Mercredi 17 décembre 2014

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La séance est ouverte à 16 heures.

Diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel - Examen des amendements au texte de la commission

La commission examine les amendements sur le texte de la commission n° 173 (2014-2015) sur le projet de loi n° 119 (2014-2015), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.

Mme Colette Mélot, rapporteur. - Ces deux amendements sont identiques et prévoient un mandat de l'artiste concerné autorisant la société de perception et de répartition des droits (SPRD) à demander des informations au producteur.

Je comprends le souci de mes collègues qui souhaitent encadrer la faculté que nous avons prévue ici par voie d'amendement : elle permet à une SPRD de demander des informations sur l'état des recettes au producteur pour évaluer la rémunération supplémentaire due à l'artiste interprète. J'y avais moi-même songé dans un premier temps. Mais, après une expertise plus poussée, je suis néanmoins contrainte de vous proposer de donner un avis défavorable à leur adoption pour deux raisons, l'une pratique et l'autre juridique :

- la première, et la plus importante, est la raison pratique : les SPRD répartissent les droits aux artistes-interprètes qui ne sont pas forcément leurs adhérents, c'est-à-dire des « associés » pour reprendre le terme exact. Ils versent donc des rémunérations à des artistes avec lesquels ils n'ont pas nécessairement de lien contractuel.

Les chiffres figurant dans le dernier rapport annuel de la société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (SPEDIDAM) en attestent : en 2013, elle a reversé des répartitions de droits à 78 000 bénéficiaires. Mais elle ne comptait que 32 000 associés, qui n'étaient pas nécessairement eux-mêmes bénéficiaires.

Vous comprendrez, au travers de ces chiffres, qu'il serait matériellement impossible de prévoir un mandat spécifique pour tous les bénéficiaires potentiels. Limiter la demande d'information aux seuls mandats individuels reviendrait donc à annuler les effets positifs attendus de l'amendement que nous avons adopté la semaine dernière. Nous nous éloignerions de l'objectif fixé par la directive, à savoir l'amélioration de la situation économique des artistes-interprètes ;

- la deuxième raison est d'ordre juridique : le texte que nous avons adopté est très clair : est expressément ciblée « une SPRD chargée de percevoir sa rémunération annuelle supplémentaire » : le lien est donc déjà très précisément défini puisque la SPRD ne pourra demander des informations que pour l'artiste dont il doit percevoir la rémunération.

En outre, les SPRD devront être agréées par le ministre de la culture, selon des modalités précisées par décret en Conseil d'État. Si vous le souhaitez, j'interpellerai la ministre demain, lors de l'examen du projet de loi en séance plénière, en votre nom, pour demander que l'agrément insiste sur la formulation que nous avons adoptée en commission, afin que les SRPD ne puissent pas demander des informations sur les recettes concernant d'autres artistes-interprètes que ceux dont ils seraient chargés de percevoir la rémunération.

Mme Vivette Lopez. - Au vu de vos observations, je retire mon amendement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rect.

Mission de réflexion sur l'avenir de France Télévisions à l'horizon 2020 - Communication de M. Jean Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel

La commission entend ensuite une communication de M. Jean Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel, sur la mission de réflexion sur l'avenir de France Télévisions à l'horizon 2020.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Au-delà de la diversité de nos sensibilités politiques, nous sommes tous préoccupés par l'avenir du secteur public audiovisuel, en particulier de France Télévisions.

Vous vous souvenez que, lors de l'examen - tant en commission qu'en séance - des crédits de la mission « Médias » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », nous nous étions notamment inquiétés de son financement, de son modèle économique et de la situation sociale au sein du groupe. Nous avons ensuite décidé de créer une mission d'information, conjointe avec la commission des finances, relative au financement de l'audiovisuel public, confiée, pour ce qui concerne notre commission, à notre rapporteur, Jean-Pierre Leleux.

Dans le même esprit, j'ai souhaité que notre rapporteur puisse nous dresser un point d'étape de la mission confiée à M. Marc Schwartz par le Gouvernement sur l'avenir de France Télévisions à l'horizon 2020.

