Jeudi 28 mai 2015

- Présidence de M. Jean Bizet, président, et de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication -

La réunion est ouverte à 9 heures

Culture - Table ronde, conjointe avec la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, sur la culture face au défi numérique

M. Jean Bizet, président. - Bienvenue, et merci d'avoir répondu à notre invitation. Le numérique bouleverse nos habitudes, en particulier dans le domaine de la culture. La digitalisation de l'économie du XXIsiècle est en marche, vouloir ne pas en prendre conscience serait une erreur fondamentale. C'est pourquoi, avec Mme Catherine Morin-Desailly, nous avons organisé cette table ronde.

La protection de la propriété intellectuelle est au coeur des préoccupations, à l'heure où les modèles économiques sont bousculés par le numérique. La construction du marché unique numérique est à l'ordre du jour pour répondre à ces enjeux. Nous avons rencontré M. Andrus Ansip, vice-président de la Commission européenne, chargé du marché unique numérique, à Strasbourg la semaine dernière, et le directeur général en charge de l'économie et de la société numériques, M. Robert Madelin, hier après-midi au Sénat.

La Commission européenne a présenté, le 6 mai, ses propositions pour la stratégie numérique. Qu'en pensez-vous ? Le Sénat a beaucoup travaillé sur cette question. Dans un rapport de mars 2013, au nom de notre commission des affaires européennes, Mme Catherine Morin-Desailly avait relevé qu'une approche par les seuls usages manquait d'envergure politique : l'Union européenne doit aussi être productrice sur le marché unique numérique. La coopération franco-allemande pourrait jouer un rôle important à cette fin. Rencontrant régulièrement les membres de la CDU-CSU, je constate désormais une forte convergence sur ce thème, qui pourrait compenser l'éloignement croissant de nos positions sur la politique agricole commune.

Nous nous préoccupons de la perte de souveraineté de l'Union européenne sur ses données. Nous devons veiller à préserver la diversité de la culture européenne en ligne. C'est donc, à nos yeux, un véritable enjeu de civilisation qui se joue dans le monde numérique. La stratégie numérique permettra-t-elle d'y répondre ?

Dans un rapport plus récent, au nom d'une mission d'information qu'elle a animée avec M. Gaëtan Gorce, Mme Catherine Morin-Desailly avait plaidé pour une réforme de la gouvernance de l'Internet. L'Europe doit promouvoir un Internet conforme aux valeurs démocratiques et aux droits et libertés fondamentaux. Qu'en pensez-vous ?

Nous nous préoccupons également du rôle des grandes plateformes, dont l'influence est de plus en plus importante dans l'économie. Elles occupent une position dominante, qui leur permet d'imposer leur vues à des PME sous-traitantes. Ressentez-vous cette situation dans vos activités ? Je constate que ces plateformes sont bousculées par l'emprise des réseaux sociaux, où un propos discourtois peut avoir un retentissement important. Enfin, le numérique offre l'occasion de promouvoir un principe d'innovation qui contrebalancerait le principe de précaution qui s'est imposé de façon souvent excessive. Partagez-vous ce point de vue ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Le Sénat s'intéresse depuis longtemps à la mutation numérique, notamment au travers de sa commission des affaires européennes, comme l'a rappelé M. Jean Bizet, lorsqu'elle était présidée par M. Simon Sutour, ici présent, que je remercie.

La Commission européenne du président Juncker a fait de la construction d'un marché européen unique du numérique l'une de ses priorités, portée par le vice-président Ansip et le commissaire Oettinger. Cette proposition est concomitante d'une réforme du droit d'auteur, dont le caractère d'urgence est sujet à caution, tout comme sa nécessité réelle au regard de l'objectif de marché unique du numérique. De fait, en France, comme en Italie ou en Allemagne, artistes, producteurs et distributeurs ont fait état de leurs craintes que l'écosystème fragile du financement de la création européenne ne soit mis à mal au profit, in fine, des grands acteurs américains de l'Internet peu soucieux de notre diversité culturelle.

Convaincue que l'Europe ne pouvait faire fi d'un droit plusieurs fois centenaire, auquel nous devons la richesse de nos arts, notre commission de la culture a engagé aux mois de mars et avril un cycle d'auditions sur ce thème, afin de prendre la mesure du risque annoncé et de rencontrer les acteurs concernés, dont l'inquiétude était alors à son paroxysme en raison de la publication du pré-rapport de la députée européenne Julia Reda en faveur de l'extension du champ des exceptions et de la suppression de la territorialité des droits.

