Jeudi 14 janvier 2016

- Présidence de M. Jean-Marie Bockel, président -

Présentation de l'étude du cabinet Michel Klopfer sur la répartition de la baisse des dotations de l'État dans le cadre de la prochaine réforme de la dotation globale de fonctionnement

M. Jean-Marie Bockel, président. - Le cabinet Klopfer nous présente l'étude que nous lui avons commandée dans la perspective du tome III du rapport d'information sur « Les finances locales à l'horizon 2017 ».

M. Philippe Dallier, rapporteur. - La situation bouge très vite. Cette étude a été menée dans un contexte de baisse des dotations de l'État et d'une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur laquelle nous devrons revenir d'ici l'été. Nous tentons de mesurer les conséquences de décisions très mouvantes. Si ce travail a un intérêt certain pour les collectivités territoriales, ma crainte est qu'il soit périmé rapidement, dès que les nouvelles bases de la réforme seront connues.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je travaille depuis vingt-quatre ans avec M. Michel Klopfer, il a toujours une petite longueur d'avance...

M. Vincent Eblé. - Parfois même une grande.

M. Michel Klopfer, consultant. - Nous avons travaillé dans l'urgence puisque les éléments ne nous ont été communiqués que le 30 septembre dernier. Nous avons observé une totale neutralité dans le calcul des gains et des pertes.

Mme Céline Bacharan, consultante. - L'année 2016 est la deuxième au cours de laquelle la baisse de 11 milliards d'euros de la DGF s'applique afin de financer le pacte de responsabilité. Notre travail, l'an dernier, d'évaluation de l'effet de cette baisse sur la situation financière des collectivités territoriales a montré à quel point cet enjeu est lourd pour elles, en particulier les départements, qui subissent une forte pression sur leurs charges.

Le projet de réforme de la DGF a été annoncé dès le projet de loi de finances pour 2015. La réforme a été élaborée courant 2015 avant d'être incluse dans le projet de loi de finances pour 2016, étant précisé qu'elle n'entrerait en vigueur qu'en 2017, troisième et dernière année de baisse de la DGF.

M. Philippe Dallier, rapporteur. - Espérons-le !

Mme Céline Bacharan présente les résultats de l'étude sur la répartition de la baisse des dotations de l'État dans le cadre du projet de réforme de la DGF (voir annexe à la fin du compte rendu).

M. Jean-Marie Bockel, président. - Merci à Mme Céline Bacharan pour son exposé très clair sur des questions complexes.

M. Philippe Dallier, rapporteur. - Voilà une excellente étude d'impact, qui aurait dû être annexée au projet de loi de finances.

M. Jacques Mézard, rapporteur. - Il nous a paru indispensable d'intégrer à l'étude des conséquences de la baisse des dotations, les pistes de réforme votées. Les résultats mathématiques montrent que certaines choses ont été voulues, mais non revendiquées.

M. Charles Guené, rapporteur. - J'attire votre attention sur la difficulté de tirer des conclusions sans raisonner territoire par territoire, comme vous l'avez montré. Globalement, l'analyse est bien plus nuancée que ce que l'on a pu entendre de la part des communes ou des intercommunalités.

M. Jean-François Husson. - Qu'appelez-vous un territoire ?

M. Charles Guené, rapporteur. - Le territoire est la somme des communes et de l'intercommunalité.

Mme Françoise Gatel. - Merci pour cet exposé, dont on sort plus intelligent. Les ressources sont perçues à l'échelle d'un territoire. Se focaliser sur la commune pose problème. Nous serons amenés à nouer des pactes financiers dans les intercommunalités. Vous avez raisonné suivant les intercommunalités actuelles, or il y aura des tsunamis. Pouvez-vous préciser la signification des taux maximaux de 5 % et de 8 % que vous avez cités ?

Mme Céline Bacharan. - La variation du bloc forfaitaire est plafonnée à plus ou moins 5 % par rapport à la dotation de l'année précédente, chiffre auquel est appliqué un écrêtement maximal de 3 %, soit 8 % en tout.

M. Michel Kopfer. - Cette disposition a été votée dans la loi de finances pour 2015. Nous avions autrefois une imputation sur le complément de garantie, qui est apparu comme excessivement dispersé - le rapport de Mme Pires-Beaune montre qu'il variait de 0 à 392 euros par habitant, selon les communes de 20 à 50 000 habitants. L'an dernier, le Parlement a décidé de se concentrer sur le bloc forfaitaire. La réduction maximale de 8 % s'entend avant contribution au redressement des comptes publics.

M. Alain Richard. - La redistribution est la fonction même de la DGF. À masse décroissante, cet exercice est intellectuellement enrichissant, même si son résultat l'est moins... Je répéterai à nouveau qu'il n'est pas possible d'en discuter sérieusement pendant un débat budgétaire. En débattre séparément serait un changement qualitatif très significatif. Lors de la discussion du projet de loi de finances, on y consacre une demi-journée ; le travail n'est pas approfondi.

