Mercredi 16 avril 2014

- Présidence de M. Serge Larcher, président de la délégation, et de Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication -

Présentation du rapport d'information du groupe de travail sur la situation et l'avenir de l'Université des Antilles et de la Guyane, par Mme Dominique Gillot et M. Michel Magras, co-rapporteurs (réunion conjointe avec la commission de la culture, de l'éduction et de la communication)

Mme Dominique Gillot et M. Michel Magras, co-rapporteurs, ont présenté le rapport d'information du groupe de travail sur la situation et l'avenir de l'Université des Antilles et de la Guyane.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nous entendons aujourd'hui les conclusions du groupe mixte de travail sur l'avenir de l'Université des Antilles et de la Guyane (UAG) mis en place entre la commission de la culture et la délégation sénatoriale l'outre-mer et présidé par M. Thani Mohamed Soilihi. Nos deux co-rapporteurs, Mme Dominique Gillot et M. Michel Magras, ont exploré les défis auxquels notre système d'enseignement supérieur et de recherche est confronté dans des zones aussi stratégiques que la Caraïbe et l'Amérique latine.

Le potentiel est immense : la richesse naturelle de ces territoires offre à nos jeunes, à nos enseignants et à nos scientifiques l'opportunité d'être en prise directe avec des thèmes d'avenir tels que l'écologie forestière, la biodiversité amazonienne et marine, l'épidémiologie tropicale, les énergies décarbonées... Ces atouts exceptionnels nous engagent à être vigilants sur les modalités et les conditions de réussite de la restructuration du système d'enseignement supérieur et de recherche francophone dans cette zone.

Notre commission se réjouit de l'initiative qu'a prise le président de la délégation sénatoriale à l'outre-mer.

M. Serge Larcher, président. - Nous voici réunis, commission de la culture, de l'éducation et de la communication et délégation à l'outre-mer, en formation plénière, pour examiner le rapport de notre groupe de travail commun sur la situation et l'avenir de l'université aux Antilles et en Guyane. Je remercie Mme Marie-Christine Blandin d'avoir accédé à ma demande de travail conjoint sur ce dossier de première importance pour nos départements de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique.

Cette initiative constitue un signal fort en direction de nos territoires, des instances universitaires locales, et surtout de nos étudiants, légitimement inquiets de leur avenir et de la valeur de leurs futurs diplômes. Il est primordial qu'au-delà des contingences gouvernementales la représentation nationale se soit saisie de ce sujet et, en particulier, que la commission de la culture, dont l'enseignement supérieur et la recherche constituent l'une des compétences majeures, ait accepté d'apporter son expertise.

Je remercie également Mme Dominique Gillot pour son investissement dans ce travail, pour la rapidité avec laquelle elle a su appréhender une situation historiquement complexe et pour la bienveillante attention qu'elle a prêtée aux spécificités ultramarines, qu'elle a veillé à conjuguer avec les principes arrêtés par les dernières réformes de l'organisation universitaire nationale.

Je remercie enfin M. Michel Magras, rapporteur, et M. Thani Mohamed Soilihi, président du groupe de travail, qui ont accepté de porter la voix des outre-mer, évitant ainsi tout soupçon de parti pris qui aurait résulté de la désignation de collègues élus des départements directement impliqués.

Tous trois ont mené à bien leurs investigations avec célérité et sans concession. Grâce à leurs efforts, la conclusion prévue pour la mi-mai a pu être avancée d'un mois. Les travaux menés ont été denses et riches ; le rapport du groupe de travail fera date, j'en suis persuadé. Il facilitera, je l'espère, l'adoption de l'ordonnance qui doit être publiée au plus tard le 22 juillet 2014.

M. Thani Mohamed Soilihi, président du groupe de travail sur la situation et l'avenir de l'Université des Antilles et de la Guyane. - L'intitulé de notre mission est vite devenu obsolète : le 11 novembre 2013, un protocole d'accord conclu entre la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'intersyndicale et le collectif étudiant, en présence des élus nationaux et locaux de la Guyane, a consacré l'engagement du gouvernement à créer une université de plein exercice en Guyane, ce qui dressait l'acte de décès de l'UAG, les pôles antillais n'ayant pas été associés à cette évolution.

Notre mission a été décidée à chaud, les bouleversements résultant du départ de la Guyane impactant de plein fouet les pôles antillais. L'initiative en revient à M. Jean-Étienne Antoinette. Serge Larcher, président de notre délégation à l'outre-mer, l'a relayée en sollicitant la collaboration éclairée de la commission de la culture où il a rencontré l'accueil favorable de sa présidente, Mme Marie-Christine Blandin, et de sa rapporteure pour les questions relatives à l'enseignement supérieur, Mme Dominique Gillot.

Institué le 11 décembre 2013, notre groupe de travail a progressé à marche forcée pour tenir compte de l'urgence. Il s'agissait de tracer des perspectives d'avenir pour sortir le plus vite possible de la confusion, pour ne pas dire du chaos. La situation est en effet préoccupante. En deux mois et demi, nous avons tenu une quarantaine de réunions, soit 50 heures d'échange, avec près de 120 interlocuteurs, y compris une visioconférence la semaine dernière pour un dernier tour de table avec le pôle guyanais. Le déplacement effectué fin janvier dans les trois départements concernés, concentré sur 4 jours, n'a pas été une promenade de santé : nous y avons tenu les trois quarts de ces auditions. Je remercie nos collègues sénateurs de ces départements de l'accueil qu'ils nous y ont réservé et de leur aide précieuse dans l'organisation de plusieurs rendez-vous passionnants.

Je remercie nos deux rapporteurs pour l'excellent état d'esprit qui a présidé au déroulement de notre mission, pour leur qualité d'écoute et pour l'intensité de leur investissement dans ce dossier à la fois complexe et sensible. Je crois que la mission sénatoriale a été bien perçue localement et que nos conclusions sont attendues avec intérêt.

