COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mardi 16 juin 2015

- Présidence de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président -

Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au renseignement

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renseignement s'est réunie à l'Assemblée nationale le mardi 16 juin 2015.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, député, président, M. Yves Détraigne, sénateur, vice-président, M. Jean-Jacques Urvoas, député, étant désigné rapporteur pour l'Assemblée nationale, M. Philippe Bas, sénateur, étant désigné rapporteur pour le Sénat.

La commission examine ensuite les dispositions restant en discussion.

M. Philippe Bas, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je souhaiterais faire état de la qualité et de la richesse des échanges que j'ai pu mener avec le rapporteur pour l'Assemblée nationale afin d'aboutir à un texte commun. En effet, ces travaux préparatoires ont permis de parvenir à un accord sur l'ensemble des points restant encore en discussion, les propositions de rédaction communes aux deux rapporteurs ayant vocation à répondre aux interrogations qui subsisteraient.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je confirme que les échanges menés en amont entre les deux rapporteurs permettent d'envisager un accord en commission mixte paritaire d'autant plus facilement que six des huit membres de la délégation parlementaire au renseignement siègent au sein de la commission. L'accord auquel les deux rapporteurs ont travaillé repose sur une triple volonté commune, d'une part, de garantir la constitutionnalité du projet de loi, le président de la République ayant annoncé qu'il saisirait le Conseil constitutionnel, ce qui nous oblige d'autant plus - l'essentiel des précisions ayant été apportées, à cet égard, par le Sénat -, d'autre part, d'assurer le caractère opérationnel des mesures qui seront mises à la disposition des services de renseignement et, enfin, de renforcer l'État de droit. Ce dernier point constitue le « fil conducteur » des travaux de chacune des deux assemblées. Cette exigence se traduit par la création d'un dispositif de contrôle ouvert aux citoyens, dont la mise en oeuvre montrera toute la pertinence et la viabilité.

Je fais toutefois état de deux questions n'ayant pas fait l'objet, à ce stade, de discussions approfondies et d'accord préalable entre les deux rapporteurs. La première a trait à la définition, dans la loi, d'une durée de conservation des données cryptées. La seconde concerne la faculté qui pourrait être reconnue aux services de renseignement, pour des motifs liés à la protection et au maintien de l'ordre public, de pratiquer de mesures de surveillance à l'encontre de personnes de nationalité étrangère, de passage ou résidant temporairement sur le territoire national. De telles interventions, auxquelles le Gouvernement s'était opposé à tort au cours de la discussion du texte, feraient l'objet d'un contrôle ex post par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

Article 1erA

La commission mixte paritaire adopte l'article 1er A dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification rédactionnelle et de l'affirmation du rôle de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), aux côtés du Conseil d'État, dans l'encadrement juridique et le contrôle de l'utilisation des techniques de renseignement.

Article 1er

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je propose d'engager la discussion sur la rédaction adoptée par le Sénat, sous réserve d'y apporter plusieurs modifications. S'agissant tout d'abord des finalités poursuivies par les services de renseignement, je propose de retenir la notion d'intérêts « majeurs », plutôt qu'« essentiels », de la politique étrangère et d'inclure les intérêts « industriels », aux côtés des intérêts économiques et scientifiques de la France qualifiés de « majeurs ». S'agissant ensuite de la composition du deuxième cercle de la communauté du renseignement, je suggère de retenir une solution de sagesse et d'apaisement consistant à revenir à la version initiale du Gouvernement et donc à ne pas y inclure le renseignement pénitentiaire pour deux raisons.

D'une part, l'administration concernée ne serait pas, en l'état, en mesure de s'adapter à une telle évolution. D'autre part, les commissions des lois des deux assemblées ont pris l'engagement de poursuivre la réflexion sur ce sujet. L'expérimentation en cours au centre pénitentiaire de Fresnes - consistant à regrouper en un même lieu les personnes détenues pour une infraction liée au terrorisme - a mis en évidence la nécessité de remédier aux carences du recueil du renseignement dans ce domaine.

