COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES

Mercredi 15 juillet 2015

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

La réunion est ouverte à 14 h 04.

Commission mixte paritaire sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014

La commission mixte paritaire a tout d'abord constitué son bureau et désigné :

- Mme Michèle André, sénatrice, présidente ;

- M. Gilles Carrez, député, vice-président ;

- M. Francis Delattre, sénateur,

- et Mme Valérie Rabault, députée, respectivement rapporteurs pour le Sénat et pour l'Assemblée nationale.

Le Sénat ayant rejeté en première lecture le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014, tous les articles restaient en discussion. En application de l'article 45 de la Constitution, la commission mixte paritaire a donc été saisie de l'ensemble du projet de loi.

Après les interventions de Mme Michèle André, MM. Gilles Carrez, Francis Delattre et Mme Valérie Rabault, et à l'issue d'un débat, la commission mixte paritaire a constaté qu'elle ne pouvait parvenir à un accord sur l'ensemble des dispositions restant en discussion et a conclu à l'échec de ses travaux.

La réunion est levée à 14 h 29.

- Présidence de M. Gwendal Rouillard, député -

Commission mixte paritaire sur le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense

La réunion est ouverte à 21 heures 31.

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 15 juillet 2015.

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, réunie à l'Assemblée nationale, procède d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. Gwendal Rouillard, député, président, de M. Jacques Gautier, sénateur, vice-président, de Mme Patricia Adam, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale et de M. Jean-Pierre Raffarin, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

M. Gwendal Rouillard, président. - Conformément aux usages, je laisse la parole tout d'abord à nos deux rapporteurs pour présenter l'état des discussions entre nos deux assemblées, puis je proposerai avec notre collègue Jacques Gautier un tour de table assez libre, permettant à l'ensemble des groupes de s'exprimer s'ils le désirent. Nous en viendrons ensuite à la discussion des articles restant en navette.

Mme Patricia Adam, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je serai très brève car le travail que le Sénat a effectué fait que nous avons de très nombreux points d'accord. Le Sénat a adopté conformes 14 articles tandis que 21 articles restent en discussion.

Je tiens tout d'abord à remercier nos collègues sénateurs et en particulier les membres de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour le caractère constructif de leurs débats et leur volonté de renforcer les garanties figurant dans le texte. Tel est particulièrement le cas des clauses de sauvegarde sur lesquelles nous sommes globalement d'accord, à l'exception de deux d'entre elles relatives au financement des opérations extérieures (OPEX) et des missions intérieures (MISSINT). De très nombreuses précisions utiles, pas uniquement rédactionnelles, ont été prises en compte et je les approuve totalement. Le Gouvernement a également proposé au Sénat quelques mesures nouvelles destinées à améliorer la sécurité informatique des opérateurs d'importance vitale, celle de nos installations nucléaires militaires ou bien relatives aux données des passagers aériens et aux conditions d'intervention des gendarmes adjoints volontaires.

En raison de ces apports substantiels et si le président Raffarin en est d'accord, je propose que nous organisions nos travaux sur la base du texte adopté par le Sénat en première lecture.

Demeureraient quelques points de discussion entre nos deux chambres qui concernent la décote dite « Duflot », le financement interministériel des OPEX et des MISSINT ou encore la procédure nouvelle de demande de déclassification de documents par les présidents de commissions parlementaires.

Avec le président Raffarin nous avons mené un travail conjoint qui nous permet de vous soumettre un certain nombre de propositions de rédaction communes qui me paraissent particulièrement équilibrées et qui nous permettraient, si vous l'acceptez, d'aboutir ce soir à un succès de cette CMP.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - Je souhaiterais dire quelques mots sur l'état d'esprit du Sénat sur ce texte. Vous vous souvenez que le Sénat avait rejeté les crédits de la Défense pour 2015. Les débats sur la société de projets et l'état global des crédits préoccupaient une majorité de sénateurs. Nous demandions une revalorisation du budget de la Défense à hauteur de trois milliards d'euros. Compte tenu de la gravité du sujet, nous avons abordé le débat sur l'actualisation de la programmation avec une certaine forme de hauteur par rapport à nos questionnements légitimes sur le plan politique. À cet égard, la commission des Affaires étrangères et de la défense et celle des Finances ont beaucoup travaillé ensemble.

Nous avons cherché à être le plus constructif possible sachant que satisfaction nous avait été donnée sur la revalorisation des crédits et sur la rebudgétisation d'un certain nombre de ressources. Dans ce contexte, nous avons décidé d'exprimer une satisfaction sur l'inflexion des moyens, accompagnée toutefois d'une vigilance sur la mise en oeuvre, et nous avons cherché à obtenir un certain nombre d'assurances financières. Tout en nous félicitant de cette actualisation, nous avons donc souhaité garantir les ressources de la défense grâce à des clauses de sauvegarde.

La première concerne le coût des facteurs. La deuxième est relative aux recettes issues des cessions immobilières et des ventes de matériels militaires dans l'hypothèse où elles n'atteindraient pas le niveau attendu. Sur les OPEX et les MISSINT nous avons tenté de protéger au mieux les ressources du ministère de la Défense car nous sommes convaincus d'être dans une situation extrêmement grave comme le démontre l'opération Sentinelle. Dans les mois ou les années qui viennent, nous serons probablement confrontés à de nouveaux besoins et à une situation d'exigence d'effort pour la sécurité des Français. Nous avons donc fait un certain nombre de propositions pour protéger le budget de la Défense grâce à ces quatre clauses de sauvegarde.

En dehors de ces aspects financiers, le Sénat a voulu revenir autant que possible à la proposition gouvernementale en ce qui concerne les associations professionnelles nationales de militaires (APNM). Le débat concerne le niveau de présence de ces associations que nous souhaitons limiter au niveau interarmées et non pas par armée. Nous avons cinq ans pour décider de la suite. Nous aviserons en fonction de l'évolution du système mais, à ce stade, rien ne presse et il ne paraît pas urgent de descendre en deçà du niveau interarmées.

Nous avons également souhaité, et c'est un point très important bien qu'il ne constitue pas un enjeu ce soir, que le Parlement soit associé à l'évolution de la doctrine des opérations militaires menées sur le territoire national, appelées à se développer.

Nous avons aussi voulu le renforcement des outils de contrôle parlementaire avec un débat au Parlement sur l'exécution de la LPM qui interviendra au premier trimestre 2017. C'est pourquoi nous avons adopté un amendement pour que le rapport d'évaluation soit présenté suffisamment tôt au début de l'année 2017 afin que d'autres enjeux ne viennent pas perturber ce travail.

Le Sénat a mené un travail très approfondi dans une ambiance plutôt sereine. Il a adopté l'ensemble du texte par 302 voix pour et 19 contre, ce qui constitue un signal assez fort.

Nous avons eu des discussions avec la présidente Adam et nous allons vous proposer un certain nombre de compromis afin de déboucher sur un accord. Il nous paraît difficile de ne pas le trouver car les attentes des armées sont très fortes et, à défaut, nous entrerions dans un processus parlementaire encore long. À condition que les points clés des uns et des autres soient respectés, nous sommes assez proches d'un tel accord. Pour nos armées, cela serait très positif afin que celles-ci puissent bénéficier des dispositions de ce texte au plus vite - je pense par exemple aux recrutements.

Pour résumer, le Sénat tient particulièrement aux clauses de sauvegarde et au retour au texte gouvernemental pour ce qui concerne les APNM.

M. Christophe Léonard, député. - Si l'on tient compte du contexte général dans lequel intervient ce texte, force est de constater qu'il s'agit d'un projet à la fois nécessaire et ambitieux.

Nécessaire, car après les attentats de janvier 2015, ce projet de loi traduit la mise en oeuvre de l'opération Sentinelle. En outre, il respecte scrupuleusement l'article 6 de la loi de programmation militaire de 2013, qui prévoyait expressément cette actualisation, pour tenir compte non seulement des opérations extérieures mais aussi des missions intérieures. Enfin, ce texte est nécessaire pour préserver la capacité de conviction de la France tant sur le plan diplomatique, qu'au regard de son rang à l'ONU, et qu'en fonction de son importance économique.