M. Michel Magras, rapporteur. - Après des années de dysfonctionnements, sur fond de grave malaise identitaire, une ultime secousse, à la rentrée 2013, a provoqué la fracture de l'édifice universitaire tripolaire des Antilles et de la Guyane, mettant fin à une union de trente ans. La scission du pôle guyanais fut consommée en deux mois à peine, dans un contexte où les perspectives d'évolution institutionnelle et les rivalités politiques locales ont eu un effet catalyseur et ont conduit à un emballement des événements.

L'UAG, c'est l'histoire d'un ménage à trois à bout de souffle. Un embryon d'enseignement supérieur émerge d'abord en Martinique à la fin du dix-neuvième siècle avec la création d'une école préparatoire de droit rattachée à la faculté de Bordeaux, devenue en 1948, lors de la départementalisation, l'Institut Vizioz, du nom du doyen de la faculté de Bordeaux. À la fin des années 1960, deux branches d'enseignement supérieur se développent dans les Antilles, les sciences en Martinique et les lettres en Guadeloupe. En décembre 1970, est créé le centre universitaire des Antilles et de la Guyane (CUAG), doté de l'autonomie financière mais toujours rattaché pédagogiquement à la faculté de Bordeaux.

Les Antilles-Guyane émergent comme une zone de cohérence éducative et universitaire propre avec la création de l'académie Antilles-Guyane en 1973, qui met fin au rattachement historique, au moins sur le plan de la politique scolaire, à l'académie de Bordeaux. Le CUAG est finalement transformé en université de plein exercice à compter d'octobre 1982. Sous l'impulsion de son premier président, les implantations scientifiques et littéraires sont interverties : la Martinique se spécialise dans les domaines des sciences humaines et sociales, en particulier le droit et l'économie, la Guadeloupe dans les sciences exactes et naturelles. Dans le même temps, les formations technologiques courtes se développent en Guyane. L'ombre des rivalités entre territoires plane de façon continue sur le processus de construction de l'enseignement supérieur dans la zone : alors que le rectorat des Antilles-Guyane est installé en Martinique, la Guadeloupe obtient le siège de l'université.

Dès le milieu des années 1980, la spécialisation pédagogique et fonctionnelle de l'UAG est sérieusement mise à mal par un mouvement continu de duplication des formations et des composantes sur l'ensemble des territoires, au nom de l'exigence de proximité de l'offre d'enseignement supérieur. Le coût et la complexité de la mobilité des étudiants entre les trois départements incitent également au développement d'une offre universitaire de plus en plus pluridisciplinaire sur chaque territoire.

La Guyane ne pèse alors que très peu dans le processus décisionnel central du centre universitaire. Face à la rivalité ancienne entre la Martinique et la Guadeloupe elle a du mal à jouer un rôle dans les décisions stratégiques d'un établissement qui se veut, pourtant, tripolaire. Ni le CUAG ni l'UAG n'ont eu, à aucun moment de leur histoire, un président directement issu du pôle guyanais. L'enseignement supérieur antillo-guyanais a ainsi été dirigé pendant près de 19 ans par des universitaires martiniquais et pendant 23 ans par des universitaires guadeloupéens. Depuis 2006, l'alternance d'usage entre présidents guadeloupéens et martiniquais n'est plus respectée, trois universitaires originaires de la Martinique s'étant succédé à la présidence.

Il en résulte en Guyane un fort sentiment d'injustice consécutif à la non-prise en compte des attentes spécifiques de la communauté universitaire du pôle guyanais, en particulier sur la répartition des emplois, le fonctionnement des services communs et la qualité des services étudiants comme le sport ou la restauration universitaires. De plus, plusieurs de nos interlocuteurs ont dénoncé les comportements sectaires de certaines facultés ou laboratoires et les efforts répétés de quelques responsables de composantes pour entraver toute tentative de la présidence de l'UAG de procéder à des redéploiements d'emplois en faveur du pôle guyanais ou de composantes en voie de développement.

L'ordonnance du 31 janvier 2008, prise en application de la loi LRU, a adapté la gouvernance de l'établissement à son organisation tripolaire afin que l'UAG puisse résister aux forces centrifuges et pour garantir un mode de fonctionnement conciliant respect des identités territoriales et unité autour d'un projet stratégique partagé. Cette ordonnance prévoyait une égale répartition des sièges entre les trois régions, indépendamment du nombre de leurs étudiants et du poids de la recherche sur leur territoire respectif ; un vice-président de pôle devait être désigné au titre de chaque région. Pour favoriser une gestion à la fois déconcentrée et décentralisée, le président de l'université pouvait déléguer sa signature au vice-président de chaque pôle universitaire régional (PUR), notamment pour l'ordonnancement des recettes et des dépenses du pôle.

Toutefois, les statuts de l'université de 2009 n'ont pas exploité toutes les possibilités de gestion déconcentrée offertes par l'ordonnance de 2008. Les vice-présidents de pôle sont restés cantonnés à un rôle purement consultatif, animant la concertation et la vie du pôle et y représentant le président. En pratique, les délégations de signature octroyées par le président de l'université aux vice-présidents de pôle ont essentiellement porté sur la gestion de crédits d'intendance et n'ont pas été utilisées pour alléger les procédures de gestion. Dès lors, les pôles ont été écartés du traitement des questions stratégiques.

L'enseignement supérieur en Guyane connaît à l'évidence une véritable crise d'identité et de croissance. Malgré une population active jeune et en forte expansion, le potentiel de développement économique de la Guyane est lourdement entravé par le manque de qualification de sa population. Les chiffres sont préoccupants : seuls 37 % d'une classe d'âge terminent leurs études secondaires en Guyane, contre 70 % en France métropolitaine, et 53 % des jeunes entre 25 et 34 ans n'ont aucun diplôme, contre 19 % en France métropolitaine. Seuls 10 % des jeunes d'une classe d'âge sont titulaires du baccalauréat en Guyane, 4 % atteignent le niveau bac + 2 et 3 % le niveau bac + 4. La mobilité des étudiants entre le pôle guyanais et les pôles antillais pâtit de coûts de déplacement et d'installation rédhibitoires, ce qui incite les familles à envoyer leurs enfants poursuivre des études supérieures en métropole : la dépense globale est équivalente, voire moindre si elles s'appuient sur le dispositif du passeport mobilité.

