Mercredi 28 janvier 2015

- Présidence de M. Jean Bizet, président -

La réunion est ouverte à quinze heures.

Institutions européennes - Audition de S.E. Mme Sanita Pavïuta-Deslandes, ambassadeur de Lettonie en France

M. Jean Bizet, président. - Nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui au Sénat. Alors que votre pays vient de prendre la présidence du Conseil de l'Union européenne, c'est l'occasion d'avoir un échange sur les priorités de votre présidence et plus généralement sur les grands sujets qui sont dans l'actualité européenne.

Je veux d'emblée souligner que vous connaissez très bien notre pays où vous avez fait une partie de vos études. Vous maîtrisez parfaitement notre langue.

Votre pays exerce pour la première fois la présidence. C'est donc un moment important sur le plan symbolique un peu plus de dix ans après votre adhésion à l'Union. C'est une mission à la fois difficile et exaltante. Nous vous souhaitons un plein succès, succès dont nous ne doutons pas, car l'expérience nous a appris que les petits pays font de grandes présidences.

La Lettonie a choisi de mettre en avant trois axes prioritaires pour sa présidence. Vous souhaitez renforcer la compétitivité européenne au service de la croissance et de l'emploi. L'agenda numérique est une autre priorité. Enfin, vous voulez renforcer l'engagement de l'Europe sur la scène internationale, notamment dans son voisinage. Ces trois priorités sont au coeur des réflexions que mène notre commission. La mission commune d'information, présidée par Gaëtan Gorce a fait des propositions sur le rapport de Catherine Morin-Desailly. Le Sénat souhaite un nouveau rôle et une nouvelle stratégie de l'Union européenne pour la gouvernance mondiale de l'Internet. Le sujet sera évoqué lors de la rencontre du président Gérard Larcher avec le président Jean-Claude Juncker le 5 février. Nous entendrons donc avec un grand intérêt les précisions que vous voudrez bien nous apporter.

Comme vous le savez, la question de la sécurité de l'espace européen est revenue au premier plan de l'actualité. Les attentats odieux qui ont frappé notre pays ont aussi souligné l'importance d'une réponse européenne coordonnée et approfondie face au terrorisme. La mise en place d'un système PNR est débattue depuis trop longtemps sans résultat concret. Il faut avancer dans ce domaine tout en prévoyant les indispensables garanties pour la protection des données personnelles. Nous avons ici plaidé pour un Parquet européen aux compétences élargies à la lutte contre la criminalité transfrontière. On voit bien l'intérêt d'une telle avancée. Le recours à la déchéance de nationalité ne doit pas être écarté. Il doit être examiné sereinement notamment au regard de nos engagements internationaux. Il faut renforcer la coopération policière via Europol. De même, l'Europe doit jouer tout son rôle pour lutter contre l'apologie de la violence terroriste sur Internet. Notre commission a désigné des rapporteurs pour examiner les avancées possibles dans tous ces domaines. Sur cette base, nous adopterons une résolution européenne pour faire des propositions concrètes. Quelles sont les intentions de votre présidence ?

Les résultats des élections législatives de dimanche dernier en Grèce interpellent directement l'Union européenne. La Grèce a fait des efforts importants et très lourds pour sa population. Ils commencent à porter des fruits. Le nouveau parti au pouvoir demande la fin de l'austérité, la relance de la croissance et la restructuration de la dette grecque. Tout cela soulève beaucoup d'interrogations et différents scénarios circulent. D'ores et déjà, la Banque centrale européenne a jugé « impossible » toute réduction de la dette qui toucherait les titres grecs détenus par elle. On ne peut ignorer que les contribuables des pays prêteurs, dont la France, supporteraient directement l'annulation de la dette grecque. Peut-on alors envisager une baisse des taux d'intérêt, sachant néanmoins qu'ils sont déjà très bas ? Un allongement de la durée de remboursement est-il envisageable ? Il faut, en tout cas, examiner la situation de la Grèce de façon réaliste afin de bâtir des solutions qui soient crédibles. C'est ce que fera notre commission qui a désigné notre collègue Simon Sutour pour lui faire un rapport sur ce sujet. Vous nous direz comment la présidence lettone apprécie la nouvelle donne en Grèce et quelles réponses elle entend apporter.

Au-delà, on voit bien que l'Union européenne est à la recherche d'un bon équilibre entre le nécessaire assainissement des comptes publics et la réunion des conditions pour un redémarrage de la croissance. Sur le rapport de nos collègues Jean-Paul Emorine et Didier Marie, nous formaliserons dans quelques jours notre position sur le plan d'investissement pour l'Europe, proposé par la Commission européenne. Celle-ci vient par ailleurs de présenter une communication sur la flexibilité possible dans l'application des règles du pacte de stabilité et de croissance. Comment votre présidence apprécie-t-elle ces enjeux ?