Ce projet de loi est également ambitieux. Il accroît de 3,8 milliards d'euros les ressources de la défense, dont 2,8 milliards d'euros pour en financer les emplois, 500 millions d'euros pour le financement de l'entretien programmé du matériel, et 500 millions d'euros d'investissements en matériels. Autre signe de son caractère ambitieux, ce projet de loi réduit les cibles de déflation d'effectifs de la loi de programmation militaire initiale, et substitue des crédits budgétaires aux ressources exceptionnelles. Plus encore, il ouvre la voie à une modification des contrats opérationnels permettant de prendre en compte l'opération Sentinelle. Il fonde aussi, à titre expérimental, le service militaire volontaire et ouvre la voie à l'amélioration de l'emploi des réserves. Enfin, il met notre droit en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en créant un statut légal des associations professionnelles nationales de militaires.

Aussi, mes chers collègues, sachons nous rassembler pour l'intérêt supérieur de la France. Je ne doute pas que cette préoccupation soit partagée par tous mes collègues. C'est d'ailleurs à l'unanimité que nous, députés, avons institué une clause de sauvegarde garantissant la trajectoire financière du ministère de la Défense au travers de vicissitudes qui marquent l'évolution du coût des facteurs.

M. Jean-Marie Bockel, sénateur. - Le groupe UDI-UC du Sénat se retrouve pleinement dans les propos du président Jean-Pierre Raffarin.

M. Yves Fromion, député. - Nous n'avons bien entendu aucune intention d'ouvrir ici une polémique. Mais il faut, à mon sens, rester prudent lorsque pourrait nous guetter la tentation de l'autosatisfaction. En effet, si l'on voit nos forces sur le terrain - et pas seulement en Afrique, où sont concentrés d'importants moyens, mais aussi en métropole - on ne peut ignorer combien nos moyens sont d'ores et déjà suremployés.

J'admets tout à fait que le Gouvernement a fait un effort, en revenant sur un plan de déflation imprudemment avancé. Certes, le projet de loi programme 3,8 milliards d'euros de dépenses supplémentaires ; encore faut-il noter que l'essentiel de cette somme sera consacré aux soldes des militaires. Restera un milliard d'euros, qui ira pour moitié à l'entretien programmé du matériel et pour moitié à l'acquisition de matériels - et encore, ces acquisitions n'interviendront pas avant 2017.

Or nos forces se trouvent aujourd'hui dans un état de besoin avancé, au point que l'on peut sans exagérer parler d'indigence. Notez à titre d'exemple que nos pilotes volent moins que ne le prévoient les standards de l'OTAN. Tout cela doit nous conduire à rester très prudents dans l'exercice qui nous est demandé : nos militaires n'attendent pas de nous un exercice d'autosatisfaction « hors sol ».

Notre collègue Christophe Léonard est assurément dans son rôle ; reste qu'il serait prudent de s'en tenir à une vision juste et précise de l'état de nos forces armées. Les conditions de vie et de travail de nos soldats sont difficiles : ne donnons pas l'impression que nous avons une vision idéaliste de la situation. Ne soyons pas ce soir les « Bisounours de la Défense » !

M. Gwendal Rouillard, président. Je vous propose de passer à la discussion des articles restant en discussion.

Article 1er : Approbation des modifications apportées au rapport annexé

Mme Patricia Adam, rapporteure pour l'Assemblée nationale. Je vous propose d'adopter l'article 1er et le rapport annexé dans la rédaction issue des travaux du Sénat.

La commission mixte paritaire adopte l'article 1er et le rapport annexé dans la rédaction du Sénat.

Article 2 : Programmation des ressources financières

Mme Patricia Adam, rapporteure pour l'Assemblée nationale. S'agissant de la clause de sauvegarde que le Sénat a jugé bon d'introduire concernant l'évolution du coût des facteurs, je tiens à dire que nous comprenons en très grande partie la préoccupation de nos collègues sénateurs.

Toutefois, je souligne que l'Assemblée nationale avait déjà utilement abordé le sujet, en adoptant un amendement présenté par notre collègue Jean-François Lamour, qui répond à mon sens largement à cette préoccupation.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - Nous sommes très attachés à cette clause de sauvegarde. La rédaction du texte du Sénat, sur ce point, est plus précise que celle de l'Assemblée, qui ne prévoit que la remise d'un rapport - aussi utiles que puissent être parfois les rapports, notre disposition est plus précise. Je souhaite donc le maintien du texte du Sénat.

M. Daniel Reiner, sénateur. - En demandant un rapport au Gouvernement, le texte de nos collègues députés répond certes en partie à nos préoccupations, et bien entendu, les conditions d'application de l'article 40 de la Constitution à l'Assemblée nationale faisaient qu'il leur était difficile d'aller plus loin.

En tout état de cause, apprécier l'évolution du coût des facteurs est un exercice difficile, qui ne peut être conduit en réalité qu'a posteriori. On ne peut le faire dans l'immédiat : il faut attendre que soient disponibles toutes les informations pertinentes concernant, par exemple, le prix du pétrole ou le cours du dollar. Aussi, même si elle est difficile à mettre en oeuvre, la clause de sauvegarde qu'a introduite le Sénat tend à affirmer la vigilance que le Parlement entend exercer.

M. Yves Fromion, député. Je suis entièrement d'accord avec ce qui vient d'être dit. L'évolution du coût des facteurs a par nature un caractère aléatoire, qui dépend d'un contexte économique général trop incertain pour nous permettre d'aller de l'avant d'un pas assuré en la matière. Or nos militaires attendent un certain degré de sécurité ; aussi, la clause de sauvegarde proposée constitue-t-elle un utile élément de certitude dans un environnement difficile.

Mme Patricia Adam, rapporteure pour l'Assemblée nationale. Après avoir entendu les représentants de plusieurs groupes, je tiens à souligner que nous nous sommes d'ores et déjà saisis du sujet, en effectuant récemment un contrôle sur pièces et sur place. Nous, députés, sommes pleinement concernés par ce sujet, et nos collègues sénateurs aussi. C'est pour cette raison que nous avions adopté un amendement présenté par notre collègue Jean-François Lamour, qui apporte une réponse aux préoccupations qui s'expriment ici. Il est important que notre commission mixte paritaire aborde ce sujet, comme nous l'avons fait tout au long de nos travaux et lors de l'audition du ministre de la Défense. Cela étant, compte tenu de la nécessité d'un accord entre nos deux assemblées, je crois que nous pouvons nous en tenir au texte du Sénat, qui s'inscrit dans la lignée de nos travaux.

M. Gwendal Rouillard, président. Nous sommes saisis d'une proposition de rédaction de M. Reiner, sénateur, sur le V de l'article 2.

M. Daniel Reiner, sénateur. - La proposition de rédaction que je vous soumets vise à garantir les recettes issues des cessions immobilières de la défense. Le Sénat voulait s'assurer que l'État ne braderait pas les ventes de terrain, dont l'essentiel est constitué de l'îlot Saint-Germain, et a donc adopté un dispositif qui supprime toutes décotes et impose à l'acquéreur le prix fixé par France Domaine.

C'est un sujet qui nous préoccupe depuis bien longtemps, depuis que les armées vendent des infrastructures et qui fait l'objet de nombreuses discussions avec les collectivités locales pour savoir à quel prix l'État leur cède ses terrains.

La solution que je vous propose est une solution de compromis. Dans la mesure où nous avons garanti le montant des cessions immobilières grâce à la clause de sauvegarde du IV de l'article 2, je propose de limiter la décote à un plafond de 30 %, ce qui me semble être un chiffre raisonnable.

M. Yves Fromion, député. Il y a dans les objectifs de cessions un grand nombre d'immeubles situés à Paris. Et nous connaissons bien, Dominique de Legge et moi-même, les moyens dont dispose la ville de Paris.

Très sincèrement, je pense que nous devons privilégier les intérêts des armées. S'il s'agissait de petites communes rurales impécunieuses, je ne serais pas opposé au dispositif que vous nous proposez. Mais au regard des besoins des armées, de la sécurité qu'elles assurent aux Parisiens, la rédaction qui avait été adoptée par le Sénat, qui ne prévoit aucune décote, me semble une mesure de stricte équité et je la préfère.

