Mercredi 21 janvier 2015

- Présidence de M. Jean Bizet, président -

La réunion est ouverte à seize heures.

Justice et affaires intérieures - Organisation des travaux de la Commission sur les moyens de lutter contre le terrorisme au niveau européen - Communication de M. Jean Bizet

M. Jean Bizet, président. - Notre commission ne peut être absente des réflexions en cours sur la lutte contre le terrorisme. Elle doit y contribuer en étroite coordination avec la commission des lois et avec la commission d'enquête sur le djihadisme.

Le bureau de la commission, qui vient de se réunir, a examiné les modalités envisageables pour engager ce travail. La commission pourrait passer en revue les dispositifs européens susceptibles de contribuer à la lutte contre le terrorisme, les évaluer et envisager les pistes d'amélioration ou de renforcement. Elle a déjà désigné des rapporteurs pour certains d'entre eux.

Parmi les thèmes à aborder se trouve d'abord la création d'un PNR (Passenger Name Record) européen. Simon Sutour travaillant sur ce sujet depuis plusieurs années, nous lui demandons de bien vouloir poursuivre cette tâche.

Sont également envisagés la création d'un parquet européen aux compétences élargies à la criminalité grave transfrontière, notamment aux mouvements de capitaux qui alimentent le djihadisme, et le renforcement d'Eurojust. Pourraient en être rapporteurs Jean-Jacques Hyest, qui a déjà travaillé la question, et Philippe Bonnecarrère. Sur le renforcement de la coopération policière européenne, notamment au travers d'Europol, les rapporteurs pourraient être Mme Joëlle Garriaud-Maylam, qui a été rapporteur sur le suivi du comité de sécurité intérieure, et M. Michel Delebarre. Sur le renforcement de l'espace Schengen, André Reichardt, co-président de la commission d'enquête sur le djihadisme, travaillerait en lien avec le groupe de travail sur l'espace Schengen, l'asile et les migrations. Colette Mélot et André Gattolin, particulièrement compétent, en matière de numérique, pourraient être chargés de la réflexion sur la lutte contre les sites internet djihadistes. Sur la déchéance de nationalité, enfin, et sur sa compatibilité avec la Convention européenne des droits de l'homme, Michel Mercier, ancien garde des Sceaux, a bien voulu se charger du rapport.

Ces différents thèmes feront l'objet d'une communication assortie de propositions devant la commission dans un délai raisonnable. Ces propositions pourraient ensuite être regroupées dans une proposition de résolution européenne et restituées dans le cadre d'une réunion commune avec la commission des lois.

Il y aura, par ailleurs, lieu d'envisager l'audition commune par les deux commissions du coordinateur de l'Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, M. Gilles de Kerchove, et du ministre de l'Intérieur. Les membres de la commission des affaires étrangères pourront évidemment être conviés à l'audition du coordinateur européen.

Le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'intérieur allemand nous a suggéré ce matin de nous rapprocher du Bundesrat en vue d'une démarche commune en matière de terrorisme. Nous prenons contact avec Peter Friedrich, qui préside la commission des affaires européennes au Bundesrat. Nous pourrions imaginer une déclaration commune, comme il y a six ans au sujet de la PAC.

Simon Sutour et moi étions hier à Bruxelles, où nous avons rencontré plusieurs responsables européens. Nous tentons de faire évoluer ceux des parlementaires européens qui étaient plus axés jusqu'ici sur la protection des libertés et des données que sur les mesures anti-terroristes.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - C'est très bien d'envisager une déclaration commune avec les Allemands, mais pourquoi ne pas y associer les Britanniques, qui sont bien plus avancés sur cette question ?

M. Jean Bizet, président. - C'est une bonne suggestion. Je dois voir très prochainement l'ambassadeur britannique, Sir Peter Ricketts.

Environnement - Suivi des résolutions européennes du Sénat - Sacs en plastique : communication de M. Claude Kern

M. Claude Kern. - À l'initiative de notre ancienne collègue Françoise Boog, le Sénat a adopté le 16 juillet dernier une proposition de résolution européenne sur un projet de directive de la Commission européenne concernant la consommation de sacs plastiques. Le texte visait à réduire celle-ci à l'échelle européenne et à limiter la prolifération des sacs dans la nature. 8 milliards de sacs en plastique légers ont été jetés dans la nature en 2010 au sein de l'Union européenne. Ce qui représente 16 sacs par habitant. Chaque citoyen européen utilise en moyenne 198 sacs en plastique, dont 90 % sont des sacs légers moins réutilisables et plus enclins à devenir des déchets.