Enfin, la situation en Ukraine continue de nous préoccuper fortement. Les tensions restent vives dans l'est du pays comme l'ont montré les évènements des derniers jours. L'Union européenne a adopté des sanctions contre la Russie. Comment entendez-vous gérer ce dossier très difficile pour tenter de renouer les fils du dialogue ?

Vous avez la parole.

Mme Sanita Pavïuta-Deslandes, ambassadeur de Lettonie en France - C'est un honneur et un plaisir de vous présenter un peu mon pays et surtout nos intentions pour cette présidence. Vous avez tout dit et tous les mots clés sont là. Je suis une diplomate et donc seulement une généraliste. Je répondrai à toutes vos questions, mais pour les plus techniques, je vous demanderai un petit délai. Pour bien comprendre les rouages de l'Union européenne, il faut avoir traversé une présidence comme l'on dit souvent.

Nous espérons exercer une présidence efficace et, vous avez raison « les petits pays ont des présidences efficaces ». Nous savons ce que nous voulons faire, nous avons des ambitions mais nous saurons faire des compromis et nous n'ignorons pas que nous nous insérons dans un cadre, celui du trio de présidences Italie-Lettonie-Luxembourg, et que nous reprenons l'excellent héritage de la présidence italienne. Ensuite, la nouvelle Commission européenne a adopté un programme de cinq années, dans lequel nous devrons nous inscrire. Notre présidence veut mettre l'accent sur trois axes majeurs évidents, mais n'oublions pas qu'il y a aussi l'actualité qui apporte ses inflexions aux priorités choisies (sécurité intérieure, terrorisme...).

À propos de l'actualité, je souhaite rappeler d'emblée que nous sommes solidaires de la France dans les moments difficiles que vous avez vécus. Notre Premier ministre était présent lors de la manifestation du 11 janvier. Nous devons donc traiter rapidement les questions de sécurité intérieure et de convergence européenne sur cette question. Mais il faut aussi développer la coopération avec les pays tiers où les défis que nous connaissons trouvent leur origine.

Sur la compétitivité de l'Europe, suite à la crise de la zone euro, nous faisons tout ce qui est possible pour relancer la croissance et les emplois ce qui veut dire que nous nous appuierons sur le fameux plan Juncker. Il faut que le Fonds européen pour les investissements stratégiques soit opérationnel avant la fin du mois de juin sur des projets très concrets. De façon pratique, ce sont les États membres qui proposent les projets. Il y a un grand choix d'investissements possibles, mais il faut des projets mûrement préparés. Nous devons prendre des mesures législatives pour renforcer le marché unique qui existe mais qui n'est pas achevé. Nous nous pencherons sur la compétitivité industrielle. Nous espérons que le semestre européen contribuera à renforcer l'efficacité de notre action en faveur de la stratégie UE 2020.

Le dossier climat-énergie est capital. Les décisions doivent maintenant être traduites sur le plan pratique. Sur le climat, nous avons pris de grandes décisions en préparation de la COP21, mais sur cette question, les compétences de la présidence sont limitées puisque la France est co-organisateur et la Commission a son rôle à jouer. La présidence participe et appuie le processus.

L'énergie est un thème important à nos yeux. Nous voulons une politique énergétique commune et même une vraie union énergétique. Nous en parlerons le 6 février. La Commission européenne doit présenter un nouveau document. La question de la sécurité de l'approvisionnement, de l'interconnexion et de la diversification des sources d'approvisionnement est essentielle pour l'Europe. Il faut être uni face aux pays fournisseurs.

Pour l'union bancaire et monétaire, pendant notre présidence, nous mettrons en oeuvre ce qui a été décidé (« Six Pack », « Two Pack », Union bancaire) et nous ne proposerons pas de nouveau dispositif.

Quant au deuxième grand volet, nous mettrons le numérique en avant dans un sens très large qui comprend le « Paquet Telecom ». Nous voulons arriver à un accord sur ce point entre les États membres. Nous aspirons à des services de haute qualité, mais à un prix raisonnable. La question de la protection des données personnelles nous semble primordiale, car nous devons assurer la confiance.

Mais je n'oublie pas la cyber-sécurité, ni la compatibilité entre les différents réseaux numériques ou la question des droits d'auteur. La France y est très sensible, je crois. Il faut définir une stratégie européenne pour créer un marché numérique unique.

