Mardi 12 novembre 2013

- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -

Projet de loi de finances pour 2014 - Audition de M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

La commission auditionne M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, sur le projet de loi de finances pour 2014.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. - Comme vous le savez, le Président de la République a fait de la jeunesse et de l'éducation la priorité de son quinquennat. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2014 est la traduction fidèle de cet engagement. Premier poste de dépenses de l'État, le budget de l'éducation nationale est porté à 63,4 milliards d'euros en 2014, ce qui représente une hausse de plus de 740 millions d'euros, soit une augmentation de 1,19 %. Sans comptabiliser les charges des pensions de retraite, la hausse s'élèverait même à 1,27 %.

Ces moyens financiers sont d'abord des moyens humains. On oppose un peu facilement dans bien des débats politiques le qualitatif et le quantitatif. Cette opposition est totalement factice dans le cas de l'éducation nationale, puisque les créations de postes serviront avant tout à remettre en place et à transformer en profondeur la formation des enseignants.

Sur 8 804 créations de postes inscrites dans le budget 2014, 8 064 sont des postes d'enseignants stagiaires. Outre des créations de postes d'enseignants titulaires, 500 postes seront aussi destinés à l'amélioration du climat scolaire, qu'il s'agisse d'emplois d'auxiliaire de vie scolaire (AVS) pour accompagner les élèves handicapés ou de personnels médico-sociaux.

Le PLF 2014 favorise la restauration d'un mécanisme républicain de promotion sociale en prévoyant le financement de 6 000 emplois d'avenir professeur (EAP). Je rappelle que les EAP sont réservés à des élèves boursiers à partir de la deuxième année de licence et les aident à poursuivre leurs études jusqu'aux concours de l'enseignement. Ils ont été pourvus de manière très satisfaisante et ils ont contribué à l'augmentation de 30 % des recrutements d'enseignants aux derniers concours.

La revitalisation des viviers de recrutement d'enseignants est particulièrement satisfaisante sur deux points : d'une part, en primaire, les académies très déficitaires comme Créteil et Versailles ont connu des hausses de 12 % de leurs recrutements. D'autre part, dans le secondaire, les disciplines déficitaires comme l'anglais, les lettres modernes et les mathématiques enregistrent des hausses comprises entre 10 et 20 %.

Le budget prévoit également le financement de 30 000 contrats aidés destinés à l'accompagnement des élèves handicapés, à l'aide aux directeurs d'école et à l'amélioration du climat scolaire.

Par ailleurs, 150 millions d'euros sont destinés de 6 000 nouvelles places d'internat en visant particulièrement les collèges difficiles, les lycées professionnels et les régions les plus mal loties.

Globalement, le PLF 2014 permet de faire face à l'ensemble des échéances grâce à deux amendements gouvernementaux adoptés à l'Assemblée nationale. Le premier amendement a permis la « CDIsation » des personnels accompagnants des élèves handicapés. C'est une belle idée que l'école de l'inclusion. Le Sénat s'était exprimé fortement à ce sujet lors des débats sur le projet de loi de refondation de l'école. Mais force était de constater que les personnels d'accompagnement se trouvaient dans des situations de précarité indignes. Il n'était pas rare qu'après six ans ils soient simplement mis à la porte, malgré les liens tissés avec les enfants. Nous rompons avec ces pratiques. Les 2 800 contrats arrivant à échéance en fin d'année seront transformés en CDI dès 2014.

Le deuxième amendement du Gouvernement a permis la prolongation pour un an des aides destinées aux communes pour mettre en place la réforme des rythmes scolaires.

Le budget 2014 prévoit également le financement des mesures de revalorisation du métier d'enseignant dans le premier degré avec la montée en charge de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves à un niveau de 400 euros. Cela représente un coût de 55 millions d'euros.

Le budget de l'éducation nationale, bien que prioritaire, se doit d'être exemplaire et de participer à l'effort de maîtrise des finances publiques. Le fonctionnement courant du ministère se voit appliquer une baisse de crédit de 3 %, qui sera absorbée par une diminution du volume d'achat et une réduction du parc immobilier administratif. Les opérateurs du ministère comme le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CÉREQ) et l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) seront également soumis à des mesures d'économie.

Ce budget solide permettra la poursuite de la refondation de l'école selon les priorités que le Parlement a définies : l'accueil des enfants de moins de trois ans, la priorité au primaire, l'installation du service public du numérique éducatif, la refonte des programmes préparés par le nouveau Conseil supérieur des programmes, la restauration de la formation des enseignants grâce aux écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ). Je note que contrairement à ce qu'imaginaient les sceptiques, les ÉSPÉ ont bien ouvert leurs portes à la rentrée. Certaines sont déjà des réussites comme celle de Clermont-Ferrand où je me suis rendu avec le sénateur Jacques-Bernard Magner.

Il nous reste à ouvrir dans l'année qui vient trois chantiers majeurs. Le premier est celui du métier d'enseignant. 13 groupes de travail ont été mis en place. Lundi prochain j'ouvrirai les négociations sans omettre aucun sujet, que cela soit les obligations de service, la fonction de directeur d'école, ou les réseaux d'aide, par exemple. Le deuxième chantier est celui de la réforme du collège. Nous avons déjà défini un cycle CM2-6e et créé des conseils écoles-collèges pour rapprocher le premier et le second degrés. Nous devons nous atteler désormais à une transformation pédagogique du collège en donnant plus de liberté aux enseignants tout en préservant un tronc commun. Le troisième chantier essentiel est celui de l'éducation prioritaire. Les assises viennent de s'ouvrir dans les académies. Les premières conclusions seront tirées en janvier.

