Mardi 3 juin 2014

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

La réunion est ouverte à 14 h 50

Certification des comptes de l'État - exercice 2013 - et rapport relatif aux résultats et à la gestion budgétaire de l'exercice 2013 - Audition de M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Au cours d'une première réunion, la commission procède tout d'abord à une première audition de M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, sur la certification des comptes de l'État - exercice 2013 - et sur le rapport relatif aux résultats et à la gestion budgétaire de l'exercice 2013.

M. Philippe Marini, président. - Monsieur Migaud, vous venez parmi nous tel un Janus à deux faces. Comme premier président de la Cour des comptes, vous nous présentez un rapport sur l'exécution du budget de l'État pour l'exercice 2013 qui fera état des mauvaises surprises en matière de recettes fiscales. Ensuite, en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, vous nous direz si, d'un point de vue macroéconomique, nous sommes sur la bonne trajectoire du solde structurel, notion très abstraite mais qui domine aujourd'hui la gestion de nos finances publiques. Comment souhaitez-vous procéder ?

M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes. - Je resterai fidèle à la volonté du législateur organique qui a séparé les fonctions, et vous présenterai les rapports en deux temps.

M. Philippe Marini, président. - Les recommandations de recommandations de la Commission européenne sur l'évolution des finances publiques sont parues hier. C'est dans ces circonstances que nous vous entendons.

M. Didier Migaud. - Il me revient de vous présenter l'acte de certification des comptes de l'État et le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire pour l'exercice 2013. Ce rapport, riche d'informations, concerne une partie des administrations publiques - l'État et ses opérateurs - et le dernier exercice clos de 2013. Il sera complété par un troisième rapport, relatif à la situation et aux perspectives des finances de toutes les administrations publiques, qui sera présenté le 17 juin prochain. Les deux documents ont été préparés par la formation interchambres que préside Raoul Briet.

Depuis huit ans, la Cour transmet au Parlement son opinion sur les comptes de l'État, tels qu'ils sont arrêtés par le ministre de l'économie et des finances pour être intégrés dans le projet de loi de règlement. La certification permet d'assurer la transparence et l'image fidèle des comptes publics qui est due aux parlementaires, aux citoyens, et aux investisseurs en titres de dette publique. Elle est également un outil d'amélioration de la gestion publique.

Au titre de l'exercice 2013, la Cour certifie que les comptes de l'État donnent une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l'État, sous cinq réserves substantielles - il y en avait treize la première année de certification. Deux réserves non substantielles ont été levées cette année suite aux progrès constatés. D'une part, dans le champ du recensement et de l'évaluation du parc immobilier de l'État, où la valeur des immeubles banalisés a été évaluée, au 31 décembre 2013, à 48 milliards d'euros, car l'État a optimisé sa gestion immobilière en menant un nombre croissant d'opérations, pour une recette de 590 millions d'euros en 2013, dont 391 encaissés. La Cour recommande de poursuivre les efforts importants consentis par la Direction générale des finances publiques, notamment pour l'immobilier situé à l'étranger. D'autre part, dans le champ du recensement et de l'évaluation des passifs non financiers de l'État - engagements pris à l'égard des ménages, des entreprises, des organismes de sécurité sociale et des collectivités territoriales, au travers de plus de 3 000 dispositifs ; ce sont 20 milliards d'euros de provisions supplémentaires qui ont été comptabilisés.

La Cour a certifié pour la première fois l'information sectorielle, une innovation consistant à répartir les informations comptables - actifs, passifs, charges, produits, engagements hors bilan - sur sept secteurs d'activité de l'État, qui sont des regroupements de missions budgétaires. Il apparaît ainsi que trois quarts des charges de personnel de l'État sont portés par deux secteurs, celui des finances, pour 60 milliards d'euros, qui inclut les pensions de retraite des fonctionnaires, et le secteur éducation et culture pour 42 milliards. Quant aux actifs corporels de l'État, ils sont à 83 % relatifs au secteur dit « Développement durable », avec les concessions autoroutières, les barrages hydroélectriques et les routes. Ces informations comptables donnent un éclairage nouveau sur le poids respectif des activités de l'État et sont un complément utile à l'approche budgétaire.

Les efforts d'amélioration doivent se porter sur les cinq points qui font l'objet de nos réserves substantielles. La première réserve concerne le système d'information financière de l'État - le logiciel Chorus - qui reste insuffisamment adapté à la tenue de sa comptabilité générale et aux vérifications du certificateur. La deuxième réserve vise le contrôle interne et l'audit interne des ministères, qui sont encore trop peu efficaces. La Cour a comparé pour la première fois, cette année, les performances de onze ministères en la matière. Dans une troisième réserve, la Cour constate que la comptabilisation des produits régaliens et des créances et des dettes afférentes reste affectée par des incertitudes et des limitations significatives. Les systèmes d'information fiscale n'ont pas été conçus pour retracer l'évolution des créances et des dettes fiscales de manière automatisée, en temps réel. En développant l'automatisation, on renforcerait la fiabilité des prévisions de recettes fiscales. J'aurai l'occasion d'insister sur l'importance de l'exactitude et de la précision dans la prévision et l'anticipation du produit des recettes fiscales.

La quatrième réserve porte sur les incertitudes qui continuent à peser sur le recensement et l'évaluation des stocks et des immobilisations du ministère de la défense ainsi que des passifs qui s'y attachent. Les provisions pour démantèlement des réacteurs des sous-marins nucléaires sont calculées selon des modalités peu satisfaisantes, sans intégrer la totalité du processus - notamment le traitement complet du matériau - alors que les opérateurs de la filière civile le font, EDF par exemple. La France n'est pas le seul pays à avoir des difficultés pour recenser les passifs associés aux équipements militaires. Le certificateur américain a, pour la quatorzième année consécutive, refusé de valider les comptes de la défense américaine. Nos homologues britanniques ont formulé une réserve d'ampleur sur les comptes de leur ministère de la défense. En France, le travail de longue haleine doit être impérativement poursuivi.

Enfin, la Cour déplore, dans une cinquième réserve, que l'évaluation des immobilisations financières de l'État - soit 1 854 participations financières de l'État d'une valeur nette de 255 milliards d'euros - continue d'être affectée par un ensemble d'incertitudes significatives. Des progrès ont été observés grâce au recours de plus en plus systématique à la certification des comptes de diverses entités contrôlées par l'État : 90 des 130 plus importantes font désormais appel à des commissaires aux comptes. En octobre 2013, un premier rapport sur la qualité des comptes des administrations publiques a souligné un manque de cohérence dans le champ des administrations concernées ; l'appréciation était globalement positive, mais avec des nuances.

Il appartient à l'administration de consolider dans la durée les progrès réalisés en 2013, d'exploiter les possibilités qu'offre le système d'information financière, et de poursuivre la rationalisation de ce système afin de mieux répondre aux besoins des utilisateurs. Je rappelle que le Sénat, comme l'Assemblée nationale, a choisi de faire certifier ses comptes par la Cour des comptes pour la première fois en 2013. Ce que nous avons fait sans émettre aucune réserve.

Après son essoufflement en 2011, la dynamique d'amélioration de la qualité des comptes de l'État a été relancée en 2012 grâce au logiciel Chorus, résultat d'une importante mobilisation de l'administration. Elle s'est amplifiée en 2013, avec des progrès significatifs qu'il reste à consolider. La qualité des comptes est un facteur puissant de modernisation de l'action publique.

J'en viens à présent au rapport sur l'exécution du budget de l'État en 2013, à comparer à l'exécution de l'année précédente comme aux prévisions figurant en loi de finances initiale pour 2013. L'ambition de ce rapport est d'éclairer le débat sur le projet de loi de règlement et de vous aider à préparer le débat sur la prochaine loi de finances. Nous avons fait cette année un effort de clarification et de précision. Le rapport contient, par exemple, un chapitre plus détaillé que les années précédentes sur la gestion de la dette. Les soixante-trois notes d'analyse de l'exécution budgétaire qui ont contribué à nourrir ce rapport - d'environ 2 000 pages - recèlent une mine d'informations. Y figurent 198 recommandations qui s'ajoutent aux onze recommandations du rapport lui-même. Ce travail a mobilisé toutes les chambres de la Cour.

Quatre constats s'imposent. Premièrement, la réduction du déficit budgétaire a été sensiblement plus faible que prévu et la dette a continué à croître, ce qui maintient l'État dans une zone dangereuse. Deuxièmement, malgré leur forte hausse, les recettes fiscales ont été en net retrait par rapport aux prévisions, lesquelles ont manqué de prudence. Cela a forcément fragilisé l'exécution budgétaire. On s'interroge naturellement sur la qualité et la sincérité des prévisions. Le troisième constat concerne la maîtrise des dépenses, qui ont baissé à la fois par rapport à 2012 et par rapport à la loi de finances initiale. La moindre charge de la dette a été une bonne surprise pour l'État ; mais la maîtrise des dépenses a résulté davantage de la régulation budgétaire que de réformes structurelles. Enfin, quatrième constat, quelques irrégularités demeurent dans la gestion budgétaire : des progrès restent à faire pour mettre fin à des sous-budgétisations récurrentes.

Le déficit budgétaire s'est réduit de 12,3 milliards d'euros par rapport à 2012, alors qu'il avait diminué de 3,6 milliards d'euros entre 2011 et 2012. Évalué à 74,9 milliards d'euros, soit 3,6 % du PIB, il demeure toutefois à un niveau bien supérieur au déficit constaté avant la crise. Il représente le quart des dépenses de l'État et le tiers de ses recettes nettes. Il est supérieur au produit de l'impôt sur le revenu, égal à 67 milliards d'euros. L'encours de la dette de l'État a augmenté pour atteindre 1 457 milliards d'euros, soit les trois quarts de la dette publique, qui se situe à la fin de 2013 à 1 925 milliards d'euros. La dette de l'État a été multipliée par 2,5 depuis 1999. Sur la même période, la charge d'intérêt n'a progressé que de 30 %, en raison de la baisse des taux d'intérêt. Cet effet anesthésiant s'est amplifié ; malgré la hausse du volume de dette, la charge d'intérêt a diminué de 1,4 milliard d'euros. À terme, néanmoins, la remontée des taux d'intérêt est inévitable. L'État devrait donc tirer profit de ce répit provisoire pour stabiliser et réduire l'encours de sa dette.

L'amélioration du solde du déficit budgétaire - 12,3 milliards d'euros - est en net retrait par rapport à la prévision en loi de finances initiale. Le produit des recettes fiscales a augmenté par rapport à 2012, mais se situe en deçà des prévisions, atteignant 15,6 milliards d'euros au lieu des 30 milliards prévus, et cela en tenant compte des 6 milliards de recettes supplémentaires exceptionnelles et imprévues. Les mesures nouvelles ont généré un produit de 20,2 milliards d'euros, presque conforme aux attentes, mais l'évolution spontanée des recettes a été très décevante : elle a été négative de 4,6 milliards d'euros, alors que 7 milliards d'euros étaient escomptés. Seul un quart de cette différence est lié à la révision à la baisse de la prévision de croissance, intervenue en avril à l'occasion de la présentation du programme de stabilité. Le reste, 8,2 milliards d'euros, tient à la révision à la baisse de l'hypothèse d'élasticité des recettes fiscales, qui prend en compte la manière dont le produit des recettes réagit à l'augmentation du PIB. Cette élasticité avait été fixée à 1 en loi de finances initiale, niveau que la Cour avait, dès janvier 2013, jugé optimiste. Le produit attendu des principaux impôts n'était pas réaliste. Comment anticiper, par exemple, une progression de l'impôt sur les sociétés de 5,9 % alors que les résultats des entreprises non financières étaient en recul en 2012 ? L'élasticité s'est finalement établie à un niveau exceptionnellement faible et en grande partie inexpliqué, de - 1,3 %.

En fin d'année, le collectif budgétaire a dégradé fortement le produit des recettes attendues, mais un écart de 3,5 milliards d'euros a encore été constaté entre les prévisions et l'exécution. Cet écart soulève la question de la qualité et de la sincérité des prévisions des recettes fiscales. La constatation en fin d'année d'une moins-value de 1,8 milliard d'euros sur le produit de l'impôt sur le revenu ne peut que surprendre, car ce produit est en principe connu dès septembre. Cette situation met en évidence la difficulté à conduire et à piloter un redressement des comptes publics à travers l'augmentation des recettes, qui font peser un aléa permanent sur l'évolution du solde budgétaire. L'insuffisante qualité des prévisions de recettes fiscales de l'État avait déjà été soulignée par la Cour dans son référé du 16 décembre 2013. Le présent rapport confirme cette analyse et formule des recommandations pour améliorer la transparence de l'élaboration des prévisions.

Le montant des dépenses fiscales, stabilisé à 70,7 milliards d'euros, respectant ainsi le plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques pour 2012-2017. Des mesures d'économie avaient été votées pour 3,6 milliards d'euros, mais l'évolution spontanée du coût des niches fiscales, plus dynamique que prévu, ramène l'économie nette à 500 millions. L'obligation d'évaluer les différentes dépenses fiscales, posée par la loi de programmation, n'a été que partiellement mise en oeuvre.

Troisième constat : les dépenses de l'État ont été maîtrisées en 2013. Inférieures de près de 4 milliards d'euros aux crédits ouverts, les dépenses nettes du budget général ont légèrement diminué par rapport à l'exécution 2012, de 900 millions d'euros. Un tel recul n'avait pas été observé depuis le début de la crise économique, en 2008. Ce bon résultat a été facilité par une diminution de la charge de la dette de 1,4 milliard d'euros. La contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » a été réduite d'1 milliard d'euros en raison de la moindre inflation, et de départs à la retraite moins nombreux que prévu. La contribution au fonds national des aides au logement a été réduite de 600 millions d'euros. Les différentes normes de dépenses du budget de l'État ont été tenues. La régulation budgétaire infra-annuelle a joué un rôle déterminant dans la tenue des dépenses, pour un montant total de 6,2 milliards d'euros, comparable à celui de 2012. Un recours aussi massif et croissant à des annulations touchant tous les services et dispositifs, indépendamment de leur efficacité et de leur efficience - la technique du « rabot » - pose question. Un nombre croissant de services de l'État ne sont plus en mesure de remplir la mission que la loi leur impose, qu'il s'agisse de la sécurité sanitaire des aliments ou de l'entretien des établissements pénitentiaires. La Cour appelle les décideurs à faire reposer la réduction de la dépense sur des choix explicites de priorisation et de ciblage. Le débat sur la loi de règlement est une occasion privilégiée pour le Parlement d'exercer sa mission de contrôle de l'action du Gouvernement. Ce débat peut être encore revalorisé. Il correspond à une ambition de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

M. Philippe Marini, président. - La loi de règlement attire les foules dans les hémicycles. C'est bien connu.

M. Didier Migaud. - La loi de règlement, c'est la réalité. Les parlementaires ont vocation à s'y intéresser. Un autre objectif de la LOLF n'est pas satisfait, celui de la responsabilisation des gestionnaires publics. Sur ce point, la réalité est éloignée de l'esprit du texte. Si nous parlions de « loi de résultats » plutôt que de « loi de règlement », les parlementaires viendraient peut-être plus nombreux dans les hémicycles.

La Cour a analysé les efforts de maîtrise selon les différentes natures de dépenses. Les dépenses de personnel représentent 41,2 % du budget général. La masse salariale hors pensions enregistre un léger recul à périmètre constant. Le gel du point ou les moindres revalorisations des primes expliquent en partie ce recul. Les réductions d'effectifs ont continué à produire leurs effets en 2013, pour 351 millions d'euros. Ce ne sera plus le cas à partir de 2014, avec la stabilisation des effectifs ; il faudra donc trouver des leviers de substitution pour stabiliser la masse salariale.

Les dépenses de fonctionnement représentent 16,5 % du budget général. Elles ont augmenté de 1,1 milliard d'euros, après un recul les années précédentes. Les économies produites par les chantiers de modernisation n'ont en effet pas contrebalancé la hausse de 1 milliard d'euros des dépenses de la mission « Défense », liées notamment aux opérations extérieures (OPEX).

Les dépenses d'intervention, qui représentent 22,6 % des dépenses, sont en léger recul. Elles avaient été réduites de 2,5 % en 2012. Les dépenses des trois principaux dispositifs - allocation aux adultes handicapés, aide personnalisée au logement et contrats aidés - continuent d'augmenter sensiblement. La Cour préconise un meilleur ciblage de l'action de l'État, notamment pour le logement, la formation professionnelle ou les aides à la presse. Les résultats sont loin de répondre aux objectifs et des marges d'efficacité demeurent.

Les dépenses d'investissement ne représentent que 3,4 % du budget. Comme à l'accoutumée, elles sont une variable d'ajustement avec des crédits qui ont été réduits de 1,4 milliard d'euros en cours de gestion.

Les opérateurs de l'État disposent de ressources propres d'environ 10 milliards d'euros de taxes affectées, dont une partie seulement assorties d'un plafonnement, et de 40 milliards d'euros issus du budget de l'État. Longtemps laissés à l'écart de l'effort budgétaire, ils y sont désormais associés. Cependant, les instruments de pilotage et de contrôle restent insuffisants dans la plupart des cas. Le suivi dans les universités est une des rares exceptions.

Des progrès sont encore possibles pour remédier à certaines irrégularités. Certains comptes de concours financiers ne retracent pas de véritables avances. Des dépenses relevant du budget général sont encore imputées sur des comptes d'affectation spéciale. Certains comptes de commerce ne correspondent pas à la définition de la LOLF. En outre, la Cour relève à nouveau des sous-budgétisations sur certains postes - hébergement d'urgence, aide médicale d'État, contribution au Fonds national d'aide au logement. Ces exemples sont moins nombreux et de moindre ampleur que précédemment. Ils constituent néanmoins des remises en cause ponctuelles de la sincérité de la programmation budgétaire. La Cour a identifié des points de vigilance pour l'année en cours, notamment la mission « Défense » avec les interventions extérieures, la mission « Écologie » avec les incertitudes liées à la mise en oeuvre de l'écotaxe, les dépenses de pensions et le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. Notre prochain rapport reviendra sur ce point.

Le compte rendu du suivi des recommandations des précédents rapports de la Cour atteste un progrès dans leur mise en oeuvre. Parmi les recommandations formulées dans le rapport sur le budget de 2011, 59 % ont été totalement ou partiellement suivies, en 2013, contre 41 % durant l'exercice 2012. La moitié des recommandations formulées l'an dernier ont déjà été mises en oeuvre totalement ou partiellement. Les échanges avec les administrations sont souvent fructueux : par exemple, une recommandation de cette année vise à enrichir l'information figurant dans l'exposé des motifs de l'article liminaire présentant les soldes effectifs et structurels. Elle devrait être suivie dès cette année.

M. François Marc, rapporteur général. - Nous nous réjouissons que les recommandations de la Cour des comptes soient davantage suivies au fil du temps. Dans l'une de ses cinq réserves substantielles, la Cour a pointé l'insuffisance des dispositifs de contrôle et d'audit internes au sein des administrations. Avec le recul qui est le vôtre - huit ans de certification - quels sont les principaux apports de cette procédure pour le fonctionnement des administrations ? De bonnes pratiques existent, par exemple au sein du ministère des Affaires étrangères : quels gains en attendre en matière de pilotage budgétaire ? La première réserve substantielle de la Cour porte sur le système d'information financière de l'État. Cette réserve porte-t-elle sur l'outil Chorus ou sur la qualité des données ? Vous avez fait des observations récurrentes sur le recensement et l'évaluation des niches fiscales. La Cour est-elle en mesure de déterminer les initiatives à prendre pour fiabiliser le montant de l'ensemble des dépenses fiscales ? À la fin de votre exposé sur l'exécution budgétaire, vous avez mentionné les opérations qui auraient dû être prises en compte dans la norme des dépenses - prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne, fonds de concours, par exemple. Ces opérations affectent-t-elles la sincérité du respect des normes « zéro valeur, zéro volume » ? Y a-t-il eu dérive en la matière, ces dernières années ?

Vous avez mentionné une forme d'imprudence dans l'anticipation des recettes. Si les questions d'élasticité restent inexpliquées, comment la prévision, rationnelle ou imprudente, est-elle possible ? Le manque à gagner de 14 milliards d'euros est considérable. L'élasticité est-elle vraiment inexplicable ou le principe de prudence a-t-il été ignoré ? Enfin, les économies réalisées par les ministères se traduisent-elles dans le suivi de la performance, notamment dans les indicateurs transversaux ?

M. Philippe Marini, président. - Le manque de fiabilité des prévisions de recettes est-il dû à un défaut de prudence ou à une absence de méthodologie précise ? Les collectivités territoriales ont beaucoup réduit en 2013 le montant de leurs dépôts au Trésor. Est-ce lié au cycle électoral ou s'agit-il d'une tendance structurelle liée à la baisse des dotations de l'État ? Quelles sont les conséquences sur la gestion de la trésorerie de l'État ? Enfin, vous préconisez que les soldes figurant dans l'article liminaire soient décomposés par sous-secteurs. Le Gouvernement oppose des difficultés techniques. Qu'en pensez-vous ?

M. Didier Migaud. - La certification n'est pas un exercice vain : il conduit à une meilleure gestion publique. Nous progressons dans cette direction, même si le chemin reste long. Vous avez raison : le ministère des affaires étrangères a progressé sur la cartographie des processus, des risques, et sur la structuration d'audits internes. Les autres ministères doivent appliquer les bonnes pratiques : la qualité de la gestion publique n'en sera que meilleure. L'utilisation du progiciel Chorus n'est pas optimale. Certaines des fonctionnalités sont utilisées de manière inappropriée et certains contrôles automatiques ne sont pas activés. En l'état, des contrôles a posteriori sont donc indispensables. Néanmoins, Chorus n'est pas encore totalement déployé. La comptabilité analytique reste à construire pour tirer tout le parti du logiciel. C'est prévu, mais cela prend un certain temps... et cela a un prix. Pour l'instant, Chorus fonctionne normalement.

M. François Marc, rapporteur général. - Ce n'est pas Louvois !

M. Didier Migaud. - Non. Chaque année, la croissance spontanée des dépenses fiscales a été sous-évaluée. En 2013, elle n'a été prise en compte que pour 13 des 460 dépenses recensées. L'évaluation exhaustive est un travail en cours, qui est loin d'être achevé, c'est le moins que l'on puisse dire. Le rapport montre que la dépense a été globalement maîtrisée ; cela n'est pas remis en cause par les observations de la Cour relatives aux opérations ayant facilité le respect de la norme de dépense. On est plutôt sur le chemin du progrès, mais nous sommes perfectionnistes et nous voulons que ces progrès continuent. Depuis 2008, le périmètre de la norme « zéro valeur » a été élargi. C'est une bonne chose. L'exécutif s'est éloigné des principes de prudence élémentaire dans le calcul des recettes fiscales. L'exemple de l'impôt sur les sociétés est parlant, celui de l'impôt sur le revenu aussi. Nous avions pointé, dès le mois de février, les prévisions optimistes de Bercy sur les recettes. Sur une longue période, les erreurs de prévision sont peu spectaculaires. Dans les périodes d'incertitude, où il est difficile de mesurer l'élasticité, où la reprise est molle, c'est le devoir de la Cour d'inciter à la prudence. En matière d'efficience, des progrès ont été constatés mais il n'est pas possible de chiffrer les économies de fonctionnement. Comment les apprécier, par rapport à quoi ? Comment raisonner par rapport à l'an passé, avec des documents budgétaires muets sur ce point ? La Cour formule un certain nombre de recommandations pour progresser en la matière ; elle consacrera un chapitre de son prochain rapport à ce sujet. Nous n'avons pas encore obtenu totale satisfaction sur l'article liminaire, mais je suis persuadé qu'avec un peu de bonne volonté, Bercy pourrait le faire.

M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes. - Les prévisions de recettes de chaque impôt rapportées à l'évolution du PIB en valeur permettent d'apprécier le degré d'élasticité. Les recettes fiscales évoluent comme le PIB lorsque le taux est égal à un, niveau que retient traditionnellement le ministère de l'économie pour établir ses prévisions. Or début 2103, nous avons constaté des décrochages, notamment pour l'impôt sur le revenu et pour l'impôt sur les sociétés. Cette évolution aurait dû conduire Bercy à prévoir une élasticité plus faible. Ce problème n'est pas général : ainsi, en 2012, nous avons constaté un écart important sur la TVA, écart qui ne s'est pas retrouvé en 2013. Comme les augmentations de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés étaient significatives, et dès lors qu'un certain nombre d'éléments d'assiette étaient connus, il aurait été plus prudent de prévoir une élasticité inférieure à un. Dans notre référé, nous préconisions de rendre publiques la méthode de calcul, en expliquant ex post les raisons de l'écart entre les prévisions et les réalisations.

Les dépôts des collectivités territoriales au Trésor se sont réduits en 2013, alors même que la loi de finances prévoyait une stabilisation. Cela s'explique sans doute par la hausse des investissements des collectivités en 2013 ; en outre, une forme d'épargne de précaution a sans doute été accumulée au cours des années passées, compte tenu de la difficulté à obtenir des prêts bancaires, phénomène qui a disparu ensuite.

Il est dommage que l'article liminaire de la loi de règlement ne mentionne le solde structurel que pour l'ensemble des administrations publiques et ne fournisse pas la clé de passage entre la comptabilité budgétaire et la comptabilité nationale. Les chiffres devraient pouvoir être fournis pour l'ensemble des secteurs. Il ne devrait pas être impossible d'y parvenir en exerçant une douce violence sur les services de Bercy.

M. Philippe Marini, président. - Merci pour ces réponses constructives.

M. Vincent Delahaye. - Vos documents sont une mine d'informations. Les comptes doivent être prudents, sincères et fidèles. Vous dénoncez un manque de prudence, une sous-estimation des dépenses, une surestimation des recettes : après vous avoir entendu, je m'interroge sur la sincérité des comptes. Vous avez émis réserve substantielle sur les produits régaliens : quel est le problème ? Que craignez-vous ? S'agissant des immobilisations non financières, vous parlez d'une provision de 20 milliards d'euros. Comment est-elle affectée dans les comptes ? Comme le président Arthuis, je souhaiterais aussi vous entendre sur le CICE.

M. Philippe Marini, président. - Une précision : le président Arthuis siège parmi nous jusqu'au 1er juillet, puis il entamera son mandat de député européen. Nous aurons l'occasion d'ici là de saluer sa contribution aux travaux de notre commission, qui a été importante.

M. Vincent Delahaye. - Je m'associe à cet hommage.

Des entreprises ont constaté une créance sur l'État au 31 décembre 2013 du fait du CICE, mais l'État n'a pas constaté de dette. Avez-vous évalué le montant de ces créances pour estimer le montant à imputer sur le déficit de l'État en 2013 ?

Vous vous félicitez que les dépenses diminuent de 900 millions d'euros. Mais les charges de la dette ont baissé de 1,4 milliard d'euros ! Vous parlez aussi de 6,2 milliards d'euros d'annulation de dépenses. Il y a donc eu des dépenses supplémentaires. Pouvez-vous nous en dire plus ? Enfin, vous citez 6 milliards d'euros de recettes exceptionnelles : quelles sont-elles ?