M. Philippe Bas, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je confirme ma volonté de poursuivre les travaux sur cette question, à laquelle les délais d'examen du projet de loi relatif au renseignement - sur lequel a été déclarée la procédure accélérée - ne permettaient pas de répondre de manière satisfaisante et immédiate.

M. Guillaume Larrivé, député. - Le compromis auquel sont parvenus les deux rapporteurs me gêne. En effet, l'Assemblée nationale avait su, malgré l'opposition de la garde des sceaux, adopter une rédaction permettant à l'exécutif de mettre en oeuvre un véritable service pénitentiaire du renseignement, appartenant en tant que tel au deuxième cercle de la communauté du renseignement et capable, à ce titre, d'intervenir au sein des 189 établissements pénitentiaires.

Je juge, en outre, paradoxal que le projet de loi traite de la question du renseignement dans l'ensemble des domaines susceptibles d'être concernés, à l'exception notable de la prison, au sein de laquelle doit pourtant s'exercer pleinement la puissance régalienne de l'État.

Cette omission constitue, à mon sens, un déni et le Parlement comme le Gouvernement ne peuvent réellement justifier l'absence d'avancée concrète sur cette question. J'exprime donc mon refus de voter l'article 1er du projet de loi dans la rédaction proposée par les deux rapporteurs.

M. Éric Ciotti, député. - Je partage le point de vue ainsi exprimé par mon collègue, tout en précisant que le compromis auquel sont parvenus les deux rapporteurs emporterait le risque de priver le texte d'une avancée majeure, née de l'initiative convaincante de M. Jean-Jacques Urvoas lors des débats à l'Assemblée nationale et ayant fait, à cette occasion, l'objet d'une très large approbation entre la majorité et l'opposition. J'estime également que ne pas inclure le renseignement pénitentiaire dans la communauté du renseignement à l'occasion du présent texte constitue une erreur au regard de la prégnance de la menace terroriste, qui trouve notamment sa source en milieu carcéral. Les travaux et auditions de la commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, dont j'ai été le président, ont particulièrement mis en lumière l'utilité du renseignement pénitentiaire pour prévenir la radicalisation des personnes détenues. Je déplore donc un tel recul par rapport aux ambitions affichées en première lecture par l'Assemblée nationale, privant ainsi l'administration pénitentiaire de mettre en oeuvre, de sa propre initiative, les techniques de renseignement.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur. - Je suis favorable à la proposition des rapporteurs que je juge sage. Je rappelle qu'un consensus s'est dégagé au sein de la commission des Lois du Sénat sur le fait que le ministère de la Justice ne pouvait, en ce domaine, travailler comme les autres ministères. Un surveillant de prison ne peut pas en effet être un agent de renseignement, sauf à ne plus pouvoir assumer pleinement sa mission principale.

Ce constat ne remet pourtant pas en cause la nécessité du renseignement pénitentiaire - constat auquel est également parvenue la commission d'enquête du Sénat sur les réseaux djihadistes -, bien que la recherche d'une rédaction minutieuse et précise réclame la sage prudence que le compromis proposé par les rapporteurs incarne.

Je suis en outre satisfait du retour au texte de l'Assemblée nationale qui précise que le recours aux techniques de renseignement sera justifié pour défendre les intérêts économiques majeurs de la France, la rédaction du Sénat étant trop large.

M. Jacques Myard, député. - Le débat sur le renseignement en milieu pénitentiaire est ambigu. La proposition de rédaction des rapporteurs ôterait du texte ce sujet essentiel alors que ce milieu constitue une mine de renseignements aussi bien pour lutter contre le terrorisme que contre le crime organisé. Il y aurait une certaine hypocrisie à prétendre ainsi que ces renseignements ne seraient ni recueillis ni exploités. La réalité sera plus forte que les utopies.

