Mercredi 18 mai 2016

-- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - Demande de saisine et désignation d'un rapporteur pour avis

La réunion est ouverte à 9 h 46.

La commission demande à se saisir pour avis sur le projet de loi n° 3623 (AN - XIVe législature) relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (sous réserve de sa transmission) et nomme Albéric de Montgolfier rapporteur pour avis.

Lutte contre l'évasion et la fraude fiscales internationales - Audition de M. Édouard Fernandez-Bollo, secrétaire général de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Dans le cadre de son cycle d'auditions sur la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales internationales, la commission procède ensuite à l'audition de M. Édouard Fernandez-Bollo, secrétaire général de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Mme Michèle André, présidente. - Nous poursuivons ce matin notre cycle d'auditions sur la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales internationales.

Il nous a semblé important d'entendre le régulateur national qui a la responsabilité de superviser les acteurs bancaires et de contrôler leurs activités en matière de lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale.

Je rappelle que, contrairement à la supervision prudentielle, dont la responsabilité a été transférée à la Banque centrale européenne (BCE), la supervision, en matière de lutte contre l'évasion fiscale, reste du ressort du superviseur national. Pour que son action et ses contrôles soient efficaces, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) doit cependant coopérer avec ses homologues étrangers, et il sera sans doute utile que vous reveniez sur les modalités et les éventuelles limites de cette coopération.

Il est également important que vous nous rappeliez les règles qui s'appliquent en matière d'activités des banques dans les États et territoires non coopératifs (ETNC). Par ailleurs, il sera utile que vous précisiez les modalités du contrôle, par le régulateur, de l'activité de banque privée en matière de fraude fiscale, ainsi que le nombre et les dates des contrôles que vous avez effectués en la matière auprès des principaux établissements français, et les conclusions que vous en avez tirées.

M. Édouard Fernandez-Bollo. - Je voudrais d'abord vous remercier de l'occasion qui m'est donnée de revenir devant la commission des finances car je n'en ai en effet pas eu le loisir depuis novembre 2014, date de la création du mécanisme de supervision unique.

Comme vous l'avez rappelé, outre les fonctions que nous exerçons à l'intérieur de ce mécanisme, mais pour lesquelles les pouvoirs de décision ont été transférés à la BCE, l'ACPR conserve toute une série de missions prévues par les lois nationales dans les domaines autres que la surveillance prudentielle. La Commission bancaire, depuis 1991, avait d'ailleurs joué un rôle important en matière de contrôle du dispositif de prévention mis en place dans les banques et, depuis la création de l'ACPR, nous avons aussi ce rôle dans le domaine de l'assurance. Notre mission est ainsi de faire en sorte que ces établissements financiers soient en mesure de détecter les opérations inhabituelles ou suspectes et de les déclarer aux organes compétents. En France, l'organe qui reçoit les déclarations de soupçon est Tracfin.

Notre matière première est donc bien l'organisation interne des banques, plutôt que l'investigation des opérations elles-mêmes, le but de notre métier étant la transmission à l'autorité qui a pour mission spécifique de réaliser les investigations sur les opérations suspectées de blanchiment ou de financement du terrorisme.

À ce titre, nous intégrons depuis toujours dans notre programme de contrôle des priorités qui, chaque année, portent sur ce qui est perçu par le collège de l'ACPR comme les points les plus importants.

Nous essayons de suivre en cela le consensus international, mais aussi nos analyses particulières et les informations que l'on peut recevoir de Tracfin ou d'autres acteurs de la lutte contre le blanchiment du terrorisme ainsi, depuis 2013, que celles relatives à l'évasion fiscale, afin de déterminer les points sur lesquels il faut faire porter notre contrôle. Depuis déjà un certain nombre d'années, on sait que l'activité de banque privée peut constituer un secteur sensible en matière de lutte contre le blanchiment.

Cette activité est régulièrement contrôlée. Il y a quelques années, nous avions réalisé une thématique à ce sujet. Nous l'avons enrichie en nous penchant sur son exercice à l'étranger, qui pose des problèmes particuliers.

Nous utilisons à cet égard l'ensemble de nos instruments, qu'il s'agisse de questionnaires ou d'entretiens avec les services chargés de veiller à l'application interne de la réglementation dans les établissements. Ceci est le plus souvent chapeauté par les responsables de la conformité.

Nous avons aussi la possibilité, que nous exerçons chaque année, de mener des contrôles sur place et, à la suite, en cas de nécessité, de prendre des mesures de police administrative, comme les mises en demeure, ou d'entamer des procédures disciplinaires. Nous en avons fait un peu moins d'une vingtaine, dont certaines sont en cours.

Il faut distinguer les deux rôles de l'ACPR pour ce qui concerne cette question particulière de la banque privée et de l'utilisation de structures créées pour gérer un patrimoine d'affectation. Tout d'abord, en tant que surveillant national, qui exerce en France la plénitude de ses pouvoirs, l'ACPR a un droit d'accès illimité aux informations. Grâce à des méthodes d'échantillonnage, le nombre d'opérations étant très important pour les grands établissements français, elle peut donc vérifier les procédures et avoir accès à des informations individuelles pour vérifier celles-ci.

L'ACPR traite par ailleurs de l'activité des filiales à l'étranger des groupes bancaires français. C'est d'ailleurs exactement la même problématique pour les groupes d'assurance. Dans ce cas, la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme que ces filiales à l'étranger doivent appliquer est celle du pays. L'autorité chargée de vérifier si la réglementation du pays est appliquée est l'autorité locale. Concrètement, en Suisse, il s'agit de l'autorité suisse, au Luxembourg de l'autorité du Luxembourg, à Monaco de l'autorité de Monaco.

Quel est le rôle de l'autorité française ? Il est de vérifier que les groupes ont bien installé des mécanismes de contrôle susceptibles de faire remonter à la maison mère les éléments permettant de s'assurer qu'ils appliquent bien les réglementations locales et gèrent l'approche globale du risque de conformité de la façon dont elle a été définie par les instances qui gouvernent le groupe dans son ensemble.

C'est l'équivalent de ce qu'on appellerait, dans le domaine prudentiel, le contrôle consolidé. Ce n'est toutefois pas un contrôle consolidé au sens strict du terme. Il ne s'exerce pas sur des comptes. C'est un contrôle du groupe qui s'exerce sur des procédures, des opérations. La première de nos missions, pour laquelle l'ACPR joue, dans le partage international des compétences, un rôle essentiel, est de s'assurer que ces mécanismes de gestion interne du groupe fonctionnent bien au niveau de la tête en France. C'est à ce titre que nous intervenons : notre rôle n'est pas de vérifier si la filiale du Luxembourg a bien appliqué la réglementation anti-blanchiment au Luxembourg. C'est là le rôle de l'autorité du Luxembourg.

Cela dit, il est évident que l'activité au Luxembourg peut avoir un contrecoup sur la situation de l'établissement en France. C'est pourquoi nous demandons que les risques de l'activité au Luxembourg soient suivis de façon rigoureuse et efficace par la maison mère française. C'est là-dessus que porte l'action que nous menons.

Notre premier interlocuteur est donc toujours la maison mère française, celle sur laquelle on peut exercer des pouvoirs directs. C'est à elle que l'on s'adresse pour connaître la nature du contrôle qu'elle exerce sur ses filiales à l'étranger. Nous lui demandons communication d'informations, de rapports internes, de décisions éventuelles.

Il nous est également apparu nécessaire de vérifier la situation sur place, à l'étranger, par des interventions ponctuelles.

Cette question est essentielle dans le cadre des récents développements que l'on a connus. Nous menons ce programme en permanence. Une dizaine d'enquêtes étaient déjà engagées bien avant que les révélations apparaissent dans les journaux. Certaines portaient de facto sur les activités de banque privée à l'étranger.

Dès que nous avons eu connaissance des informations publiées dans la presse faisant état de risques importants pour la réputation des banques françaises liés à leur activité à l'étranger, nous avons demandé ce qu'il en était aux têtes de groupes via nos méthodes habituelles - questionnaires, entretiens avec les autorités.

Cela nous a permis de savoir quels étaient les groupes concernés. On peut dire qu'il s'agit d'une minorité. Parmi les soixante-dix établissements ou groupes d'établissements ayant une activité de banque privée, ceux qui ont une activité à l'étranger pouvant être concernés par la mise en place de structures de gestion de patrimoine d'affectation sont en fait moins d'une dizaine.

À partir de là, nous opérons une deuxième vague d'investigations pour faire remonter de façon plus précise les informations dont ils disposent sur ce qui se passe à l'étranger. Nous en sommes à cette deuxième étape qui, pour certains cas, s'appuie sur les enquêtes en cours et permet de consulter les informations disponibles à l'étranger. Pour d'autres, cela consiste d'abord à demander les résultats des enquêtes en cours afin de savoir si elles sont satisfaisantes ou s'il nous faut mener des actions complémentaires.

A ce stade des résultats préliminaires dont nous disposons, nous constatons que la remontée des informations est loin d'être automatique. Beaucoup d'établissements, parfois de façon non cohérente entre eux d'ailleurs, font état de difficultés pour faire remonter les informations nominatives émanant de leur filiale à l'étranger et pour nous les donner.

De ce fait, nous avons aussi entrepris une action auprès d'autres autorités pour essayer, la situation n'étant pas la même à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union européenne, de préciser exactement nos droits d'accès et d'utilisation de l'information des filiales, ainsi que ceux des établissements.

Autant il existe un cadre bien établi, éprouvé et relativement précis dans le domaine prudentiel, comme par exemple dans les textes européens, autant ce n'est pour l'instant pas le cas dans le domaine de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. On ne peut pas dire qu'il y ait un consensus sur les informations auxquelles nous pouvons avoir accès, ni sur l'utilisation qu'on peut en faire, de même que pour les maisons mères des établissements, que ce soit sur la nature des informations ou sur la capacité à les reproduire et à les extraire du pays en question pour les faire remonter et les utiliser en France.

Dans certains pays, il semblerait qu'il existe une approche relativement restrictive. Les informations auxquelles nous pouvons avoir accès sont d'ordre général et concernent l'organisation du contrôle dans les établissements. On nous informe si l'on considère qu'il existe un problème pour l'application de la loi locale, mais nous n'avons pas accès directement aux matériaux nous permettant de déterminer s'il y a eu ou non infraction à la loi locale ou aux procédures, l'autorité de contrôle nationale étant seule compétente sur ce plan.

En dehors de l'Union européenne, nous avons de toute façon besoin de l'accord de l'autorité concernée pour nous déplacer et nous y rendre. Dans l'Union européenne, nous n'avons pas besoin d'accord : toutes les autorités nous reconnaissent le droit d'aller sur place mais, en revanche, pour ce qui est des modalités d'accès à l'information, les positions peuvent être différentes voire, dans certains cas, restrictives concernant la nature de l'information et surtout l'utilisation que l'on peut en faire.

Nous sommes en train de faire, en ce moment même, le tour de toutes les situations. Dans tous les cas, nous allons essayer de pousser les choses à l'extrême pour voir à quel moment où l'on nous dit « non ». Nous allons demander l'accès à des informations individuelles pour les transmettre en France et les utiliser.

C'est un processus d'interaction à la fois avec les groupes et avec les autorités. Cela prend un peu de temps. On en est au début, mais c'est un sujet essentiel car, pour la suite de l'organisation par les groupes des contrôles de leur filiale à l'étranger, il est absolument essentiel que l'on connaisse exactement le cadre. Il nous semble que c'est le devoir de l'ACPR de signaler aux autorités compétentes qui négocient le cadre juridique les difficultés pratiques que l'on peut rencontrer, et jusqu'où l'on peut exercer des pouvoirs à l'étranger en la matière.

C'est bien à l'étranger que nous avons constaté le recours à ces instruments de patrimoine d'affectation, une implantation dans un pays pouvant gérer un organe dans un autre pays. En France, nous n'avons pas vu ce type de situations dans nos contrôles.

C'est pourquoi l'essentiel de nos contrôles porte en ce moment sur les conditions dans lesquelles les groupes peuvent contrôler leurs activités à l'étranger. C'est une des complexités de la situation dans laquelle nous sommes, sur laquelle je pense qu'il sera utile de revenir.

Mme Michèle André, présidente. - Si j'ai bien compris, vous pouvez aller au Luxembourg, à Genève, à Londres ou à Jersey, mais l'accès au Panama vous est difficile.

M. Édouard Fernandez-Bollo. - Nous n'avons aucune raison d'aller à Panama, car il n'y existe aucune implantation de banque française. Nous ne pouvons aller à l'étranger que pour inspecter ce qu'y fait une banque française.

Par ailleurs, Panama n'a pas conclu d'accord - nous n'avons pas non plus demandé à en conclure un, puisqu'il n'y a pas d'implantation - permettant de mener une enquête sur place. Nous menons une enquête sur place exclusivement auprès des banques françaises, de leurs succursales ou de leurs filiales. S'ils n'en ont pas dans le pays considéré, il n'y a pas de raison pour que nous nous déplacions dans un pays où on aurait, de toute façon, peu accès à l'information.

Pour ce qui est des autres pays que vous avez cités, nous avons accès à tous ceux qui sont dans l'Union européenne. C'est vrai pour Luxembourg et pour Londres. Pour les autres pays, cela dépend de l'accord que nous avons avec eux. Nous avons un accord avec la Suisse, où nous pouvons nous rendre. En revanche, l'accès à l'information individuelle, et encore plus la copie et l'utilisation qu'on pourrait en faire en France, sont encore en cours de discussions avec les autorités suisses.

Cela peut dépendre des pays. Nous n'avons pas encore essayé d'aller dans certains d'entre eux. Nous ne sommes donc pas sûrs que l'autorité concernée accepte notre venue.