M. Jean-Pierre Caffet. - Nous nous interrogeons tous sur l'évolution des recettes fiscales. En exécution, il manque une quinzaine de milliards par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Mais ne devrait-on pas plutôt effectuer la comparaison entre l'exécution et le collectif budgétaire ? Alors les recettes fiscales nettes ne seraient inférieures aux prévisions que de 3,5 milliards ; 1,8 sur l'impôt sur le revenu au lieu de 4,9 et 2,5 sur l'impôt sur les sociétés, au lieu de 6,3 milliards. Ce n'est pas la même chose ! La prévision de croissance n'est pas la même entre la loi de finances initiale et la loi rectificative : il y a un effet croissance à prendre en compte.

Une élasticité négative de 1,3 des recettes fiscales par rapport au PIB ? À ma connaissance, c'est la première fois que l'on constate un tel phénomène. Que s'est-il passé ? Vous parlez d'un phénomène inexpliqué : il mériterait que l'on s'y attarde ! Y aurait-il eu un effet « Laffer » ? Y a-t-il eu modification des comportements des agents économiques face à la hausse des impôts ?

M. Philippe Marini, président. - Question formulée avec une grande honnêteté intellectuelle.

M. Francis Delattre. - Notre déficit budgétaire se monte à 75 milliards d'euros, soit trois mois de fonctionnement du budget de l'État. Avec 2 000 milliards d'euros de dettes, 75 milliards de déficit budgétaire et autant de déficit commercial, la fuite en avant peut-elle durer ? Vous constatez un ralentissement des dépenses, mais certains services de l'État connaissent des difficultés de fonctionnement au quotidien... Le coût du logement en France est 50 % plus cher qu'en Allemagne : le pouvoir d'achat de nos compatriotes en est d'autant réduit. L'aide à la pierre est basée sur la défiscalisation : n'est-il pas temps de trouver des solutions, car la matière fiscale s'échappe, tandis que notre politique du logement ne remplit pas sa fonction alors qu'elle est la plus coûteuse d'Europe. Ne proposerez-vous pas une réforme des aides ? En quatre ans, 70 milliards d'impôts supplémentaires ont été levés. Cela ne suscite-t-il pas forcément un évitement de l'impôt ? Au lieu de parler de mauvais calcul par Bercy, ne faut-il pas reconnaître un problème français de maxi-fiscalité et de saturation ? Enfin, le milliard d'euros d'avances consenties par Bpifrance pour le CICE figure-t-il dans les comptes de l'État ?

M. Serge Dassault. - Fin 2012, vous affirmiez qu'il fallait réduire les impôts et les dépenses : vous aviez raison et vous avez toujours raison aujourd'hui. Malheureusement, le Gouvernement refuse de vous écouter. Pourquoi les recettes diminuent-elles ? Parce que les contribuables surimposés s'en vont ! Ils sont 400 000 à être partis en Grande-Bretagne. En France, c'est la faillite. Et Bruxelles finira par nous sanctionner. Les taux d'intérêt vont remonter, nous ne pourrons plus payer le service de la dette. Les réductions de dépenses de 50 milliards d'euros sont illusoires. Seuls les 10 milliards d'euros que les collectivités ne toucheront pas sont de vraies économies, mais qui reportent sur les collectivités les efforts que devrait faire l'État. Il sera impossible de revenir à 3 % de déficit en 2015. Les prévisions de croissance enfin sont beaucoup trop optimistes : comment croire aux 2,5 % annoncés pour 2016 ? Il y a une seule façon de sortir de cette spirale infernale : que l'on vous nomme, M. Migaud, ministre du budget.

M. Aymeri de Montesquiou. - Fort de l'expérience de 2013, considérez-vous que les prévisions pour 2014 sont optimistes, raisonnables ou pessimistes ? La modération des taux d'intérêt a engendré une économie de 1,4 milliard d'euros. Il est surprenant que les agences de notation n'aient pas abaissé notre note en raison de nos piètres résultats économiques. L'effet d'une hausse des taux sur notre charge de la dette est rapide et considérable. Doit-on craindre une hausse des taux ?

La dépense publique est excessive, dites-vous, et vous récusez la méthode du rabot. Quels sont les ministères qui devraient prioritairement voir leurs crédits diminuer ? N'y a-t-il pas trop de dépenses publiques, trop de fonction publique ? Ne serait-il pas salutaire qu'un budget soit établi sur une prévision de croissance zéro ?

M. Philippe Marini, président. - Le budget devrait être arbitré volontairement sur une hypothèse très prudente, quitte à dégager en cours d'année des moyens supplémentaires.

M. Albéric de Montgolfier. - La courbe de Laffer n'est pas une simple théorie mais une réalité : Le Monde annonce ce soir que l'exode des dirigeants du CAC 40 s'accélère, pour des raisons essentiellement fiscales. La Cour des comptes a-t-elle étudié les pertes de base fiscale, sur l'impôt sur le revenu mais aussi sur la TVA, du fait de l'évolution des modes de consommation ? Avec Philippe Dallier, nous nous sommes penchés sur les ventes sur Internet : elles ne semblent pas intéresser l'administration fiscale, alors que la fraude et le non recouvrement de TVA y sont courants. L'impasse de financement de l'AFITF - puisque la taxe poids lourds, votée, n'a pas encore été mise en oeuvre - conduit aussi à s'interroger sur la sincérité du budget des transports.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - L'analyse de l'exécution budgétaire en 2013 est intéressante. Je m'inquiète du manque de prudence dans l'estimation des recettes fiscales, d'autant que 2014 débute sur les mêmes bases que 2013, avec une croissance zéro. L'État pourra-t-il respecter la trajectoire des finances publiques votée par le Parlement ? Le Gouvernement fait valoir qu'il a prévu une réserve de précaution dans le budget 2014 : cette réponse est-elle satisfaisante ? Nous sommes en droit de nous interroger sur la sincérité du budget 2014.

Mme Nicole Bricq. - Le recensement et l'évaluation du parc immobilier de l'État s'améliorent et en ma qualité d'ancienne rapporteure spéciale sur ces crédits, je suis heureuse que la réserve de la Cour des comptes soit enfin levée. Je m'inquiète de la progression de la dette : à terme, cela aura un effet nuisible sur la croissance. L'avis de la Commission européenne est très politique : jamais cette institution n'a été aussi gentille avec nous !

Vous avez recensé 460 dépenses fiscales en 2013 contre 464 en 2012. Nous avons effectué un gros travail sur cette question il y a quatre ou cinq ans, or nous en sommes presque au même point !

M. Yvon Collin. - Le Gouvernement envisage une réforme territoriale de grande ampleur. Sera-t-elle l'occasion de réelles économies ?

M. Philippe Marini, président. - Cette question est importante. Un ministre évoque 12 à 25 milliards d'économies : large fourchette...

M. Éric Bocquet. - Certains services de l'État ne peuvent plus assumer leurs missions, avez-vous dit. Pourriez-vous donner des exemples ?

M. Didier Migaud. - Nous n'avons pas mis en doute la sincérité des comptes, M. Delahaye. Nous avons simplement dit que l'exécutif avait manqué de prudence concernant l'évaluation des recettes budgétaires. Nous avons certifié les comptes, en dépit de certaines réserves. Nous ne pouvons auditer les produits régaliens, d'où notre réserve substantielle depuis l'origine. Lorsque les systèmes d'information progresseront, nous en aurons une meilleure appréhension.

Les 6 milliards d'euros de recettes exceptionnelles se décomposent ainsi : 2 milliards de trop provisionné sur le contentieux fiscal concernant Orange et 4 milliards de moindres dépenses au titre d'autres contentieux communautaires. La maîtrise des dépenses a été réelle en 2013, même si elle a été favorisée par les éléments que j'ai mentionnés. Le rythme d'évolution des dépenses par rapport aux années précédentes traduit cependant un progrès incontestable. Nous traçons des pistes pour renforcer l'effort. Les annulations ont compensé pour partie des ouvertures de crédits, le solde s'établissant à 4 milliards d'euros. La réserve de précaution a été utile et son montant a été plus élevé que les années précédentes. Il y a même eu un surgel.

Quant aux recettes, Bercy estime à un quart l'effet de la croissance sur l'évolution de leur montant : les trois quarts de la différence entre prévision et réalisation ne sont pas dus au ralentissement de croissance en 2013. C'est Bercy qui a calculé le taux d'élasticité négatif de 1,3, après avoir prévu 1. Ce résultat peut provenir en partie de la répartition opérée entre l'effet des mesures nouvelles et la croissance spontanée des mesures antérieures. Si l'on considère que les mesures nouvelles ont rapporté ce qui était prévu, tout est reporté sur le reste. Or il est tentant d'estimer que les mesures nouvelles ont été fructueuses, car c'est une mesure de l'effort structurel. Mais je le répète, nous ne maîtrisons pas ces calculs.

Jean-Pierre Caffet a évoqué la loi de finances rectificative : soit, mais 3,5 milliards d'écart par rapport à un texte voté en décembre 2013, ce n'est quand même pas rien ! L'écart, pour l'impôt sur le revenu, est de 1,5 milliard alors même que les principales données étaient connues puisque la collecte, en 2013, reposait sur les revenus de 2012.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué le poids de la dette. Nous y reviendrons dans notre rapport du 17 juin. Vous évoquez une dette publique de 2 000 milliards : ce montant sera atteint, voire dépassé, fin 2014 mais à fin 2013, elle s'élevait à 1 925 milliards. Tout le monde doit agir pour réduire le poids de la dette, l'État bien sûr, mais aussi ses opérateurs : ils pourraient faire mieux et le suivi mis en place n'est pas assez efficace. La sécurité sociale peut également réaliser des économies sans que soit remis en cause le modèle de soins. Enfin, les collectivités territoriales doivent participer à cet effort. Et il y a les politiques d'intervention. Nous travaillons à partir des objectifs que vous avez fixés, nous constatons des écarts. Dans notre rapport du 17 juin, nous présenterons des comparaisons entre la France et d'autres pays : notre niveau de dépenses publiques est plutôt élevé tandis que l'efficacité des politiques menées est loin de correspondre aux objectifs affichés. Ainsi en est-il des secteurs de l'éducation, du logement, de la formation professionnelle, de l'emploi, des aides aux entreprises. Ces politiques d'intervention coûtent cher et les résultats sont moins bons que dans les autres pays. Les parlementaires devraient s'attacher à l'évaluation de ces politiques publiques. Sur le logement, l'aide à la pierre et sur l'aide à la personne coûtent plus de 40 milliards d'euros, or les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. La Cour des comptes s'étonne de l'indifférence face à ces résultats décevants.

Certains d'entre vous estiment que l'exécution 2013 fragilise la prévision pour 2014. Nous vous présenterons des projections jusqu'en 2017.

Les comptes de l'État en 2013 n'intègrent pas le CICE, car le préfinancement a été effectué par la BPI et les banques commerciales. Ces institutions enregistrent les avances de trésorerie aux entreprises. La traduction dans les comptes de l'État n'interviendra qu'en 2014. Cela dit, les comptes de la BPI sont consolidés dans ceux de l'État, ce qui inclut des engagements hors bilan de l'État pour 1,3 milliard d'euros.

Sur les dépenses fiscales, des progrès ont été enregistrés, mais nous avons atteint un palier et, depuis un ou deux ans, il n'y a plus de progrès. La pression des parlementaires serait-elle moins forte aujourd'hui ?

M. Philippe Marini, président. - Lorsque vous et moi étions rapporteurs généraux, la pression était forte !

M. Didier Migaud. - Il faut vous emparer de cet important sujet. Je me garderai bien de chiffrer les économies attendues de la réforme des collectivités territoriales. En revanche, l'organisation territoriale actuelle comprend beaucoup de doublons qui coûtent cher ; elle est à revoir. Il est temps aussi de clarifier le partage des compétences, entre collectivités, et entre l'État et les collectivités. Je n'ai pas à exprimer d'avis sur l'idée de budgets calculés à zéro croissance, mais la Cour recommande la prudence dans les estimations de recettes.

Albéric de Montgolfier m'a interrogé sur les pertes de bases fiscales : nous n'avons pas travaillé sur ce sujet au demeurant intéressant.

Enfin, pour répondre à Éric Bocquet, je dirai qu'à ne pas arbitrer, on finit par mettre en péril certaines missions de l'État, le contrôle sanitaire sur le territoire, par exemple. Au lieu de ponctionner uniformément, l'État doit faire des choix, pour éviter de fragiliser certaines de ses missions régaliennes. Enfin, une hausse de un point des taux d'intérêt renchérit de 2 milliards les intérêts de la dette, 15 milliards au bout de dix ans. Notre dette est très sensible aux taux d'intérêt.

Avis du Haut Conseil des finances publiques relatif au respect des orientations pluriannuelles de solde structurel en 2013 - Audition de M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques

Puis la commission procède à une audition de M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l'avis du Haut Conseil relatif au respect des orientations pluriannuelles de solde structurel en 2013.

M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques. - L'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) sur le solde structurel des administrations publiques intervient dans le cadre du mécanisme de correction prévu par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) qui vise à prévenir toute déviation durable à la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques. Son suivi est assuré dans chaque pays par des institutions budgétaires indépendantes, en France par le Haut Conseil des finances publiques dont j'assure la présidence.

L'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 prévoit que le Haut Conseil compare les résultats de la gestion avec les orientations pluriannuelles de la loi de programmation des finances publiques (LPFP). L'écart entre le solde structurel constaté en loi de règlement et l'objectif présenté par le Gouvernement dans la loi de programmation est déclaré important s'il représente au moins 0,5 point de PIB sur une année ou 0,25 point par an, en moyenne, sur deux années consécutives, en l'espèce 2012 et 2013. L'avis du Haut Conseil porte uniquement sur le solde structurel, c'est-à-dire le solde des administrations publiques corrigé des effets liés à la conjoncture économique.

L'analyse des données présente cette année une particularité en raison du changement de base auquel l'INSEE a procédé à l'occasion de la publication des comptes nationaux le 15 mai 2014, en application des règles du nouveau système européen de comptabilité nationale. Mais afin qu'ils puissent être comparés aux prévisions de la loi de programmation, les résultats sont présentés, en loi de règlement, dans l'ancien système de compte. Du reste, les écarts qui résultent de ce changement sont plutôt limités pour l'année 2013.

Les données macroéconomiques et les agrégats de finances publiques présentés dans les tableaux de l'avis sont fournis par l'INSEE et le Gouvernement. Nous vérifions qu'ils sont établis selon les règles de la loi organique et nous les confrontons à d'autres sources mais nous ne produisons ni les chiffres, ni les comptes et nous n'appliquons aucun retraitement aux données qui nous sont soumises.

Le Haut Conseil a formulé les constats suivants : le solde effectif en 2013 s'établit à - 4,3 %. L'amélioration du solde est inférieure de 1,3 point de PIB à ce que prévoyait la loi de programmation des finances publiques. Cet écart ne tient pas au solde conjoncturel constaté, identique à l'objectif. J'ai évoqué précédemment le coût des contentieux fiscaux communautaires, revu en forte baisse. Ce ne sont pas les mesures temporaires et ponctuelles, mais bien la composante structurelle du déficit qui explique l'essentiel de l'écart de 1,5 point entre le solde structurel constaté et la cible arrêtée par la LPFP. Une partie, 0,6 point, provient de l'écart entre le solde structurel de l'année 2012 tel qu'établi dans le projet de loi et le solde structurel inscrit en loi de programmation ; l'autre partie, 0,9 point, provient d'une amélioration du solde structurel plus faible qu'annoncé en loi de programmation, du fait à la fois de recettes moins dynamiques (pour 0,6 point) et d'un effort moindre sur les dépenses (pour 0,3 point), ce qui est lié, notamment, à une inflation plus faible que prévu.

Cet écart de 1,5 point de PIB est important au sens de l'article 23 de la loi organique. Il déclenche le mécanisme de correction. Lorsque le Haut Conseil identifie un écart important, le Gouvernement doit en exposer les raisons lors de l'examen de projet de loi de règlement puis doit présenter les mesures de correction envisagées à l'occasion du rapport préalable au débat d'orientation sur les finances publiques (DOFP). Enfin, il tient compte de cet écart dans l'élaboration des projets de loi de finances ou de financement suivants.

À la suite de ces constats, le Haut Conseil a formulé trois observations sur la trajectoire pluriannuelle présentée le mois dernier dans le programme de stabilité de 2014-2017. Elle diffère de celle prévue par la loi de programmation du 31 décembre 2012 et prévoit, à partir de 2014, un redressement du solde structurel plus prononcé, anticipant ainsi en partie la correction de l'écart important constaté en 2013. Toutefois, cette nouvelle trajectoire ne répond pas aux dispositions de l'article 5 de la loi de programmation, aux termes de laquelle les mesures de correction doivent assurer un retour à la trajectoire de solde structurel dans un délai de deux ans.

Autrement dit, l'ajustement supplémentaire prévu par le programme de stabilité ne permet pas de combler la totalité de l'écart constaté depuis l'adoption de la loi de programmation. Il conduirait à un solde structurel, en 2016, plus dégradé d'un point par rapport à celui inscrit dans la loi de programmation, compte tenu du nouvel écart constaté en 2013. Il reporte aussi à 2017, au lieu de 2016, l'atteinte de l'objectif de moyen terme (OMT), correspondant à l'équilibre structurel. Comme le prévoit la loi organique, le Haut Conseil devra apprécier, à l'occasion de son avis relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les mesures de correction proposées par le Gouvernement. Une partie de ces mesures figure déjà dans le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, dont le Haut Conseil a été saisi et sur lesquels il rendra un avis mercredi 11 juin.

Nous constatons donc un écart important par rapport à la loi de programmation, y compris en tenant compte du programme de stabilité. C'est sans doute pour cette raison que le Gouvernement a annoncé une nouvelle loi de programmation parallèlement à la présentation de la loi de finances pour 2015.

M. François Marc, rapporteur général. - Le Haut Conseil des finances publiques souligne que le retour à la trajectoire est reporté de 2016 à 2017 ; mais ce constat ne vaut pas critique ni contestation des réformes structurelles envisagées par le Gouvernement. Quelles sont les conséquences juridiques d'un non-respect de l'objectif de moyen terme (OMT) ? En ce qui concerne le dynamisme plus faible qu'anticipé des recettes en 2013, des facteurs extérieurs à la conjoncture économique ont-ils été identifiés, comme par exemple une éventuelle augmentation des fraudes, pour ne pas parler de l'économie souterraine ?

M. Philippe Marini, président. - J'ai commis un article publié par lepoint.fr qui s'intitule : Le solde structurel, un rideau de fumée ? Je n'ai, pour ma part, jamais rencontré l'« homo structuralis » et j'estime que ces méthodologies très fines et très complexes destinées à faciliter une comparaison des efforts réalisés dans les différents pays de l'Union européenne se retournent parfois contre nous, dans la mesure où les appréciations sont globales. Lorsque le Gouvernement annonce un nouveau dispositif, il n'a plus à présenter les réductions de dépenses qui permettent d'équilibrer sa nouvelle politique. Désormais, le Gouvernement peut avoir une approche globale, et procéder à coups d'annonces d'économies de 50 milliards d'euros, sans que l'on puisse savoir où elles se situent précisément.

Des rencontres ont-elles lieu avec les autorités indépendantes des autres États membres ?

M. Didier Migaud. - Le Haut Conseil ne dispose pas d'informations sur d'éventuelles fraudes ou sur une économie souterraine. Il travaille du reste dans des conditions extrêmement contraintes, disposant d'une semaine seulement pour rendre son avis. Heureusement, nous travaillons en amont et complétons notre information par des questionnaires adressés aux administrations.

Nous rencontrons effectivement les autres autorités indépendantes, mais de façon informelle. La Commission européenne organise régulièrement des réunions de l'ensemble des comités budgétaires indépendants pour des échanges sur la méthodologie. Nous organiserons, quant à nous, un séminaire sur la croissance potentielle le 13 juin avec des économistes français, mais aussi européens et internationaux pour être prêts, en septembre, à examiner la loi de programmation et nous prononcer sur la notion de croissance potentielle retenue par le Gouvernement.

La France demeurera en procédure de déficit excessif jusqu'au retour aux 3 % prévu normalement pour 2015.

Mme Fabienne Keller. - Voilà un normalement plutôt inquiétant...

M. Didier Migaud. - Pour parvenir à l'objectif de moyen terme, nous devrons aussi réaliser un effort d'ajustement structurel correspondant à 0,5 point par an. Les conséquences juridiques interviendraient si une fois atteint les 3 %, l'effort structurel annuel de 0,5 % n'était pas respecté. La France avait fixé un objectif de solde structurel de 0 % du PIB, plus strict que le - 0,5 % du PIB exigé par le TSCG. Dans le programme de stabilité, il est fixé à - 0,25 % du PIB. Une sanction financière est prévue, un dépôt portant intérêt à 2 % du PIB, suivant les procédures du traité que vous avez voté.

Comptes bancaires inactifs et contrats d'assurance vie en déshérence - Examen des amendements au texte de la commission mixte paritaire

La commission procède ensuite à l'examen des amendements au texte n° 542 (2013-2014) de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence.

M. François Marc, rapporteur général. - Les quatre amendements déposés par le Gouvernement sur les conclusions de la CMP ont été rédigés en commun par l'Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement. Ils correspondent à d'ultimes modifications rédactionnelles et coordinations. Ils ont déjà été adoptés par l'Assemblée nationale, le 26 mai dernier, à l'occasion de la lecture des conclusions de la CMP. Dans ces conditions, je recommande que la commission leur donne un avis favorable.

M. Philippe Marini, président. - Dans l'amendement n° 4 à l'article 13, portant sur la date d'entrée en vigueur de l'article 12 bis A, le libellé est-il conforme à ce qu'a voulu la CMP ?

M. François Marc, rapporteur général. - Il est conforme. L'amendement vise à sécuriser juridiquement la date d'entrée en vigueur de l'article.

M. Philippe Marini, président. - Elle est fixée au 1er juillet 2016 ?

M. François Marc, rapporteur général. - Oui.

La commission émet un avis favorable aux amendements n° 1 à l'article 1er, n° 2 à l'article 4, n° 3 à l'article 12 et n° 4 à l'article 13.

Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2013 - Audition de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Au cours d'une seconde réunion, la commission procède à l'audition, préparatoire à l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013, de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Philippe Marini, président. - Cette audition, ouverte à la presse, n'est pas une première, mais la reprise d'une habitude. La commission des finances du Sénat, jusqu'en 2011, entendait les ministres afin que ces derniers veuillent bien rendre compte de leur gestion à l'occasion de la préparation de l'examen de la loi de règlement, que nous avons évoquée avec le Premier président de la Cour des comptes tout à l'heure. Celle-ci constitue en fait l'arrêté de comptes de l'État, son rapport de gestion en quelque sorte. C'est sous l'impulsion de Jean Arthuis que nous avions, à l'époque, adopté cette pratique.

Pour cette séance, nous bénéficions de la présence de la rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche « vieillesse » du projet de loi de financement de la sécurité sociale, Christiane Demontès.

Si vous le voulez bien, pour rendre notre échange le plus interactif possible, je vous proposerai, madame la ministre, de réagir et d'aborder les sujets qui vous semblent importants, après que le rapporteur pour avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et rapporteur spécial de la mission « Santé », Jean-Pierre Caffet, vous aura interrogée.

Éric Bocquet prendra ensuite le relais en tant que rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Peut-être pourrons-nous joindre les questions ou les analyses de madame la rapporteure de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur spécial de la mission « Santé ». - Avant d'entamer cette audition, je souhaiterais rappeler l'angle spécifique sous lequel la commission des finances aborde les finances sociales.

Ces dernières années, de nouveaux outils ont été mis en place pour renforcer la vision consolidée des finances publiques. Il s'agit d'un enjeu majeur pour garantir le respect par la France de ses engagements européens.

Ainsi, l'article liminaire de la loi de règlement retrace désormais le solde structurel et le solde effectif de l'année écoulée pour l'ensemble des administrations publiques, y compris les administrations de sécurité sociale (ASSO).

C'est sur cette base que le Haut Conseil des finances publiques, dont nous venons d'entendre le président, est chargé d'identifier les éventuels écarts avec les objectifs fixés en loi de programmation pluriannuelle des finances publiques (LPFP), conduisant, le cas échéant, au déclenchement du mécanisme de correction automatique.

C'est pourquoi il convient donc de vous interroger, madame la ministre, aussi bien sur l'exécution des crédits inscrits dans le budget de l'État, que sur les dépenses de l'ensemble des administrations de sécurité sociale, qu'elles entrent ou non dans le périmètre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS).

C'est en ma qualité de rapporteur pour avis sur le PLFSS que je commencerai par vous interroger sur l'exécution de la LFSS pour 2013.

Ma première question porte sur l'exécution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour 2013.

Le comité d'alerte sur le respect de l'ONDAM a récemment confirmé que la réalisation de l'ONDAM 2013 avait été inférieure de 1,4 milliard d'euros à l'objectif fixé, et que l'ONDAM pour 2014 devrait être respecté.

Pourriez-vous nous expliquer quels sont les principaux facteurs expliquant la sous-exécution de l'ONDAM en 2013 ? Quels sont les secteurs de soins où la dépense a été moins dynamique que prévu ? Les mesures d'économie relatives à l'ONDAM 2013, en particulier celles portant sur l'hôpital, pour lesquelles 657 millions d'euros d'économies étaient prévus, ont-elles bien toutes été réalisées ? Quel impact ont-elles eu sur les comptes des hôpitaux publics ?

J'en viens à une question plus transversale sur la maîtrise des dépenses de fonctionnement des caisses de sécurité sociale.

Lors de la présentation du PLFSS pour 2014, il avait été indiqué que 200 millions d'euros d'économies avaient déjà été réalisés en 2013 sur la gestion des caisses, et que 500 millions d'euros d'économies étaient prévus pour 2014.

Pourriez-vous, madame la ministre, nous présenter le bilan de ces économies de gestion en 2013, en nous précisant éventuellement quelles caisses et quels postes sont concernés ?

Plus généralement, quel bilan tirez-vous de l'application des dernières conventions d'objectifs et de gestion (COG) de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) et de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) ?

Je conclurai en vous posant deux questions portant sur l'exécution des crédits de la mission « Santé » du budget de l'État, dont je suis rapporteur spécial.

156 millions d'euros supplémentaires ont été ouverts en loi de finances rectificative pour 2013. Il apparaît donc que les dépenses d'aide médicale de l'État (AME) ont été bien supérieures à la prévision, pour s'établir à 744 millions d'euros.

L'augmentation du nombre de bénéficiaires est-elle la seule cause de cette forte progression des dépenses, qui représente 26 % de plus d'une année sur l'autre ? Quels ont été jusqu'ici les effets de la réforme de la tarification des séjours hospitaliers mise en place en 2012 ? Peut-on toujours en attendre des économies substantielles pour les années à venir ? L'aide médicale d'État (AME) est un sujet de préoccupations commun à tous les participants à cette commission.