La réflexion sur ce que doit être la répartition entre les communes et les communautés de communes n'est pas achevée. Le coefficient d'intégration fiscale (CIF) reste le principal outil de répartition, étant forgé par un pacte administratif et financier entre les communes et leur communauté de communes. Qu'est-ce qui justifie la prime aux communautés les plus intégrées, alors qu'il s'agit, in fine, de financer les mêmes charges ? Le CIF a engendré une compétition entre les communautés pour pomper le plus possible de financements aux communes. Il a été conçu par M. Chevènement pour éviter les intercommunalités d'apparence, ce qui n'a plus aucun sens actuellement.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Merci pour votre analyse, brillante et pénétrante.

M. Charles Guené, rapporteur. - Je suis favorable à une appréciation du territoire mais j'entends tout à fait le sens des propos de M. Richard. On reste dans une démarche qui conserve l'historique et repose sur des indices synthétiques, alors que dans d'autres pays, comme l'Italie, on travaille sur des standards de charge et on renverse les réalités.

M. Jean-Marie Bockel, président. - L'Italie a renversé la table.

M. Charles Guené, rapporteur. - Nous ne sommes pas allés jusque-là.

M. Michel Kopfer. - Un colloque organisé par La Gazette des communes, le 25 juin 2015, sur le concept de DGF territoriale, a réuni MM. André Laignel et Charles-Éric Lemaignen. La réforme a tenté d'introduire à dose homéopathique une DGF locale consolidée à partir de formules mathématiques. On pourrait discuter de la signification de notion de ville-centre. Dans certains cas, on constate une continuité urbaine, entre Lyon et Villeurbanne ou Paris et Boulogne, contrairement à Marseille et Aix-en-Provence, ou Reims et Châlons-en-Champagne. J'ai eu le sentiment que, dans ce texte, le Gouvernement a introduit une vision consolidée, sans aller plus loin compte tenu des réticences de l'Association des maires de France (AMF).

M. Jean-Marie Bockel, président. - C'est que l'AMF fonctionne selon le principe du consensus et a donc plus de facilité pour maintenir que pour bouleverser.

M. Alain Richard. - Les communes seraient-elles donc un fait du passé ?

M. Jean-Marie Bockel, président. - La commune a son avenir. De là à en compter encore 36 000 en 2020... Il y en aura sûrement moins, mais pas 8 000 comme en Allemagne, chiffre qui d'ailleurs ne me semble pas véritablement convainquant.

M. Michel Klopfer. - La loi NOTRe va bouleverser les configurations intercommunales. Le nombre de groupements devrait diminuer de moitié, de 2 100 à 1 200, et une planification programmée du renforcement des compétences devrait se mettre en place à une échelle beaucoup plus vaste. Dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, sera-t-il encore possible de respecter les contraintes géologiques, si l'on a des bassins de vie de 60 kilomètres de large ?

M. Jean-Marie Bockel, président. - Dans mon territoire, les discussions que nous avons eues à ce sujet avec le conseil départemental se sont soldées par un marchandage.

Simplification du droit de l'urbanisme et du droit des sols

M. Jean-Marie Bockel, président. - Ainsi que vous le savez, notre délégation a souhaité la mise en place d'un groupe de travail sur la simplification du droit de l'urbanisme, de la construction et du droit des sols.

Je salue le travail de Rémy Pointereau, qui se consacre depuis longtemps à ces sujets sensibles, considérés comme une priorité par le président du Sénat. À cet égard, je suis heureux de la volonté du président du Sénat d'appuyer la création et les travaux de notre groupe de travail, notamment en présidant sa réunion inaugurale, qui pourrait se tenir à la présidence, sur le modèle de ce qui avait été fait pour la COP21. Nous travaillerons de manière transversale, en bonne intelligence avec les commissions permanentes qui, à l'exception de la commission des Affaires étrangères, seront toutes représentées par deux membres, également membres de notre délégation. Participeront également au groupe de travail deux membres de la délégation aux Entreprises et cinq membres de notre délégation, soit dix-neuf personnes au total, ce qui permettra d'assurer la représentation proportionnelle de l'ensemble des groupes politiques. Rémy Pointereau présidera les travaux du groupe. Notre objectif est que ce groupe de travail aboutisse, en juin ou juillet 2016, à une proposition de loi qui sera transmise à la commission des Affaires économiques, dont les représentants dans le groupe pourraient être François Calvet et Marc Daunis, qui en seraient également les rapporteurs. Quant aux représentants des commissions, et compte tenu des noms évoqués par les présidents des commissions, je propose François Grosdidier et René Vandierendonck pour les Lois, Éric Doligé et Vincent Éblé pour les Finances, Rémy Pointereau et Nelly Tocqueville pour le Développement durable, Philippe Nachbar et Christian Manable pour la Culture, Philippe Mouiller et un collègue du groupe socialiste pour les Affaires sociales. Quant à la délégation aux Entreprises, ses représentants pourraient être Annick Billon, de l'UDI, ainsi qu'un collègue du groupe CRC à désigner. Enfin, je me propose de représenter notre délégation avec Jacques Mézard, Catherine Troendlé, Caroline Cayeux et Joël Labbé. Nous pourrions désigner Françoise Gatel et Marie-Françoise Pérol-Dumont en tant que suppléantes, tant pour moi que pour le président Jacques Mézard. Nous n'avons pas encore déterminé la date de lancement de ce groupe de travail, qui dépendra des disponibilités du président du Sénat.