Mme Michèle André, présidente. - Avez-vous les moyens de distinguer les motifs de création de sociétés offshore ? Pouvez-vous en avoir une idée ? Nous avons déjà entendu une banque et allons en recevoir deux autres la semaine prochaine.

On a invoqué, pour justifier la création de sociétés offshore, des raisons patrimoniales - situations familiales complexes, biens dispersés. Avez-vous les moyens de vérifier si ces créations répondent à cette raison ou si un motif beaucoup moins noble de fraude et d'évasion fiscales peut être invoqué ?

Pour un résident fiscal français, même si l'accès aux informations individuelles est parfois difficile, pouvez-vous nous communiquer des informations sur vos enquêtes en cours, puisque vous nous dites en avoir ?

Enfin, vous attendez les documents que vous avez réclamés, mais je suppose que vous recherchez des types de manquements précis et que vous allez sans doute poser des questions en ce sens. Y a-t-il des résidents français qui ne seraient pas en règle avec le fisc français dans ces affaires ?

M. Édouard Fernandez-Bollo. - Nous n'avons pas directement l'information permettant de vérifier des cas individuels. En revanche, nous devons nous assurer que les établissements vérifient bien ce qui leur est demandé. Ce sont eux qui ont concrètement, au jour le jour, les informations sur les clients, qui décident d'accepter ou non un client, de continuer une relation d'affaires, voire de proposer une aide à la création de certaines structures de gestion de patrimoine.

Notre point de départ, ce sont les procédures internes de l'établissement, telles qu'ils les appliquent à l'ensemble de leurs implantations à l'étranger. Ce n'est donc qu'indirectement, et pour vérifier si ces procédures sont appliquées, que nous avons accès aux informations individuelles.

Ce ne peut être l'objectif de notre mission, mais il n'est pas impossible que nous découvrions, au cours de celle-ci, des informations nous permettant, dans certains cas particuliers, de voir si la politique qui a été définie est suffisamment rigoureuse et si elle est effectivement appliquée.

La première phase de remontée d'informations passe donc par la politique des établissements. Nous disposons desdites informations, car elles ne mettent pas très longtemps à remonter.

Tous nous disent - et nous n'avons pour l'instant pas d'élément pour le démentir - que la politique d'acceptation de clientèle s'est resserrée en plusieurs étapes, en 2000, 2009 et 2012. Je pense d'ailleurs que ce resserrement n'est peut-être pas achevé et qu'il y aura encore des étapes supplémentaires.

La dimension fiscale de ces politiques semble avoir surtout compté à partir de 2009. Auparavant, l'accent était nettement moins mis sur la prévention du risque de complicité d'évasion fiscale à l'étranger, direct ou indirect.

Pour nous, il est intéressant de considérer ce que cela a donné concrètement. Qu'est-ce qui figure dans les rapports d'enquête internes ? Y a-t-il des remarques ? Sont-elles suivies d'effets ? C'est ce qui réclame des investigations complémentaires, et c'est là que nous rencontrons des difficultés pour savoir de quelles informations on dispose.

Mme Michèle André, présidente. - Connaissez-vous le nombre de pays concernés depuis 2012, pour chacune des banques placées sous votre supervision ? Leur avez-vous demandé des informations en ce sens ? Dans quels délais espérez-vous les obtenir ?

M. Édouard Fernandez-Bollo. - Il faut distinguer les choses. Les informations sur les politiques générales, on les a déjà à un certain niveau.

Mme Michèle André, présidente. - S'agissant de la création de sociétés offshore...

M. Édouard Fernandez-Bollo. - Y compris dans ce domaine. On sait s'il y a eu une politique de création ou non, ou si cette politique a été revue dans un sens plus restrictif. Ce dont nous ne disposons pas, ce sont des informations précises individuelles permettant de vérifier ce qui nous est dit, ce qui est essentiel pour un contrôleur.

C'est ce qui nous permet de vous dire aujourd'hui qu'il n'y a qu'une dizaine d'établissements ayant eu une politique permettant l'ouverture de ce type de société. En effet, la plupart du temps, il s'agissait de structures de gestion de patrimoine qui, pour des raisons très diverses, demandait à être scindé en différents blocs.

Il peut parfois y avoir des structures d'affectation pour le commerce - mais cela vous intéresse peut-être moins. En nombre, elles peuvent cependant ne pas être négligeables. Le financement d'aéronefs ou d'un certain nombre de financements commerciaux se fait par exemple par création de structures ad hoc.

Ce qui nous intéresse, ce sont celles relevant de la banque privée et non de la banque commerciale - même s'il y en a pas mal - et qui sont utilisées comme un instrument de gestion des patrimoines. Toutes les banques privées nous disent qu'elles ont revu leur politique, qu'elles connaissent tous les bénéficiaires effectifs, qu'ils passent tous à la conformité et que les critères d'acceptation se sont resserrés.

Mme Michèle André, présidente. - La semaine dernière, Frédéric Oudéa, directeur général de la Société Générale, nous a dit qu'en 2010 déjà, la Société Générale avait mis en place un code de conduite en matière fiscale, dont l'application avait été intensifiée en 2012. Quel regard portez-vous sur ce code de conduite ? Toutes les banques disposent-elles à votre connaissance d'un outil semblable ? Quel contrôle exercez-vous sur son application ? Quel impact ce code de conduite a-t-il eu dans l'évolution de la clientèle ? Y a-t-il eu des départs de clients ?

M. Édouard Fernandez-Bollo. - Le terme de « code de conduite » est propre à la Société Générale. On ne le retrouve pas nécessairement dans les autres établissements. Ce qu'on demande aux établissements, c'est une politique d'acceptation de la clientèle.

Celle-ci comporte deux niveaux : une application stricte de la réglementation d'une part, et des éléments politiques d'autre part - quel type de client vise-t-on, quel type de client accepte-t-on, quels sont les risques que l'on accepte de prendre et ceux que l'on n'accepte pas.

La Société Générale a rédigé un code de bonne conduite, avec une évolution restrictive visant la définition du type de clientèle que la banque accepte ou refuse. Cette évolution remonte à 2012. On la retrouve dans la plupart des grands groupes, pas nécessairement exactement aux mêmes dates, parfois avec deux étapes au lieu d'une, mais on peut dire que le trend global est bien celui-ci. Il existe bien partout une définition, sous différents noms, d'une politique d'acceptation de la clientèle, plus restrictive après 2009, suivant des dates et des étapes qui peuvent varier selon les établissements.

Ainsi que je vous l'ai dit, je pense que ce mouvement n'est pas achevé et que les banques peuvent encore faire évoluer leur politique d'acceptation. Certains grands groupes ont par exemple revu cette politique l'année dernière. Le calendrier et la nature des documents peuvent toutefois varier d'un groupe à l'autre.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - En premier lieu, je souhaiterais revenir sur les contrôles exercés auprès des filiales de banques françaises installées à l'étranger. Vous avez dit que vous pouviez effectuer des contrôles en Suisse ou au Luxembourg. Les régulateurs étrangers jouent-ils le jeu ? Êtes-vous libre du choix des échantillons au Luxembourg, ou vous sont-ils imposés par le régulateur national ?

En second lieu, l'ACPR est-elle informée par Tracfin du manquement de certaines banques ? Le signalement joue-t-il dans les deux sens ? Quel est le volume des signalements effectifs ? Concernent-ils plutôt la fraude fiscale, le blanchiment, ou le terrorisme ?

M. Édouard Fernandez-Bollo. - Pour ce qui est des établissements et de nos rapports avec les autorités, nous avons des interactions importantes avec celles-ci, et nous essayons de faire reculer la limite de ce à quoi nous avons accès.

Au Luxembourg, nous pouvons aujourd'hui accéder aux informations individuelles. Bien entendu, ce sont eux qui nous communiquent les résultats. Nous n'avons pas un accès immédiat aux données, nous ne déterminons que les paramètres des échantillons. Nous avons également reçu l'autorisation de nos collègues luxembourgeois d'utiliser ces informations pour l'exercice des missions propres de l'ACPR. En revanche, l'autorité luxembourgeoise a estimé que son autorisation était nécessaire pour toute autre utilisation, notamment pour la transmission à toute structure autre que l'ACPR.

Nous avons donc pu établir des demandes beaucoup plus précises et aller jusqu'au bout du processus pour mesurer ce à quoi on pouvait avoir accès.

On en est à un stade moins avancé avec les autres pays. Jusqu'à présent, la Suisse ne nous permettait pas un accès aussi large aux informations individuelles. Seul l'accès anonymisé était possible. La Suisse mettait plus de restrictions à la remontée. Les autorités suisses ayant changé leur loi en début d'année, nous sommes en train d'étudier la possibilité d'avoir désormais un fonctionnement proche de celui du Luxembourg. Nous sommes aussi en cours de discussions avec deux autres autorités pour essayer de voir ce qu'il en est.

Pour ce qui est de Tracfin, nous collaborons depuis l'origine. Cette collaboration est multiforme. Nous les associons à la définition de notre programme d'enquête. Tracfin est en quelque sorte notre « client » : c'est lui qui bénéficie de notre action, puisque les déclarations de soupçons sont reçues par lui, et non par nous. Il est très important pour nous qu'il nous fasse savoir si la qualité et la quantité des déclarations de soupçon qu'il reçoit sont adéquates.

Nous avons avec Tracfin des rendez-vous périodiques mais, même en dehors, lorsqu'il considère qu'il existe une difficulté particulière, il nous le signale. C'est un des éléments qui peut nous conduire à modifier notre programme en cours d'année. En effet, nous n'hésitons pas à modifier les enquêtes prévues, notre but étant d'utiliser nos moyens de la façon la plus adéquate, et donc d'aller voir là où il semble qu'il existe des difficultés. Nous effectuons un certain nombre de contrôles de routine mais, dans la lutte contre le blanchiment, il est important de bien cerner les risques. L'interaction avec Tracfin est donc pour nous très importante.

Quant au nombre de transmission à Tracfin, il a été de l'ordre de deux cents depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2013. Je rappelle que ce sont les assujettis à l'ACPR qui effectuent plus de 80 % des transmissions à Tracfin. Globalement, c'est de l'ordre de la dizaine de milliers. Il est donc normal que nous en fassions peu par rapport à ce chiffre, puisqu'il s'agit uniquement des cas où, dans notre échantillonnage, nous découvrons quelque chose que l'établissement n'a pas déclaré et dont nous pensons qu'il devrait l'être. C'est ce qui explique les différents ordres de grandeur.

Mme Michèle André, présidente. - Le directeur de Tracfin sera entendu par la commission le 15 juin prochain.

M. Michel Bouvard. - Vous avez évoqué les différences qui existaient entre les réglementations en matière de lutte contre le blanchiment et de terrorisme. Quels sont, selon vous, les points indispensables sur lesquels il faudrait réaliser des progrès en Europe pour que vous puissiez exercer complètement votre mission ?

En deuxième lieu, on a bien compris que, dès lors qu'il n'existait pas d'implantation bancaire officielle dans un État étranger, il ne vous était pas possible d'effectuer des contrôles. Néanmoins, certaines fondations peuvent être gérées par des établissements bancaires français. Ne pouvez-vous pas intervenir dans ce cas, ou existe-t-il au contraire des possibilités ?

Enfin, en dehors du débat, je voudrais profiter de la présence du secrétaire général de l'ACPR pour obtenir quelques informations écrites sur les conséquences que représente pour l'Agence française de développement (AFD) le fait de ne pas être intégrée à la Caisse des dépôts par rapport au mécanisme de surveillance unique européen.

Mme Michèle André, présidente. - Je constate votre persévérance sur ce sujet !

M. Marc Laménie. - Quels sont les moyens d'investigation et les moyens humains dont vous disposez ? En second lieu, quel est le statut juridique de l'ACPR ?

M. Éric Doligé. - Quel regard portez-vous sur la pertinence de la liste des États et territoires non coopératifs (ETNC) ? L'ACPR dispose-t-elle en interne d'une autre liste noire ou grise d'États avec lesquels la coopération est plus délicate, voire inexistante ?

M. Richard Yung. - Votre travail consiste à vérifier l'application par les banques françaises de la législation bancaire et prudentielle, et non d'étudier les comptes pour déterminer si les gens sont honnêtes ou pas. D'après ce que vous dites, vous rencontrez, dans le cadre de vos investigations à l'étranger, un enthousiasme mitigé - pour ne pas dire plus.

Je suis surpris qu'il puisse exister des problèmes avec le Luxembourg ou avec la Suisse. Faudrait-il placer ce dossier au centre d'une négociation plus globale pour qu'il existe, comme autour de Bâle III, un cadre général afin que tous les pays s'engagent à réserver un bon accueil aux différentes autorités ? L'ACPR n'est sûrement pas la seule dans ce cas : ce doit être la même chose pour les Allemands, etc. Que faire pour qu'il y ait une collaboration franche et transparente en la matière ? Il est quelque peu choquant que l'on vous limite dans les utilisations que vous pouvez faire de certains renseignements.

Par ailleurs, le domaine fiscal n'est pas votre sujet, mais depuis la loi bancaire, vous pouvez transmettre des suspicions à la DGFiP et au parquet financier. Existe-t-il déjà un certain nombre de cas ? Comment cela a-t-il été suivi ?

M. André Gattolin. - Malgré la volonté qui transparaît à travers vos propos de faire du mieux possible dans le cadre qui est le vôtre, j'ai néanmoins le sentiment d'un terrible aveu d'impuissance concernant la mise en oeuvre des législations.

Je suis ravi de découvrir que vous avez, en tant qu'agence de contrôle, une liberté de circulation en Europe !

Vous avez parlé de pays qui collaborent plus ou moins bien, qui interprètent différemment les textes. La commission aimerait disposer de quelques exemples plus détaillés.