En matière de politique intérieure et de politique européenne de voisinage, nous défendons l'idée d'un vrai engagement de l'Europe, le rôle et la place de l'Union européenne dans le monde. C'est la compétence de la Haute Représentante que nous soutenons dans ses compétences, mais nous voulons mettre l'accent sur telle ou telle politique : ainsi, nous sommes très sensibles au Partenariat oriental. Cependant, s'occuper du Partenariat oriental ne veut pas dire délaisser la rive sud de la Méditerranée. Mais il se trouve qu'au mois de mai, le sommet du Partenariat oriental se tiendra à Riga. Alors, il faut être pragmatique : c'est une politique importante pour l'Union, même si les attentes des six pays concernés sont différentes et si les choses ont changé depuis deux ans. On ne peut pas imposer à tout le monde le même chemin européen. Il s'agit de faire le point sur les progrès qui ont été accomplis. Les contacts et la mobilité des personnes font partie des politiques prioritaires. La politique de voisinage ne doit pas être une politique qui divise. Il faut rendre cette région plus stable. Il ne faut pas créer de déception en promettant trop.

Pour l'Asie centrale, il est important de coopérer pour des raisons de sécurité, et de favoriser l'éducation et le développement durable.

Sur tous ces dossiers, nous apportons notre soutien à la Haute Représentante.

M. Simon Sutour. - J'ai une observation et une question à vous soumettre. Lors des réunions et en particulier lors des COSAC, nous avons eu des discussions sur l'ordre du jour et vous avez choisi de donner la priorité au Partenariat oriental. La Lituanie a fait la même chose quand elle avait la présidence. Or, la Grèce et l'Italie ont mis, sur un plan d'égalité, le Partenariat oriental et la politique méditerranéenne alors qu'ils subissent de plein fouet le problème de l'immigration en provenance du Sud. Quant à moi, je souhaite insister sur le fait que la politique euro-méditerranéenne est importante et que la civilisation européenne est née en Méditerranée.

Il ne faut pas mettre de côté la politique euro-méditerranéenne. Nous avons toujours défendu un partage des crédits à hauteur d'un tiers pour le Partenariat oriental et des deux tiers pour la Méditerranée. Voilà l'observation que je souhaitais faire. J'en viens à ma question.

On a beaucoup parlé de l'Ukraine dans notre commission et mon collège Gérard César et moi-même avons fait un rapport sur les rapports Union européenne/Ukraine. En Ukraine, on a voulu imposer une langue que beaucoup ne parlaient pas. Un problème semblable existe en Lettonie : 300 000 personnes parlent russe (et pas letton) et ne peuvent accéder à la citoyenneté lettone. Ils sont « non-citoyens ». Sur ce problème, que pouvez-vous nous dire ?

M. Jean-Paul Emorine. - Le plan Juncker est un plan d'investissement complémentaire. La difficulté que nous rencontrons concerne le numérique. En France, le maître d'ouvrage du numérique, ce sont les collectivités territoriales qui auront du mal à bénéficier du plan d'investissement Juncker. Ce qui nous intéresse, c'est le développement du haut débit. Comment allons-nous faire ?

Mme Colette Mélot. - Je souhaite que vous approfondissiez et consolidiez les bases d'une Europe numérique. La sécurité nous importe aussi et l'actualité nous y pousse.

Mme Sanita Pavïuta-Deslandes, ambassadeur de Lettonie en France - À propos du numérique, il s'agit de réveiller la conscience européenne. C'est un problème transversal et il faut stimuler la croissance européenne dans ce secteur. Nous sommes parfaitement d'accord sur ce sujet.

À propos de la Méditerranée et du Partenariat oriental, chaque pays a un tropisme régional naturel. Quant au partage un tiers, deux tiers, cela relève des négociations entre États membres dans le cadre financier pluriannuel.

Sur l'Ukraine, je pense qu'il n'est pas nécessaire de préciser que nous sommes tous très préoccupés. La violence se développe surtout à l'égard des civils et c'est inadmissible. Notre position est assez claire : c'est aux Ukrainiens, et à eux seuls de choisir leur avenir. La décision qui a été prise sur le choix de la langue ukrainienne était peut-être maladroite, mais cela ne peut justifier que l'on fasse couler le sang et elle ne justifie pas l'origine de cette guerre.

M. Jean-Yves Leconte. - Ils ont eu des présidents qui ne parlaient que le russe !

M. Simon Sutour. - Oui, mais ma question porte sur la question des « non-citoyens ».

Mme Sanita Pavïuta-Deslandes, ambassadeur de Lettonie en France - Quoi que fasse l'Ukraine à l'intérieur, cela ne justifie pas une intervention russe.