M. Philippe Nauche, député. - Le compromis proposé par les rapporteurs concernant le renseignement pénitentiaire préventif me satisfait, dès lors qu'il existe une collaboration entre les services pénitentiaires et la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) qui devra être réexaminée dans une loi spécifique ultérieure.

M. Pascal Popelin, député. - Je partage les regrets exprimés par d'autres membres de la commission quant à la sortie du ministère de la justice du champ des ministères pouvant recourir aux techniques de renseignement. Je ne tire cependant pas de conséquence dramatique de l'adoption de la proposition de rédaction des rapporteurs. La loi aurait pu donner davantage de moyens et de possibilités au ministère de la Justice, mais il ne faudrait pas laisser dire qu'en l'état rien ne se fera en matière de renseignement en prison.

Je regrette la substitution de la notion de « paix publique » à celle de « sécurité nationale », en ce qui concerne les intérêts devant être protégés par le recours aux techniques de renseignement afin de prévenir les violences collectives.

Mme Cécile Cukierman, sénatrice. - Je suis en désaccord avec l'article 1er du projet de loi, que la proposition de rédaction des rapporteurs ne modifie pas substantiellement. Les organisations professionnelles des services pénitentiaires sont défavorables à l'exercice du renseignement en prison en raison de la suspicion qu'une telle fonction ferait porter sur les personnels surveillants. Malgré cette proposition de rédaction, les liens entre les services permettront toujours de recueillir des renseignements en milieu pénitentiaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président - Je constate l'accord global au sein de la commission mixte paritaire sur l'importance du renseignement pénitentiaire et que le désaccord porte sur les moyens à mettre en oeuvre.

M. Philippe Bas, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Il n'y a pas de péril grave à adopter la proposition de rédaction des rapporteurs. Le droit commun s'applique aux détenus qui peuvent faire l'objet de mesures de surveillance mises en oeuvre par les services de renseignement.

L'administration pénitentiaire n'a ni la vocation ni les moyens de recourir aux outils coûteux du renseignement utilisé par la DGSI et le renseignement en prison ne peut s'obtenir que par une collaboration avec d'autres services. Une telle collaboration est aussi le gage d'une continuité du renseignement avec l'extérieur du milieu pénitentiaire.

La proposition de rédaction des rapporteurs est adoptée.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - J'aborde maintenant la question de la surveillance des personnes transitant par notre territoire ; je suis en quelque sorte frustré par le texte résultant des deux lectures.

Je soumets à la commission mixte paritaire une proposition de rédaction tendant à insérer un alinéa dans le nouvel article L. 821-1 du code de la sécurité intérieure afin de permettre au Premier ministre d'autoriser le recours aux techniques de renseignement sans avis préalable de la CNCTR lorsque leur mise en oeuvre ne concerne ni un Français, ni un résident habituel en France.

M. Philippe Bas, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je ne suis pas favorable à cette proposition. L'article L. 821-1 concerne le renseignement sur l'ensemble du territoire national, sans faire la distinction entre les étrangers et les nationaux. Une telle distinction me semble problématique, en particulier au regard de la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Je rappelle l'exigence du respect de la vie privée et je préfère que la commission s'en tienne aux dérogations déjà prévues dans le texte plutôt que d'en ajouter une qui me semble effectivement poser un problème de conformité à la Constitution.

M. Guillaume Larrivé, député. - La proposition du rapporteur pour l'Assemblée nationale ne me paraît en rien contraire à la Constitution, qui n'interdit pas la distinction entre étrangers et nationaux pourvu qu'elle se fonde sur un critère objectif.

Je me demande cependant quels services de renseignement seraient concernés par la proposition de rédaction. La différence proposée entre les étrangers et les résidents habituels en France est floue.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Ma proposition de rédaction ne soulève aucun problème de constitutionnalité. Les jurisprudences du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme reconnaissent toutes deux la possibilité de déroger au principe d'égalité, y compris lorsqu'il s'agit de porter atteinte à l'exercice d'une liberté individuelle, si cette atteinte n'est pas excessive. Dans sa décision du 23 juillet 1996 sur la loi de réglementation des télécommunications, le Conseil constitutionnel a ainsi estimé qu'une différence de traitement, dans ce cadre, était possible. La décision de la Cour européenne Moustaquim contre Belgique du 18 février 1991 précise la notion d'atteinte excessive à l'exercice d'une liberté.