Ne pouvoir intervenir que là où les banques françaises disposent d'établissements physiques est terriblement restrictif ! Ceux qui sont inquiets de voir demain le reporting pays par pays s'étendre à des secteurs autres que la banque et les industries extractives ont de quoi être rassurés face à la créativité des États et des établissements, et à l'interprétation des règles. Comme vous le dites : d'un point de vue théorique, on vous communique des informations, mais vous ne bénéficiez pas de tous les éléments pour juger des pratiques. Je trouve cela terriblement inquiétant à l'intérieur même de l'Union européenne.

M. Édouard Fernandez-Bollo. - Plusieurs questions touchent aux modifications que l'on pourrait souhaiter à ce stade pour améliorer les pouvoirs d'enquête et l'efficacité du dispositif.

J'ai peut-être trop insisté sur des points où il existe un problème. On n'a pas de problème pour avoir accès à des informations non nominatives. Dans l'Union européenne, cela ne se discute même pas. Même à l'étranger, le plus souvent, on a accès à des informations non nominatives.

L'accès aux informations nominatives, la possibilité d'en prendre copie pour notre usage et celle de les transmettre à Paris sont les trois points sur lesquels les textes ne sont pas absolument clairs. Je pense, au moins à l'intérieur de l'Union européenne, qu'une clarification serait de nature à faciliter l'action de tout le monde. Nous sommes d'ailleurs prêts à le faire pour les autorités qui enquêteraient en France. Nous considérons qu'on doit leur donner accès à des informations nominatives, qu'elles doivent pouvoir utiliser dans l'exercice de leurs fonctions.

La possibilité de contrôler des structures de patrimoine d'affectation qui ne seraient pas localisées dans le pays de l'établissement - ce qui est le cas général - ne constitue pas véritablement un problème de notre point de vue. S'ils gèrent ces structures, les pays doivent disposer de toute l'information là où ils la gèrent. Dans le cas contraire, pour nous, c'est déjà un manquement. Accepter un rôle de gérant et ne pas disposer des informations nécessaires pour appliquer les diligences constitue pour nous un problème.

Ce que nous voulons, c'est déterminer si les établissements que nous contrôlons bénéficient bien des informations nominatives. S'ils ne les ont pas, c'est déjà un problème ! On pourrait déjà remarquer que cela ne nous paraît pas conforme au standard que nous souhaitons voir les groupes adopter pour cette gestion.

Le fait qu'on n'ait pas accès à l'information peut survenir dans des cas particuliers, mais cela nous permet de réagir, d'avoir une action au niveau de la procédure globale et de contraindre les établissements à ne plus accepter cette situation.

Cela peut avoir pour conséquence qu'on n'ait pas l'information individuelle, mais ce n'est pas véritablement un obstacle à l'exercice de nos missions. On doit pouvoir contrôler s'ils ont ou non des informations individuelles sur des trusts panaméens, par exemple. Si ceci est géré du Luxembourg, ont-ils vraiment toutes les informations nécessaires pour agir dans des conditions de prudence, et vérifier qu'ils ne participent pas à une complicité de blanchiment ou autre activité qui présenterait un risque important pour l'établissement ?

De quels moyens disposons-nous pour y parvenir ? Bien entendu, nous avons ceux que le Parlement nous attribue. C'est lui qui fixe ces moyens. Nous disposons, pour exercer nos missions dans le domaine bancaire, d'un corps d'un peu moins deux cents inspecteurs, qui doivent également effectuer des inspections pour la BCE, très exigeante en matière de contrôle dans le domaine prudentiel et sur les modèles internes.

Je vous l'ai dit, l'ordre de grandeur de nos inspections relatives au blanchiment est de plusieurs dizaines de missions par an. Certaines années, c'est plutôt vingt missions, d'autres années plutôt cinquante missions. Cela dépend de la perception que l'on peut avoir des risques.

Comme nous réalisons cent trente à cent quarante missions par an, vous voyez qu'entre 12 % et 30 % sont consacrées au blanchiment. En 2001, toutes nos missions ont porté sur la lutte contre le financement du terrorisme. On a donc aussi une possibilité de modulation en fonction des risques.

Quant à notre nature juridique, nous sommes une autorité de la République prévue par la loi. Elle a pour caractéristique d'être adossée à la Banque de France en termes de moyens. Le secrétariat général de l'ACPR est ainsi un établissement de la Banque de France. C'est ce qui nous permet de récupérer toute l'inspection de la Banque de France si un contrôle particulier le nécessite.

S'agissant de la pertinence de la liste des ETNC, celle-ci est établie à un niveau politique, qui dépasse de très loin celle de l'ACPR. L'ACPR signale régulièrement - et va désormais le faire systématiquement - les problèmes de coopération qu'elle rencontre. Nous n'avons pas de moyens privilégiés d'information pour savoir si la réglementation de tel pays est meilleure ou moins bonne que celle d'un autre. Quelqu'un de chez nous a par exemple été sélectionné pour l'examen des États-Unis, ce qui montre que nous sommes appréciés par le Groupe d'action financière (GAFI) en tant qu'experts pour les pays les plus importants. Une autre personne de chez nous a participé à l'examen de la Suisse.

Nous avons donc par ce biais des informations sur le degré de mobilisation, l'efficacité des mécanismes de lutte anti-blanchiment dans les différents pays, mais nous ne pouvons établir une revue indépendante. Nous n'en avons pas les moyens, et ce n'est pas vraiment notre mission. En revanche, nous signalons systématiquement à la représentation française tous les problèmes que nous rencontrons.

Autre point très important : tout le sens de notre action, s'agissant de contrôles qui portent in fine sur des dossiers individuels et des opérations, est de mobiliser les ressources des établissements. Nous sommes là pour pousser les établissements à accroître les moyens qu'ils consacrent au contrôle, et à avoir une politique plus rigoureuse. Nous ne pouvons, en direct, contrôler les clients du système bancaire français. En revanche, notre rôle est de les pousser à y consacrer plus de moyens.

Il est un fait que les moyens consacrés à la conformité ont considérablement augmenté ces dernières années dans les banques françaises. Il reste que, dans toutes ces opérations, il faut s'adapter à l'évolution des risques. Nous sommes là pour encourager les établissements à davantage de prudence et à renforcer ces mécanismes.

Pour ce qui est de la transmission aux autorités fiscales, celle-ci est comprise dans le chiffre de deux cents que j'ai déjà cité. Ceci a été permis par la loi de 2013. Plus de la moitié ont une composante fiscale et ont été envoyés à la DGFiP. En revanche, naturellement, la DGFiP n'a pas le même mécanisme de feedback que Tracfin et nous ne savons pas quel sort a été réservé aux informations ainsi transmises.

Enfin, j'ai bien noté votre demande concernant l'AFD.

M. Éric Bocquet. - Prenez-vous en compte les lanceurs d'alerte ? Dès 2009, les salariés d'UBS avaient alerté l'ACPR sur certains dysfonctionnements. Comment gérez-vous ces informations ou les révélations de la presse ?

On a bien senti dans vos propos les limites que rencontre votre action, notamment au plan international. Vous dites qu'il n'existe pas de consensus sur le droit d'accès aux informations, aussi bien quant à la nature de celles-ci que concernant leur utilisation. Vous devez par exemple obtenir l'autorisation du superviseur luxembourgeois pour pouvoir intervenir au Luxembourg. La coopération internationale existe donc plus dans les discours que dans la réalité. C'est un vrai sujet.

S'agissant de la présence de banques françaises dans les ETNC, on a parfois l'impression qu'on a affaire à une personne qui aurait vendu son appartement mais oublié de signaler qu'elle loue une villa au même endroit. Considérez-vous qu'un mandat fiduciaire exercé pas une banque française, dans un trust situé dans un paradis fiscal que nous ne nommerons pas, constitue une activité de cette banque dans ce pays ? Avez-vous des informations sur des situations où des banques françaises exerceraient un tel métier ?

Vous avez par ailleurs indiqué qu'il n'existe pas d'implantation de banque française au Panama. Pour autant, il apparaît que des banques françaises y conduisent des activités non négligeables en tant qu'intermédiaire ou mandataire fiduciaire. Ces activités peuvent entraîner des risques juridiques considérables et peuvent mettre en cause la réputation des établissements. Ne vous semble-t-il pas que ces risques mériteraient de votre part une certaine attention ?

M. Yvon Collin. - Pouvez-vous nous indiquer avec plus de précisions quelle a été et quelle est aujourd'hui l'activité de la commission des sanctions de l'ACPR dans le prononcé de sanction pour manquement aux règles de conformité ?

En second lieu, les lignes directrices de l'ACPR et de Tracfin et les textes réglementaires induisent une obligation de déclaration de soupçon lorsqu'un assujetti entre en contact avec une entité opaque. Ceci s'applique-t-il au cas où cette relation se noue dans un pays tiers ?

M. Philippe Dominati. - Je voudrais revenir sur certaines des questions qui vous ont été posées par certains collègues. Comment exercez-vous votre contrôle sur les fondations relevant d'établissements ou de succursales d'établissements français, par exemple au Luxembourg ?

Si vous voulez des informations nominatives sur un établissement français au Luxembourg, êtes-vous obligé de passer par l'administration luxembourgeoise ou pouvez-vous y accéder directement par la filiale de cet établissement ? On ressent en effet un sentiment de malaise, tous les dirigeants des banques françaises nous expliquant qu'ils sont soumis à l'ACPR et que leurs comptes sont parfaitement clairs. Le sont-ils vraiment ? Avez-vous ou non accès aux comptes des filiales françaises, en Europe et à l'étranger ?

Vous parlez de procédures, de codes, mais on a du mal à comprendre comment vous accédez aux informations individuelles.

M. François Marc. - Vous avez indiqué que vingt procédures disciplinaires relatives au contrôle des établissements bancaires étaient en cours.

Peut-on en savoir un peu plus ? S'agit-il de comportements suspects ? Quel est le fondement de ces procédures, et de quels établissements s'agit-il ? Vingt procédures, c'est beaucoup. Cela signifie-t-il qu'il existe un ensemble de comportements répréhensibles ?

Par ailleurs, on parle beaucoup du Luxembourg, du Panama, etc., mais il y a eu, au second semestre 2015, une affaire concernant une filiale de banque française installée à Monaco, dont deux salariés ont indiqué que tout ce qui était fait là-bas n'était pas forcément très vertueux. Que pourriez-vous nous dire à propos de la vertu sur le rocher de Monaco ?

M. Édouard Fernandez-Bollo. - Je ne me prononcerai pas sur la vertu, mais sur l'action de l'ACPR à Monaco.

Je rappelle qu'en vertu des accords franco-monégasques, l'ACPR ne contrôle pas la lutte contre le blanchiment à Monaco. Ceci a été exclu de la compétence de l'ACPR par les autorités monégasques. Des informations nous ont été communiquées par l'autorité compétente, le Service d'information et de contrôle sur les circuits financiers (SICCFIN), sorte de mixte entre Tracfin et l'ACPR. C'est cette autorité monégasque qui a traité la question et qui serait plus à même de répondre à vos interrogations.

Nous avons étudié les conséquences qu'en avait tirées ce groupe bancaire français sur sa politique de groupe. Celles-ci ont été très claires, puisqu'il a arrêté ce type d'activité.

M. Michel Bouvard. - Peut-on savoir qui désigne le secrétaire général de l'instance de contrôle monégasque ?

M. Édouard Fernandez-Bollo. - Le gouvernement princier...

M. Michel Bouvard. - Indépendamment de la France ?

M. Édouard Fernandez-Bollo. - Oui. Il peut être Français, mais ce n'est pas le Gouvernement français qui le désigne.

S'agissant de l'utilisation d'informations venant de l'extérieur, et notamment des lanceurs d'alerte, sur notre politique de contrôle, j'ai déjà dit à propos de Tracfin que nous y recourons pour modifier notre programme périodique. Nous exerçons un contrôle a priori chaque année pour arrêter le type d'établissement à contrôler. Le collège en délibère, puis le secrétaire général choisit, en fonction des critères arrêtés par le collège, les établissements individuels sur lesquels va porter une mission.

Nous débattons avec Tracfin en amont. Si Tracfin nous signale quelque chose, nous changeons le programme de contrôle pour l'adapter de façon réactive.

Pour ce qui est des lanceurs d'alerte, avant l'ordonnance de 2014, il n'y avait pas de texte particulier encadrant le fonctionnement. Il existait une pratique : c'est celle qui nous a conduits à recevoir le lanceur d'alerte d'UBS et à lancer notre contrôle. C'est nous qui avons envoyé au parquet le résultat de notre enquête, déclenchée par notre audition du lanceur d'alerte.

La qualité des alertes est très variable. On nous communique parfois des affirmations sans élément. Nous les utilisons surtout lorsqu'on a des informations précises.

Depuis 2014, il existe une procédure formalisée, où toute personne bénéficie d'un interlocuteur désigné, qui protège l'identité de la personne. On a formalisé la procédure sur le recours aux lanceurs d'alerte. La qualité de leurs informations est très inégale. Certaines choses sont très exploitables, et d'autres le sont fort peu, mais nous sommes tout à fait disposés à continuer à modifier notre programme en fonction d'informations nouvelles. Cela a encore été le cas dernièrement.

Je me suis peut-être mal exprimé à propos de l'activité de la commission des sanctions, en évoquant une vingtaine de procédures de blanchiment depuis 2010. En fait, la commission des sanctions examine un peu plus d'une dizaine de procédures par an. Le chiffre de vingt ne concernait donc pas des procédures en cours, mais celles dont l'examen a été achevé depuis 2010 par la commission des sanctions.

Les procédures en cours sont de l'ordre de cinq. Je ne puis m'exprimer sur celles-ci. Vous vous souvenez peut-être qu'une procédure diligentée par la Commission des opérations de bourse (COB) a été autrefois annulée pour ce motif. Je préfère donc rester discret.

Une question revient sous plusieurs formes au sujet du contrôle des structures d'affectation, qu'on appelle fondations, trusts, fiducies, etc.