Sur la question des non-citoyens, ce n'est plus une question qui se pose, car il n'y a pas de problème. C'est une création juridique étrange et c'est le fruit de l'histoire, je vous l'accorde. Mais rappelez-vous que nous avons subi l'occupation soviétique de 1940 à 1991. Au moment de l'indépendance en 1991, nous avons donné la citoyenneté à toute personne qui avait au moins un ancêtre letton avant 1940 : les autres pouvaient demander la naturalisation en passant un examen, mais cet examen est une procédure facile et plus simple que celle que vous pratiquez en France pour la naturalisation.

Enfin, je vous précise que c'est un statut transitoire : ils ne sont pas apatrides et ils ont un vrai passeport. Ce sont nos ressortissants comme les autres et cette situation ne les empêche pas de voyager, mais ils ne peuvent pas voter, ni être élu ou entrer dans la fonction publique. Il ne s'agit pas de 300 000 mais de 150 000 personnes.

En outre, il y a une politique d'intégration : ils peuvent opter pour la nationalité lettone. Ils auraient pu opter pour la citoyenneté russe et s'ils restent « non-citoyens », c'est surtout une question de génération et de commodité. Ce sont, pour certains, des gens âgés qui ne veulent pas changer de statut, car cela leur permet d'aller voir leur famille en Russie, sans visa. S'ils prennent la nationalité lettone, il leur faudra un visa. Et, il y avait avant l'abolition du service militaire obligatoire aussi les jeunes qui ne voulaient pas faire leur service militaire.

En tout cas, il n'y a aucune discrimination de la part de l'État letton à leur égard.

Si nous avions accordé à tous la nationalité lettone en 1991, nous aurions aujourd'hui une autre Ukraine en Lettonie. Enfin sachez qu'on ne crée pas de nouveaux « non-citoyens » puisque les enfants qui naissent en Lettonie de parents « non-citoyens » sont citoyens.

Grâce au plan Juncker, on peut très bien financer le numérique, mais les critères sont encore à déterminer. Le plan va d'abord financer des projets qui sont déjà ficelés - pour gagner du temps -.

M. François Marc. - L'usage est que le pays qui préside apporte sa sensibilité. Qu'est-ce que la Lettonie apportera sur le dossier « croissance » ? L'an dernier, vous avez connu une chute de croissance après la crise financière puis vous vous êtes relevés assez rapidement. L'autre question que je souhaite vous poser concerne la mobilité : lors de la crise, beaucoup de jeunes lettons se sont expatriés. Que pouvez-vous nous dire sur ce phénomène ? Enfin, sur la question de l'énergie, que pensez-vous de l'utilisation des énergies fossiles qui se poursuit dans cette partie de l'Europe qui nous entoure ?

M. Jean-Yves Leconte. - Sur les questions de nationalité, nous-mêmes avons encore des problèmes avec les conséquences de la colonisation. C'est un phénomène complexe qui vient des bouleversements apportés par l'histoire du XXe siècle.

Sur la Turquie, il faut porter une attention particulière au déroulement des négociations. Quelle sera l'approche de votre présidence ?

Comment devrions-nous aider l'Ukraine ? Ne faut-il pas plutôt reconstruire et s'attacher aux infrastructures plutôt que simplement donner de l'argent pour assurer les fins de mois ?

M. Didier Marie. - La victoire de Syriza en Grèce conduira par la force des choses la Lettonie à participer à la négociation avec les Grecs : nous aimerions connaître votre point de vue sur cette question. Le consensus aujourd'hui est qu'il n'y aura pas d'effacement de la dette mais comment renégocier ?

Il faut lutter contre le terrorisme et contre Daesh : nous sommes très engagés et nous trouvons que nos partenaires européens ne le sont pas suffisamment. Que pensez-vous sur ce sujet ?

Mme Sanita Pavïuta-Deslandes, ambassadeur de Lettonie en France - Sur notre expérience économique récente, je pense que nous avons des choses à dire. Nous avons perdu un quart du PIB et nous avons rebondi. Nous avons pris des décisions radicales parce que nous n'avions plus d'argent. Alors nous avons coupé dans les dépenses sociales et même dans l'enseignement ; nous avons diminué le salaire des fonctionnaires et surtout le nombre de fonctionnaires. Quand les choses vont mal, nous retroussons nos manches et nous nous y mettons. Cependant, nous ne souhaitons pas donner de leçon, c'est une question de sensibilité. Chaque pays a son histoire et nous avons connu des difficultés et crises économiques depuis la restauration de l'indépendance, du changement de monnaie à la crise de 2008.