Je ne souhaite pas que la collecte de certains renseignements qui a pu se pratiquer par le passé soit dorénavant interdite et je redoute que tel soit le cas si la commission ne retient pas ma proposition de rédaction.

M. Philippe Bas, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je maintiens ma position. Il s'agit d'une question nouvelle qui apparaît dans les débats législatifs à l'occasion de la réunion de la commission mixte paritaire. J'ajoute que, sans même me prononcer sur le problème de constitutionnalité au fond, il peut y en avoir un s'agissant de la procédure.

La proposition de rédaction du rapporteur de l'Assemblée nationale est adoptée.

Puis, deux propositions de rédaction, communes aux deux rapporteurs, sont adoptées.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je souhaite fait état des solutions de compromis auxquelles les rapporteurs sont parvenus au sujet de la durée de conservation des données collectées.

Il y a deux divergences entre les deux assemblées : la première porte sur la date de début de computation du délai. Je précise que les députés considèrent qu'il faut retenir comme date de début l'exploitation de la donnée, dans la mesure où une donnée collectée inerte n'est pas intrusive. L'intrusion est avérée lorsque l'exploitation de la donnée débute. Je reconnais qu'à compter de ce moment-là, les services doivent agir rapidement puis détruire la donnée. Le Sénat préfère faire débuter le délai au moment du recueil de la donnée.

J'ai entendu les arguments portant sur la constitutionnalité du dispositif, développés par M. Philippe Bas lors d'une réunion de travail, et je pense qu'il est préférable de retenir la solution sénatoriale.

La seconde divergence porte sur les délais de destruction des renseignements collectés. Pour les interceptions de correspondances, les deux assemblées ont retenu le délai de trente jours ; s'agissant des renseignements collectés dans le cadre de la sonorisation de certains lieux et véhicules ou de la captation d'images et de données informatiques, l'Assemblée nationale a fixé le délai à quatre-vingt-dix jours et le Sénat à six mois ; pour les données de connexion, les députés ont retenu un délai de cinq ans et les sénateurs un délai de trois ans.

Il convient de s'exprimer en « jours » et non pas en « mois » et, pour le Groupement interministériel de contrôle, un mois ne correspond pas nécessairement à trente ou trente et un jours.

À partir du moment où la date du recueil de la donnée est retenue pour calculer les délais de conservation, il convient de réétudier les délais fixés par l'Assemblée nationale. L'objectif est de parvenir à un équilibre et le dispositif des interceptions de sécurité, en vigueur depuis plusieurs années, peut servir de référence.

Il faut mettre en place un dispositif respectueux du principe de proportionnalité et lisible et je propose de retenir le délai de trente jours pour les interceptions de correspondances, de cent vingt jours pour les renseignements collectés dans le cadre de la captation d'images ou de données informatiques et de quatre ans pour les données de connexion.

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Pour s'assurer de la réalité du contrôle, il importe de fixer comme point de départ du délai de conservation le recueil des données et pas leur exploitation.

S'agissant des interceptions de sécurité, le Parlement s'incline finalement devant la DGSI, laquelle a obtenu que le délai de conservation soit fixé à trente jours et non pas à dix jours, alors que le Parlement l'a refusé en 2014. Un renseignement non exploité est un renseignement inutile et les délais servent aussi à obliger les services à exploiter les données collectées.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur. - La question du délai de trente jours a soulevé un débat d'ampleur au Sénat et ce délai a été accepté par le groupe socialiste dans la perspective de parvenir à un accord en commission mixte paritaire.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je vous propose une rédaction commune aux deux rapporteurs. Certaines des données que collecteront les services sont cryptées et aucune durée de conservation n'est prévue par le texte. Il peut arriver que le décryptage soit compliqué, la cryptologie étant devenue le principal outil de protection des ennemis des services de renseignement, et puisse n'être réalisé qu'au bout de plusieurs années. Dans certains cas, les codes sont décryptés momentanément, la donnée se recryptant ensuite automatiquement.