En France, nous avons accès à tout, et nous n'accepterions pas que l'on ne nous donne aucune information sur le constituant, le bénéficiaire, etc. Il est hors de question que l'ACPR ne soit pas capable d'examiner une activité exercée en France.

Pour l'activité exercée à l'étranger, on rencontre les problèmes que j'ai cités tout à l'heure. Les fondations sont le sujet de notre dernière vague de contrôle. Nous demandons à y avoir accès, car nous pensons que c'est nécessaire. Nous nous appuyons sur les procédures des établissements et voulons vérifier si celles-ci sont véritablement impliquées. C'est la première fois que nous allons aussi précisément rechercher quelqu'un qui n'est pas le client direct d'une banque.

La coopération internationale s'est améliorée ces dix dernières années dans ce domaine. On essaye d'aller encore plus loin et d'avoir accès, grâce à des inspections sur place, à des informations nominatives, non seulement directement sur le client d'une filiale de banque au Luxembourg, mais aussi sur le bénéficiaire ultime effectif de ces structures d'affectation et sur les conditions de gestion de ce type de structures. Les politiques d'acceptation sont plus rigoureuses qu'auparavant. Nous voulons savoir si elles sont bien appliquées, et si elles respectent les inflexions données ces dernières années.

Pour nous, le fait que la structure soit dans un autre pays n'est pas important. Si elle est gérée au Luxembourg, c'est au Luxembourg que doivent se trouver les informations. Ce qui m'intéresse dans ce cas-là, c'est de voir ce qui existe au Luxembourg. Une autorité de contrôle exerce son pouvoir sur les établissements financiers et non sur une entité, qu'elle ait la personnalité morale ou non. Les fondations ont une personnalité morale, les trusts n'en bénéficient pas. Cela m'est égal : ce que je contrôle, c'est l'action de l'établissement qui gère ce type de structures, et je veux pouvoir le contrôler au siège de l'établissement, là où l'activité doit être exercée. Le fait que celle-ci amène l'établissement à se déplacer dans un autre pays m'importe peu. Ce que je veux, c'est le contrôler là où il doit gérer l'activité, là où son propre contrôle interne doit être capable de vérifier ce qui est fait par les implantations locales, par rapport aux politiques de la maison mère.

C'est un fait : nous n'avons pas tenté de contrôler les structures. Il me semble que, pour renforcer l'efficacité de notre mission, il vaut mieux se concentrer sur la mission portant sur les établissements eux-mêmes. Nous n'avons donc pas tenté d'aller au Panama, aux îles Vierges, aux Seychelles, ou dans les différents pays où existent des registres de ces structures. Nous examinons les liens de la banque avec cette structure, qu'elle a accepté de gérer là où elle est. Ce type de contrôle est beaucoup moins exotique, mais beaucoup plus utile - y compris pour l'économie des moyens de contrôle dont nous disposons.

Enfin, quant à notre degré d'information, nous demandons, dans le cadre de notre mission, un échantillon d'informations nominatives, y compris sur les bénéficiaires. C'est ce que nous sommes en train de tester partout, même à Monaco.

Lutte contre l'évasion et la fraude fiscales internationales - Audition de Mme Éliane Houlette, avocat général à la Cour de cassation, procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris

Mme Michèle André, présidente. - Nous poursuivons notre série d'auditions pour faire suite à l'affaire des Panama Papers, avec l'audition d'Éliane Houlette, avocat général à la Cour de cassation, procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris.

Installé en mars 2014, le parquet national financier (PNF) a pour but de lutter plus efficacement contre la fraude fiscale, le blanchiment, mais aussi contre un champ très large d'infractions incluant la corruption, le trafic d'influence, la prise illégale d'intérêts, les délits boursiers, etc. Le 4 avril dernier, à la suite des révélations des Panama Papers, le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire pour « blanchiment de fraudes fiscales aggravées », et l'office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) a été saisi de l'enquête.

Voilà qui donne la mesure des choses : la fraude fiscale, surtout quand elle est à ce point massive et sophistiquée, est aussi l'affaire de la justice, de la police, et bien sûr des citoyens et de nous-mêmes, responsables politiques. Ce que nous cherchons à comprendre, aujourd'hui, c'est la manière dont les différents services de l'État peuvent se coordonner pour identifier et sanctionner les fraudes, et surtout faire en sorte qu'elles ne se reproduisent plus.

Je laisse tout d'abord la parole à Éliane Houlette pour nous présenter brièvement les attributions, les moyens et le fonctionnement du parquet national financier, mais aussi nous en dire un peu plus sur le rôle que peut jouer le parquet national financier dans l'affaire des Panama Papers.

Mme Éliane Houlette, procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris. - Je suis heureuse d'être parmi vous pour vous présenter le parquet national financier, une jeune institution dont le fonctionnement est très différent de celui des autres parquets de France, en raison du caractère éminemment technique des contentieux qu'il traite et de la complexité des procédures dont il est saisi. Celles-ci requièrent des investigations hors normes par leur ampleur géographique, leur dimension technologique et les enjeux qui y sont attachés.

Je suis ici accompagnée par Mireille Venet, procureur de la République adjoint, Vincent Filhol et Emmanuel Chirat, substituts financiers qui sont chargés de l'affaire des Panama Papers, avec deux autres magistrats qui, pris à leur tâche, n'ont pu se joindre à nous. Le parquet national financier, créé par la loi du 6 décembre 2013 et mis en place le 1er février 2014, est entré en fonction le 3 mars de la même année.

Quelle est la spécificité de ce parquet ? Une compétence territoriale nationale - métropole et outre-mer - et une compétence matérielle réduite à trois types d'infraction : les délits boursiers, les atteintes à la probité et la fraude fiscale complexe. Pour le premier type d'infraction, notre compétence est exclusive, tandis que pour les deux derniers, nous sommes en concurrence avec les autres parquets, et notamment ceux des juridictions interrégionales spécialisées.

Quelques données chiffrées : lorsque l'institution a été créée, nous étions cinq magistrats, dont le procureur que je suis, et un greffier stagiaire. Nous avons atteint aujourd'hui un effectif de quinze magistrats, quatre assistants spécialisés - dont deux administrateurs des finances publiques, un expert-comptable et un spécialiste en matière boursière -, un greffier en chef, cinq greffiers et une assistante administrative. Nous sommes organisés en trois groupes, dont chacun est dirigé par un procureur adjoint.

L'étude d'impact effectuée en mai 2013 estimait la capacité de traitement du futur parquet national financier à 260 dossiers, partant du postulat qu'un magistrat ne pouvait suivre plus de huit procédures. Or nous sommes aujourd'hui saisis de 353 procédures, dont 155 pour fraude fiscale et escroqueries à la TVA - soit 44 % du total -, 136 pour atteinte à la probité, 43 pour délits boursiers, les 19 procédures restantes étant en cours d'évaluation. Parmi ces procédures, 70 % sont en enquête préliminaire et 30 % font l'objet d'une information judiciaire : je pourrai développer, si vous le souhaitez, les raisons du choix du traitement en enquête préliminaire. Depuis sa création, le parquet national financier a fait procéder à la saisie de près de 78 millions d'euros, et 29 mesures de saisie d'avoirs à l'étranger ont été prononcées, à sa demande. Il a émis 118 demandes d'entraide pénale internationale et a été destinataire de 79 requêtes d'assistance judiciaire - ce que nous appelons les demandes d'entraide « passives », que nous exécutons pour les autorités étrangères, mais qui n'en sont pas moins chronophages puisque nous nous assurons de leur bonne exécution par les services avec lesquels nous travaillons.

Lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai déterminé d'emblée quatre axes de procédure pénale, qui n'ont pas varié depuis. La lutte contre le temps, tout d'abord, sachant que l'essentiel des critiques se concentre sur la durée des enquêtes en matière économique et financière. C'est une des raisons qui expliquent le choix de l'enquête préliminaire. Deuxième axe, la recherche de poursuites efficaces et d'une plus grande répression en matière fiscale. Lorsque les finances sont corrompues, c'est le bon fonctionnement de l'économie et le pacte démocratique qui sont en jeu. C'est donc là une priorité absolue de la politique pénale du parquet national financier. Troisième axe, la sélection utile des dossiers en matière de compétence concurrente, en particulier pour les atteintes à la probité mais aussi pour ce qui concerne la lutte contre la fraude fiscale. Quatrième axe, enfin, la moralisation des marchés financiers, sujet sur lequel j'ai eu le plaisir de m'entretenir avec Albéric de Montgolfier, votre rapporteur sur la proposition de loi réformant la répression des abus de marché.

Mme Michèle André, présidente. - La commission mixte paritaire réunie sur cette proposition de loi a abouti, hier, à l'Assemblée nationale, à un texte commun, après un travail approfondi de vos représentants.

Mme Éliane Houlette. - Avant d'aborder la question des Panama Papers, un mot des difficultés récurrentes auxquelles nous nous heurtons. Tout d'abord, le déficit d'information sur les affaires de fraude fiscale aggravée. Certaines affaires sont portées à la connaissance des services d'enquête et des parquets locaux tandis que le parquet national financier n'en est pas informé. Les signalements de Tracfin, portées directement à la connaissance des parquets locaux, ne nous sont pas envoyés en copie, ce qui est pour nous dommageable. Sans rien trahir, puisque cela a été dévoilé dans la presse, j'en donnerai deux exemples récents : l'affaire Mulliez, à Lille, et celle qui, dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, concerne une personne qui serait liée à l'affaire des Panama Papers. Dans l'un et l'autre cas, il s'agit d'affaires d'importance, qui appellent une forte coopération internationale. Or, le parquet national financier n'a pas été informé.

Deuxième difficulté, la coopération internationale reste inégale, lente, chaotique. J'y reviendrai en détails : travaillant avec un grand nombre de pays, notre vision est assez précise.

Troisième difficulté, les obstacles procéduraux que nous rencontrons. Les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sont une grande avancée, mais elles sont parfois déposées le premier jour de l'audience, après une instruction déjà très longue... Il y a aussi l'absence d'audience de mise en état pour la préparation de nos dossiers en vue de l'audience de jugement. Un exemple, là aussi public : l'affaire Cahuzac. Le dossier, pour le parquet national financier, était bouclé en décembre 2014. Après une enquête menée fin 2012, une information a été ouverte en 2013 ; différentes requêtes en nullité ont été portées devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris ; le juge de l'instruction a fini par rendre son ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, laquelle a été frappée d'appel, et ce n'est que le 17 décembre 2014 que le réquisitoire définitif du parquet a fini par être prononcé. Le dossier a été porté en janvier devant le tribunal correctionnel de Paris et c'est alors qu'une question prioritaire de constitutionnalité a été déposée. Bref, le cas finira par passer en jugement - je l'espère - en décembre 2016, soit presque deux ans après la fin de notre travail.

Autre difficulté récurrente, dont la représentation nationale doit être informée, l'insuffisance criante de ressources humaines dans les services d'enquête. Nous travaillons essentiellement avec trois services. L'office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), créé par le décret du 23 octobre 2013, qui comptait 93 agents en 2013, n'en compte plus que 81 alors que les affaires à traiter sont de plus en plus consistantes. La brigade financière et la brigade de répression de la délinquance économique de la préfecture de Paris sont en sous-effectif - j'ajoute qu'il n'existe plus, là comme à l'OCLCIFF, de filière d'enquêteurs de police judiciaire : les postes restent vacants, preuve qu'il faudrait rendre du lustre à l'enquête en matière économique et financière pour susciter des vocations. Le service national de douane judiciaire (SNDJ), enfin, dirigé par un magistrat de l'ordre judiciaire, compte quelque 200 agents - je n'ai pu obtenir de chiffres exacts -, parmi lesquels des enquêteurs douaniers très bien formés en matière de délits douaniers, de blanchiment et d'escroquerie à la TVA.

Dernière difficulté, enfin : nous sommes confrontés à des personnes qui ont les moyens de s'assurer les services de cabinets d'avocats très compétents, qui savent fort bien user de tous les moyens procéduraux à leur disposition. D'où, parfois, une quasi-paralysie de la procédure. Les recours contre les actes des juges d'instruction sont portés devant la cour d'appel de Paris, qui doit traiter un énorme contentieux ; sans compter que les arrêts qui finissent par être rendus font ensuite l'objet de pourvois en cassation.

Mme Michèle André, présidente. - Nous mesurons, au travers de ce que vous nous exposez de cette jeune institution, combien sont lourdes les difficultés auxquelles se heurte le fonctionnement de la justice. Elles feront l'objet de toute notre attention lors de l'examen du projet de loi de règlement. Le document que vous nous avez fourni est précis, et nous nous y pencherons avec attention. Dans le temps compté qu'il nous reste, peut-être pourrions-nous nous attacher à l'affaire des Panama Papers, qui est à l'origine de notre série d'auditions ?

Mme Éliane Houlette. - Bien sûr. Comme je l'ai rappelé, l'article 11 du code de procédure pénale interdit de dévoiler ce qui touche à l'instruction, mais je vais m'efforcer de vous donner toutes les informations que je peux. Après la révélation de l'affaire le 3 avril, dans un article du Monde et dans la presse en ligne, nous avons dès le 4 avril ouvert une enquête préliminaire, pour blanchiment de fraude fiscale aggravée, confiée à l'OCLCIFF. À la suite de la révélation par la presse d'une possible implication d'autres banques, nous avons co-saisi, le 13 mai, le service national de douane judiciaire : l'ampleur des investigations est telle que l'OCLCIFF seul serait dans l'incapacité de les mener dans des délais raisonnables. Le 5 avril 2016, nous avons mené les premières perquisitions à la Société Générale. Nous avons mis en place une organisation spécifique au sein du parquet national financier. Cinq magistrats sont chargés du dossier - qui traitent concomitamment, il faut le rappeler, d'autres dossiers de fraude fiscale aggravée de grande ampleur -, auxquels s'ajoutent deux assistants spécialisés. Nous avons mis en place une veille médiatique approfondie, déterminé des objectifs et des cibles, ainsi que des méthodes de travail, avec l'administration fiscale et les services d'enquête - avec lesquels nous entretenons d'excellentes relations. Nous avons d'ailleurs formé une « troïka » et nous nous rencontrons régulièrement pour confronter nos informations. La direction de l'enquête est sous la responsabilité du parquet national financier, mais une cellule opérationnelle se réunit tous les quinze jours, et les chefs de service se rencontrent au moins une fois par mois.