Cette mission ne constitue qu'un élément parmi d'autres d'un débat beaucoup plus vaste et que je vous propose de poursuivre début 2015 en organisant une table ronde et des auditions de toutes les parties prenantes car s'il ne nous appartient plus de nommer le président-directeur général de France Télévisions, il s'agira d'un moment crucial pour repréciser les missions que nous entendons confier au service public.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Au printemps prochain, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), en application de la loi du 15 novembre 2013, nommera le nouveau président de France Télévisions. Il ne revient donc plus au Gouvernement de désigner celui ou celle qui aura la charge de conduire le groupe public de télévision au cours des cinq prochaines années, mais c'est pourtant toujours l'État qui définira les moyens et les grandes orientations de France Télévisions au travers du contrat d'objectifs et de moyens (COM).

Dans cette optique, le Gouvernement et, plus précisément, les ministères de la culture et de la communication ainsi que ceux de l'économie et des finances ont décidé de confier une mission à M. Marc Schwartz afin de conduire « une réflexion sur l'avenir de France Télévisions à l'horizon de 2020 ».

Cette réflexion est, à mon sens, la bienvenue pour au moins trois raisons :

- l'État reste l'actionnaire de la société France Télévisions et c'est le rôle de l'actionnaire de se soucier de l'avenir de la société ;

- l'État conserve la responsabilité de définir les ressources du groupe public que ce soit au travers de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), de dotations budgétaires et des modalités de recours à la publicité, il est donc comptable du modèle économique de la société ;

- enfin, la situation de France Télévisions appelle des évolutions majeures qu'il s'agisse de la réaffirmation de ses missions, de son périmètre d'activité et du renforcement de son identité éditoriale.

Voilà pourquoi le choix de confier cette mission à un professionnel reconnu de l'audiovisuel qui a, de plus, exercé des fonctions au sein de France Télévisions était une bonne idée.

Comme le prévoyait sa lettre de mission, M. Marc Schwartz a souhaité prendre l'attache des parlementaires en charge des questions de l'audiovisuel dans chacune des assemblées. C'est ainsi que nous l'avons rencontré, à sa demande, avec Mme la présidente, il y a quelques jours.

Sur proposition de notre présidente, je vais essayer brièvement de vous rendre compte de nos échanges.

Le rapport que rendra M. Marc Schwartz probablement au mois de février doit permettre qu'il n'y ait pas « un trop grand décalage entre ce que les candidats proposeront de faire et ce que l'État sera prêt à financer ». Pour autant, selon M. Marc Schwartz, l'objectif de ce rapport n'est pas d'être prescriptif. Il s'agit bien pour l'État de rester dans son rôle en recherchant la cohérence entre les missions, le financement et le périmètre de la société publique.

Au cours de cet échange, notre présidente a tout d'abord rappelé que notre commission s'était depuis longtemps intéressée à la situation de France Télévisions comme l'illustrait le rapport qu'elle avait rédigé avec Claude Belot en 2010 sur les comptes de France Télévisions. Et c'est pourquoi nous sommes aujourd'hui en situation de porter un regard objectif dans une perspective stratégique sur l'avenir de cette entreprise.

Nous avons ainsi rappelé notre attachement au service public de l'audiovisuel et en particulier à la télévision publique. Il s'agit, dans notre esprit, d'une dimension essentielle de notre modèle culturel qu'il convient de conforter mais aussi de faire évoluer face aux nouveaux défis.

Car là est bien l'enjeu, ne pas mésestimer l'étendue des changements technologiques en cours et les implications de la démultiplication de l'offre.

Jusque dans les années 1980, il y avait peu de chaînes et peu de programmes. Aujourd'hui, face à l'abondance des offres et à la démultiplication des supports nous devons nous interroger sur ce qui fait la spécificité du service public.