Le texte de la Commission visait tous les sacs en plastique d'une épaisseur inférieure à 50 microns remis sur le lieu de vente, quelle que soit leur nature - biosourcé ou pétrochimique - et leur utilisation, sacs de caisse ou sacs de types fruits et légumes. Je vous rappelle que près de 12 milliards de sacs fruits et légumes sont utilisées chaque année en France. Ces sacs très fins sont les moins réutilisables et, en conséquence, le plus souvent abandonnés.

Si l'épaisseur dépasse 50 microns, les sacs sont considérés comme réutilisables. Les sacs biodégradables dont l'épaisseur est inférieure à 50 microns sont également concernés par le texte de la Commission. Il n'y a rien d'étonnant à cela puisque ces sacs ne se biodégradent pas naturellement. Pour y parvenir ils doivent être soumis à une température de 57 degrés et à un taux d'humidité au moins égal à 90 %. Ce qui est plus facilement atteignable au sein d'une usine de compostage que dans la nature...

S'il est incontestable que les sacs plastiques constituent une menace pour l'environnement, notre ancienne collègue s'était néanmoins interrogée sur le rôle que peut jouer l'Union européenne dans ce domaine. La dimension transfrontalière du problème ne constitue pas véritablement un argument. Cette pollution reste malgré tout faiblement mobile, surtout au niveau terrestre.

L'utilisation de sacs plastiques diffère de surcroît d'un pays à l'autre au sein de l'Union européenne. Si les Danois ou les Finlandais ne consomment qu'un sac en plastique par trimestre, les Chypriotes, les Hongrois, les Polonais, les Portugais, les Slovaques et les Slovènes voient cette fréquence passer à un par jour. Chaque Français consomme quant à lui quatre-vingt-dix sacs par an, soit un peu moins de deux par semaine et surtout deux fois moins que la moyenne communautaire.

Dans ce contexte, quelle peut être la plus-value d'une action uniforme de l'Union européenne ? D'autant que si la proposition affiche un objectif élevé, la réduction de la consommation de sacs en plastique dans un délai de deux ans, les moyens à mettre en oeuvre ne sont pas définis et demeurent à la discrétion des États membres. La Commission communautarise in fine les actions menées par les États membres. Elle ne fixe aucun objectif quantifié de consommations de sacs par habitant et par an. La seule précision du texte concerne son champ d'application, qui vise donc les sacs dont l'épaisseur est inférieure ou égale à 50 microns. Or, des sacs de cette épaisseur ne sont jamais distribués en caisse. Trop épais et trop coûteux, ils n'ont jamais été fabriqués en série.

Dans ces conditions, le seuil de 50 microns apparait manifestement inadapté aux produits désormais mis à la disposition du public. Je pense notamment aux sacs réutilisables dont l'épaisseur tourne autour de 30 microns. Nos voisins belges ont ainsi mis en place des dispositifs dissuasifs visant les sacs d'une épaisseur inférieure ou égale à 20 microns.

Le dispositif adopté par le Parlement européen était quant à lui plus ambitieux que la proposition initiale et établissait des objectifs précis. Les États membres devaient ainsi réduire leur consommation de sacs de caisses d'une épaisseur inférieure ou égale à 50 microns de 50 % d'ici 2017 et de 80 % deux ans plus tard, par rapport aux chiffres de 2010. Les sacs utilisés pour emballer les fruits, les légumes ou les confiseries devaient, quant à eux, être remplacés d'ici 2019 par des sacs en papier recyclés, biodégradables ou compostables.

Si le projet de la Commission européenne manquait clairement de portée et laissait sceptique quant à son utilité, la version modifiée par le Parlement européen nous avait semblé à l'inverse trop radicale et peu en phase avec les réalités commerciales et industrielles. Elle mésestimait notamment les avancées enregistrées au sein de certains pays dont la France.

Dans ces conditions, la résolution adoptée par le Sénat insistait sur trois objectifs :

- la mise en place d'un objectif clair de nombre de sacs par habitant, par an et par pays, adapté à l'état d'avancement des États membres dans ce domaine ;

- la promotion des véritables filières industrielles de compostage dès lors que l'accent serait mis au niveau européen sur l'utilisation des sacs biodégradables ou compostables ;

- l'adoption d'un cadre européen en faveur du recyclage des sacs plastiques avec pour objectif zéro plastique dans les décharges à partir de 2020.