M. Gilbert Roger, sénateur. - Ce que je trouve intéressant dans la proposition de rédaction que nous soumet Daniel Reiner est qu'elle pourrait faire jurisprudence. Je trouve que les maires, notamment des petites communes, sont parfois bien mal traités. Je pense donc que le dispositif proposé pourrait être intéressant pour les collectivités locales.

M. François de Rugy, député. On aborde ce sujet avec un angle de vue assez restreint, en créant une opposition entre Paris et les petites communes impécunieuses. Mais il y a entre ces deux extrêmes un grand nombre de villes grandes, moyennes ou petites ! Le foncier qui va être libéré par le ministère de la Défense concerne des communes de toutes les tailles.

Je vous rappelle que la cession à titre gratuit pour la construction de logements sociaux était une des promesses de campagne du candidat Hollande.

Je veux bien que l'on conteste cette orientation, prise en 2012, mais je suis étonné qu'on essaie de l'abroger en essayant de passer par la fenêtre, sous l'angle du ministère de la Défense. Pourquoi d'autres ministères ne pourraient pas aussi en bénéficier ? La loi prévoit d'ailleurs que s'il n'est pas prévu la construction de logements sociaux, la décote ne s'applique plus. S'il est donc question de céder à des opérateurs immobiliers pour faire autre chose que des logements sociaux, l'État percevra naturellement le produit de la vente.

M. Dominique de Legge, sénateur. - Je crois qu'il faut bien cerner la question.

Il existe déjà un dispositif, qui n'est pas remis en cause par le texte du Sénat, qui permet la cession à l'euro symbolique aux communes touchées par les restructurations militaires.

Par ailleurs, nous voulons sanctuariser les crédits de la défense : si nous disons qu'il peut y avoir une décote, cela fait une recette en moins pour le ministère de la Défense et nous n'allons pas dans le sens de la sanctuarisation.

Il n'appartient pas au ministère de la Défense de financer la politique de logement de l'État. Dans la mesure où nous maintenons ce soir la clause de garantie des recettes immobilières, il n'y a pas lieu de débattre indéfiniment de ce sujet. L'essentiel est bien que les 730 millions de recettes immobilières soient garanties.

Mme Patricia Adam, rapporteure pour l'Assemblée nationale. Je souscris à la proposition de rédaction de Daniel Reiner. D'abord, elle ne concerne que le logement social. Ensuite, la clause de sauvegarde précise bien que si les 730 millions d'euros de recettes immobilières ne sont pas atteints, le budget de la défense sera abondé par des crédits budgétaires supplémentaires.

Il n'y a donc pas de risque à participer à un élan de solidarité pour le logement social et aider les collectivités locales à le financer : tout le monde y gagne. Le budget de la défense est sécurisé et cette décote de 30 % permet aux collectivités de réaliser du logement social dans de bonnes conditions.

Cela ne me choque donc pas que le ministère de la Défense participe à cet élan de solidarité pour le logement social. Je tiens à rappeler que ce dernier profite aussi aux militaires et au personnel civil du ministère de la Défense. Je pense donc qu'il s'agit là d'un bon compromis, comparable au dispositif qui avait été adopté au bénéfice de certains établissements publics de santé, par exemple.

M. Jacques Gautier, vice-président. - Je comprends tout à fait la position de Patricia Adam. Nous avons un IV de cet article qui assure 730 millions d'euros de recettes au ministère de la Défense. Si la ville de Paris doit construire des logements sociaux et que cela n'ampute pas les ressources du ministère de la Défense, nous pouvons l'accepter.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - Le Sénat était initialement en ligne avec les propos que vient de tenir Yves Fromion. Mais à partir du moment où nous cherchons à aboutir à une solution de compromis, et surtout compte tenu du fait que le IV de l'article 2 introduit par le Sénat, qui garantit les recettes immobilières, a été adopté, les 30 % de décote maximale que propose Daniel Reiner me semblent constituer un compromis acceptable.

M. Daniel Reiner, sénateur. - C'est une proposition de bon sens : elle ne gêne pas le ministère de la Défense et aide la ville de Paris à financer son logement social.

M. Yves Fromion, député. Je voudrais dire à mes collègues que je ne suis pas opposé au logement social mais que je pense aussi que la ville de Paris n'est pas la plus mal placée pour assumer la totalité du coût d'une telle opération immobilière. Je maintiens donc ma préférence pour la rédaction adoptée par le Sénat.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction de M. Daniel Reiner.

Puis la commission mixte paritaire adopte l'article 2 ainsi modifié.

Article 2 bis (nouveau) : Soustraction de la mission « Défense » au financement interministériel du surcoût des OPEX

Mme Patricia Adam, rapporteure pour l'Assemblée nationale. Après en avoir discuté avec le président Jean-Pierre Raffarin, nous vous proposons de supprimer cet article, inséré par le Sénat. Je ne vous dis pas que la mesure qu'il propose n'est pas particulièrement tentante : exonérer le ministère de la Défense de sa contribution au financement interministériel des surcoûts liés aux opérations extérieures. Mais assurément, le ministère de la Défense n'a rien à gagner à une telle mesure, qui n'est en réalité ni utile ni raisonnable. En effet, toutes les clauses de sauvegarde intégrées au texte tendent d'ores et déjà à garantir son niveau de ressources. De plus, avec l'abaissement à 450 millions d'euros par an du montant de la provision inscrite dans les lois de finances successives pour couvrir ces surcoûts, le ministère de la Défense bénéficie déjà d'un abondement interministériel accru pour leur financement, suivant une mécanique déjà à l'oeuvre avec la précédente loi de programmation militaire. D'ailleurs, une telle mesure aurait pour effet de rendre nettement plus compliquées les discussions entre le ministère de la Défense et Bercy.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - Cet article constitue la troisième des quatre clauses de sauvegarde que le Sénat a intégrées dans le texte. Nous avons conçu cette disposition comme un message à envoyer, pour signifier que dès lors que le ministère de la Défense contribue aux opérations extérieures par une dotation inscrite en loi de finances initiale sur son budget, il serait légitime qu'il ne participe pas au « deuxième tour » de bouclage du financement des surcoûts liés aux opérations extérieures. Notre intention était bien de protéger le budget de la Défense. Toutefois, nous avons discuté avec la présidente Patricia Adam de l'ensemble de nos initiatives et, comprenant qu'une ouverture était possible de la part des députés pour les deux premières clauses de sauvegarde, il est paru envisageable que celle-ci fasse l'objet d'un compromis.

M. Dominique de Legge, sénateur. - L'amendement dont est issu cet article, que j'avais proposé au nom de la commission des Finances et qui a été adopté par notre commission des Affaires étrangères et des forces armées, était en effet un amendement d'appel. Il était motivé par les analyses de la Cour des comptes, qui montrent que le système de financement des surcoûts liés aux opérations extérieures au moyen de la réserve interministérielle de précaution a pour conséquence un manque à gagner de 76 millions d'euros pour le ministère de la Défense. Même évalué de façon plus limitative, ce manque à gagner atteint au moins 50 millions d'euros.

Et il faut souligner deux points. D'abord, il n'est pas normal que le ministère de la Défense contribue à cette réserve de précaution au prorata de la part de ses crédits dans le budget général de l'État alors que d'autres ministères sont exonérés d'une telle contribution. Les exigences d'équité et de transparence commandent que cette réserve interministérielle soit abondée par tous les ministères de la même façon. Ensuite, au-delà des opérations extérieures, le problème, c'est l'opération Sentinelle. Les surcoûts qui en résultent ne sont pas pris en charge de la même façon que les surcoûts des opérations extérieures. Certes, il paraît difficile de régler ce soir le problème du financement de l'opération Sentinelle, mais au moins faut-il évoquer le problème. Tel est le sens de l'amendement que le Sénat a adopté.

Nous savions pertinemment qu'il serait difficile de maintenir le dispositif de cet amendement dans le texte jusqu'au bout de la procédure. Néanmoins, il faut dire les choses clairement, et assurer davantage de transparence quant à l'alimentation de la réserve interministérielle de précaution par les crédits du ministère de la Défense.