Le projet de loi de finances (PLF) 2014 permet de tenir nos engagements vis-à-vis de l'école. L'école française peut réussir, il ne faut pas céder au fatalisme et au scepticisme. C'est dans le rassemblement des énergies que nous pourrons conduire le redressement du système éducatif.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Dans le cadre de la préparation de la loi de refondation, notre commission a mené deux missions d'information, l'une sur le métier d'enseignant, conduite par notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin, et l'autre sur la carte scolaire, conduite par notre collègue Françoise Cartron. Ces travaux pourront également alimenter les chantiers que vous venez d'ouvrir. Demain la commission installera une mission d'information sur la mise en place des ÉSPÉ car nous considérons que c'est le point clé de la refondation. Je donne maintenant la parole aux trois rapporteurs de la mission « enseignement scolaire ».

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis sur les crédits de l'enseignement scolaire. - En plus des missions rappelées par la présidente, il convient aussi de mentionner la création toute récente de notre mission commune d'information sur la réforme des rythmes scolaires. Nous voulons prendre le temps de la réflexion pour dépasser les clivages partisans et proposer des pistes d'amélioration concrètes.

M. Jacques Legendre. - Qu'est-ce que j'entends, vous demandez du temps ?

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis sur les crédits de l'enseignement technique agricole. - Oui c'est précisément de temps dont nous avons besoin dans cette affaire...

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis sur les crédits de l'enseignement scolaire. - Tous les rapporteurs voudraient avoir un aussi bon budget que celui-ci à présenter. Non seulement ce budget est bon en lui-même, mais surtout il respecte les engagements pris dans la loi de refondation. En cette période de défiance généralisée, c'est un signe fort de constance qui doit redonner à nos concitoyens confiance dans la parole politique.

De tous les objectifs prioritaires de la refondation de l'école, je retiendrai bien évidemment le retour à une formation des enseignants digne de ce nom. La création des ÉSPÉ contribuera à restaurer la dignité du métier d'enseignant durement attaquée au cours de la précédente législature. Les emplois d'avenir professeur sauront redonner à des jeunes qui connaissent une situation sociale difficile la capacité de poursuivre leurs études et d'entrer dans ce beau métier qu'est le métier d'enseignant.

Sur le service public du numérique, la loi de refondation a clairement servi de déclencheur. Je constate dans mon département que beaucoup d'élus ruraux ont pris ainsi conscience de l'enjeu. Le numérique est un outil primordial d'aménagement du territoire et de rénovation pédagogique.

En ce qui concerne la réforme des rythmes scolaires, je crois que la pérennisation du fonds d'amorçage constitue un encouragement de l'État suffisamment fort pour lever tous les doutes.

Il me reste deux questions à vous poser, monsieur le ministre :

- en ce qui concerne les internats de la réussite : comment s'articuleront l'intervention de l'État et les compétences des collectivités territoriales ?

- où en êtes-vous de la mise en place du Conseil supérieur des programmes et surtout du Conseil national d'évaluation du système scolaire, qui doit devenir un outil majeur de régulation des politiques éducatives ? Quels sont les moyens affectés à ces deux structures ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis sur les crédits de l'enseignement professionnel. - Je souhaitais vous interroger sur les perspectives de développement de l'apprentissage, et en premier lieu, au sein des lycées professionnels sur la nécessaire diversité des publics s'orientant sur les voies de l'enseignement professionnel.

D'autres questions se posent aussi à propos du rôle des régions dans l'élaboration de la carte des formations professionnelles, du recrutement des enseignants de lycées professionnels (LP) - y compris le financement de la reconversion de salariés.

Sur la taxe d'apprentissage comment comprenez-vous les effets de la diminution de son produit sur les budgets des LP ? Envisagez-vous une refonte de la répartition du produit entre l'apprentissage et la voie professionnelle, d'une part, entre l'enseignement public et l'enseignement privé, d'autre part ?

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis sur les crédits de l'enseignement agricole. - Avec l'adoption récente de différents protocoles avec l'enseignement privé, je dirais, en toute objectivité, que l'enseignement agricole peut envisager les deux ans à venir avec sérénité. Nous devons cependant rester vigilants sur le fait que les moyens doivent s'adapter aux effectifs, et non l'inverse, et sur la nécessaire résorption des disparités territoriales. Il est essentiel de nouer une collaboration étroite entre les recteurs et les directeurs régionaux de l'agriculture de l'alimentation et de la forêt dans la perspective de la refonte des cartes régionales des formations.

Je prendrai un exemple. Dans les Ardennes, plusieurs entreprises de fonderie et de forge se sont organisées pour créer des synergies sectorielles. Pourtant, l'académie de Reims s'est vue refuser l'ouverture d'un campus des métiers qui aurait structuré les formations dans cette filière. D'où ma question : à quel niveau, et selon quelle logique, se prennent les décisions d'ouverture et de fermeture de filières d'enseignement professionnel ?

Enfin, je ne peux manquer de vous interroger sur la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires, qui procède pourtant d'une bonne idée. Je pense notamment aux difficultés liées à la fatigue des plus jeunes enfants, à l'organisation des transports et au recrutement d'animateurs en milieu rural, au niveau insuffisant des subventions versées aux collectivités dans ce domaine, aux différences d'approches entre les collectivités, ou encore au fait que de nouveaux conseils municipaux, inexpérimentés, vont devoir prochainement se saisir de cette question.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. - S'agissant de la réforme du temps scolaire, le comité de suivi, constitué de représentants des enseignants, des collectivités, des parents et de l'administration, examine de très près l'évolution des choses. Le droit des enfants à bénéficier de 4,5 jours de classe étant notre point de départ, nous devons accentuer nos efforts pour résorber les difficultés d'organisation du temps périscolaire.

En accueillant tous les élèves, les internats de la réussite se différencient des internats d'excellence, qui ne s'adressent qu'à une élite. Une charte de l'internat est en préparation, avec l'association des régions de France (ARF) et l'association des présidents de conseils généraux, qui devrait conduire à une meilleure répartition et une meilleure couverture géographiques. Afin de répondre aux besoins qui s'expriment, notamment en milieu rural, nous devons faire en sorte que l'offre d'internat s'accroisse, d'une part au niveau des collèges - en particulier pour les enfants en difficulté - et d'autre part pour l'enseignement professionnel.

