise spécifiquement les jeunes, comment comptez-vous mobilisez les autres antennes du groupe pour toucher d'autres générations d'auditeurs ?

Mme Christine Prunaud. - Je remercie également M. Gallet pour sa présentation. Nous avons tous pris acte de ce que Radio France connaît actuellement une phase historique. Vous nous avez également indiqué que les efforts étaient répartis sur l'ensemble du groupe et qu'auparavant sa gestion était dépourvue de culture économique. Chacun appréciera. Vous êtes revenu sur les conséquences des grèves, sans vraiment en évoquer les motifs. Tout comme notre collègue David Assouline, j'aimerais recueillir vos impressions sur le climat social actuel. J'ai cru comprendre que tous les départs à la retraite ou de l'entreprise n'étaient pas remplacés, afin d'éviter la hausse de la masse salariale. En outre, s'agissant des orchestres, vous nous avez indiqué que les activités des formations musicales ne seraient pas modifiées et que l'organisation de la direction de la musique est en cours de redéfinition. Ainsi, ma question portera sur les musiciens du National qui nourrissent quelque inquiétude quant à l'éventuelle acquisition par la Caisse des dépôts et consignations de leur orchestre. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce point ? Enfin, pourquoi les formations musicales de Radio France sont-elles aussi gravement sous-utilisées ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - J'aurais à mon tour deux questions à vous poser à l'issue de ce tour de table. S'agissant des orchestres, avez-vous entrepris des rapprochements avec France Télévisions dans le cadre de la convergence des supports afin de permettre aux auditeurs et aux téléspectateurs de bénéficier de captations des concerts ? Une telle démarche me paraît donner plus de sens encore à ces orchestres, à l'instar de l'Orchestre de la BBC. Par ailleurs, pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur le Réseau France Bleu, qui nous préoccupe tous et qui a récemment connu une évolution ?

M. Mathieu Gallet. - Je commencerai par votre dernière question sur le réseau France Bleu, important pour l'ensemble des élus. À la rentrée, la grille de programmes des réseaux va en effet connaître des évolutions qui devraient se poursuivre à l'horizon 2020. À l'issue de plusieurs études, nous avons souhaité prolonger la diffusion en local, entre midi et 13 heures. Jusqu'à présent, ce créneau horaire était occupé par un programme national. Or, la demande de bénéficier de programmes régionaux dans ce créneau horaire est réelle. À partir de la rentrée, le programme local de France Bleu s'étendra jusqu'à 13 heures et l'après-midi sera réorganisé, après concertation avec les directeurs de réseau et de station. Ils pourront soit reprendre le programme national ou mettre en commun des programmes avec des régions limitrophes de la station, voire réaliser une production locale plus souple. Une réorganisation est également en cours, puisque nous avons souhaité simplifier l'organisation hiérarchique. En effet, France Bleu représente quarante-quatre stations coiffées par sept délégués inter-régionaux et une direction du réseau. La simplification de cet échelon intermédiaire devrait conférer davantage d'autonomie aux stations locales. Désormais, seuls deux délégués territoriaux viendront en soutien des directeurs de station, mais n'auront plus cet échelon intermédiaire entre le local et le national. Notre feuille de route est définie, avec des options à la discrétion des directeurs de station dans un cadre bien établi. Nous souhaitons impulser une relance du réseau dont les audiences au cours de cette année 2015-2016 ne sont pas bonnes. Bien que nous attendions la confirmation de cette tendance baissière, nous pensons que France Bleu est arrivé à un palier. Or, toutes régions confondues, la grille n'a pas évolué depuis 2008. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité repenser son réseau, son organisation éditoriale et ses programmes.

Le climat social, dans une entreprise qui réalise des économies pour la première fois de son histoire, est forcément plus difficile qu'en période d'abondance. Les efforts effectués en matière de transparence financière et d'évolution des organisations, ont été reconnus par les élus. Les évolutions de grilles sont présentées aux collaborateurs en fin de saison pour la rentrée. Tout ce qui peut renforcer la transparence et prévenir les fantasmes est de bon aloi. Nous jouons ainsi le jeu de la transparence en matière de communication interne. À cet égard, Sybille Veil et l'équipe en charge de la réhabilitation du site ont accompli un gros travail pour présenter les différentes options pour la rénovation des studios moyens qui touche au coeur de la production de la Maison de la radio. En outre, puisque la communication est affaire de répétition, il faut en permanence rappeler les réformes et les choix qui sont les nôtres. Le non-remplacement des départs suscite l'inquiétude, du fait des efforts de productivité qui devront être conduits par les personnels en poste.