L'information sur France Télévisions est de qualité mais les Français sont devenus de vrais adeptes des chaînes d'information en continu. Le sport a été pendant longtemps une des caractéristiques du service public - « le plus grand terrain de sport » selon un des slogans de la société - mais l'arrivée de beIN SPORTS change complètement la donne. Quant aux fictions et aux jeux, il faut souvent chercher attentivement la différence avec ce que proposent TF1 et M6 dans ces domaines.

En définitive, peut-être parce que TF1 conserve certains gènes de son ancienne culture publique avec ses grands magazines d'information (comme « Sept à huit ») et son implication sur les grands événements sportifs comme le football et le rugby (la chaîne diffusera la coupe du monde de 2015), peut-être aussi parce que le caractère trop généraliste de France 2 et France 3 ne permet pas de bien les identifier et de les distinguer, les Français ont du mal à bien percevoir ce qui caractérise le service public de l'audiovisuel alors même que la loi a expressément prévu qu'un cahier des charges définit les obligations des sociétés du secteur public de l'audiovisuel.

Dans notre esprit, cette clarification nécessaire passe par une réflexion sur le modèle économique de France Télévisions. Nous avons ainsi réaffirmé notre soutien à la suppression de la dotation budgétaire d'ici 2017 et son remplacement par la CAP. Mais nous avons également indiqué à M. Marc Schwartz qu'il faudrait aussi renforcer le caractère autonome du financement de France Télévisions. Cela pourrait passer, à notre avis, par le fait de confier à une instance indépendante le soin de proposer l'évolution du montant de la contribution à l'audiovisuel public ainsi que la répartition de son produit entre les différentes sociétés de l'audiovisuel public. Bien entendu, le Parlement conserverait in fine la responsabilité de voter le montant de la CAP et d'acter sa répartition mais sur la base d'un projet qui aura pu faire l'objet d'une concertation entre les différentes sociétés, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Nous avons aussi évoqué la nécessité de revoir l'assiette de la CAP tout en trouvant un mécanisme qui ne soit pas susceptible de favoriser une hausse de la fraude. La taxation des supports numériques pourrait, en effet, nécessiter un accroissement des contrôles qui sont considérés comme intrusifs et sont donc impopulaires notamment auprès des jeunes générations comme l'ont montré les expériences britannique et allemande.

Au final, nous avons réaffirmé avec Mme la présidente que l'élargissement de la CAP ne devait pas viser prioritairement à augmenter les ressources des sociétés de l'audiovisuel public mais consolider leurs moyens face au risque que représentent les nouveaux supports numériques pour le rendement d'une taxe basée sur la possession de téléviseurs.

Concernant le financement de France Télévisions, j'ai enfin rappelé à M. Marc Schwartz mon opinion toute personnelle selon laquelle la publicité était intrinsèquement incompatible avec l'existence même d'un véritable service public de l'audiovisuel public. Contrairement aux centres villes de nos communes, les boutiques sont en effet ouvertes tous les jours, même le dimanche, sur France Télévisions pour inciter à l'hyperconsommation. Il n'y a pas même de limites en fonction de la nature des annonceurs - comme on peut les trouver à Radio France - pour permettre de préserver l'identité des chaînes publiques. Et ce n'est pas tout, puisque le placement de produits (c'est-à-dire le fait pour des marques de rémunérer un producteur pour faire figurer ses produits dans un film ou une série ce qui revient à faire de la « publicité cachée ») se développe dans les productions diffusées par France Télévisions comme sur les autres chaînes.

Comme l'a indiqué notre présidente à M. Marc Schwartz, le modèle de financement hybride ne constitue pas un choix volontaire, il a été retenu parce que l'État n'avait pas les moyens de supprimer la publicité. Il serait donc très dommageable que l'interdiction de diffusion de la publicité le soir soit remise en cause. Il s'agit là d'un des marqueurs qui permet de distinguer le service public.

Par ailleurs, la crise du marché publicitaire ne permet pas de considérer que cette ressource pourrait constituer une piste pour assurer un financement stable de France Télévisions.