Je souhaiterais souligner que dans le domaine de l'enseignement secondaire, nous bénéficions encore des acquis de la création du collège à l'époque du général de Gaulle et de la réforme de l'enseignement professionnel mise en oeuvre par Laurent Fabius et Jean-Pierre Chevènement.

Les collectivités, notamment les régions, ont été les premières à se mobiliser dans le domaine de l'enseignement numérique et, compte tenu de l'importance primordiale de l'enjeu, l'État se doit de répondre à cet engagement de plusieurs façons :

- en maintenant l'investissement sur les réseaux, qui peut être financé sur des fonds européens ;

- en favorisant l'accès aux ressources numériques et aux outils éducatifs ;

- en formant les enseignants à l'usage de ces outils et aux pédagogies liées.

Il importe aussi que les expériences réussies par des enseignants innovants puissent être diffusées dans les ÉSPÉ.

Enfin, pour terminer sur ce chapitre, je voudrais souligner le fait que l'administration de l'éducation nationale va se doter prochainement d'une nouvelle direction du numérique éducatif.

Instance parfaitement indépendante, le conseil supérieur des programmes se voit maintenant doté de moyens notamment en locaux et en personnels. Ils lui permettront d'accomplir une mission extrêmement complexe et spécifique, qui n'est en aucun cas du ressort du seul pouvoir politique. Il est doté des locaux et des ressources adéquats.

Le conseil national d'évaluation, qui sera mis en place en janvier, fonctionnera selon la même logique d'indépendance. Il se penchera sur l'ensemble des politiques de l'éducation nationale, telles que l'apprentissage de la lecture à la fin de la maternelle par exemple. Là aussi, soyez assurés que le conseil disposera des moyens nécessaires à ses missions.

En réponse à Mme Brigitte Gonthier-Maurin sur la répartition de la taxe d'apprentissage, je dirai que nous partageons son point de vue. C'est un sujet de préoccupation et je ne souhaite pas pénaliser l'enseignement professionnel. D'autant plus que je considère que nous avons un excellent enseignement professionnel en France. Nous avons des centres d'excellence que nous exportons ! Nous en avons une trentaine à l'étranger. Ce dispositif permet à l'éducation nationale d'envoyer des professeurs dans des pays où ils sont accueillis par des entreprises qui forment sur place la main d'oeuvre dont ils ont besoin. Il existe, par exemple, un accord avec le groupe Accor au Mexique qui forme les cadres du tourisme et de l'hôtellerie.

Ces pays en développement nous font part de leur besoin de formation de la jeunesse. Et la France sait le faire. C'est important pour ses entreprises et son rayonnement.

Je ne dépouillerai pas l'enseignement professionnel de son excellence. Il faut rester vigilant sur un certain nombre de sujets. Mais quand je vais visiter le Campus des métiers de la plasturgie à Oyonnax, je constate que quelques 200 entreprises locales, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), une école d'ingénieurs, le lycée professionnel et le lycée général, l'institut universitaire de technologie (IUT), les internats, les laboratoires, ... ont organisé des passerelles qui fonctionnent parfaitement bien. Il n'y a pas de contradiction entre la professionnalisation et la qualité de l'enseignement général dispensé dans les LP.

Pour l'élaboration de la carte des formations, la collaboration demandée entre les régions et les recteurs est une solution raisonnable. Ce double verrou est un facteur de progrès.

Il faut rester vigilant sur la formation des ÉSPÉ et accorder une attention particulière au tronc commun, à l'enseignement de la morale laïque, à l'accueil des enfants en situation de handicap, à la gestion des crises...

Une des grandes réformes sera celle de l'orientation qui a été expérimentée dans huit régions. Cela suppose que les milieux économiques et professionnels se mobilisent pour faire en sorte que tous les enfants puissent savoir quels sont les métiers de demain.

En réponse à l'intervention de Mme Françoise Férat, l'enseignement agricole est un modèle pédagogique dont nous devons nous inspirer. La question de la disparité des territoires est permanente, mais nous nous devons d'y répondre. L'opposition a déposé une proposition de loi qui donne aux collectivités locales la faculté de déterminer librement l'organisation du temps scolaire. J'y suis totalement opposé. Nous devons construire et partager des valeurs communes et surtout garder une Éducation nationale. Nous avons par contre besoin de travailler avec les collectivités territoriales. Je vous précise que toutes les affectations de poste vont vers les endroits les plus défavorisés.

Concernant les campus d'excellence, toutes les régions en réclament. Il existe déjà 13 ou 14 labélisations. Il faut répondre à un cahier des charges et je me pencherai sur le cas des Ardennes. Pour votre information, nous allons organiser un deuxième appel d'offres. Je regrette que la presse ne se fasse jamais l'écho des réussites et du lien entre redressement éducatif et productif. Le décloisonnement, ça marche. Dans ces campus des métiers, les entreprises, l'éducation nationale, la recherche, ... sont présents.

M. Jacques-Bernard Magner. - 64,8 milliards d'euros, 16 % du budget de l'État, une hausse de 1,2 % par rapport à 2013. C'est une belle performance dans l'état actuel des choses. Si l'éducation coûte cher, l'absence d'éducation coûte encore plus cher, entache la démocratie et met la République en péril. En privilégiant l'éducation, le Gouvernement affiche ses priorités. Tel était également l'objectif du texte sur la refondation de l'école. Le budget de l'éducation est le premier budget de l'État en 2014. L'école en a bien besoin.

Plus de 10 000 emplois de stagiaires vont s'ajouter aux 11 500 créés en 2013. 6 000 emplois d'avenir vont abonder ce vivier. Une mention spéciale doit être faite à la scolarisation des enfants en situation de handicap qui a fait l'objet de 8 000 contrats aidés avec des auxiliaires de vie scolaire (AVS). Il semble juste que ces derniers, longtemps en situation de précarité, souhaitent conserver leurs emplois.