Nous avons reçu M. Pierre Sirinelli, professeur à l'Université Paris I-Panthéon Sorbonne et membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), mais également les représentants des sociétés françaises de gestion collective des droits. Ces interlocuteurs nous ont unanimement fait part de leurs inquiétudes quant à une modification des équilibres actuels, qui passerait outre une négociation avec les représentants des ayants droit et une réflexion sur le rôle des intermédiaires techniques. Ils ont tous appelé de leurs voeux une révision concomitante, voire préalable, de la directive relative au commerce électronique.

Enfin, nous avons pu nous entretenir avec Mme Julia Reda des conclusions de son rapport d'initiative. La rencontre fut cordiale, malgré les divergences de fond qui furent à cette occasion confirmées.

La mobilisation sans précédent des acteurs de la culture, des gouvernements et des parlementaires nationaux et européens est parvenue à modérer les velléités de la Commission à l'encontre de la propriété littéraire et artistique, telle que nous la concevons. Le contenu du marché européen unique du numérique présenté par le président Juncker le 6 mai, comme la tribune du commissaire Oettinger parue dans Le Monde du 14 mai dernier paraissent constituer, à cet égard, des éléments rassurants et constructifs. Il n'en demeure pas moins qu'il convient de rester vigilants, attentifs à ce que les prochaines étapes, notamment les discussions à venir sur l'interopérabilité des contenus et la territorialité des droits, n'aboutissent pas à des accords trop déséquilibrés pour le financement de nos industries culturelles. Nous avons, dans ce but, maintes fois appelé les acteurs à se fédérer au niveau européen pour pouvoir peser auprès de la Commission européenne.

M. Yvon Thiec est le délégué général d'Eurocinéma, qui est l'association européenne des producteurs de cinéma et de télévision.

M. Yvon Thiec, délégué général d'Eurocinéma. - Je suis honoré de votre invitation. La communication de la Commission européenne relative à l'achèvement du marché numérique est indigente. L'objectif premier est manifestement de faciliter l'accès par les consommateurs, sans que ceux-ci soient suffisamment définis : s'agit-il d'utilisateurs européens ou étrangers ? Votre rapport, opportunément intitulé L'Union européenne, colonie du monde numérique ? avait bien vu la question.

Les start-ups, leviers du monde numérique, ne sont évoquées qu'en dernière partie de la communication de la Commission, alors qu'elles devraient y être traitées en priorité. Les 21 milliards d'euros qui seront consacrés à l'investissement, répartis entre 28 pays sur une durée de cinq ans, constituent un budget bien insuffisant. Si l'objectif est de faire du marché unique européen du numérique un levier de croissance, M. Juncker aurait été avisé de s'inspirer du plan de relance conçu il y a vingt ans par M. Delors. À une époque de dépression économique, celui-ci avait publié trois cents directives extrêmement précises. L'effet sur les industriels, sur les entreprises, sur la presse aussi, avait été considérable, et ce plan avait relancé tout à la fois l'Europe et son économie. Par comparaison, la presse a très peu commenté la communication de M. Juncker...

Sur la portabilité des contenus, la Commission n'a pas grand-chose à faire, puisque celle-ci relève de la faculté des opérateurs à donner, sur une base contractuelle, l'accès transfrontalier à certains abonnés. En acceptant que la territorialité reste le modèle économique des droits audiovisuels, la Commission ne fait qu'entériner la jurisprudence de la Cour de Justice, qui a encore été confirmée dans son dernier arrêt et qui prend acte des pratiques actuelles. Finalement, la réforme du droit d'auteur sera limitée : la Commission n'envisage plus que deux exceptions harmonisées et probablement obligatoires, pour la recherche sur bases de données et pour l'enseignement. La première pose toutefois un problème de principe : pourquoi créer une exception pour faciliter l'usage commercial ? Je ne sais pas si la Commission est consciente de la limite qu'elle pose ainsi à l'exercice du droit d'auteur, alors même qu'il est mieux sécurisé à l'échelle internationale.

La clarification des règles applicables aux activités intermédiaires concernant les oeuvres protégées par le droit d'auteur est bienvenue, même si elle est présentée de manière discontinue dans le texte. Enfin, l'amélioration des moyens de lutte contre la piraterie est une bonne chose. Le colloque organisé par la ministre de la culture et de la communication à Cannes, auquel le Premier ministre a participé, a bien montré qu'il s'agit d'une priorité. La directive de 2004 sur la mise en oeuvre des droits de propriété intellectuelle avait fait l'objet d'un rapport utile du Sénat, qui pointait le manque de cohérence entre États membres dans sa transposition. Adoptée après une seule lecture, avant l'élargissement, elle offre trop de portes de sorties, ce qui en affaiblit la portée juridique.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - M. Pierre Dutilleul est président de la Fédération des éditeurs européens (FEE), association qui regroupe 27 associations nationales d'éditeurs de livres dans l'Union européenne et l'Espace économique européen.