J'étais initialement favorable, à l'instar de M. Philippe Bas, à ce que le délai de conservation de ces données soit fixé à quatre ans mais les services m'ont fait valoir qu'il était préférable de fixer le délai entre six et huit ans, compte tenu de la complexité des opérations.

M. Philippe Bas, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Les services de renseignement ne sont pas tant intéressés par les données cryptées que par le cryptage et travailler sur le cryptage implique de conserver les données. En l'état du texte, les données cryptées seraient les seules à ne pas faire l'objet d'un délai de conservation et cela peut constituer une fragilité d'ordre constitutionnel.

Mes réticences portent sur la durée proposée, le Gouvernement ne souhaitant pas que le délai de quatre ans s'applique à la conservation des données cryptées. Je ne dispose, en la matière, que de l'expertise des services et la question, posée tardivement, n'a pu faire l'objet d'un examen approfondi. Il est envisageable de retenir le délai de six ans proposé par M. Jean-Jacques Urvoas, mais j'appelle les membres de la commission mixte paritaire à s'exprimer sur le sujet.

M. Jean-Pierre Raffarin, sénateur. - Je suis favorable à l'établissement d'une durée de conservation des données cryptées qui soit supérieure à la durée de quatre ans. Le décryptage se fait parfois en dehors du service et fait qu'un délai supplémentaire apparaît donc nécessaire. Le délai de six ans semble raisonnable.

M. Pascal Popelin, député. -  Je suis également favorable à la fixation d'un délai supérieur à quatre ans. Je remarque que, face à la montée en puissance des techniques de cryptage, il conviendrait plutôt de retenir le délai de huit ans.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur. - L'essentiel est de fixer un délai afin de se prémunir contre une censure du Conseil constitutionnel. J'estime que le délai de six ans constitue un bon délai de compromis.

M. Jacques Myard, député. - Les techniques de cryptage sont de plus en plus sophistiquées et nos services auraient certainement des difficultés croissantes à décrypter certaines données à l'avenir. Je suis opposé à l'établissement d'un délai, car j'estime qu'il n'existe pas de difficulté de nature constitutionnelle.

Mme Cécile Cukierman, sénatrice. - Je reconnais que les dispositions de la loi pourraient être contournées. Je suis favorable à l'établissement d'un délai et j'insiste sur la nécessaire transparence du dispositif, mais je m'abstiendrai dans le cadre du vote sur la proposition de rédaction.

M. Philippe Nauche, député. - Une fois décryptées, les données anciennement cryptées entreront dans le champ d'application des règles de droit commun. En ce qui concerne les données cryptées, je me rangerai à l'avis de la commission mixte paritaire mais je ne vois pas l'intérêt de fixer un délai.

M. le président Jean-Yves Le Bouillonnec. - Il est difficile d'admettre l'absence de tout délai. J'ai le sentiment que la durée de six ans semble devoir être retenue et je propose que la proposition de rédaction soit rectifiée dans ce sens.

La proposition de rédaction rectifiée a été adoptée.

Puis deux propositions de rédaction, communes aux deux rapporteurs, ont été adoptées.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La seconde de ces propositions de rédaction a pour objet d'apporter une précision à l'article L. 832-3 du code de la sécurité intérieure.

M. Guillaume Larrivé, député. - Il y a, en l'espèce, deux modifications par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale : d'une part, une réduction du format de la CNCTR ; d'autre part, la création d'une formation restreinte au sein de cette commission.