S'agissant de l'évolution des orchestres, il n'y a plus de projet de faire porter l'Orchestre national de France conjointement par la Caisse des dépôts et consignations et Radio France. Cette idée avait été émise par la Cour des comptes durant les années 80, au moment où la Caisse des dépôts était devenue l'actionnaire principal du Théâtre des Champs-Élysées, maison historique de l'Orchestre national de France depuis sa création en 1934. Seule demeure une convention selon laquelle nous organisons une vingtaine de concerts au Théâtre des Champs-Élysées chaque année. À cet égard, cette saison nous avons eu le magnifique Tristan et Iseult joué par le National et dirigé par son directeur, Daniele Gatti. Nous travaillons avec Michel Orier dans l'esprit du rapport de Stephan Gehmacher au redimensionnement de ces deux orchestres, afin de repréciser leurs identités respectives et de renforcer leur complémentarité. Il s'agit ainsi d'enrayer une véritable dérive qui a conduit à une véritable concurrence entre ces deux orchestres.

Je laisse à Frédéric Schlesinger, directeur des programmes, le soin de répondre à la question des quotas posée par Mme Colette Mélot.

M. Frédéric Schlesinger. - Toutes vos réflexions sur les quotas sont issues des problématiques valables pour les radios privées. Ces problématiques de rotation n'existent pas à Radio France. Ainsi, pour ne citer que certaines de nos radios, FIP ne diffuse que des titres différents, France Bleu plus de 60 % de titres francophones et France Inter plus de dix mille titres différents par an. Nos stratégies et politiques diffèrent radicalement de celles des radios privées et Radio France n'entre pas dans le champ de la question qui a été posée. Nous sommes les très bons élèves du paysage radiophonique.

Je retracerai rapidement l'évolution de Sophia. À la fin des années 1990, la BBC, qui produit la bande de programmes à destination des radios associatives françaises, décide de mettre fin à cette activité. Radio France décide alors de reprendre le flambeau, dans un paysage pratiquement sans concurrent, à l'exception de l'AFP-audio. Au fil du temps, la prégnance de Radio France sur ce marché se restreint passant, en près de quinze ans, de deux-cent-cinquante à soixante-dix clients. Cette offre est à la fois musicale et comporte différentes chroniques, parfois éloignées de l'exigence du service public et de l'information et ce, alors que les radios associatives peuvent désormais bénéficier d'offres de cette nature sur le réseau numérique pour un coût modique. Tous les salariés de Sophia ont été reclassés. Les bénéficiaires de contrats à durée déterminée d'usage (CDDU), c'est à dire les producteurs et réalisateurs des chroniques, ont bénéficié de plusieurs propositions pendant plus de douze mois, comme la reprise de leur contrat en contrat à durée indéterminées (CDI) par le Groupe SOS qui rassemble 12 000 collaborateurs dans le pays et évolue dans l'économie sociale et solidaire. Ces offres ont été refusées et nos syndicats ont été solidaires des collaborateurs. Puisque nous souhaitions nous concentrer sur notre coeur de métier qu'est l'information, nous n'avions d'autre choix que de ne pas renouveler ces six CDDU à leur échéance, fin juin 2016. À titre personnel, je regrette vivement que cette reprise des salariés par le Groupe SOS n'ait pu se réaliser. Je n'en comprends toujours pas les raisons.

M. Mathieu Gallet. - S'agissant du positionnement de Radio France vis-à-vis de la jeunesse, il nous faut évoquer Mouv' dont le format est désormais à 75 % musical autour des cultures urbaines du hip hop, du Rap et du RnB, pour mieux cibler les 13-24 ans. Aujourd'hui, nous avons pu constater un premier frémissement de l'audience de Mouv' sur les réseaux numériques notamment. En mars 2015, YouTube comptait près d'un million de vidéos de Mouv' postées et quinze millions un an plus tard. Un tel chiffre résulte d'une stratégie d'occupation des plateformes musicales et des réseaux sociaux qui a permis à la marque Mouv' à l'identité redéfinie d'émerger. Nous espérons que Médiamétrie viendra confirmer ce frémissement constaté en avril dernier. Sur sa cible des 13-24 ans, Mouv' a atteint un point d'audience.