M. Pierre Dutilleul, président de la Fédération des éditeurs européens (FEE). - Depuis le week-end dernier, 28 ! Merci pour votre invitation. La FEE ne peut que se réjouir de la volonté de la Commission d'aider les entreprises européennes à élargir leur marché. Mais il ne faudrait pas que le rapport Reda ait été envoyé comme épouvantail, pour que la communication du 6 mai et les étapes suivantes nous paraissent, par contraste, innocentes. Nous souhaiterions même que cette réforme soit plus ambitieuse pour l'interopérabilité, qui handicape beaucoup notre secteur. Ceux qu'on appelle les Gafa se protègent de la concurrence en adoptant un format propriétaire : si l'on achète leur liseuse, on ne peut plus acquérir d'ouvrages qu'auprès d'eux.

Les éditeurs sont des innovateurs. Depuis plus de vingt ans, ils ont intégré la technologie dans le processus éditorial et ils mettent sur le marché des ouvrages innovants. Ils sont le premier investisseur de la chaîne du livre, par les à-valoir qu'ils versent à l'auteur...

M. André Gattolin. - Pas à tous !

M. Pierre Dutilleul. - En Europe, le financement des livres dépend très peu des subsides publics, sauf pour certaines traductions, grâce, en France, à l'action du Centre national du livre et du ministère de la culture et de la communication. L'édition se finance donc presque exclusivement par les ventes d'ouvrages, dont 4 % à destination des collectivités et 96 % aux particuliers. Le chiffre d'affaires de ce secteur en Europe, qui emploie 135 000 personnes, s'élève à 24,3 milliards d'euros.

Nous dépendons peu de la territorialité des droits car notre exploitation repose sur la langue. Lorsque nous signons un contrat avec un auteur, nous disposons, le plus souvent, de droits mondiaux. Si nous trouvons des lecteurs dans un pays de langue différente, nous passons alors un contrat avec un éditeur de ce pays, qui se charge de la traduction et de la distribution de l'ouvrage.

Si nous ne sommes plus à même d'investir dans des ouvrages de qualité, la diversité culturelle s'en trouvera mise à mal. Certes, les enseignants doivent continuer à utiliser des extraits de livres scolaires pour enrichir leurs cours et les bibliothèques doivent offrir l'accès au livre numérique, mais dans un esprit de collaboration, au travers de licences négociées individuellement ou collectivement, qui rémunéreront le travail de l'auteur, de l'éditeur et du libraire.

Le livre est une pierre angulaire de notre culture européenne. Soyons donc vigilants face à des exceptions qui, pour compenser des lacunes budgétaires, mettraient en danger notre secteur.

Dans les propositions de la Commission, on perçoit nettement l'ombre des intermédiaires techniques, indispensable mais jouissant souvent d'une position dominante. Voulons-nous d'une Europe dans laquelle les oeuvres de l'esprit seraient une simple commodité ? Si les exceptions sont compensées, au mieux, par une rémunération forfaitaire, quel auteur, quel éditeur pourra encore vivre de son métier ? Je vous demande d'envoyer à la Commission un message sans ambiguïté : oui, tous les éditeurs souhaitent un grand marché numérique unifié et ils prendront leurs responsabilités. Mais celui-ci ne doit pas être réalisé aux dépens des industries culturelles. Les éditeurs feront en sorte que leurs ouvrages soient accessibles dans les bibliothèques, comme c'est déjà le cas en France grâce au projet de prêt numérique en bibliothèque expérimenté dans quatre bibliothèques-tests, à Montpellier, Aulnay-sous-Bois, Dijon et Orléans. Un tel prêt à distance doit toutefois être encadré : les pays scandinaves regrettent à présent de lui avoir donné une trop grande extension.

Sur la fiscalité du livre numérique, la France est un pays précurseur. L'Europe modifiera, je l'espère, sa position puisque la Commission a annoncé sa volonté d'examiner les taux applicables. Développer un marché numérique avec des taux aussi différents qu'ils le sont actuellement relèvent de la gageure. Le législateur européen n'a pas inclus le livre dans une liste de biens et services pouvant bénéficier d'un taux réduit de TVA pour favoriser l'utilisation du papier, mais bien pour inciter à la lecture. Il convient donc d'aligner le taux applicable aux livres numériques sur celui applicable au livre papier. À nous de conquérir ce Far West numérique : même si nous avons déjà perdu la guerre du hardware et du software, nous pouvons gagner celle de la diversité culturelle !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Nous avons perdu une bataille, nous n'avons pas perdu la guerre ! Mme Véronique Desbrosses est directrice générale du Groupement européen des sociétés d'auteurs et compositeurs (GESAC), qui regroupe 33 des plus grandes sociétés d'auteurs de l'Union européenne, d'Islande, de Norvège et de Suisse.