Des déséquilibres persistent dans la répartition des moyens entre pôles, au détriment de la Guyane. Le pôle guyanais se caractérise, en particulier, par un sous-encadrement pédagogique et administratif en termes qualitatifs. La structure du personnel enseignant dans le PUR de la Guyane est particulièrement déséquilibrée, avec seulement neuf professeurs des universités, selon le dernier recensement effectué par l'administration provisoire, et une forte proportion d'enseignants du second degré et de vacataires. La prévalence des enseignants vacataires pour certaines disciplines pose la question de la continuité des enseignements. Les enseignants du second degré sont sollicités de façon beaucoup plus significative en Guyane que dans les Antilles. Cette situation est particulièrement pénalisante pour la consolidation des capacités de recherche du pôle guyanais.

Le positionnement géographique distinct des trois départements français d'Amérique a conduit au sentiment d'une divergence qui ne cesse de se creuser entre les Antilles, historiquement tournées vers la Caraïbe, et la Guyane, dont l'affirmation identitaire repose sur un ancrage amazonien et sud-américain. À des stratégies de développement distinctes, il faut également ajouter des évolutions institutionnelles divergentes qui, en redéfinissant les équilibres entre collectivités territoriales, risquent d'accentuer les rivalités entre les trois pôles de l'UAG : la Martinique et la Guyane deviendront en 2015 des collectivités uniques, ce qui n'est pas le cas de la Guadeloupe.

L'histoire de l'UAG est jalonnée de mouvements sécessionnistes et de crises. La scission de l'académie des Antilles et de la Guyane en trois rectorats, effective en 1997, a débouché sur un climat d'instabilité chronique qui a perduré tout au long de la première décennie des années 2000.

Les revendications des étudiants et des syndicats au début de la crise d'octobre 2013 en Guyane étaient concrètes, relatives à l'offre de formation et aux conditions de vie étudiante, et ceux-ci dénonçaient publiquement les malversations et coteries minant le fonctionnement universitaire et générant un climat délétère sur le campus. La création d'une université de plein exercice en Guyane était absente des revendications initiales de l'intersyndicale et du collectif étudiant. Des éléments contextuels ont manifestement contribué à dramatiser la crise et à en précipiter la gestion : la proximité d'une visite du président de la République prévue pour le 13 décembre 2013, le contexte de préparation de la campagne des municipales de 2014 et la perspective de la mise en place de la collectivité unique en 2015 ont, de toute évidence, créé les conditions d'un climat politique propice à un emballement des revendications.

À l'issue d'une négociation qui ignore les Antilles et dont la présidence de l'UAG semble avoir été mise à l'écart, un protocole d'accord de fin de conflit est finalement signé, le 11 novembre 2013, entre l'intersyndicale, le collectif des étudiants guyanais et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, représentée par le préfet de la région Guyane et le recteur de l'académie de Guyane. Ce protocole, contresigné par l'ensemble des élus locaux et nationaux du territoire, met un terme à cinq semaines de blocage sur le PUR de la Guyane. Il valide le principe de la création d'une Université de la Guyane de plein exercice et consacre l'engagement du ministère à attribuer à la Guyane 40 à 60 emplois supplémentaires sur trois ans à partir de 2013.

Comme chaque fois ou presque dans les crises qui éclatent outre-mer, les autorités ont attendu pour réagir le moment ultime, au point de devoir trancher dans le vif, causant, faute d'évaluation préalable, des dégâts collatéraux. Malgré les multiples audits de la Cour des comptes et de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) réalisés au cours de la dernière décennie, qui auraient dû susciter la prise de conscience nécessaire et des mesures énergiques, les premiers signaux annonciateurs du séisme, n'ont pas conduit les pouvoirs publics à anticiper la gravité de la situation. Et, par la suite, la gestion de la crise a révélé une absence de maîtrise de la situation : les Antilles, laissées à l'écart des tractations sur l'éclatement de l'UAG, ont été à leur tour touchées par l'onde de choc.

Dans une confusion extrême alimentée par l'absence de perspectives globales, les tensions se sont exacerbées. Elles sont aujourd'hui encore extrêmement vives, et la présidence de l'université, en dépit d'efforts remarquables, tout comme l'administration provisoire du pôle guyanais, éprouvent les plus grandes difficultés à assurer un fonctionnement minimal.

Mme Dominique Gillot, rapporteure. - La construction d'un système d'enseignement supérieur et de recherche performant et à fort rayonnement international dans la zone des Antilles et de la Guyane exige de mettre un terme dans les meilleurs délais aux dysfonctionnements graves dénoncés par les deux derniers contrôles de la Cour des comptes couvrant la période 1999-2010 et les rapports d'audit de l'IGAENR de 2007 et 2010.

Il faut d'abord, en finir avec toutes les formes de déstabilisation de la gouvernance et de l'administration. À cet égard, la gestion d'un laboratoire de recherche installé en Martinique, le Centre d'études et de recherche en économie, gestion, modélisation et informatique appliquée (CEREGMIA), fait depuis longtemps l'objet de critiques sévères. Il est urgent de sanctionner les responsables d'une gestion dans laquelle un grand nombre d'irrégularités ont été révélées et de mettre fin à un système longtemps et plusieurs fois dénoncé mais qui a perduré en toute impunité. Le 7 avril 2014, une information judiciaire a d'ailleurs enfin été ouverte contre X pour favoritisme, escroquerie en bande organisée au préjudice de l'Union européenne et violation des règles des marchés publics.

Nous avons constaté un court-circuitage systématique des instances dirigeantes centrales de l'UAG dans les procédures de contrôle concernant la gestion des subventions européennes perçues par le CEREGMIA. Ces contournements à répétition sont manifestement le fait d'une méthode, vieille de plusieurs décennies, de dialogue direct entretenu par le directeur du CEREGMIA avec les partenaires du laboratoire qui, si elle n'est pas critiquable en soi, l'a conduit de façon quasi systématique à se dispenser de toute information de la présidence de l'UAG, à plus forte raison de toute validation auprès d'elle, avec la complaisance, sinon la complicité d'une partie des services chargés d'exercer les contrôles.