Comment les autres radios peuvent-elles permettre à la jeunesse de se sentir concernée ? Plusieurs stratégies peuvent être mises en oeuvre. D'une part, le renouvellement des producteurs de Radio France est essentiel. Certes, à la fin de chaque saison, nous recevons des critiques en raison de la diminution de la diffusion de certaines voix historiques de Radio France. Je l'assume, car on ne peut déplorer le vieillissement de l'audience du service public en gardant les mêmes producteurs depuis trente ans. Malgré le talent des uns et des autres, on doit pouvoir donner sa chance à de nouveaux talents comme c'est le cas sur France Inter. Depuis l'arrivée, il y a deux ans, de Laurence Bloch comme directrice de cette radio, de nouveaux talents, notamment des humoristes, ont eu leur chance, comme Charline Vanhoenacker et sa bande qui nous ont permis de conquérir une nouvelle audience en fin d'après-midi. Au-delà de l'offre et de sa coordination, la question demeure quant à sa distribution. Aujourd'hui, le public jeune « écoute » Charline Vanhoenacker sur YouTube ou Facebook, car nous conduisons une politique de captation et de dissémination sur les plateformes de partage de toutes ses émissions. Une telle démarche concourt à la notoriété de nos humoristes et de nos chroniqueurs tout en assurant le retour de l'humour à la radio qui bénéficie d'une nouvelle politique de distribution des contenus plus en phase avec les jeunes. Lorsque je présidais l'Institut national de l'audiovisuel, l'ouverture de ses chaînes sur YouTube nous avait permis de conquérir un public que l'INA ne touchait pas à travers son site ina.fr, que ne consultaient que les personnes qui le connaissait déjà. Toute stratégie de conquête implique d'aller chercher le public là où il se trouve, comme les réseaux sociaux et les plateformes de partage où les jeunes se rendent.

Un autre exemple me permettra d'illustrer le rôle des concerts et la place des formations musicales avec France Télévisions. Le deux juillet dernier, nous avons produit une création mondiale de hip hop symphonique à l'auditorium de la Maison de la radio où plusieurs générations d'artistes de ces mouvances musicales, allant de I AM jusqu'à Youssoupha, participaient à la réalisation d'un compositeur de hip hop M. Issam Krimi avec l'Orchestre de Radio France. Commandée par l'ADAMI, cette production sera diffusée par Mouv' en septembre prochain, et est déjà accessible sur Culturebox dès cette semaine. Elle a été captée par France 4 et sera diffusée le 25 juillet prochain. Autre exemple d'une présence concomitante de nos programmes sur Culturebox et les antennes hertziennes, le désormais traditionnel concert de Paris du 14 juillet, avec l'Orchestre national de France, est à la fois diffusé sur France Inter et sur France 2.

En matière d'éducation aux médias, nous ne faisons jamais assez et nous soutenons Interclasses, superbe initiative portée par France Inter. Ainsi, cinq collèges d'Île-de-France, pendant la saison radiophonique, ont participé à la production de contenus pour France Inter qui seront diffusés durant tout l'été. Une telle initiative était également l'occasion pour nos journalistes et producteurs d'aller à la rencontre du jeune public, de l'initier à leur métier et de lui donner leur chance de produire des émissions, tout en développant leur esprit critique. Certes, ce ne sont que cinq collèges en Île-de-France et le provincial que je suis est toujours sensible à la prise en compte de l'ensemble du territoire. Un certain nombre d'activités est porté par le Réseau France Bleu, mais demeure pour le moment méconnu. Il nous faut mener à bien un vrai travail de mise en valeur de nos initiatives.

S'agissant de l'éducation artistique et culturelle, la Maison de la radio a reçu 55 000 jeunes. En ce qui concerne l'éducation aux médias, nous avons passé une convention avec l'ensemble des rectorats d'Île-de-France pour accueillir des jeunes dans le cadre des ateliers France Info où ils réalisent de la radio, accompagnés par nos équipes. Il s'agit certes d'un chantier important pour nous, mais nous ne sommes toutefois pas en mesure de nous substituer à l'Éducation nationale. Nous avons en ce sens noué un partenariat tout à fait fructueux avec le Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI) et il nous faut réfléchir à la meilleure diffusion possible de ce travail. Les réseaux sociaux devraient pouvoir nous aider en nous dédoublant, car nous ne pouvons envoyer sur le terrain nos équipes qui doivent déjà assumer leurs missions quotidiennes.