Enfin, la mission « Santé » finance environ une dizaine d'agences sanitaires et de prévention. En 2013, ces opérateurs ont tous reçu des montants de subventions pour charge de service public moins importants que ceux votés en loi de finances initiale (LFI) pour 2013, et même que ceux prévus en loi de finances pour 2014.

Combien d'opérateurs ont dû puiser dans leurs fonds de roulement, et à quelle hauteur ? Ces moindres subventions ont-elles eu un impact sur les actions mises en oeuvre par les agences en 2013 ? Une réorganisation des missions de prévention et de vigilance autour de plusieurs agences « pivots », annoncée lors de la présentation de la stratégie nationale de santé, est-elle toujours d'actualité ? Cette réorganisation pourrait-elle permettre de réaliser de nouvelles économies sur les dépenses de fonctionnement des agences ?

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la mission « Solidarité ». - La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » comprend cinq programmes pour un total de 13,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur l'exercice 2013.

Cette mission finance, pour environ 88 %, des dépenses d'intervention, notamment des dispositifs de guichet comme l'allocation aux adultes handicapés (AAH), pour environ 8 milliards d'euros, la partie activité du RSA, ou encore la protection juridique des majeurs.

L'exécution 2013 marque un tournant par rapport aux années précédentes : alors que le budget était jusqu'alors caractérisé par une sous-budgétisation de l'AAH et une surbudgétisation du RSA activité, la situation s'est en quelque sorte inversée.

Ainsi, la dépense d'AAH a été globalement maîtrisée, avec un dépassement de « seulement » 20 millions d'euros par rapport à la prévision initiale ; en revanche, la dotation au Fonds national des solidarités actives (FNSA) s'est révélée insuffisante, conduisant à un report de charges de 147 millions d'euros sur 2014.

Comment expliquer cet écart entre la prévision initiale et l'exécution s'agissant de la subvention d'équilibre de l'État au FNSA ? Pourquoi les recettes fiscales affectées au fonds ont-elles été ainsi surévaluées ? Le report de charges sur 2014 ne déséquilibre-t-il pas le budget 2014 du FNSA ?

En second lieu, la dépense pour l'allocation aux adultes handicapés a augmenté de près de 5 % entre 2012 et 2013. Quelles sont les perspectives pour 2014, et quelles possibilités existent pour maîtriser l'évolution de cette dépense ?

Par ailleurs, s'agissant des agences régionales de santé (ARS), les dépenses de fonctionnement sont portées par la présente mission, tandis que les dépenses d'intervention sont inscrites dans la mission « Santé ». D'autre part, l'assurance maladie, le fonds d'intervention régional (FIR) et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) contribuent également au financement des ARS. Quel est le montant consolidé de financement des ARS et son évolution sur les trois dernières années ? Certaines agences ont-elles connu, en 2013, des difficultés de financement particulières ? Enfin, de façon générale, la baisse continue des effectifs, qui a représenté 243 emplois en 2013, ne remet-elle pas en question l'accomplissement de certaines des missions des ARS ?

Enfin, nous venons récemment de fêter les cinq ans de la création du RSA. Depuis deux ans, le Gouvernement annonce une réforme du RSA. Où en est-on de ce chantier, en particulier s'agissant de la partie « activité ». Quelle sera l'articulation du RSA activité et de la prime pour l'emploi ? Quelles mesures adopter pour éviter l'important taux de non-recours du RSA activité, autour de deux tiers des bénéficiaires potentiels ? Les causes avaient été repérées, identifiées, analysées : complexité du dispositif, raisons psychologiques, accompagnement d'un public fragilisé. Quelles sont les perspectives pour avancer enfin sur ce sujet ?

M. Philippe Marini, président. - La parole est à présent à Christiane Demontès, vice-présidente du Sénat, et rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche « vieillesse ».

Mme Christiane Demontès, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche « vieillesse » du projet de loi de financement de la sécurité sociale. - Monsieur le président, je reprendrai une question de Jean-Pierre Caffet à propos de la convention d'objectif et de gestion de la branche « vieillesse » : où en est son exécution ? Pouvez-vous faire le point à ce sujet ? Pour 2013, le déficit de cette branche continue-t-il à diminuer ? Quelles sont les inflexions liées aux réformes, sachant que la réforme de 2013 ne comportera de conséquences qu'en 2014, voire en 2015 ?

Mme Marisol Touraine, ministre. - Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames et messieurs les sénateurs, c'est aujourd'hui la reprise d'une habitude que je ne connaissais pas, puisque c'est la première fois que, dans la fonction qui est la mienne, j'ai l'honneur d'être auditionnée par votre commission. Mais certaines habitudes sont toujours bonnes à reprendre, et je vais essayer de répondre aussi précisément que possible à vos questions, qui portent à la fois sur le budget de l'État et sur l'exécution du budget des différentes branches de la sécurité sociale - ce qui est bien normal d'ailleurs quand on compare les sommes engagées de part et d'autre.

Les masses en jeu ne sont pas les mêmes. Nous parlons d'un budget d'environ 180 milliards d'euros pour l'assurance maladie, et de 220 milliards d'euros pour la branche « vieillesse », sans parler de la branche « AT-MP », plus limitée financièrement. Nous parlons d'un budget de l'État qui avoisine, pour ce ministère, 14,5 milliards d'euros tout compris.

Pour ce qui est de l'ONDAM, vous avez raison de le souligner - le Comité d'alerte vient de le confirmer - l'ONDAM 2013 sera exécuté à hauteur de 174 milliards d'euros, soit 1,4 milliard d'euros de moins que ce qui avait été voté en loi de financement de la sécurité sociale initiale, et 800 millions d'euros de moins que ce qui avait été voté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Nous avions en effet réalisé une première révision à la baisse de cet objectif.

Vous me demandez d'expliquer cette sous-exécution. En premier lieu, contrairement à une idée reçue, les établissements de santé - l'hôpital en particulier - ne restent pas à l'écart de l'effort engagé, même si les trois-quarts de la sous-exécution concernent les soins de ville, pour 1,1 milliard d'euros. Le reste - 300 à 350 millions d'euros - concerne les établissements de santé.

Les postes ont-ils augmenté moins vite que prévu ? Tout d'abord, la maîtrise des dépenses liées aux médicaments se poursuit, à la seule exception des dispositifs médicaux. Nous constatons par ailleurs une stabilité des dépenses d'indemnités journalières. Je veux m'arrêter un instant sur ce point. La faible consommation, dans le domaine des indemnités journalières, est évidemment directement liée à la faiblesse de l'activité économique de notre pays. On ne peut donc considérer que la baisse ou la stabilité de ces dépenses soit une garantie pour la suite. Néanmoins, nous nous employons à contrôler et à maîtriser ces dépenses.

Les honoraires des professionnels ont également été stabilisés, puisqu'on constate relativement peu d'augmentations, tout comme les transports sanitaires, qui font l'objet d'une poursuite de la maîtrise. On sait notamment, concernant les transports sanitaires, qu'il existe de très fortes disparités sur les territoires, ce qui nous amène à contrôler certains secteurs plus que d'autres.

L'assurance maladie fait l'objet, depuis que je suis en responsabilité, d'une attention et d'une vigilance extrêmement élevées, qui expliquent que, depuis 2012, nous ayons réorienté les dépenses, fait en sorte qu'elles soient mieux maîtrisées et ce, sans affecter les droits de nos concitoyens - j'insiste sur ce point.

La maîtrise des dépenses touche évidemment les frais de gestion, qui se sont élevés à 10,3 milliards d'euros, conformément à la prévision annoncée lors de la commission des comptes de la sécurité sociale, en septembre 2013, ce qui représente une évolution de + 1,5 % par rapport à l'exécution 2012.

Ceci renvoie à deux tendances contraires, que je veux souligner. Pour ce qui est de la COG de la CNAF, nous prévoyons un renfort provisoire à hauteur de 500 emplois en équivalents temps plein (ETP) en 2013-2014, pour permettre à la branche de retrouver un niveau satisfaisant de traitement des dossiers. Il y a eu trop de points d'alerte sur certaines caisses d'allocations familiales qui ne parvenaient plus à gérer leurs dossiers de manière satisfaisante. Ceci explique que nous ayons fait le choix d'un renfort provisoire, qui doit nous permettre de surmonter ces difficultés.

À l'inverse, les autres COG du régime général, en cours de renouvellement, vont permettre de réaliser d'importantes économies. Je dois le dire, ceci passe par des réductions d'effectifs significatives, qui doivent être réalisées notamment dans le réseau de l'assurance maladie. Je veux indiquer que ceci constitue, pour ceux qui travaillent dans ces réseaux, un effort important qu'il convient de saluer.

Pour ce qui est de la CNAV, celle-ci a été et reste soumise à des efforts de même nature. Néanmoins, je voudrais indiquer que nous prévoyons d'affecter de manière spécifique des effectifs à la mise en place du compte pénibilité. C'est une des avancées qui résultent de la loi sur les retraites du 20 janvier 2014, dont vous étiez rapporteure, madame la sénatrice, mais qui représente évidemment un travail important de mise en oeuvre à partir de la fin de l'année et surtout du début de l'année prochaine. Un renfort spécifique permettra donc de faire face à ces besoins.

Pour ce qui est du budget de l'État, vous soulignez, monsieur le sénateur, l'augmentation très forte des dépenses liées à l'aide médicale d'État. C'est incontestable, et nous avons constaté en 2013 un fort dépassement par rapport à l'objectif, puisque nous avions prévu une dépense de 588 millions d'euros et que les dépenses constatées seront à l'arrivée de 744 millions d'euros !

Oui, la hausse constatée est liée à la forte poussée du nombre de bénéficiaires de l'aide médicale d'État, et nous n'avions pas anticipé une augmentation aussi forte du nombre de bénéficiaires. Je veux dire les choses très simplement : je considère qu'il y a des débats autour de l'aide médicale d'État qui n'ont pas lieu d'être ! C'est un dispositif qui, en termes de santé publique, répond tout à fait à l'exigence que nous devons avoir, non seulement pour apporter des soins aux personnes concernées, mais également pour éviter la propagation de certaines maladies sur le territoire national.

C'est pourquoi, lorsque la majorité précédente a instauré un droit de timbre pour entrer dans ce dispositif, les professionnels de santé, les représentants des médecins, les ordres professionnels, ont marqué leur désapprobation et leur inquiétude, car nous savons qu'il est préférable que les personnes malades puissent accéder à des soins de façon rapide si nous voulons éviter la propagation des maladies.

Pour autant - et je le dis sans difficultés - nous devons évidemment, en matière d'aide médicale d'État, comme de tout dispositif social, lutter contre les abus qui pourraient être constatés ou qui pourraient exister. De ce point de vue, je souhaite que nous poursuivions les contrôles engagés, qui existent dans les différentes caisses primaires d'assurance maladie. À partir de 2015, nous allons disposer des premières statistiques qui vont permettre de comparer les taux d'acceptations ou de refus de l'aide médicale d'État caisse par caisse, ce qui permettra éventuellement d'identifier s'il existe ou non un recours excessif à ce dispositif sur certaines parties du territoire et d'homogénéiser les pratiques observées dans les différentes caisses.

Par ailleurs, je veux dire ma préoccupation face à l'existence de ce qui peut apparaître comme des filières de personnes étrangères venant se faire soigner dans certains hôpitaux français, en particulier à Paris. Ceci nécessite d'enclencher très rapidement un travail diplomatique de coopération internationale avec les pays d'origine. Nous pouvons par exemple aider ces pays à disposer des traitements nécessaires sur leur territoire, pour éviter que ne se mettent en place des filières de malades qui viennent se faire soigner chez nous.

De plus, j'ai commandé à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) un rapport sur le dispositif de soins urgents, qui est aujourd'hui une porte d'entrée dans notre système de soins pour des personnes qui ne remplissent pas les conditions pour être prises en charge dans l'AME de droit commun.

Vous m'avez également interrogée sur l'impact de l'évolution de la tarification hospitalière dans le cadre de l'AME. Jusqu'à l'année dernière, un tarif particulier était appliqué ; nous avons aligné les tarifs hospitaliers appliqués dans le champ de l'AME sur les tarifs de droit commun. Une première diminution des frais liés à l'aide médicale d'État a pu être enregistrée. Cette diminution se fait en deux étapes. La survalorisation des actes, qui était de 30 %, est passée à 15 % en 2014 et sera nulle en 2015. Nous espérons une économie de 100 millions d'euros avec la suppression de cette majoration.

Concernant la situation des opérateurs sanitaires, celle-ci est très tendue. Lorsque je suis arrivée aux responsabilités, les opérateurs sanitaires disposaient de fonds de roulement importants, ce qui a justifié que nous puissions mettre ceux-ci à contribution en 2013 pour tous les opérateurs, à l'exception de l'Institut national du cancer. Désormais, ces fonds de roulement se situent à un niveau proche des niveaux prudentiels. Fin 2014, ils se situeront entre un et quatre mois de fonctionnement. Nous ne pouvons aller beaucoup plus loin, ce qui signifie, compte tenu des critères de pré-cadrage que nous a adressés le Premier ministre sur la période triennale 2015-2017, qu'il va falloir intensifier nos efforts de rationalisation des dépenses des opérateurs. Vous avez évoqué une réforme des structures de vigilance, que j'ai moi-même abordée il y a quelques mois.

Des mesures figureront dans la future loi de santé, dont nous pourrons espérer des économies, même si l'exigence de qualité sanitaire est l'élément moteur dans la réforme que je proposerai. La réforme ne repose pas sur des critères financiers, mais sur la volonté de garantir un meilleur dispositif de vigilance, qui n'est pas optimal aujourd'hui.

Monsieur le sénateur Bocquet, le fait est que le RSA activité connaît un taux de recours trop faible. Un des enjeux est de permettre une meilleure connaissance de ce dispositif de la part des bénéficiaires potentiels. Ceci passe par la mobilisation de l'ensemble des acteurs susceptibles d'avoir un contact avec les publics concernés.

Une des façons d'avancer est de faire en sorte que ceux qui ne sont pas en charge du versement du RSA, mais qui sont, pour une raison ou une autre, en contact avec les familles ou les personnes potentiellement bénéficiaires, puissent être des vecteurs d'information. Nous réfléchissons donc à la manière de rendre l'information transversale.

Pour ce qui est du rapprochement entre le RSA de base avec la prime pour l'emploi (PPE), qui a fait l'objet d'un rapport parlementaire, le débat se poursuit. Nous avons fait le choix, pour le moment, de privilégier la baisse des cotisations salariales pour ceux qui ont un revenu compris entre 1 et 1,3 fois le SMIC. Les ressources disponibles ont donc été mobilisées pour permettre cette baisse des cotisations, ce qui se traduira par une augmentation rapide du pouvoir d'achat des salariés modestes.

Quant à l'allocation aux adultes handicapés (AAH), il est vrai qu'il existe un écart entre la prévision et la réalisation. Je ne sais si vous avez eu l'occasion d'aborder cette question avec Didier Migaud, mais le rapport de la Cour des comptes souligne que les prévisions du ministère sont désormais de plus en plus fiables. Il existait jusqu'à présent un problème d'appréciation et de remontée de l'information à partir des territoires. Nous pensons aujourd'hui disposer d'évaluations relativement fiables.

M. Philippe Marini, président. - Avez-vous répondu aux questions de Christiane Demontès ?

Mme Marisol Touraine, ministre. - Oui. J'ai indiqué, concernant la CNAV, que des efforts de gestion sont demandés à la caisse et continueront à l'être ; dans le même temps, nous allons sanctuariser l'activité de la caisse, qui va concerner la mise en place du compte pénibilité, celui-ci requérant beaucoup de travail. Des effectifs seront identifiés pour la mise en place de ce compte.

M. Philippe Marini, président. - Roger Karoutchi sera-t-il d'accord avec vous pour considérer qu'en matière d'AME, les débats n'ont pas lieu d'être ?

M. Roger Karoutchi. - Madame la ministre, j'entends bien ce que vous dites s'agissant de l'AME. Il est vrai que personne n'imagine, ni ne souhaite voir dans nos rues des malades qui ne sont pas soignés ! Mais la peur est en effet facile à utiliser de manière populiste.

Il n'empêche : vous dites que l'une des solutions est de transférer les technologies, voire les médicaments, vers les pays d'origine. Il existe cependant une différence non négligeable entre le fait de mieux utiliser le droit d'asile médical et venir se faire soigner gratuitement à Paris, plutôt que de rester dans son pays d'origine, où les frais de médecine et de prise en charge sont extrêmement chers !

Transférer des médicaments ou des technologies dans ces pays qui n'en disposent pas peut constituer une solution, mais elle ne change pas le coût. L'explosion - notamment en Île-de-France - du droit d'asile est souvent liée, indépendamment des situations politiques ou humanitaires, au fait que nos hôpitaux parisiens soient submergés de demandes liées aux traitements. Si vous transférez les technologies vers les pays d'origine, celles-ci y seront tellement chères qu'il vaudra mieux venir à Paris !

Le sujet ne porte donc pas seulement sur l'accès à la technologie, mais également sur la prise en charge et le coût. C'est là un vrai sujet, et je ne vois pas très bien pourquoi le transfert empêcherait la prise en charge gratuite à Paris !

Je ne suis pas d'accord avec vous - mais c'est un débat plus politique et plus large - sur un droit de timbre. Le droit d'asile a explosé dans ce pays, avec une attractivité d'un système d'allocations. Tout le monde le dit aujourd'hui, et pas seulement à droite. Ne peut-on trouver d'autres solutions, tout en préservant une situation humanitaire et médicale convenable ?

Ma question porte plutôt sur les établissements sanitaires. J'ai rencontré un certain nombre de directeurs d'hôpitaux parisiens qui venait « quémander » l'aide de la région, qui n'en peut mais, n'ayant plus d'argent. Beaucoup de ces directeurs se plaignent de ne plus avoir de fonds de roulement et craignent, en 2015, de devoir fermer un certain nombre de services, ne pouvant parvenir à l'équilibre.

Vous avez vous-même noté qu'après les prélèvements de 2013, la situation, en 2014, allait être très tendue. Avez-vous envisagé, si la situation devenait catastrophique pour certains établissements, de les soutenir, ou leur conseillera-t-on de fermer des services pour réduire la dépense, faute d'aide extérieure ?

M. Francis Delattre. - Madame la ministre, dans la fonction publique, les fonctionnaires dits « actifs », ou « super-actifs » - exerçant une activité pénible - peuvent partir plus tôt à la retraite. Les instituteurs, dont le corps est en voie d'extinction, sont classés comme actifs ; or, les professeurs des écoles, de catégorie A, ne bénéficient plus de cette classification ! Le même problème se pose avec le changement de statut des infirmières. En tant que rapporteur spécial du compte d'affection spéciale « Pensions », j'auditionne un certain nombre de parties prenantes sur ce sujet. Les syndicats redoutent que le périmètre des catégories actives ne soit réduit, compte tenu des difficultés, et estiment le système inégal et injuste. J'aimerais connaître votre approche sur ce sujet.

Par ailleurs, le régime spécial des mineurs fait partie des régimes de protection sociale en extinction, subventionnés par l'État. Il a été prévu de fondre la branche « maladie » de ce régime dans le régime général. Le décret a été abrogé. Que comptez-vous faire pour faire en sorte que la branche « maladie » puisse se rééquilibrer et que la Caisse nationale de sécurité sociale dans les mines puisse faire face à ses obligations ?

Mme Michèle André. - Madame la ministre, vous avez évoqué les transports sanitaires. Dans les départements à dominante rurale, l'hospitalisation de jour nécessite un transport sanitaire. Avez-vous pu avancer sur ce sujet ? Comment faire pour ramener chez lui un patient dialysé ou un malade qui a subi une séance de chimiothérapie dans les conditions humainement et économiquement acceptables, ces secteurs étant consommateurs de crédits ? Les professionnels du secteur, dans nos campagnes, qui ajoutent à leur activité sanitaire des activités de taxi classiques, se sont fortement inquiétés à ce propos.

M. François Marc, rapporteur général. - Jean-Pierre Caffet a très clairement résumé les questions que nous nous posions, au sein de la commission des finances ; il y a été répondu.

J'ai cependant une préoccupation par rapport au tendanciel de dépenses concernant les missions « Santé » et « Solidarité ». Dans quelle mesure l'évolution des crédits consommés dans le cadre de ces missions en 2013 a-t-elle été inférieure à la croissance tendancielle des dépenses ? Peut-on faire le point sur les économies réalisées par rapport à ce tendanciel ?

M. Philippe Marini, président. - Madame la ministre, je souhaiterais ajouter deux brèves questions, la première en me souvenant de la mission commune d'information sur le cinquième risque - en d'autres termes la dépendance - que le Sénat avait mise en place il y a quelques années, et que je présidais à l'époque.

Nous nous étions efforcés de réaliser une estimation consolidée des dépenses publiques liées à la prise en charge des personnes âgées dépendantes, sachant que ces dépenses sont à la charge tantôt de l'État, tantôt des administrations de sécurité sociale, tantôt des départements.

Il serait sans doute utile de rappeler la dynamique d'évolution de ces dépenses sur les derniers exercices et, peut-être, d'en tirer les leçons pour la prochaine législation sur l'autonomie des personnes âgées, en tenant compte de la nécessité sociale que cela représente, mais en même temps des contraintes économiques très lourdes auxquelles nous sommes et serons confrontés.

Ma seconde question porte sur le déficit de la branche « famille » qui, au titre de 2013, serait supérieur de 400 millions d'euros à la prévision, pour s'établir à 3,2 milliards d'euros. Avez-vous connaissance des résultats définitifs de la CNAF ? Doivent-ils confirmer cette détérioration par rapport à la prévision ?

Enfin, au vu de l'exécution de 2013 et de la baisse de cotisations patronales annoncée récemment par le Premier ministre, envisagez-vous de nouvelles mesures pour garantir le retour à l'équilibre la branche « famille » ?

Mme Marisol Touraine, ministre. - Pour ce qui est du déficit de la branche « famille », il existe bel et bien un décalage, qui sera précisé lors de la prochaine commission des comptes de la sécurité sociale. Le Premier ministre a eu l'occasion de dire, lors de son discours de politique générale et de la présentation du pacte de responsabilité et de solidarité, que des efforts supplémentaires seraient demandés à la branche « famille », pour ce qui est de la prochaine programmation triennale, à hauteur de 800 millions d'euros. Nous travaillons donc à la définition de la nature de ces économies, qui figureront dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

Par ailleurs, vous évoquez la question de l'autonomie et du cinquième risque. Aujourd'hui même, j'ai présenté, en Conseil des ministres, le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement de la population. C'est une loi très importante de renforcement de la prise en charge des personnes en perte d'autonomie. Je veux rappeler qu'il y a maintenant plus de dix ans, en 2001-2002, qu'a été mise en place l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA). Aucune nouvelle mesure n'est intervenue depuis ; le projet de loi présenté ce matin - qui devrait être examiné par l'Assemblée nationale en commission avant l'été, pour un débat en séance publique à la rentrée - prévoit un ensemble de mesures qui reposent sur un financement par la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA).

Nous ne nous inscrivons pas dans le cadre d'un cinquième risque, mais nous avons mis en place des mesures de prévention et de renforcement de l'APA - aides supplémentaires pour un coût inférieur pour les personnes qui perdent leur autonomie et restent à domicile, mise en place de mesures en faveur des « aidants », qui sont souvent les proches de la personne qui perd son autonomie, mesures permettant le financement d'aides techniques, qu'il s'agisse de l'adaptation de logements, de domotique ou d'autres dispositifs.

La CASA, qui a été votée il y a maintenant plus d'un an, va permettre de financer cette loi ambitieuse pour environ 645 millions d'euros chaque année et en année pleine. Nous sommes engagés dans cette direction, avec la volonté de faire du maintien à domicile une priorité, à un moment où nous concitoyens vieillissants expriment de plus en plus fortement le souhait de rester le plus longtemps possible à domicile, ou dans des structures qui ne soient pas des établissements médicalisés, telles que des résidences pour seniors, ou d'autres lieux de ce type.

Je ne reviens pas sur les questions liées à l'ONDAM, dont je répète qu'il est maîtrisé et - j'insiste sur ce point - sans aucune baisse ou réduction des droits de nos concitoyens. Au contraire, de nouveaux droits ont été définis, notamment en direction des jeunes et des femmes avec, par exemple, la gratuité complète des interruptions volontaires de grossesse (IVG), ou la contraception pour les jeunes femmes mineures.

Pour ce qui est de la mission « Solidarité », la situation à laquelle nous sommes confrontés est celle d'une évolution très diversifiée sur le territoire. Le travail que les services ont engagé, en lien avec les services territoriaux, les ARS et les conseils généraux, consiste à aller vers une harmonisation des dispositifs.

Je prends un exemple très concret, qui fait écho à ce qu'évoquait Eric Bocquet : l'AAH a connu une croissance très dynamique qui, aujourd'hui, se ralentit. On peut s'interroger sur les raisons du recours à cette prestation, qui peut parfois paraître excessif. Nous avons eu des discussions avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et nous nous sommes aperçus que, selon les départements, on ne trouvait pas toujours les mêmes pratiques, ni la même orientation.

C'est le travail que nous effectuons, les dépenses augmentant très directement en lien avec la réalité sociale constatée dans le pays. Les dépenses de solidarité, en période de crise, sont amenées à augmenter. C'est une des difficultés du financement dans ce ministère : nous avons à dépenser davantage d'argent dans des moments où nous en avons moins mais, par définition, les dépenses de solidarité interviennent dans les périodes de crise !

Le grand défi, pour ce qui est de ce budget, réside dans l'harmonisation des pratiques sur les territoires, qu'il s'agisse de nos partenaires - je pense aux conseils généraux, ou aux MDPH - ou de nos propres services, qui n'ont pas toujours les mêmes pratiques.

Monsieur le sénateur Karoutchi, concernant l'AME, il ne s'agit pas d'imaginer que nous allons, d'un coup de baguette magique, arrêter les flux de personnes qui viennent de l'étranger pour se soigner en France en établissant des coopérations avec ces pays. Je n'ai pas parlé de transfert de technologies, j'ai parlé de coopération, c'est-à-dire de mise en place de procédures permettant de mieux accueillir les personnes.

La France est engagée de façon très forte dans le combat international, auprès de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de la Banque mondiale, pour la mise en place des objectifs post-2015 dans l'Agenda pour le développement à l'échelle internationale, avec la mise en place d'une couverture sanitaire universelle, qui nous paraît une nécessité si nous voulons que des populations de divers pays puissent se faire soigner dans des conditions de coût satisfaisantes.

Pour autant, certaines des filières observées concernent les pays dans lesquels des soins gratuits sont proposés aux habitants. Il s'agit donc d'avoir des discussions diplomatiques avec nos interlocuteurs, afin de voir comment une incitation aux soins sur place peut être réalisée.