On peut s'étonner des retards pris par les services de l'État dans la mise en oeuvre de contrôles administratifs sur la gestion des fonds européens consentis au CEREGMIA, alors que des soupçons sérieux avaient été soulevés dès la fin des années 1990 sur les dysfonctionnements et les irrégularités de gestion au sein de ce laboratoire. Plusieurs responsables universitaires antillais ont dénoncé les défaillances des services de l'État et des services territoriaux chargés de l'instruction et du contrôle d'exécution des projets financés sur fonds européens. Il est grand temps de sanctionner des individus qui ont assis leur autorité sur l'intimidation et le mépris de la légalité.

Nous proposons de prendre les sanctions disciplinaires et administratives qui s'imposent et de faire cesser le climat délétère et les intimidations exercées par des responsables de composantes, qui défendent des comportements sectaires et remettent systématiquement en cause l'autorité des instances centrales de l'université, comme celle de l'État.

L'actuelle présidente de l'UAG, qui, malgré les nombreuses intimidations, s'attache à renverser un système organisé illicite de préservation d'intérêts privés, mérite d'être encouragée et accompagnée dans la poursuite de ses efforts de rétablissement des principes fondamentaux de l'État de droit dans la gestion de l'université. Le déferlement d'attaques personnelles dont elle fait l'objet nous a profondément choqués.

Nous proposons en conséquence d'aider l'équipe de direction de l'UAG à assainir et à rendre plus transparentes les procédures de gestion, notamment par une expertise de l'IGAENR et un appui de l'Agence de mutualisation des universités et des établissements (AMUE), et de mettre en place une charte de déontologie applicable aux responsables des services, des composantes et aux personnels enseignants en matière de contrôle du cumul d'activités et de déclarations d'intérêts.

L'accent doit ensuite être mis sur la mise en place d'une gestion prospective et d'un pilotage pluriannuel en matière de ressources humaines, de scolarité et de politique immobilière, grâce au développement d'outils de pilotage et de suivi conçus en partenariat avec l'AMUE, voire avec le soutien ponctuel de la conférence des présidents d'université (CPU) ou de la direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (DGESIP) du ministère.

Aussi l'une de notre propositions consiste-t-elle à refonder l'organisation comptable et financière, par la mise en place d'une comptabilité analytique, ou au moins d'un contrôle de gestion - le développement de systèmes d'information interfacés consolide les données et les rend plus fiables - et à renforcer la transparence et le suivi des procédures de gestion des heures complémentaires et de politique indemnitaire. La Cour des comptes comme l'IGAENR ont relevé que les conditions de suivi et d'exercice de la tutelle par les services de l'État sur l'UAG gagneraient à être clarifiées et renforcées. L'UAG étant implantée sur le territoire de trois académies, les trois recteurs sont chanceliers de la même université. Cette organisation est source de difficultés, relevées régulièrement par les recteurs eux-mêmes.

Pour clarifier les modalités des contrôles budgétaire et de légalité, nous proposons de prévoir dans la future ordonnance que le recteur de la Guadeloupe exercera l'ensemble des fonctions de chancelier pour ce qui devrait devenir l'Université des Antilles et que le recteur de la Martinique sera désigné vice-chancelier disposant de compétences d'attribution sur le contrôle du pôle martiniquais de l'université.

Le réalisme budgétaire est l'un des premiers principes à prendre en compte dans la réflexion. Le contexte de contrainte budgétaire impose de prévenir la démultiplication des coûts. Tous les acteurs, aussi bien dans les Antilles qu'en Guyane, ont désormais conscience que l'attractivité d'une université, qui détermine la crédibilité et la valeur de ses diplômes en France et à l'international, repose en partie sur sa taille.

Il est parfaitement légitime qu'une université assume la fonction de locomotive du progrès social, culturel et économique du territoire dans lequel elle est implantée en garantissant une offre d'enseignement supérieur et de recherche de proximité. Toutefois, sa capacité à rayonner aux niveaux national et international est conditionnée par la mise en place de projets de formation et de recherche innovants, atteignant une masse critique conforme aux standards internationaux.

Il s'agit de ne pas être à rebours de la dynamique actuelle de l'écosystème universitaire. La logique de regroupements universitaires observée dans l'hexagone est aussi à l'oeuvre à l'étranger et l'exemple de l'Université des Indes occidentales (University of the West Indies, UWI) est, à cet égard, particulièrement instructif. Fondée en 1948, l'UWI consiste en une vaste fédération d'établissements d'enseignement supérieur publics qui se déploie sur 16 pays et territoires anglophones de la Caraïbe et revendique près de 50 500 inscriptions en 2011-2012. En 1963, le Guyana s'est retiré de l'UWI, en estimant que l'institution ne proposait pas de services d'enseignement adaptés aux besoins de sa population. Si l'Université du Guyana accueille environ 5 000 étudiants, elle a du mal à s'insérer dans le paysage universitaire international, à la différence l'UWI.

Nous proposons d'élaborer sur chaque territoire un schéma directeur de l'enseignement supérieur et de la recherche, sous l'égide de la région ou de la future collectivité unique, à partir d'une large concertation de l'ensemble des partenaires concernés organisée dans le cadre d'un comité de liaison. Ce schéma directeur comportera un projet de carte territoriale des formations universitaires, en particulier pour les parcours professionnalisants courts et les formations de premier cycle, après identification des secteurs d'activité créateurs d'emploi et des besoins de qualifications correspondants. Le comité de liaison, présidé par le président de région ou de la collectivité unique, réunirait les responsables de l'université dans le territoire - présidence d'université ou de pôle et directeurs de composantes - les représentants des organismes de recherche, l'État, les collectivités territoriales et les représentants des organisations professionnelles, consulaires et syndicales.