Mme Véronique Desbrosses, directrice générale du Groupement européen des sociétés d'auteurs et compositeurs (GESAC). - Merci de votre invitation. Le GESAC représente désormais 34 sociétés d'auteurs, qui rassemblent plus d'un million d'auteurs et d'ayants droit et perçoivent près de cinq milliards d'euros par an, soit 60 % des perceptions dans le monde. En 2013, ce sont 4,3 milliards d'euros qui ont ainsi été répartis entre environ 500 000 auteurs ou ayants droit. L'apport des sociétés d'auteur au financement de projets culturels est considérable : en 2013, elles y ont consacré plus de 207 millions d'euros, soit 3,5 fois plus que l'Union européenne...

C'est dire combien notre modèle de gestion collective du droit d'auteur est vertueux ! Les industries culturelles et créatives représentent 4,2 % du PIB de l'Union européenne et y sont le troisième employeur, derrière le secteur de la construction et celui de la restauration. Employant surtout des jeunes et résistant bien à la crise, elles constituent un atout majeur pour l'Europe. M. Obama a déclaré que l'industrie américaine détenait Internet, l'Asie du Sud-Est est chef de file pour l'électronique grand public... Mais l'Europe est sans doute leader pour les industries culturelles et créatives.

Or ces industries culturelles et créatives ont un écosystème fragile, qui dépend très largement du respect de la propriété intellectuelle et du droit d'auteur. Nous sommes donc très attentifs à la stratégie européenne en matière numérique dévoilée le 6 mai. Elle nous a déçus : la culture n'y est pas reconnue comme un enjeu majeur. Au lieu d'un grand agenda européen de la culture, l'on n'y trouve qu'un saupoudrage de mesures éparses.

S'agissant du droit d'auteur, nous sommes néanmoins assez satisfaits. Les propositions sont très ciblées, alors que le rapport de Mme Reda laissait craindre une remise à plat du système, que beaucoup semblent souhaiter à Bruxelles et qui aurait été tragique pour nos industries. Nous devons être vigilants, cela dit, car la Commission peut toujours avancer d'autres propositions.

Autre motif de satisfaction : la question des activités des intermédiaires dans les domaines protégés par les droits d'auteur fera l'objet d'une proposition législative à la fin de l'année. C'est exactement ce que le GESAC demandait, car ces opérateurs captent de plus en plus de valeur, effectuent des actes couverts par le droit d'auteur et ont connaissance des contenus qu'ils diffusent. Or ils s'abritent derrière une interprétation du régime d'exemption de responsabilité prévu par la directive de 2000 sur le commerce électronique pour estimer qu'ils ne sont pas responsables du contenu qu'ils véhiculent et s'extraire de toute obligation de rémunération des ayants droit. Nous devons donc modifier la loi, en nous concentrant sur la modification du droit d'auteur. Ces opérateurs assèchent la rémunération des auteurs, font concurrence aux plateformes qui respectent le droit d'auteur et réduisent la diversité culturelle. De plus, ils empêchent les artistes de disposer de la diffusion de leurs oeuvres, puisque ceux-ci ne peuvent plus en interdire l'accès.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Mme Olivia Regnier dirige le bureau bruxellois de la Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI), qui représente 1 300 acteurs de l'industrie phonographique dans le monde. Ce bureau s'attache à défendre les intérêts de l'industrie du disque dans l'Union européenne en ce qui concerne la protection des droits d'auteur, l'octroi de licences, la réglementation sur internet et le commerce international.

Mme Olivia Regnier, directrice régionale du bureau européen et du Conseil régional européen de la Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI). - Merci pour votre invitation. Le marché de la musique en Europe est assez stable. Il est numérique à 35 % et physique pour 50 %, 12 % sont constitués par l'exécution publique et par les radios. Par comparaison, il est numérique à plus de 50 % aux États-Unis. Il y a toutefois de forts contrastes entre les pays d'Europe : le marché physique domine encore en France et en Allemagne, où il représente respectivement 57 % et 70 % du total, quand dans les pays scandinaves, le marché numérique constitue 70 % de l'ensemble. Les répertoires national et européen y sont très présents : la musique en Europe est une musique européenne. En 2004, le marché numérique représentait 1 %, pour un million de titres dans six pays. Il atteint en 2014 35 %, pour 43 millions de titres proposés par deux cents services numériques. Il existe donc un vrai marché digital pour la musique.