L'accord conclu entre le Parlement européen et le Conseil le 17 novembre dernier se démarque nettement de la position maximaliste des députés européens. L'accord trouvé répond à notre souhait d'une approche plus respectueuse des spécificités nationales, comme le souligne le gouvernement dans la fiche de suivi de notre résolution qu'il nous a transmise hier, le 20 janvier.

Afin de réduire la consommation de sacs en plastique, les États membres auront le choix entre imposer des objectifs de réduction contraignants - 90 sacs par personne et par an d'ici au 31 décembre 2019 puis 40 sacs par personne et par an d'ici au 31 décembre 2025 - ou adopter des mesures interdisant la fourniture gratuite de ce type de sacs. Soit ce que nous faisons en France depuis 2005 et qui nous a permis de réduire de 95 % notre consommation depuis cette date, en généralisant les sacs payants de 12 microns. Les sacs pour les fruits et légumes ne sont, par ailleurs, plus concernés par la directive qui vise désormais spécifiquement les sacs compris entre 15 et 50 microns. Rappelons que toute mesure visant les sacs pour les fruits et légumes se heurtait à deux écueils :

- une majoration du coût d'emballage et donc du prix des fruits et légumes ;

- une difficulté technique en grande surface où le traitement de ces denrées implique que la quantité puisse être visible via un sac transparent.

Les États disposent de 18 mois après l'entrée en vigueur de la directive pour la transposer dans le droit national. Ils devront au cours de la première année d'application lancer des campagnes d'information sur le sujet. La Commission européenne s'associera à cette promotion et devra, deux ans après l'entrée en vigueur du texte, évaluer l'impact sur l'environnement des sacs oxo-dégradables, défendus par nos amis Britanniques et exclus du champ d'application de la directive au terme du trilogue. Elle devra, dans le même délai, proposer de nouvelles pistes de réflexion pour la réduction des sacs très légers.

Je vous rappelle que les sacs dits oxodégradables sont censés représenter la deuxième génération des sacs biodégradables. Ces sacs sont fabriqués à base de polymères traditionnels, mais grâce à des additifs, comme des sels de métaux, le plastique abandonné dans la nature s'oxyde sous l'action de la lumière ou de la chaleur et finit par se biodégrader. Ces sacs semblent laisser néanmoins de fines particules dans l'environnement.

Si le compromis trouvé répond pour partie aux réserves formulées par le Sénat il y a six mois, nous pouvons continuer à nous interroger sur la portée d'un texte qui sera, selon la Commission européenne elle-même, difficile à appliquer. La nouvelle Commission européenne, par la voix de son premier vice-président, Frans Timmermans, a estimé le 18 novembre dernier que le texte ne correspondait pas, en effet, à l'objectif de mieux légiférer qu'elle s'est assignée. Ses doutes portent notamment sur le fait que huit États n'avaient pas transmis de données destinées à identifier et fixer des objectifs adéquats lorsque la proposition a été élaborée. La Commission européenne émet également des doutes sur les normes d'emballages pouvant être compostés retenues dans le texte adopté. Elle s'interroge enfin sur le choix des outils laissés aux États membres. Elle regrette de plus la première version du texte qui n'apportait pourtant pas grand-chose comme on l'a vu et laissait tout autant de marges de manoeuvres aux États membres... En cela, la nouvelle Commission européenne ne déjuge pas totalement la précédente.

La Commission européenne n'a cependant pas retiré son texte comme elle l'avait initialement envisagé. Seul alors un vote à l'unanimité du Conseil aurait pu maintenir le texte. Ce faisant, la Commission renouvelle son engagement en faveur de la protection de l'environnement et d'une économie circulaire. En affichant ses réserves sur les modalités pratiques du dispositif, elle rappelle également l'engagement pris par le président Juncker lors de son investiture et contenu dans les lettres de mission du Premier vice-président et du commissaire à l'environnement, à savoir simplifier et recentrer la législation existante tout en luttant contre l'inflation normative. Au risque, il faut bien le reconnaître, de faire passer cette directive pour une simple déclaration de bonnes intentions, sans réelle valeur ajoutée. Ce que notre assemblée n'avait déjà pas manqué de relever en juillet dernier.