Sur la question de la formation des enseignants, l'effet maître est essentiel dans la lutte contre l'échec scolaire. La France se doit de réussir la formation de ses enseignants. La création des ÉSPÉ constitue une véritable révolution culturelle dans notre paysage mais elles ont besoin d'un peu de temps pour s'imposer. On observe déjà un accroissement de 30 % du nombre des élèves enseignants. C'est très satisfaisant et encourageant.

J'ai quelques questions dans ce contexte qui s'améliore : les ÉSPÉ sont sous l'autorité des universités, comment assurer la professionnalisation de la formation des enseignants avec toute la diversité qu'elle comporte, et avec quel moyens assurer la pré professionnalisation dans les premières années de l'université ? Comment élargir le vivier social de ceux qui se destinent aux métiers de l'éducation ? Et enfin, comment intégrer les mouvements d'éducation populaire dans cette formation ?

M. Michel Le Scouarnec. - Je me félicite du pas en avant que constitue votre budget sur la voie de l'amélioration de la situation des AVS. Je note toutefois que leurs salaires sont souvent très bas, car ils ne sont pas la plupart du temps à temps complet.

Je constate avec satisfaction les progrès enregistrés par l'enseignement professionnel. En la matière, il faut insister sur l'intérêt que présentent les établissements qui accueillent des publics mixtes, c'est-à-dire à la fois des lycéens, des apprentis et des adultes. Dernièrement, j'ai visité le lycée des métiers d'art Bertrand Duguesclin de Brec'h, qui forme des apprentis ébénistes ainsi que des tapissiers. Cet établissement enregistre des résultats incontestablement tirés vers le haut par la mixité.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Daniel Percheron et Jacques Legendre peuvent témoigner des efforts que la région Nord-Pas-de-Calais avait consacrés, dès 1993, en faveur du lycée de la deuxième chance de Roubaix. Faire se rencontrer adultes en situation d'échec et jeunes en formation donnait d'excellents résultats en termes de motivation des élèves.

M. Jacques Legendre. - J'évoquerai d'abord le récent rapport de la Cour des comptes sur la gestion des enseignants : comment se concrétisent les préconisations de la Cour au sein des crédits de la mission enseignement scolaire ?

S'agissant de la mission commune d'information (MCI) sur les rythmes scolaires, qu'a mentionnée notre collègue Françoise Cartron, je regrette qu'elle ait fait le choix d'allonger inutilement ses travaux. Ce retard témoigne d'une volonté de laisser ces questions en suspens jusqu'aux échéances électorales du printemps prochain. Sur le plan de la procédure, comme je l'ai fait il y a quelques semaines pour la désignation du rapporteur de la proposition de loi relative à la vente à distance de livres, je regrette que le rapporteur de la mission ne soit pas issu du groupe politique à l'origine de sa création, comme c'est l'usage.

Sur le fond de la réforme des rythmes scolaires, la semaine est marquée par plusieurs mouvements de grève, notamment à Paris, parmi les personnels chargés des activités périscolaires ainsi que chez les enseignants. Je trouve cette situation surprenante par rapport à la présentation que vous avez faite de l'évolution des crédits de l'enseignement scolaire au sein du projet de loi de finances pour 2014. Peut-être pourrez-vous nous éclairer sur les raisons de ces mécontentements, ainsi que sur les réponses que vous entendez y apporter.

Mme Françoise Laborde. - Je partage l'appréciation portée par Michel Le Scouarnec sur la précarité induite par le travail à temps partiel des AVS. S'agissant de la réforme des rythmes scolaires, selon certaines rumeurs, le passage à quatre jours et demi pourrait être reporté à la rentrée 2015 : qu'en est-il exactement ?

Enfin, je suis très attachée à la laïcité et je souhaiterais que vous nous précisiez dans quelles conditions s'est fait l'affichage de la charte de la laïcité et quels échos cette décision a rencontrés.

Mme Corinne Bouchoux. - Lors de l'examen du projet de loi sur la refondation de l'école de la République, nous avions âprement discuté de l'étendue de l'exception pédagogique, sachant que si les dispositions actuelles permettent aux enseignants d'utiliser de brefs extraits des oeuvres, la situation est beaucoup plus complexe lorsqu'il s'agit de fragments plus longs. Cette question a été abordée par Pierre Lescure dans le rapport qu'il a rendu au printemps sur l'acte II de l'exception culturelle. Quel est l'état de votre réflexion à ce sujet ?

Mme Maryvonne Blondin. - J'aborderai un point qui me tient à coeur, celui de la vie de l'élève. Je me réjouis de la création de 150 postes d'intervenants médico-sociaux, sans perdre de vue qu'il est difficile de répondre aux besoins : dans certains départements, des postes restent non pourvus, dans d'autres, le nombre de postes est insuffisant. La santé à l'école est essentielle en termes de prévention et de lutte contre l'obésité par exemple. Par ailleurs, je regrette que les crédits pédagogiques soient en diminution.

M. Pierre Martin. - Qui ne souhaite la réussite de ses enfants ? Or, la réussite ce ne sont pas seulement des dotations financières mais avant tout des moyens humains. On ne s'improvise pas enseignant : l'enseignant doit porter en lui ce petit quelque chose qui va attirer l'attention des élèves, leur donner un peu de bonheur. Je voudrais, à mon tour, aborder la question des rythmes scolaires. Dans ma commune, nous n'avons pas attendu la réforme en cours ; nous avons mis en oeuvre une expérimentation dès 1995. La vraie difficulté réside dans l'organisation du transport des élèves car si les activités périscolaires ne sont pas obligatoires, que fait-on des enfants qui n'y participent pas ? En outre, il faut tenir compte de la situation particulière des plus jeunes enfants et ne pas oublier qu'au cours des dernières décennies, on a allégé les horaires, qui atteignaient 30 heures autrefois, tout en abordant de nouveaux points dans les programmes. Il est indispensable de revenir aux fondamentaux, c'est-à-dire au triptyque lire, écrire, compter sans lequel rien n'est possible. Il ne faut pas stigmatiser les élèves en fonction de leurs origines, comme ont trop eu tendance à le faire certains enseignants après mai 68. Au contraire, il faut persuader les parents qu'ils ont un rôle à jouer dans le parcours scolaire de leurs enfants.