Au mois de mai 2016, nous avons pris contact avec nos homologues étrangers pour préparer nos futures demandes d'entraide internationale. Je me suis rendue à Madrid pour y rencontrer le procureur général de l'Audiencia nacional espagnole, Javier Saragoza, qui a ouvert en même temps que nous une enquête préliminaire. Après la publication de la fameuse base de données, le 9 mai, sur le site du consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), nous avons créé, avec la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), une petite cellule rassemblant des compétences en matière de cybercriminalité, chargée d'y travailler. Par l'intermédiaire de notre réseau étendu de magistrats de liaison, nous avons noué un contact étroit avec nos homologues étrangers. Enfin, j'ai saisi, vendredi 13 mai, le représentant français auprès d'Eurojust d'une demande de collaboration sur ce dossier. Voilà, très rapidement, comment nous travaillons.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous avons entendu des représentants de la direction générale des finances publiques (DGFiP), qui nous ont dit les difficultés auxquelles ils se heurtaient dans la coopération avec les autorités de certains pays, notamment pour identifier les « bénéficiaires effectifs » des trusts. La coopération judiciaire fonctionne-t-elle mieux que la coopération en matière fiscale ? Dès lors que des affaires sont judiciarisées, avez-vous plus de succès que les autorités administratives auprès de pays comme le Panama ?

Qu'en est-il de la coordination entre le parquet national financier et l'administration fiscale, avec laquelle vous avez eu une réunion le 4 mai ? Sur l'affaire des Panama papers, la transmission, dans les deux sens, est-elle systématique ?

Le fameux « verrou de Bercy » est-il un problème ? Le parquet ayant faculté de s'autosaisir sur le fondement de l'infraction connexe de blanchiment de fraude fiscale, il semble que les grosses affaires finissent tôt ou tard devant la justice.

Vous avez évoqué la fraude à la TVA, à laquelle s'intéresse tout particulièrement notre commission des finances - nous sommes notamment soucieux de l'érosion des bases en matière de commerce électronique. La TVA est l'impôt qui donne lieu au plus grand nombre de fraudes, d'après les chiffres de la Commission européenne, via les carrousels et les déclarations de TVA à l'importation. Est-ce là pour vous une priorité ? Sommes-nous assez efficaces ? Y a-t-il moyen d'améliorer les outils ?

Mme Éliane Houlette. - Sur tous les dossiers de fraude fiscale aggravée, nous devons recourir à la coopération internationale. L'entraide, comme je l'ai dit, est inégale. Pour effectuer une demande, il nous faut des éléments concrets, tirés de l'enquête. Nous rédigeons alors, en nous appuyant sur les conventions existantes, une demande, dont il nous faut ensuite suivre l'exécution. Concrètement, nous avons sollicité 53 pays. Au sein de l'Union européenne, la transmission est directe entre autorités judiciaires. Tel est le cas avec l'Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, la Grande-Bretagne, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède. Les choses se passent bien et je dois dire que même avec certains pays à fort secret bancaire, comme le Luxembourg, la coopération est excellente. Nous avons obtenu des saisies par l'intermédiaire des autorités judiciaires luxembourgeoises dans un dossier de fraude fiscale aggravée.

Pour les autres pays, la transmission se fait par voie diplomatique : quand nous ne pouvons compter sur des magistrats de liaison, nous nous appuyons sur les officiers de sécurité intérieure ou autres officiers de liaison. D'une façon générale, nous avons largement développé la coopération internationale, en nous attachant à nouer des relations humaines, qui facilitent beaucoup les échanges. Nous entretenons notamment de bonnes relations avec les Bahamas, la Lettonie, le Luxembourg, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, pays à fort secret bancaire. Mais il en reste avec lesquels la coopération n'est pas très fructueuse. Je ne sais si je puis me permettre de les citer...

Mme Michèle André, présidente. - Cette coopération, qui passe par les agents de liaison de nos ambassades, vous permet-elle d'avoir connaissance des bénéficiaires effectifs ?

Mme Éliane Houlette. - Non. Pas pour le moment. Les schémas sont devenus très complexes. La fraude fiscale a énormément évolué avec la mondialisation et la révolution numérique. Autrefois, il suffisait d'ouvrir un compte numéroté en Suisse dont on était le seul titulaire sous-jacent ; aujourd'hui on passe aujourd'hui par des sociétés offshore dans plusieurs pays, en s'appuyant sur des moyens technologiques très sophistiqués. C'est bien pourquoi nous nous attachons à développer la coopération internationale, en n'hésitant pas à nous rendre sur place. Dans un important dossier de fraude à la TVA financière en matière automobile que nous avons mis au jour, nous avons organisé des perquisitions simultanées en France et en Espagne et notre collègue Emmanuel Chirat ici présent, qui, comme ancien enquêteur de la douane judiciaire sait fort bien mener des enquêtes de terrain, s'est rendu en Espagne lors des opérations, et sa connaissance du dossier a aidé à la saisie de nombreux documents. D'autres collègues se sont rendus en Russie, au Qatar. Nous essayons, chaque fois que possible, d'aller sur le terrain pour appuyer nos demandes d'entraide ou relancer les pays qui ne répondent pas.

Qu'en est-il de la coopération avec l'administration fiscale ? Je n'ai encore qu'un recul de deux années, mais je puis vous dire que notre volonté est bien de travailler avec tous nos partenaires institutionnels. Avec l'administration fiscale, nous avons créé des liens confiants et fluides, tant avec Olivier Sivieude, chef du service du contrôle fiscal, avec lequel je suis en contact régulier, qu'avec la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) et la direction nationale des vérifications des situations fiscales (DNVSF). Nous participons depuis l'origine à la task force de lutte contre les fraudes à la TVA, créée il y a quelques années à Bercy et pilotée par la direction générale des finances publiques. Ses réunions, mensuelles, permettent aux enquêteurs de la police judiciaire, des douanes, de l'administration fiscale de se rencontrer et d'échanger. Plus d'une vingtaine de dossiers sont issus de ces réunions. Lorsque nous procédons à l'analyse des plaintes que nous recevons, nous ne manquons pas de prendre contact avec le service susceptible de nous éclairer. Bref, nos échanges sont confiants.

S'agissant du « verrou de Bercy », depuis 2013, nous avons constaté une diversification des plaintes, et si j'en juge par la dimension de certaines des personnes morales ou la qualité de certaines des personnes physiques concernées, je puis dire que rien n'est caché. Les types d'impôts visés se diversifient également : tant la fiscalité personnelle que la fiscalité professionnelle sont concernées, puisque nous avons aussi à connaître de questions touchant aux prix de transfert ou à la notion d'établissement physique stable en France.

Le rôle de « filtre » assuré par la commission des infractions fiscales (CIF) est une bonne chose, dans la mesure où il faut être pragmatique : nous serions dans l'incapacité de traiter l'ensemble des plaintes. Il est une chose, cependant, que nous regrettons, c'est de n'être pas associés en amont de la saisine de la CIF, car notre participation aiguiserait peut-être la pertinence des choix.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La fraude à la TVA figure-t-elle, pour vous, parmi les priorités ?

Mme Éliane Houlette. - Naturellement. Nous avons trois types de compétence et aucune n'est laissée en friche. En matière de fraude à la TVA, des enquêtes sont même diligentées à notre initiative. Nous sommes saisis de gros dossiers qui font la une de l'actualité, comme celui des droits à polluer, les quotas carbone, qui a fait l'objet d'une information judiciaire et arrivera bientôt devant le tribunal.

M. Éric Doligé. - Au secrétaire général de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), que nous venons d'entendre, j'ai posé la question des listes. L'administration fiscale dispose d'une liste d'États et de territoires non coopératifs (ETNC), dont on a vu récemment les limites. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l'Union européenne ont également des listes. Le parquet national financier dispose-t-il aussi, en interne, d'une liste d'États pour lesquels un compte bancaire ou une société écran sont considérés comme un indice de possible fraude fiscale ?

Vous avez insisté sur votre manque de moyens. Par comparaison, ceux que vous contrôlez disposent de très gros moyens pour porter des recours. Le parquet national financier dispose-t-il des compétences techniques nécessaires pour traiter de dossiers complexes de fraude fiscale internationale ? Peut-il avoir recours aux services de l'administration fiscale et peut-il, à l'inverse, apporter des outils et des techniques d'enquêtes qui ne sont pas accessibles à l'administration ?

M. Éric Bocquet. - Merci pour cet exposé sincère, intéressant et riche. Deux ans après votre création, excellente initiative puisque le parquet national financier fait plus que jamais la preuve de son utilité, vous manquez hélas encore cruellement de moyens. Il est vrai que ce n'est pas une découverte : le garde des sceaux lui-même, Jean-Jacques Urvoas, n'a-t-il pas parlé d'une « justice sinistrée » ?

Ma première question, à laquelle je ne sais si le secret de l'instruction vous donne le droit de répondre, concerne la Société Générale : avez-vous été saisi d'une demande d'entraide du procureur financier de New York, qui, dans l'affaire des Panama Papers, dont il s'est saisi, s'est intéressé, notamment, aux relations commerciales entre cette banque et le cabinet Mossack Fonseca ?

Sur la problématique de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), j'ai, à la suite d'un échange avec une juriste qui s'étonnait de les voir déposées le jour d'ouverture du procès alors qu'elles pourraient l'être au cours de l'instruction, interrogé un avocat, qui m'a assuré que cela n'était pas possible. Pouvez-vous m'éclairer ?

Je ne voudrais pas sortir insatisfait de cette audition. La coopération laisse à désirer, avez-vous dit, avec certains pays à fort secret bancaire. Vous étiez sur le point de les nommer : faites-le !

M. Philippe Dallier. - Vous avez indiqué que dans l'étude d'impact de la loi du 6 décembre 2013, huit dossiers pour un magistrat étaient considérés comme un maximum. Or, les chiffres que vous nous avez livrés montrent que l'on est bien au-delà. Quels moyens vous manquent pour mener les procédures dans des délais raisonnables ?

Vous avez également évoqué le manque d'informations en provenance de Tracfin. Mais c'est un problème qui doit être facile à régler, l'a-t-il été ?

M. Yannick Botrel. - L'escroquerie à la TVA est un problème grave, qui coûte très cher à l'État. Avez-vous décelé une organisation de la fraude, qui serait dirigée vers ou à partir de certains pays ?

De multiples services, ainsi qu'il ressort de votre propos, ont compétence sur ces questions. Vous avez cité la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), l'office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), la brigade financière. Vous avez également rappelé que certains dossiers sont traités par les parquets de région et que vous n'en avez pas forcément connaissance. Je m'interroge donc sur de possibles risques de dysfonctionnement. N'y a-t-il pas des trous dans votre raquette ?

Mme Éliane Houlette. - Les moyens du parquet national financier sont, très clairement, sous-dimensionnés. J'ai saisi mes autorités sur cette difficulté et l'occasion qui m'est ici donnée d'alerter la représentation nationale est précieuse. Les dossiers dont nous sommes saisis sont extrêmement complexes. Nous faisons un travail de bénédictins, qui demande un investissement considérable. Je serais très heureuse si la commission des finances nous faisait un jour l'honneur de nous rendre visite. Nous sommes parfois critiqués par nos collègues, car du fait de notre spécialisation, nous échappons au traitement des procédures en temps réel, au contentieux de droit commun, aux permanences, aux audiences multiples. Mais s'il est vrai que certaines tâches dévolues aux autres parquets nous sont épargnées, tout le temps que nous y gagnons est consacré à nos dossiers, sur lesquels nous nous concentrons. Les enquêtes préliminaires sont complexes et engagent des questions de droit épineuses. Je regrette de n'avoir pas su convaincre nos autorités sur notre manque de moyens, car il est réel. Nous manquons de magistrats, nous manquons d'assistants. On nous objecte que d'autres parquets ont des besoins plus criants, mais nous sommes un parquet à compétence nationale, chargé d'un contentieux particulier. La dimension de nos dossiers est sans comparaison, et c'est bien pour cela que le parquet national financier a été créé.

Comment expliquer que les informations de Tracfin ne nous soient pas transmises ? La circulaire d'application du 31 janvier 2014 attachée à la loi du 6 décembre 2013 sur la répression de la grande délinquance économique et financière prévoit que Tracfin et un certain nombre d'autres instances comme les chambres régionales des comptes doivent saisir les parquets territorialement compétents. Ce sont donc eux qui sont destinataires de l'information, et ils ne nous la transmettent pas systématiquement. J'ai à plusieurs reprises demandé à recevoir au moins copie, mais tel n'est toujours pas le cas.

Nous n'avons pas reçu de demande d'entraide américaine sur les Panama Papers.

Oui, nous avons les compétences techniques pour aborder les dossiers, et mes collègues sont parfaitement au point sur toutes les techniques spéciales d'enquête dont la loi nous autorise à faire usage.

Certains pays sont-ils davantage impliqués que d'autres dans la fraude à la TVA ? Ce n'est pas un constat que nous avons fait, à ma connaissance.