Sur la question de la mobilité, nous faisons face à un vrai problème puisque nous perdons des jeunes qualifiés. Nous souhaitons qu'ils reviennent, car ils reviennent plus qualifiés encore et avec une grande expérience. Nous ne pourrons pas toujours éduquer nos citoyens pour qu'ils aillent travailler ailleurs.

Sur l'énergie, je dois reconnaître que nous sommes très dépendants de la Russie, pour le gaz, bien que nous ayons de l'énergie hydraulique. Toutefois, nous avons de grandes capacités de stockage souterrain et comme nous stockons du gaz pour la ville de Saint-Pétersbourg, jusqu'à présent « on » ne nous a pas « coupé le robinet ». Ceci explique cela.

À propos de la Russie, j'aimerais vous soumettre la question de l'espace médiatique européen et de la façon dont l'information est disponible en langue russe dans les pays limitrophes (non seulement l'Ukraine, mais aussi les communautés russophones dans les autres pays où le russe est compris, dont certains États membres de l'Union européenne). La façon russe de présenter les informations ne peut être qualifiée d'objective et il faudrait que nous ayons une diffusion des informations indépendante en langue russe. Il faut proposer un contenu de bonne qualité conforme à nos valeurs pour lutter contre la propagande actuellement diffusée dans cette partie de l'Europe.

À propos de la Turquie et des autres pays candidats, nous allons continuer les négociations, mais vous savez que la Commission a annoncé qu'il n'y aura pas d'élargissement pendant cinq ans. On peut ouvrir des chapitres mais désormais il faut d'abord remplir toutes les conditions imposées avant d'ouvrir tel ou tel chapitre alors qu'autrefois on ouvrait le chapitre sans préalable.

M. Jean-Yves Leconte. - Aucun pays n'est prêt, mais les négociations sont un moyen de progresser.

Mme Sanita Pavïuta-Deslandes, ambassadeur de Lettonie en France - L'évaluation des pays candidats est faite par la Commission européenne : ce n'est pas la présidence qui est à la manoeuvre.

Pour l'Ukraine, il ne s'agit pas seulement d'offrir une aide financière, il faut des réformes. Quant à la reconstruction du Donbass, ce n'est pas pour demain. C'est une région en guerre et il faut d'abord que les troupes se retirent.

La Grèce a choisi : c'est aux Grecs qu'appartient le choix de leurs dirigeants, mais pour autant, il faut que les Grecs respectent leurs engagements : ils sont à l'intérieur d'une Union. Ce sera compliqué, nous sommes 27 créanciers... Toutefois personne n'a intérêt à avoir un pays européen plongé dans de graves problèmes économiques.

Pour la sécurité, je ne crois pas que les partenaires européens ne soient pas conscients de la gravité de la situation. Participent-ils suffisamment à l'effort de guerre ? Pour nous, je reconnais qu'il y a une décennie, la conscience de la menace était faible, mais aujourd'hui nos troupes sont aux côtés de la France dans ses efforts en Afrique. Nous partageons l'idée qu'il est urgent de renforcer la collaboration européenne contre le terrorisme en Europe. Il faut une politique de sécurité commune. Nous devrions en parler au Conseil du mois de juin, mais l'ordre du jour est dans les mains du Président du Conseil européen.

Mme Gisèle Jourda. - Je souhaite qu'on aborde le grand dossier de la PAC. Pour la Lettonie, l'agriculture ne représente que 4 % du PIB. Quelle est votre vision de la question agricole ?

Mme Sanita Pavïuta-Deslandes, ambassadeur de Lettonie en France - C'est un secteur que j'ai découvert lors des négociations d'adhésion et c'est un secteur difficile et passionnant. La question agricole chez nous est sensible et essentielle. Nos exploitations ne sont pas de taille industrielle. Dans ce secteur, nous voulons simplifier la législation, sans sacrifier les normes protectrices.

M. Michel Raison. - Êtes-vous auto-suffisant ?

Mme Sanita Pavïuta-Deslandes, ambassadeur de Lettonie en France - Non, même si nous exportons des céréales et des produits laitiers.

M. Jean Bizet, président. - Merci Madame l'Ambassadeur de la franchise de vos propos. Je pense à propos de la PAC que nous sommes arrivés au bout de l'exercice. En 2016, il faudra que nous réorientions notre politique et il serait bon que votre présidence envoie un message en ce sens pour ne pas laisser les Américains en position de force.

Certains se réjouissent du récent vote grec, mais si la Grèce devait faire défaut, cela coûterait plus de 60 milliards d'euros à la France.

Enfin, je pense que votre présidence sera très importante à cause des dossiers importants qui sont sur la table et que vous saurez les traiter avec efficacité.

La réunion est levée à seize heures quarante.