M. Philippe Vitel, député. Je partage le point de vue de notre collègue Dominique de Legge. Avant que les opérations extérieures ne se traduisent par des « surcoûts », elles ont tout simplement des coûts. Et ces coûts, c'est le ministère de la Défense qui les assume à 100 %, au « premier tour » du financement des opérations extérieures. Aussi, il est absolument anormal que ce ministère y participe, en plus, au « second tour » de bouclage du financement des opérations extérieures. Je dois d'ailleurs dire que j'éprouve quelques difficultés à comprendre la cohérence des propos de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, qui a soutenu l'insertion de cet article au Sénat, et cosigne ce soir la proposition de rédaction qui tend à le supprimer !

M. Philippe Meunier, député. Nous, députés, avions l'intention de proposer un amendement allant dans le même sens que celui de cet article, mais l'interprétation de l'article 40 de la Constitution qui est faite à l'Assemblée nationale, plus restrictive qu'au Sénat, y a fait obstacle. Aussi sommes-nous opposés à la suppression de cet article.

M. Yves Fromion, député. Une raison supplémentaire nous conduit à souhaiter le maintien de cet article : il ne faut pas perdre de vue le fait que nos opérations extérieures, c'est en réalité la France qui paie pour l'Europe. Or l'Europe n'y contribue que chichement : nous connaissons tous les limites du mécanisme Athéna. Aussi est-il difficile pour nos militaires d'accepter l'idée que c'est à eux de payer, alors que c'est la sécurité de l'Europe entière qu'ils défendent. Si les dépenses qu'expose pour ce faire le ministère de la Défense font l'objet d'un financement interministériel, au moins ont-ils le sentiment que cela relève d'une décision de politique générale ; les choses sont alors un peu plus claires. C'est pourquoi je soutiens cet article.

M. Jean-Marie Bockel, sénateur. - On peut comprendre, bien entendu, la façon dont les rôles se distribuent ce soir, mais il n'en demeure pas moins que sur le fond, nous sommes tous d'accord. C'est d'ailleurs pourquoi l'adoption de cet article n'a fait aucune difficulté au Sénat.

Mais il faut faire la part des choses. Non que certains soient plus aptes au compromis que d'autres ; mais la question est de savoir où l'on veut en arriver, quel est notre but ce soir. Nous souhaitons tous que cette commission mixte paritaire aboutisse à un accord, et personne ne veut que ce soit à n'importe quel prix - cela se comprend. Or, sur le sujet qui nous occupe à présent, encore faut-il savoir si la mesure envisagée aide réellement ou non notre système de défense. Ce n'est pas certain. En tout état de cause, tout bien pesé, je crois que nous servirons mieux la cause commune avec un accord qu'avec des postures raides.

M. Jacques Gautier, vice-président. - Il est important de trouver une position commune. Nous savions que l'amendement présenté par notre collègue Dominique de Legge était un amendement d'appel. Ce que dit notre collègue Yves Fromion est parfaitement exact, mais ce n'est pas ce soir que nous réglerons le problème de la participation de l'Union européenne au financement des opérations extérieures qui contribuent à sa sécurité. Cela ne sera possible que le jour où l'Union sera investie de davantage de souverainetés. Je me souviens qu'au plus fort de notre engagement en Afghanistan, le budget de la défense comportait une provision de près de 750 millions d'euros pour les opérations extérieures, et que l'opposition d'alors plaidait en faveur d'une hausse de cette provision, afin de réduire la part des mécanismes interministériels dans le financement de ces opérations... Aujourd'hui nous soutenons le ministre de la Défense lorsqu'il inscrit une provision initiale modérée, qui a pour conséquence un recours plus important à la réserve de précaution interministérielle qui est abondée en partie - et en partie seulement - par le budget de la défense. Si cette provision devait être relevée, c'est le ministère de la Défense qui supporterait alors l'intégralité du surcoût lié aux opérations extérieures.

M. Daniel Reiner, sénateur. - La question de savoir qui doit financer les opérations extérieures se pose depuis aussi longtemps qu'il y a des opérations extérieures... La question est toujours la même : qui doit payer pour les OPEX ? Le ministère de la Défense ? La réserve interministérielle ? L'Union européenne ? Lors de la rédaction du Livre blanc et lors de la discussion de la loi de programmation militaire de 2013, la provision pour les surcoûts liés aux opérations extérieures a été calculée de façon raisonnable : à ce moment, nous nous désengagions d'Afghanistan et nous ne nous étions pas encore engagés au Mali.

Il me semble impossible d'exonérer le ministère de la Défense de toute contribution via la réserve interministérielle : le ministère se trouverait alors en grande difficulté dans toute discussion budgétaire, quel que soit le gouvernement en place. Notre mode de financement des OPEX constitue donc une tradition aussi vieille que ces opérations elles-mêmes. C'est dans cette optique qu'il faut lire l'amendement dont est issu cet article : c'est un amendement d'appel, qui vise à rappeler que la contribution du ministère de la Défense à la réserve de précaution est calculée aujourd'hui d'une manière un peu étrange. Il exprime ainsi notre étonnement quant au mode de calcul de cette contribution, calcul qui n'est pas clair, dans la mesure où la contribution de la Défense n'est pas strictement proportionnelle à la part de ses crédits dans le budget de l'État. Ceci étant précisé, nous pouvons à mon sens en revenir au texte de l'Assemblée nationale.

M. Philippe Vitel, député. Pour en revenir aux faits, il faut souligner que la provision de 450 millions d'euros inscrite chaque année en loi de finances pour couvrir le surcoût des OPEX est calculée en fonction des surcoûts moyens observés depuis quinze ou vingt ans. Elle représente ainsi clairement la participation du ministère de la Défense à ces surcoûts. Dès lors, pourquoi aller au-delà, et faire contribuer ce ministère au « second tour » du financement de ces surcoûts ? C'est à mes yeux anormal, et contraire aux principes qui devraient guider une bonne répartition de la charge.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - Je comprends bien les arguments de notre collègue Philippe Vitel. Mais depuis toujours, dans le budget de la République, le financement des opérations extérieures constitue un objet à part, qui fait l'objet d'une sous-évaluation en programmation pour pouvoir faire l'objet d'une répartition interministérielle ensuite. On pourrait dire en quelque sorte que lorsque l'on fait la moyenne des sous-évaluations passées, on tombe sur une sous-évaluation de la moyenne.

Je tiens à apporter quelques précisions concernant mon opinion sur le dispositif de cet article, telle que je l'ai exprimée d'abord et Sénat et ici aujourd'hui. Si l'on veut un accord entre nos deux chambres, il n'y a pas d'autre choix que de faire des compromis. C'est dans ce cadre que nous avons obtenu des garanties concernant les ressources de la défense ; nous sommes également d'accord pour que les associations professionnelles nationales de militaires ne soient représentées qu'au niveau interarmées des instances de concertation, et pas en deçà.

M. Philippe Vitel, député. Permettez que nous ne soyons pas tenus par les compromis que vous avez passés !

M. Yves Fromion, député. Pour vous appuyer, monsieur le Premier ministre, je dirais que vos propositions étaient particulièrement remarquables.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - Je suis bien d'accord mais, si je vous suis, il n'y a pas d'accord de CMP ce soir !

M. Philippe Meunier, député. Je voudrais rappeler à Daniel Reiner que nous ne discutons pas là d'un amendement d'appel mais bien du texte qui a été adopté par le Sénat ! Il est paradoxal qu'il revienne à des députés de le défendre.

Nous ne partageons pas le projet du Gouvernement et avions déjà souligné les insuffisances de la LPM. Nous avons nos convictions et nous ne sommes pas à la recherche d'un compromis sur le financement des OPEX. Nous préférons donc la rédaction adoptée par le Sénat.

M. Dominique de Legge, sénateur. - Nous discutons là d'une loi de programmation militaire qui n'a, hélas - ou heureusement - aucune valeur normative.

Les 450 millions d'euros constituent simplement une provision. Ce qui est important, c'est que nous posions un sujet qui est le financement des OPEX et de l'opération Sentinelle ; or cela n'est pas dans la LPM que nous allons trouver la réponse.