Pour ce qui est des dépenses à l'hôpital, je suis extrêmement intéressée par votre question, monsieur le sénateur. Je constate que vous encouragez le maintien de l'ensemble des services hospitaliers, la présence hospitalière partout sur le territoire !

Vous me dites que les hôpitaux viennent vous demander des financements, l'État n'en apportant plus : nous prévoyons 450 millions d'investissements hospitaliers par an ! Nous apportons un soutien financier à des projets hospitaliers presque quotidiennement, certains investissements étant parfois relativement limités. Si les hôpitaux sont effectivement soumis à des règles plus strictes en matière d'équilibre budgétaire, celles-ci portent leurs fruits et je veux saluer les efforts de l'ensemble de la communauté hospitalière, grâce auxquels l'équilibre, en 2013, a été globalement atteint pour les hôpitaux. En 2012, l'équilibre a également été atteint, avec un déficit zéro en moyenne. Cette année, nous ne sommes pas loin de l'équilibre avec, en moyenne globale, un peu moins de 70 millions d'euros pour les hôpitaux, ce qui est très peu, compte tenu des sommes engagées.

En revanche, nous savons que certains établissements concentrent les difficultés. Nous leur apportons un soutien financier et, par ailleurs, soutenons l'investissement des établissements en Île-de-France, comme partout sur le territoire, pour permettre la bonne prise en charge de nos concitoyens, mettre en place des services qui répondent à des besoins nouveaux, réorganiser des services là où c'est nécessaire, et faire en sorte que des soins qui n'étaient pas proposés dans certains établissements puissent l'être.

Il s'agit donc bien d'une politique d'investissement, et non d'investissement zéro. Je peux vous rassurer, même si nous sommes extrêmement attentifs compte tenu de la situation financière du pays, quant à l'engagement des deniers publics !

Monsieur le sénateur Delattre, vous m'avez interrogée sur les catégories actives. Une réflexion est bien sûr engagée ; elle ne relève pas de mon département ministériel, mais du ministère de la fonction publique. Lorsque nous avons voté la loi sur les retraites et mis en place le dispositif concernant la pénibilité, nous avons indiqué que la réflexion s'ouvrirait dans le cadre des discussions menées par le ministre de la fonction publique sur la façon dont ce dispositif - ou un dispositif équivalent - pourrait trouver à s'appliquer dans la fonction publique. Ceci suppose bien évidemment que la question des catégories actives soit posée, certaines bénéficiant aujourd'hui de conditions de départ anticipé à la retraite. Il n'est pas envisageable de poser la question de la pénibilité sans que soit en même temps engagée une réflexion sur la manière dont cette pénibilité est prise en charge dans la fonction publique.

Je veux attirer l'attention sur le fait qu'en mettant en place un dispositif de prise en compte de la pénibilité dans le secteur privé, nous avons fait en sorte que les salariés du privé puissent bénéficier de départ anticipé à la retraite dans certains cas, comme ceci existe aujourd'hui, dans des conditions différentes, dans la fonction publique.

Pour ce qui est du régime des mines, il s'agit en effet d'un régime en voie d'extinction. J'ai mis en place une procédure de concertation avec l'ensemble des acteurs concernés. La branche « maladie » du régime continue d'ailleurs d'enregistrer des déficits qui doivent être maîtrisés. Nous avons indiqué que ce régime devrait être adossé au régime général d'assurance maladie, mais qu'il maintiendrait sa spécificité. Nous le devons aux mineurs de notre pays et à leur histoire.

Dans le même temps, la situation des établissements de santé, qui sont aujourd'hui gérés par le régime des mines, est étudiée au cas par cas, en lien avec les ARS, pour faire en sorte qu'une offre de santé puisse être apportée à chaque territoire dans de bonnes conditions de soutenabilité financière.

Pour ce qui est de la question de Michèle André, je veux vous rassurer : il n'a jamais été question - et il n'est pas question - de remettre en cause le transport sanitaire de personnes atteintes de cancer ou de maladie, lourde ou non !

Dès lors que la politique que je porte vise à permettre que le plus de soins possible puissent être apportés sous forme de soins de proximité ou en ambulatoire, les transports vont devenir encore plus importants qu'aujourd'hui. C'est notamment le cas dans les territoires ruraux, mais pas uniquement. Cela existe par exemple dans notre département, à Jean Germain et moi-même.

Le Gouvernement prête une grande attention à la maîtrise des dépenses et à l'harmonisation des pratiques sur les territoires. Il n'est pas normal que, sur certains territoires, le recours à certains types de transport soit bien plus important que dans d'autres. Je pense que nous devons aller vers la définition de critères et poursuivre une maîtrise qui ne peut se faire au détriment des patients.

M. Philippe Marini, président. - Merci infiniment, madame la ministre, d'avoir répondu de manière argumentée à l'ensemble des questions posées par les membres de la commission.

La réunion est levée à 18 heures 10

Mercredi 4 juin 2014

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

La réunion est ouverte à 10 h 05

Contrôle budgétaire - Musées nationaux - Communication

Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission entend tout d'abord une communication de M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la mission « Culture », sur les musées nationaux.

M. Philippe Marini, président. - Nous entamons notre séance avec une communication de notre collègue Yann Gaillard. Dans toute la mesure du possible, les contrôles de nos rapporteurs spéciaux devront être achevés en temps utile, c'est-à-dire avant la fin de la session extraordinaire. J'ai donc le plaisir de passer la parole à Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - Monsieur le Président, Monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, le monde muséal fait régulièrement l'actualité : ouverture du Louvre-Lens et du Musée des civilisations de l'Europe et de la méditerranée (MuCEM), construction du Louvre Abu Dhabi, incertitudes sur la réouverture du musée Picasso en juin 2014...

Cette actualité démontre à quel point les musées évoluent aujourd'hui dans un univers en profonde mutation, qui les oblige à adapter leur modèle. Ils sont en particulier confrontés à une concurrence croissante en raison d'une offre culturelle toujours plus abondante, ainsi qu'à des ressources publiques en baisse dans un contexte budgétaire très contraint. J'ai donc souhaité me pencher sur la situation des musées nationaux, en étudiant la façon dont ils répondent à ces évolutions, en lien avec la tutelle.

J'ai initié ma mission en 2013, ce qui m'a permis de rencontrer les dirigeants des principaux musées nationaux (Louvre, Orsay, Pompidou, Grand Palais, MuCEM), et d'effectuer aussi quelques déplacements dans des musées de moindre envergure, mais à l'intérêt indéniable (Musée des beaux-arts de Rouen, musée Gustave Moreau, musée du château de Fontainebleau).

Quelle est la définition d'un musée national et quelles sont ses missions ?

Les musées nationaux sont les musées dont les collections appartiennent à l'État. Ils ont soit le statut d'établissements publics, soit celui de services à compétence nationale. On dénombre 41 musées nationaux sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication, dont la taille et le rayonnement sont très variables. Sur ces 41 musées nationaux, 13 sont des opérateurs de l'État rattachés au programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture ». On peut citer les plus prestigieux d'entre eux : le musée du Louvre, le musée d'Orsay, le Centre Pompidou.

La première mission des musées nationaux est une mission de conservation et de valorisation des collections publiques.

La fréquentation des musées nationaux semble témoigner d'une certaine adhésion du corps social à l'institution muséale. Ainsi, en 2013, sept musées nationaux ont accueilli plus d'un million de visiteurs (dont le Louvre, avec près de neuf millions de visiteurs, Versailles, avec 7,5 millions de visiteurs et le MuCEM, avec 1,8 million de visiteurs), et 7 autres musées nationaux ont accueilli entre 100 000 et un million de visiteurs. A l'inverse, 17 musées nationaux en ont accueilli moins de 100 000.

Le soutien public aux musées nationaux est important et peut constituer une part conséquente de leurs ressources, avec toutefois des différences d'un établissement à un autre. À titre d'exemple, en 2013, sur un budget prévisionnel de 196 millions d'euros, le Louvre devait recevoir plus de 91 millions d'euros de ressources de l'État ; le Musée d'Orsay devait recevoir quant à lui 10,5 millions de ressources publiques sur 41,3 millions d'euros de budget prévisionnel.

Les dotations publiques attribuées aux musées nationaux s'imputent majoritairement sur le programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture ». En moyenne, sur la période 2010-2014, la part des crédits du programme qui leur est dédiée est de l'ordre de 37 %. Sur la même période, ces crédits représentent 15 % de ceux de la mission (hors dépenses de personnel).

Malgré tout, les musées n'échappent pas non plus à la contrainte budgétaire. On constate en effet une tendance à la réduction des moyens en 2014. Ainsi, le total des crédits de paiement consacrés à l'ensemble des musées nationaux en fonctionnement et en investissement est passé de 321 millions d'euros en 2013 à 285 millions d'euros en projet de loi de finances pour 2014 ( - 11 %).

Cette réduction des crédits porte prioritairement sur les établissements les plus solides. Les subventions pour charges de service public des musées du Louvre, d'Orsay, du Quai Branly et du Centre Pompidou ont ainsi chacune accusé une baisse supérieure à un million d'euros. Ces ponctions sont assez mal vécues par les musées, qui estiment qu'elles portent atteinte à leur travail de collecte d'argent privé. Pour sa part, la tutelle estime que les gros opérateurs ont la capacité de fournir cet effort.

En revanche, la baisse des effectifs s'est avérée limitée en 2014 : 20 suppressions de postes au Louvre, 9 au Centre Pompidou, un au Quai Branly par exemple.

Le ministère de la culture et de la communication exerce une double tutelle scientifique et administrative sur les musées nationaux, les principaux outils étant les contrats d'objectifs et les lettres de mission de dirigeants, ainsi que les conférences de tutelles.

Néanmoins, j'ai pu constater que ces outils ne sont pas encore suffisamment utilisés, plusieurs établissements publics ne disposant toujours pas d'un contrat d'objectifs (COP), et d'autres nécessitant l'élaboration d'un nouveau contrat. En effet, la plupart des COP des musées nationaux qui en disposent portaient sur la période 2011-2013 et sont donc en cours de renouvellement. Il me semble qu'il faudrait accélérer ce processus, qui peut parfois prendre plus d'une année. Par ailleurs, le contenu de ces documents me paraît devoir être enrichi et plus contraignant notamment du point de vue des objectifs fixés.

En outre, les musées nationaux, pour la majorité d'entre eux, ne disposent pas encore d'une comptabilité analytique ; si elle existe, elle est généralement lacunaire. Il faudrait remédier à cette carence. En effet, une telle comptabilité permettrait sans doute d'affiner le pilotage budgétaire des musées, qui seraient en capacité d'analyser les postes déficitaires au sein de leurs activités de plus en plus diverses.

Quels sont les enjeux auxquels sont aujourd'hui confrontés les musées nationaux ?

D'après les statistiques disponibles, un tiers des Français n'est jamais allé dans un musée. Dans ce contexte, la démocratisation culturelle et la diversification du public des musées constituent une priorité pour la tutelle comme pour les établissements.

M. Philippe Marini, président. - Cela signifie tout de même que deux tiers des Français sont déjà allés dans un musée !

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - L'un des vecteurs de cette évolution est notamment la gratuité des collections permanentes au profit des jeunes de 18 à 25 ans et des enseignants. Cette gratuité a un coût pour les musées. En effet, si elle leur a été intégralement compensée dans un premier temps, selon des modalités budgétaires d'ailleurs contestables, elle l'est désormais de façon dégressive.

Autre enjeu pour les musées : celui de pouvoir accueillir le public dans les meilleures conditions de visite. Cela induit des dépenses d'investissement, dans le cadre de la rénovation ou de la mise aux normes de sécurité des bâtiments. À cet égard, il me paraît impératif que chaque établissement public dispose d'un schéma directeur des travaux.

En outre, les musées doivent s'atteler à la lourde tâche de procéder au récolement de leurs collections, tel qu'il a été prévu dans la loi de 2002 sur les musées. Je rappelle que le récolement est la vérification de l'existence et de la localisation de tous les biens inscrits sur leurs inventaires. Il s'agit d'une tâche colossale pour les musées, qui requiert du personnel supplémentaire et qui constitue donc un facteur de hausse des dépenses.

À la lecture des indicateurs du rapport annuel de performances de la mission « Culture » annexé au projet de loi de règlement pour 2013, il est évident que la cible affichée de 100 % en 2014, qui correspond à l'obligation légale, ne sera pas atteinte. Il appartiendrait donc à la tutelle de prendre des mesures pour renforcer l'incitation des musées à mener à bien ce travail fondamental. On pourrait par exemple envisager la réduction de certaines subventions aux musées ne respectant pas les cibles.

Tous ces défis obligent les musées à repenser leurs missions et leurs activités. Dans ce contexte, j'ai souhaité m'interroger plus particulièrement sur le rôle des expositions, ces « musées temporaires », pour les établissements : en effet, les musées ont tendance depuis plusieurs années à multiplier leur offre d'expositions. Cette tendance n'entre-t-elle pas en contradiction avec leur mission première de conservation et de valorisation des collections permanentes ? La priorité accordée aux expositions temporaires n'est-elle pas, par exemple, susceptible de retarder l'avancement du récolement décennal ?

Les expositions jouent indéniablement un rôle fondamental pour l'attractivité et la notoriété des musées. Tous les dirigeants de musées que j'ai pu rencontrer en conviennent ; elles leur permettent d'exister au niveau médiatique. Elles jouent aussi un rôle scientifique et, à cet égard, constituent un outil lié à la recherche sur les collections permanentes.

De plus, elles jouent un rôle important de renouvellement et de fidélisation du public. À cet égard, il convient de distinguer deux cas : celui des visiteurs français ou locaux, particulièrement attirés par les expositions ; et les visiteurs étrangers, qui viennent d'abord admirer les collections permanentes du Louvre, d'Orsay et de Pompidou.

L'apport des expositions est plus discutable du point de vue purement budgétaire. Certes, elles peuvent constituer une source de recettes pour les grands musées. Ceux-ci peuvent d'ailleurs se permettre de réaliser quelques expositions « pointues », le succès des expositions populaires pouvant compenser leur éventuel échec. Cependant, les expositions temporaires présentent aussi un certain nombre de risques financiers pour les musées. Les dépenses sont souvent supérieures aux recettes et l'on peut se demander à cet égard si les prévisions de fréquentation sont toujours suffisamment fiables.

Les coûts de production peuvent s'avérer particulièrement élevés, pouvant atteindre jusqu'à 2,5 millions d'euros pour les expositions produites au Grand Palais. En outre, la programmation des expositions se fait généralement deux à cinq ans avant l'évènement, ce qui peut entraîner une certaine rigidité dans les dépenses des musées. Enfin, à défaut de comptabilité analytique, il est difficile d'en identifier le retour financier par rapport à la billetterie associée aux collections permanentes.

La direction du budget m'a indiqué que les musées font peu d'efforts de documentation sur le retour financier de leurs expositions auprès de la tutelle. Je pense qu'il faudrait inscrire des obligations contraignantes en la matière dans les contrats d'objectifs.

Les musées nationaux sont des opérateurs économiques solides. Il n'en reste pas moins que, pour faire face à tous ces enjeux et toutes ces tâches qui induiront des dépenses, il apparaît nécessaire qu'ils puissent diversifier leurs ressources propres. C'est d'ailleurs l'objectif fixé aux établissements publics culturels par le quatrième comité interministériel pour la modernisation de l'action publique de décembre 2013.

Les marges de manoeuvre sont variables selon les musées. Par exemple, le taux d'autofinancement du Louvre est de 53 % en 2012, quand celui du musée d'Orsay atteint 97,8 % à la même date.

En outre, avec un taux moyen de ressources propres des musées nationaux de l'ordre de 42 %, on pourrait se heurter bientôt à un effet de seuil potentiellement difficile à surmonter. C'est d'ailleurs ce que l'on peut constater à la lecture du rapport annuel de performances de la mission « Culture » annexé au projet de loi de règlement pour 2013. Malgré un résultat général supérieur à la prévision pour 2013 - celle-ci était de 41 % -, qui s'explique notamment par la très bonne fréquentation des musées, la cible pour 2015 est stabilisée à 43 %. Enfin, il faut garder en tête que les musées ne sont pas des établissements commerciaux. Ils ont d'abord une mission de service public.

Dans ces conditions, quelles sont les pistes envisageables de renforcement des ressources propres en dehors de la billetterie ?

Le mécénat est en perte de vitesse dans un contexte économique moins porteur, ce qui rend difficile la recherche de partenaires potentiels. Cette ressource reste toutefois fondamentale pour les musées. Elle a par exemple permis de financer intégralement la rénovation des salles du mobilier du XVIIIe siècle au Louvre.

Une autre piste qui me paraît, à l'inverse, appelée à se développer dans les prochaines années, est l'ingénierie culturelle et la valorisation de la marque associée aux grands musées, alors que de plus en plus de pays émergents souhaitent se doter de musées prestigieux, tels les Émirats arabes Unis avec le Louvre Abu Dhabi, dont les premières oeuvres de la collection sont actuellement visibles au Louvre. L'accord conclu entre les autorités françaises et émiriennes prévoit un certain nombre de retours financiers au profit des musées nationaux français.

Dans le même ordre idée, la conception d'expositions internationales itinérantes clé en main apporte des ressources conséquentes aux musées. Ainsi, ce type d'activités a représenté, en 2012, 7 % des recettes propres du musée d'Orsay. De même, le musée Picasso a pu financer une partie du coût de ses travaux de rénovation en organisant une exposition rémunérée des chefs d'oeuvre du peintre à travers le monde.

Enfin, je pense qu'on ne peut pas faire l'impasse sur le levier de la politique tarifaire. Certes, la tutelle est très attachée au principe de gratuité pour les jeunes dans un objectif de démocratisation culturelle, mais cette politique est très généreuse et prive indéniablement les établissements de recettes conséquentes. Ainsi, près de 40 % des visiteurs du Louvre entrent gratuitement. Dans un contexte budgétaire contraint, il ne me paraîtrait pas anormal de revoir à la marge les conditions de cette gratuité, en étudiant dans quelle mesure une telle évolution serait susceptible ou non de remettre en cause l'objectif de démocratisation culturelle.

En outre, la politique tarifaire va au-delà de la question du prix du billet : les établissements, en lien avec leur tutelle, pourraient développer des stratégies tarifaires autour de la modulation des tarifs en fonction des pics de fréquentation par exemple. La tutelle semble évoluer un peu sur cette question. Elle a par exemple accepté la suppression de la gratuité du premier dimanche du mois en haute saison au musée du Louvre. Il s'avère d'ailleurs que cet avantage bénéficiait principalement aux tour-opérateurs étrangers...

Au-delà de la diversification des ressources propres, les musées ont des leviers pour améliorer leur pilotage et leur gestion et pour rationaliser leurs dépenses.

Cela passe à mon avis par un renforcement du rôle de la tutelle, qui doit accompagner les musées en donnant des directives plus précises sur les objectifs de politique culturelle qu'elle entend leur assigner. De ce point de vue, on constate une certaine amélioration depuis 2012, la tutelle se montrant plus proactive. Le cabinet de la ministre m'a par exemple indiqué que le projet de loi sur les patrimoines contiendrait des dispositions relatives au renforcement du contrôle scientifique et technique des musées.

Il faut malgré tout qu'elle fasse preuve d'une réactivité beaucoup plus grande dans l'élaboration des contrats de performance et des lettres de mission adressées aux dirigeants des musées. Je pense en particulier au cas du MuCEM : certes, la première année d'ouverture de ce musée est une réussite indéniable. Mais il faut désormais s'atteler à consolider ses recettes de fonctionnement et à inscrire ce succès dans la durée.

S'agissant de la rationalisation des dépenses, je soulignerai le lancement d'un travail portant sur l'achat public par le ministère de la culture, en lien avec le service des achats de l'État. Ce type de démarche visant à mutualiser les coûts doit être poursuivi et approfondi.

Il conviendrait aussi de renforcer la coordination entre les musées, notamment pour éviter les doublons dans la programmation des expositions. Certes, il existe déjà un certain nombre de garde-fous destinés à éviter l'empiètement des musées les uns sur les autres. Toutefois, les musées nationaux, notamment ceux qui sont situés à Paris, se heurtent à la concurrence de musées privés et des musées de la ville de Paris. De ce point de vue, des initiatives allant au-delà de la coordination informelle et visant à mieux réguler l'offre culturelle me paraîtraient pertinentes.

Enfin, je pense qu'il faut continuer à développer les partenariats et les coopérations entre musées nationaux, ainsi qu'entre musées nationaux et musées territoriaux, dans un objectif à la fois de démocratisation culturelle, à travers la densification de l'offre muséale sur l'ensemble du territoire, et de mutualisation des coûts. Ces partenariats pourraient porter aussi bien sur l'offre scientifique que sur la politique tarifaire. Je vous remercie.

M. Philippe Marini, président. - Merci pour ce panorama très utile de la situation des musées nationaux. S'agissant de l'exemple du Louvre, pouvez-vous nous indiquer précisément la part, dans son budget, des recettes de billetterie et des autres ressources, dont celles qui lui viennent de la Réunion des musées nationaux (RMN), mais aussi des produits dérivés de toutes sortes ?

M. François Marc, rapporteur général. - Je tiens à remercier le rapporteur spécial pour la qualité de son rapport, qui témoigne de son expertise détaillée dans un domaine qu'il connaît bien depuis des années, et de son attachement à la pérennisation et au développement des outils de la culture pour tous. Je voudrais vous poser une question sur les perspectives budgétaires dans le temps : la cible de 43 % que vous avez mentionnée correspond-elle à la moyenne constatée sur les dix dernières années ou s'agit-il d'une ambition nouvelle, d'une exigence pour l'avenir ? Par ailleurs, je vous rejoins quant à votre préconisation en matière d'ingénierie culturelle ; je pense qu'il y a là une opportunité pour la France en termes de transfert et de valorisation à l'international de notre savoir-faire. En termes de comparaison internationale, pensez-vous qu'il y a une exception française en matière d'accompagnement et de générosité financière publique pour les musées ? Y a-t-il une spécificité de la France par rapport aux pays étrangers en la matière ?

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Je ne crois pas, personnellement, à l'idée que l'excellence française soit supérieure à celle des autres en matière culturelle. Nous nous flattons de cela mais l'Angleterre ou l'Allemagne ne sont pas en moins bonne position que nous. Par ailleurs, il faut souligner que la France compte très peu de musées privés par rapport aux États-Unis notamment. Il est donc normal que l'État soit davantage présent.

S'agissant du Louvre, le montant total de ses recettes de fonctionnement était de 198,9 millions d'euros en 2012, dont 106,9 millions d'euros de subventions publiques, essentiellement allouées par l'État, 55,9 millions d'euros de recettes de billetterie (collections permanentes, expositions temporaires et Paris Muséum Pass) et 36,1 millions d'euros d'autres ressources propres (valorisation du domaine, mécénat, multimédia...).

M. François Trucy. - Vous avez commencé à parler des exemples étrangers, mais existe-t-il dans d'autres pays une structure comparable à la Réunion des musées nationaux en France ? Par ailleurs, pour prendre un cas spécifique, le musée du Luxembourg, rattaché au Sénat, a mené pendant quelques années une expérience individuelle indépendante de la RMN, qui s'est terminée de façon pour le moins chaotique. Il a rejoint aujourd'hui la Réunion des musées nationaux : est-ce profitable ou non pour le musée ?

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - J'en pense le plus grand bien. Le musée du Luxembourg est devenu un pôle culturel à Paris, comme l'on a pu le voir avec la qualité de l'exposition sur Joséphine.

M. Philippe Marini, président. - Je précise qu'il s'agit d'une délégation de service public ; la RMN a été désignée à la suite d'un appel d'offres par le Sénat pour gérer le musée du Luxembourg.

M. Edmond Hervé. - Je remercie le rapporteur spécial, dont les communications sont toujours intéressantes et avec les préconisations duquel je suis souvent en accord. Je voudrais vous demander si le ministère est impliqué dans la circulation des expositions. Les expositions sortent en effet peu de Paris, alors qu'une meilleure circulation pourrait sans doute être source d'économies et d'une meilleure diffusion de la culture. Beaucoup de musées ont une politique de l'offre et non de la demande.

En conclusion, je dois dire que je suis très sceptique sur l'action et l'existence de certaines directions régionales pour l'action culturelle (DRAC), où je pense qu'il y a des gisements d'économies, particulièrement lorsqu'il existe des directions régionales de la culture qui sont excellentes.

M. Philippe Marini, président. - Il est vrai que certaines villes ou départements ont développé des services culturels très solides, face auxquels les DRAC ont du mal à exister.

M. Éric Bocquet. - Je remercie également le rapporteur spécial, car ces communications sont toujours très utiles. J'ai été surpris d'apprendre que tous les musées ne connaissent pas toutes les oeuvres qu'ils possèdent : comment est-ce possible ?

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Le récolement des oeuvres est un travail énorme, qui est insuffisamment conduit, alors que c'est une obligation légale. La gestion de nos musées manque parfois un peu de sagesse.

M. Éric Bocquet. - Par ailleurs, je voudrais savoir si les musées doivent verser des droits aux descendants des artistes dont ils exposent les oeuvres. Ou ces oeuvres sont-elles libres de droit ? Comment cela fonctionne-t-il ?

M. Francis Delattre. - Il a été longtemps question d'une décentralisation du Louvre dans mon département du Val d'Oise, à l'image de ce qui a été fait à Lens. Savez-vous si ce projet est définitivement remis en cause ? Par ailleurs, nous savons que le musée Picasso a connu d'importantes difficultés et que sa conservatrice a été écartée avant la réouverture du musée désormais prévue pour septembre 2014, alors qu'elle avait réalisé, selon la presse du moins, un bon travail. Avez-vous pu l'entendre ? Pourquoi a-t-elle été ainsi écartée ?

M. François Fortassin. - Je suis très intéressé par cette communication, et surpris par l'importance de la gratuité, soit 40 % des visiteurs du Louvre. Qui sont-ils ? J'ai l'impression qu'il y a un décalage entre le comportement élitiste de certains musées et la gratuité proposée, et le sentiment que certains visiteurs ne paient pas alors qu'ils auraient les moyens de le faire.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - S'agissant de la décentralisation et de la circulation des oeuvres, le ministère n'est à ma connaissance pas très investi, car il n'est pas armé pour suivre et impulser ce type de dynamiques. Néanmoins, il existe certaines initiatives intéressantes telles que le «  Centre Pompidou mobile ».

Nous n'avons pas entendu de représentants du musée Picasso. Mais il y a eu un rapport de l'inspection des affaires culturelles qui concluait en effet à une situation sociale dégradée. Personnellement, je ne crois pas qu'il soit de notre ressort d'aller plus loin : je ne crois pas du tout à la possibilité pour le Parlement d'aller farfouiller à l'intérieur des affaires culturelles. Il faut laisser une certaine liberté aux gestionnaires. La culture doit rester quelque chose de...

M. François Fortassin. - ... Ésotérique !

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - De délocalisé et d'innocent ! Je dois dire que nos rapports avec l'actuelle ministre de la culture, Aurélie Filippetti, ont toujours été excellents.