Concernant l'évolution technologique à laquelle doit faire face France Télévisions, nous avons indiqué notre conviction que ce changement était devenu inéluctable et qu'il convenait d'en tirer toutes les conséquences, y compris sur l'organisation même du service public.

Aujourd'hui, les chaînes de France Télévisions ne disposent pas, pour l'essentiel, des droits qui leur permettraient de rendre accessibles sur la plateforme Pluzz tous les films et toutes les séries qu'elles diffusent. Par ailleurs, force est de constater que les mutualisations entre France Télévisions et les autres sociétés publiques, comme Radio France, l'Institut national de l'audiovisuel (INA), France Médias Monde, sont à peu près inexistantes.

Dans le domaine de l'information, selon M. Marc Schwartz, France Télévisions dispose de la plus grande rédaction de journalistes d'Europe, ce qui n'empêche pas que l'offre d'information soit plutôt limitée sur les antennes publiques faute de chaîne dédiée à l'information en continu.

Que penser, par ailleurs, de la concurrence que se font tous les médias publics sur Internet et notamment le site Francetv info avec France Info ? Une meilleure articulation des différentes offres publiques est indispensable compte tenu, en particulier, des performances très modestes du service public sur Internet.

Le principal risque auquel doit faire face l'audiovisuel public - comme les autres chaînes de télévision détenues par des capitaux privés - tient en fait au vieillissement de leur audience. En quelques années, la moyenne d'âge des téléspectateurs de ces chaînes a augmenté de 3 à 4 ans, c'est-à-dire beaucoup plus que la population française dans son ensemble. Et même si le temps passé devant le poste de télévision « à l'ancienne » au milieu du salon constitue toujours le mode, de loin, le plus important d'accès aux images, de nouvelles formes de consommation télévisuelles se développent sur tablettes ou sur Smartphones tandis que, sur la même période, le temps d'écoute des 20-34 ans a baissé de 20 minutes par jour.

Ce risque de rupture avec les nouvelles générations appelle une véritable remise à plat de l'offre télévisuelle en s'interrogeant sur la pertinence et les missions de chacune des chaînes.

Si France 2 doit sans doute mieux se distinguer de TF1 en interrogeant son statut de « chaîne généraliste », le problème n'est pas très différent pour France 3 qui a tendance à ressembler de plus en plus à France 2. Le rapport d'Anne Brucy n'a pas véritablement permis de définir une stratégie nouvelle pour la chaîne. Est-ce que le projet de réforme de la carte des régions peut rebattre les cartes ? Est-ce que l'idée d'inverser les décrochages que je défends depuis plusieurs années (l'essentiel de la programmation serait locale avec quelques décrochages nationaux) serait plus opérationnel avec le soutien des grandes régions ? Il faut en discuter.

Concernant l'avenir de France 4, nous avons bien pris note de la relance effectuée avec un nouveau positionnement. Mais est-il crédible de vouloir partager l'antenne avec deux cibles aussi différentes que les enfants dans la journée et les jeunes adultes le soir ? Pas sûr que ces derniers souhaitent se voir cantonner à une chaîne jeunesse mais il faut au moins reconnaître les efforts qui sont réalisés pour proposer une programmation originale. Il est sans doute trop tôt pour faire un bilan sur cette nouvelle orientation.

Concernant France Ô, le Président de la République vient d'annoncer qu'il souhaitait qu'elle redevienne une chaîne consacrée à l'outre-mer, ceci en contradiction avec ce que prévoit le COM de la chaîne. On peut, bien entendu, débattre de cette idée du Président de la République mais, au travers de cet exemple, on mesure bien le problème principal de France Télévisions qui tient d'abord à l'absence de continuité dans les orientations de l'actionnaire. Le service public ne peut pas fonctionner avec des instructions contradictoires et des financements incertains, ce qui pose à nouveau la question de la gouvernance de France Télévisions.

À cela s'ajoute un cadre réglementaire qui ne favorise pas l'action de France Télévisions en faveur de la création. À cet égard, on ne peut que s'interroger sur l'avis qu'a rendu le CSA sur le projet de décret modifiant le régime de la contribution des services de télévision à la production audiovisuelle qui ne semble pas lever les freins au développement des investissements dans la création. Or il s'agit là d'une des clés pour favoriser une nouvelle identité des chaînes publiques au travers de productions audacieuses et innovantes.