Je préfère évidemment le texte du Sénat. Mais, comme Jean-Pierre Raffarin, je souhaite que cette CMP aboutisse. Nous discuterons à nouveau au moment de l'examen de la loi de finances du financement des OPEX. Le véritable rendez-vous, nous l'aurons donc en décembre - et je vous rappelle qu'il manque encore plus de deux milliards d'euros de ressources exceptionnelles inscrites au budget 2015. Je m'abstiendrai donc sur cette proposition de rédaction.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de suppression de l'article 2 bis commune aux deux rapporteurs.

Article 2 ter : Financement interministériel des missions intérieures

Mme Patricia Adam, rapporteure pour l'Assemblée nationale. Les opérations intérieures (OPINT) sont totalement nouvelles et il est très difficile d'en estimer aujourd'hui le coût, lié à la fois aux indemnités versées aux militaires, à leur logement ainsi qu'aux déplacements.

Le Gouvernement s'est engagé devant nos deux assemblées pour en effectuer, avant le mois de janvier prochain, une évaluation ainsi qu'un travail sur l'évolution de la doctrine.

Il me semble donc être trop tôt pour accepter la rédaction adoptée par le Sénat. C'est pour cela que je vous propose, avec Jean-Pierre Raffarin, que le Gouvernement nous fasse des propositions sur les conditions de financement de ces opérations au mois de janvier.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - Il s'agit d'une proposition de compromis, nous en sommes bien d'accord. La rédaction que nous vous soumettons prévoit que le rapport qui sera fait en janvier 2016 précisera les conditions dans lesquelles les surcoûts pourront faire l'objet d'un financement interministériel.

M. Yves Fromion, député. Je ne comprends pas bien les trois paragraphes de votre proposition. Ils ne comportent aucun engagement puisqu'il y est écrit que ces surcoûts « peuvent faire l'objet d'un financement interministériel ».

Il n'y a donc aucune indication à l'égard du Gouvernement pour l'orienter vers un financement interministériel, ce n'est pas à la hauteur de ce que la défense peut attendre de nous ! On fait porter au seul ministère de la Défense la lourde charge de notre sécurité générale. Le financement n'est pas assuré et cela n'est pas digne de la responsabilité qui incombe au Parlement.

M. Jean-Marie Bockel, sénateur. - C'est un sujet majeur. Nous changeons de monde, ces opérations intérieures sont appelées à durer. Cette question de la sécurité intérieure est sur la table, notamment la question de la coordination avec les forces de gendarmerie et de police.

Face à un sujet de cette ampleur, la réponse sera forcément interministérielle. Mais je crois qu'à ce stade, vouloir anticiper le financement de ces opérations en le figeant dans une disposition de cette LPM n'est pas le sujet du jour. Nous ne devrions pas nous opposer sur ce sujet.

M. Dominique de Legge, sénateur. - Je n'aime pas lorsque l'on écrit « peuvent » dans un texte de loi ; pourquoi ne pas simplement supprimer le dernier alinéa de cette proposition de rédaction ?

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - Si on le supprimait, on ferait disparaître le mot « interministériel ».

Mme Patricia Adam, rapporteure pour l'Assemblée nationale. Nous avions proposé cette rédaction pour précisément y faire apparaître cette possibilité de financement interministériel. Cela me semblait un message fort envoyé au Gouvernement.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - Pourquoi ne pas plutôt écrire « les modalités du financement interministériel » au deuxième alinéa ?

M. Yves Fromion, député. Cela serait très bien !

M. Daniel Reiner, sénateur. - On anticiperait alors sur les solutions qui pourraient être trouvées. L'interministériel est sous-entendu dans les modalités de financement. J'éviterais donc d'employer le mot « interministériel ».

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - Je préférerais pour ma part que l'on conserve une référence au financement interministériel.

M. Gwendal Rouillard, président. - Le point de départ de notre discussion était donc sans doute le bon.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - Nous pouvons en effet revenir au texte de notre proposition de rédaction.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction commune aux deux rapporteurs.

Puis elle adopte l'article 2 ter ainsi modifié.

Article 4 : Rapport d'évaluation et actualisation de la programmation

La commission mixte paritaire adopte l'article 4 dans la rédaction du Sénat.

Article 4 bis (art. 10 de la loi n° 1168-2013 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019) : Rapport annuel sur l'exécution de la loi de programmation militaire

La commission mixte paritaire adopte l'article 4 bis dans la rédaction du Sénat.

Article 4 ter (nouveau) : Doctrine d'emploi des forces sur le territoire national

La commission mixte paritaire adopte l'article 4 ter dans la rédaction du Sénat.

Article 4 quater (nouveau) : Procédure de déclassification et de communication d'informations protégées au titre du secret de la défense nationale

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - L'article 4 quater résulte d'un amendement proposé par notre collège Dominique de Legge qui fait référence aux difficultés à obtenir le rapport Charpin sur les recettes exceptionnelles. Nous constatons que la justice a parfois accès à des documents dont le Parlement ne peut avoir connaissance en raison de leur classification. Le texte adopté par le Sénat ouvrait la saisine de la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) à l'ensemble des commissions, permanentes, spéciales et d'enquête. La proposition de rédaction que la présidente Adam et moi-même avons co-signée vise à permettre aux seuls présidents des commissions chargées de la défense, des finances et des lois de formuler des demandes auprès de la CCSDN afin de recueillir son avis sur une éventuelle déclassification par le ministre, préalable à une communication des documents concernés. Il s'agit de renforcer les droits du Parlement, en limitant toutefois cette faculté aux présidents précités.

M. Gwendal Rouillard, président. La disposition s'appliquant aux deux Chambres, ce sont donc six présidents qui pourraient en user.

M. Dominique de Legge, sénateur. - Je tiens simplement à préciser que la CCSDN n'a pas le pouvoir de déclassifier un document. La faculté ainsi offerte aux présidents des trois commissions concernées permet seulement de lui demander si, selon elle, tout ou partie du document pourrait être déclassifié. L'avis qu'elle rend est communiqué au ministre concerné, qui peut maintenir ou non sa position. Le secret défense demeure : si le ministre ne veut pas le lever, et même si la commission estime qu'il pourrait l'être, il peut maintenir la classification. Il s'agit de permettre au Parlement d'avoir accès à la CCSDN dans les mêmes conditions que l'autorité judiciaire. Dans le cas du rapport Charpin, qui ne contenait aucun élément ou presque relevant du secret défense et dont la presse s'était d'ailleurs fait l'écho, nous aurions pu recueillir l'avis de cette commission.

M. Daniel Reiner, sénateur. - Je n'étais pas favorable à l'amendement de notre collègue de Legge. Il ne faut pas trop toucher au secret défense. Cela n'a pas de lien direct avec le sujet dont nous débattons, mais nous avons mis en place une délégation parlementaire au renseignement pour connaître de ces questions. Même amendé, cet article me paraît excessif. Toutefois, dans un souci de compromis et malgré mon opposition intellectuelle, je me range à l'avis général.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction commune aux deux rapporteurs de l'article 4 quater ainsi modifié.

Article 7 (art. L. 4126-1 à L. 4126-10 [nouveaux] du code de la défense) : Régime des associations professionnelles nationales de militaires (APNM)

La commission adopte l'article 7 dans la rédaction du Sénat.

Article 10 (art. 37 de la loi n° 1168-2013 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019) : Modification du régime de la promotion fonctionnelle

La commission adopte l'article 10 dans la rédaction du Sénat.

Article 14 : Dispositifs de reclassement dans la fonction publique

La commission mixte paritaire adopte les deux propositions de rédaction communes aux deux rapporteurs, puis elle adopte l'article 14 ainsi modifié.

Article 17 : Expérimentation d'un service militaire volontaire (SMV)

La commission adopte l'article 17 dans la rédaction du Sénat.

Article 18 : Dispositions statutaires des volontaires du service militaire volontaire

La commission adopte l'article 18 dans la rédaction du Sénat.

Article 19 : Journée Défense et citoyenneté

La commission adopte l'article 19 dans la rédaction du Sénat.

Article 19 bis : Agence du service civique

La commission adopte l'article 19 bis dans la rédaction du Sénat.

Article 19 ter (nouveau) : Extension du rôle des volontaires de la gendarmerie pour l'immobilisation de véhicules

La commission adopte l'article 19 ter dans la rédaction du Sénat.