Mais en dix ans, les revenus de l'industrie ont diminué de 30 %, passant de 16 à 18 milliards d'euros à 11 milliards d'euros environ. C'est la conséquence de la chute du marché physique, de la piraterie numérique, mais aussi d'un problème de monétisation de la musique : les revenus du téléchargement diminuent, ce que le streaming, qui domine le marché, ne compense pas. Jamais la musique n'a été aussi populaire : Spotify a plus de 140 millions d'utilisateurs et YouTube, un milliard, dont environ 70 % pour la musique. Mais les revenus ne suivent pas. En effet, certaines plates-formes offrent du contenu, attirent ainsi des utilisateurs, créent de la valeur mais ne rémunèrent pas les secteurs créatifs. Ainsi, YouTube s'est transformé en une plateforme de distribution de contenu mais se prétend simplement hébergeur. Sur ce fondement, il refuse d'entrer en négociation avec les ayants droit pour obtenir des licences sur la base du droit d'auteur. Ce problème se pose aussi dans d'autres secteurs, par exemple avec GoogleNews ou GoogleImage. Il convient, en conséquence, de clarifier le statut juridique de certaines plates-formes, qui ne sont pas des intermédiaires mais des acteurs pleins et entiers du marché des contenus, tombant donc sous le coup du droit d'auteur.

Nous nous intéressons de près à la stratégie numérique de la Commission européenne, notamment aux parties qui concernent le droit d'auteur et le rôle des intermédiaires. Même si certaines mesures sont encore vagues, nous sommes satisfaits que l'approche du droit d'auteur soit ciblée et parte de la territorialité, qui reste importante dans nos secteurs. Ainsi, dans certains pays au niveau économique plus faible, nous pouvons offrir des services à des prix plus accessibles : la territorialité est au service de la culture. La stratégie digitale de la Commission inclut aussi la question du transfert de valeur, et nous nous en réjouissons. Elle insiste sur la nécessité de protéger les droits : un tiers des utilisateurs d'Internet fréquente des sites illégaux, malgré l'abondance d'offres légales. Nous espérons des mesures plus efficaces de lutte contre la piraterie, tenant notamment compte du rôle des intermédiaires.

La France joue un rôle essentiel dans les discussions européennes : elle est le leader européen de la protection des secteurs culturels. Nous soutenons donc le programme européen du gouvernement français, qui défend la culture mais aussi son économie.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Mme Sabine Ozil-Quintas représente l'Association des éditeurs de journaux et de presse (ENPA), organisation internationale à but non lucratif qui défend les intérêts des éditeurs de journaux et de médias d'information en Europe. L'ENPA comprend 32 associations issues des États membres de l'Union européenne, ainsi que de la Norvège, de la Suisse et de la Serbie. L'ensemble de ses membres représente quelque 5 200 titres de journaux nationaux, régionaux et locaux, publiés à travers l'Europe, soit plus de 150 millions de journaux imprimés vendus et lus par plus de 300 millions d'Européens chaque jour.

Mme Sabine Ozil-Quintas, représentante de l'Association des éditeurs de journaux (ENPA). - Merci pour votre invitation. Je représente le syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN), qui siège au conseil d'administration de l'ENPA. Le numérique est un enjeu crucial pour les éditeurs de presse, qui ont beaucoup investi dans leur production éditoriale pour s'adapter à cette évolution. Les audiences témoignent de la réussite de cette migration vers le numérique : en France, 28 millions d'internautes et 14 millions de mobinautes lisent chaque jour un titre de presse. La presse d'information politique et générale, en France, est lue à 32 % sur des smartphones, contre 24 % l'an dernier.

Les éditeurs de presse sont également confrontés à la problématique de monétisation de leur contenu dans un environnement numérique où les citoyens sont habitués à la gratuité. Ainsi, les contenus de presse numérique sont monétisés à un prix deux fois inférieur à leur équivalent papier. De plus, une part croissante de la valeur est captée par les acteurs de la distribution. En France, plus de 90 % du chiffre d'affaires est réalisé par la presse papier : le chiffre d'affaires numérique représente 500 millions d'euros sur un total de 8,5 milliards d'euros. Or, il est nécessaire que les éditeurs puissent investir.

Sur la stratégie européenne du numérique, nous avons quatre priorités : la TVA numérique, le droit d'auteur, les intermédiaires et la protection des données. Il est fondamental pour les éditeurs que les taux de TVA de la presse en ligne soient alignés sur ceux de la presse papier, qu'il soit réduits, super-réduits, comme en France, ou nuls, comme en Allemagne. Sinon, la rentabilité est insuffisante. Le taux de 2,1 % voté en 2014 risque d'être remis en cause. La Commission indique qu'elle va se pencher sur la question du traitement fiscal. Nous espérons que cela éteindra le contentieux potentiel sur le sujet, d'ici à la réforme prévue pour 2016.