M. Rémy Pointereau. - L'année 2016 démarre en fanfare avec la simplification des normes et des contraintes administratives dans les collectivités territoriales. Gérard Larcher souhaite que le Sénat ait un rôle moteur dans ce processus. La proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales, adoptée par notre assemblée le 12 janvier, et la proposition de résolution relative à la simplification de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et de certaines normes d'urbanisme, adoptée à l'unanimité par le Sénat le lendemain, ont envoyé un signal fort aux élus.

Les problèmes financiers sont une réalité ; la complexité des normes est une question encore plus importante à régler. Je remercie le président Larcher et Jean-Marie Bockel d'avoir renforcé l'équipe administrative de notre groupe de travail. Depuis le Congrès des maires de 2014, nous avons mesuré l'ampleur du travail à accomplir. L'objectif n'est pas de produire un énième rapport sans débouchés. Nous pourrons reprendre les travaux antérieurs de Claude Belot, Jean-Pierre Vial, Éric Doligé ou Alain Richard, en ne limitant pas strictement le champ de la proposition de loi à l'urbanisme, mais en y incluant des sujets tels que, par exemple, le droit des sols, le logement et la construction, les établissements recevant du public, les autorisations de travaux, ou encore l'environnement. Nous souhaiterions solliciter tous les élus pour que les initiatives partent du terrain.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je suis d'accord sur le fond et sur la méthode. Il appartient au président Larcher de lancer, s'il le souhaite, la première réunion du groupe de travail. Nous devrons aussi être à l'écoute de ce qu'il nous dira sur le champ et la cible de nos travaux. Je vous propose donc le consulter.

La délégation valide la composition et les modalités de lancement du groupe de travail sur la simplification du droit de l'urbanisme et du droit des sols. Elle désigne M Rémy Pointereau comme président du groupe de travail et MM. François Calvet et Marc Daunis comme rapporteurs.

Programme de travail pour le premier semestre 2016

M. Jean-Marie Bockel, président. - Le tome III du rapport d'information « Les finances locales à l'horizon 2017 : perspectives » devrait paraître à la mi-mars : nous nous en réjouissons.

Nous avons précédemment défini plusieurs sujets sur lesquels travailler au cours des mois à venir. Sur l'évolution des missions des services de l'État aux collectivités locales, je propose de désigner comme rapporteurs Éric Doligé et Marie-Françoise Pérol-Dumont. Sur les communes nouvelles et les conditions de la réussite, Françoise Gatel et Christian Manable pourraient se charger du rapport, qui devrait être publié avant le 30 juin prochain afin d'être utile aux communes souhaitant s'engager dans cette voie. Sur l'association des collectivités aux décisions qui les concernent, nous pourrions désigner François Grosdidier et Nelly Tocqueville. Je souhaiterais m'impliquer sur la question de la prévention de la radicalisation et le rôle des collectivités territoriales dans ce travail. C'est un sujet qui mérite d'être anticipé, car il prend de l'importance. Le deuxième rapporteur pourrait être Luc Carvounas. Enfin, je propose de confier un rapport d'information à Jacques Mézard et Philippe Mouiller sur la manière dont les nouvelles technologies participent à la modernisation des territoires.

M. Bernard Delcros. - Les services en milieu rural constituent un sujet d'inquiétude majeure pour les élus, bien qu'on en parle depuis longtemps. Les représentants des communes rurales n'ont aucune visibilité dans ce domaine. Le pacte de santé de 2012, par exemple, n'a jamais été évalué. Il faudrait procéder à un état des lieux pour lancer ensuite des propositions. J'aimerais m'investir sur ce sujet.

Mme Patricia Schillinger. - Je suggère également un rapport d'information sur les mesures que les municipalités, les communes et les collectivités territoriales ont mises en oeuvre pour l'emploi. Nous avons deux ans de recul. Même chose pour la santé : les aides consacrées aux maisons de santé ont-elles été efficaces ?

M. Jean-Marie Bockel, président. - Veillons à ne pas marcher sur les plates-bandes des commissions permanentes et à progresser en fonction des capacités dont nous disposons. Je vous propose de reparler de ces trois possibilités de choix.

M. Joël Labbé. - Le travail sur la simplification des normes en termes d'urbanisme correspond aux préoccupations des élus locaux. De plus en plus de maires sont concernés par le développement de l'habitat alternatif, pour lequel il n'existe aucun cadre juridique. Cet habitat résilient fait partie de notre paysage et doit être pris en compte dans notre réflexion.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je suis également confronté à ce genre de problème dans mon territoire. Anticiper des tendances qui risquent de prendre de l'ampleur peut être intéressant. Reparlons-en aussi.

La délégation valide l'organisation du programme de travail pour le premier semestre 2016.