S'agissant de la gratuité, elle concerne légalement les mineurs, les 18-25 ans résidant dans l'Union européenne, les étudiants, les chômeurs, les enseignants, les bénéficiaires de minimas sociaux, les handicapés, et tout le public le premier dimanche de chaque mois. Il y a donc un public large qui bénéficie de la gratuité : c'est à revoir.

M. Philippe Marini, président. - On pourrait imaginer que la gratuité soit limitée aux musées en deçà d'une certaine fréquentation, pour lesquels la gestion d'une caisse ne serait de toute façon pas ou peu rentable.

La commission donne acte de sa communication à M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

La réunion est suspendue à 10 h 50

Questions diverses

La réunion est ouverte à 10 h 50

Puis la commission statue sur la demande de Mme Aline Archimbaud d'assister à la réunion portant sur l'examen de la proposition de loi sur la nocivité du diesel.

M. Philippe Marini, président. - Nous entendrons mercredi prochain le rapport de Gérard Miquel sur une proposition de loi d'Aline Archimbaud, et plusieurs de ses collègues du groupe écologiste, relative à la nocivité du diesel pour la santé. Mme Archimbaud m'a fait savoir qu'elle souhaite être entendue par notre commission lors de cette réunion. Je vous rappelle que l'article 18 du règlement du Sénat dispose que « les auteurs des propositions de loi, de résolution ou d'amendements non membres de la commission sont entendus sur décision de celle-ci. Ils se retirent au moment du vote ». Il nous appartient donc de décider. Je vous propose dès lors que nous entendions Mme Archimbaud dans le cadre de la discussion générale. Elle pourra s'exprimer si vous l'acceptez pour présenter sa proposition de loi et ses éventuels amendements. Je pense qu'il serait souhaitable, sans que nous ayons une conception rigide des temps de parole au sein de la commission, que Mme Archimbaud s'exprime entre 5 ou 10 minutes. Dès lors qu'elle se serait exprimée dans ce cadre, l'intéressée se retirerait au moment où nous commencerions l'examen des articles. Cette proposition vous convient-elle ? Pas d'objection ? Il en est ainsi décidé.

La commission décide d'entendre Aline Archimbaud.

La réunion est levée à 10 h 53

- Présidence de M. Philippe Marini, président, puis de Mme Michèle André, vice-présidente -

Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2013 - Audition de M. Christian Eckert, secrétaire d'État au budget

La réunion reprend à 11 h 34

Au cours d'une deuxième réunion tenue le matin, la commission procède à l'audition de M. Christian Eckert, secrétaire d'État au budget, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013.

M. Philippe Marini, président. - Nous vous recevons, Monsieur le ministre, après avoir entendu M. Yann Gaillard sur la gestion des musées de France, et nous accueillerons cet après-midi deux autres membres du Gouvernement : pour préparer l'examen de la loi de règlement, la commission des finances demande à plusieurs ministres de rendre compte de leur gestion. Vous allez nous présenter le projet de règlement du budget et d'approbation des comptes pour l'année 2013. Hélas, en matière de finances publiques, le rétrospectif passionne moins que l'anticipation. Pourtant, les résultats futurs dépendent dans une large mesure des résultats antérieurs.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 17 décembre 2012 nous disposons d'informations supplémentaires : l'évaluation du coût des dépenses fiscales de l'année est connue dès le printemps suivant ; à la suite d'une initiative de Jean Arthuis, dont je salue l'action et qui quittera notre commission 1er juillet, nous disposons désormais au moment de la loi de règlement de la liste des contrats de partenariat et des baux emphytéotiques avec leurs montants et leurs dates d'échéances. La loi de règlement n'est pas un exercice comptable ésotérique mais un moyen précieux de faire le lien entre le rétrospectif et l'anticipation.

La discussion du projet de loi de règlement ne porte plus sur le seul budget de l'État, puisque le Parlement doit acter dans l'article liminaire, en application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), le respect de la trajectoire, de solde structurel en particulier. Cette notion, fondamentale dans l'appréciation des budgets de la zone euro, doit être soumise à l'appréciation de la représentation nationale. En cas d'écart important à la trajectoire, le Gouvernement doit en exposer les raisons dans le projet de loi de règlement et présenter les mesures correctrices dans le rapport qu'il prépare pour le débat d'orientation des finances publiques, qui aura lieu cette année mi-juillet au Sénat.

Or, en 2013, un écart important au sens de la loi organique a été constaté par le Haut Conseil des finances publiques, comme nous l'a expliqué hier son président Didier Migaud. Concernant le budget de l'État, l'exercice 2013 a abouti à un déficit de 74,9 milliards d'euros, inférieur de 12,8 milliards d'euros au déficit de 87,1 milliards d'euros enregistré en 2012, mais en dépassement de 12,6 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale (LFI) qui s'établissaient à 62,3 milliards d'euros. La réduction du déficit a donc été deux fois moins importante que prévu. Si les dépenses ont été globalement tenues, les prévisions de recettes fiscales ont été révisées à la baisse de 11,1 milliards d'euros dans l'unique loi de finances rectificative (LFR) pour 2013 et se sont établies en exécution à un niveau inférieur de 14,6 milliards d'euros aux prévisions de la LFI.

Nous aborderons ce matin les grandes lignes de l'équilibre budgétaire en 2013, avec Christian Eckert, qui s'exprime pour la première fois devant nous comme secrétaire d'État au budget. Viendront ensuite trois autres membres du Gouvernement, nous rendre compte de l'exécution de leur budget en 2013 : après Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, qui a été entendue le 3 juin après-midi, Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche, M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche et M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, viendront s'exprimer devant nous. Par ailleurs, certains rapporteurs spéciaux procèdent à l'audition de responsables de programmes. Je rappelle enfin que la présente réunion est ouverte à la presse.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État au budget. - Merci pour votre accueil. C'est en effet la première fois que j'ai l'honneur de vous présenter un projet de loi. Souvent, le passé éclaire l'avenir. Il est donc utile de bien connaître les résultats comptables et budgétaires de l'année 2013. Cette étape est la première d'une série de rendez-vous qui nous attendent : le débat d'orientation des finances publiques, le projet de loi de finances rectificative, qui doit être délibéré par le Conseil des ministres le 11 juin et le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, prévu au conseil des ministres du 18 juin.

Nous pouvons nous accorder sur quelques constats. Les efforts consentis par nos concitoyens produisent des résultats : le déficit public est passé de 4,9 % du PIB en 2012 à 4,3 % en 2013. Alors qu'il était de 148 milliards d'euros en 2010, il est passé de 87,1 milliards d'euros en 2012 à 74,9 milliards d'euros en 2013, soit une diminution de 12,2 milliards d'euros : ainsi, par rapport à 2010, nous l'aurons divisé par deux ! Nous suivons donc une trajectoire de réduction du déficit. Certains pourraient souhaiter que sa pente soit plus forte, mais nous devons veiller à ce qu'elle soit soutenable.

La croissance ayant été limitée à 0,3 %, ces chiffres signifient que la réduction du déficit structurel est de 1,1 % du PIB. Fin 2013, celui-ci s'établit à 3,1 % du PIB, ce qui est le plus bas niveau, avec l'année 2006, constaté depuis 2002 : ainsi, au 31 décembre 2013, les déséquilibres budgétaires accumulés pendant une décennie ont été nettement asséchés.

La dépense a été tenue grâce à un effort très important. La croissance de la dépense publique en valeur a été limitée à 2 %, soit le plus bas niveau depuis 1998. Les dépenses nettes du budget général de l'État sur le périmètre dit « zéro valeur », c'est-à-dire y compris prélèvements sur recettes et hors charge de la dette et pensions, ont été inférieures de 144 millions d'euros au niveau fixé par l'autorisation parlementaire. Si l'on y ajoute la charge de la dette et les pensions, la sous-exécution s'établit à 3,5 milliards d'euros sur le champ dit « zéro volume ».

Sur le périmètre le plus large, qui inclut les dépenses exceptionnelles et couvre donc toutes les charges du budget général, la dépense augmente seulement de 2,2 milliards d'euros en 2013. Cette hausse est intégralement due à la forte croissance, de 3,4 milliards d'euros, du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, dont 1,8 milliard d'euros d'apurement de dettes accumulées sur le budget communautaire depuis 2007. Sans cette forte hausse du prélèvement sur recettes, les dépenses de l'État auraient diminué en valeur en 2013 par rapport à 2012. On nous objectera que ces résultats découlent de la modération des taux d'intérêt, historiquement bas, auxquels l'État emprunte. Incontestablement, la charge de la dette a été inférieure de 2 milliards d'euros à la prévision. Toutefois, cette évolution des taux n'est pas un facteur exogène : il est le signe de la confiance des créanciers de l'État dans sa signature et donc dans la politique économique et budgétaire menée par le Gouvernement et la majorité. Sur le périmètre des dépenses « zéro valeur », c'est-à-dire sans prendre en compte la charge de la dette et les pensions, la dépense a également été maintenue en-deçà de l'autorisation parlementaire.

Ainsi, la dépense publique en général et la dépense de l'État en particulier ont été maîtrisées en 2013 : la Cour des comptes ne dit pas autre chose dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire.

Les recettes fiscales nettes de l'État ont augmenté de 15,6 milliards d'euros en 2013 par rapport à 2012, grâce aux mesures adoptées dans la loi de finances rectificative de juillet 2012 et la loi de finances pour 2013, qui étaient justifiées non seulement par des considérations budgétaires, mais aussi par la volonté de rétablir la progressivité du système fiscal, fortement entamée pendant dix ans : rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), des droits de successions et des donations, instauration de la tranche d'impôt sur le revenu à 45 %, imposition des revenus du capital au barème de l'impôt sur le revenu et, pour les grandes entreprises, limitation des reports de déficit et de la déductibilité des charges financières.

Certes, cette amélioration n'est pas aussi nette que ce que nous escomptions. L'écart entre la prévision et l'exécution des recettes fiscales s'explique d'abord par une croissance moins forte qu'anticipé. La prévision de recettes fiscales nettes de la loi de finances pour 2013 était de 298,6 milliards d'euros. Au moment du programme de stabilité, en avril, la prévision fut revue à 290,4 milliards d'euros. Lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2014, l'estimation est revue à 287,8 milliards d'euros et demeure quasiment inchangée en LFR de fin d'année, à 287,5 milliards d'euros. Finalement, l'exécution ressort à 284 milliards d'euros, soit un écart de 14,6 milliards d'euros par rapport à la LFI, et de 3,7 milliards par rapport à la dernière prévision de loi de finances. Le Parlement a donc régulièrement été informé. Parler de dissimulation de notre part est donc mensonger.

Les écarts entre prévision et exécution, qui ne sont pas contestables, ne sont pas sans précédent. En 2008, l'écart entre la prévision de recettes fiscales nettes de la LFI et l'exécution a été de 11,8 milliards d'euros. En 2009, cet écart a atteint 45,2 milliards d'euros, soit trois fois plus que ce que l'on a constaté en 2013. Ces écarts ont tous pour cause le retournement de la conjoncture économique : la croissance est passée de 2,4 % en 2007 à 0,2 % en 2008, et de 2,1 % en 2011 à 0,3 % en 2012. Le référé de la Cour des comptes sur les prévisions de recettes fiscales publié en février dernier confirme que c'est quand la croissance ralentit ou accélère que l'on constate des écarts, à la baisse ou à la hausse, entre prévisions et exécution de recettes.

La Cour des comptes a elle-même sous-estimé les moins-values de recettes dans ses prévisions. Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2013, elle estimait que, sur la base d'une croissance du PIB de 0,1 %, les risques de moins-values de recettes étaient compris entre zéro et quatre milliards d'euros. La croissance a finalement atteint 0,3 % et la moins-value constatée 6 milliards d'euros, soit moitié plus que la prévision la plus pessimiste de la Cour.

Je conteste donc formellement, j'y insiste, les interrogations sur la sincérité de la prévision. La sincérité ne s'apprécie pas au regard de l'écart entre la prévision et l'exécution : sans quoi le budget 2009 serait sans doute le plus insincère de notre histoire ! La sincérité est une notion définie précisément par l'article 32 de la LOLF, qui dispose qu'elle s'apprécie « compte tenu des informations disponibles ». La prévision de la loi de finances initiale a été fixée compte tenu des informations disponibles à l'automne 2012, et a été actualisée au long de l'année pour prendre en compte les nouvelles informations. Le Conseil constitutionnel, saisi du grief d'insincérité par l'opposition sénatoriale, l'avait d'ailleurs rejeté.

J'en viens aux comptes de l'État pour l'année 2013, qu'il vous est proposé d'approuver par la loi de règlement. La trajectoire d'amélioration de la qualité de nos comptes, engagée depuis la mise en oeuvre de la LOLF, s'est poursuivie, la certification des comptes de l'État n'ayant donné lieu qu'à cinq réserves cette année, soit deux de moins que l'année précédente : la réserve sur l'évaluation du patrimoine immobilier de l'État a été levée, ainsi que celle qui portait sur les passifs non financiers. Ainsi, nous sommes parvenus, grâce à un gros effort de l'ensemble des administrations concernées, à un suivi fiable des engagements hors bilan de l'État, sujet auquel votre commission s'est beaucoup intéressée. C'est un apport majeur de la comptabilité patrimoniale de l'État, qui nous permettra de piloter efficacement nos engagements dans les années à venir. La France est le seul État de la zone euro dont les comptes sont certifiés, ce qui est un gage de crédibilité pour les investisseurs internationaux.

L'assainissement des finances publiques s'est donc poursuivi en 2013 : le déficit public a continué à se réduire, le déficit structurel a retrouvé son plus bas niveau, la dépense a été strictement maîtrisée. Pourtant, compte tenu de la dégradation de la conjoncture économique et de son impact sur les recettes, le déficit structurel a été, en 2013, supérieur de plus de 0,5 % à la prévision de la loi de programmation des finances publiques. Cela nous conduit à enclencher la procédure de correction des écarts : la loi organique impose au Gouvernement de tenir compte de cet écart dans le projet de loi de finances pour 2015. Dès les textes financiers rectificatifs qui seront prochainement déposés, le Gouvernement vous proposera un ensemble de mesures d'économies pour un montant de 4 milliards d'euros dès 2014, dont 1,6 milliard d'euros pour le budget de l'État - un milliard d'euros d'annulations de crédits et 600 millions d'euros de ponction de la réserve de précaution - afin d'entamer la résorption de l'écart constaté en 2013. Cet effort, qui porte sur l'ensemble des administrations publiques, sera complété dans les textes financiers pour 2015 qui, selon la trajectoire du programme de stabilité, doivent prévoir 21 des 50 milliards d'euros d'économies annoncées.

M. François Marc, rapporteur général. - Je salue la présence de Christian Eckert, qui s'exprime en effet pour la première fois devant nous comme secrétaire d'État au budget. Il est vrai qu'il est déjà venu plusieurs fois participer à des commissions mixtes paritaires en tant que rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale. Je le remercie pour les informations qu'il nous a livrées sur l'exécution 2013.

L'exercice 2013 a été caractérisé par un effort structurel des comptes publics de 1,5 % du PIB, soit environ 30 milliards d'euros. Pouvez-vous mettre ce résultat en perspective avec les efforts intervenus an cours des exercices antérieurs ? Quelle a été la ventilation de l'effort entre recettes et dépenses dans le cadre de ces exercices ?

L'incidence de l'ajustement des finances publiques intervenu en 2013 sur l'activité économique a-t-elle été évaluée ? A-t-il eu un effet récessif ? Si les moindres encaissements d'impôt sur les sociétés (IS) et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) observés en 2013 peuvent en partie être dus à une conjoncture moins favorable, comment expliquer la moins-value de 1,8 milliard d'euros de l'impôt sur le revenu (IR) ? Lors de son audition par la commission des finances sur les résultats de l'exercice 2013, au début de l'année, votre prédécesseur, Bernard Cazeneuve, avait indiqué que l'évolution des recettes était en train d'être analysée finement. Quel est le résultat de cette analyse ? Cette baisse des recettes fiscales pour l'année 2013 aura-t-elle un impact sur les prévisions de la loi de finances pour l'année 2014 ?

Hors pensions, les dépenses de personnel du titre 2 ont diminué de 0,49 milliard d'euros - soit 0,6 % - par rapport à 2012 pour s'établir à 80,34 milliards d'euros. Les départs en retraite ont été moins nombreux que prévu. Un rattrapage est-il envisagé à partir de 2014 ? Comment est-il anticipé dans la gestion des flux d'entrée dans la fonction publique ?

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour enrayer la progression des dépenses de fonctionnement des opérateurs de l'État ?

La commission des finances a depuis longtemps émis des observations sur le recensement et l'évaluation des dépenses fiscales. Nous avons évoqué le sujet hier avec le Premier président de la Cour des comptes, qui nous a indiqué que le coût d'un quart des dispositifs fiscaux, soit 126 niches fiscales, restait inconnu. C'est dire s'il reste de la marge dans cet amas de 72 milliards d'euros... L'article 18 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 prévoit une évaluation de l'ensemble des dépenses fiscales sur cinq ans : pouvez-vous nous indiquer les résultats de ces travaux ? Les parlementaires pourraient ainsi passer ces dispositifs au peigne fin afin de rationaliser nos dépenses fiscales.

M. Philippe Marini, président. - L'estimation des recettes fiscales est toujours difficile. Le Premier président de la Cour des comptes en a longuement parlé hier. Il a moins mis en cause la sincérité du Gouvernement que son manque de prudence dans les prévisions de recettes, de croissance ou dans l'estimation du coefficient qui relie l'une aux autres - coefficient qui s'est révélé, chose inédite, fortement négatif.

La trajectoire prévue par le programme de stabilité présenté au mois d'avril ne corrige pas l'intégralité du dérapage, puisque le solde structurel sera déficitaire d'un point de PIB en 2016 et que l'objectif d'équilibre est remis à 2017. La loi organique de décembre 2012 autorise-t-elle une correction uniquement partielle ? Pour quelles raisons le Gouvernement a-t-il choisi de ne pas corriger l'intégralité de l'écart à la trajectoire ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - La correction passe par trois étapes : baisse des dépenses de 4 milliards d'euros dès la loi de finances rectificative, une nouvelle loi de programmation des finances publiques à l'automne, puis la loi de finances initiale pour 2015. Sera-t-elle totale ou partielle ? Je n'ai pas encore la réponse définitive, mais si je peux donner un avis personnel, je pense que la correction devrait être totale en termes de mise en place d'une nouvelle loi de programmation de finances publiques. La nuance entre sincérité et prudence n'échappe à aucun d'entre vous, j'en suis convaincu.

Le montant des dépenses fiscales est resté stable depuis trois ans, autour de 70 milliards d'euros, alors qu'il était en hausse constante auparavant. Cela résulte du plafonnement global de certaines niches fiscales voté par le Parlement. Pouvons-nous aller plus loin ? Ce sujet est sensible, sans doute plus qu'auparavant. Déjà, la non-imposabilité des compléments retraite des majorations de 10 %, considérée par la Cour des Comptes comme une niche fiscale, a été supprimée, et la part payée par les employeurs sur les complémentaires santé a été assujettie à l'impôt sur le revenu. Si j'invite à la prudence, je précise aussi que l'Inspection générale des finances et la Cour des comptes travaillent sur ces questions. Les conférences fiscales en cours avec les différents ministères sont attentives à ne pas créer de nouvelles niches fiscales.

Les opérateurs sont aussi l'objet de notre attention permanente, car il s'agit à l'évidence d'un gisement considérable d'économies ; leurs dépenses sont parfois supérieures à celles de leur ministère de tutelle. L'impôt sur les sociétés est plus directement lié à la croissance que l'impôt sur le revenu. Comment expliquer la baisse de celui-ci ? L'évolution des revenus de 2012 a été moins forte que prévu, notamment chez les indépendants. La masse salariale assujettie a donc connu des écarts importants. Des mesures de périmètre ont été mal évaluées en loi de finances initiale : par exemple le produit du prélèvement forfaitaire obligatoire a dû être revu à la baisse d'un milliard d'euros en janvier, et un transfert de 500 millions d'euros, imputé sur l'impôt sur le revenu, a été réalisé au bénéfice de la sécurité sociale au titre de l'exit tax. D'autres difficultés techniques, notamment dans les interprétations des émissions de l'impôt sur le revenu, qui ont subi un décalage, ont entraîné l'effet signalé.

L'effort structurel a atteint 1,5 % du PIB en 2013, ce que la Cour des comptes a qualifié de considérable. En 2012, il avait été de 1 %. Ces chiffres sont comparables à ceux effectués par la France au moment de son entrée dans l'euro. Y a-t-il eu un effet récessif ? Difficile à dire. Certains secteurs ont été ralentis, comme le bâtiment. Désormais, le pacte de responsabilité est là pour relancer la croissance. Les chiffres du premier trimestre 2014 en attestent.

Mme Fabienne Keller. - La baisse des recettes fiscales nous trouble : diminution de moitié par rapport à la loi de finances initiale, baisse de 3,5 milliards d'euros par rapport à la loi de finances rectificative, chute simultanée du produit de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu... La Cour des comptes parle de manque de prudence, ne s'agit-il pas d'un manque de maîtrise sur des données qui, en milieu d'année, devraient être bien connues ? Il s'agit des déclarations de revenus de l'année précédente, toutes rendues, et des comptes des entreprises, tous clos au 30 juin... C'est inquiétant ! Autre préoccupation : l'effet sur les recettes d'une augmentation rapide des taux. Vous n'avez pas évoqué les 3 milliards d'euros de recettes exceptionnelles liées à l'étalement, ou au report, d'un contentieux européen. Le contrôle des dépenses de l'État sera-t-il constant ? Un gain de 1,6 milliard d'euros a été pris sur les collectivités territoriales, nous le savons. Quelles autres mesures allez-vous prendre ? L'attention portée aux opérateurs ne masque-t-elle pas la nécessité que l'État lui-même accomplisse des efforts, dès cette année ?

M. Albéric de Montgolfier. - Vous liez la baisse des recettes à la conjoncture. Hier, un titre du journal Le Monde évoquait le départ à l'étranger des comités de directions et des sièges sociaux : les contribuables à hauts revenus quittent la France !

M. Philippe Marini, président. - Si le journal officiel le dit...

M. Albéric de Montgolfier. - Philippe Dallier et moi-même nous penchons sur la fraude à la TVA dans le commerce électronique : ce sujet n'intéresse pas du tout l'administration fiscale, non plus que les douanes, qui n'ont procédé à aucun recouvrement l'an dernier, comme nous l'avons découvert lors d'un contrôle à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Pourtant, 35 millions de colis postaux ont circulé avec une valeur déclarée inférieure à la franchise postale, et la fraude semble massive. Le Gouvernement ne devrait-il pas chercher à préserver les bases fiscales plutôt qu'augmenter les taux ?

M. Philippe Marini, président. - En effet, ce contrôle avait retenu notre attention.

M. Albéric de Montgolfier. - La taxe sur les poids lourds, qui a été votée, n'a jamais été mise en application. Comment l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) bouclera-t-elle son budget sans cette recette ?

M. Michel Berson. - Chaque année, on constate un écart important entre les prévisions de dépenses fiscales et leur exécution. C'est en particulier vrai pour le crédit d'impôt recherche (CIR) : en 2013, l'écart a été de 700 millions d'euros. Comment le Gouvernement entend-il remédier à cette défaillance des estimations ? Le Parlement devrait être mieux informé. Ces dépenses ont trop augmenté : le CIR, qui représentait moins de 2 milliards d'euros en 2008, est passé à 4 milliards d'euros en 2013, tendra vers 6 milliards d'euros en 2014 et la Cour des comptes estime que son coût s'élèvera à 7 milliards d'euros en 2015. Un plafonnement est donc nécessaire pour cette mesure, qui est la deuxième dépense fiscale après le crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE). J'ai fait plusieurs propositions en ce sens depuis deux ans, visant à limiter le coût du CIR à 5,5 milliards d'euros. Pourquoi le Gouvernement ne les reprendrait-ils pas ?

M. Philippe Marini, président. - Michel Berson, rapporteur spécial en charge des crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche, a mis le doigt sur un vrai problème, qui pourrait être réglé à l'occasion de la loi de finances rectificative.

M. Richard Yung. - L'insincérité relève de la dissimulation. Mais la prudence, qu'est-ce exactement ? Tout le monde peut en manquer... Ce budget a été calculé sur la base d'une croissance de 0,8 %, ce qui n'a rien d'extraordinaire ! Qui pouvait prévoir que la croissance réelle s'établirait à 0,3 % ? La critique est facile...

À croissance égale, les recettes devraient normalement être supérieures de 10 milliards d'euros. Or il manque 15 milliards d'euros : il y a manifestement un problème dans l'évaluation de l'élasticité. Monsieur le Ministre, auriez-vous là-dessus plus de lumières que la Cour des comptes ?

Les douanes rapportent beaucoup : de 80 à 90 milliards d'euros. Ne les accusez donc pas d'être laxistes ! Il convient de s'interroger sur l'auto-liquidation de la TVA, qui consiste à payer la taxe au moment de l'importation en France, ce qui éviterait des fraudes de l'ordre de plusieurs milliards d'euros. Avez-vous des idées sur le sujet ?

M. Philippe Marini, président. - La notion de prudence est en effet délicate à manier : on dit parfois qu'un excès de prudence est une extrême imprudence...

M. Francis Delattre. - Vous avez réalisé, sur le déficit, la moitié de l'objectif annoncé. Le budget est tenu, dites-vous, voire... Les 12 ou 13 milliards d'euros de réduction ont été presque exclusivement fournis par la fiscalité. Selon la Cour des comptes, la part de la réduction du déficit due aux économies s'élève tout juste à un milliard d'euros. Quant à l'élasticité, nous avons alourdi la fiscalité de 70 milliards d'euros en quatre ans : il n'y a plus de marge fiscale, les économistes le savent !

Regardons plutôt du côté des dépenses d'intervention : des milliards d'euros d'aides à la personne pour le logement, par exemple, pour quel résultat ? Il y a quelques années, 50 % des acquéreurs d'un programme immobilier étaient des investisseurs. Puis, il y eut l'attente du dispositif dit Duflot et l'on est passé à 20 % d'investisseurs pour 80 % de primo-accédants. Il y a là matière à réflexion. On sait aussi que notre système de formation professionnelle, qui a subi des réformettes, n'est pas parfait. Il existe par ailleurs une kyrielle d'aides à l'emploi qui devraient être rationalisées. Il importe de réformer ces domaines, où gisent les véritables sources d'économies. Sinon, vous allez au-delà de graves difficultés. Nous avons 75 milliards d'euros de dette supplémentaire, la croissance n'est pas là, des erreurs d'appréciation ont été commises en 2013... En ira-t-il autrement en 2014 ? Nous avons plus de 2 000 milliards d'euros de dettes, en agrégeant celles de la sécurité sociale, de l'État, de la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), etc.