M. Jean Bizet, président. - Je remercie notre collègue pour sa présentation du nouveau dispositif européen, qui ne sera pas sans conséquence pour les collectivités locales.

M. André Gattolin. - Je félicite le rapporteur pour la précision de son travail, qui poursuit celui de Mme Boog. Comme en juillet dernier, je regrette la vision uniformisante de la question des sacs en plastique proposée par l'Union européenne. Les normes instaurées par la Commission européenne en la matière vont parfois venir doublonner des mesures nationales sans apporter de plus-value. En France, nous avons ainsi interdit une bonne partie des sacs. Le problème de la pollution par les sacs plastiques se pose particulièrement à proximité des zones fluviales et maritimes. Le septième continent de plastique n'est hélas pas un fantasme. Il a de graves conséquences sur la biodiversité. C'est sur ces territoires qu'il convient d'agir en priorité.

La capacité européenne de compostage des sacs biosourcés est, par ailleurs, très réduite, faute de véritable filière de recyclage en aval. Autrefois, nous rapportions les bouteilles de verre consignées ; dans d'autres pays européens, les magasins proposent des sacs plastiques de grande qualité consignés, qui peuvent être soit remboursés, soit réutilisés. Une telle solution semble plus intelligente et efficace pour la préservation de l'environnement à long terme, je regrette que la Commission européenne ne l'ait pas étudiée.

Le texte a été remis sur le métier sans être totalement réélaboré. De tels sujets demandent beaucoup de finesse car il s'agit de changer les habitudes des citoyens. Réfléchissons à des pratiques plus efficaces qu'une simple suppression.

Mme Pascale Gruny. - J'avais, en tant que députée, déposé un amendement pour supprimer les sacs plastiques en France. J'ai finalement dû le retirer, à la suite d'un lobbying intense de la part de collègues issus de circonscriptions où ces sacs étaient fabriqués. Si la France a progressé depuis, je me demande si un lobbying analogue ne s'exerce pas au niveau européen, bloquant des mesures simples à mettre en place, d'autant que la population a intégré les nouvelles pratiques. Dans ma circonscription, les entreprises textiles sont restées jusqu'à mourir plutôt que de se transformer. Lorsqu'une filière est appelée à disparaître, il importe de se demander ce que l'on peut faire à la place.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je félicite Mme Gruny de son initiative. Le lobbying est en effet très présent en Europe. De mon côté, je m'interroge : aux États-Unis, cela fait plus de quarante ans que les magasins d'alimentation fournissent des sacs en papier. Pourquoi ne sommes-nous pas arrivés au même résultat en Europe ?

M. Jean-Paul Emorine. - MM. Bizet, Raoul et Billout peuvent témoigner que, lors de nos débats sur le Grenelle de l'environnement, nous avions déjà été sensibles à un certain lobbying : nous voulions orienter davantage la loi vers le biodégradable, mais c'était menacer 2 000 emplois en Haute-Loire...

Des décisions s'imposent désormais, applicables et contrôlables, notamment contre le suremballage - je pense aux yaourts - et pour une conversion aux matières biodégradables. Voilà ce qu'il faut faire remonter au niveau européen.

Les mesures adoptées par l'Union européenne me laissent en effet sceptique. L'objectif de 90 sacs par habitant et par an peut être séduisant sur le papier mais qui va contrôler ?

M. Jean-Claude Requier. - La différence est-elle grande entre le prix d'un sac en papier et celui d'un sac en plastique ?

M. Didier Marie. - Sous une apparence technique, ce sujet touche à des questions tant environnementales, sociétales, qu'économiques. Même si la France a fait des progrès et est l'un des bons élèves européens, elle reste loin du compte. Le problème est révélateur des réflexes de consommation de nos concitoyens. Une campagne de communication européenne s'impose pour compléter la directive. À quel moment ? Sous quelle forme ? Nous avons beaucoup de mal à substituer la filière papier à la filière plastique. Dans ma circonscription de Seine-Maritime, l'usine UPM Chapelle Darblay s'apprête à arrêter une machine et à licencier du coup 196 salariés. Pourtant, moyennant quelques investissements, cette machine pourrait servir à produire des sacs en papier. C'est faute de volonté économique de la part de l'entreprise et de volonté politique que cette conversion ne se fait pas. Le rapport du député Lionel Tardy sur la filière bois-papier mériterait plus d'attention : il identifie une porte de sortie pour la filière, avec beaucoup d'emplois à la clé.