Article 20 (art. L. 3414-5 et intitulé du chapitre III du titre III du livre II de la troisième partie du code de la défense) : Dispositions rédactionnelles

La commission adopte l'article 20 dans la rédaction du Sénat.

Article 20 bis (nouveau) : Transmission des données API et PNR par les opérateurs de voyage ou de séjour affrétant un aéronef

La commission adopte l'article 20 bis dans la rédaction du Sénat.

Article 20 ter (nouveau) : Sanctions pénales applicables aux intrusions dans des installations nucléaires militaires

La commission adopte l'article 20 ter dans la rédaction du Sénat.

Article 23 : Entrée en vigueur

La commission adopte l'article 23 dans la rédaction du Sénat.

Article 25 : Application sur l'ensemble du territoire de la République

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction commune aux deux rapporteurs, puis elle adopte l'article 25 ainsi modifié.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - Je remercie l'Assemblée nationale pour s'être ralliée au Sénat sur les APNM. Celles-ci demeurent au niveau interarmées pendant une période de cinq ans. Nous aviserons passé ce délai.

M. Daniel Reiner, sénateur. - Il est bon de le préciser sinon on aurait le sentiment que seul le Sénat a participé au compromis !

M. Hugues Fourage, député. Sur les APNM, nous avons effectivement fait un effort pour aboutir à une CMP conclusive. L'Assemblée nationale avait un autre point de vue que le Sénat, point de vue qui pouvait se défendre. Mais nous devons aller dans le sens de l'intérêt supérieur de la Nation.

M. Gilbert Roger, sénateur. - Avec mon collègue Robert Del Picchia et après toutes les auditions que nous avons effectuées, nous étions très attachés à la rédaction proposée par le président Raffarin...

M. Gwendal Rouillard, président. ...et qui a été acceptée par les députés dans un esprit de compromis !

M. Michel Billout, sénateur. - Je me suis livré bien volontiers à cette recherche de compromis entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Néanmoins mon groupe reste opposé à l'actualisation de la LPM dans la mesure où rien n'a changé sur la dissuasion nucléaire. Nous maintenons donc la position que nous avions exprimée lors du vote en séance publique.

Mme Patricia Adam, rapporteure pour l'Assemblée nationale. Pour conclure, je tiens à remercier l'ensemble des parlementaires pour le succès de cette commission mixte paritaire.

Je tiens aussi à revenir brièvement sur le statut des associations professionnelles nationales de militaires. Comme le Sénat l'a fait en insérant dans le texte plusieurs clauses de sauvegarde, notre assemblée a appelé l'attention des parlementaires et du Gouvernement sur la place de ces associations dans le dialogue social avec les militaires, en mettant sur la table le sujet de leur intégration aux conseils de la fonction militaire. Je crois très sincèrement qu'une telle évolution est à la fois nécessaire et inéluctable. Si tel n'était pas le cas, le fossé se creuserait à terme entre ces conseils et le Conseil supérieur de la fonction militaire et, ainsi, les chefs d'état-major se retrouveraient mis à l'écart du dialogue social. Notre vote sur ce point visait à donner un signal clair, et inscrivait cette évolution dans un horizon de cinq ans. D'ailleurs, d'ici cinq ans, nous aurons un nouveau Livre blanc et une nouvelle loi de programmation militaire, c'est-à-dire une nouvelle occasion de conduire cette réflexion à son terme. Je remercie d'ailleurs le Sénat d'avoir entendu nos arguments concernant un autre apport majeur de nos travaux concernant le statut de ces associations, à savoir les critères de représentativité fixés pour l'intégration des associations au Conseil supérieur de la fonction militaire. Nous avons en effet tenu au travers d'un amendement de notre collègue François de Rugy à ce que ces associations, représentatives au niveau interarmées, aient un périmètre véritablement interarmées et ne laissent pas la gendarmerie de côté : pour siéger au CSFM, elles devront représenter au moins trois forces armées.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour le Sénat. - Je remercie les parlementaires de cette conclusion. Comme le disait Yves Fromion, nous avons conscience de la situation de paupérisation progressive de certains pans de notre défense et, de fait, ce texte ne règle pas l'ensemble des questions à traiter. Nous notons une inflexion par rapport à des tendances passées qui devaient être corrigées. Mais nous avons encore beaucoup de travail à faire. Sur le plan financier, la mise en oeuvre restera complexe et il y a beaucoup de sujets sur lesquels nous devrons rester vigilants. Toutefois, dans le contexte international actuel, nous devons montrer que l'ensemble de la représentation nationale, dans toute sa diversité, est derrière sa défense pour mobiliser les moyens de nos ambitions. Un vieux proverbe chinois affirme qu'un chemin de mille lieues commence par un premier pas. Nous sommes engagés dans cette voie.

M. Gwendal Rouillard, président. Voilà une belle conclusion !

La réunion est levée à 23 h 15.

Jeudi 16 juillet 2015

- Présidence de M. Jean-Patrick Gille, député.

La réunion est ouverte à 10 heures 35.

Commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l'accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap, s'est réunie à l'Assemblée nationale le jeudi 16 juillet 2015.

La commission mixte paritaire procède d'abord à la désignation de son bureau qui est ainsi constitué :

- M. Jean-Patrick Gille, député, président,

- Mme Colette Giudicelli, sénateur, vice-présidente.

- M. Christophe Sirugue, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale,

- M. Philippe Mouiller, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Jean-Patrick Gille, député, président. - Nous nous réunissons ce matin en commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l'accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap, texte adopté par le Sénat le 2 juin et modifié par l'Assemblée nationale le 6 juillet dernier.

Je tiens tout d'abord à excuser la Présidente de la commission des affaires sociales Catherine Lemorton qui poursuit sa convalescence ainsi que son homologue du Sénat, Alain Milon, remplacé par Mme Colette Giudicelli, vice-présidente de la commission, et l'une des rapporteurs du Sénat, Claire-Lise Campion, qui ne peuvent non plus être parmi nous.

Mes chers collègues avant de commencer je vous indique qu'un membre de la délégation de l'Assemblée nationale est manquant, le groupe Les Républicains n'ayant pas rempli son quota. C'est pourquoi en cas de vote nous nous attacherons avec Mme la vice-présidente à faire respecter strictement le caractère paritaire de notre commission. Ce paritarisme impliquant, je vous le rappelle, le respect de l'équilibre entre nombre de députés et nombre de sénateurs mais aussi le respect de l'équilibre politique entre nos deux assemblées.

Comme toutes les commissions mixtes paritaires, celle-ci a pour but d'essayer de dégager un texte commun entre nos deux assemblées. En l'occurrence cet objectif, sous réserve de ce que vont dire nos rapporteurs, me paraît à notre portée.

Par rapport au texte du Sénat, l'Assemblée a adopté deux articles conformes, les articles 1er et 6. Elle a par contre supprimé l'article 9. Outre cet article, neuf autres articles font l'objet de nos débats : les articles 1er bis, 2, 2 bis, 3, 4, 5, 5 bis, 7 et 8.

Mme Colette Giudicelli, sénateur, vice-présidente. - Je voudrais en notre nom à tous souhaiter un bon rétablissement à Mme Catherine Lemorton que nous serons ravis d'avoir de nouvelles occasions de rencontrer et je laisse la parole aux rapporteurs.

M. Philippe Mouiller, sénateur, rapporteur du Sénat. - Je parle ce matin en mon nom et en celui de Claire-Lise Campion, également rapporteure sur ce projet de loi et très impliquée depuis des années sur les questions liées au handicap. Nous avons abordé l'examen de ce texte avec la volonté de ne pas bouleverser l'équilibre auquel est parvenue l'ordonnance tout en ayant le souci, lorsque cela était nécessaire, d'en améliorer certaines dispositions afin de les rapprocher des préconisations issues de la concertation menée par Claire-Lise Campion au cours de l'hiver 2013-2014.