Vous vous targuez de bonne gestion, précisant que les prêteurs nous font confiance. Les agences de notation soulignent que l'excès de liquidités dû à l'usage massif de la planche à billets par les Américains touchera peut-être bientôt à sa fin. Nos prêteurs sont certes convaincus que l'Allemagne ne laissera jamais tomber la France, mais les conditions actuelles d'accès au crédit pourraient ne pas durer.

Vous avez estimé les dépenses fiscales à ...

M. Philippe Marini, président. - Environ 70 milliards d'euros...

M. Francis Delattre. - Hors CICE ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Oui.

M. Francis Delattre. - Alors vous vous heurterez à un problème de base fiscale...

M. Vincent Delahaye. - Je souhaite revenir sur le couple prudence-sincérité.

M. Philippe Marini, président. - Ah !

M. Vincent Delahaye. - Dans les collectivités locales, nous savons, lorsque nous établissons les prévisions budgétaires, ce que signifie la prudence. Et nous avons, de temps en temps, de bonnes surprises ! Or, le budget de l'État ne nous réserve que des mauvaises surprises, Monsieur le Ministre, pas seulement avec vous, mais aussi avec vos prédécesseurs - il est vrai que vous êtes le troisième en deux ans !

M. Richard Yung. - Soyez prudent !

M. Vincent Delahaye. - Je ne vous accuse pas d'être insincère, mais je vous invite à la vigilance, afin que la Cour des comptes ne vous reproche pas une seconde fois de manquer de prudence. Quelles dispositions ont été prises, à Bercy, à cet effet, pour 2014 ?

J'ajoute que le document que l'on nous a remis contient beaucoup d'informations et de chiffres, mais pèche par défaut d'analyse et de synthèse. Manque un tableau récapitulatif qui permette des comparaisons avec l'exécution de l'exercice précédent. Si le Gouvernement ne le fournit pas, peut-être la commission pourrait-elle le dresser ?

M. Philippe Marini, président. - Merci pour cette remarque de méthode. Il est d'usage en effet de comparer l'exécution à la prévision, ainsi qu'à une autre exécution. Le rapport du rapporteur général comporte généralement ces éléments, non exempts de difficultés techniques, puisque les périmètres d'exécution peuvent varier, ainsi que ceux des missions. Quoi qu'il en soit, ces données sont utiles.

M. Serge Dassault. - Le déficit budgétaire atteint 4,3 % du PIB ; la surcharge d'impôts, due au gouvernement précédent autant qu'au vôtre, environ 60 milliards d'euros ; vous avez cité la hausse de l'ISF, de l'IR, de l'IS : les investisseurs s'en vont, 400 000 Français sont en Angleterre. Si vous leur faisiez confiance, ils créeraient des richesses et des emplois en France. Votre erreur est de croire que la hausse des impôts est une solution pour équilibrer le budget. La seule solution, c'est la baisse des dépenses. Quand l'on paie trop d'impôts, on s'en va ! C'est la seule raison de la baisse des recettes fiscales, qui ne cessera pas tant que vous ne cesserez d'augmenter les impôts. C'est pourquoi Bruxelles, comme tout le monde, demande une baisse des dépenses. Les dépenses d'investissement préparent l'avenir, il ne faut pas y toucher. Il faut en revanche réduire les dépenses de fonctionnement : fonctionnaires, aides sociales, subventions diverses et variées. Nous n'en avons plus les moyens ! Baissez les dépenses ! Stoppez les projets de loi qui en rajoutent ! Bruxelles s'inquiète, à juste titre, parce que la France ne va pas assez vite pour restreindre ses dépenses. Vous aurez bien du mal à atteindre 3 % du PIB si vous ne vous y mettez pas.

Pour l'avenir, les propos de Vincent Delahaye me font réfléchir. Je vous propose une solution, pour avoir de bonnes surprises : pour vos prochains budgets, prévoyez une croissance zéro. Ainsi votre budget sera beaucoup plus ferme et si la croissance revient, vous aurez de l'argent en plus !

M. Philippe Marini, président. - Si vous suiviez ce conseil, Vincent Delahaye aurait de ces bonnes surprises dont il déplore l'absence !

M. Philippe Dallier. - Je ne reviens pas sur le procès en insincérité. Nous savons ce que sont les prévisions. Nous avons constamment réclamé qu'une loi de finances rectificative prenne en compte les évolutions observées en cours d'année, sans succès : on nous a rétorqué qu'il fallait laisser jouer les stabilisateurs économiques et attendre la fin de l'année. Voilà le résultat !

Mais il y a des éléments prévisibles, qui sont systématiquement sous-budgétés : je pense aux aides personnelles au logement, dont les dépenses sont en forte augmentation par rapport aux prévisions. Plus de sincérité ne nuirait pas, dans ces domaines ; il suffit d'inclure dans le budget les sommes nécessaires.

De même, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Immobilier de l'État », fait apparaître des ventes réalisées bien inférieures aux prévisions. Certes, le marché immobilier ne va pas bien, mais les évaluations des domaines gagneraient à faire preuve de plus de réalisme. Veillez à ne pas reproduire les mêmes erreurs pour le prochain budget.

- Présidence de Mme Michèle André, vice-présidente. -

M. Éric Bocquet. - La loi de règlement nous offre un débat, bienvenu, sur la réalité des chiffres. Notre groupe n'a pas accompagné le Gouvernement dans ses choix budgétaires, pas plus que le précédent, pour les mêmes raisons. Le déficit de recettes que nous constatons ne nous réjouit pas. Il nourrit nos inquiétudes. Déjà, sous l'ancienne majorité, les alertes se sont multipliées, en provenance de l'observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), du FMI, par la voix d'Olivier Blanchard, ou de l'économiste en chef de la Commission européenne, Marco Buti. La chute de recettes de TVA est sans doute liée à la baisse de la consommation. Contrairement à un ménage, un État qui réduit ses dépenses réduit aussi ses recettes. Les annonces du Gouvernement en faveur des revenus les plus modestes témoignent-elles d'un début de prise de conscience et d'une inversion de tendance durable ou seulement d'un effet d'opportunité ? Seront-elles remises en question ? Il faudra choisir. Selon le journaliste du Financial Times Martin Wolf, réduire les inégalités n'entrave pas la croissance. Qu'en pensez-vous, Monsieur le Ministre ?

Mme Marie-France Beaufils. - Comment la baisse des dépenses publiques peut-elle être considérée comme une réponse à la situation ? Voyez ses conséquences dans d'autres pays européens ! Pourquoi les travailleurs détachés, dont vous n'avez dit mot, viennent-ils sur nos chantiers, où ils font peser une concurrence très lourde, dans le secteur du bâtiment et ailleurs ? N'est-ce pas aussi à cette aune qu'il faut analyser la baisse des recettes de l'IS ?

« Trop d'impôts ! » dites-vous, Monsieur Dassault, mais que représente le poids de l'impôt, pour les grandes sociétés, par rapport à leurs résultats réels ?

La réduction des dépenses publiques se traduit par des annulations de crédits, dont on n'analyse pas les conséquences concrètes. « Nous serons sélectifs », nous assurait-on pendant la discussion budgétaire, des budgets seront protégés, comme celui de l'éducation nationale... L'est-il vraiment ? L'encadrement de nos enfants est tellement fragilisé à l'école qu'il ne peut répondre aux besoins qui s'expriment sur le terrain. C'est cela qui compte, au-delà des masses budgétaires froidement répertoriées dans les documents que vous nous transmettez, c'est la réalité telle qu'elle est vécue ! Avez-vous calculé l'incidence du gel du point d'indice des fonctionnaires, utilisé par les employeurs pour geler les rémunérations dans le privé, sur la baisse de l'impôt sur le revenu ?

Un dernier mot pour Serge Dassault : vous qui ne parlez que de baisse des dépenses publiques, portez votre regard vers les États-Unis, et vous verrez qu'elle y augmente considérablement plus que chez nous !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je n'ai pas réponse à tout ! Un peu d'humilité ne nuit pas, en matière de prévisions. On nous demande des prévisions de croissance à trois ans ; les économistes s'y frottent tous les jours, à longueur de colonnes... mais le taux de croissance réel n'est guère connu avant un délai de six mois suivant la fin de l'exercice, et souvent révisé de façon significative - ce qui vaut au plus un entrefilet ! Lorsqu'il n'est pas conforme aux prévisions auxquelles se livrent mensuellement une dizaine d'organismes qui se corrigent les uns les autres, cela fait la Une ! C'est facile, après... Oui, un peu d'humilité !

Jamais de bonnes nouvelles, dites-vous ? C'est que vous ne les regardez pas ! Deux milliards d'euros en moins sur les intérêts de la dette, n'est-ce pas une bonne nouvelle ? N'avons-nous pas été prudents dans nos prévisions ? Est-ce un cadeau du ciel ? Les recettes de TVA en fin d'année ont été supérieures aux prévisions de la LFR, personne ne le relève !

Vous continuez à sous-entendre que vous n'auriez pas été informés au fil de l'eau de l'évolution des recettes, je vous redis que rien n'est plus faux et je vous demande de m'en donner acte. Vous mettez l'accent sur les motifs d'inquiétude, en oubliant que le déficit de l'État diminue ; que les dépenses ont été contenues. Fabienne Keller a rappelé que nous avions hérité de contentieux européens représentant plusieurs milliards d'euros. Qu'ils mettent un peu plus de temps que prévu à se résoudre est une bonne nouvelle.

Quelles économies ? Vous estimez insupportable la diminution de 1,6 milliard d'euros des dotations aux collectivités territoriales. Il s'agit, certes, d'un effort important, que nous allons amplifier l'année prochaine. Tout le monde réclame des économies... chez les autres ! D'ici quelques jours, vous connaîtrez le détail du plan d'économies de 1,6 milliard d'euros inclus dans le projet de collectif. D'ici au débat d'orientation des finances publiques, les lettres-plafonds détermineront, ministère par ministère, pour 2015 mais aussi jusqu'en 2017, des économies structurelles.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Sur la question du logement, nous sommes le pays du monde où il y a le plus d'aides, à l'investissement locatif, à l'investissement immobilier, à l'occupation du logement, avec l'allocation logement, les crédits d'impôt, le PTZ, le PTZ+, les dispositifs Besson, Scellier, Duflot, etc. Nous sommes aussi le pays du monde où les coûts de la construction et les coûts de la location sont les plus élevés : c'est qu'il y a un problème ! Tout le monde s'accorde pour dire que ça ne marche pas, et cela ne date pas d'aujourd'hui. Il y a donc de vraies questions à se poser, mais dès que l'on parle de diminuer les aides, c'est insupportable ! Je le dis avec passion, car j'ai reçu Sylvia Pinel ce matin, et nous avons constaté les difficultés soulevées par le budget du logement, où interviennent une multitude d'organismes, en matière de logement social par exemple, avec des fonds de péréquation, des procédures de mutualisation, qui donnent lieu à d'interminables discussions, alors que les décisions sont déjà prises...

M. Philippe Dallier. - Je vois à quoi vous faites allusion...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je tiens à saluer le travail des douanes. Ce sont elles qui ont arrêté le tueur présumé de Belgique, dont les armes étaient chargées, avec un grand professionnalisme. Comment assujettir à l'impôt les entreprises de commerce électronique avec les lois actuelles ? Pas de foncier, peu d'emploi : où est la matière taxable ? Nous y travaillons, en concertation avec nos partenaires européens et internationaux. Nous comptons instaurer l'auto-liquidation de la TVA prochainement dans les secteurs où les fraudes sont les plus fortes, comme le bâtiment. Le Gouvernement a par ailleurs récemment rendu public un document relatif à tous les dispositifs de lutte contre la fraude.

Le CIR fait partie des atouts de notre pays et on nous dit qu'il est décisif dans le choix d'implantation d'un certain nombre d'entreprises dans notre pays. C'est tellement dit que je pense que c'est vrai. Il est déjà plafonné à 100 millions d'euros par entreprise, mais les grands groupes parviennent à répartir leurs dépenses de recherches entre plusieurs filiales pour contourner cette limite. Le Gouvernement ne souhaite pas modifier ce dispositif, qu'il juge efficace, pour ne pas perturber les acteurs économiques.

Vous avez évoqué l'écotaxe, que beaucoup ont votée...

M. François Marc, rapporteur général. - Pas tous !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Elle pose problème. Le Gouvernement en est bien conscient, et rendra public ses propositions dans quelques jours ou quelques semaines. Il faudra trouver des solutions pour équilibrer le budget de l'AFITF.

L'élasticité traduit le fait que la hausse des recettes fiscales s'amplifie à mesure que la croissance augmente, et inversement lorsqu'elle diminue. C'est une affaire de spécialiste, dont nous prenons en compte les conclusions, bien sûr.

Le Parlement a été parfaitement informé de l'état des recettes et des dépenses. Qu'aurait apporté une LFR ? D'autant que vous ne souhaitiez pas de mesures fiscales supplémentaires ! S'agissant des dépenses, la réserve de précaution suffit à anticiper la plupart des imprévus.

Les APL, les dépenses d'hébergements d'urgence, les OPEX, sont par nature liées à des paramètres que l'État ne maîtrise pas complètement.

M. Philippe Dallier. - Je ne parlais pas des OPEX...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Ceux qui nous reprochent le coût des dépenses dites de guichet poussent les hauts cris quand nous les gelons. Vous évoquiez le CAS « Immobilier » : certains bâtiments ont été vendus deux fois plus cher que l'estimation faite par les domaines. Certes, le marché n'est guère dynamique, mais nous avons un milliard d'euros de cession à réaliser. Certaines opérations sont complexes, du reste.

J'ai bien entendu Marie-France Beaufils et Eric Bocquet, dont les arguments sont pertinents, mais ce n'est pas le lieu d'entamer une discussion macroéconomique...

Mme Michèle André, présidente. - Notre séminaire à Orléans sera l'occasion de reparler des douanes et de saluer leur action. Merci, Monsieur le ministre, pour ces réponses précises.

La réunion est levée à 13 h 22

Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2013 - Audition de Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche

La réunion est ouverte à 16 h 22

Au cours d'une troisième réunion tenue l'après-midi, la commission procède à l'audition préparatoire à l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013, de Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Philippe Marini, président. - Dans le cadre de la préparation de la loi de règlement du budget de 2013, nous entendons Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche, afin qu'elle nous rende compte des résultats de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES). Je suis heureux d'accueillir également, aux côtés de nos deux rapporteurs spéciaux, Philippe Adnot et Michel Berson, Dominique Gillot, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

La mission « Recherche et enseignement supérieur » est interministérielle, c'est un apport de la LOLF auquel nous tenons, même si l'essentiel des crédits relèvent de la responsabilité du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Madame la ministre, pour rendre cette audition la plus interactive possible, je vous propose que les rapporteurs spéciaux commencent par nous présenter leurs observations et interrogations, puis que vous leur répondiez, avant que le rapporteur général et la rapporteure pour avis, ainsi que les autres membres de la commission, vous interrogent à leur tour.

M. Michel Berson, rapporteur spécial. - Cette mission, qui comprend l'intégralité des crédits budgétaires pour la recherche civile de l'État et pour l'enseignement supérieur a consommé, l'an passé, 25,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), soit un niveau très proche des crédits inscrits en loi de finances initiale. Un bémol cependant, avec la sous-consommation de la quasi-totalité des programmes dédiés à la recherche, en particulier, en ce qui concerne le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables ».

Au total, les annulations de crédits auront été substantielles pour l'exercice 2013, s'élevant à 625,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 389 millions d'euros en crédits de paiement (CP) ; cela paraît, pour le moins, contrarier les annonces faites, aussi bien par le Président de la République que par le Premier ministre, d'une « sanctuarisation » des crédits consacrés à la recherche, promue au tout premier rang des priorités nationales.

La mission « Recherche et enseignement supérieur » aura donc vu ses crédits progresser légèrement l'an passé, pour des dépenses qui sont, on le sait, très dynamiques : dans ces conditions, à combien s'élèvent les économies réalisées par les programmes par rapport au tendanciel ?

L'Agence nationale de recherche (ANR), ensuite, a vu une part importante ses crédits de paiement annulée, soit 155 millions d'euros ; elle disposait, certes, d'une trésorerie importante, mais qui avait déjà largement diminué ces dernières années - de 620 millions d'euros fin 2012 à 352 millions d'euros fin 2013 ; ne pensez-vous pas que nous soyons arrivés au bout de cette logique de transfert des crédits vers les organismes de recherche et que si de telles annulations intervenaient à l'avenir, le financement de la recherche sur projet s'en trouverait menacé ?

Le financement de la recherche française repose de plus en plus sur des ressources européennes. Dans quelle mesure les équipes de recherche françaises ont-elles bénéficié du programme-cadre pour la recherche et le développement technologique (PCRD) de l'Union européenne en 2013 ? Quel est le « retour » pour notre pays ?

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Les crédits consacrés à l'enseignement supérieur et correspondant aux programmes 150 et 231 de la mission ont été quasi intégralement consommés, avec 15,07 milliards d'euros en AE et 15,12 milliards d'euros en CP, soit un taux d'exécution respectivement de 100 % et 99,9 %.

Le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » représente près de la moitié de la mission, avec une consommation, en 2013, de 12,75 milliards d'euros en AE et 12,79 milliards d'euros en CP. L'essentiel des crédits correspondent à des dépenses de fonctionnement et couvrent les subventions pour charges de service public servies aux établissements passés aux responsabilités et compétences élargies (RCE), opérateurs de l'État.

S'agissant du programme 231, les crédits consacrés aux bourses, en particulier celles servies sur critères sociaux, ont fait l'objet d'une bien meilleure budgétisation qu'en 2012 et les dépenses supplémentaires enregistrées en cours d'année ont pu être couvertes par des redéploiements.

Depuis l'accession à l'autonomie, plusieurs universités rencontrent d'importantes difficultés financières. Cependant, comme le souligne la Cour des comptes, certaines difficultés sont conjoncturelles, quand d'autres problèmes sont plus structurels : quel bilan en faites-vous ? En particulier, l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, faute de pouvoir équilibrer son budget, a bénéficié d'une avance de trésorerie de 800 000 euros en décembre 2013, avant l'annonce d'une seconde avance de 2,6 millions d'euros en mars pour 2014. Comment éviter que de telles situations ne se reproduisent ? Vous avez créé, l'an dernier, un tableau de bord financier des universités : vous permet-il de détecter efficacement, et donc suffisamment tôt, les établissements en difficulté ou risquant de le devenir ? Une fois l'alerte lancée, quelles sont les actions possibles ? Comment concilier l'autonomie financière des établissements et l'intervention du ministère par une aide financière ? Ces aides financières seront-elles consolidées, au risque de « récompenser » les mauvais gestionnaires, au détriment de ceux qui parviennent à mieux maîtriser leur budget ?

Je m'interroge, ensuite, sur les dépenses liées à la création des Communautés d'universités et d'établissements (COMUE), dès lors que les nouvelles structures ne feront pas nécessairement disparaître celles déjà existantes : qu'en pensez-vous ? Quelle incidence auront les nouveaux découpages régionaux annoncés par la réforme territoriale ? Remettent-ils en cause vos schémas d'organisation territoriale ? Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) vous a, d'ores et déjà, proposé de reporter la mise en place des COMUE, laquelle inquiète également le Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP) : qu'en dites-vous ?

Enfin, le programme 231 n'a pas eu à bénéficier de crédits supplémentaires dans le cadre de décrets d'avance, malgré la réforme des bourses sur critères sociaux intervenue en septembre 2013, avec la création de deux nouveaux échelons. Cependant, pour couvrir les dépenses liées aux aides directes, tous les crédits initialement mis en réserve ou en surgel ont été utilisés et des redéploiements ont été opérés. De plus, selon la Cour des comptes, « les reports de charges seront plus importants qu'en 2012 et [...] le risque de dérapage ne peut être écarté en 2014 ».

Tout en prenant acte de cette meilleure budgétisation, que doit-on penser de l'augmentation continue des dépenses liées aux bourses ? Quelles sont les perspectives pour les années à venir ? Quel est le bilan de votre récente réforme ? Quel surcoût attendez-vous, sachant que la Cour des comptes considère, dans sa note d'analyse d'exécution du budget, que les nouveaux échelons 0 bis et 7 ont fait l'objet d'un sous-calibrage ?

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis de la commission de la culture. - Dans sa note d'analyse, la Cour des comptes constate que les outils d'évaluation et de contrôle dont le ministère s'est doté depuis deux ans améliorent le suivi du fonctionnement comptable et financier des universités et, finalement, celui de la consommation des crédits budgétaires ; c'est un progrès important par rapport à la situation que nous avions constatée avec Philippe Adnot, lors de notre mission commune d'information, où c'était une gageure d'obtenir de simples informations comptables sur les finances des universités. Reste, cependant, que le ministère recourt à des redéploiements et à la fongibilité pour répondre aux besoins constatés en cours d'année et qui n'ont pas été anticipés.

Le système de répartition des moyens à la performance et à l'activité (SYMPA), ensuite, devait faire converger les niveaux de dotations entre établissements sur-dotés et sous-dotés : s'il a fonctionné pendant deux ans, cela n'a plus été le cas ensuite, faute d'abondement de l'enveloppe, et les écarts se sont même peut-être plutôt creusés ; les crédits de fonctionnement répartis par SYMPA auraient ainsi diminué de 65 millions d'euros entre 2012 et 2013, alors que le ministère avait annoncé un recul de 32 millions d'euros : que s'est-il donc passé ? Nous avons noté, également, que les établissements pouvaient recourir à la « fongibilité asymétrique », ce qui n'était pas prévu initialement.

Enfin, si les redéploiements ont été effectués pour couvrir les dépenses liées aux bourses accordées sur critères sociaux, nous manquons d'indicateurs pour suivre l'évolution de cette enveloppe avec précision, en particulier pour ce qui concerne la réforme intervenue à la rentrée universitaire de 2013 et qui pourrait avoir des conséquences en 2014.

M. Philippe Marini, président. - Notre commission et la commission de la culture avaient effectivement réalisé une mission commune sur le financement des universités et le système SYMPA. Madame la ministre, que vous inspirent ces questions et réflexions de nos rapporteurs ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Je vous remercie de votre invitation. La MIRES demande des informations précises, pour aller plus loin que ce qu'on en dit ici ou là.

Vous l'avez constaté, ce budget est bien exécuté, presque à 100 % ; c'est le signe que les demandes sont importantes, mais aussi que nous y répondons avec les moyens dont nous disposons.

Pourquoi une sous-consommation sur quelques lignes des budgets de recherche ? Il s'agit, en fait, d'un effet d'optique, lié à un redéploiement ponctuel du programme d'investissements d'avenir. Le programme 172 affiche un taux élevé de consommation de ses crédits, ce qui démontre que le budget est adapté aux besoins.

Vous soulignez également le dynamisme des dépenses : le nombre d'étudiants augmente, les besoins de recherche et de développement dans notre pays créent des demandes nouvelles. Nos crédits progressent de 600 millions d'euros entre 2012 et 2014, passant de 22,44 milliards d'euros à 23,04 milliards d'euros : cet effort est tout à fait considérable dans le contexte actuel. Cependant, la croissance « naturelle » des dépenses - le tendanciel - aurait été d'un milliard d'euros sur la période : c'est dire que nous participons pour quelques 400 millions d'euros à la maîtrise des dépenses.

Plusieurs facteurs se conjuguent pour augmenter les dépenses. Il y a d'abord l'augmentation du nombre d'étudiants : quelque 25 000 étudiants supplémentaires se présentent chaque année aux portes de l'enseignement supérieur qui, dès lors que l'enseignement public est « libre et gratuit » en France, pratique des frais d'inscription proches de la gratuité, donc très loin de couvrir le coût réel de l'enseignement. Il y a, ensuite, le glissement vieillissement technicité (GVT), qui n'a pas été intégré lors du passage aux « Responsabilités et compétences élargies » (RCE), alors que les établissements subissent une évolution de leurs charges qui peut être liée aux politiques d'embauche du passé. En 2013, le GVT a représenté environ 60 millions d'euros pour 76 établissements, ce qui n'est pas négligeable. Autre héritage, la pyramide des âges : les principales cohortes de babyboomers venant de prendre leur retraite, le nombre de départs en retraite diminue, par exemple de moitié au CNRS, ce qui enlève un facteur d'allègement qui avait joué ces dernières années. Il y a, encore, les mesures catégorielles intervenues avec les textes récents, en particulier la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 concernant l'accès à l'emploi titulaire et l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, qui peuvent s'avérer coûteuses pour les établissements et avoir un impact sur leur politique de recrutement. Il faut compter également avec la contribution française à plusieurs grands programmes internationaux, par exemple les 800 millions d'euros à l'Agence spatiale européenne (ESA), dont nous sommes le premier contributeur. Je pense aussi au programme European Spallation Source (ESS) et au réacteur de fusion ITER, qui est le plus grand programme de coopération scientifique internationale en développement : même s'il n'est pas certain de parvenir à des résultats pratiques sur l'énergie de fusion, les recherches auxquelles il donne lieu sur le plasma, en physique, en neutronique, en imagerie ou encore en informatique embarquée, auront certainement des résultats dont nous devons être partie prenante, d'autant que nous sommes le pays hôte de ce très grand projet. Il y a aussi le renouvellement de grands instruments comme le Synchrotron, au laboratoire européen pour la physique des particules (CERN), ou encore à l'Institut Laue-Langevin, à Grenoble. Il faut savoir que ces outils de pointe de la recherche fondamentale sont également une source de revenus pour notre pays et les régions où ils sont implantés et pour notre pays tout entier, parce qu'ils sont des vecteurs de partenariat d'excellence et qu'ils font progresser nos entreprises de haute technologie, par exemple dans les techniques antisismiques. On considère, ainsi, qu'un euro investi au CERN entraîne 3,45 euros d'activité en services et en sous-traitance. Je pense, encore, aux grands investissements que l'ESA fait en matière de lanceurs et aux applications multiples des recherches, qui touchent des domaines aussi variés que le nucléaire, la régulation des grands systèmes de transports publics, la connectique, ou encore la cryogénie et, même, l'horloge parlante...

L'ensemble de ces facteurs de croissance de la dépense continueront à jouer au cours des années à venir : l'accroissement naturel des dépenses portées par le secrétariat d'État à la recherche et à l'enseignement supérieur devrait s'élever à 1,6 milliard d'euros entre 2015 et 2017. Par suite, la simple stabilisation de ces dépenses au cours du prochain triennal correspond à une économie de 1,6 milliard d'euros par rapport au tendanciel.

Vous m'interrogez, ensuite, sur l'ANR. Les besoins initiaux de l'Agence ont été, initialement, surestimés. Aussi, dans un souci de rééquilibrage en faveur des organismes de recherche, nous avons décidé d'ajuster la trésorerie de l'ANR, qui était excessive. Vous avez raison de souligner que nous avons atteint un « point bas », la Cour des comptes le dit également ; aussi, la trésorerie de l'Agence ne sera-t-elle pas davantage mise à contribution les prochaines années.