Le schéma institutionnel mis en oeuvre dans chacune des trois régions doit concilier développement des territoires et rayonnement universitaire et scientifique. Nous avons examiné les différents schémas d'évolution institutionnelle de l'UAG sur la base d'un cahier des charges comportant plusieurs éléments incontournables. Le système universitaire doit être mis en adéquation avec la réalité géopolitique et offrir aux territoires une capacité d'insertion et de rayonnement dans leur environnement régional. L'université doit voir consolidé son rôle d'outil majeur de la stratégie de développement territorial ; pour cela, les conditions de l'autonomie universitaire doivent être réunies dans chaque région pour qu'une carte des formations adaptées à ses besoins économiques, sociaux et culturels soit appliquée. Le schéma universitaire doit rester visible et lisible afin de garantir le potentiel de recherche et la reconnaissance internationale des diplômes. Des coopérations et mutualisations doivent être mises en place entre régions afin d'optimiser, dans un cadre budgétaire contraint, leurs missions et compétences. Des pôles d'excellence doivent être développés en cohérence avec le développement régional. Il faut renforcer les partenariats de financement dans le strict respect de l'autonomie des universités, en favorisant un investissement plus ample des collectivités territoriales et des entreprises dans le financement de projets de formation ou de recherche, en fonction de priorités stratégiques définies collectivement. Des parcours de réussite ambitieux et innovants, limités dans le temps ou pérennes, doivent être offerts à de jeunes professeurs ou chercheurs. Il faut développer les partenariats internationaux. Le contrôle de l'attribution et du suivi d'exécution des fonds européens doit être renforcé.

Après avoir défini trois schémas possibles d'évolution institutionnelle du système d'enseignement supérieur et de recherche de la zone des Antilles et de la Guyane, nous avons retenu le scénario susceptible de répondre le mieux aux exigences de ce cahier des charges.

Nous proposons de créer une Université des Antilles (UA), à caractère pluri-territorial, constituée par deux pôles, guadeloupéen et martiniquais, dont l'autonomie pédagogique et de gestion serait renforcée et sanctuarisée, notamment pour les formations de premier cycle, dans le cadre de l'ordonnance de juillet 2014. La légitimité d'une UA ne peut être acceptée qu'à la condition d'accorder à chacun de ses pôles constitutifs une véritable autonomie en matière pédagogique, dans son fonctionnement et sa gestion. Au sein de chaque pôle universitaire régional (PUR) doit ainsi être institué un conseil de pôle doté de compétences importantes.

Il reviendra au conseil de pôle de définir la stratégie de développement, dans le respect du contrat d'établissement liant l'Université des Antilles (UA) à l'État. Il devra négocier avec la présidence de l'UA et approuver un contrat d'objectifs et de moyens (COM). Il proposera, après avis du conseil académique de pôle, une répartition des crédits et des emplois entre composantes et services, sous réserve du respect du cadre stratégique défini par le contrat d'établissement et le COM du pôle. Il définira la carte de formations du pôle pour le premier cycle. Un cahier des charges pour l'ouverture des formations aura été préalablement adopté par le conseil d'administration de l'UA. Le conseil de pôle répartira les moyens entre les composantes du pôle pour les formations de premier cycle, conformément au contrat d'établissement liant l'Université des Antilles à l'État et au COM. Il décidera de l'ouverture et de la publication des postes correspondant aux formations de premier cycle dispensées sur le pôle, dans le respect des plafonds d'emplois prévus par le COM.

Le conseil de pôle devra comprendre des membres du conseil d'administration de l'université élus et nommés au titre de la région dans laquelle est implanté le pôle et des responsables des composantes ayant leur siège dans le pôle, dans des conditions définies par les statuts de l'université.

L'autonomie des pôles ne pourra s'exercer que dans un cadre conforme au contrat d'établissement liant l'UA à l'État. C'est pourquoi ce contrat d'établissement devra être négocié en tenant compte des orientations stratégiques de développement de chaque pôle, après consultation des conseils de pôle et des conseils académiques de pôle. Dans ces conditions, le contrat d'établissement comprendra, d'une part, un volet commun correspondant au projet stratégique de l'ensemble de l'établissement et, d'autre part, des volets spécifiques correspondant aux orientations stratégiques de développement propres à chacun des deux pôles universitaires régionaux. En fonction des orientations et des plafonds fixés par ces différents volets, chaque conseil de pôle conclura un COM de pôle avec le conseil d'administration de l'UA pour la durée d'exécution du contrat d'établissement.

Le président de chaque conseil de pôle aura des prérogatives en matière de gestion déconcentrée et décentralisée du pôle, notamment pour les affectations sur le pôle, la sécurité des personnes et des locaux et l'ordonnancement des recettes et des dépenses. Un conseil académique de pôle sera compétent pour l'organisation des comités de sélection chargés d'examiner les candidatures pour les postes ouverts et publiés par le conseil de pôle. Il sera également consulté sur la stratégie du pôle dans le cadre de la négociation du COM de pôle avec le conseil d'administration de l'UA.

Le conseil d'administration de l'UA demeurera compétent pour définir une trajectoire financière et une cohérence stratégique communes aux deux pôles et pour contractualiser avec eux dans le cadre des COM de pôle pour la répartition des moyens - dans le respect des orientations et des plafonds fixés par le contrat d'établissement conclu avec l'État et ses volets spécifiques pour les pôles -, mais aussi pour contractualiser avec l'État. Il obtiendra les habilitations pour les formations de tous niveaux régulièrement créées par les pôles sur la base d'un cahier des charges. Il coordonnera la mutualisation entre pôles de services communs et de composantes, en particulier pour les deuxième et troisième cycles. Il définira une politique de coopération avec les institutions nationales et internationales d'enseignement supérieur et de recherche.

Pour le financement de la déconcentration de gestion au profit des pôles, des redéploiements au sein des moyens globaux de l'université devront être envisagés. L'enveloppe globale consentie à l'administration de l'université sera déterminée en tenant compte de la nécessité de redéployer en faveur de la Martinique des moyens destinés à créer une véritable administration opérationnelle sur chaque pôle. Le recours à l'ordonnance afin de définir l'étendue des prérogatives des pôles en matière de gestion déconcentrée et décentralisée semble donc incontournable.