Mme Dominique Gillot. - Je reviendrai sur la question de notre collègue Corinne Bouchoux sur la formation des esprits à la culture scientifique qui est porteuse de transformation sociale. Sans demander à la radio d'exercer le métier de l'éducation nationale, un travail doit être accompli pour former les esprits qui ont besoin d'être éclairés. Dans nombre de domaines, la société est emportée par le progrès scientifique et technologique qui est source d'incompréhensions. Le rôle d'une radio de service public serait de contribuer à cette éducation des esprits en s'appuyant sur le lien entre les scientifiques et les médiateurs d'opinions que peuvent être les journalistes et les publics. Il n'y a pas que les jeunes et je pense que la radio s'honorerait à s'engager dans cette démarche. Vous avez également évoqué la nécessité de donner du sens aux réformes de structures en mentionnant la désignation d'un délégué et d'un directeur de la musique et de la création artistique. Pourriez-vous envisager d'avoir un directeur de la culture scientifique et de l'éducation aux médias qui pourraient travailler avec vos différents partenaires, dont l'éducation nationale ? Il y a là un enjeu de société qui concerne également la place de la radio.

Mme Sylvie Robert. - S'agissant de l'évolution de Sophia, sur laquelle nous vous avions exposé nos inquiétudes lors de votre précédente audition, nous avons bien compris son évolution éditoriale ainsi que votre tristesse de ne pas avoir pu empêcher le départ des six CDDU. Quelle est la situation des autres salariés ? Bénéficient-ils d'un accompagnement en termes de formation afin qu'ils s'adaptent au mieux à leurs nouvelles fonctions ?

Mme Marie-Christine Blandin. - À la suite de ce que vient d'évoquer notre collègue Dominique Gillot, je rappellerai que Radio France a fait beaucoup plus pour la culture scientifique que France Télévisions. J'espère que dans le cadre de votre rapprochement, vous pourrez former les représentants de cet opérateur sur le sujet ! S'agissant de Sophia, la réponse qui nous a été faite est très précise et je vous en remercie. Cependant, lorsque vous nous indiquez qu'il ne s'agissait pas de salariés, mais de bénéficiaires d'un CDDU, il y a là quelque chose d'incongru. Les CDDU sont des salariés ; ils ont été des compagnons de route de l'aventure de Radio France et il est regrettable de ne leur avoir proposé qu'un « out-placement ».

M. Mathieu Gallet. - Je laisserai Frédéric Schlesinger répondre à la question sur Sophia. Sur la culture scientifique, l'émission de Mathieu Vidard, programmée à 14 heures, est l'un des meilleurs podcasts de France Inter. À la rentrée, une nouvelle émission scientifique quotidienne devrait être programmée à 16 h sur France culture. La culture scientifique est l'un des axes importants de cette radio. J'étais reçu la semaine dernière à Aix-en-Provence par le Cercle des Économistes dont les membres ont plaidé en faveur de plus de programmes consacrés à l'économie à la radio. Il ne faut pas oublier la diffusion de la culture des sciences humaines ni de celle des sciences dures. Nous recevons ainsi de nombreuses demandes auxquelles nous essayons de répondre au mieux.

Quant à la question sur la désignation d'un directeur de la culture scientifique et des relations médias, Radio France compte déjà une directrice des projets - Catherine Monlouis-Félicité -, en charge de la production culturelle et placée aux côtés de Michel Orier. Avec la désignation d'un directeur de la musique et de la création artistique, nous aurons un vrai département dans lequel sera regroupé l'ensemble des forces pédagogiques. Au-delà, il conviendrait de mieux valoriser les activités de la direction de la musique, non seulement autour des formations musicales, mais aussi de ce que font nos antennes, comme Interclasses ou les ateliers France Info. Nos activités dans ces domaines sont conséquentes, mais nous ne sommes pas encore parvenus à en retranscrire l'ensemble dans un seul document. Néanmoins, vous recevrez avant les vacances le rapport d'activités de Radio France qui contiendra un focus sur ces dernières.

Les CDDU de Sophia sont naturellement les collaborateurs de Radio France. Puisque la ligne éditoriale de Sophia est allée vers plus d'information, nous n'avons pu prolonger le contrat de ces personnels d'antenne.