Les ressources européennes ne sont pas assez sollicitées, alors qu'elles ne sont pas d'un accès plus difficile que celles de l'ANR, par exemple, et que nous avons mis en place une cellule d'appui, ainsi que des points de contact nationaux pour aider les petits laboratoires à accéder aux financements européens. Le Président de la République a fait de la recherche l'une des priorités de la France. Dans le cadre du « Pacte de croissance », ce dernier a plaidé en faveur d'une augmentation des moyens consacrés à la recherche et au développement ; aussi a-t-il été suivi par de nombreuses personnalités politiques et, notamment, par Máire Geoghegan-Quinn, la commissaire européenne à la recherche, à l'innovation et à la science, qui m'a un jour glissé : « François Hollande, my hero... ». L'enveloppe consacrée au programme « Horizon 2020 » a été relevée de 30 % par rapport à celle du septième PCRD.

Alors que, lors du sixième PCRD, notre « retour » coïncidait avec notre contribution, à 16 %, il s'est établi, dans le cadre du septième PCRD, à 11,6 %, pour une contribution qui a légèrement augmenté et qui nous place toujours au second rang des contributeurs, derrière l'Allemagne. Cela est, en partie, imputable au nombre important d'appels à projets lancés au niveau national - en particulier par l'ANR et dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA). Le taux de réussite des laboratoires français est pourtant très bon, à 25 %. Nous nous efforçons donc de les aider à y aller davantage, par un soutien technique. Il s'agit également d'un enjeu de visibilité de la recherche française au niveau international. Je ne vois pas de raison de ne pas progresser. En tout état de cause, il y a lieu de se réjouir de la forte présence française dans les projets gérés par le Conseil européen de la recherche (ERC) qui, soit dit en passant, est présidé par un Français, Jean-Pierre Bourguignon. En revanche, les équipes françaises sont moins présentes dans le programme Marie Curie et les programmes de recherche thématiques. Aussi nous sommes-nous attachés à harmoniser les procédures de l'ANR avec celles de l'Union européenne, de façon à ce que les projets qui n'auront pas été retenus par l'Agence puissent, sans travail supplémentaire, candidater dans le cadre des appels à projets européens. Nous oeuvrons aussi à une simplification des procédures. Certes, l'approche européenne des projets scientifiques par enjeux sociétaux - gestion des big data, lutte contre les pandémies, accompagnement de la transition énergétique, etc. - a été reprise en France, de manière à rendre la recherche plus lisible et accessible ; pour autant, cela ne signifie en rien un recul de la recherche fondamentale. Ainsi, les réponses aux appels d'offres lancés, par l'ANR, sur la base de ces enjeux sociétaux concernent pour 70 % d'entre elles la recherche fondamentale et pour 30 % la recherche technologique.

S'agissant des universités, je veux d'emblée m'inscrire en faux contre l'image misérabiliste qui se répand ici où là. Les universités françaises reçoivent davantage de soutien public que la moyenne de leurs homologues européennes et du monde entier. Cependant, leurs droits d'inscription y sont souvent plus modiques ; elles reçoivent moins de financements privés, notamment par le biais de fondations, de même qu'elles bénéficient de peu de recettes en formation continue. C'est un point où la marge de progrès est importante : alors que la meilleure des formations se trouve à l'université, où la recherche est la plus créative, l'université capte à peine 4 % du marché de la formation continue, lequel ne cesse de se développer. Pour aller plus loin, il faut adapter les formations proposées et faire tomber des barrières ; des universités comme Cergy ou Marne-la-Vallée l'ont fait, avec des avantages certains et une ouverture sur l'extérieur.

Suite au passage aux RCE, les universités ont vu leurs conditions de gestion changer rapidement et en profondeur ; leur budget a parfois décuplé, mais elles n'ont pas été suffisamment accompagnées dans ces changements et les gestionnaires n'ont pas reçu de formation suffisante à la conduite du changement : cela constitue la principale erreur du passage à l'autonomie des universités qui est, en soi, une bonne chose, d'autant que seulement 10 % d'entre elles ont, en tout ou partie, une comptabilité analytique. L'an passé, huit établissements étaient en déficit, contre seize en 2012. Quatre établissements connaissaient deux déficits d'affilée, contre cinq en 2012 : Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Clermont-Ferrand, Paris XIII et Montpellier III, qui sont dans des situations toutefois différentes. Le résultat cumulé des 82 universités françaises progresse cependant, à 208 millions d'euros, contre 142 millions d'euros en 2012 et 137 millions d'euros en 2011. Leurs fonds de roulement s'améliorent, à 1,531 milliard d'euros, contre 1,524 milliard d'euros en 2012, mais 1,785 milliard d'euros en 2010, avec l'effet, entre-temps, du passage aux RCE de nombreux établissements. Ces chiffres, comme l'a constaté la Cour des comptes, attestent de ce que les universités reconstituent leur situation financière, laquelle est loin d'être dégradée comme on l'a dit - la réponse de la Conférence des présidents d'universités (CPU) à la Cour des comptes met en évidence l'amélioration de la situation, tout en pointant le problème de la prise en compte du GVT.

Cette stabilisation a été obtenue au prix d'un effort important de maîtrise des dépenses de fonctionnement des universités, notamment de la masse salariale. Le taux de CAS représente 80 % de l'augmentation de la masse salariale l'an passé.

Les fonds de roulement et la trésorerie des universités, cependant, ne sont pas intégralement mobilisables. Ils peuvent être liés aux financements des projets de recherche, aux investissements contractualisés, dans les contrats de plan État-régions, par exemple. Ils devront encore être mis à contribution, notamment dans le cadre du plan Campus, pour moderniser les établissements, faute de provisions suffisantes de la maintenance, en particulier pour les universités de Paris intra-muros.

J'ai mis en place un dispositif de suivi, d'accompagnement et d'alerte, avec un tableau de bord commun qui cible l'évolution des dépenses des 103 établissements. Il s'agit d'intervenir en anticipation. En deux ans, l'inspection générale de l'enseignement supérieur et de la recherche a réalisé 34 missions d'audit. De nombreuses universités ont été accompagnées dans le retour à l'équilibre de leurs comptes. Le suivi des établissements s'est donc nettement amélioré. Des mesures techniques, comme la simplification des parcours, rendent, en outre, la gestion plus rationnelle - nous avions constaté, par exemple, que près d'un tiers des masters comptaient moins de dix étudiants, ce qui conduisait à disperser trop les moyens et constituait un vrai manque de vigilance.

L'université de Versailles Saint-Quentin a cumulé les difficultés : lors du passage aux RCE, l'établissement a créé 158 emplois, escompté quelques 18 millions d'euros de recettes supplémentaires, qui n'ont pas été atteints, mais qui ont été dépensés ; au total, pour 15 000 étudiants, l'université compte 38 sites, c'est trop. Ensuite, l'établissement n'a pas bien négocié ses partenariats publics-privés (PPP), notamment celui sur l'efficacité énergétique avec, comme résultat, de devoir rembourser 2,4 millions d'euros par an... pour un bilan énergétique apparemment alourdi. Nécessitant une négociation ardue lors de leur établissement, les PPP doivent être utilisés sur les projets les plus lourds et complexes. C'est ainsi qu'on est passé de projets à 100 % PPP à seulement 38 % de PPP dans le cadre du plan Campus.

Je me suis impliquée dans la renégociation de contrats passés par cette université et pour prendre les mesures nécessaires au retour à une meilleure situation financière de l'Université de Versailles Saint-Germain-en-Yvelines, tout en butant sur des difficultés à obtenir des informations, l'agent comptable étant parti sans avoir été remplacé. Fin 2013, nous avons fait une avance remboursable de 800 000 euros pour le paiement des salaires, puis nous avons convenu d'un prêt de 2,6 millions d'euros pour cette année. Il reste des sacrifices à faire, des choix à poursuivre, pour confirmer le redressement des comptes et confirmer le retour à un fonds de roulement positif.

Les COMUE répondent à un objectif d'ensemble, celui de développer des stratégies communes autour de vingt-cinq pôles universitaires, tout en laissant à chacun la liberté de s'organiser : les conseils d'administration maîtriseront leur budget, le SNESUP peut être rassuré, et ce seront bien les universités qui décideront de ce qu'elles veulent mutualiser. À ce jour, on compte cinq associations d'universités et vingt COMUE. Seize statuts de COMUE ont été votés, à une très large majorité, et sont en instance de validation. Plusieurs COMUE sont interrégionales : une COMUE Poitou-Charentes, Centre et Limousin, une COMUE Bretagne et Pays de Loire, une COMUE Normandie et une COMUE Bourgogne-Franche-Comté. Ici encore, les universités font figure de pionnier. Les COMUE n'occasionnent pas de surcoût, les mutualisations feront plutôt faire des économies et renforceront même l'efficacité de l'action : quand plusieurs universités mutualisent leur service de relations internationales ou celui d'insertion sociale des étudiants, par exemple, elles ont chacune plus de poids.

La réforme des bourses poursuit un objectif général de mon action, celui d'améliorer les conditions de vie des étudiants. Sur les 600 millions d'euros d'augmentations budgétaires, les deux-tiers vont aux aides aux étudiants. Nous avons, en particulier, financé le dixième mois de bourse, une promesse de la majorité précédente, qu'elle n'avait pas tenue. Nous avons ajouté 160 millions d'euros l'an passé et nous augmentons encore les bourses de 158 millions d'euros cette année. Reste, effectivement, 85 millions d'euros prévus pour 2015, qui feront l'objet du débat budgétaire - nous avons des assurances que cette enveloppe ne sera pas remise en question. Au total, nous aurons ainsi renforcé l'aide aux étudiants de plus de 400 millions d'euros.

La première vague n'a jamais été financée par des redéploiements. Contrairement à ce qu'on a pu en dire, ce sont bien les crédits du ministère qui ont abondé cette priorité. Nous visons les étudiants les plus précaires et ceux issus du bas des classes moyennes, qui travaillent plus de quinze heures hebdomadaires au risque d'échouer dans leurs études. Les 135 000 étudiants boursiers supplémentaires annoncés par Laurent Wauquiez ne touchaient en fait aucune bourse - ils étaient exonérés de frais d'inscription et de cotisation sociale étudiante - nous leur donnons désormais, ou donnerons l'année prochaine, 1 000 euros. C'est un progrès.

M. François Marc, rapporteur général. - Une remarque : les COMUE autorisent bien des mutualisations, ce qui est un aiguillon pour l'organisation efficace de nos territoires et la meilleure voie lorsque, comme aujourd'hui, les moyens manquent partout. Je me réjouis donc de la mise en place de ces communautés, en espérant que ce que les universités ont fait, les territoires pourront le faire également.

Le Président de la République a indiqué, au début de son quinquennat, qu'il fallait créer 40 000 logements étudiants supplémentaires ; la loi de finances initiale pour 2013 y a consacré 20 millions d'euros supplémentaires mais, selon la Cour des comptes, la moitié de cette enveloppe a finalement servi à financer les bourses de l'enseignement supérieur attribuées sur critères sociaux. Dès lors, où en est le programme des 40 000 logements étudiants ?

M. Éric Doligé. - Mon département finance l'université d'Orléans : Madame la ministre, me conseillez-vous de continuer à le faire, sans savoir si le département existera encore demain et sans connaître non plus l'avenir de cette université, dans le grand mouvement de regroupement que vous avez lancé ? Des investissements sont à faire : faut-il les reporter ?

Que pensez-vous, ensuite, d'une péréquation entre universités, comme les collectivités territoriales le font entre elles ? N'est-ce pas un moyen de résoudre les difficultés comme celles que rencontre l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ?

S'agissant des partenariats public-privé, enfin, je crois que nous ne devons pas perdre de vue ce principe simple : « à chacun son métier ». Les gestionnaires d'universités se trouvent confrontés à des spécialistes alors qu'ils n'ont encore jamais passé de telles procédures, complexes parce qu'elles exigent bien des calculs économiques sur l'avenir. La relation est déséquilibrée et les universités ont toutes chances de se retrouver perdantes pour leur premier et souvent unique PPP : comment les aidez-vous au ministère pour corriger cette asymétrie ? Avez-vous une cellule d'appui technique ?

Mme Michèle André. - Il est parfois difficile d'obtenir des informations précises sur les universités, car les universitaires parlent entre eux, davantage qu'aux parlementaires... D'où ma question : où en est-on à l'université de Clermont-Ferrand, dont on entend dire que la situation est très difficile ?

Mme Marie-France Beaufils. - Le Gouvernement s'est engagé sur mille postes supplémentaires par an pour l'université. Or, ces ressources supplémentaires ont pu être utilisées par nos universités pour résoudre leurs difficultés financières. Combien d'emplois ont-ils réellement été créés ?

Mme Fabienne Keller. - Le « grand emprunt » a largement participé au financement de la recherche et de l'université. Ces fonds ont-ils été versés ? Quelles sont les perspectives pour l'avenir, notamment en termes de sanctuarisation de ces crédits d'investissement à long terme de la MIRES ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. - Ma feuille de route est très claire sur le logement étudiant : mettre en chantier 40 000 logements accessibles aux étudiants, dont la moitié en Île-de-France, sur l'ensemble du quinquennat, alors que, sur les huit années précédant notre arrivée, les étudiants n'avaient disposé que de 25 000 logements supplémentaires pour un objectif, au départ, quasi similaire au nôtre. Nous avons mis en place une méthode pour obtenir ces 40 000 logements. Le plan Campus a, tout d'abord, permis d'identifier 19 000 places possibles, dont environ la moitié en Île-de-France. Ils sont désormais programmés avec la relance du plan Campus. Puis, avec Cécile Duflot, nous avons confié au préfet Marc Prévost la mission de repérer les logements possibles qui se situent à une demi-heure maximum d'une université dans l'ensemble des programmes immobiliers. Les 40 000 logements sont donc désormais identifiés, la liste sera établie d'ici la fin du mois de juin. Nous veillons également à ce que les engagements pris soient respectés. Dans les Hauts-de-Seine, par exemple, Patrick Devedjan s'est engagé à ce que la démolition-reconstruction de bâtiments anciens offre jusqu'à 3 000 logements aux étudiants : cet engagement doit être respecté, j'y veillerai personnellement. La question est très importante ; on estime que l'offre de logements étudiants ne couvre que 9 % des besoins. Face à un enjeu d'une telle ampleur, il faut être imaginatif, proposer toute une palette de solutions - encourager par exemple la colocation étudiante, y compris dans les logements du CROUS -, de même qu'il faut améliorer les conditions de vie des étudiants dans leur ensemble et leur proposer des solutions adaptées : savez-vous, par exemple, que les étudiants boursiers ne consomment en moyenne que deux repas par semaine dans les restaurants universitaires ?

En 2013, nous en étions à quelque 8 500 logements étudiants mis sur le marché, répartis entre 4 000 logements neufs et 4 500 logements réhabilités. J'insiste sur l'importance de la réhabilitation car nombre d'entre vous êtes, aussi, des élus locaux : faites de la réhabilitation pour étudiants, partout où c'est possible, surtout en Île-de-France !

J'étais à Orléans ce matin et je peux dire à Éric Doligé l'enthousiasme des acteurs locaux pour les regroupements en cours. C'est, en fait, un très bon exemple d'une démarche réussie parce qu'elle est fondée sur des projets communs, sur la volonté qu'ont des laboratoires de travailler ensemble, plutôt que de suivre une orientation venue d'en haut pour des raisons organisationnelles. Le nouvel ensemble va constituer, par exemple, le premier pôle de recherche français sur les matériaux. C'est important, notamment en termes de visibilité internationale.

Il en sera de même, également, dans le domaine spatial et pour les formations médicales qui seront mieux réparties et mutualisées sur les différentes universités. Pour revenir aux logements étudiants, 10 des 20 millions d'euros initialement budgétés n'ont effectivement pas été utilisés à ce titre en 2013, en raison de retard dans les travaux. Ces dotations complémentaires constituent un effet levier important et nous mobilisons également les collectivités locales...

M. Philippe Marini, président. - Elles n'ont plus de moyens !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. - Certes, mais elles ont des projets à développer avec les universités. Il faut imaginer de nouveaux cadres, de nouveaux modes de financement pour les rendre possibles.

Sur les PPP, ensuite, il est normal que les universités soient les interlocuteurs de leurs partenaires privés. Vous soulignez avec raison combien l'exercice est difficile, les procédures complexes - je le sais d'autant mieux qu'à Grenoble, j'ai participé à l'un des premiers PPP, de 74 millions d'euros, pour un pôle de recherche et d'innovation sur les énergies renouvelables : il a fallu deux ans de négociations pour aboutir... Les PPP sont utiles dans certaines opérations, pas dans toutes ; il faut compter aussi avec les autres outils possibles.

À Clermont-Ferrand, un projet de fusion est en cours, qui devrait aboutir dans deux ans. Pour le moment, ils ont opté pour l'association. Ici encore, il nous faut de la souplesse...

M. Philippe Marini, président. - Absolument. Comme pour les rythmes scolaires !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. - Oui, et avec cet objectif constant qui est le nôtre : l'intérêt de l'enfant, comme celui de l'étudiant... Quant à l'université de Clermont-Ferrand II, un plan de redressement est également en cours.

Enfin, nous nous sommes effectivement engagés à mille emplois de plus chaque année pour l'enseignement supérieur, pendant toute la durée du quinquennat : ce n'est peut-être pas autant que certains le souhaiteraient, mais c'est tout à fait exceptionnel dans la période actuelle. Ces postes ont été créés là où les besoins étaient les plus manifestes, selon des critères définis avec la CPU et en tenant compte du modèle SYMPA. En gestion, les universités sont autonomes et peuvent geler des postes. En tout état de cause, nous vérifions que les postes créés ciblent d'abord le premier cycle, qui est notre priorité tout au long du quinquennat.

M. Philippe Marini, président. - Merci pour toutes ces précisions.

La réunion est levée à 17 h 52

Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2013 - Audition de M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Au cours d'une quatrième réunion tenue l'après-midi, la commission procède à l'audition, préparatoire à l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013, de M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Philippe Marini, président. - Nous poursuivons nos travaux préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement pour l'exercice 2013 avec l'audition de Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Au sein du budget de l'État, le financement des transports est éclaté entre plusieurs programmes. Les crédits que je rapporte sont inscrits sur le programmes 203 « Infrastructures et services de transports » et 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie ».

Je rapporte également les crédits d'un compte spécial au nom incompréhensible « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ». Il s'agit de la subvention apportée par l'État à la SNCF pour le fonctionnement des trains d'équilibre du territoire (TET), soit une quarantaine de lignes dont l'exploitation est déficitaire.

En termes chiffrés, le programme « Infrastructures et services de transports » est de loin le plus important puisqu'il représente, en 2013, 5,8 milliards d'euros consommés en autorisations d'engagement (AE) et 5,1 milliards d'euros consommés en crédits de paiement (CP).

Sur ces montants, 1,3 milliard d'euros en AE et 1,1 milliard d'euros en CP sont apportés par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui est elle-même financée par des taxes affectées.

Au total, c'est un peu le serpent qui se mord la queue. L'État affecte des taxes à l'AFITF et lui procure également une subvention d'équilibre. Puis, l'Agence reverse plus de 60 % de son budget à l'État par le biais de fonds de concours.

Mon premier point portera donc logiquement sur la lisibilité du financement des infrastructures de transport. Je m'en étais inquiétée dans le cadre de mon dernier rapport spécial et je constate que la Cour des comptes fait de même dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire. Elle recommande d'ailleurs de supprimer l'AFITF.

L'AFITF est-elle nécessaire ? Très concrètement, quels avantages retire-t-on de l'existence de cet opérateur ?

Dans un souci de lisibilité, j'avais préconisé de recréer la mission budgétaire Transports qui existait avant 2007. À la commission des finances, nous avons retenu ce découpage pour la présentation des rapports spéciaux. J'aimerais donc connaître votre appréciation sur l'idée d'individualiser ces crédits dans une mission budgétaire spécifique.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche. - Le ministère du nom de MEDDE - ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie - a été créé à une autre période et chacun pourra juger de l'opportunité de ce grand ministère. Est-ce judicieux ou non ? Efficace ou non ? Ce n'est pas le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui mais il doit rester en toile de fond pour comprendre comment sont articulées les missions budgétaires.

Le fait est que ce grand ministère est là et il permet de mutualiser les moyens s'agissant notamment du personnel.

Une mission « Transports » nous permettrait-elle d'être plus efficace et de disposer des ressources budgétaires là où elles sont nécessaires ? Je n'en suis pas convaincu.

Et je rejoins là votre première question : l'AFITF est-elle nécessaire ? Oui, elle l'est ! Je suis un fervent partisan de cette agence. Elle permet d'abord de bien flécher les ressources, car elles sont clairement identifiées (taxe d'aménagement du territoire, amendes radars, redevance domaniale, subvention budgétaire). Il me semble indispensable, dans un contexte budgétaire tendu, de disposer d'un instrument identifié pour le financement des infrastructures de transport.

M. Philippe Marini, président. - La création de l'AFITF avait résulté d'un amendement du Sénat - certes de l'ancienne majorité sénatoriale. Cela montre le paradoxe et la complexité des choses et du monde dans lequel nous vivons.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Si la question se pose aujourd'hui, c'est parce que cet instrument permet de se placer en dehors de l'autorisation parlementaire.

J'en viens à mon deuxième point qui porte sur la soutenabilité budgétaire de l'AFITF et plus généralement sur le financement des infrastructures. L'écotaxe a été suspendue. Il est probable qu'une éco-redevance lui soit substituée mais elle rapportera moins que l'écotaxe. Sachant que les restes à payer de l'AFITF s'élèvent à un peu moins de 17 milliards d'euros, quelles seront les priorités dans les années à venir ? Les grandes lignes du rapport de la commission Mobilité 21 vont-elles devoir être revues ?

Pouvez-vous enfin nous en dire plus sur la nouvelle mouture de l'écotaxe ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Ce point est à l'arbitrage du Premier ministre. Vous le savez, je n'ai pas l'habitude de me « défiler » face à vos questions, mais ce que je peux vous dire sera sous réserve d'un arbitrage politique que doit rendre le Premier ministre.

L'écotaxe est indispensable au financement des infrastructures. Tous les projets, du plus petit au plus important, dépendent de la réalité de cette nouvelle contribution.

L'AFITF devait être abondée à hauteur de 800 millions d'euros par l'écotaxe. Ce qui me préoccupe c'est d'arriver à un financement modernisé des infrastructures. Le principe selon lequel l'utilisateur économique des infrastructures devait contribuer à leur modernisation paraissait logique. Je pense que, au fil du temps - parce que le dispositif a mis plusieurs années avant se concrétiser -, la clarté du message s'est troublée parce que l'on a mis derrière ce dispositif beaucoup de choses qui n'étaient pas le coeur de cible. Vous le savez, la motivation environnementale de Bercy n'est pas nécessairement celle du MEDDE.

Il faut être clair. S'agit-il pour nous d'aller chercher des ressources pour le financement des infrastructures indispensables à la croissance de notre pays ? Dans ce cas, c'est la motivation financière du dispositif qui doit être préservée.

Est-ce, au contraire, une arme environnementale - ce n'est d'ailleurs pas antagoniste ? Dans ce cas, nous sommes dans une autre logique.

Au fil du temps, c'est la finalité du projet qui a perdu de sa force.

Il est préférable que les modalités de financement de nos infrastructures soient soutenues par une démarche environnementale (report modal, modernisation, etc.). Néanmoins, il y a le but et les moyens et parfois nous assistons à une confusion entre les deux.

Pour ma part, la question centrale, pressante, est la suivante : comment finance-t-on les infrastructures ? En matière routière, 20 % du réseau routier est très dégradé. Nous n'en sommes plus au maintien, nous tentons d'éviter une dégradation plus forte encore. En ce qui concerne le ferroviaire, nous connaissons l'état des lignes secondaires - qui ne le sont pas toujours si l'on regarde leur utilité économique notamment pour le fret. S'agissant des grands projets tel que, par exemple, monsieur le président, le Canal Seine Nord...

M. Philippe Marini, président. - J'allais justement vous poser la question !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Je souhaite anticiper la réponse car c'est également une de mes préoccupations. Ce serait inquiétant si notre pays n'avait plus l'objectif de réaliser des infrastructures. Pour autant, on connaît le contexte, certains projets ont été décidés dans une période de moins grande contrainte budgétaire. Il faut donc optimiser les moyens et rendre soutenable les investissements. Il faut adapter la voilure, adapter les procédures, éventuellement revoir le fond des dossiers, ce fut le cas pour le Canal Seine Nord qui a connu une reconfiguration.

Nous avons beaucoup recouru aux PPP et nous avons constaté que ce n'était pas nécessairement heureux ou adapté à chaque projet.

Désormais, le Premier ministre doit arrêter le nouveau dispositif. Pour ma part, je plaide pour que le choix retenu nous permette de financer nos infrastructures.

Du fait de la suspension de l'écotaxe, l'exercice 2014 a été particulièrement difficile. En son absence, l'exercice 2015 serait dramatique.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Quel serait le manque à gagner de la mise en place de l'écotaxe en tenant compte des préconisations du rapport Chanteguet ? La perte de recettes due à l'exonération sur 400 kilomètres a-t-elle été chiffrée ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - L'exonération de 400 kilomètres, qui repose sur l'idée qu'il faut taxer les longs trajets, n'a pas encore été décidée ; son coût serait de 300 millions d'euros. Elle n'engendrerait que peu d'économies sur le coût du dispositif. Je pense aussi, sous réserve des décisions du Premier ministre, que nous pourrions passer d'un système conçu pour être mis en place « en bloc » à un système évolutif. En effet, la carte des régions va évoluer, de même que la répartition des compétences...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Et les contrats de plan État-région.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - La question qui se pose est donc la suivante : comment fait-on évoluer le système dans le temps, y compris à l'initiative de certaines collectivités qui considèrent que le réseau doit être soumis à taxation ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Dans les arbitrages budgétaires rendus en 2013 et 2014, des crédits ont été annulés notamment au détriment du fret ferroviaire et des tarifs sociaux de la SNCF. À l'inverse, Voies navigables de France (VNF), par exemple, a été plutôt préservé. Pouvez-vous nous donner les raisons qui ont conduit à ces arbitrages ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - L'exécution budgétaire de 2013 a été marquée par un effort supplémentaire de 2 milliards d'euros, qu'il a fallu répartir entre les différents budgets. Or vous avez-vous-même souligné la part substantielle qui est réservée au fret ferroviaire dans le budget du ministère, hors AFITF : sur les 4 milliards d'euros du programme, 2 milliards d'euros sont versés à Réseau ferré de France (RFF). En revanche, VNF se trouve dans une situation très difficile et porter atteinte à ses capacités budgétaires aurait conduit à hypothéquer le rendement économique du transport fluvial en France. Il est donc nécessaire de soutenir le fluvial, même si cela n'a pas été suffisamment pris en compte jusqu'à maintenant. De plus, avec l'évolution statutaire de VNF, qui devient un établissement public industriel et commercial (EPIC), il importe de garantir les moyens permettant, a minima, d'entretenir les ouvrages et les canaux existants - car nous en sommes bien là.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Le Gouvernement avait annoncé une enveloppe d'environ 500 millions d'euros pour le renouvellement des trains d'équilibre du territoire : est-ce toujours d'actualité ? Si oui, à quelle échéance le matériel roulant sera-t-il renouvelé ?