En conclusion, madame la présidente, mes chers collègues, cet échange avec M. Marc Schwartz a été salutaire car il nous a permis de constater que l'État avait bien à l'esprit la réalité et l'importance des enjeux auxquels doit faire face France Télévisions. Il a aussi montré que la vision que nous pouvions avoir ici, au Sénat, était juste et méritait d'être entendue.

Je crois cependant que nous pouvons utilement approfondir notre réflexion dans les semaines qui nous séparent de la nomination du nouveau président de France Télévisions et de la négociation du nouveau COM, c'est pourquoi je souscris pleinement à la proposition de notre présidente d'organiser des auditions début 2015 pour nous permettre d'affiner encore notre perception de ce que doit être l'avenir de France Télévisions.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Il sera effectivement utile de poursuivre notre réflexion, en particulier, sur le financement de l'audiovisuel public. C'est pourquoi notre rapporteur, Jean-Pierre Leleux, travaillera en binôme avec la commission des finances dans le cadre d'une mission de contrôle. Par ailleurs, début février, nous devrions auditionner le président du conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), M. Olivier Schrameck, organiser une table ronde avec les parties prenantes de l'audiovisuel public et enfin, auditionner le président de France Télévisions, M. Rémy Pflimlin.

M. David Assouline. - J'aurais préféré que M. Marc Schwartz soit auditionné par la commission, afin qu'il puisse tenir compte de nos échanges dans la préparation de son rapport. Il y a en effet beaucoup de sénateurs impliqués dans les questions liées à l'audiovisuel dans notre commission.

La première question qui se pose à France Télévisions, selon moi, concerne la moyenne d'âge de ses téléspectateurs, qui dépasse soixante ans, signe du vieillissement de son audience et d'une absence de renouvellement. Il sera d'autant plus difficile de défendre une évolution de la redevance que le service public s'éloignera du contribuable. En outre, la fidélisation repose de moins en moins sur les chaînes et de plus en plus sur les émissions elles-mêmes, du fait de la délinéarisation.

Concernant les missions de service public, je relèverai le cas particulier de l'information. Aujourd'hui, les chaînes d'information en continu donnent le tempo, ce qui, selon moi, pose une difficulté.

Avec France 2 et France 3, deux chaînes généralistes coexistent au sein d'un même groupe, ce qui n'est plus possible. J'ai déjà eu l'occasion de proposer que France 3 devienne une véritable chaîne d'information, mêlant de l'information locale, des documentaires et des débats tandis que France 2 se concentrerait sur les loisirs et les divertissements. Si cette proposition n'a pas abouti jusqu'à présent, c'est en raison des changements importants qu'elle occasionnerait.

Il faut, à mon sens, bien réfléchir à l'utilisation qui est faite des moyens consacrés à l'audiovisuel public compte tenu du vieillissement de son audience. J'estime qu'un choc est nécessaire. Je rappelle l'exemple de France Médias Monde où Mme Marie-Christine Saragosse a réussi sur la base d'un projet d'entreprise qui a suscité l'adhésion des personnels.

Je souhaite que tous les membres de la commission puissent participer à la réflexion sur l'avenir de France Télévisions. Je partage l'idée qu'il faut élargir l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public mais il faudra être capable d'imposer cette idée. Je rappelle que la CAP, pour rester une taxe affectée, doit être « accrochée » à un récepteur. Il faudrait pouvoir mettre en place cette réforme dès l'année prochaine afin de pérenniser le rendement de cette taxe sans en augmenter le montant.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - M. Marc Schwartz est aujourd'hui dans une logique d'auditions afin de construire sa propre réflexion dans le cadre de la préparation de son rapport. C'est dans ce cadre que nous l'avons rencontré, à sa demande, M. Leleux et moi. Il n'est pas dans la situation où il pourrait être auditionné par notre commission dans son ensemble. Toutefois, j'ai pu m'entretenir récemment avec lui et il m'a indiqué qu'il était tout à fait disposé à venir échanger avec la commission, début 2015, lorsqu'il aura terminé la préparation de son rapport.