Mme Dominique Gillot. - Chacun garde au fond de son coeur son école mythique et je crois en effet qu'il est essentiel de garder confiance dans l'école. C'est pourquoi il est indispensable que les collectivités territoriales unissent leurs efforts à ceux de l'État pour permettre à l'école de retrouver toute sa place au coeur de la vie de la Nation. S'agissant de la réforme des rythmes, des annonces ont été faites pour apporter des réponses à la situation spécifique des plus jeunes enfants, scolarisés en maternelle. Mais jusqu'à quel niveau de détail est-il raisonnable de descendre ? Les choses ne peuvent-elles se régler au niveau local, dans le cadre des projets éducatifs territoriaux ? Arrêtons de raisonner avec une précision cadastrale, enseigner aux enfants, cela ne consiste pas à pratiquer l'élevage en batterie !

Les programmes constituent un autre élément d'incertitude car ils n'ont pas encore été modifiés, ce qui contribue à créer un sentiment de malaise chez les enseignants. Envisagez-vous des assouplissements sur ce point ? La mise en place des ÉSPÉ constitue un point déterminant pour la refonte de l'école. Or, je constate que la mobilisation des universitaires n'est pas la même partout : l'État doit pleinement jouer son rôle d'employeur, malgré l'autonomie des universités. Enfin, quelles réponses entendez-vous apporter aux difficultés que rencontrent les lycées professionnels en matière de mobilité internationale ?

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. - J'essaierai de regrouper mes réponses de la façon la plus synthétique possible.

Les ÉSPÉ doivent être capables, partout sur le territoire, de former les futurs enseignants. Il est vrai, cependant, que le nouveau modèle que nous promouvons se met en place de façon disparate. C'est l'héritage de l'autonomie des universités, avec ses avantages mais aussi ses inconvénients. Une chose demeure certaine : les ÉSPÉ ne sont pas les IUFM. Elles constituent un tout autre modèle de formation même si elles ne pouvaient pas laisser de côté les anciens personnels des IUFM. Les modules de pré professionnalisation s'installent progressivement. C'est un point très positif car il ne faut pas cacher qu'il a été très difficile pour les services des ressources humaines des rectorats de trouver des berceaux de stages adéquats. Grâce à leur professionnalisme, des étudiants en L2 ou en L3 commencent déjà à avoir un premier contact avec le métier d'enseignant.

Il nous faut être très vigilants dans la mise en place des parcours de formation afin d'assurer la consistance et la pérennité des modules communs à l'ensemble des corps d'enseignants. L'habitude que nous avons prise de séparer les différents corps d'enseignants est malheureusement très enracinée. Il est dans toutes les académies difficile de réunir tous les publics, mais c'est un point crucial pour constituer une culture commune et développer les échanges de pratiques entre professionnels. De même l'intégration des mouvements d'éducation populaire se fait plus ou moins bien selon les académies, selon les traditions locales.

Je veux revenir sur la réforme des rythmes scolaires. On m'a demandé pourquoi cette réforme était contestée et faisait l'objet de divers mouvements sociaux. Je crois tout simplement que l'intérêt général ne se construit pas en additionnant des intérêts particuliers. Chacun a son point de vue, que ce soit les collectivités territoriales, les animateurs, les enseignants ou les parents. Mon travail est d'ouvrir le dialogue afin de réunir les différents points de vue au service des enfants. Contrairement à ce qu'on croit généralement, je n'ai pas l'impression que tout le monde cherche le bien de nos enfants. Sinon comment expliquerions-nous la persistance de tant d'échecs scolaires et tant d'inégalités accumulés depuis des années ? Ce n'est pas la diminution des heures de cours qui fatigue les enfants. Lorsque les enfants sont laissés à l'école de 7 heures 30 à 19 heures, où est la responsabilité de l'éducation nationale ? Nous avons un problème collectif que nous devons résoudre grâce à un effort collectif. Je veux couper le cou à la rumeur. Il n'y aura aucun report supplémentaire. Ceux qui ont demandé l'année passée un peu plus de temps l'ont obtenu. Malheureusement, tous ne l'ont pas utilisé pour travailler leur projet éducatif. C'est maintenant le moment d'être volontaire et de ne pas satisfaire les demandes reconventionnelles. La réforme se mettra en place dans les délais fixés. Un comité de suivi est en place : il aidera à rappeler certains principes de bon sens pour l'organisation du temps scolaire et des activités périscolaires, notamment à l'école maternelle. La question du financement de la réforme est réglée par le prolongement des règles d'amorçage. Le Gouvernement ne reculera pas.

La CDIsation des AVS a constitué une première étape qui peut être suivie d'autres actions. Je suis disposé à entendre toutes les propositions qui vont dans le sens du progrès social et humain.

Toutes les études montrent que les Français en général pensent qu'il vaut mieux séparer les niveaux, les âges, les catégories... Au contraire, je pense qu'il faut décloisonner l'éducation, c'est ainsi qu'on améliorera les performances. La mixité des publics, notamment au lycée professionnel, est essentielle. J'y suis totalement favorable.

L'exception pédagogique a donné lieu à de grands débats théoriques et il est certain que nous devons tenir compte de principes fondamentaux tels que celui des droits d'auteur. À cet égard, le portail EDUTECH a permis une avancée en donnant aux enseignants le libre accès à de vastes ressources numériques.