Ce que je souhaiterais, c'est que tous les dossiers de fraude fiscale ou de blanchiment de fraude fiscale présentant une dimension internationale ou des éléments d'extranéité nous soient systématiquement transférés, ainsi que le prévoit d'ailleurs la circulaire du 31 janvier 2014, afin d'établir une véritable politique pénale, centralisée, sur ce type d'affaires qui requièrent une demande d'entraide judiciaire internationale.

Les États avec lesquels nous peinons à coopérer sont : la Russie, le Qatar, l'Île Maurice et j'ajoute, au risque de vous surprendre, la Suisse, avec laquelle la coopération n'est pas facile. Si la coopération administrative, via l'échange d'informations, fonctionne bien, tel n'est pas le cas de la coopération judiciaire. J'ai en tête deux dossiers, dont l'un - transmis en 2014 par le directeur général des finances publiques, c'est vous dire l'importance des personnes en cause - a fait l'objet d'une enquête préliminaire de dix-huit mois, sans que nous ne puissions rien obtenir. L'assistance administrative n'a pas fonctionné, pas plus que la demande d'entraide pénale. Comme je n'ai pas voulu renoncer, j'ai ouvert une information en me disant qu'un juge d'instruction réussirait peut-être à obtenir, par le moyen d'une commission rogatoire internationale, les éléments que nous ne sommes pas parvenus à recueillir. Je pense aussi à un autre dossier où la coopération n'a pas fonctionné. Il est vrai que la Suisse ne connaît pas le délit de fraude fiscale. Or une enquête pénale internationale exige que l'infraction concernée soit reconnue dans les deux pays. C'est une des difficultés auxquelles nous nous heurtons.

M. Maurice Vincent. - Je m'associe aux félicitations de mes collègues sur la qualité de l'information que vous nous délivrez. En matière de fraude à la TVA, je mesure la difficulté de votre tâche dans la lutte contre les carrousels. Dans l'affaire des quotas carbone, l'État a perdu des milliards d'euros. Vous vous attachez à la sanction pénale, mais peut-on, en amont, trouver le moyen de prévenir de tels délits ? Par quelles solutions législatives, ou autres, passer ?

Sur l'État du Delaware, dont il a été question dans la presse, que pouvez-vous nous dire ? De très grandes firmes internationales sont en effet enregistrées dans cet État.

M. Michel Bouvard. - Sur les 353 enquêtes en cours, quelle est la proportion à l'international ? Peut-on déjà tirer un bilan des procédures achevées ? Quel a été leur retour, en termes de ressources, pour l'État ? Vous représentez une branche de la justice qui rend à l'État des ressources : il serait normal d'en tirer les conséquences dans les moyens qui vous sont alloués.

M. Vincent Capo-Canellas. - J'ai bien compris que vous ne pouvez-vous exprimer sur le fond de l'affaire des Panama Papers, mais peut-on en tirer de ce type de délit des leçons en termes de procédure, de coopération internationale, d'approche par les services judiciaires ? La solution passe-t-elle par une amélioration de la législation ? Par un approfondissement de la coopération internationale ? Dans le document que vous nous avez communiqué, vous évoquez un cas concret, qui fait apparaître des difficultés jusque dans la coopération européenne, et vous proposez quelques pistes. Vous indiquez ainsi que malgré l'échange automatique d'informations, des pays ne jouent pas le jeu. Comment aller au-delà ? Vous évoquez les initiatives visant à rendre publiques certaines informations, mais ce n'est, semble-t-il, pas si simple que cela. Nous aimerions vous entendre plus avant sur ces questions.

Vous avez relevé les difficultés que soulève la compétence concurrente. Quelles solutions pour y remédier ? Faut-il énoncer clairement une obligation d'information du parquet national financier ? Le défaut d'information est-il lié à un problème de seuil ? De qualification de l'infraction ? Bref, comment lever ce problème de procédure ?

M. Roger Karoutchi. - Il y a quelques années, je représentais la France à l'OCDE. Il s'y disait régulièrement que la seule modalité réelle d'échange d'informations était la transmission directe entre autorités judiciaires, et que le passage par la voie diplomatique n'était qu'un euphémisme signalant que l'on n'obtenait pas toute l'information nécessaire. Je lis d'ailleurs avec un peu d'étonnement dans le document que vous nous avez remis que la coopération est fructueuse avec Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Si tel est le cas, je m'en réjouis. Car à l'époque, il se disait qu'il était impossible de savoir ce qu'il s'y passait. Considérez-vous vraiment que la transmission par voie diplomatique fonctionne ?

Vous avez cité des pays à fort secret bancaire avec lesquels la coopération est maintenant fructueuse, mais qu'en est-il de Fidji, de l'ile de Guam, des îles Caïman, de l'État du Delaware, dont on parlait beaucoup naguère ? Sans compter le Vietnam, qui vient d'annoncer en toute tranquillité un grand programme d'investissement pour 2016-2017... financé par des dizaines de milliards de dollars en provenance des paradis fiscaux.

Mme Michèle André, présidente. - Une dernière question : au-delà des fraudeurs eux-mêmes, est-il envisageable que soient également poursuivis des intermédiaires, au titre de la complicité de fraude fiscale et de blanchiment ?

Mme Éliane Houlette. - Justement, sur les Panama Papers, nous avons déterminé des cibles. Dès lors qu'il s'agit de personnes physiques, nous savons faire, mais l'enjeu, pour nous, est d'essayer, au-delà, de comprendre comment ce système a pu se mettre en place, et donc de nous attaquer aux intermédiaires, aux facilitateurs. C'est l'objet principal de notre enquête, et c'est une volonté partagée par l'administration fiscale.

Pour éviter l'extension du phénomène de fraude à la TVA, l'une des solutions serait, pour moi, que l'administration fiscale nous saisisse dès qu'elle a des éléments, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, pour nous permettre d'intervenir le plus en amont possible. C'est ce que nous plaidons au sein de la task force dédiée à la TVA, et cela nous a permis de démarrer plusieurs enquêtes préliminaires, comme par exemple sur le dossier automobile avec l'Espagne.

Sur le Delaware, je ne puis guère vous éclairer puisque, comme je l'ai dit, il n'y a pas de demandes d'entraide avec les États-Unis.

La proportion de nos dossiers à l'international ? Presque tous nos dossiers de fraude fiscale font l'objet de demandes d'entraide internationale. Cela est moins fréquent en matière d'atteinte à la probité, mais sur quelques dossiers touchant au domaine boursier, nous travaillons en coopération avec nos collègues britanniques.

S'agissant du bilan des procédures achevées, je précise d'emblée qu'en matière économique et financière, il faut trois ou quatre ans pour qu'un dossier arrive à maturité, sachant que le temps d'enquête est au moins de deux ans. Dès le départ, je me suis donné pour priorité la répression en matière fiscale : les délits fiscaux portent une atteinte intolérable au pacte républicain. Nous avons porté pour l'heure trois dossiers devant le tribunal correctionnel, issus de la « liste HSBC » transmise par Hervé Falciani. Dans le premier, nous avions requis quatre ans d'emprisonnement dont deux ans ferme et un million d'euros d'amende ; il a été prononcé une peine d'emprisonnement de trente mois avec sursis et un million et demi d'euros d'amende ; nous aurions fait appel, mais la personne condamnée s'en est chargée... L'affaire sera donc rejugée devant la cour d'appel. Dans le deuxième, la peine requise était de deux ans, dont un an ferme, et un million et demi d'amende ; le prononcé a été de dix-huit mois avec sursis et 100 000 euros d'amende : le parquet a fait appel. Dans le troisième, l'affaire Nina Ricci, la peine prononcée était proche de celle que nous avions requise : trois ans d'emprisonnement dont un ferme, confiscation de biens, et surtout condamnation de l'avocat ayant facilité l'évasion fiscale à un an de prison avec sursis et 10 000 euros d'amende. Les personnes en cause ont bien sûr fait appel, comme cela est le cas de tous les dossiers que nous suivons.

Sur les Panama Papers, nul doute que face à l'ampleur de la tâche, nous manquons de moyens, mais si nous arrivons à comprendre, en travaillant étroitement avec l'administration fiscale et les services d'enquête, comment de telles ficelles ont pu se mettre en place, en s'attaquant aux facilitateurs, nous aurons déjà avancé, et nous serons peut-être alors en mesure de soumettre nos conclusions à la représentation nationale. Sachez bien que notre volonté et notre détermination sont extrêmement fermes.

Il y a, en effet, des améliorations à apporter pour assurer l'information du parquet national financier. En matière de fraude fiscale à caractère international, la remontée d'information devrait être obligatoire. Tel n'est pas le cas aujourd'hui, et cela est dommageable à l'homogénéité de l'action publique et de la politique pénale en ce domaine.

Mme Michèle André, présidente. - Il est en effet surprenant d'entendre évoquer, sur de tels sujets, une « concurrence » entre les parquets. Il faudra avancer là-dessus. La commission des lois devrait également s'y intéresser. Notre débat sur les moyens de la justice dans le cadre de la loi de règlement, le 8 juin, pourrait être l'occasion de rechercher des solutions.

Financement et pilotage du projet de constitution d'un pôle scientifique et technologique (« cluster ») sur le plateau de Paris-Saclay - Contrôle budgétaire - Communication

La commission entend enfin une communication de M. Michel Berson, rapporteur spécial, sur le financement et le pilotage du projet de constitution d'un pôle scientifique et technologique (« cluster ») sur le plateau de Paris-Saclay.

M. Michel Berson, rapporteur spécial. - Madame la Présidente, Monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, après vous avoir exposé le 30 septembre dernier les premières observations réalisées dans le cadre de mon contrôle budgétaire sur le financement et le pilotage du projet de constitution d'un pôle scientifique et technique, c'est-à-dire d'un cluster, sur le plateau de Paris-Saclay, je souhaite aujourd'hui vous en présenter les conclusions.

La structuration d'un cluster sur le plateau de Saclay, portée par l'État depuis 2005, s'inspire du grand modèle de la Silicon Valley. Ce projet très ambitieux et emblématique pourrait devenir une source majeure de croissance et d'emplois pour la région Île-de-France et, partant, pour notre pays. Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le rappeler, il comporte trois grands volets qui sont autant de défis : un volet scientifique, d'une part, avec la constitution progressive de l'université Paris-Saclay, qui rassemble deux universités, une école nationale supérieure, huit grandes écoles et sept organismes de recherche, soit dix-huit établissements au total; un volet économique, d'autre part, qui repose sur l'implantation des centres de recherche et développement (R&D) des grandes entreprises, la création d'un écosystème favorable aux jeunes entreprises innovantes et aux start-up et la valorisation commerciale des avancées scientifiques et technologiques réalisées sur le plateau ; et enfin un troisième volet immobilier et aménagement du territoire, centré sur le déménagement de six établissements d'enseignement supérieur sur le plateau et la construction d'un grand campus urbain, moderne et attractif, ainsi que sur la réalisation d'un tronçon de la ligne 18 du Grand Paris Express.

Comme je l'avais relevé lors de ma précédente intervention, il n'existe pas à ce jour de tableau de financement complet et actualisé détaillant l'ensemble des contributions financières des différents acteurs publics en faveur du projet de Paris-Saclay. Dans l'attente de la production de ce document par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, j'ai souhaité, au fil de mes auditions, établir un état des lieux aussi précis que possible de l'ensemble des financements publics consacrés au projet de cluster de Paris-Saclay. Il ressort de mes entretiens que le volet immobilier et aménagement du territoire du projet de cluster représenterait un investissement public de 2,1 milliards d'euros, le volet scientifique et technologique 700 millions d'euros et la construction de la portion de la ligne 18 du Grand Paris express qui intéresse directement le cluster de Paris-Saclay 1,7 milliard d'euros, soit un total d'environ 4,5 milliards d'euros d'investissements publics.

Je vais reprendre chacun de ces volets. Le volet scientifique constitue incontestablement la pierre d'angle de ce projet de cluster. Pour se développer, un cluster, fondé sur les interactions permanentes entre monde de la recherche et monde économique au service de l'innovation, a besoin de s'appuyer sur une université de rang mondial. Or, après l'annonce à la fin du mois d'avril des résultats pour le moins décevants obtenus par Paris-Saclay lors de l'évaluation des initiatives d'excellence (Idex) à laquelle a procédé le jury international présidé par le professeur Jean-Marc Rapp, l'université Paris-Saclay se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. En effet, si le jury a salué la qualité des travaux scientifiques menés dans le cadre de l'université, il a jugé que les progrès réalisés en faveur de la création d'une université suffisamment intégrée pour pouvoir figurer dans les classements internationaux avaient été insuffisants ces dernières années. Sur la base de cet avis, le Premier ministre a renouvelé la période probatoire de l'université Paris-Saclay pour une période de dix-huit mois.

Comment en est-on arrivé là, alors que la dynamique enclenchée par la création de l'université Paris-Saclay sous la forme d'une communauté d'universités et établissements (ComUE), statut prévu par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, paraissait solide avec la mutualisation de 100 % des doctorats et de 80 % des masters, la signature unique pour les publications, la création des écoles doctorales et des schools, etc ?

Au mois de septembre, je vous avais fait part des tensions suscitées sur le plateau par la parution du rapport de Bernard Attali L'X dans une nouvelle dimension, qui prônait la mise en place d'« un pôle d'excellence » autour de l'École polytechnique au sein de l'université Paris-Saclay, regroupant uniquement des grandes écoles d'ingénieurs. Les craintes des dirigeants de l'université Paris-Saclay se sont malheureusement matérialisées lors du conseil d'administration de l'X qui s'est tenu le 15 décembre 2015, lorsque les ministres de la défense et de l'économie ont paru encourager la constitution de ce « pôle d'excellence » qui ne pouvait qu'entraîner à terme la disparition de l'université Paris-Saclay. Si un arbitrage rendu au plus haut niveau est venu mettre un terme à cette regrettable cacophonie entre les ministères de tutelle des établissements du plateau, elle n'en a pas moins laissé des traces.