Dès lors que le choix a été fait de distinguer la formation plénière de la formation restreinte, il aurait été cohérent d'accepter que la formation plénière soit très large. Je remarque que la coexistence d'une formation plénière plus large et d'une formation restreinte opérationnelle était tout à fait envisageable et je regrette qu'une telle solution n'ait pas pu voir le jour.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je ne vois aucune difficulté à ce que la CNCTR soit composée de treize membres, comme l'avait souhaité en première lecture le président du groupe UMP à l'Assemblée, M. Christian Jacob. Par souci du compromis, je me rallie toutefois à la position des sénateurs en faveur d'une commission de neuf membres.

Puis, la proposition de rédaction a été adoptée, ainsi qu'une autre, des mêmes auteurs.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je souhaite exclure expressément du rapport public de la CNCTR les éléments de nature à mettre en cause le secret de la défense nationale ou les procédures ou les méthodes opérationnelles des services de renseignement.

Mme Cécile Cukierman, sénatrice. - Une prudence excessive aboutirait à affaiblir la portée du rapport.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Les rapports publics ne sont jamais inutiles, comme par exemple ceux de l'actuelle Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

La proposition de rédaction a été adoptée.

La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'article premier ainsi modifié.

Article 1er bis A (nouveau) (tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution) : Commission compétente pour la désignation du président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement

La commission mixte paritaire a adopté l'article premier bis A dans la rédaction du Sénat.

Article 1er bis (art. 323-1, 323-2, 323-3 et 323-4-1 du code pénal) : Aggravation des peines d'amendes encourues en cas d'atteinte à un système de traitement automatisé de données (STAD)

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - L'article premier bis voté par l'Assemblée nationale, prévoyant le relèvement des sanctions pénales encourues par les auteurs d'atteintes à des systèmes de traitement automatisé de données, ne présente pas d'utilité au regard du montant des peines d'amende prononcées par les juridictions.

La commission mixte paritaire a adopté l'article premier bis dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 2 (art. L. 851-1, L. 851-3, L. 851-4, L. 851-5, L. 851-6, L. 851-8, L. 851-9, L. 851-9-1, L. 851-10, [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Techniques de recueil de renseignement

La commission mixte paritaire a adopté l'article 2 modifié par quatre propositions de rédaction communes aux deux rapporteurs.

Article 3 (art. L. 853-1, L. 853-2, L. 853-3, L. 854-1 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Techniques de recueil de renseignement

La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'article 3 modifié par une proposition de rédaction commune aux deux rapporteurs.

Article 3 bis (art. L. 855-1, L. 855-2, L. 855-3, L. 855-4, L. 854-1-1, L. 855-5 et L. 855-6 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Protection des agents des services de renseignement

La commission mixte paritaire a adopté l'article 3 bis modifié par deux propositions de rédaction communes aux deux rapporteurs.

Article 3 ter (art. 694-4-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Entraide judiciaire dans les cas où les services de renseignement sont susceptibles d'être en cause

Elle a adopté l'article 3 ter dans la rédaction du Sénat, sous réserve de plusieurs modifications rédactionnelles.

Article 4 (art. L. 311-4 [nouveau] et L. 773-1 à L. 773-7 [nouveaux] du code de justice administrative) : Contentieux de la mise en oeuvre des techniques de renseignement

M. Pascal Popelin, député. - Je regrette que l'article 4 prévoie une habilitation ès qualités au secret de la défense nationale des membres du Conseil d'État chargés du contentieux de la mise en oeuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation. Il m'aurait semblé préférable que ceux-ci fassent, comme les autres magistrats, l'objet d'une enquête de sécurité. Je propose de rédiger en ce sens les dispositions pertinentes de l'article L.773-2 du code de justice administrative.

M. Philippe Bas, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale et celui adopté par le Sénat concordent sur ce point. Je remarque que les membres de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité et ceux de la Délégation parlementaire au renseignement bénéficient également d'une habilitation ès qualités. Il serait gênant que le Premier ministre puisse retirer une habilitation aux membres du Conseil d'État statuant sur un recours auquel l'État est partie.