M. Bruno Retailleau. - Le numérique bouleverse l'ensemble du marché et concerne autant les chaînes privées que les chaînes publiques. Comme l'a expliqué notre rapporteur, l'avis du CSA concernant le projet de décret modifiant le régime de la contribution des services de télévision à la production audiovisuelle montre qu'il n'a pas encore pris la mesure de l'impact du numérique sur l'écosystème de l'audiovisuel et de la création. Cela pose la question des modes de régulation d'aujourd'hui, qui reposent essentiellement sur la plateforme TNT (télévision numérique terrestre). J'ai déjà eu l'occasion de m'émouvoir du retrait de la bande 700 MHz du spectre dédié à la diffusion de la télévision qui va imposer des migrations sur d'autres fréquences. Le système de régulation s'essouffle, d'autant que la diffusion hertzienne devient de plus en plus minoritaire dans les modes d'accès aux services de télévision.

S'agissant des missions confiées à l'audiovisuel public, il faudra exiger une réforme de France Télévisions, afin de répondre notamment au déficit de spécialisation de ses différentes chaînes. Toutefois, je ne partage pas les propositions faites par notre collègue David Assouline, concernant l'avenir de France 2 et France 3. France 2 doit, à mon sens, demeurer une chaîne généraliste proposant de l'information. Quant à son financement, je considère qu'on ne pourra pas toujours augmenter le montant de la CAP et je rappelle que l'élargissement de son assiette, sur lequel j'ai toujours fait preuve de prudence, ne rapporterait qu'une quinzaine de millions d'euros. Cette réforme serait source de complexité et, comme l'a indiqué le rapporteur, risquerait d'être mal perçue par les jeunes. Je souhaite mettre en garde contre le fait d'augmenter toujours plus les taxes.

Mme Samia Ghali. - Il est important de parler de l'évolution de France Télévisions et je suis d'accord avec David Assouline. France Télévisions doit accepter la critique. Aujourd'hui, France 2 ne s'adresse plus aux jeunes, contrairement à d'autres chaînes, comme par exemple RMC Découverte. Concernant France 3, je n'ai pas le sentiment que les décrochages régionaux fonctionnent si bien que cela. À propos de l'information en continu, je considère que cela peut amener plus d'audience concernant l'ensemble des publics comme le montre la diffusion de BFM et iTélé dans de plus en plus de lieux publics, ainsi que j'ai pu le constater à Marseille.

Nomination de rapporteurs

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous devons maintenant procéder à la nomination de plusieurs rapporteurs :

- sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance sur l'université des Antilles et de la Guyane. Traditionnellement, le seul dépôt du projet de loi suffit à « valider » l'ordonnance prise par le Gouvernement, mais, en l'espèce, l'examen de ce texte a surtout pour objectif de permettre de prendre les mesures législatives rendues nécessaires par la création d'une université de Guyane de plein exercice.

Je vous propose de désigner notre rapporteur pour l'enseignement supérieur, M. Jacques Grosperrin ;

- sur le projet de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.

Ce texte est examiné aujourd'hui même par l'Assemblée nationale et le Gouvernement a engagé la procédure accélérée la semaine dernière.

Je vous propose de désigner M. Philippe Bonnecarrère.

Mme Dominique Gillot. - Permettez-moi d'exprimer ma déception de ne pas être nommée rapporteure sur le projet de loi qui fait suite au travail accompli ces derniers mois sur l'université Antilles-Guyane. J'aurais aimé aller au bout de cette tâche qui s'est avérée difficile et complexe, et sur laquelle je me suis beaucoup investie : je pense notamment à un déplacement sur place assez délicat au cours duquel il a fallu un certain courage politique pour mettre à jour les difficultés sans pour autant enflammer le territoire. J'ai, par ailleurs, le sentiment que M. Grosperrin, avec qui j'entretiens d'excellentes relations, n'était pas forcément demandeur de ce rapport.