Il est, enfin, souhaitable de fixer une règle d'alternance concernant la présidence de l'Université des Antilles. Nous proposons de prévoir dans l'ordonnance que l'UA ne peut être présidée par une ou plusieurs personnes issues d'un même pôle que dans la limite de mandats successifs d'une durée totale maximale de huit ans, afin de garantir l'alternance au niveau de la présidence de l'UA. Compte tenu des prérogatives importantes reconnues au président du conseil de pôle selon le schéma proposé, il convient de garantir une communauté de vues entre le président de l'université et chacun des présidents de pôle, d'où la proposition que la désignation du président de l'université et celle des deux présidents de pôle fassent l'objet d'un seul et même vote par le conseil d'administration. Il reviendra à chaque candidat au poste de président de l'université de présenter également au conseil d'administration deux personnalités chargées d'assurer les fonctions de président de pôle, choisies parmi les représentants élus des enseignants-chercheurs au titre de chacune des deux régions. Le conseil d'administration se prononcera par un seul vote sur ce ticket de trois candidats, qui auront démontré au préalable la cohérence entre le projet global d'établissement porté par le président de l'université et les stratégies de développement de pôle défendues par les présidents de pôle.

L'impérieuse nécessité pour les pôles d'élaborer une carte des formations de premier cycle en adéquation avec les besoins d'emploi et les perspectives d'insertion professionnelle identifiés sur le territoire suppose enfin la mise en place, au niveau de chaque composante du pôle, d'un conseil de perfectionnement des formations.

M. Michel Magras, rapporteur. - Conformément à la volonté exprimée unanimement par les représentants des collectivités territoriales des trois régions et très largement majoritaire au sein des communautés universitaires concernées, il est impératif d'organiser un système de coopération étroite entre l'UA et l'Université de la Guyane (UG) afin de systématiser les collaborations et les mutualisations pour les deuxième et troisième cycles et, ainsi, de promouvoir des politiques de recherche ambitieuses et de portée internationale. Les modalités de regroupements de la loi dite Fioraso semblent peu adaptées au contexte de restructuration profonde du système d'enseignement supérieur et de recherche aux Antilles et en Guyane : les deux nouvelles entités ne seront pas prêtes à créer dans l'immédiat une communauté d'universités et établissements (COMUE), car la création d'un tel établissement serait perçue comme une réminiscence de l'UAG. Quant à la coopération par voie associative, la réforme de juillet 2013 ne l'envisage que si une université, parmi les partenaires, était désignée chef de file dans la négociation contractuelle avec l'État.

C'est pourquoi nous vous proposons de prévoir dans l'ordonnance, par dérogation à l'article L. 718-16 du code de l'éducation, un mode d'association original inspiré du groupement d'intérêt public, sans personnalité morale, assurant une coopération équilibrée entre l'UA et l'UG pour mettre en oeuvre de politiques communes en matière de formation et de recherche et de partenariats avec les universités métropolitaines et étrangères.

Des mutualisations doivent impérativement être maintenues dans un cadre associatif, dans l'attente de la conclusion de la convention d'association que nous avons proposée, par le biais de conventions transitoires entre l'UA et l'UG dans quatre domaines : la documentation, les études médicales, les études de STAPS et l'école doctorale. Il est également indispensable de développer une politique de coopération internationale cohérente avec les institutions partenaires des zones caribéenne, latino-américaine, nord-américaine et d'Europe, notamment par l'augmentation du nombre de professeurs associés ou invités et par le développement de doubles diplômes et de cursus en langues étrangères : c'est l'objet d'une de nos propositions.

La mobilité des étudiants des établissements d'enseignement supérieur présents dans les zones Caraïbe et Amérique du Sud doit être fortement encouragée par la mise en place de partenariats d'accueil et d'échanges qui pourraient prendre la forme d'un Erasmus caribéen et latino-américain.

Il convient de fonder l'UG sur des bases solides. Celle-ci a peu de chances de fonctionner de façon optimale sans une mutualisation des forces et des collaborations avec les pôles antillais, les universités hexagonales et étrangères et les organismes de recherche. La montée en puissance de la qualité de l'enseignement et de la recherche suppose la mise en place de mécanismes de détachements et de mises à disposition temporaires au bénéfice de la Guyane d'enseignants-chercheurs et de scientifiques des établissements de la métropole. Voilà pourquoi nous proposons de mettre en place un dispositif, cofinancé par l'État et les collectivités territoriales de la Guyane, d'incitation au déploiement d'un mécanisme de détachement et de mise à disposition temporaire auprès de l'UG d'enseignants-chercheurs d'universités métropolitaines.

L'UG devra dans un premier temps se consacrer prioritairement à la qualité de son premier cycle universitaire et de ses formations professionnalisantes courtes, de niveau bac + 2, comme le DUT ou le BTS. Nous proposons de créer prioritairement au sein de l'UG un bureau d'aide à l'insertion professionnelle, en s'appuyant sur le réseau national inter-BAIP, et des conseils de perfectionnement des formations au niveau de ses composantes.

Le développement de l'enseignement numérique et à distance est incontournable en Guyane pour faciliter la remise à niveau des jeunes et la mise en place de cursus à bac + 2 et bac + 3, le cas échéant en mettant au point des cursus mêlant virtuel et présentiel, sollicitant les maîtres de conférences pour l'enseignement dispensé en présentiel, et s'appuyant sur le programme France Université Numérique pour le virtuel.

La restructuration de la politique de recherche en Guyane et le renforcement des collaborations avec les organismes de recherche autour de spécialités comme la biodiversité, l'environnement et la santé doivent s'appuyer sur le groupement d'intérêt scientifique IRISTA (Initiative pour la recherche interdisciplinaire sur les systèmes et territoires amazoniens), le campus international de Montabo à Cayenne, le labex CEBA sur la recherche en maladies tropicales et l'unité mixte de recherche ECOFOG sur l'écologie forestière.

Aussi bien pour l'UG que pour l'UA, la phase transitoire doit être la plus courte possible. L'absence de visibilité à court et moyen termes, causée par le départ précipité de la Guyane, ne permet toujours pas aux actuelles instances dirigeantes de l'UAG de préparer les négociations avec l'État sur le prochain contrat quinquennal d'établissement dans des conditions sereines. C'est pourquoi nous proposons de procéder à la création effective de l'UG et de l'UA dès la rentrée universitaire de 2014.