Aux interrogations de M. Pierre Martin, je répondrais que les programmes de 2008 vont bien évidemment être réformés en concertation avec les enseignants. Comme lui, nous évitons de caractériser uniquement les élèves selon leur milieu favorisé ou défavorisé, mais nous gardons à l'esprit que le système éducatif continue de reproduire les inégalités sociales d'une génération à l'autre.

Nous faisons, bien sûr, grand cas des préconisations de la Cour des comptes qui évoque les aspects qualitatifs de la politique conduite par l'éducation nationale, tout autant que les moyens mobilisés et leur répartition.

Dans la mesure où elle ne consiste aucunement dans la désignation de boucs émissaires, la charte de la laïcité a été bien accueillie, aussi bien par les élèves que par les enseignants, qui trouvent en elle un point d'appui. Dans la continuité de cette charte, un enseignement moral et civique sera mis en oeuvre, favorisant la diffusion d'une morale laïque.

Pour conclure, je dirais que la politique de l'éducation nationale se décline selon trois axes :

- l'instruction, qui passe par les apprentissages fondamentaux ;

- l'éducation, pour la transmission des valeurs nécessaires à la vie en société ;

- la formation, dont l'objet est de favoriser l'insertion professionnelle.

Nous disposons pour cela d'un bon budget que nous nous efforcerons d'utiliser au mieux.

J'ai besoin pour cela de l'aide des sénatrices et des sénateurs, dont les contributions m'ont été précieuses lors de l'adoption de la loi sur la refondation de l'école de la République.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Merci monsieur le ministre. L'enseignement constitue une priorité pour tous les membres de la commission.

Mercredi 13 novembre 2013

- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -

Organisme extra parlementaire - Désignation de deux sénateurs

En application des articles L. 241-13 et R. 241-36 du code de l'éducation, la commission désigne Mme Françoise Cartron et M. Jean-Léonce Dupont pour siéger au Conseil national d'évaluation du système scolaire.

Projet de loi de finances pour 2014 - Mission « Action extérieure de l'État » - Examen du rapport pour avis
et contrat d'objectifs et de moyens de Campus France - Avis

La commission examine tout d'abord le rapport pour avis de M. Louis Duvernois sur le projet de loi de finances pour 2014 sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » ainsi que le contrat d'objectifs et de moyens de Campus France.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - En l'absence de notre collègue Louis Duvernois, empêché pour raison de santé, Jacques Legendre a accepté -et je l'en remercie- de présenter devant la commission les crédits du projet de loi de finances pour 2014 relatifs à l'action culturelle extérieure de la France ainsi que le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de Campus France pour les années 2013 à 2015.

M. Jacques Legendre. - Madame la présidente, chers collègues, les sujets abordés dans le présent rapport me tiennent particulièrement à coeur. C'est pourquoi j'ai accepté avec plaisir de représenter notre collègue Louis Duvernois.

L'action culturelle extérieure présente des visages aussi variés que les acteurs qui y concourent : elle concerne aussi bien l'éducation et la promotion de la langue française que les échanges artistiques et scientifiques.

Le ministère des affaires étrangères joue bien logiquement un rôle majeur en matière d'animation et de financement du vaste dispositif que constitue l'action culturelle extérieure, même si d'autres ministères, et en particulier celui de la recherche et de l'enseignement supérieur, y participent activement.

Pour la dixième année consécutive, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » du ministère des affaires étrangères est affecté, dans le projet de loi de finances pour 2014, d'une réduction des moyens qui lui sont alloués. Après une diminution maîtrisée de 0,54 % en 2013, l'année 2014 s'annonce plus austère pour le réseau culturel français, qui enregistre une contraction de 3,3 % des crédits, à 724,7 millions d'euros.

Ces crédits sont répartis entre les six actions, de périmètre fort inégal, du programme : l'animation du réseau (44,1 millions d'euros), la coopération culturelle et la promotion du français (73,6 millions d'euros), les enjeux globaux (8,9 millions d'euros), l'attractivité et la recherche (101,8 millions d'euros), l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (416,5 millions d'euros), enfin, les dépenses de personnel (79,6 millions d'euros).

L'ensemble des dispositifs participe à l'effort d'économie. Ainsi, dans le cadre de la participation des opérateurs à la réduction de la dépense publique, leurs subventions ont été révisées : Campus France contribuera à hauteur de 0,16 million d'euros et l'Institut français pour 2,5 millions d'euros.

La subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) diminue, pour sa part, de 8,5 millions d'euros, compte tenu de la stabilisation des taux des pensions civiles et des économies de fonctionnement jugées possibles. Pourtant, le nombre d'élèves scolarisés ne cesse de croître : après une augmentation de 30 % au cours des dix dernières années, la rentrée 2013 a induit près de 3 500 inscriptions supplémentaires. Cette croissance, dont il convient cependant de se réjouir dans la mesure où elle signe la reconnaissance de la qualité de l'enseignement français à l'étranger, engendre des coûts importants, notamment en termes immobiliers, que la dotation de l'AEFE peine désormais à couvrir.

S'agissant du réseau des instituts culturels, l'achèvement de la fusion des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et des établissements à autonomie financière (EAF) permet de réduire les crédits exceptionnels de restructuration du réseau à 1,4 million d'euros, soit une diminution de 53 % par rapport à 2013. La réduction des dotations de fonctionnement aux EAF s'établit à nouveau à 4 % en 2014 (40,7 millions d'euros), tandis qu'ils bénéficient de 12,6 millions d'euros pour leurs opérations. Par ailleurs, les subventions aux alliances françaises diminuent de 4,3 % pour s'établir à 7,02 millions d'euros. Enfin, les crédits dédiés à l'animation du réseau communication, missions d'évaluation, informatique, formation des agents, frais de missions et de représentation baissent de 4,3 %.