Ayant bien conscience que la majorité sénatoriale a changé, je ne souhaite pas monter cette affaire en épingle, mais je trouve que cette façon de faire manque d'élégance. En outre, je ne suis pas certaine que cette reprise en main politique nous garantisse la sérénité qui serait de mise dans les débats à venir.

M. David Assouline. - Je me souviens que sous la présidence de M. Valade ou de M. Legendre, tous les rapports législatifs n'étaient pas confiés à la majorité sénatoriale, dans la mesure où l'on prenait aussi en compte l'expertise ou l'investissement des commissaires de l'opposition. Par ailleurs, il existe un principe tacite, selon lequel le rapport sur une proposition de loi est toujours confié à un sénateur appartenant au groupe duquel émane cette proposition : il m'est arrivé plusieurs fois d'argumenter pour qu'un tel rapport soit confié à un membre du groupe UMP. La proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse étant un texte déposé sur la niche socialiste de l'Assemblée nationale, je vous demande de reconsidérer le choix que vous nous proposez d'en confier le rapport à un sénateur de la majorité.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le principe que vous évoquez a pu souffrir certaines exceptions : j'ai le souvenir, qu'à l'inverse, en 2013, le rapport sur la proposition de loi, dont le premier signataire était M. Christian Jacob, tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres, a été confié à Mme Bariza Khiari.

Mme Françoise Cartron. - Le choix de ne pas confier à notre collègue Dominique Gillot le rapport sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à l'université Antilles-Guyane me met très mal à l'aise car il revient à balayer d'un revers de main un travail important et difficile pour de simples considérations politiques. Ce n'est pas une bonne manière.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je m'associe à ce qui vient d'être dit s'agissant, tant du travail accompli par Mme Dominique Gillot sur l'université Antilles-Guyane, que du principe selon lequel le rapport sur une proposition de loi émanant d'un groupe politique doit être confié à un membre de ce même groupe.

M. David Assouline. - Ces désignations n'ont jamais été évoquées lors de la dernière réunion du bureau de la commission.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - On pourrait faire évoluer nos méthodes, mais je n'ai pas souvenir que les désignations de rapporteurs aient jamais été discutées en réunion de bureau.

La commission nomme :

- M. Jacques Grosperrin rapporteur sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-806 du 17 juillet 2014 modifiant le chapitre unique du titre VIII du livre VII de la troisième partie du code de l'éducation relatif aux dispositions applicables à l'université des Antilles et de la Guyane pour y adapter le titre V de la loi n° 2013 660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche et les ordonnances n° 2008-1304 du 11 décembre 2008 et n° 2014-807 du 17 juillet 2014 modifiant la partie législative du code de l'éducation ;

- M. Philippe Bonnecarrère rapporteur sur la proposition de loi n° 2224 (AN) portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse (sous réserve de son adoption et de sa transmission par l'Assemblée nationale).

Transition énergétique pour la croissance verte - Demande de renvoi pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

Renvoyé au fond à la commission des affaires économiques, le projet de loi ne concerne que marginalement notre commission de la culture. Mais nous ne pouvons pas nous désintéresser du titre du projet de loi relatif à la rénovation des bâtiments pour économiser l'énergie. Les associations de protection des sites, paysages et bâtiments classés et inscrits m'ont d'ailleurs déjà fait part de leur vive inquiétude au sujet de ces dispositions. C'est pourquoi j'ai souhaité que nous puissions nous saisir pour avis de ce projet de loi.

Je vous propose de désigner Mme Françoise Férat rapporteur pour notre commission.

La commission demande à être saisie pour avis du projet de loi n° 16 (2014-2015), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte et désigne Mme Françoise Férat rapporteur pour avis sur ce texte.

Organismes extraparlementaires - Désignations

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Notre ordre du jour appelle maintenant la désignation de membres ou de candidats pour siéger au sein d'organismes extraparlementaires.