M. Frédéric Schlesinger. - Pour être très clair, 100 % des CDI de Sophia, qui sont essentiellement des journalistes, voire un directeur technique ou un directeur de la programmation, ainsi que son directeur, demeurent dans l'entreprise. Certains ont été reclassés notamment dans la web-radio de FIP et d'autres continuent avec Sophia, comme tous les journalistes. Les directeurs restent à Radio France. Sont concernés uniquement des collaborateurs non permanents de Radio France, à savoir six CDDU qui élaboraient les programmes musicaux ou des chroniques, avec un volume de piges réduit. Nous proposions davantage qu'un out-placement, à savoir une association avec le Groupe SOS pour développer son activité média et renforcer notre démarche à destination des radios associatives. L'un des deux syndicats principaux des radios associatives a soutenu notre démarche, qui aurait permis de concevoir une base référente de programmes notamment en matière d'information, ce dont nous disposions déjà, et de divertissement. Je regrette que cette solution n'ait pu être mise en oeuvre, car je la crois toujours bonne pour les six collaborateurs non permanents en question.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Monsieur Savin, qui représente le Sénat au conseil d'administration de Radio France, a une ultime question à adresser à nos invités.

M. Michel Savin. - Représentant le Sénat au conseil d'administration de Radio France, je souhaitais donner mon point de vue. Tout d'abord, Radio France conduit, à mes yeux, quatre très gros chantiers en même temps, ce qui complique les choses, vu de l'extérieur. Le premier concerne, comme l'a rappelé Mathieu Gallet, une restructuration interne avec un projet économique qui était nécessaire au vu des résultats économiques de ces dernières années. Le deuxième, qui s'étend sur plusieurs années et pose problème aux partenaires de Radio France, concerne le chantier de réhabilitation dont les délais et l'enveloppe financière mobilisent une partie des membres du conseil d'administration. Le troisième concerne le lancement de la nouvelle chaîne d'information en continu qui a mobilisé de nombreux personnels de Radio France. Enfin, le quatrième objectif est de faire évoluer Radio France en développant une stratégie de conquête de nouveaux publics. Manifestement, Radio France relève actuellement de nouveaux défis. Pour rassurer nos collègues qui se sont interrogés sur le climat social, s'il est vrai que la période durant laquelle je suis arrivé dans ce conseil d'administration était compliquée et tendue, il faut reconnaître que ce climat est beaucoup plus serein et témoigne de l'étroite collaboration entre les représentants des personnels, les membres de la direction et les membres associés.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci mon cher collègue pour ce mot de synthèse et de conclusion. Je vous remercie de nous avoir consacré ce temps qui nous a permis de faire un point d'étape et nous continuerons bien entendu à suivre les évolutions et les réformes en cours. Il nous faudra ainsi brancher notre radio plus fréquemment pour découvrir les émissions que vous avez citées et que nous venons de découvrir grâce à vous. Mes chers collègues, nous sommes toujours dans l'attente des contrats d'objectifs et de moyens de France Médias Monde et France Télévisions qui devaient être en principe signés avant la fin mars, pour le premier et au cours de l'été pour le second.

Audition de MM. Bruno Chetaille, président, et Charles Juster, directeur de la communication et directeur des grands comptes, de Médiamétrie

La commission entend MM. Bruno Chetaille, président, et Charles Juster, directeur de la communication et directeur des grands comptes, de Médiamétrie.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous poursuivons nos travaux par l'audition de l'institut Médiamétrie représenté, ce matin, par M. Charles Juster, directeur de la communication et des grands comptes qui devrait être rejoint d'ici peu par le président de la société, M. Bruno Chetaille.

Je rappelle que Médiamétrie a été créée il y a une trentaine d'années afin de réaliser des mesures d'audience et des études marketing. Elle a créé l'audimat qui est devenu un nom commun pour désigner l'audience dans les médias.

Le rôle des mesures d'audience est essentiel dans le fonctionnement du modèle économique des chaînes de télévision et des antennes de radio puisqu'il détermine pour une part importante leurs revenus publicitaires.

À un moment où ces médias sont confrontés à des changements importants dans leur modèle économique suite à l'émergence des GAFA - Google, Apple, Facebook, Amazon -, il était utile pour nous de mieux comprendre le rôle de Médiamétrie en examinant avec vous sa gouvernance, son fonctionnement et ses méthodes de travail.

Au-delà de ces aspects généraux, je ne vous cache pas que nous avons été très étonnés d'apprendre que les mesures d'audience réalisées par votre organisme auraient fait l'objet de manoeuvres ayant pour but de faire croître artificiellement l'audience d'une antenne de radio aux dépens de ses concurrentes. Vous nous expliquerez dans le détail ce qui s'est passé ; pour mes collègues je me permets de résumer en indiquant qu'un animateur de Fun Radio aurait influencé à l'antenne, à plusieurs reprises, les auditeurs dans les réponses à donner aux enquêtes de Médiamétrie avec pour conséquence une explosion artificielle de l'audience.