Ce projet de réforme présente d'abord un enjeu de principe : le droit d'auteur n'est en aucun cas un frein au marché numérique et doit donc être renforcé, à l'heure où les éditeurs voient leurs contenus réutilisés par des tiers sans rémunération. Le droit d'auteur est un pilier de la préservation de la qualité et du pluralisme de la presse. Autre enjeu : les exceptions, dont nous craignons que l'élargissement ne mette en danger le modèle économique de certains ayants droit, d'autant que la plupart d'entre elles ne donnent pas lieu à rémunération. Nous sommes également attentifs aux règles qui seraient applicables aux intermédiaires en ligne, aux pistes avancées par le GESAC ou l'IFPI, aux réflexions menées à Bruxelles sur la possibilité d'instaurer des droits d'auteur ou des droits voisins. La problématique majeure reste toutefois la captation par des intermédiaires techniques. Notre modèle économique repose sur trois piliers : les ventes, les recettes publicitaires et un mécanisme - à construire - de redistribution de la valeur.

Un accord sur le projet de règlement sur la protection des données à caractère personnel semble possible au Conseil vers la mi-juin. L'exemption pour la presse doit au moins être maintenue, comme le texte actuel de la directive semble le faire, conciliant liberté de la presse et droit à la vie privée. Il faudra articuler cela avec le droit à l'oubli, légitime mais qui fait l'objet de bien des amalgames. Nous avons ainsi alerté les parlementaires sur la différence à faire entre les blogs et les contenus produits par des professionnels.

M. André Gattolin. - Il y a toujours lieu de contester la vision de l'Union européenne - que M. Bizet et moi avons pu apprécier en nous entretenant hier avec M. Madelin, directeur général de la DG Connect - selon laquelle le grand marché du numérique rendrait le développement industriel automatique. Il ne faut pas rêver : cela passera par une action stratégique, dont l'Union européenne n'a pas les moyens budgétaires, et qui suppose donc une harmonisation des actions des États.

Nous disposons d'industries culturelles puissantes, certes, mais pas toujours harmonisées, et qui répondent à des modèles totalement différents, comme en témoigne la quasi-inexistence de droits d'auteur dans le secteur de la presse et des médias : les contenus d'information sont considérés comme des données publiques dès leur publication. Ce n'est que tardivement que la presse a été intégrée à la rémunération pour copie privée, et avec des niveaux minorés, puisque c'est ce qui prend le plus de place dans les disques durs qui obtient la plus grosse part. Défendre la culture est une chose ; défendre l'information en est une autre. Le livre correspond à un modèle particulier, fondé presque exclusivement sur le droit d'auteur, au contraire de l'industrie musicale, qui bénéficie de concerts et de produits dérivés. L'enjeu est de protéger l'industrie culturelle, mais aussi de la faire rayonner, ce qui n'est pas toujours le cas : la fiction télévisuelle française, particulièrement aidée, est ainsi incapable de s'exporter, à l'exception de l'image animée numérique.

Je comprends que des lobbies des industries culturelles - le mot n'est pas péjoratif - n'apprécient guère le rapport Reda. Mais il importe d'harmoniser la durée de protection du droit d'auteur sur des standards internationaux. Il n'est pas normal que des ayants droit continuent à hériter pendant des décennies et des décennies. Nous avons quitté la culture de la rente pour une autre économie ! Je ne suis pas contre la protection, mais nous ne pouvons pas nous battre pour le statu quo. Les auteurs - dont je suis - vivent parce qu'il y a un public, dont nous apprenons beaucoup. Ces échanges nous enrichissent. Désigné rapporteur en urgence sur le projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée, j'ai auditionné, fin 2011, des personnes qui ne le sont pas habituellement, telles que les membres de la commission de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits. Les abus sont trop fréquents dans ce domaine. La Commission se pose des questions sur les 25 % utilisés discrétionnairement pour la promotion culturelle... Une réforme a été écartée pour ne pas choquer la France, mais il faut s'interroger sur leur utilité à l'heure où ces sociétés disposent de réserves considérables, alors que toute l'économie culturelle est en crise.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Veuillez poser votre question...

M. André Gattolin. - La méthodologie de l'étude d'EY, qui évoque 536 milliards d'euros de revenu et de plus de 7 millions d'emplois, relève, d'après le professeur Patrick Messerlin, de l'exagération, en raison de doubles comptes. Produire des données en défense, soit ! Mais je ne reprends pas ces chiffres à mon compte. Que répond Mme Desbrosses à ces critiques ?

Mme Véronique Desbrosses. - Cette étude a été commandée par le GESAC et ses partenaires européens. Sa méthodologie a été confirmée par l'étude commandée par la Commission à l'observatoire européen.

Nous ne sommes pas favorables à la remise à plat du droit d'auteur que propose le rapport Reda ; la réduction des délais de protection n'est pas favorable à l'économie. Les normes de la Convention de Berne - cinquante ans  -sont un minimum ; aux États-Unis comme dans de nombreux pays, la durée de protection est plus longue. L'Union européenne a choisi il y a plus de dix ans d'harmoniser ce délai à 70 ans après la mort de l'auteur. C'est un droit de propriété intellectuelle : sa durée dépasse donc nécessairement la vie de l'auteur. Par ailleurs, il faut une durée de protection longue pour investir. C'est tout un écosystème qui est en jeu.