La Cour des comptes s'inquiète des recettes de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires : ces recettes pourraient être inférieures aux prévisions compte tenu d'un résultat déficitaire de la SNCF.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Le Premier ministre avait en effet annoncé une enveloppe de 510 millions d'euros il y a un an afin de financer d'ici 2025 le renouvellement des trains d'équilibre du territoire - Corail, Intercités et autres -, qui n'avaient pas été remplacés depuis trente ans. Cet engagement est-il toujours d'actualité ? Oui. Est-il financé ? Je vous renvoie à ma réponse précédente sur l'AFITF - je suis un peu répétitif, mais j'aurais bien du mal à faire preuve d'imagination devant la réalité budgétaire du ministère. Reste que les marchés qui pouvaient être passés ont été passés. À bien y regarder, le compte d'affectation spéciale (CAS) des trains d'équilibre du territoire (TET), est littéralement un « casse-tête »... Un peu d'humour est nécessaire dans ce contexte douloureux.

Il est vrai que le résultat fiscal de la SNCF est nul cette année suite à la dépréciation des TGV : dès lors, ce qui importe est de préserver la source de financement que constitue la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires, mais à un niveau correspondant aux bons résultats, avant dépréciation. Cette question sera traitée dans le cadre du collectif budgétaire de cet été.

M. François Fortassin, rapporteur spécial du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». - Le budget « Contrôle et exploitation aériens » est dit annexe car il est censé retracer les services fournis par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) en contrepartie du paiement de redevances. Il représente 2,2 milliards d'euros, dont la moitié de dépenses de personnel. À grands traits, la DGAC est confrontée à un besoin important d'investissements dans le cadre du Ciel unique européen, mais ses recettes manquent de dynamisme du fait d'un contexte difficile pour le transport aérien. En conséquence le budget annexe est confronté à un déficit structurel : son endettement atteint 1,2 milliard d'euros fin 2013, et devrait encore s'accroître en 2014. Comment le Gouvernement compte-t-il assurer le retour à l'équilibre du budget annexe ?

La Cour des comptes estime par ailleurs qu'il faudrait transformer la DGAC en un établissement public et mettre fin au fonctionnement sous forme du budget annexe : que pensez-vous de cette proposition ?

Enfin, s'agissant des contrôleurs aériens, le nouveau protocole social 2013-2015 est-il suffisamment équilibré pour que les gains de productivité permettent de contrebalancer l'augmentation de la masse salariale ? Celle-ci représente en effet plus d'un milliard d'euros pour 11 000 personnes, soit 90 000 euros par agent toutes catégories confondues... À titre personnel, je considère qu'il est quasiment scandaleux que les contrôleurs aériens aient des salaires presque équivalents à ceux des pilotes, au prétexte que leurs responsabilités peuvent être similaires... de mon point de vue, les risques pris par les uns et les autres ne sont pas exactement les mêmes.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Le budget de l'aviation civile est l'un des budgets qui connaît le plus fort taux de réalisation, en recettes mais aussi dans les projections. La priorité absolue est de réduire l'endettement, qui est important mais désormais en faible progression. Ce n'est pas facile : lorsqu'un budget présente un excédent d'exploitation, certaines administrations - notamment financières - n'ont pas pour premier réflexe de penser au désendettement... Celui-ci est néanmoins indispensable et nous devons faire en sorte qu'il soit financé par les recettes d'exploitation. Malgré les difficultés du secteur aérien en termes de fréquentation et d'activité, dont vous avez fait état, nous sommes dans une perspective de désendettement sur la période 2015-2017.

Faut-il s'exonérer d'un budget annexe ? Je ne le pense pas, au contraire. Je pense qu'il est nécessaire d'identifier clairement dans un budget annexe à la fois les différentes recettes - redevances sur la navigation aérienne, sur les services terminaux etc. - et les dépenses, compte tenu de la spécificité et de la sensibilité de la matière. C'est une garantie pour l'aviation. Nous ne pouvons pas nous passer de la compétence et de l'efficacité de notre administration, qui est reconnue au niveau international, mais il faut malgré tout avoir des exigences de bonne gestion budgétaire.

Nous sommes donc dans une perspective de désendettement du budget annexe. Mais, par ailleurs, nous avons de nombreux investissements qui sont conditionnés par des programmes européens, à commencer par le Ciel unique européen. Celui-ci fait beaucoup débat au Conseil des ministres de l'Union européenne, dans un contexte marqué pour nous comme pour nos voisins par la crise et la réduction drastique des moyens de l'aviation ; malgré tout, nous devons faire en sorte d'optimiser et de mieux gérer l'espace aérien au niveau européen.

En ce qui concerne les contrôleurs aériens, vous avez-vous-même rappelé la sensibilité de la question de leur rémunération. La rémunération des contrôleurs aériens a un fondement statutaire et indemnitaire, qui s'inscrit totalement dans les règles de la fonction publique.

M. François Fortassin, rapporteur spécial. - Et encore n'ai-je pas parlé des grèves perlées...

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Quant au protocole social 2013-2015, il a été financé par des économies liées au gel des barèmes et des primes sur la période 2010-2013. Il y a donc eu un effort, qui fait suite à d'âpres négociations. Les contrôleurs aériens, comme tous les métiers, prennent conscience de la nécessité d'optimiser les moyens, d'adopter une approche réaliste de leur situation, y compris sociale, et d'être en phase avec l'environnement économique et social que vous connaissez.

M. François Marc, rapporteur général. - Après avoir paru pencher pour l'instauration d'une taxe spécifique sur les sociétés gestionnaires des autoroutes, le Gouvernement semble désormais avoir choisi d'allonger la durée des concessions dont bénéficient ces sociétés moyennant des engagements de leur part en termes d'investissements. Quelles raisons ont conduit à ce choix et pouvez-vous nous apporter des précisions sur l'ampleur des investissements ?

Par ailleurs, j'aimerais connaître les suites que vous entendez donner au rapport d'octobre 2013 du député Arnaud Leroy sur la compétitivité des transports et services maritimes français. Quelles propositions comptez-vous mettre en oeuvre et comment abordez-vous la problématique du transport maritime ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Cela fait plus d'un an que je négocie le plan de relance autoroutier avec les sociétés gestionnaires. Celles-ci voulaient un plan de 12 à 15 milliards d'euros. Mais, bien entendu, nous devions mettre en balance toutes les conséquences d'un tel plan, notamment en termes de durée des concessions. Or j'avais bien en tête les observations critiques formulées par la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2013 sur les relations entre l'État et les concessionnaires.

Finalement, nous avons abouti à un plan global de 3,5 milliards d'euros à la charge des concessionnaires et comprenant un allongement de trois ans de la durée des contrats de concession. Ce plan a été pré-notifié à la Commission européenne. Les intérêts de l'État, en particulier ses intérêts économiques, ont été mon seul guide.

Je souligne que nous avons introduit une clause de partage des travaux à venir car les groupes concessionnaires sont parfois également actifs dans le domaine des travaux publics.

M. Philippe Marini, président. - Ce qui peut créer des situations de conflits d'intérêts...

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Disons qu'il faut éviter tout phénomène de perméabilité entre ces différentes activités... En outre, il importe en soi qu'une partie des travaux puisse être réalisée par des petites et moyennes entreprises qui créeront de l'emploi local.

Quant au projet de taxe spécifique au secteur, il n'est pas abandonné. D'ailleurs, j'ai déjà mis en place un dispositif de ce type en augmentant de 100 millions d'euros, c'est-à-dire de 50 %, la redevance domaniale incombant aux concessionnaires. Cela m'a d'ailleurs valu un contentieux devant le Conseil d'État - à l'issue duquel nous avons ramené à 100 millions d'euros une augmentation que nous souhaitions, au départ, fixer à 200 millions.

De manière générale, ces contrats de concession sont fragiles. Aujourd'hui, ils sont devenus des armes dans la relation liant les concessionnaires à l'État, ce qu'ils n'étaient sans doute pas au moment de leur conclusion - mais nous n'évoluons pas dans un univers toujours philanthropique... La protection des intérêts de l'État n'est peut-être pas idéalement assurée sur tous les plans. Dans ce contexte, j'ai toujours cette protection à l'esprit et je ne souhaite pas trop éloigner le terme des contrats de concession, l'État devant « reprendre la main » dès que cela sera possible. J'ajoute que le respect des règles de la concurrence est suivi de très près par la Commission européenne, les financements du plan de relance ayant, par exemple, fait l'objet d'un examen opération par opération. Enfin, il faut éviter toute répercussion de nos décisions sur les tarifs autoroutiers. Tout cela n'est pas forcément facile à concilier...

Par ailleurs, je considère, comme vous, que le transport maritime constitue un enjeu important, souvent méconnu. J'en profite pour saluer les récentes avancées issues du projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires, dont le Sénat a adopté hier les conclusions de commission mixte paritaire à l'issue de débats d'une grande qualité. Il s'agissait d'un sujet très sensible.

Nous avons devant nous la réforme de la loi du 31 décembre 1992 relative aux approvisionnements stratégiques français qui devrait nous permettre aussi, je l'espère, de débloquer certaines situations et d'améliorer la compétitivité du pavillon français.

En outre, comme je l'ai indiqué dans le plan de relance portuaire, il faudra simplifier les procédures administratives dans les ports français au travers de l'instauration d'un « guichet unique ». Nous aurons également à relever le défi de la modernisation de nos flottes, ce qui devra passer par la mobilisation des investissements d'avenir au vu des enjeux et des coûts dont il est question. Nos principaux armateurs sont concernés.

De même, il faudra absolument que nous adaptions nos infrastructures portuaires, sujet à propos duquel je sensibilise constamment les parlementaires. Le Havre ou La Rochelle constituent des exemples heureux d'évolution, de même que les opérateurs ferroviaires de proximité portuaire. Il y a donc des choses qui marchent mais cela reste insuffisant pour un pays qui dispose du premier littoral européen. Nous donnerons donc des suites au rapport d'Arnaud Leroy mais celui-ci s'inscrit dans la stratégie plus large que je viens de vous exposer.

M. Philippe Marini, président. - Merci pour ces réponses sans langue de bois, en particulier sur les autoroutes.

Mme Marie-France Beaufils. - Je souhaiterais revenir sur l'écotaxe : il me semble que le problème réside dans l'outil choisi pour sa mise en oeuvre. Ecomouv' n'est pas une réussite et c'est là la difficulté aujourd'hui. Je ne comprends pas pourquoi nous n'avons pas pu accepter une mise en oeuvre plus souple, alors que les comparaisons étrangères réalisées il y a maintenant quelques années montraient que nous n'aurions pas eu besoin d'autant de portiques. À vouloir complexifier les choses pour faire en sorte que tout le monde soit bien identifié, c'est une usine à gaz qui a été mise en place.

M. Philippe Marini, président. - Le perfectionnisme...

Mme Marie-France Beaufils. - Je ne suis pas sûre qu'il ne s'agisse que de cela.

En ce qui concerne les concessions autoroutières, ne pensez-vous qu'il serait temps de vraiment réfléchir à une reprise en gestion publique des sociétés de gestion des autoroutes pour les recettes servent vraiment à financer les transports ?

Par ailleurs, nous avons du mal à avancer sur la question du fret ferroviaire ; l'autoroute ferroviaire nord-sud est prévue sur une très grande distance et sans qu'il soit envisagé, pour le moment, de point intermédiaire d'arrêt pour prendre du fret en cours de route. Pourtant, il y a toujours des capacités existantes sur le terrain qui pourraient être mieux prises en compte, grâce une réelle mise en oeuvre de la formule utilisée par la SNCF du « Multi-lots Multi-clients ». Je regrette qu'elle ne vive pas véritablement sur le terrain car une meilleure utilisation du fret ferroviaire permettrait une dégradation moindre du parc autoroutier.

Enfin, pour avoir discuté avec le port de La Rochelle, je crois que nous devrions davantage travailler la relation des ports avec le fret ferroviaire, permettant notamment de desservir les axes est-ouest dont il est peu question. On a trop tendance à penser le réseau en étoile vers Paris et moins à s'intéresser à la déserte transversale qui a pourtant beaucoup d'intérêt.

M. Francis Delattre. - Personne ne vous le dira, monsieur le ministre, mais en région parisienne, il existe déjà deux régions en ce qui concerne les transports : le noyau dur et la grande couronne. Et le nouveau dispositif administratif qui s'annonce renforce nos inquiétudes. Nous ne contestons pas le fait que la région Île-de-France ait la compétence sur les grandes infrastructures (toutes les pénétrantes vers Paris), mais plutôt que le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) ait le monopole des initiatives locales sur le réseau secondaire. Comme maire, je dois attendre deux ans pour obtenir un avis du STIF afin de pouvoir changer un abri d'autobus !

M. Philippe Marini, président. - C'est bizarre. Je n'ai pas du tout envie d'être en Île-de-France !

M. Francis Delattre. - Ce monopole du STIF sur tous les transports franciliens favorise, comme tous les monopoles, les zones où il y a moyens et influence ; or, la grande couronne est en voie de paupérisation !

Il est urgent de demander une meilleure répartition des responsabilités. Les agglomérations devraient pouvoir financer et réaliser leurs projets inter-villes qu'elles connaissent mieux que les hauts fonctionnaires du STIF. En plus, cela permettrait de mutualiser les moyens des agglomérations et de réaliser des aménagements plus légers que les grandes infrastructures.

De plus, la grande couronne construit les logements aujourd'hui et nous devons accompagner la construction de logements de possibilités de déplacements.

Enfin, latéralement, circulairement, il est aujourd'hui impossible de se déplacer entre les agglomérations. Alors que l'aéroport de Roissy est dans le département du Val d'Oise, il n'y a pas, dans les trois quarts du département, de moyen direct pour aller travailler sur la plateforme de Roissy. Ce n'est pas la préoccupation du STIF, mais c'est la nôtre !

Il faut nous redonner les moyens de travailler concrètement sur ces sujets. Non à une région à deux vitesses !

M. Philippe Marini, président. - On va plus vite à Roissy depuis l'Oise, pour une fois !

M. Roger Karoutchi. - Il n'est pas possible de continuer à dire que nous allons faire le plan de rénovation des transports publics en Île-de-France tel qu'il a été voté, ni réaliser le Grand Paris Express tel qu'il a été acté entre les collectivités territoriales et l'État, car le financement n'est pas suffisant.

Je souhaite également dénoncer la supercherie de l'inscription dans le budget 2014 de la région de 200 millions d'euros de crédits pour des opérations de transport en indiquant - c'est d'ailleurs la première fois que je vois ça : des autorisations de programme conditionnelles ! - « sous couvert de l'abondement par l'État de ce qu'il nous doit au titre de son intervention sur le plan de rénovation ». C'était en décembre, nous sommes en juin et l'argent de l'État n'est pas là ! La réalité est simple : vous ne pouvez pas suivre !

De même, pour le Grand Paris Express, jusqu'à présent, la seule contribution de l'État, c'est d'avoir récupéré les fonds de la Société du Grand Paris (SGP) mais il n'y a pas d'apport de l'État.

Je préfère qu'on nous dise que les conditions financières sont telles qu'il faut nous débrouiller. Je rappelle à mes collègues de province que s'il est vrai que le Grand Paris Express coûte 25 milliards d'euros, la contribution de l'État est extrêmement faible et c'est le contribuable francilien qui paye !

Je ne reproche pas à l'État de ne pas avoir d'argent, mais que le Gouvernement décide à notre place : il veut avoir la main sur le tracé, les opérations financières, les coûts, alors qu'il n'apporte plus rien. Nous payons mais vous décidez !

Il faut restituer à l'Île-de-France sa capacité à décider, pour faire en sorte par exemple que le Charles de Gaulle Express ne coûte pas, comme on nous l'a dit il y a quelques jours, 23 euros l'aller. Dans ce cas, il y aura une vraie anomalie entre le RER B, le Charles de Gaulle Express et la capacité des taxis.

Mme Fabienne Keller. - Je cite le rapport de la commission d'enquête présidée par Marie-Hélène Des Esgaulx : « la suspension de l'écotaxe est une décision politique sans aucun fondement juridique ». Aujourd'hui, l'absence de mise en oeuvre de l'écotaxe coûte 60 millions d'euros par mois à l'AFITF et met en difficulté de nombreux projets, dont le Canal Seine Nord. Quels seront le processus et l'échéancier de décisions ?

M. Jacques Chiron. - Les collectivités territoriales, notamment les métropoles, ont beaucoup investi dans le tram, qui coûte cher ; or, il existe une autre manière de développer les transports en commun, beaucoup utilisée dans d'autres pays. Ainsi, nous avons visité ensemble, avec le ministre, une entreprise iséroise appelée POMA, qui propose du transport par câble. Mais notre législation est excessivement complexe et fermée. Or, cette technique est 30 % à 35 % moins chère qu'un tram et surtout qu'un métro et elle a des capacités importantes et se développe à l'étranger. L'État et les collectivités territoriales ont moins d'argent : qu'attendons-nous pour préparer un texte de loi pour développer ces projets ?

M. Philippe Marini, président. - Je reviens un instant sur le Canal Seine Nord : quand est-il prévu de déposer le dossier de demande de financement auprès de l'Union européenne ? Un dépôt au cours de l'année 2014 est-il toujours prévu ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Concernant le dispositif Ecomouv', je fais preuve de beaucoup de modestie. La loi sur l'écotaxe a été votée par le plus grand nombre ; un décret a été publié le 6 mai 2012. Le contrat a été signé fin 2011 - pas par moi - mais il y a bien la signature de l'État. Aurais-je fais la même chose si je m'étais trouvé aux responsabilités ? Je ne vais pas réécrire l'histoire.

La mise en place de l'écotaxe a été sous-tendue par une volonté de rendement budgétaire élevé. Ceci s'est traduit par un dispositif très complexe, peut-être coûteux, certainement très efficace. Peut-être fallait-il être moins ambitieux quant à ce rendement budgétaire et avoir des dispositions et des contrôles plus classiques. Mais peut-être étions-nous aussi dans un contexte où l'acceptabilité était plus grande.

Madame Fabienne Keller, vous dites que la suspension du contrat est une décision politique. Oui, c'est une décision politique, bien sûr. Elle est légitime dès lors qu'elle répond à un problème d'acceptabilité de nos concitoyens. J'ai à l'esprit les critiques de ceux qui étaient à l'origine du dispositif, qui aujourd'hui l'attaquent et le remettent en cause dans son ensemble. Je trouve cela malheureux car nous sommes face à de véritables enjeux : comment accompagne-t-on les collectivités territoriales pour financer les infrastructures ? Comment répond-on à la fois aux enjeux de développement et aux enjeux environnementaux en promouvant le fret ferroviaire, le fluvial, les transports en communs ?

Je suis ici pour tenter de dépassionner ce débat et trouver des solutions. Je goûte assez peu aux joutes partisanes lorsqu'il s'agit d'un enjeu pour le pays dans son ensemble. Nous devons désormais nous donner toutes les chances de réussite pour, demain, relancer l'économie à travers l'investissement dans les infrastructures. Aujourd'hui, nous devons gérer cette situation difficile ; si elle avait été gérée plus tôt nous serions certainement moins en difficulté. Excusez-moi d'avoir des propos fermes, mais, de grâce, essayons de sortir des postures et de trouver des solutions. Peut-être que demain d'autres auront des responsabilités à assumer. Au final, c'est l'intérêt du pays qui compte.

M. Philippe Marini, président. - C'est la continuité de l'État !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - La décision prise par le Premier ministre était justifiée au vu de la situation.

Sur la question du ferroviaire, les chiffres sont éloquents. De plan de relance en plan de relance, nous sommes arrivés à une part modale du fret ferroviaire extrêmement dégradée : de 17 % en 2000 à 10 % aujourd'hui, alors même que l'ambition du Grenelle de l'environnement était d'atteindre 25 %. Par ailleurs, je me souviens des discussions sur le wagon isolé. À l'époque, il était dit que la rationalisation de l'offre de service sur les wagons isolés était une chance pour rééquilibrer le fret ferroviaire.

J'ai choisi une méthode différente. Plutôt que des plans de relance, j'ai mis en place des conférences et des groupes de travail permettant de réunir tous les acteurs - industriels, chambres de commerce et d'industrie, opérateurs - afin d'analyser les besoins et les blocages. Plusieurs conférences du fret ferroviaire se sont déjà tenues ; la prochaine aura lieu en septembre 2014. Je confirme qu'il y a une forte volonté d'agir ensemble. De plus, nous avons stoppé la chute du fret ferroviaire ; il y a même une très légère reprise. Enfin, je rappelle qu'en juillet 2013, dans le cadre des investissements d'avenir, une enveloppe de 120 millions d'euros a été réservée à l'innovation dans l'industrie ferroviaire.

Par ailleurs, les opérateurs de proximité jouent un rôle important, notamment pour l'interface mer-terre. Je citerai par exemple l'initiative du port de La Rochelle et d'un opérateur de proximité. Madame la sénatrice Marie-France Beaufils, à cet égard, je vous invite à voter la réforme ferroviaire car elle contient un volet très important sur les opérateurs de proximité, le fret portuaire ou encore les réseaux capillaires permettant de faciliter la reprise de petites lignes.

Dans le même temps, j'ai lancé - même si je ne m'en attribue pas seul la paternité - les autoroutes ferroviaires, notamment entre la côte Vermeille et la côte d'Opale. Nous allons ainsi sauver les fabricants de wagons de ces lignes, ce qui permettra de conserver plusieurs centaines d'emplois.

Monsieur Francis Delattre, je ne rentrerai pas dans les considérations entre petite et grande couronnes. Le budget du STIF est réparti entre les projets des différentes zones géographiques et des élus, y compris de la grande couronne, sont représentés au sein du STIF.

M. Francis Delattre. - Les élus ne décident rien au sein du STIF !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - On a le pouvoir que l'on se donne. Mon prédécesseur m'avait appris cela.

M. Philippe Marini, président. - Il faut prendre le pouvoir !

M. Francis Delattre. - Ce sont les grands corps qui ont le pouvoir...

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Le STIF est peut-être très difficile à gérer mais un peu d'audace répondrait certainement à votre préoccupation.

M. Francis Delattre. - Le problème est réglementaire. Nous souhaitons que les agglomérations puissent mettre en place de petits projets de transports, tels que des autobus ou des tramways légers.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. - Je me ferai l'écho de votre préoccupation auprès des ministres en charge de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. N'exerçant pas ces responsabilités, je ne peux pas répondre à votre question.

En réponse au sénateur Roger Karoutchi, j'indiquerai que l'État a respecté ses engagements pour les années 2013 (200 millions d'euros) et 2014 (150 millions d'euros). Je renvoie à la décision du Premier ministre dans le cadre du nouveau Grand Paris et au protocole d'accord du 19 juillet 2013. Aujourd'hui, tout est acté, signé et honoré. Qu'il y ait des inquiétudes pour l'avenir, il y en a dans tous les domaines... Pour autant, il n'existe aucun signe qui pourrait être interprété comme un manquement de l'État.

Concernant l'interrogation de la sénatrice Fabienne Keller, je confirme qu'à la décision politique de suspension de l'écotaxe, une réponse politique sera apportée, dans le respect du travail des parlementaires, à la fois de la commission d'enquête sénatoriale et de la mission d'information de l'Assemblée nationale. Vous auriez été fondée à critiquer toute démarche entreprise avant l'achèvement de ces travaux.

Je rejoins le sénateur Jacques Chiron sur le fait que toutes les formes de mobilité doivent être encouragées. Je ne reviens pas sur la nécessité de disposer des financements de l'AFITF. Néanmoins, j'ai souhaité ouvrir les appels à projets à toutes les formes de mobilité, y compris le transport par câble. Les acteurs locaux doivent regarder de plus près cette forme de transport, en particulier dans un contexte budgétaire difficile. Dans bien des endroits, le transport par câble peut être une réponse soit à la saturation de l'existant, soit à une situation géographique particulière. Moi-même, dans ma ville, je connais cette difficulté avec un quartier prioritaire placé en haut d'une falaise.

Au sujet du Canal Seine Nord, à l'origine, une demande de financement par l'Union européenne (UE) à hauteur de seulement 6 % avait été faite, alors que nous aurions pu prétendre à 30 %. Grâce au travail du Président de la République pour obtenir la hausse des crédits européens en faveur des infrastructures, nous avons eu les engagements de la Commission européenne concernant l'éligibilité du Canal Seine-Nord à des cofinancements européens à hauteur de 40 %, mais ce n'est pas suffisant.

J'ai demandé une enquête du Commissariat général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et de l'Inspection générale des finances (IGF), qui a permis d'identifier un certain nombre de difficultés, notamment l'impasse du partenariat public-privé (PPP) sur ce dossier. Il m'a fallu prendre la décision d'abandonner cette voie car le PPP n'était plus adapté compte tenu du contexte économique. J'ai confié au député Rémi Pauvros une mission de reconfiguration du projet ; celui-ci m'a remis son rapport en décembre 2013. Une mission administrative commune du ministère des transports et du ministère des finances est actuellement en cours afin de déterminer les étapes administratives nécessaires pour la mise à jour de la déclaration d'utilité publique. D'ici la fin de l'année 2014, nous déposerons le dossier de demande de financement auprès de la Commission européenne.

Concernant le projet Charles-de-Gaulle (CDG) Express, il s'agit d'avoir une liaison dédiée entre le deuxième aéroport européen et le coeur de la capitale. Par ailleurs, nous mettons déjà beaucoup de moyens, avec la région Île-de-France, en faveur de la rénovation de la ligne de RER B pour les usagers quotidiens. Le prix du billet du futur CDG-Express, fixé à 23 euros, correspond au tarif moyen de ce type de liaison rapide dans les autres capitales européennes. Ce projet n'engagera pas de moyens de l'État ; il s'agit d'un partenariat public-public entre Aéroports de paris (ADP) et Réseau ferré de France (RFF).

M. Francis Delattre. - Nous n'avons rien contre ce projet puisqu'il allègera les autres lignes pour les usagers habituels et permettra aux touristes de mieux voyager. Nous critiquions, dans la première mouture du projet, la liaison directe entre CDG et la Défense, sans arrêt à la gare Saint-Denis-Pleyel. Ceci n'était pas admissible mais, autrement, nous n'avons rien contre les lignes directes.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État- La priorité du Gouvernement est bien de trouver une solution pour les transports du quotidien dans le cadre du Grand Paris Express qui prévoit une ligne La Défense, Saint-Denis, Le Bourget. Mais, dans le même temps, nous devons envisager une infrastructure dédiée pour la desserte de l'aéroport CDG. J'étais d'ailleurs à Roissy hier pour lancer la société d'étude du CDG Express.

M. Francis Delattre. - Certes, mais ce résultat est issu d'une grande bataille !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État- Je vous remercie pour ces échanges. Cette configuration permet notamment de préciser les propos et d'aborder sereinement et de façon pragmatique des enjeux très lourds.

La réunion est levée à 19 h 24