M. Daniel Raoul. - Outre les suremballages, les blisters, qui ne sont ni biodégradables ni compostables, sont une véritable catastrophe : leur flottabilité, leur mobilité est au moins égale à celle des sacs plastiques. Je rejoins par ailleurs les remarques de mes collègues : pourquoi la filière des sacs papier n'est-elle donc pas plus développée ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Il faut reconnaître qu'aux États-Unis, tout le monde fait ses courses en voiture...

M. André Gattolin. - ... ou se les fait livrer à domicile.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - On peut en outre acheter très bon marché des filets à provisions dans des magasins bio. Des sacs en nylon sont également vendus dans les grandes surfaces.

M. Jean Bizet, président. - Je signale que nous avons reçu hier soir du Gouvernement la fiche de suivi.

M. Claude Kern. - Cette fiche récapitule les termes de l'accord tels que je vous les ai présentés. Elle souligne, en revanche, que rien n'a été adopté pour favoriser l'utilisation des sacs biodégradables. En ce qui concerne le dernier point de la résolution adoptée en juillet, à savoir la mise en place de filières industrielles de recyclage des déchets plastiques, ce point n'a pas été intégré au texte final. Il était par contre présent dans le paquet « déchets » présenté en juillet. La Commission européenne a cependant retiré ce projet de son programme de travail et devrait présenter un nouveau texte cette année.

Je vais revenir un instant sur la valorisation des bonnes pratiques, que nous sommes nombreux à souhaiter ici. Si une communication active est conduite sur ce sujet dans les pays anglo-saxons, elle est en revanche inexistante dans l'Est de l'Europe : achetez un crayon en Hongrie ou en Bulgarie, on vous donnera un immense sac plastique...

M. Daniel Raoul. - Sans parler de l'Afrique ! Nous avons tous vu ces photos de baobabs couverts de sacs.

M. Claude Kern. - En ce qui concerne le lobbying, toujours présent, celui-ci se concentre désormais sur la question des sacs payants. La filière plastique a eu un rôle indéniable dans la réduction de l'utilisation des sacs en France. Le problème du suremballage est quant à lui souvent abordé, notamment par Eco-Emballages. Prenons exemple sur nos voisins : en Allemagne, les magasins des grandes chaînes de distribution ne présentent plus les produits sur étagères : on peut acheter ses yaourts soit en grande quantité, soit à l'unité. Pour revenir aux blisters, ils continueront à être un problème tant que l'on n'aura pas résolu la question de leur recyclage.

M. Daniel Raoul. - Il faudrait les interdire.

M. Claude Kern. - Je vous rappelle que la proposition de résolution du Sénat que nous avons adoptée en novembre sur le paquet déchets préconisait l'introduction d'un objectif d'incorporation de 50 % de matières recyclées dans les biens sur le marché.

Je regrette comme vous que le texte adopté par le Conseil et le Parlement européen n'évoque par les sacs papier. Reste que dans les supermarchés, ils sont inadaptés pour les fruits et légumes, pour des questions de visibilité lors du passage en caisse notamment. Il existe cependant d'autres pratiques : les magasins allemands ne donnent plus du tout de sacs de caisse, mais en proposent à l'achat en rayon, et mettent parfois aussi à disposition de leurs clients les cartons d'emballage des produits.

Voilà des réflexions à mener et des pistes à creuser. Il s'agira ensuite de les relayer auprès de la Commission européenne qui devra dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du texte promouvoir des mesures favorisant la réduction de la consommation de sacs.

M. Jean Bizet, président. - Je relève que certains des points soulevés dans notre proposition de résolution ont donc été retenus, à l'image de la mise en place d'objectifs adaptés à chacun des États. Le travail de Mme Boog a donc porté ses fruits. Au-delà de ce cas, je vous rappelle que nous avons fortement insisté auprès du secrétariat général des affaires européennes pour que les fiches de suivi soient plus précoces que la formalisation d'un accord politique au Conseil et qu'elles ne concernent pas seulement les résolutions européennes portant sur des projets d'actes législatifs, mais sur toutes nos résolutions quel que soit leur objet, afin de mieux valoriser notre travail.

Environnement - Suivi des résolutions européennes du Sénat - Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : communication de Mme Colette Mélot

M. Jean Bizet, président. - Mme Mélot nous avait présenté en mars 2013 une proposition de résolution européenne contestant fortement les dispositions proposées par la Commission en matière d'évaluation des incidences des chantiers sur l'environnement.