En première lecture, la commission des affaires sociales du Sénat a, sur notre proposition, davantage encadré les procédures de prorogation des délais de dépôt des agendas d'accessibilité programmée (Ad'Ap) ainsi que les refus prononcés par une assemblée générale de copropriétaires aux travaux de mise en accessibilité d'un établissement recevant du public (ERP). Nous avons également complété les financements destinés au fonds national d'accompagnement de l'accessibilité universelle et prévu que les employeurs de professionnels amenés à être en contact avec les clients et les usagers d'un ERP se verraient proposer par leur employeur une formation à l'accueil et à l'accompagnement des personnes handicapées. Nous avons également complété le projet de loi afin de permettre aux jeunes en situation de handicap de s'engager dans un service civique jusqu'à l'âge de 30 ans : cette mesure, chère à Claire-Lise Campion, s'inscrit à nos yeux pleinement dans l'objectif d'une société plus inclusive et davantage accessible.

En séance publique, nous avons prévu que les équipes pluridisciplinaires des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) pourraient accompagner les représentants légaux d'élèves en situation de handicap lorsqu'ils effectuent une demande de mise en accessibilité de points d'arrêts du réseau de transports scolaires. Nous avons également fait passer de 500 à 1 000 habitants le seuil à partir duquel l'élaboration d'un plan de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics (PAVE) est obligatoire et nous avons prévu que les commissions intercommunales d'accessibilité devraient systématiquement tenir à jour la liste des ERP accessibles ou ayant déposé un Ad'Ap.

Sur l'ensemble de ces points, je crois que nos positions rejoignent celles de l'Assemblée nationale. Celle-ci a parfois choisi d'aller plus loin que nous ne l'avions fait. Je pense en particulier à la mise en accessibilité des points d'arrêts de transports scolaires, désormais possible que l'enfant soit scolarisé à temps plein ou à temps partiel, à la formation des personnels en contact avec le public ou à l'encadrement des délibérations d'assemblées générales de copropriétaires sur la mise en accessibilité d'ERP. Nous entendons ces évolutions.

A deux reprises, l'Assemblée nationale est revenue sur des dispositions qui avaient été adoptées par le Sénat en séance publique. Il s'agit de l'assouplissement des règles de mise en accessibilité applicables aux bailleurs sociaux lorsqu'ils construisent directement leurs logements et de la création d'un mécanisme de déduction d'impôt pour les investissements réalisés dans le cadre de travaux de mise en accessibilité.

S'agissant des bailleurs sociaux, je souhaiterais revenir sur les réflexions qui ont été les nôtres au Sénat. Trois amendements identiques ont été déposés en séance publique afin que les bailleurs sociaux se voient appliquer les mêmes règles de mise en accessibilité, qu'ils acquièrent un logement vendu en l'état futur d'achèvement - cas dans lequel l'ordonnance prévoit un assouplissement - ou qu'ils le construisent directement. Nous étions réservés sur la question. Le Gouvernement ayant fait le choix de sous-amender les trois amendements afin d'apporter des garanties supplémentaires aux personnes handicapées, notre position a été favorable. Pour autant, nous avons eu depuis l'occasion d'échanger avec Christophe Sirugue dont nous avons également entendu les arguments contre l'amendement adopté au Sénat. Ces différents échanges me conduisent aujourd'hui à avoir une position de sagesse sur la question.

Enfin, l'Assemblée nationale a parfois introduit des dispositions entièrement nouvelles, comme celle visant à ce qu'une autorité organisatrice de transports (AOT) ne puisse pratiquer un tarif supérieur à celui applicable aux autres voyageurs pour le transport à la demande mis en place pour les personnes handicapées dans un même périmètre de transport urbain. Je suis réservé sur ce point.

En effet, la loi encadre déjà le coût pour les usagers handicapés s'agissant des transports de substitution mis en place lorsque la mise en accessibilité du réseau est techniquement impossible. Dans les autres cas, je crains que la mesure proposée ne soit difficile à appliquer. Les AOT pratiquent une tarification spécifique, souvent fonction du nombre de kilomètres parcourus. Elle est difficilement comparable à celle qui s'applique aux autres services de transports et souvent supérieure à celle-ci. Les dispositions adoptées à l'Assemblée nationale sont donc susceptibles d'avoir des conséquences difficilement maîtrisables et de créer une charge pour les AOT. Je vous proposerai donc de supprimer cette mesure.

Je souhaiterais par ailleurs aborder une question qui a été relativement peu traitée au cours de nos débats. Les responsables d'ERP avaient jusqu'au 27 juin pour formuler une demande de prorogation du délai de dépôt de leur Ad'Ap. Or nous sommes actuellement en juillet : je suis malheureusement convaincu que trop peu d'entre eux ont pris conscience de la possibilité qui leur était offerte et que nous risquons d'assister au mois de septembre à une arrivée massive dans les préfectures de dossiers mal préparés, pour lesquels une demande de dérogation aurait pu être formulée trois mois auparavant. A ce stade, il n'y a pas de bonne solution et je ne pense pas qu'il appartienne au Parlement de modifier dans la loi une date qui a été fixée par voie réglementaire. Je pense en revanche que le Gouvernement devra prendre ses responsabilités pour éviter des situations de rejets massifs de dossiers qui n'auront pu être préparés correctement.

Pour autant, je crois que, compte tenu des progrès substantiels qui ont déjà été apportés à l'ordonnance du 26 septembre 2014 et parce que notre première responsabilité est d'assurer la ratification de ce texte dans les meilleurs délais, nous pourrons nous retrouver pour parvenir à l'élaboration d'un texte commun au cours de notre réunion. Je remercie l'ensemble des acteurs pour leur engagement sur ce point, et pour le travail que nous avons pu mener en commun ainsi que Christophe Sirugue, avec qui nous avons eu l'occasion d'échanger de façon ouverte et constructive afin de préparer au mieux cette commission mixte paritaire.

M. Christophe Sirugue, rapporteur de l'Assemblée nationale. - Mes chers collègues, nous avons adopté le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 26 septembre 2014 en commission le 24 juin et en séance le 6 juillet derniers.

Le rapporteur du Sénat ayant bien décrit les modifications apportées dans chaque assemblée, je ne reviendrai pas sur les débats et les avancées intervenus au Sénat et en commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, chacun les connaît parfaitement.

Les rapporteurs du Sénat Mme Claire-Lise Campion et M. Philippe Mouiller et moi avons échangé. Nous avons beaucoup travaillé en amont, avant et après le passage de ce projet de loi en séance afin d'aboutir autant que possible à un texte de consensus.

C'est pourquoi, en séance publique, nous n'avons modifié ce texte qu'à la marge. Nous avons adopté deux dispositions : l'une complétant les travaux du Sénat en matière de formation et l'autre précisant les conditions de motivation des refus d'aménagements décidés par les copropriétaires d'un immeuble d'habitation où se trouve un ERP devant être rendu accessible. Nous avons également souligné l'importance de ne pas distinguer la scolarisation des enfants entre temps partiel et temps plein.

Nous sommes donc aujourd'hui face à un texte de consensus que je vous propose d'adopter moyennant une modification rédactionnelle à l'article 2. Je forme le souhait que cette commission mixte paritaire aboutisse : il y a en effet urgence à consolider le droit issu des ordonnances.

Je reviens sur la date du 27 juin. Les interrogations sont légitimes par rapport à une date qui est effectivement passée. La communication a été faite mais il y a encore des difficultés. Mais je pense que fixer une date nouvelle serait mal perçu par de nombreux acteurs : elle pourrait être vue comme entraînant un report des obligations. Il nous faut donc faire preuve de beaucoup de prudence sur ce point.

S'agissant de la question de la tarification des transports, je crois que nous devons bien distinguer le transport de substitution du transport à la demande.

M. Gilles Lurton, député. - Avec notre collègue Philippe Vitel, nous aurons également une attitude constructive. Nous avons constaté que la loi de 2005 ne pourrait pas être appliquée au 1er janvier 2015 même si de nombreuses collectivités locales ont réalisé des efforts pour parvenir à cet objectif d'accessibilité. Dès lors, il fallait trouver des solutions : les Ad'AP proposées par le Gouvernement constituent une réponse. Nous avons donc partagé de nombreux amendements du rapporteur. Nous n'avons cependant pas pu partager ceux qui concernent le logement social. Nous avons une crainte quant à l'afflux des demandes de dérogations qui vont arriver dans les directions départementales des territoires et de la mer : ces administrations pourront difficilement examiner les demandes dans les délais impartis et nous craignons dès lors que ces dérogations soient accordées tacitement, faute de réponse de l'administration. Nous avons donc fait le choix de nous abstenir, sur l'ensemble du texte, mais nous nous réjouirons que la commission mixte paritaire parvienne à un accord aujourd'hui.