Nous avons besoin de savoir comment cela a été possible et ce que vous prévoyez de faire pour que cela ne se reproduise plus.

Je vous proposerai de répondre à ces premières questions. Après quoi je donnerai la parole à notre rapporteur pour l'audiovisuel, M. Jean-Pierre Leleux, puis à l'ensemble de mes collègues.

M. Charles Juster, directeur de la communication et directeur des grands comptes de Médiamétrie. - L'institut Médiamétrie a le statut de société anonyme dont 65 % du capital est détenu par des entreprises de média et 35 % par des annonceurs. Il existe un premier niveau de gouvernance constitué par le conseil d'administration où siègent des entreprises comme TF1, M6, RTL, Radio France et France Télévisions ainsi que des annonceurs comme Publicis et Havas. Il existe un second niveau de gouvernance constitué par des comités techniques qui regroupent plus largement les éditeurs et les annonceurs. Un comité est consacré à l'audiométrie, un deuxième concerne la radio, tandis qu'un troisième mesure les usages de l'Internet. Ce sont ces comités qui définissent les méthodologies pour mesurer l'audience.

Le chiffre d'affaires de Médiamétrie s'établit à 94 millions d'euros. L'entreprise connaît une forte croissance depuis huit ans avec un résultat d'exploitation équivalent à 7 % du chiffre d'affaires. Elle compte 640 collaborateurs qui ont une moyenne d'âge de 33 ans.

L'activité de la société se répartit à 50 % pour la télévision, 9 % pour la radio, 12 % pour l'Internet, le solde étant constitué d'activités autres. La stratégie de l'entreprise est claire, elle consiste à enrichir les mesures d'audience en prenant en compte les nouveaux comportements. Nous avons pour objectif de détecter les nouveaux usages, identifier les contenus et les programmes consommés avec une attention particulière aux nouveaux comportements de consommation à tout moment, en tout lieu et sur tout support.

Comme vous l'avez dit, madame la présidente, la publicité est source de revenus pour nos clients, c'est pourquoi nous avons pour mission de leur permettre de se comparer les uns les autres.

Les comportements de consommation changent et nous devons accompagner le passage d'une consommation mono-écran à une consommation pluri-écrans, des pratiques mono-média à des pratiques pluri-médias, des mesures d'audience à des mesures d'efficacité ainsi que la prise en compte de la dimension du rayonnement international.

Médiamétrie bénéficie de certains savoir-faire. Nous réalisons 1,5 million d'enquêtes et nous disposons du plus grand nombre de panélistes. Nous avons également une expertise reconnue en matière de modélisation.

Les foyers français possèdent aujourd'hui 6,4 écrans en moyenne et nous avons calculé que les consommateurs avaient 44 contacts avec les médias par jour. Parmi les pratiques en évolution, on observe que les foyers connectés à Internet regardent moins la télévision, car les contenus sont également accessibles sur d'autres écrans. La consommation de programmes se développe en dehors du foyer et de manière différée. Nous utilisons trois outils pour mesure l'audience : un panel, une technologie de traitement de données et la définition de « règles du jeu » inscrites dans des conventions et élaborées par les comités.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Une récente polémique impliquant Fun Radio nécessite quelques éclaircissements que je vous propose de nous apporter au travers de réponses à mes premières questions. Le phénomène constaté pourrait avoir de graves répercussions dans la mesure où le modèle économique de l'audiovisuel est lié en grande partie aux mesures d'audimat.

Concernant l'évolution anormale de l'audience de Médiamétrie, je souhaiterais reprendre avec vous le déroulement précis des événements et vous demander de répondre à des questions précises : quand avez-vous pris conscience du fait qu'il y avait un problème ? Aviez-vous été alerté par des signaux avancés ? Je pense en particulier à des tweets postés en février adressés à l'animateur de Fun Radio et à Médiamétrie et mentionnant le risque de dérive. Quand avez-vous réagi et selon quelles procédures ? Une enquête interne a-t-elle été menée ? Avez-vous le sentiment d'avoir été négligent ou que votre organisation a été défaillante ?

Concernant la gouvernance de Médiamétrie. Ne pensez-vous pas qu'il existe un risque de conflit d'intérêt du fait de la composition de votre actionnariat, certains médias étant actionnaires (notamment le groupe concerné par ces biais) et pas tous ? Cette « proximité » capitalistique a-t-elle pu jouer un rôle dans le déclenchement de cette affaire et le déroulement de ces incidents ?