Mme Colette Mélot. - Élaborée par le maître d'ouvrage, l'évaluation des incidences environnementales est imposée depuis la directive du 27 juin 1985 pour une série de chantiers, privés ou publics, devant faire l'objet d'une autorisation administrative. Les règles applicables dans ce domaine ont été consolidées à droit constant par la directive du 13 décembre 2011. La Commission européenne a pris les États membres par surprise en publiant le 26 octobre 2012 une proposition étendant le champ de cette procédure et modifiant fortement son déroulement.

J'avais donc soumis à notre commission une proposition de résolution européenne, adoptée ici-même le 20 mars 2013 et devenue résolution du Sénat le 25 avril suivant, tendant à repousser la totalité des dispositions nouvelles.

La procédure législative européenne ayant abouti à la directive 2014/52 du 14 avril 2014, nous pouvons comparer la résolution européenne et le texte définitif. Il apparaît que, si l'adjonction de nouvelles problématiques environnementales n'a pu être évitée, nous avons eu satisfaction sur tous les autres points.

Trois problématiques environnementales nouvelles ont été ajoutées : biodiversité ; changement climatique ; exposition aux catastrophes, d'origine naturelle ou humaine. Nous avions estimé inopportun d'étendre le domaine d'application de cette procédure, qui motivait déjà 40 000 à 60 000 évaluations par an. L'entrée en vigueur toute récente de la loi Grenelle II justifie que la France repousse tout nouveau changement. Malgré cette objection de bon sens, la Commission européenne a considéré qu'il y avait là une adaptation essentielle, ce que le Parlement européen et le Conseil ont avalisé. Ainsi, quelque deux cents types de projets devront désormais faire l'objet d'une évaluation environnementale avant même l'enclenchement de la procédure d'autorisation. Le Parlement européen voulait y ajouter les gaz de schiste. Le Conseil l'ayant refusé, le compromis final revient, sur ce point, au dispositif initial proposé par la Commission européenne le 26 octobre 2012.

Pour le reste du projet de directive, nos arguments paraissent avoir été entendus.

Notre commission avait ainsi observé que les chantiers de démolition n'ont pas nécessairement d'incidence environnementale justifiant une évaluation préalable. Comme nous l'avions demandé, la mouture définitive du texte autorise l'évaluation de l'incidence environnementale d'une démolition lorsque le cas d'espèce le justifie, sans l'imposer de manière systématique.

L'examen au cas par cas est une étape préparatoire, visant à vérifier la nécessité d'une évaluation de l'incidence environnementale. Facultative depuis 1985, cette procédure serait devenue obligatoire si le texte initial avait été adopté sans modification. La commission des affaires européennes s'était opposée au travail supplémentaire induit par une telle évolution. Elle a eu gain de cause, puisque les modifications apportées au statu quo sont rédactionnelles.

Idem pour la procédure de cadrage préalable, qui restera facultative. Si le maître d'ouvrage demande à en bénéficier, l'administration devra le guider en lui indiquant ses priorités pour le cas d'espèce.

Notre commission contestait la disposition nouvelle transférant à l'autorité administrative compétente la tâche d'achever l'évaluation des incidences environnementales. La directive adoptée ne comporte plus ce dispositif : le rapport d'évaluation restera réalisé par le maître d'ouvrage.

La directive 2014/52 édulcore fortement l'introduction d'un scénario de référence dans l'évaluation environnementale : subsistent exclusivement « les aspects pertinents de l'état actuel », accompagnés d'« un aperçu de son évolution probable ». Dans ces conditions, l'obligation nouvelle revient à expliciter une réflexion indispensable pour évaluer l'incidence du projet, c'est-à-dire l'écart entre ses conséquences et le statu quo. Le texte initial était plus exigeant, puisqu'il mentionnait « l'évolution probable » et non un simple aperçu de celle-ci. Sa rédaction imprécise aurait en outre été source de contentieux.

Notre commission s'était également élevée contre l'obligation de recourir au moins une fois à un expert accrédité, ce qui aurait obligé l'administration à recruter un consultant pour étudier le rapport du maître d'ouvrage si celui-ci avait présenté une évaluation réalisée sans le concours d'un expert agréé. In fine, l'étude d'impact devra être réalisée par des experts compétents et l'autorité administrative devra simplement disposer de l'expertise nécessaire pour apprécier l'étude qui lui est soumise.