Je tiens enfin à vous rassurer : une directive a été adoptée l'année dernière sur la gestion collective, qui fixe des standards de transparence pour la gestion des droits, y compris pour la copie privée. L'article 12 autorise les États membres à fixer et donner des indications sur l'utilisation des sommes - fixées par la loi Lang sur la copie privée - destinées à des actions culturelles et sociales.

M. Yvon Thiec. - Les chiffres de cette étude, quand bien même ils ne seraient pas tout à fait exacts, montrent l'importance des industries culturelles en Europe. Nous assistons en effet à l'offensive d'États qui développent une industrie culturelle non seulement domestique, mais aussi à l'exportation, pour renforcer leur balance des paiements. La Corée a créé un tel modèle économique, pour capter le marché asiatique, que l'Inde et la Chine semblent suivre, accompagnant la migration des industries classiques vers des industries créatives et culturelles.

Lors d'un séminaire organisé par la présidence lettone il y a deux mois, les experts appelaient l'Europe à se préparer à une compétition mondiale très forte. Cet enjeu est difficile à gérer, en Europe, en raison de l'asymétrie entre quelques vraies puissances culturelles et les autres pays. La France cumule les industries créatives, comme le luxe, la gastronomie, le tourisme, l'architecture, et les industries culturelles, comme le cinéma, cet immense moyen d'influence dans le monde - une étude montre que c'est l'image de Paris vue dans un film qui donne tellement envie aux étrangers d'y venir. La Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et la Pologne sont de vraies puissances culturelles ; mais les autres pays sont beaucoup trop petits pour soutenir une ambition élevée. L'enjeu de la culture est considérable pour la France en termes de créations d'emplois, de soft power et d'exportations.

Nous partageons les interrogations sur la responsabilité des intermédiaires : s'ils étaient européens et non américains - prenons par exemple Uber - la puissance publique aurait moins de problèmes : ils auraient accepté plus facilement les règles. Aux États-Unis, « America is for liberty, not for security », dit-on. Les entrepreneurs y créent d'incroyables avantages comparatifs, se souciant comme d'une guigne des principes éthiques et des lois européennes. Il faudrait structurer l'économie au niveau des entreprises et pas seulement autour des facilités accordées au consommateur. Nous arriverons à améliorer la responsabilité des intermédiaires, mais ce ne sera pas suffisant : nous nous heurterons toujours à l'absence de structure industrielle. Il est regrettable qu'il n'y ait rien sur ce sujet dans la communication de la Commission. Les Américains développent les start-ups avec des fonds privés - cela fonctionne, ou pas ; en Europe, c'est souvent la puissance publique qui a investi dans des industries ambitieuses. Il faut traiter cet enjeu de la création de start-ups européennes.

M. Pierre Dutilleul. - Sept des dix plus grands acteurs de l'édition dans le monde sont européens. Le droit d'auteur fonctionne bien et provoque très peu de contentieux : nous ne demandions donc aucune réforme. Nous sommes dans une logique de contrat et non de contrainte. J'ai eu à traiter personnellement les successions Simenon, Frédéric Dard ou Saint-Exupéry ; les arrière-petits-neveux sont parfois compliqués à gérer ! Je comprends que l'on se pose la question de la durée et du fonctionnement du droit d'auteur. En France, les nouveautés représentent globalement 70 %, contre 30 % pour le fonds ; mais pour Gallimard, c'est l'inverse. Des améliorations sont possibles, mais il ne faudrait pas casser un écosystème. Faire de l'exception la règle, comme le préconise le rapport Reda, reviendrait à le faire s'écrouler.

M. Jean-Paul Emorine. - Ayant présidé la commission des affaires économiques, je sais ce que peuvent représenter les intermédiaires dans ce domaine du numérique. J'entends qu'ils sont là pour capter les richesses, sans être indispensables à cette économie. Comment réduire leur place, qui devrait devenir moins importante dans ce monde interconnecté ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - À moins que ce ne soit l'inverse...

Mme Olivia Regnier. - En effet. Il convient cependant de distinguer entre les intermédiaires passifs et neutres et les opérateurs qui se transforment en fournisseurs de contenus, comme YouTube, qui reversent à peine 10 % des revenus de la publicité à l'industrie musicale. Spotify compte 140 millions d'utilisateurs pour 1,2 milliard d'euros de chiffre d'affaires ; le chiffre d'affaires de YouTube s'élève à 480 millions d'euros pour 700 millions d'utilisateurs. C'est toute la différence entre un service sur abonnement et un service en accès libre.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - YouTube, c'est Google...