M. Bruno Chetaille, président de Médiamétrie. - Médiamétrie mesure l'audience des radios sur la double base de la méthode dite « panel radio » et d'une étude fondée sur 126 000 entretiens téléphoniques par an portant sur les pratiques d'écoute des Français. Avec cette double méthodologie parmi les plus innovantes, nous sommes en mesure de réaliser des mesures d'audience autonome. À titre d'illustration, la société Kantar, leader mondial dans son secteur d'activité, a demandé à pouvoir utiliser nos méthodologies pour répondre à des appels d'offre, notamment en Scandinavie.

Nous concluons avec chacun de nos clients, radios comme agences de médias qui utilisent également nos mesures d'audience, un contrat dont l'article 7 implique le respect de clauses de comportement. S'agissant des événements auxquels vous faites référence, nous n'avons fait l'objet d'aucune alerte avant la mi-juin quant à l'attitude de l'animateur de Fun Radio mis en cause. Avertis le 15 juin, nous avons immédiatement vérifié la véracité de cette allégation et avons constaté l'existence d'une infraction à l'article 7 du contrat précité. Je tiens à rappeler à cette occasion que nous ne sommes ni des juges, ni des représentants des radios ou des agences, mais des experts scientifiques, qui dialoguons avec l'ensemble des acteurs. Nous regrettons l'absence de veille préalable sur ce type de comportement.

L'infraction dûment constatée et dans un souci constant de transparence, de neutralité et de fiabilité, nous avons procédé à une correction de notre étude « des 126 000 » pour la période d'avril à juin, pour laquelle nous conservons systématiquement une trace des entretiens téléphoniques menés, dans la mesure où cette infraction pouvait tout à la fois modifier les résultats d'audience de Fun Radio et des autres stations. Pour mener à bien les corrections nécessaires, nous avons préalablement soumis notre méthodologie au Centre d'étude des supports de publicité (CESP), qui a donné son accord la semaine dernière. Dès lors, les résultats corrigés pour la période d'avril à juin seront rendus publics le 13 juillet, sans que ne soient toutefois mentionnés, à la demande des professionnels de la radio, les résultats d'audience de Fun Radio.

Désormais, le contentieux entre Fun Radio et les cinq stations ayant contesté le comportement de l'animateur en cause ne concerne plus Médiamétrie.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - nous allons donc attendre avec impatience la publication des résultats d'audience, le 13 juillet.

Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser quel a été le rôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) dans le déroulement de ces incidents ? A-t-il mené une enquête ou a-t-il procédé à des auditions ? A-t-il émis des recommandations ou des mises en garde ?

M. Bruno Chetaille. - Pour répondre tout d'abord à votre question relative à l'actionnariat de Médiamétrie - même si j'en comprends mal le sens -, je vous indique qu'il n'existe nulle contradiction entre la composition de celui-ci et l'égalité de traitement due à nos clients. Nous sommes certes une société anonyme avec des actionnaires, mais la méthodologie comme l'évolution des mesures d'audience de la télévision, de la radio et de l'Internet ne sont pas décidées par notre conseil d'administration, mais par des comités thématiques, dont la représentation est bien plus large. Ainsi, NRJ n'est ni administrateur ni actionnaire de Médiamétrie et pourtant membre du comité radio. Elle y dispose du même pouvoir de gouvernance que Next Radio ou Europe1.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Monsieur le président, mes questions ne visent qu'à obtenir des précisions et à vous permettre de répondre à des rumeurs.

M. Bruno Chetaille. - L'organisation bicéphale de Médiamétrie entre conseil d'administration et comités constitue une spécificité française : nous sommes les seuls au monde à assurer la définition méthodologique et la réalisation des mesures d'audience dans une même société. Particulièrement innovants, nous sommes également les seuls en Europe à mesurer simultanément les audiences de la télévision, de la radio et de l'Internet et à proposer de traiter l'audience de la télévision « 4 écrans », cette dernière avancée ayant été récemment proposée et acceptée par le comité télévision de Médiamétrie. Conséquence de cette avance technologique, Médiamétrie représente un exemple pour des sociétés comme Kantar ou Nielsen. D'ailleurs, Kantar utilise une méthodologie de mesure extrêmement moderne développée par Médiamétrie, dont les professionnels français de la radio n'ont pas souhaité se doter.