La liste qui figure sur la convocation qui vous a été adressée comporte vingt-et-un postes. Je vous propose de reporter les nominations d'un membre titulaire du conseil d'administration de l'Institut national de l'audiovisuel et d'un membre suppléant de l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement. En effet, notre collègue André Gattolin, qui n'appartient plus à notre commission, vient de démissionner de son poste de suppléant au conseil d'administration de l'INA. En outre, dans le secteur audiovisuel, notre collègue Maurice Vincent, pour les mêmes raisons, a démissionné du conseil de Radio France. Je précise que le Secrétariat général du Gouvernement ne nous a pas encore saisis de la demande pour procéder à leur remplacement.

Il me semble donc plus logique de nous prononcer plus globalement sur ces nominations d'ici quelques semaines. De même, deux postes devraient être prochainement vacants au sein de l'Observatoire sur l'accessibilité des établissements d'enseignement et je vous propose donc de surseoir à la nomination du siège de suppléant déjà vacant.

La commission désigne :

- Mmes Brigitte Gonthier-Maurin et Marie-Annick Duchêne et MM. Michel Savin et Dominique Bailly, pour siéger comme membres titulaires au sein du Comité de suivi de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République ;

et M. Jean-Pierre Leleux, pour siéger comme membre suppléant au Comité de suivi de la mise en oeuvre des dispositions du titre IV de la loi du 5 mars 2009 relatives au cinéma et autres arts et industries de l'image animée.

Elle propose, en outre, à la nomination du Sénat :

Mme Nicole Duranton, comme candidate suppléante du Comité consultatif du Fonds pour le développement de la vie associative ;

M. Hilarion Vendegou, comme candidat titulaire du Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR) ;

Mme Catherine Morin-Desailly, comme candidate titulaire de la Commission scientifique nationale des collections ;

M. Philippe Bonnecarrère, comme candidat titulaire de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;

M. Jean-Claude Frécon, comme candidat titulaire de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques ;

M. Claude Kern, comme candidat titulaire du conseil d'administration de l'Institut des Hautes études pour la science et la technologie ;

Mme Françoise Laborde, comme candidate titulaire du conseil d'administration du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) ;

M. Pascal Allizard, comme candidat titulaire et Mme Vivette Lopez, comme candidate suppléante du conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;

M. Cyril Pellevat, comme candidat titulaire du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs ;

Mme Françoise Férat, comme candidate titulaire et M. Philippe Nachbar, comme candidat suppléant du Haut conseil des musées de France ;

M. Abdourahamane Soilihi, comme candidat titulaire et M. Maurice Antiste, comme candidat suppléant de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.

Questions diverses - Procédure de désignation d'un membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je souhaite aborder une question particulière, celle de la procédure de désignation d'un membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Pour la première fois, les dispositions de la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public vont nous conduire à donner un avis sur la nomination de la candidate ou du candidat désigné par le président du Sénat.

La procédure est différente de celle de l'article 13 de la Constitution : il ne s'agit pas d'empêcher la nomination par un vote négatif aux 3/5e mais de donner un avis conforme aux 3/5e des suffrages exprimés.

Par ailleurs, la loi est muette sur la procédure à suivre. Mais on voit mal comment notre commission pourrait se prononcer sans avoir entendu au préalable la personne désignée par le président du Sénat. C'est pourquoi le bureau de notre commission, qui s'est réuni la semaine dernière, a souhaité que soit procédé, au préalable, à son audition. Celle-ci pourrait intervenir le 14 janvier après-midi. Je propose que cette audition soit ouverte à la presse et au public et retransmise sur le site du Sénat, comme nous le faisons lors des auditions qui interviennent en application de l'article 13 de la Constitution.

En revanche, et j'insiste sur ce point, sur le plan juridique, comme cette nomination n'entre pas dans le champ de cette procédure, c'est le Règlement du Sénat qui s'applique. Autrement dit, des délégations de vote sont admises.

La séance est levée à 17 h 15.