M. Jean Bizet, président. - Je note le rôle essentiel de la France dans l'Union européenne sur ce sujet. La diversité culturelle est exclue du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP) ; mais nous serons dans une compétition féroce avec les pays émergents pour laquelle nous devrons nous armer. Les travaux de Mme Morin-Desailly, de M. Gorce, de M. Gattolin, de Mme Mélot dégagent des axes majeurs : l'harmonisation de la TVA entre numérique et papier, le droit d'auteur, la différence entre intermédiaires en ligne actifs ou passifs pour éviter la captation de valeur, la propriété des données à caractère personnel et le droit à l'oubli - qui nous rappellent nos débats avec Mme Reding. J'articulerai cela avec le marché unique numérique et la volonté du commissaire aux services financiers Jonathan Hill de réaliser l'union du marché des capitaux. Les start-ups européennes doivent s'adresser aux banques, alors que les règles prudentielles rendent ce fonctionnement moins fluide qu'aux États-Unis. Je ne suis pas un adorateur de tout ce que font les Américains ; mais ce qui fonctionne chez eux, dupliquons-le sans état d'âme !

Mme Samia Ghali. - Nos quelques maisons de disque - dont les deux plus importantes - sont en vrai danger. Or elles représentent de l'emploi. Des intermédiaires que je n'ose qualifier de voyous, constituent une mafia qui s'organise hors du regard des pouvoirs publics : il n'y a rien de pire ! C'est la porte ouverte à tout.

Cela touche nos artistes : les radios sont soumises à des quotas, mais privilégient une dizaine de noms, en ne programmant les autres, notamment les artistes français, qu'à des horaires de moindre écoute. Cela explique que de moins en moins d'artistes français émergent. Nous devons porter un regard plus aiguisé qu'actuellement sur ces questions. Merci aux intervenants, qui nous ont éclairés sur les circuits compliqués de ce monde foisonnant qu'est la culture.

M. Pierre Dutilleul. - Nous ne parlons jamais du commissaire européen à la culture, à l'éducation, à la jeunesse et aux sports, M. Tibor Navracsics, un homme de culture avec qui je travaille souvent. Dans son pays, la Hongrie, l'édition scolaire a été nationalisée, comme dans celui du président du Conseil européen. Contre ce courant dangereux, il faut défendre la liberté d'expression, la liberté de publier, dont le droit d'auteur est le garant. M. Navracsics mériterait d'être davantage présent dans le débat. J'espère que vous le rencontrerez.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Les chiffres sont là ; je les ai cités à dessein en présentant nos invités. Les industries culturelles et la presse, ce sont des oeuvres, des contenus, mais aussi de l'emploi et de la richesse, qu'il faut développer pour ne pas être réduits à de simples consommateurs. Le marché unique numérique ne peut pas être seulement un espace de consommateurs, mais doit aussi servir l'emploi, les entreprises et la diversité culturelle. Vos remarques répondent à nos réflexions depuis trois ans, comme celles de notre mission commune d'information sur la gouvernance mondiale d'Internet, que nous souhaitions démocratiser en s'appuyant sur une ambition industrielle forte. Cela concerne toutes les entreprises, pour lesquelles le rôle des intermédiaires est le même.

Nous avons déposé un projet de résolution européenne à la veille de l'annonce de la stratégie pour le marché unique numérique le 6 mai ; le 4 juin, la commission des affaires européennes donnera un avis avec une attention particulière, puisque son président en est indirectement l'auteur. Il reprend vos préoccupations : revoir la répartition de la valeur dans l'écosystème numérique, se préoccuper de fiscalité et d'interopérabilité, questionner la notion d'hébergeur, aligner le taux de la TVA du numérique sur celui du papier, adapter le droit d'auteur au numérique au lieu de multiplier les exceptions au point de transformer la directive en un véritable gruyère. Apporter notre pierre à l'édifice demande de l'ambition. La stratégie donne à voir de bonnes intentions qui doivent se concrétiser : il a fallu cinq ans à la Commission pour reconnaître l'abus de position dominante de Google. Il est plus que temps de passer à l'action ! Vos déclarations rejoignent les préoccupations exprimées lors du débat organisé dans le cadre du festival de Cannes. Je vous remercie.

M. Jean Bizet, président. - Notre proposition de résolution, une fois votée, deviendra la résolution du Sénat, invitant le Gouvernement à prendre en considération sa position ; s'il ne le faisait pas, cela lui serait reproché. C'est dans la logique du traité de Lisbonne de donner ainsi la parole, pour obtenir l'écoute des parlements nationaux et contribuer à une meilleure image de la construction européenne, dans une conjoncture qui lui est plutôt défavorable. Merci à tous !

La réunion est levée à 10 h 45.