Enfin, la proposition de directive portait atteinte aux conditions de l'enquête publique, la Commission européenne entendant restreindre le débat public à un délai compris entre 30 et 90 jours. L'enquête publique en France est actuellement conduite par un intervenant indépendant, sous la supervision de la Commission nationale du débat public. La loi Grenelle II autorise cette commission à nommer un « garant » devant veiller à ce que le public puisse présenter ses observations et contre-propositions. En droit français, la procédure de débat public, de six mois au maximum, est suivie d'une phase de concertation avec le public, puis de l'enquête publique, limitée à trois mois. Les délais proposés par la Commission correspondaient à la seule procédure d'enquête publique ! Réduire ainsi le temps consacré à la participation du public était un mauvais message à adresser à nos concitoyens.

Heureusement, la rédaction finale satisfait pleinement la résolution du Sénat, puisque seul subsiste le délai minimal de 30 jours, les plafonds de durée continuant à relever des États membres.

Lors des négociations ayant débouché sur la directive de 2014, les négociateurs français ont systématiquement soutenu la résolution du Sénat, qui était donc celle de la France. Sans doute n'était-il pas indifférent que la résolution européenne ait été adoptée par notre commission à la quasi-unanimité.

M. Jean Bizet, président. - Il s'agit d'un sujet conflictuel pour les élus locaux. Voilà quelques années, un dossier monté par une petite collectivité mettait six mois à aboutir, il faut maintenant plusieurs années. C'est une évolution décourageante pour les responsables qui sont jugés sur leurs résultats. Sans parler des contingences environnementales ! Nous nous félicitons donc du résultat atteint par notre résolution.

M. Philippe Bonnecarrère. - Quel est le champ d'action de la disposition européenne ? S'agit-il de démolitions privées ou publiques ? Quel est l'impact de cette disposition sur les procédures auxquelles nous sommes désormais habitués ? La notion d'étude d'impact ou d'évaluation environnementale renvoie pour moi au champ de la loi Bouchardeau de 1983, qui fixe les seuils au-delà desquels intervient la Commission nationale du débat public. Allons-nous vers des cumuls de règles ? La nouvelle législation européenne semble plus souple que le droit français. Si la loi Bouchardeau devait être remise en cause, les praticiens et les collectivités locales devraient fournir un énorme effort d'acculturation.

Mme Colette Mélot. - Jusqu'à présent, l'évaluation ne s'imposait pas aux démolitions. Le projet européen de les inclure a été abandonné, sauf cas particuliers.

M. Daniel Raoul. - Dont l'amiante.

Mme Colette Mélot. - L'Union européenne autorise chaque État à choisir la loi applicable. Les États membres peuvent durcir leur législation, non l'atténuer.

M. Philippe Bonnecarrère. - Les dispositions françaises étant plus complètes que celles, minimales, de l'Union européenne, le système juridique résultant des lois de 1983 et de 2010 ne sera donc pas impacté ?

Mme Colette Mélot. - Exactement.

M. Philippe Bonnecarrère. - Très bien.

M. Jean Bizet, président. - C'est la conséquence de la résolution adoptée par le Sénat dès 2013.

Nominations à un organisme extraparlementaire

M. Jean Bizet, président. - Nous devons désigner un membre titulaire et un membre suppléant de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.

Je vous propose de désigner Mme Nicole Duranton, comme membre titulaire, et Mme Gisèle Jourda, comme membre suppléant.

Mme Nicole Duranton (titulaire) et Mme Gisèle Jourda (suppléante) sont désignées à la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.

Nominations de rapporteurs

M. Jean Bizet, président. - Suite à nos échanges sur la lutte contre le terrorisme au niveau européen, en ce début de réunion, je vous propose de désigner :

- Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Michel Delebarre sur le renforcement de la coopération policière notamment à travers Europol ;

- M. André Gattolin et Mme Colette Mélot sur l'action européenne de lutte contre les sites internet djihadistes ;

- M. Michel Mercier sur la déchéance de nationalité au regard de la convention européenne des droits de l'homme.

En outre, je vous propose de désigner :

- M. André Gattolin et Mme Colette Mélot sur le suivi des enjeux numériques de l'Union européenne ;

- M. Simon Sutour sur la Grèce et l'Union européenne après les élections législatives.

Il en est ainsi décidé.

La réunion est levée à 17 heures.