Plus encore que l'an passé, le réseau culturel français devra donc déployer des trésors d'imagination pour poursuivre la rationalisation de son fonctionnement sans renoncer à ses ambitions au bénéfice de l'influence de la France dans le monde. Sur ce point, j'estime fort dommageable l'abandon du projet, expérimenté depuis 2012, de rattachement des EAF à l'Institut français. Certes coûteuse dans un premier temps, la réforme aurait utilement permis de rationaliser les actions du réseau et de mutualiser certains coûts, notamment en matière de formation des agents.

Quoi qu'il en soit, la restriction continue des moyens dédiés à la diplomatie culturelle conduira prochainement le réseau à son niveau d'étiage, à partir duquel les efforts sur les coûts de fonctionnement ne suffiront plus au maintien d'un service de qualité.

Au-delà de la traditionnelle analyse des crédits alloués au programme 185 pour 2014, j'ai souhaité, cette année, orienter mes travaux dans une double direction : la francophonie et la promotion de la langue française d'une part, l'activité et les perspectives de l'opérateur Campus France, au sujet desquelles notre commission doit se prononcer à l'occasion de l'examen du prochain contrat d'objectifs et de moyens, d'autre part.

Selon l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), près de 220 millions de personnes utiliseraient quotidiennement la langue française, dont près de la moitié en Afrique. Ce chiffre pourrait atteindre 500 millions de personnes à l'horizon 2050, en fonction des prévisions de croissance démographique de ce continent. J'estime toutefois qu'au regard de l'offensive des langues vernaculaires et de l'anglais en Afrique francophone, ces prévisions semblent à tout le moins très optimistes, si ce n'est irréalistes.

Certes, à première vue, l'attractivité de la langue française semble ne rien avoir perdu de sa superbe : on compterait ainsi 450 000 professeurs de français à l'étranger et 100 millions d'élèves et d'étudiants francophones, ce qui ferait du français la deuxième langue la plus enseignée après l'anglais.

Toutefois, la géographie de l'apprentissage du français est mouvante et dépend de critères extrêmement variés, à l'instar de l'évolution du pouvoir d'achat local, des flux migratoires, du dynamisme du réseau mais également de l'importance donnée au français dans les programmes scolaires et universitaires.

En outre, ces chiffres encourageants masquent une tout autre réalité : le recul inexorable de la francophonie dans de nombreux pays, y compris des États membres de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), où les élites francophones, vieillissantes et parfois déconsidérées, ont laissé la place à des dirigeants économiques et politiques bien davantage anglophones.

La réalité de l'usage du français dans les organisations internationales et européennes, où il a pourtant statut de langue officielle, est également source d'inquiétudes.

Ainsi, l'office statistique européen Eurostat ne publie plus ses résultats qu'en anglais, l'Office européen des brevets, par le biais du protocole de Londres, tente d'imposer l'anglais comme langue scientifique et technique et de nombreux documents de travail européens à destination de l'État français sont rédigés en anglais.

L'association des fonctionnaires francophones des organisations internationales a d'ailleurs déposé plainte, le 18 octobre dernier, contre la Commission européenne, en raison de l'absence de traduction prévue dans le cadre de l'appel à candidatures pour la mise en place d'une plateforme de lutte contre la fraude fiscale.

En outre, aux Nations-Unies, la maîtrise de l'anglais est exigée dans 87 % des recrutements, tandis que celle du français l'est dans moins de 7 % des cas : cette dérive a d'ailleurs été dénoncée en 2011 par le corps commun d'inspection de l'Organisation des Nations unies (ONU).

Dans ce cadre, je souhaite saluer l'initiative du Premier ministre, qui a rappelé dans une circulaire en date du 25 avril dernier, l'obligation d'emploi de la langue française dans l'ensemble des outils de communication publique et par les fonctionnaires français dans le cadre des relations internationales. Il y est notamment précisé que l'usage d'une langue tierce ne doit se faire « qu'en ultime recours ».

Toutefois, dans ce contexte, la diminution de 5,6 millions d'euros des crédits destinés aux organisations multilatérales de la francophonie inscrit sur l'action 5 « Coopération multilatérale » du programme 209 « Aide au développement », qui étaient pourtant restés stables depuis plusieurs années, me semble particulièrement malvenue.

L'opérateur Campus France, qui fait l'objet de mon second « focus », est placé sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Il a pour missions essentielles, outre la gestion des bourses, de promouvoir l'enseignement supérieur français à l'international, mais également d'accueillir et d'informer les étudiants et chercheurs étrangers. À cet effet, il s'appuie sur un réseau de 199 espaces dédiés placés sous l'autorité des ambassadeurs, employant 300 personnes dans 112 pays pour l'organisation d'actions de promotion variées (salons, forums, visites thématiques, tournées universitaires, qui totalisent chaque année en moyenne 200 000 visiteurs), soit un réseau comparable à celui du British Council. L'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) dispose également d'un site Internet, décliné en une cinquantaine de versions locales, qui offre des informations sur le système universitaire français et les démarches à effectuer avant de venir en France.

Au cours de l'année scolaire 2012-2013, la France a accueilli 289 274 étudiants étrangers, soit une augmentation de 0,2 % par rapport à l'année précédente et de 30,6 % en dix ans. Ils représentent 12,1 % des étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur français (contre 4 % aux États-Unis, 10 % en Allemagne et 22 % au Royaume-Uni). 75 % d'entre eux sont inscrits dans les universités.

La répartition globale de l'ensemble des étudiants étrangers par région d'origine indique que l'Afrique du Nord et sub-saharienne demeure la première région d'origine avec près de la moitié des étudiants (44,9 %) mais en diminution de 3,5 % en un an. L'Europe se situe à la deuxième place avec 26 % des inscrits.