M. Jean-Pierre Raffarin, sénateur. - Je partage le sens des propos de M. Pascal Popelin, et je suis soucieux de conserver tout son sens au secret défense. Le Conseil d'État a la possibilité de confier ce contentieux à des magistrats déjà habilités, au titre d'autres fonctions qu'ils auraient exercées. Cependant, je me rallie à la position adoptée par le Sénat.

M. Pascal Popelin, député. - J'objecte à l'argument selon lequel le Gouvernement qui habilite au secret de la défense nationale pourrait influer sur la composition de la formation restreinte chargée de le contrôler que, comme toute décision administrative, le refus d'habilitation insuffisamment motivé est susceptible d'être contesté devant le Conseil d'État.

M. Jacques Myard, député. - Je suis sensible aux arguments de constitutionnalité développés par M. Philippe Bas, mais je précise que la composition de la formation restreinte est proposée par le vice-président du Conseil d'État afin de veiller à ce que les magistrats qui y siègeront soient véritablement impartiaux.

M. Guillaume Larrivé, député. - Le texte soumis au vote comporte déjà une restriction prévoyant expressément que seuls les membres du Conseil d'État participant à la formation restreinte sont, en cette qualité, habilités au secret de la défense nationale. Pour le reste, j'estime nécessaire que l'on s'en tienne au principe simple selon lequel le contrôleur ne peut pas être choisi par le contrôlé.

La commission mixte paritaire s'en est tenue aux modifications proposées par les rapporteurs et leur proposition de rédaction a été adoptée.

La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 (art. L. 861-1, L. 861-2 et L. 861-3 du code de la sécurité intérieure [nouveaux]) : Surveillance et contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne, obligations à la charge des opérateurs

La commission mixte paritaire a adopté l'article 5 dans la rédaction du Sénat.

Article 6 (art. L. 871-1, L. 871-2, L. 871-3 et L. 871-4 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Obligations des opérateurs et des prestataires de services de communication électronique

La commission mixte paritaire a adopté l'article 6 dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 7 (titre VIII [nouveau] du livre VIII [nouveau], art. L. 881-1 et L. 881-2 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Dispositions pénales

La commission mixte paritaire a adopté l'article 7 dans la rédaction du Sénat, sous réserve de porter à 150 000 euros le montant de l'amende susceptible d'être prononcée contre une personne qui ne fournit pas aux autorités habilitées les conventions permettant le déchiffrement des données transformées au moyen des prestations de cryptologie.

Article 8 (titre IX du livre VIII, art. L. 895-1, L. 895-2, L. 896-1, L. 896-2, L. 897-1 et L. 898-1 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Application outre-mer du livre VIII du code de la sécurité intérieure

La commission mixte paritaire a adopté l'article 8 dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 8 bis (art. L. 285-2, L. 286-2 et L. 287-2 du code de la sécurité intérieure) : Références pour l'application outre-mer du livre II du code de la sécurité intérieure

La commission mixte paritaire a adopté l'article 8 bis dans la rédaction du Sénat.

Article 9 (art. L. 561-26 et L. 561-29 du code monétaire et financier, art. L. 1631-3 [nouveau] du code des transports) : Droit d'obtention d'informations du service « traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins » (TRACFIN) auprès des entreprises de transport et des opérateurs de voyage ou de séjour

La commission mixte paritaire a adopté l'article 9 dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 10 (art. 323-8 [nouveau] du code pénal) : Excuse pénale pour des atteintes portées à des systèmes d'information hors du territoire national

La commission mixte paritaire a adopté l'article 10 dans la rédaction du Sénat.

Article 11 (art. 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés) : Contentieux du droit d'accès indirect à certains fichiers de souveraineté

La commission mixte paritaire a supprimé l'article 11.

Article 11 bis (art. 74-2 et 706-16, arts. 706-25-3 à 706-25-14 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Création du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes

M. Jean-Jacques Urvoas, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il convient de préciser que les personnes faisant l'objet d'une décision judiciaire pour infraction terroriste ou d'une interdiction administrative de sortie du territoire ne soient inscrites au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT) que sur décision d'une juridiction ou du procureur de la République.