M. Jean-Patrick Gille, député, président. - Au vu de ces interventions, je pense qu'effectivement un accord est possible, ce que nous allons immédiatement vérifier en examinant les différents articles restant en discussion.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er bis (nouveau)

La commission mixte paritaire adopte l'article 1er bis dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 2

M. Philippe Mouiller, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - L'objet de la proposition de rédaction que nous vous proposons avec M. Christophe Sirugue est purement rédactionnel.

La proposition de rédaction des rapporteurs est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 2 bis

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 bis dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 3

M. Philippe Mouiller, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - La proposition de rédaction que je vous soumets a pour objet de revenir sur une disposition adoptée en commission par l'Assemblée nationale, visant à ce que l'autorité organisatrice de transports (AOT) ne puisse pratiquer un tarif supérieur à celui applicable aux autres voyageurs pour les transports à la demande mis en place pour des personnes handicapées.

Ces dispositions soulèvent des difficultés d'interprétation.

S'agissant des transports de substitution, mis en place lorsque la mise en accessibilité du réseau s'avère techniquement impossible, l'article L. 1112-4 du code des transports dispose d'ores et déjà que « le coût de ces transports de substitution pour les usagers handicapés ne doit pas être supérieur au coût du transport public existant ».

S'agissant des autres services de transports spécifiques qui peuvent être mis en place de manière optionnelle par les AOT - par exemple des services de porte-à-porte -, des difficultés d'application risquent d'apparaître. Les AOT pratiquent en effet une tarification spécifique, souvent fonction du nombre de kilomètres parcourus, qui ne peut être aisément comparée à celle applicable aux autres services de transports et qui lui est bien souvent supérieure. Les dispositions adoptées à l'Assemblée nationale sont donc susceptibles d'avoir des conséquences difficilement maîtrisables et de créer une charge pour les AOT, qui pourraient en conséquence délaisser les services optionnels.

La présente proposition de rédaction a donc pour objet de les supprimer.

M. Christophe Sirugue, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'Assemblée nationale a souhaité éviter que les services de transport soient facturés à des tarifs supérieurs au seul motif que les personnes qui en bénéficient sont handicapées. C'est la raison pour laquelle je ne puis être favorable à votre proposition de rédaction en l'état.

M. Philippe Mouiller, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Nous nous rejoignons sur le principe suivant : les transports de substitution ne doivent pas être surfacturés aux personnes handicapées. Mais il ne me paraît pas utile d'étendre ce principe aux services à la demande, qui ne concernent pas uniquement les personnes handicapées.

Mme Bernadette Laclais, députée. - La loi prévoit déjà que les transports de substitution ne puissent être surfacturés aux personnes handicapées. Nous parlons ici de services dont le coût réel est trois à quatre fois supérieur au tarif acquitté par les usagers : lorsqu'un ticket de transport coûte 20 à l'usager, les AOT financent le solde à hauteur de 80. Et le tarif pour les usagers est le même quelle que soit la distance parcourue, dans les limites du ressort de l'AOT. Dans ces conditions, permettre de surtarifer les services aux handicapés, c'est leur imposer une forme de double peine, en leur demandant de financer une partie d'un coût que les autres usagers n'assumeraient pas. Je vous rappelle que pour une agglomération moyenne, le coût du transport assumé par une AOT est de 24 millions d'euros, dont 400 000 pour les personnes handicapées ; multiplier par trois ou quatre le tarif pour les personnes handicapées rapporterait seulement 30 000 euros. Du reste, de nombreuses collectivités ont fait le choix de la gratuité de ces services ; en adoptant votre proposition de rédaction, nous encouragerions donc celles qui, à l'inverse, pratiquent la surtarification.

M. Philippe Mouiller, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Sur le principe, je ne peux qu'être d'accord avec ce qui vient d'être dit. Mais je vous rappelle que, s'agissant des transports de substitution, si l'AOT pratique une surtarification, elle se trouve dans l'illégalité.

M. Gérard Roche, sénateur. - Je souhaite que nous trouvions un accord sur ce point. Le transport à la demande s'adresse à des publics fragiles, à qui il faut éviter la double peine : enfants en difficulté, personnes handicapées, personnes âgées dépendantes. Faute d'accord, je m'abstiendrai sur le vote de cette proposition de rédaction.

M. Christophe Sirugue, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous souhaitons tous que le coût pour l'usager ne soit pas différencié. Cela ne signifie pas que le coût pour l'AOT doit être identique. Nous pouvons nous fixer comme objectif de ne jamais faire subir de surtarification à l'usager.

M. Philippe Mouiller, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je souhaite apporter un complément : le coût pour l'usager ne doit pas être différent pour un service identique.

Mme Martine Carillon-Couvreur, députée. - Il importe en effet de tenir compte des différences de prestation.

Mme Bernadette Laclais, députée. - Un transport de substitution n'est pas un service sur mesure. Laisser penser que les personnes handicapées peuvent utiliser ce type de transport dans les mêmes conditions que les personnes valides est un leurre.

M. Philippe Mouiller, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Sur la base de nos débats, je vous propose donc cette nouvelle rédaction : « L'alinéa 20 est ainsi rédigé : Le coût pour les personnes handicapées des transports à la demande mis en place par une autorité organisatrice de transport ne peut être supérieur à celui applicable aux autres usagers dans un même périmètre de transport urbain. »

M. Christophe Sirugue, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Cette proposition semble résumer parfaitement nos débats.

La proposition de rédaction est adoptée.

M. Jean-Patrick Gille, député, président. - Avant de soumettre l'article 3 ainsi modifié, je donne la parole à M. Dominique Watrin pour explication de vote.

M. Dominique Watrin, sénateur. - Le groupe CRC n'est pas favorable à l'article 3 ainsi amendé, car nous estimons qu'il est trop généreux envers les responsables d'ERP ou de services de transport. Je précise également que je voterai contre les articles 3, 4, 5, 6 et 9. Par cohérence, je voterai contre l'ensemble du texte.

La commission mixte paritaire adopte l'article 3 dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 4

La commission mixte paritaire adopte l'article 4 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 5

M. Christophe Sirugue, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'Assemblée nationale n'a apporté à cet article que des modifications rédactionnelles.

La commission mixte paritaire adopte l'article 5 dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale.

Article 5 bis

M. Christophe Sirugue, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'article 5 bis porte sur le transport scolaire et n'appelle pas de remarque particulière.

M. Dominique Watrin, sénateur. - Nous considérons qu'il s'agit d'un progrès et nous voterons pour cet article.

La commission mixte paritaire adopte à l'unanimité l'article 5 bis dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 7

M. Christophe Sirugue, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'Assemblée nationale n'a apporté à cet article que des modifications rédactionnelles.

La commission mixte paritaire adopte l'article 7 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 8

La commission mixte paritaire adopte à l'unanimité l'article 8 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 9

La commission mixte paritaire maintient la suppression de l'article 9.

M. Jean-Patrick Gille, député, président. - Avant de soumettre l'ensemble du texte aux voix, je donne la parole à M. Gilles Lurton, pour une explication de vote.

M. Gilles Lurton, député. - Comme je l'avais indiqué au début de nos travaux, je m'abstiendrai sur l'ensemble du texte.

M. Philippe Vitel, député. - Je m'associe à la démarche de mon collègue Gilles Lurton.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigé, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l'accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap.

M. Jean-Patrick Gille, député, président. - Mes chers collègues, nous en avons terminé avec nos travaux. Je constate, ce dont je me réjouis, que nous sommes parvenus à élaborer un texte commun, ce qui ne pourra que faciliter l'entrée en vigueur des mesures nécessaires et attendues par nombre de nos concitoyens.

En conséquence, la commission mixte paritaire vous demande d'adopter le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l'accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

La réunion est levée à 11 h 15.