De fait, la volonté de certains de créer un « pôle d'excellence » autour de l'École polytechnique a été perçue comme un énième avatar de la bipartition, vieille de deux siècles et à mes yeux, et à vos yeux j'en suis sûr, obsolète, entre grandes écoles et universités qui structure toujours notre système d'enseignement supérieur. Les grandes écoles, extrêmement sélectives et exigeantes, auraient vocation à former les élites de la nation, là où l'université, tout en développant des travaux de recherche de haut niveau, serait appelée à former tous les étudiants qui le souhaitent, sans pouvoir opérer une quelconque forme de sélection.

Dès lors, certaines grandes écoles, l'École polytechnique en particulier, craignent de se voir dissoutes dans un vaste ensemble dont les valeurs, la gouvernance et les processus de sélection des élèves seraient proches de ceux des universités, au détriment de leur tradition d'excellence. S'il convient d'entendre ces craintes, il faut aussi souligner qu'elles sont loin d'être toutes justifiées.

Surtout, ces querelles de chapelles franco-françaises apparaissent totalement dépassées à l'heure où il convient de disposer d'une masse critique considérable pour pouvoir rivaliser avec des universités telles que Harvard, Stanford ou Cambridge. C'est pourquoi je considère qu'il est plus nécessaire que jamais de conforter le modèle d'intégration de l'université Paris-Saclay, fédérant dix-huit établissements, en renonçant définitivement à créer ce « pôle d'excellence » en son sein et de poursuivre le regroupement de l'ensemble des acteurs du plateau - universités, grandes écoles et organismes de recherche - au sein de la communauté d'universités et établissements (ComUE).

Dans le même temps, il convient de tout faire pour éviter que l'X « ne prenne la tangente ». Le jury international de l'Idex envisage clairement cette hypothèse en cas de nouvelle perturbation du projet de constitution de l'université Paris-Saclay susceptible de surgir à tout moment. L'École polytechnique serait la première à pâtir de cette décision, elle qui, en dépit de sa tradition d'excellence, ne figure même pas parmi les 300 premiers établissements mondiaux du classement de Shanghai en raison de sa petite taille à l'échelle internationale. Par parenthèse, l'Université Paris-Sud figure à la 41e place de ce classement.

Je tire quelques autres conclusions de cette crise.

Il faut renforcer le portage politique du projet de cluster de Paris-Saclay au sommet de l'État afin de mettre fin aux dissensions entre ministères, par exemple par la désignation, auprès du Premier Ministre, d'un délégué interministériel.

Pour que l'institution qu'est l'université Paris-Saclay puisse peser véritablement face aux établissements qui la composent, elle doit également voir ses ressources propres augmenter. Dans cette perspective, je souhaite formuler trois propositions : premièrement, mettre en place un diplôme de bachelor, à même d'attirer les meilleurs étudiants étrangers, et qui aurait en outre l'avantage d'éviter que les membres de Paris-Saclay ne créent de multiples bachelors qui se feraient concurrence entre eux ; deuxièmement, créer une fondation universitaire de l'université Paris-Saclay, abondée par ses anciens élèves et par les entreprises du plateau qui bénéficient de ses travaux de recherche ; enfin, renforcer les incitations financières à l'intégration de l'université Paris-Saclay, y compris en sanctionnant financièrement les établissements qui freinent la dynamique du projet.

Parce que l'université Paris-Saclay est encore trop méconnue, en France comme à l'international, et parce qu'il convient de renforcer son identité, je propose de désigner une personnalité scientifique de premier plan, membre de l'université Paris-Saclay et jouissant d'une grande notoriété, comme ambassadeur de l'université, afin d'incarner le projet tant vis-à-vis des établissements membres que des pouvoirs publics et des universités étrangères. En outre, je propose de doter l'université Paris-Saclay d'un puissant service de communication, à même de faire connaître la marque « Université Paris-Saclay » dans le monde entier.

J'en viens au volet économique du projet de cluster de Paris-Saclay qui constitue l'un de ses relatifs points faibles. Je dis bien relatif, car 15 % des travaux de recherche et développement de notre pays sont réalisés sur le plateau de Saclay et la plupart des fleurons de notre industrie y sont présents, en particulier dans les domaines des technologies de l'information et de la communication et des biotechnologies qui révolutionnent à l'heure actuelle notre société, ainsi que de la défense, de l'aéronautique, des transports, de l'énergie ou bien encore de la santé.

Force est de constater que le nombre de grandes entreprises qui viennent s'implanter sur le plateau a eu tendance à s'essouffler ces dernières années, même si l'inauguration, voilà quelques mois, des plus grands centres de recherche et de formation d'EDF à proximité de l'École polytechnique a quelque peu masqué ce phénomène. C'est pourquoi il convient, selon moi, d'inciter, par exemple lors des conseils de l'attractivité qui se tiennent régulièrement autour du Président de la République, les grandes entreprises, françaises comme étrangères, à construire leurs centres de R&D sur le plateau de Saclay, qui est à même de leur offrir un environnement exceptionnel.

La richesse économique du plateau de Saclay provient également de la richesse de son tissu industriel en entreprises de taille intermédiaire (ETI) et petites et moyennes entreprises (PME) ainsi qu'en start-up et jeunes entreprises innovantes.

Si les politiques menées en faveur de ces entreprises sur le plateau - création d'incubateurs et de pépinières d'entreprises, création d'une société d'accélération du transfert de technologies (SATT) - sont à l'origine de succès en nombre croissant, les auditions que j'ai menées m'ont convaincu qu'il serait possible de progresser sur deux points importants : d'une part, la mise en réseau des incubateurs et pépinières d'entreprises, qui sont encore trop isolés les uns des autres au sein de leurs différents établissements de rattachement. En effet, la fertilisation croisée qui fait la richesse des clusters provient de l'échange permanent des idées. D'autre part, il faut accroître la connaissance par les investisseurs, et en particulier les fonds de capital-risque et les business angels, du formidable bouillonnement en cours sur le plateau de Saclay, qui n'apparaît que trop peu sur leurs radars.

J'en viens à présent au dernier grand volet de la structuration du cluster de Paris-Saclay, celui qui concentre l'essentiel des financements publics, à savoir son volet immobilier et aménagement du territoire, pour lequel quelques 3,8 milliards d'euros sont mobilisés, soit 1,7 milliard d'euros au titre des transports et 2,1 milliards d'euros au titre du Plan Campus et du programme d'investissements d'avenir.

Ces financements ont pour objet la construction de bâtiments et de laboratoires destinés à accueillir six nouveaux établissements sur le plateau de Saclay - parmi lesquels l'École centrale, l'École nationale de la statistique et de l'analyse économique (ENSAE) ou bien encore l'École normale supérieure de Cachan - mais également de nouveaux équipements pour les établissements présents sur le plateau, la construction d'équipements mutualisés et de terrains de sport.

J'ai pu noter que la question du déménagement des six établissements présente de vraies fragilités financières. En effet, ces déménagements devaient être, parfois en grande partie, financés par les retours de cession des locaux et des terrains où étaient précédemment implantés ces établissements. Or, il est à présent quasi-certain que ces retours de cessions seront beaucoup moins élevés qu'attendu, pour des raisons variées, comme la présence d'amiante sur le site de l'unité de formation et de recherche (UFR) de pharmacie de l'université Paris-Sud à Chatenay-Malabry qui a fait fondre sa valeur ou encore la décision de la ville de Paris de « pastiller » le bâtiment principal de l'Institut Mines-Telecom à Paris pour lui interdire tout autre vocation que l'enseignement supérieur...

M. Michel Bouvard. - Ce n'est pas admissible !

M. Michel Berson, rapporteur spécial. - ... ainsi que les estimations revues à la baisse pour AgroParisTech, pour ne citer que quelques exemples ! Que faut-il penser de cette situation ? Les différents établissements jouent-ils de malchance ou le montant des retours de cession avait-il été mal évalué au départ ? À l'instar du conseil de l'immobilier de l'État, je crains fort que la seconde hypothèse ne soit la bonne !

Dès lors, le programme d'investissements d'avenir a dû de nouveau être sollicité et quelque 185,1 millions d'euros être provisionnés pour faire face à ces moins-values qui apparaissent désormais inéluctables. Cette somme très importante devrait permettre de mener à bien les différents projets engagés.

Je me permettrais toutefois deux remarques : ces 185,1 millions d'euros auraient été bien mieux employés pour financer des projets de recherches scientifiques au lieu de voler au secours de projets immobiliers mal programmés et l'existence de ce « parachute » financier ne doit pas conduire à construire des équipements disproportionnés, certains projets, comme le « Learning center » ou l'UFR de pharmacie de l'université Paris-Sud méritant sans doute d'être redimensionnés à la baisse.

En ce qui concerne l'aménagement du campus urbain, qui bénéficie de 147 millions d'euros, l'établissement public d'aménagement de Paris-Saclay (EPAPS), effectue, comme j'ai pu le constater, un travail de grande qualité. Mais il faudra encore de longues années avant que le campus devienne un véritable lieu de vie et que « l'effet cafétéria » puisse pleinement bénéficier aux acteurs du plateau.

Enfin, le dynamisme du cluster de Paris-Saclay est en définitive indexé sur la question de l'accessibilité du plateau, et donc des transports, qui demeure et demeurera encore plusieurs années son handicap majeur pour attirer les entreprises, mais également les meilleurs salariés, chercheurs, enseignants-chercheurs ou bien encore les étudiants.

Pour répondre à ce problème, les pouvoirs publics ont décidé, dans le cadre du Grand Paris express porté par la Société du Grand Paris, de construire une ligne de métro automatique en rocade, la ligne 18, qui reliera l'aéroport d'Orly à la gare de Versailles-Chantiers en traversant le plateau d'est en ouest au long d'un parcours de 35 kilomètres et de 10 gares. Selon les informations obtenues lors de l'audition de Philippe Yvin, président du directoire de la société du Grand Paris, 15 000 personnes devraient utiliser la ligne 18 à l'heure de pointe du matin à l'horizon 2030, représentant ainsi une fréquentation quotidienne en semaine d'environ 100 000 voyageurs par jour.

Le coût du tronçon aéroport d'Orly - Commissariat à l'énergie atomique (CEA), indispensable pour relier le plateau de Saclay à Paris, s'élèverait à 1,665 milliard d'euros. Comme l'a annoncé le Premier ministre, ce tronçon, le plus réclamé du réseau, devrait être mis en service en 2024. Le campus scientifique et universitaire du plateau de Saclay sera desservi par les gares de Palaiseau, Orsay - Gif et Saclay - CEA. Sur cette portion, les trains du Grand Paris express circuleront sur un viaduc, une construction souterraine étant impossible compte tenu de la présence de nombreuses installations scientifiques très sensibles aux vibrations et d'un surcoût de l'ordre de 250 millions d'euros.

Si l'entrée en service de la ligne 18 du Grand Paris express devrait reléguer l'enclavement du plateau de Saclay au rang de mauvais souvenir, force est de constater que celle-ci n'interviendra, si tous les délais sont tenus, que d'ici 8 ans au plus tôt. Dans l'intervalle, les difficultés rencontrées par ceux qui vivent et travaillent sur le plateau pour se déplacer risquent de perdurer - même si le bus Express 91-06 facilitera les trajets sur le plateau lui-même.

Le risque est que la situation s'aggrave lorsque toutes les écoles en cours de déménagement auront ouvert leurs portes, ce qui pourrait provoquer une augmentation des embouteillages et des temps de trajets pendant, hélas, plusieurs années.

C'est pourquoi je considère que l'entrée en service de la ligne 18 en 2024 devra impérativement être respectée et d'autres modes de locomotion collectifs envisagés, par exemple la construction d'un téléphérique annoncé depuis vingt ans, reliant la vallée au plateau.

En conclusion, je veux redire combien le projet de cluster de Paris-Saclay, en faveur duquel l'État a investi plus de 4,5 milliards d'euros, est un projet de longue haleine et pourra, s'il est mené à bien, devenir une formidable source de recherches et d'innovations, en amont, et de croissance et d'emplois, en aval. Son échec n'est donc pas une option. Mes chers collègues, je vous remercie de votre patiente écoute et suis prêt à répondre à toutes vos questions.

M. Roger Karoutchi. - Je suis favorable au cluster de Paris-Saclay depuis les origines de ce projet. Mais il faut bien dire les choses, tous les acteurs locaux politiques, économiques et universitaires se sont opposés les uns aux autres et lui ont beaucoup nui. J'ai encore le souvenir des difficultés engendrées par les projets de déménagement sur le plateau de Saclay de plusieurs grandes écoles. Ce n'était déjà pas facile, mais les choses ne semblent hélas guère s'être arrangées !

Sur un autre plan, nous conduisons, avec notre collègue, Marie-Hélène des Esgaulx, un groupe de travail sur le financement des infrastructures de transports qui a entendu, il y a quelques jours, le commissariat général à l'investissement chargé de mener des contre-expertises des grands investissements publics. À cette occasion, j'ai eu la surprise de constater que la ligne 18 dans le secteur de Saclay n'était pas considérée comme prioritaire en raison d'une rentabilité insuffisante selon les calculs de clientèle que cette mission a conduits.

Par ailleurs, je ne suis pas favorable à la nomination d'un énième délégué interministériel. Par pitié, qu'on donne ce dossier à un véritable chef de file ! Celui-ci pourrait être la région ou bien le département de l'Essonne. Qu'on demande à ce chef de file de réellement prendre en main ce dossier qui dure depuis de nombreuses années et dont les vicissitudes ont déjà coûté très cher. À cet égard, je laisserai Michel Bouvard vous exposer ce qu'il pense de la ville de Paris qui s'est très mal comportée dans cette affaire par le passé et encore aujourd'hui, en exigeant des retours financiers qui ne correspondent évidemment pas à l'intérêt du projet.