Si l'on souhaite disposer à l'avenir d'une plateforme française de mesures des médias et de monétisation de cette méthodologie, il convient de soutenir Médiamétrie face à la concurrence de Google et de Facebook et de lui donner les moyens d'anticiper l'évolution des méthodes de mesure.

Pour répondre à votre interrogation sur le rôle du CSA, je vous indique que le régulateur ne dispose d'aucune compétence en matière de mesure d'audience. Nous lui fournissons en revanche nos données afin qu'il puisse exercer ses missions.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - La France n'est pas le seul pays touché par ces tentatives de détournement des mesures d'audience. Des cas similaires ont été relevés en Espagne et en Floride. Dans ce dernier cas un tribunal a exigé que la radio fautive soit exclue des mesures d'audience le temps nécessaire pour que les comportements fautifs n'aient plus d'impact sur les résultats d'audience, c'est-à-dire pendant plusieurs mois. Médiamétrie pourrait-elle s'engager dans la même voie au-delà des mesures déjà annoncées concernant la prochaine vague de mesure d'audience ?

M. Bruno Chetaille. - Fun Radio demeurera effectivement exclue de nos résultats trimestriels tant que l'infraction dont elle s'est rendue coupable aura un impact potentiel sur les mesures d'audience des différentes stations.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Nous prenons acte de vos explications et vous en remercions.

M. Bruno Chetaille. - Je tiens à souligner qu'au-delà de Médiamétrie, l'affaire Fun Radio est la manifestation d'un conflit qui oppose plusieurs radios.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Il y a quand même un comportement « limite » d'une de ces radios, Fun Radio en l'occurrence...

M. Bruno Chetaille. - Il serait sage que le monde de la radio résolve ce conflit car cela nuit à l'économie de l'ensemble du secteur.

Mme Claudine Lepage. - Les médias de France Médias Monde font-ils partie de vos actionnaires ou sont-ils vos clients ?

M. Bruno Chetaille. - Non, aucun de ces médias n'est actionnaire. France Télévisions est actionnaire de Médiamétrie. Compte tenu de sa participation dans TV5, on pourrait éventuellement considérer que cette dernière est indirectement représentée au conseil d'administration...

TV5 et RFI font partie de nos clients pour ce qui concerne leur diffusion en France, mais pas sur les autres continents. J'en profite pour souligner que nous réalisons des prestations de mesure d'audience en Afrique. Au Maroc, nous effectuons des mesures automatiques comme en France. Dans des pays comme la Côte d'Ivoire, le Cameroun ou le Gabon, nous procédons actuellement par enquêtes téléphoniques. Nous serons en mesure de fournir des mesures relevées automatiquement en Côte d'Ivoire dès la fin de cette année.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Merci, monsieur le président. Vous avez été très clair et très complet.

Je crois qu'il était important de repréciser le rôle et le fonctionnement de votre entreprise, de même que l'éthique que vous vous êtes fixée. Nos concitoyens sont en attente de rigueur, de transparence et de neutralité dans le domaine des médias. Nous vous savons donc gré d'avoir pris les mesures nécessaires suite à l'incident qui a motivé votre audition aujourd'hui. Dans un contexte de concurrence féroce dans les médias, il est plus que jamais important de disposer de résultats fiables pour créer la confiance.

Je tiens également à souligner l'intérêt que représente votre travail en matière de mesure sur les nouveaux supports. Je siège au conseil d'administration de France Télévisions et je peux dire que ce sont des indicateurs qui manquaient pour mesurer l'efficacité réelle des programmes.

M. Bruno Chetaille. - La France est le seul pays où les mesures d'audience des chaînes de télévision s'appliquent aux autres supports que sont l'ordinateur, les tablettes et les téléphones portables. Il ne faut toutefois pas exagérer leur poids par rapport à l'écran de télévision. Actuellement, ils représentent 3 % de l'audience. Mais c'est une façon pour nous d'anticiper le futur. Nous avons un mot d'ordre depuis 10 ans à Médiamétrie : anytime, anywhere, any device. Cette formulation en anglais, contexte international oblige, résume bien la façon dont il faut envisager les pratiques des téléspectateurs dans les années à venir : ils regarderont la télévision chez eux ou ailleurs, en direct ou en différé, sur différents types de supports...

J'ajoute, pour conclure, que Google a choisi de collaborer en France avec Médiamétrie pour constituer un panel Télévision/Internet, ce qui est une exception par rapport aux autres pays européens où l'entreprise travaille de façon autonome.

La réunion est levée à 11 h 30.