Pour évaluer les forces et les faiblesses des fonctions support du site guyanais comme des deux pôles antillais, il semble indispensable que les instances dirigeantes des pôles antillais et de la future UG sollicitent le soutien et l'expertise de partenaires expérimentés, comme l'IGAENR, la CPU et l'AMUE, par des mises à disposition et l'organisation de séminaires de formation. .

Mme Dominique Gillot, rapporteure. - La création d'une Université des Antilles pose la question des instances chargées d'assurer sa gouvernance jusqu'à l'organisation de nouvelles élections universitaires. Entre le décret de création par décret et l'élection de ses nouvelles instances de gouvernance, l'UA pourrait être administrée par une assemblée constitutive provisoire, composée des membres élus des conseils consultatifs des deux pôles antillais, chargée d'élaborer et d'adopter ses statuts et d'exercer à l'égard des personnels les compétences attribuées au conseil d'administration.

Par analogie avec ce que prévoit le projet de décret pour la Guyane, la phase transitoire devrait ne pas excéder un an pour l'installation des nouveaux organes de gouvernance et la définition des statuts du nouvel établissement. Nous préconisons de maintenir l'actuelle présidente de l'UAG, Mme Corinne Mencé-Caster, qui a déjà été officiellement chargée par le ministère d'organiser une large concertation des responsables de pôle, des représentants des organisations syndicales et des représentants des organisations étudiantes sur l'avenir institutionnel des pôles antillais.

Il importe en outre de donner à la Guyane les moyens d'assurer la transition vers une université de plein exercice dans les meilleures conditions possibles. À l'évidence, le PUR de la Guyane ne peut, à l'heure actuelle, assumer les responsabilités et compétences élargies dans le cadre d'une université pleinement autonome sur le plan de la gestion budgétaire et des ressources humaines. C'est pourquoi nous proposons la conclusion de partenariats avec l'AMUE et des établissements d'enseignement supérieur métropolitains pour le détachement de personnels expérimentés et la mise en place de systèmes d'information opérationnels et garantissant l'interopérabilité des données au sein des universités de la Guyane et des Antilles.

Enfin, le seul moyen que les décisions des instances de gouvernance des composantes du pôle guyanais soient inattaquables consiste à définir une feuille de route et une ligne de conduite claires et respectueuses du cadre légal. Il revient au recteur de veiller au strict respect de la légalité dans le fonctionnement des instances de gouvernance des composantes du pôle guyanais. La nécessaire démarche de réconciliation à opérer au sein de la communauté universitaire guyanaise suppose de traiter l'ensemble des acteurs sur un pied d'égalité, aucune exception au respect du cadre légal ne devant être aménagée sous l'effet de pressions.

La transparence doit également constituer le maître mot de l'organisation de la réflexion sur l'avenir institutionnel de l'UAG. Afin de ne pas reproduire la précipitation qui a présidé à la création de l'UG, la réflexion doit être menée dans la sérénité et la plus grande transparence. Dans cette logique, il convient d'apporter à la présidence de l'UAG l'accompagnement et le soutien effectifs des rectorats et des préfectures de Guadeloupe et Martinique afin de mettre en place dans les plus brefs délais le processus de consultation de la communauté universitaire requis par le ministère.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Partis d'une situation ponctuelle de crise en Guyane, vous aboutissez à une réflexion beaucoup plus large ! Votre tandem est impressionnant, et le gouvernement aurait intérêt à prendre appui sur lui. Sans langue de bois, votre analyse et vos propositions concrètes nous éclairent considérablement. Un cabinet d'audit, pour le même travail, aurait coûté fort cher...

M. Jacques Legendre. - J'ai lu ce rapport, il en vaut la peine. On a l'impression qu'il y a deux problématiques différentes. Il y a celle des relations entre les trois pôles universitaires, qui sont marquées par le sentiment guyanais d'être négligé, ce qui n'est pas sans rappeler ce que nous pouvons connaître dans certaines universités multipolaires de nos territoires en métropole, où un pôle peut se sentir maltraité par les autres... Et il y a la question des dysfonctionnements mettant en cause des personnes, et dont l'analyse révèle des moeurs que personne ne souhaite voir à l'oeuvre dans un département universitaire. Puisque le Parlement est saisi, les déviations mises en lumière par ce rapport doivent connaître la suite administrative ou judiciaire qu'elles méritent et ne pas se reproduire.

La création d'une université en Guyane doit être évaluée à l'aune du poids démographique du département et de sa population étudiante. La taille des universités de l'hexagone est variable, mais la tendance est au regroupement. Les chiffres sur l'accès à l'enseignement supérieur traduisent un retard de la Guyane par rapport aux deux autres territoires. S'il est légitime que les pouvoirs publics y mènent une action déterminée, convient-il d'aller jusqu'à faire du pôle guyanais une entité distincte ?

La Guyane est au contact d'un gigantesque voisin, le Brésil, ce qui facilite le développement d'échanges culturels fructueux. De même, la Martinique et la Guadeloupe ont un rôle à jouer dans le bassin caribéen ; elles ont noué des liens étroits avec Haïti, et il est dommageable que des opérations de coopération soient l'occasion de détournement financier délictueux. Comment faire de Fort-de-France et de Pointe-à-Pitre des pôles du rayonnement français dans toute la Caraïbe, des lieux d'accueil pour les étudiants venus d'autres territoires ? L'engagement de la Guadeloupe et de la Martinique est essentiel pour développer une francophonie vivante en Haïti. Je vous remercie pour ce rapport franc, qui ne mâche pas ses mots.

Mme Corinne Bouchoux. - Nous sommes dans une situation d'urgence et de crise profonde. Vous avez mentionné des irrégularités graves. La justice a-t-elle été saisie et y aura-t-il des poursuites ?

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - La loi sur l'enseignement supérieur et la recherche laissait la porte ouverte au système confédéral. N'a-t-on pas là une solution intermédiaire pour rapprocher des entités tout en les laissant exister par elles-mêmes ?