Monsieur le rapporteur, vous faites montre d'un réel optimisme en évoquant la date de 2024 pour l'ouverture de la ligne 18 du premier tronçon du Grand Paris express. On ne peut pas dire aux étudiants, aux universitaires et aux chercheurs, vous aurez les moyens de vous rendre sur le plateau dans treize ou quatorze ans ! C'est impossible ! Je suis quasi-désespéré, mais je souhaite avant tout que soit désigné un chef de file auquel sera confié globalement le projet. La division entre les acteurs nuit gravement à ce projet, qui devrait être essentiel pour la région Île-de-France.

M. Francis Delattre. - Votre rapport est solide. Je ne conteste pas l'intérêt de ce projet de cluster, mais je conteste formellement l'idée qu'il n'en faudrait qu'un seul pour la région Île-de-France. On parle d'aménagement du territoire et la région parisienne a besoin de cet aménagement. Pourquoi les grandes écoles et les investissements prestigieux vont-ils systématiquement à l'ouest de Paris en ignorant les autres points cardinaux de la région parisienne ? On oublie toujours le nord de Paris, que je représente dans toutes ces discussions. Nous sommes pourtant désireux de faire émerger un second centre. Nous avons fait des efforts pour soutenir l'École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC), qui était en faillite et que nous avons reprise. Nous avons accueilli des écoles d'ingénieurs qui forment désormais une centaine de diplômés par an, lesquels s'insèrent sans difficultés dans le monde du travail. Aujourd'hui, les acteurs académiques et économiques soulignent l'intérêt que représente une implantation sur nos territoires. Dans la foulée de l'ESSEC, l'École centrale Paris souhaitait s'installer, dans un premier temps, à Cergy. Tout le monde sait que cet établissement, dont la vocation est industrielle, ne peut pas travailler avec l'École polytechnique. Il eût été normal qu'il s'installât en vallée de Seine puisque l'ensemble des industries automobiles y est implanté, et nous aurions pu alors y créer un pôle de premier ordre. Il n'y a aucune raison pour que les étudiants et chercheurs du nord de la région parisienne soient systématiquement contraints de déménager ! Cette situation est insupportable !

En outre, je partage vos préoccupations concernant les universités. Nous avons une université à Cergy-Pontoise dont la qualité du département des mathématiques est reconnue. Je pense que l'image de l'université s'améliore progressivement dans ce pays et que nous devrions attribuer à la recherche davantage de moyens. J'ai d'ailleurs été très surpris que le groupe politique auquel appartient Michel Berson - mais pas lui - vote contre un amendement que j'avais déposé et qui préconisait, à travers la mécanique du crédit impôt-recherche, une meilleure association des universités avec le monde de l'entreprise.

Car les jeunes universités qui viennent d'être créées sur notre territoire sont trop récentes pour être reconnues, alors qu'elles enregistrent des résultats et s'ouvrent en direction des écoles d'ingénieurs de taille modeste qui sont également implantées à proximité. Nous avons tout pour constituer un pôle très dynamique ! Mais en vertu de décisions imposées par l'État, l'École centrale Paris a dû s'implanter à Saclay. Résultat, personne ne s'accorde et j'étais très heureux d'entendre Roger Karoutchi le reconnaître. Je ne dis pas cela pour convaincre mon collègue qui défend la recherche dans son département, mais je souligne que, pour une région comme la région parisienne, qui a également besoin d'aménagement du territoire, avoir deux clusters ne serait pas un luxe, mais une nécessité, compte tenu de la diversité des opportunités qui s'y font jour.

M. Marc Laménie. - Je remercie notre rapporteur spécial pour son travail d'investigation. Je reviens sur le coût global de 4,5 milliards d'euros qui ne manque pas d'interpeller. Nous sommes tous conscients qu'un tel pôle est indispensable à l'enseignement supérieur et à la recherche au plan national. Cependant, la question de l'accessibilité et des transports est loin d'être simple. Comment assurer la pérennisation des investissements, au-delà des constructions réalisées, et faire vivre ce pôle dont les coûts de fonctionnement devraient s'avérer conséquents ?

M. Vincent Delahaye. - Je partage avec Michel Berson le même intérêt pour ce territoire et son potentiel, non seulement pour la région Île-de-France, mais aussi pour toute la France. Je partage également ce qu'a indiqué Roger Karoutchi sur l'histoire et notamment les mésententes qui ont sans doute freiné son aménagement et la pleine réalisation de son potentiel. Je partage enfin le point de vue selon lequel il faut rapidement désigner un chef de file, car il importe de passer à la vitesse supérieure si l'on veut vraiment faire de ce territoire une vraie locomotive pour la France et l'Île-de-France.

J'ai eu la chance de participer à une récente mission à Seattle et à San Francisco ; on ne peut que prendre conscience de notre retard sur le plan du marketing, de la promotion et de l'image de notre cluster. Un très gros effort doit être conduit dans ce domaine et, dans cette perspective, il faut désigner un chef de file qui ne saurait être un simple délégué ministériel comme l'a préconisé notre rapporteur spécial.

Je pense qu'aujourd'hui, autour de la table et à l'établissement public d'aménagement, on a donné un peu plus de place aux élus et que c'est une bonne chose par rapport à ce qui se passait précédemment. Cet établissement public peut devenir fédérateur à la fois de la région, des deux départements, des communautés d'agglomération. En effet, si la communauté Paris-Saclay rassemble 300 000 habitants, il faut encore y ajouter Versailles-Grand Parc et Saint-Quentin-en-Yvelines, ainsi que tout un territoire qui n'est pas seulement à l'ouest, mais aussi au sud. Car le nord tout comme le sud de Paris existent ! Il faut y penser !

Outre un chef de file, il faut une unité d'action afin de promouvoir une vision d'ensemble allant bien au-delà de la division entre les différents volets du projet, entre les entreprises, l'université et la question immobilière, à l'instar de ce qui vient de nous être proposé dans le rapport. Il s'agit là d'un ensemble à développer et dont l'image doit être diffusée.

Monsieur le rapporteur spécial, vous évoquiez la nécessité d'un fort service de communication au niveau de l'université. Je pense quant à moi qu'il faut créer un tel service, qui s'occuperait également du développement économique, au niveau de l'établissement public d'aménagement de Paris-Saclay. Il faut ainsi promouvoir une image de ce territoire et développer ses relations publiques.

Naturellement, tout territoire a ses faiblesses. Vous avez cité à cet égard les transports, mais des progrès vont être opérés à court terme, que ce soit sur le plan routier ou en matière de transports collectifs, même s'il est impératif que la ligne du Grand-Paris Express soit prête en 2024, voire plus tôt. Il faut voir plus loin que la rentabilité de court-terme et mesurer ce qu'un tel aménagement est susceptible d'apporter à ce territoire dont la potentialité est réelle pour notre économie. Il s'agit là d'un élément indispensable à l'aménagement de ce territoire et à sa promotion.

Je suis assez optimiste, car je pense que les querelles passées sont aujourd'hui un peu éteintes. En tout cas, je ressens sur le territoire de nombreuses volontés de travailler ensemble, y compris avec l'État, entre l'État et la région ainsi qu'entre les différentes communautés d'agglomération. Si l'on arrive à trouver le bon chef de file et la bonne dynamique, on peut réussir l'aménagement de ce territoire et faire en sorte qu'il apporte énormément à notre pays.

M. Michel Bouvard. - Je m'associe aux remerciements faits à Michel Berson. Je ne vais pas revenir sur l'analyse faite par Roger Karoutchi. Pour avoir connu le dossier à ses prémices comme rapporteur spécial du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche à l'Assemblée nationale et l'avoir retrouvé à différents moments et avoir proposé différents amendements sur les retours immobiliers, je partage l'avis selon lequel les querelles lui ont manifestement fait beaucoup de mal. Je partage également l'analyse sur le fait que le délégué interministériel ne réglera rien. Je ne le dis pas par défiance vis-à-vis de Michel Berson, mais en raison d'expériences précédentes où une telle nomination n'a rien apporté. Il faut désigner un chef de file d'abord dans les établissements et un chef de file ministériel, dans ce contexte où la multitude des opérateurs concernés et des autorités de tutelle concourt à l'absence de pilotage effectif du projet.

Faute de quoi, nous serons condamnés à répéter les errements passés. J'ai le souvenir d'un dîner avec mon ami Denis Maugars, aujourd'hui disparu, qui me disait que l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), qu'il dirigeait à l'époque, était le seul à pouvoir conduire, du fait de sa petite taille, ses projets sans être contrecarré car personne ne le jalousait. La vérité est que les guerres intestines ont fait beaucoup de mal au projet de Paris-Saclay.

Quant au déséquilibre financier, il est certain que l'immobilier représente un vrai sujet. Avec le pastillage de la ville de Paris, ce sont 20 327 m² à AgroParisTech qui sont pénalisés. La ville de Paris, dans son plan local d'urbanisme, prévoit que 30 % de cette surface devra être consacrée à des logements sociaux et une négociation globale a été engagée par le préfet de la région Île-de-France, Jean-François Carenco, pour s'assurer que la faisabilité des projets, notamment universitaires à Paris-Saclay, puisse être compatible avec les ressources dégagées. Il faut espérer une réponse claire de la ville de Paris et que le niveau de pastillage imposé à AgroParisTech sera bien compatible avec les besoins de financement requis pour l'opération Paris-Saclay.

Je souligne auprès de nos collègues de la commission des finances qu'il est insupportable que le Parlement ait précédemment adopté à l'unanimité un amendement pour assurer un retour financier permettant de financer l'opération Paris-Saclay et que la ville de Paris puisse ensuite préempter une partie de ces ressources pour financer sa politique de logement social, alors qu'elle cède, dans le même temps, ses biens immobiliers à plein tarif ! Il va falloir à un moment que cette affaire soit mise sur la table ! La ville de Paris réalise des actifs immobiliers à plein tarif et dans le même temps demande un pastillage portant sur les biens immobiliers cédés par l'État ou ses opérateurs sur le territoire de la ville. C'est tout de même un sujet, ne serait-ce que d'équité par rapport au financement de la politique du logement sur l'ensemble des collectivités du territoire de la République.

M. Michel Berson, rapporteur spécial. - La première intervention de Roger Karoutchi concernait la mésentente des différents acteurs du plateau de Saclay qui a causé un grand préjudice au projet. Je suis entièrement d'accord et c'est la raison pour laquelle le jury international a proposé que soit prorogée de douze mois la période probatoire, que le Premier ministre a allongé, à son tour, de six mois supplémentaires. C'est là une sanction. Cependant, j'ai pu constater, en rencontrant fréquemment les acteurs impliqués dans ce projet, que ça va mieux, ce qui ne veut pas dire que ça va bien, tant subsistent encore des marges de progrès. Je partage l'analyse de nos collègues et je considère qu'une initiative doit être prise ; c'est la raison pour laquelle je proposais la création de ce poste de délégué interministériel, plus pour mettre en évidence la faiblesse de l'actuel dispositif de gouvernance et pour lancer le débat. II est vrai qu'un délégué interministériel ne réglera peut-être pas tous les problèmes et la question se posera quant à son poids par rapport aux sept autres ministères concernés. Le Premier ministre est par conséquent le seul qui puisse arbitrer et c'est la raison pour laquelle j'ai lancé l'idée d'un délégué interministériel auprès de lui. On peut imaginer d'autres solutions. Un chef de file me paraît effectivement indispensable pour coordonner la multitude des acteurs impliqués. En effet, s'ajoutent aux sept ministères la Société du Grand Paris pour les transports, l'établissement public d'aménagement du territoire du plateau de Saclay, etc. La gouvernance est très complexe et il importe d'obtenir un portage politique beaucoup plus fort qu'il n'a été jusqu'à présent.

Francis Delattre considère qu'un unique cluster en région Île-de-France ne suffit pas. Il pense notamment au nord de Paris. En région Île-de-France, il y a déjà quatre Idex ; Paris-Saclay est l'Idex la plus importante. Sur les trois autres, une a déjà été retoquée par le jury international. Par conséquent, on raisonne davantage en réseau et si je prends l'exemple du pôle Paris-Saclay, celui comprend toute la partie sud de la région parisienne. Mais on pourrait imaginer un autre arc pour compléter le réseau.

M. Francis Delattre. - François Mitterrand défendait un axe qui s'étendait depuis La Défense, jusqu'à Cergy et la vallée de la Seine. C'est la raison pour laquelle nous sommes contrariés par ce revirement de stratégie qui s'est opéré sous les gouvernements que j'aurais dû normalement soutenir et qui a conduit au démembrement de toutes nos réalisations antérieures. Cependant, je soutiens Saclay !

M. Michel Berson, rapporteur spécial. - Je note la volonté de ne pas tout concentrer sur un seul pôle et que l'on peut raisonner désormais en termes de réseau et imaginer deux axes de développement. Vincent Delahaye, qui connaît bien ce dossier puisqu'il en est un acteur important, a également insisté sur le problème de notoriété dont pâtissait Saclay. Je partage tout à fait son analyse et c'est la raison pour laquelle je fais des propositions en ce sens. Enfin, Michel Bouvard est revenu sur les questions de déséquilibre financier avec une analyse forte et pertinente du pastillage par la ville de Paris dans son plan local d'urbanisme, qui pénalise fortement le financement du cluster de Paris-Saclay. Il faut par conséquent mener une action vigoureuse pour que la ville de Paris ait un comportement un peu plus loyal, ce qui n'est pas le cas actuellement. Je salue également notre collègue Marc Laménie qui s'est inquiété à juste titre du bon usage des 4,5 milliards d'euros et de l'éventuel oubli des nécessaires crédits de fonctionnement, au-delà des crédits d'investissement, puisque ce projet ne manquera pas de générer des frais de fonctionnement relativement importants.

La commission donne acte à Michel Berson de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

La réunion est levée à 13 h 05.