La proposition de rédaction, commune aux deux rapporteurs, a été adoptée.

M. Philippe Bas, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Les personnes condamnées pour des actes de terrorisme avant l'entrée en vigueur de la loi ne peuvent pas être automatiquement inscrites au FIJAIT mais seulement sur décision du procureur de la République.

La proposition de rédaction, commune aux deux rapporteurs, a été adoptée.

La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'article 11 bis ainsi modifié, sous réserve de modifications de précision et rédactionnelles.

Article 11 ter (nouveau) (art. L. 234-4 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Accès des services de renseignement à certains fichiers

La commission mixte paritaire a adopté l'article 11 ter, sous réserve de modifier la liste des services qui peuvent avoir accès au traitement d'antécédents judiciaires dans le cadre de leur mission de renseignement et les finalités pour lesquelles cet accès est possible.

Article 13 (art. 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) : Délégation parlementaire au renseignement

La proposition de rédaction n° 18 de coordination a été adoptée.

La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'article 13 ainsi modifié, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 13 bis A (nouveau) (art. 6 decies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) : Habilitation ès qualités au secret de la défense nationale du président, du rapporteur général et de certains rapporteurs spéciaux des commissions permanentes chargées des finances.

La commission mixte paritaire a supprimé l'article 13 bis A.

Article 13 bis (art. L. 4211-1 et L. 4241-2 du code de la défense) : Recours à la réserve opérationnelle et à la réserve citoyenne

La commission mixte paritaire a adopté l'article 13 bis, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 14 (titre IV du livre II, arts. L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1, art. L. 855-2 [nouveau] du code de la sécurité intérieure, art. L. 2371-1 du code de la défense, titre VII du livre III de la deuxième partie du code de la défense et arts. L. 2431-1, L. 2441-1, L. 2451-1, L. 2461-1 et L. 2471-1 du code de la défense, art. 413-13 du code pénal) : Coordinations

Deux propositions de rédaction de coordination ont été adoptées.

La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'article 14 ainsi modifié.

Article 15 : Application en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna

Une proposition de rédaction de coordination a été adoptée.

La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'article 15 ainsi modifié, sous réserve d'une modification de précision.

Article 15 ter (nouveau) : Dispositions transitoires relatives aux interceptions de sécurité

Une proposition de rédaction, commune aux deux rapporteurs, visant à transférer l'ensemble des mesures transitoires à l'article 16, a été adoptée. En conséquence, la commission mixte paritaire a supprimé l'article 15 ter.

Article 16 : Entrée en vigueur de la loi relative au renseignement

M. Jean-Jacques Urvoas, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il convient de prévoir une mise en application progressive de la loi qui doit entrer pleinement en vigueur au plus tard le 31 mars 2016. Cette échéance peut paraître lointaine mais elle s'explique, d'une part, par les délais d'installation extrêmement longs de la CNCTR, nécessaires à la désignation des magistrats et de la personnalité qualifiée appelés à siéger en son sein et surtout à la mise en oeuvre de la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution pour la désignation de son président, et, d'autre part, par le temps nécessaire à la publication du décret en Conseil d'État prévu au nouvel article L. 851-1 du code de la sécurité intérieure. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire, dans cet intervalle, d'organiser la continuité de l'actuelle CNCIS. Je précise enfin que cette disposition est essentiellement inspirée par la prudence mais que l'objectif demeure une entrée en vigueur au 1er janvier prochain.

La proposition de rédaction, commune aux deux rapporteurs, a été adoptée.

La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'article 16 ainsi modifié.

Article 17 (nouveau) : Évaluation de la loi

La proposition de rédaction, commune aux deux rapporteurs, visant à la simplification de la rédaction de cet article a été adoptée.

La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'article 17 ainsi modifié.

Puis, la commission mixte paritaire a adopté, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi.