Mardi 31 mars 2015

- Présidence de M. Jean-Marie Bockel, président -

Dans le cadre des travaux de MM. Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard sur l'évolution des finances locales à l'horizon 2017, audition de M. Julien Bargeton, adjoint à la Maire de Paris, chargé des questions relatives aux finances, au suivi des sociétés d'économie mixte,
aux marchés publics, aux concessions et à la politique des achats,
puis de M. Daniel Quéro, président de l'association « 40 millions d'automobilistes »

M. Jean-Marie Bockel, président. - J'ai le plaisir d'accueillir M. Julien Bargeton, adjoint à la Maire de Paris en charge des finances. Je rappelle que les auditions d'aujourd'hui se situent dans le cadre des travaux des trois rapporteurs, MM Philipe Dallier, Charges Guené et Jacques Mézard. Elles doivent permettre d'analyser l'important relèvement des tarifs de stationnement adopté par le Conseil de Paris en décembre dernier. Cette mesure a eu un fort écho médiatique et est emblématique des situations que doit explorer le deuxième volume du rapport d'information sur l'évolution des finances locales à l'horizon 2017. Le premier volume, publié en novembre 2014, a analysé, à partir d'une étude financière du cabinet Klopfer, l'impact de la baisse des dotations de l'État. La nouvelle étape des travaux est consacrée aux décisions concrètes prises par les élus locaux pour s'adapter à ce nouveau contexte, qu'illustre aujourd'hui la hausse des tarifs de stationnement de la Ville de Paris, même si d'autres motivations - environnementales notamment - existent. Au Sénat, comme dans nos collectivités territoriales, nous sommes d'ailleurs également engagés sur les enjeux de transition énergétique.

M. Julien Bargeton, adjoint à la Maire de Paris, chargé des finances. - Je vous remercie de votre invitation. Vous connaissez le contexte financier des collectivités territoriales. Concernant le budget pour 2015 de la Ville de Paris, puisque la mesure visée par les travaux d'aujourd'hui concerne cet exercice, il est caractérisé par une baisse des dotations de 216 millions d'euros. La dotation globale de fonctionnement (DGF) est passée, en seulement quelques années, d'un niveau de 1,3 milliard d'euros à 975 millions. Parallèlement, la péréquation a crû de 70 millions d'euros. Nous avons donc dû compenser un différentiel de 286 millions d'euros sur 8 milliards d'euros de budget de fonctionnement. Enfin, le contexte est également marqué par une hausse des dépenses inéluctables, telles la masse salariale ou les dépenses sociales, qui ont augmenté globalement de 70 millions d'euros.

M. Philippe Dallier, rapporteur. - Vous tenez donc un raisonnement global concernant non seulement le budget de la ville mais aussi celui du département ?

M. Julien Bargeton, adjoint à la Maire de Paris, chargé des finances - Tout à fait : nous avons fusionné les deux budgets pour l'adoption par le Conseil de Paris, tout en respectant les deux normes comptables.

Pour faire face à ces défis, nous avons prévu un plan d'économies de 130 millions en 2015, et avons opté pour une hausse de certaines recettes : 40 millions d'euros provenant d'une augmentation de la taxe de séjour, 15 millions issus d'une hausse de la part de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, et 50 millions provenant de la hausse des droits de stationnement. Enfin, nous avons modifié quelques grilles tarifaires, ce qui devrait nous rapporter environ 10 millions d'euros. N'oublions pas de signaler une bonne nouvelle puisque la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) devrait rapporter plus que prévu en 2015.

Le contexte financier est très compliqué car il est marqué à la fois par une baisse des dotations, par une hausse de la péréquation pour certaines collectivités, mais aussi par plusieurs facteurs tels que l'incertitude relative aux recettes de la fiscalité économique ou la fiscalité immobilière, ainsi que le caractère inéluctable de certaines dépenses. Dans un tel contexte, je rappelle que les recettes issues du stationnement à Paris ne représentent que 110 millions d'euros en 2015, soit 1,5% du budget. La question des tarifs de stationnement n'est donc pas enjeu budgétaire. Le récent pic de pollution que nous avons connu pendant une semaine montre que cette mesure s'inscrit dans la logique de la politique de déplacement qui doit permettre de décourager l'utilisation d'un véhicule thermique personnel dans la zone dense.

Sur 140 000 places de stationnement, on en compte 80 000 pour le stationnement résidentiel. Notre objectif est de faire descendre les voitures dans des ouvrages de la ville en sous-sol afin de dégager l'espace public pour accueillir les visiteurs, notamment les professionnels. Il s'agit là d'une politique de fluidité ambitieuse, à laquelle contribuent déjà plusieurs systèmes tels que les Vélib', Autolib', ou les transports en commun, qui constituent une bonne alternative. D'ailleurs, seuls 40% des ménages parisiens possèdent un véhicule et la circulation a été réduite de 25% en dix ans.

Le tarif résident est toujours inférieur à son niveau de 2001. Avec un coût de 1,5 euro par jour et de 9 euros par semaine de stationnement résident, Paris pratique des tarifs inférieurs à ceux que l'on trouve dans plusieurs grandes villes de France. En outre, ces tarifs s'accompagnent de politiques de services comme par exemple le paiement par smartphone.

Pour résumer, cette politique tarifaire - qui ne constitue pas un enjeu budgétaire - est à rapprocher de la politique de déplacement souhaitée à Paris : il s'agit de passer d'une conception de la voiture que l'on possède à celle de la voiture comme service que l'on utilise.

M. Charles Guené, rapporteur - Nous vous remercions pour la clarté de cet exposé. Pourriez-vous compléter cette présentation budgétaire en nous indiquant le montant global de la fiscalité économique et celle des ménages, ainsi que les variations prévues entre 2014 et 2015 ? Étant donné que la situation devrait évoluer de la même façon en 2016 et 2017, avez-vous une stratégie pluriannuelle ? Prévoyez-vous de faire à nouveau des économies à la même hauteur ou d'utiliser les mêmes leviers de recettes ?

M. Julien Bargeton, adjoint à la Maire de Paris, chargé des finances. - Parmi les éléments chiffrés que je peux vous donner figure la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dont la recette s'élève à à 1,402 milliard d'euros. Cette cotisation est complexe à appréhender car elle connaît des variations inexplicables, qui peuvent découler de phénomènes d'optimisation de la part des entreprises, notamment des banques et des assurances. On a eu en 2013 une augmentation de 190 millions, puis en 2014 une baisse de 190 millions et, en 2015, à nouveau une hausse de 170 millions d'euros. On observe donc une variation particulière de la CVAE, non liée au cycle économique, et qui soulève des difficultés pour nos projections pluriannuelles.

Les taxes foncières rapportent 988 millions d'euros, la taxe d'habitation 750 millions, la contribution foncière des entreprises environ 310 millions d'euros et les droits de mutation rapportent 1,120 milliard d'euros.

Au total, la fiscalité locale, avec les fiscalités directes et indirectes, rapporte environ 5,473 milliards en 2015, pour une hausse qui était de 7% d'une année sur l'autre. Il faut préciser que nous n'avons pas joué sur les taux, du fait de l'engagement de ne pas augmenter les taux de la fiscalité directe locale entre 2014 et 2020. Ces taux ont très peu augmenté depuis 2001, avec seulement deux hausses entre 2008 et 2009.

Concernant les projections pluriannuelles, nous ne savons pas encore comment seront construits les budgets 2016 et 2017. Sans doute faudra-t-il continuer à faire des économies. Cela peut être difficile, même si nous avons mis en place une stratégie ne prévoyant aucune création nette d'emplois, en dehors des ouvertures d'équipements qui sont compensées par des redéploiements. Cependant, cet exercice a des limites puisque la masse salariale dépend de facteurs exogènes, tels que la revalorisation des catégories C, les salaires minimum, le point de la fonction publique et les cotisations employeurs.

Les péréquations représentent un budget nouveau, créé il y a trois ans et se situant à un niveau important. En effet, les fonds de péréquation pour la Ville de Paris sont de 450 millions d'euros. Même si nous pouvons espérer une amélioration de la situation économique et donc une baisse des dépenses sociales, je constate une forte inertie, notamment avec une allocation personnalisée d'autonomie (APA), une prestation de compensation du handicap (PCH) et un revenu de solidarité active (RSA) qui continuent de progresser.

Nos leviers sont limités car nous avons déjà utilisé les dispositifs légaux relatifs aux taxes de séjour et sur les résidences secondaires, et nous ne pouvons aller au-delà de ce que permet le Code général des impôts.

En revanche, nous attendons un certain nombre de mesures de la part de l'État, notamment en matière de normes comptables. Je pense aux amortissements des subventions d'équipement qui pèsent sur les dépenses de fonctionnement alors que ces contributions servent à financer de l'investissement - ordures ménagères ou transports avec le syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF). Cette règle mériterait à mon sens d'être corrigée, ce qui permettrait de disposer d'autres leviers.

Nous souhaitons également avoir plus de visibilité sur l'évolution des dotations. En outre, cet exercice rencontre des limites dès lors qu'il ne s'accompagne pas d'une réforme des finances locales. Dotations et fiscalité sont deux sujets qu'il faut traiter conjointement. Il me semble nécessaire de stabiliser les dotations et d'arrêter les hausses importantes de péréquation. Pour ce qui concerne la Ville de Paris, il faudrait en tous cas orienter les péréquations vers la métropole.

Nous demandons également le retour des prêts à taux zéro, puisque l'État a annoncé la volonté de relancer l'investissement. Or l'investissement des collectivités territoriales correspond à 70% de l'investissement public en France, qui crée, à Paris, 30 000 emplois directs et indirects. Il est essentiel de pouvoir continuer à investir, et nous demandons d'être aidés sur ce point.

Ainsi, comme vous pouvez le constater, nous expertisons toutes les pistes, en dépenses comme en recettes, pour pouvoir construire les budgets de 2016 et 2017.

M. Philippe Dallier, rapporteur - Nous sommes tous inquiets, au-delà de nos étiquettes politiques, de la difficulté qu'ont rencontrée les collectivités locales à équilibrer leurs dépenses pour 2015. Cette situation risque de se reproduire en 2016 et en 2017.

L'étude Klopfer accompagnant le premier volume de notre rapport a montré que, d'ici 2016-2017, les deux tiers des communes de plus de 10 000 habitants vont se trouver dans une situation financière difficile du fait de la baisse de la DGF. Pour y remédier, il est possible de faire des économies en fonctionnement, ce que vous avez commencé à faire, ou encore d'augmenter les recettes. Mais si la Ville de Paris peut jouer sur les tarifs de stationnement et sur la taxe de séjour, beaucoup d'autres communes n'ont pas cette possibilité.

Concernant le risque de la baisse de l'investissement des collectivités locales, vous demandez une aide de l'État, avec par exemple un retour du taux zéro. Dans les hypothèses présentées, envisagez-vous de réduire en volume les investissements de la Ville de Paris ou pensez-vous pouvoir tenir le programme envisagé avec une progression ou une stabilisation de ces investissements ?

M. Julien Bargeton, adjoint à la Maire de Paris, chargé des finances. - C'est effectivement un sujet très important. La Ville de Paris disposait auparavant d'une épargne de gestion élevée, qui diminue très fortement dans notre budget de 2015. En effet, en 2014, l'épargne brute était de 580 millions d'euros. Les recettes réelles d'investissement s'élevaient à 685 millions d'euros. Cela nous donnait une capacité de financement des investissements de 1,266 milliard. Or, comme nos investissements s'élevaient à 1,530 milliard, nous avions une capacité d'autofinancement de 83%. En moyenne, la Ville de Paris a ainsi financé 80% des investissements par l'épargne ou par les recettes d'investissement.

En 2015, ce n'est plus du tout le cas, puisque nous passons à une épargne brute de 350 millions d'euros, ce qui traduit directement la situation que vous décrivez. En effet, dès lors que nous n'augmentons pas les impôts directs locaux et que les dotations baissent, il reste deux choix : soit la dette, soit l'investissement.

La Maire de Paris a fait très clairement le choix de ne pas toucher à l'investissement. Elle a ainsi annoncé un programme d'investissement de 10 milliards d'euros, ce qui nous permet de rester dans la situation de la précédente mandature, avec près d'1,6 milliard d'investissement par an. Mais ce choix va se traduire par une progression de l'endettement de la Ville de Paris. Il est vrai que cet endettement était jusqu'ici très faible en comparaison d'autres collectivités. Nous progresserons dans la même proportion que durant les précédentes mandatures, mais avec une dette de départ d'environ 4 milliards d'euros.

Nous ne pouvons pas toucher à l'investissement, non seulement parce qu'il s'agit d'un des engagements pris devant les Parisiens, mais aussi parce que l'investissement finance logements et transports - ce qui est indispensable dans une métropole dense. L'investissement est également un levier de développement économique, d'attractivité de la Ville de Paris. En outre, il permet de créer des emplois et de maintenir l'activité de nos entreprises, notamment dans le BTP, donc au-delà de la ville.

À partir de là, le choix a été très clair. Le curseur sur lequel nous allons jouer ne sera ni l'impôt, ni la réduction de l'investissement. Nous allons utiliser la marge qui est la nôtre en épargne brute et assumer une hausse maîtrise de l'endettement. Cela traduit la réalité financière dans laquelle nous sommes placés. Le choix de la Maire de Paris est de faire porter l'effort sur le fonctionnement et de ne pas toucher aux investissements, voire de les accélérer.

M. Jacques Mézard, rapporteur - J'ai été rassuré sur la situation financière de la Ville de Paris. Ce que vous nous avez exposé est clair : il y a une baisse des dotations, pas d'augmentation des taux, et vous maintenez l'investissement. Vous arrivez finalement à tenir votre budget sans grande difficulté du fait d'une augmentation de la recette fiscale sans augmentation des taux de 7%, c'est-à-dire environ 400 millions d'euros, alors que la baisse des dotations ne représente que 60% de cela. Après ce constat, nous envions votre situation, malgré la volatilité de la CVAE. Je rappelle d'ailleurs qu'en 2010 on nous avait promis une augmentation annuelle de 4% du rendement de cette cotisation. Dans ce contexte, que pensez-vous de la hausse de péréquation à venir ?

M. Charles Guené, rapporteur. - C'est une question importante et vous nous avez indiqué que vous souhaitiez orienter la péréquation vers la métropole.

M. Julien Bargeton, adjoint à la Maire de Paris, chargé des finances. - La fiscalité n'avait pas beaucoup progressé jusque-là. Il est vrai que sur les dernières années on constate une augmentation, liée à l'évolution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et à des effets de glissement de la fiscalité immobilière, mais en réalité elle n'a augmenté que de 0,2 % entre 2012 et 2013, passant de 5,121 milliards à 5,130 milliards et de 0,2 % entre 2013 et 2014, passant de 5,130 milliards à 5,141 milliards.

Au regard de la péréquation, la Ville de Paris est extrêmement solidaire, ce qui me paraît tout à fait légitime, et je remarque d'ailleurs que les métropoles, qui créent des richesses, jouent un rôle analogue à celui de la capitale dans les territoires en redistribuant des revenus. Bien sûr, il faut que la progression de la péréquation soit respectueuse des objectifs de solidarité et qu'elle soit admissible pour toute collectivité. En clair, il ne faudrait pas qu'elle vienne pénaliser le rôle que jouent les métropoles en France. À mon sens, il faut éviter que les baisses de dotation et les hausses de péréquation viennent freiner le rôle moteur exercé par certaines collectivités, en particulier sur l'investissement public local. Avec 70 millions d'euros de plus par an, c'est tout de même très important. Il ne s'agit ni de vous rassurer ni de vous inquiéter, mais je rappelle que les obligations légales positionnent l'épargne brute à Paris autour de 320 millions d'euros. Or, dans le budget 2015, nous sommes à 350 millions d'euros, donc même une ville telle que Paris se rapproche du niveau d'épargne brute minimale.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Merci d'avoir bien voulu répondre aux questions des rapporteurs, qui ont souhaité sortir du seul périmètre de la question du stationnement, dans la mesure où leur rapport porte sur le sujet plus large de la baisse des dotations de l'État. Je me tourne maintenant vers nos autres collègues qui ont des questions.

M. Alain Richard. - D'une part, j'aimerais savoir quel est le mécanisme qui produit cette recette supplémentaire, et comment celui-ci évolue par rapport au système des amendes de stationnement et à leur répartition. La Ville de Paris est-elle en mesure, dès l'année 2015, de transformer un système d'amendes de police dont le produit est affecté à l'État, en une recette locale ?

D'autre part, nous sommes un certain nombre ici à avoir en mémoire une intervention du Premier ministre de l'époque, Jean-Marc Ayrault, en 2013, dans laquelle il nous expliquait que la transformation des amendes de police en tarifs municipaux était une des clés du financement du plan de mobilisation régionale pour les transports. La Ville de Paris s'inscrit-elle dans cette démarche ?

M. Georges Labazée. - Les propositions de la Ville de Paris que vous venez de nous exposer, en tant que modèle de gestion du stationnement et des transports, sont-elles transposables à d'autres villes en France ? Dans la même perspective, d'autres villes européennes se sont-elles inspirées des dispositifs que vous avez mis en place dans ce domaine ?

M. René Vandierendonck. - Est-ce que vous nous confirmez ce que votre collègue adjoint au Maire de Paris en charge des transports, des déplacements et de l'espace public, avait officiellement indiqué en décembre dernier, à savoir la candidature de Paris pour faire partie des premières villes qui assureront, dès 2016, la préfiguration du système mis en place à l'initiative de notre collègue Louis Nègre au Sénat, dans le cadre de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) : la substitution des amendes de stationnement par des redevances « post-stationnement » ?

Vous avez évoqué - et vous êtes dans votre rôle - le prisme financier. Or, la politique de la Ville de Paris semble en réalité davantage motivée par des objectifs d'organisation de la mobilité de ses habitants - politique qui s'articule d'ailleurs avec des décisions du conseil régional, comme en témoignent les dernières mesures concernant le « Pass Navigo » - que par des préoccupations budgétaires. Dès lors, quelles sont dans votre politique, les parts respectives entre les objectifs financiers et les objectifs de mobilité durable ?

M. Julien Bargeton, adjoint à la Maire de Paris, chargé des finances. - Pour répondre à vos questions, la hausse attendue des recettes de stationnement provient uniquement de la hausse des tarifs résidentiels, des tarifs visiteurs et des tarifs des cars de tourisme. Nous avons agi sur tous les curseurs disponibles. Pour 2015, il n'y a donc pas de prise en compte d'éventuelles réformes, comme celle de la dépénalisation des amendes de stationnement que vous évoquez. Nous n'avons d'ailleurs pas touché aux tarifs des parkings, car la réalité c'est que les parkings résidentiels parisiens, notamment ceux des bailleurs sociaux, ne sont pas complets en raison du faible taux de motorisation des ménages. En agissant uniquement sur ces curseurs, nous devrions atteindre un niveau de recettes de 100 à 110 millions d'euros en 2015, contre 65 millions d'euros en 2014.

La réforme du stationnement à laquelle vous faites référence n'interviendra qu'en octobre 2016, et nous y sommes favorables sous réserve de quelques inquiétudes. On nous dit que 2 heures de stationnement maximum seront autorisées au forfait. Je le dis immédiatement : si c'est 2 heures, cela ne fonctionnera pas du tout à Paris, où le taux de respect est de 15 % seulement - contre 30 % en moyenne en France -, ce qui implique que 85 % des utilisateurs parisiens ne paient pas le stationnement. Avec seulement 15 % de taux de respect, nous disposons de 100 millions d'euros de recettes. Aussi, imaginez ce qu'il en serait si nous avions des taux de respect identiques à ceux de Londres ou de Madrid, qui avoisinent les 90 %. Je me permets cette précision - un peu en forme de provocation - car je sais que vous allez auditionner juste après moi un représentant d'automobilistes. Ceux-ci - il faut le dire - ne respectent pas, en grande majorité, leurs obligations de paiement lié à l'occupation du domaine public. Cela s'explique par un risque globalement faible d'être verbalisé. Il y a là un vrai sujet et il faut que cette réforme soit dissuasive, c'est-à-dire qu'elle permette d'accroître ce taux de respect. S'agissant du traitement des contentieux, il y a également un problème technique qui ne facilite pas la mise en place de cette réforme.

La réforme évoquée n'est pas seulement une question de recettes financières pour la ville, c'est aussi un enjeu très lourd en matière de libération des places de stationnement, et vous savez à quel point la fluidité est importante pour les personnes venant de l'extérieur de Paris, en particulier pour les professionnels qui ont besoin de trouver des places de stationnement. Nous avons donc besoin, non pas pour des raisons financières, d'optimiser l'utilisation de l'espace public rare car, comparée à d'autres métropoles, Paris est une ville dense et étroite.

S'agissant du modèle parisien comme source d'inspiration, je ne peux que l'espérer car nous avons des objectifs très ambitieux, par exemple en matière de sortie du diesel à l'horizon 2020. Mais, sur tous ces sujets, nous nous inspirons également d'autres villes qui sont en avance, qu'elles soient françaises ou européennes, car toutes sont confrontées en réalité au même problème, celui de la qualité de l'air. Or, si des progrès ont été enregistrés à Paris depuis dix ans, une vraie difficulté subsiste autour des particules fines, en particulier au moment des épisodes de pollution ; ceci constitue un véritable enjeu de santé publique. Je le répète, nous avons tout intérêt, entre collectivités territoriales, à nous nourrir des expériences des uns ou des autres car, en définitive, nous sommes confrontés aux mêmes difficultés.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Nous vous remercions pour ces éclairages très instructifs, qui ne manqueront pas de nourrir les réflexions de nos collègues.

M. Charles Guené, rapporteur  - J'ajouterai que nous avons essayé, à travers cette audition, de répondre à deux préoccupations qui intéressaient particulièrement nos collègues : d'une part, celle de l'évolution globale des finances locales dans le cadre de la baisse des dotations et, d'autre part, le sujet plus particulier de la hausse des tarifs de stationnement de la Ville de Paris.

M. Julien Bargeton, adjoint à la Maire de Paris, chargé des finances. - C'est effectivement un sujet crucial. La Ville de Paris va être confrontée à 215 millions d'euros de baisse de sa DGF, soit une division par deux, sans compter qu'elle devra gérer 70 millions d'euros de péréquation en plus. C'est un choc énorme et extrêmement dur à soutenir, qui représente près d'un milliard d'euros sur trois ans. Il faut l'admettre, face à ces économies, nous sommes tous en grande difficulté pour construire les budgets à venir.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Merci beaucoup. Nous avons le plaisir d'accueillir à présent M. Daniel Quéro, président de l'association « 40 millions d'automobilistes ».

M. Daniel Quéro, président de l'association « 40 millions d'automobilistes ». - Cette association est née, il y a une dizaine d'années, du regroupement de différents automobiles clubs français, notre pays comptant en effet quasiment un automobile club par département. Pour ma part, je dirigeais alors l'automobile club de l'Ouest. Il a été décidé de créer une association nationale qui serait le porte-parole d'une vaste population d'automobilistes, dont les attentes sont multiples mais raisonnables. Ainsi, en ma qualité de président de « 40 millions d'automobilistes », je siège à la commission nationale de la sécurité routière.

Nous avons créé un réseau de relations avec plusieurs partenaires marquants du monde automobile, dont le Conseil national des professionnels de l'automobile (CNPA). Je remplis mes fonctions à titre bénévole, et je dispose de cinq salariés permanents. Nous axons notre réflexion sur les thèmes majeurs que constituent la sécurité routière et la pollution.

Notre activité s'accroît chaque année : ainsi, au cours de l'année 2014, ce sont 2 000 de nos interventions sur les problèmes touchant à notre domaine d'action qui ont été reprises dans les grands moyens de communication, soit près de cinq par jour.

M. Philippe Dallier, rapporteur - Notre réflexion s'inscrit dans le contexte de la baisse des dotations allouées par l'État aux collectivités territoriales. Nous venons d'entendre l'adjoint aux finances de la Maire de Paris nous exposer les motivations de la hausse - décidée récemment - du coût du stationnement dans la capitale. Il nous a appris que le stationnement payant rapportait 100 millions d'euros par an à la ville, alors que seuls 15 % d'automobilistes environ s'acquittent de ce paiement. Ce faible taux pose problème, car un comportement plus civique de l'ensemble des automobilistes permettrait d'accroître les recettes tirées du stationnement.

Mais nous craignons surtout que, dans le contexte actuel de tensions financières, certaines collectivités territoriales ne soient tentées par une sur-taxation des coûts du stationnement sur la voie publique.

M. Daniel Quéro, président de l'association « 40 millions d'automobilistes ». - L'augmentation des coûts de stationnement pénalise particulièrement les classes moyennes et populaires qui vivent en périphérie de Paris. Ces dernières, en l'absence d'alternatives fournies par les transports publics, sont contraintes de recourir à l'automobile pour leurs déplacements.

La municipalité parisienne pratique clairement une politique « autophobe », à la différence d'autres villes qui conçoivent l'automobile comme une chance économique. Ainsi, à Calais, il a été décidé de créer des parkings gratuits, couplés à une offre renforcée de transports en commun.

La politique de réduction du nombre des places de parking, ajoutée à de nombreuses autres mesures visant à entraver la circulation automobile, a eu pour effet de réduire le nombre de voitures en circulation, mais a accru le volume des embouteillages. Au total, la pollution automobile s'est donc accentuée.

Je suis très dubitatif quant à l'objectif affiché pour la croissance du coût du stationnement, qui viserait à désencombrer l'espace public. La municipalité parisienne pratique une politique ouvertement anti-automobile, et se refuse à tout dialogue avec l'association que je préside.

M. Charles Guené, rapporteur - Lors de l'audition de M. Bargeton, adjoint à la Maire de Paris en charge des finances, nous avons essayé de comprendre si la hausse des tarifs de stationnement de la Ville de Paris était justifiée par des considérations fiscales ou environnementales. M. Bargeton nous a affirmé qu'il s'agissait d'une mesure d'ordre environnemental. Cependant, lorsqu'il a détaillé les mesures destinées à compenser la baisse des dotations de l'État, notamment, il a tout de même placé les tarifs de stationnement au rang des ressources supplémentaires. Il existe sans aucun doute un intérêt fiscal à cette hausse.

On peut estimer que la Ville de Paris n'aura pas nécessairement besoin d'augmenter les tarifs de stationnement dans les années qui viennent. Toutefois, êtes-vous préoccupés par l'hypothèse de nouvelles hausses ?

Vous nous avez dit que Paris était la ville dont la politique du stationnement vous inquiétait le plus. D'autres villes ont-elles mis en oeuvre ce type de politique, et disposez-vous d'éléments de comparaison internationale ?

M. Daniel Quéro, président de l'association « 40 millions d'automobilistes ». - Je rappelle que, depuis le 1er janvier 2015, les tarifs horaires du stationnement à Paris sont de 4 euros dans l'hyper-centre et de 2,4 euros dans les autres arrondissements.

À titre de comparaison, ces tarifs sont, à Bruxelles, de 2 euros dans l'hyper-centre et de 1,5 euro dans les autres quartiers. Ils vont de 1,5 à 2,5 euros à Copenhague, et s'établissent à 2,5 euros à Madrid. Berlin a mis en place un tarif de 3 euros en hyper-centre et des places de stationnement gratuites dans les autres quartiers, tandis que Rome a instauré un tarif de 1,5 euro en « zone bleue » et des places de stationnement gratuites ailleurs.

M. Philippe Dallier, rapporteur - Disposez-vous d'éléments chiffrés pour la ville de Londres ?

M. Daniel Quéro, président de l'association « 40 millions d'automobilistes ». - À Londres, il existe à la fois des restrictions à la circulation en centre-ville, et un péage urbain à l'entrée. Ce péage s'établit à 11,5 livres par jour, - soit 14,6 euros - pour les véhicules entrant entre 7 et 18 heures en semaine.

Je rappelle que l'on a également constaté à Paris une hausse conséquente des tarifs de fourrière, avec un triplement du droit de garde. Nous avons lu, ici et là, que la Ville de Paris aurait dû trouver 400 millions d'euros de budget. Je ne souhaite pas entrer dans ce genre de considérations, mais nous avons tout de même un peu l'impression que la hausse de la fiscalité automobile a servi à générer des recettes supplémentaires.

Mme Patricia Schillinger. - Nous avons beaucoup parlé des grandes agglomérations aujourd'hui. Je souhaiterais, quant à moi, évoquer une belle expérience mise en place à Kayserberg, petite ville touristique du Haut-Rhin. Cette commune a fixé un tarif de stationnement de 2 euros pour la journée, ce qui lui permet de collecter annuellement environ 200 000 euros. Ce tarif, qui reste peu coûteux pour les touristes, représente un apport financier important pour la ville. Je constate que certaines expériences fonctionnent.

M. Georges Labazée. - L'association que vous présidez a-t-elle été sollicitée par des parlementaires pour légiférer dans certains domaines ? Avez-vous fait des recommandations ou des préconisations dont le législateur pourrait s'emparer ?

M. Daniel Quéro, président de l'association « 40 millions d'automobilistes ». - En ce qui concerne l'augmentation des tarifs de stationnement, nous n'avons pas été consultés. En revanche, nous rencontrons souvent les parlementaires sur les sujets auxquels nous nous intéressons, comme la sécurité routière ou la pollution.

Je souhaiterais souligner que la fiscalité automobile est déjà très lourde. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) représentent, à elles seules, 35 milliards de recettes fiscales pour l'État. L'automobile, outil de liberté par ailleurs indispensable dans l'accès à l'emploi, est déjà lourdement imposée. On ne peut pas taxer l'automobiliste indéfiniment.

M. Philippe Dallier, rapporteur - En dehors de Paris, constatez-vous, dans les autres grandes villes de France, une augmentation générale des tarifs de stationnement ?

M. Daniel Quéro, président de l'association « 40 millions d'automobilistes ». - Non, la situation est assez hétérogène. Certaines municipalités ont augmenté les tarifs de stationnement, d'autres ont développé des places de stationnement gratuit. À titre d'exemple, la ville de Rambouillet a prévu des bons de stationnement gratuits, notamment pour les personnes se rendant à des spectacles.

Un certain nombre de villes considèrent donc que l'automobile est plutôt une chance, et qu'il faut permettre aux automobilistes d'accéder aux centres villes en y favorisant les places de stationnement ou en développant les liaisons en transports en commun entre les parcs de stationnement et les centres villes.

Dans celles qui jugent que l'automobile est néfaste, il existe des barrières à l'accès. Mon propos est certes schématique, mais il décrit assez bien la situation.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je vous remercie, Monsieur le Président, Messieurs les rapporteurs, et mes chers collègues. Cette audition est précieuse, car elle a permis d'aborder le problème d'un autre point de vue et sous différents angles, environnemental comme financier.

M. Daniel Quéro, président de l'association « 40 millions d'automobilistes ». - Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous sommes disposés à débattre avec tous les décisionnaires, car nous sommes une association d'automobilistes raisonnables, qui défendons l'automobile comme outil de mobilité et de liberté.