M. Thani Mohamed Soilihi, président du groupe de travail. - Les rapporteurs n'auraient pas mentionné les irrégularités dont vous parlez sans éléments de certitude. Une enquête préliminaire a été ouverte, avec une information contre X. Nous souhaitons que les procédures aillent jusqu'au bout. Mais nous ne pouvons en dire plus : la justice est indépendante.

M. Michel Magras, rapporteur. - La décision de séparation de la Guyane a été actée avant que notre mission commence ses travaux. Mais le choix d'évolution de la Guyane vers une université unique était déjà programmé pour 2020, butoir ramené à 2018 lors des assises de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les événements de la rentrée universitaire en Guyane ont précipité le calendrier. Nous ne pouvions revenir sur ce choix politique. Un système confédéral ne pourra intervenir que dans un deuxième temps, quand les deux nouvelles structures fonctionneront. Il faudra s'inspirer de l'Université des West Indies, qui forme des prix Nobel. Cette stratégie n'est pas d'actualité et notre mission s'est attachée à proposer des solutions pour rendre viable le dispositif mis en place.

Mme Dominique Gillot, rapporteure. - Le fonctionnement ultramarin n'est pas celui de la métropole. Le président Larcher a demandé la mise en place de cette mission en novembre 2013, quand la situation s'emballait en Guyane. Le protocole de sortie de crise du 11 novembre engageait la création d'une université de plein droit. Dans les années 2000, un travail conjoint des élus et des universitaires en avait ouvert la perspective pour 2020 - un horizon ramené à 2018 lors des assises de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Le conflit social d'octobre et novembre 2013 portait d'abord sur la création d'une licence professionnelle, sur les lacunes dans le recrutement des professeurs et sur des problèmes concrets de vie étudiante - retards dans la livraison de bâtiments du Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires de Paris (CROUS) notamment. L'amplification de la crise a abouti à la demande d'une université de plein exercice. En métropole, les arbitrages ont accédé à cette demande. Au mépris de la démocratie universitaire, la présidence de l'université a été tenue à l'écart de la négociation, ce qui a durci les rapports entre les différents acteurs. Le dossier ayant été géré politiquement, le rôle de notre mission a été de formuler une proposition mesurée et argumentée pour que l'université de la Guyane prenne un bon départ. Loin de nous l'idée de poursuivre le détricotage de l'UAG : nous recommandons au contraire la constitution d'une université des Antilles. Des études d'impact préalables sur les moyens financiers et humains à mettre en oeuvre seront nécessaires. Notre rapport comporte même une proposition de rédaction du dispositif législatif.

M. Jean-Étienne Antoinette. - Je remercie la présidente de la commission et le président de la délégation d'avoir répondu à ma demande de réaliser un travail d'information. Dans un processus de crise, il faut une réponse politique et le travail de notre mission s'appuie sur des engagements actés.

La Guyane se trouve en situation d'échec scolaire à tous les niveaux. Dans le secondaire, tous les collèges sont actuellement en grève, l'ensemble du corps social revendiquant l'intégration de l'académie de Guyane dans le réseau d'éducation prioritaire. Les moyens budgétaires et humains manquent pour scolariser tous les élèves. Au niveau universitaire, nous connaissons les chiffres : 3 % ou 4 % seulement d'une classe d'âge détient un diplôme de deuxième cycle. La population universitaire augmente pourtant de manière importante en Guyane, alors qu'elle décline en Martinique et stagne en Guadeloupe. L'université guyanaise est en crise et sa population augmente !

J'adhère aux différentes propositions ; je souscris à la création de l'université de la Guyane dès 2014 alors qu'au début des négociations, nous étions plutôt partisans de la différer. Il y aura évidemment des coopérations entre les différentes universités. L'université de la Guyane, qui doit s'ancrer dans son environnement régional, a besoin d'un accompagnement financier. Les collectivités territoriales participeront, mais on ne saurait se passer de l'État car le redéploiement des moyens se heurtera au refus de l'université des Antilles.

M. Michel Magras, rapporteur. - La distance physique entre la Guyane et les Antilles est telle qu'il ne peut y avoir de continuité territoriale : la Guyane appartient à un continent, la Guadeloupe et la Martinique sont des îles. La loi Fioraso qui prévoit la faculté d'un regroupement confédéral par association impose un établissement chef de file : cette formule n'est pas envisageable dans la situation actuelle.

Mme Dominique Gillot, rapporteure. - La création de l'université de la Guyane est une étape nécessaire, même si elle ne se fera pas sans difficultés : 2 600 étudiants inscrits, c'est peu ! Le financement de la vie universitaire ne pourra qu'être modeste. L'État s'est engagé à créer des postes, reste à trouver des universitaires en mesure de les occuper. Nous proposons des contrats ponctuels pour encourager de jeunes doctorants ou des professeurs en début de carrière à venir exercer en Guyane.

Dans le premier degré, certaines difficultés de scolarisation et d'alphabétisation sont spécifiquement guyanaises : les enfants ont parfois des trajets de plusieurs heures de pirogue pour aller à l'école ! Un autre rapport serait nécessaire pour examiner les possibilités qu'offrent les nouveaux outils de refondation de l'école dans les territoires éloignés. Les collégiens auraient ainsi davantage de chances de rejoindre les bancs de l'université ultérieurement.

Enfin, la coopération avec les universités américaines et celles de métropole fera de la Guyane une tête de pont pour le rayonnement universitaire de la France. Beaucoup d'organismes de recherche sont présents en Guyane qui seront encouragés à s'associer à l'université. Nous sommes dans l'année zéro ; d'ici que cette université atteigne sa vitesse de croisière, soyons confiants et restons attentifs !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je remercie les rapporteurs pour leur travail, je remercie M. Mohamed Soilihi qui a présidé à cette mission et tous ceux qui y ont participé. Je vous propose maintenant de vous prononcer sur la publication du rapport d'information, qui - je le rappelle - ne signifie pas approbation de ses conclusions.

La commission et la délégation autorisent, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.