Si les comparaisons internationales doivent être approchées avec précaution, en raison de l'hétérogénéité des sources, on observe qu'un nombre croissant de nouvelles destinations, à l'instar de l'Espagne et de l'Italie en Europe, se positionnent en concurrents sérieux. La Chine affiche également des ambitions fortes et entend devenir d'ici 2015 un des premiers pays d'accueil des étudiants internationaux dans le monde.

Face à une concurrence internationale de plus en plus aiguë, il est heureux de constater que la place de la France est restée stable.

Pour autant, les restrictions budgétaires imposées à Campus France en 2014 devraient conduire l'opérateur à limiter ses activités de promotion de l'enseignement supérieur français à l'international, ce qui apparaît fort regrettable au regard de l'ampleur des défis à relever et de l'aggravation de la concurrence.

Il pourrait, en outre, être utile, comme le propose la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2013 sur le réseau culturel de la France à l'étranger, de :

- mettre en place un outil de suivi efficace des bénéficiaires de bourses sur le modèle du Club France Maroc ou de l'annuaire constitué par l'ambassade de France au Brésil, afin de faciliter les prises de contacts. Un tel outil existe déjà, avec des résultats encourageants, en Allemagne et au Royaume-Uni ;

- renforcer l'information aux étudiants étrangers, compte tenu des limites, malgré les progrès enregistrés, des espaces Campus France, dont l'efficacité varie en fonction de la fréquentation. L'opérateur pourrait s'appuyer à cet effet sur des enseignants des universités locales chargés, contre un complément de rémunération, de promouvoir le système français d'enseignement supérieur.

Au-delà de ce rapide bilan, nous sommes saisis, mes chers collègues, du premier projet de contrat d'objectifs et de moyens de Campus France, qui couvre la période 2013-2015. Il a fait l'objet, lors de son élaboration, d'un consensus des deux ministères de tutelle de l'établissement, comme des ministères cosignataires que sont le ministère de l'intérieur et celui de l'économie et des finances.

Ce document, dont on peut regretter que la première année d'application soit déjà pratiquement écoulée, propose quatre objectifs stratégiques :

- la valorisation et la promotion des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, ainsi que du système d'enseignement supérieur et de formation professionnelle français à l'international ;

- l'amélioration de l'accueil des étudiants et des chercheurs étrangers ;

- le suivi régulier et l'animation d'un réseau d'étudiants et de chercheurs ayant accompli tout ou partie de leur cursus dans l'enseignement supérieur français ou le réseau d'enseignement français à l'étranger ;

- enfin, l'amélioration de l'efficience dans la gestion administrative et financière des programmes de mobilité et d'attractivité.

Comme le veut l'exercice et afin de permettre à la tutelle de juger des actions menées pendant la période de référence du contrat au regard des objectifs fixés, des indicateurs de performance et d'activité sont associés à chacun de ces quatre objectifs, eux-mêmes divisés en sous-objectifs plus opérationnels.

Au regard de la diminution annoncée des crédits publics, le contrat d'objectifs et de moyens présenté a le mérite d'un grand réalisme : les ambitions affichées apparaissent raisonnables, d'autant qu'il est prévu de les atteindre grâce à des gains de productivité et à une rationalisation de la gestion de l'opérateur, philosophie que je salue.

Deux points méritent également d'être soulignés : d'une part, la décision de mettre en place un outil de référencement commun avec le Centre national des oeuvres universitaires et scolaire (CNOUS), avec lequel les relations n'ont pas été des plus apaisées à la création de Campus France, dont on peut souhaiter qu'il contribue à améliorer la collaboration entre les deux opérateurs ; d'autre part, la mise en place d'un véritable suivi des étudiants et des chercheurs étrangers ayant effectué tout ou partie de leurs cursus en France, qui constitue une recommandation forte de la Cour des comptes. Il est toutefois regrettable que cet outil ne concerne que les boursiers.

Par ailleurs, je partage les observations de Campus France quant à la composition de ses organes de gouvernance, même si ce point ne ressort pas du contrat d'objectifs et de moyens.

Si l'ensemble constitue une construction équilibrée en termes de représentation des acteurs de la mobilité internationale, on peut cependant regretter une surreprésentation des administrations au conseil d'administration. De même, la présence du CNOUS, qui n'a pris part que deux fois aux délibérations du conseil, ne se justifie guère.

En revanche, l'absence totale de représentants du monde économique, au conseil d'administration comme au conseil d'orientation, apparaît dommageable. De la même manière, il serait souhaitable, compte tenu du rôle de Campus France en matière de délivrance des visas, que le ministère de l'intérieur y dispose d'un siège.

Pour l'ensemble des raisons exposées et en dépit de ces quelques remarques, je vous propose de donner un avis favorable à ce premier contrat d'objectifs et de moyens, dont il conviendra de suivre avec attention la mise en oeuvre.

En revanche, vous l'aurez compris mes chers collègues, compte tenu du sous-dimensionnement de l'enveloppe budgétaire aux ambitions culturelles françaises à l'étranger, je ne puis vous proposer de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 « diplomatie culturelle et d'influence » au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».

Par ailleurs, j'aurais souhaité que nous puissions entendre la ministre déléguée à la francophonie avant de nous prononcer.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Le responsable de ce programme est le ministre des affaires étrangères lui-même.

Mme Françoise Cartron. - Je comprends parfaitement les réticences exprimées sur les réductions de crédit proposées lorsqu'il s'agit de culture et de rayonnement de la France à l'étranger mais ce domaine, comme les autres, doit se confronter à la réalité d'un environnement économique difficile et faire l'effort de participer également au redressement des comptes publics. Il me semble, en outre, que le projet de budget pour 2014 permet encore à la France d'assumer des ambitions culturelles élevées.

M. Pierre Bordier. - Il y a quelques années, à l'occasion d'un déplacement dans le Caucase, un interlocuteur m'avait fait cette remarque : « Nous n'aimons pas les Américains mais ils nous aident. Nous aimons les Français mais ils ne nous aident pas. » Dans le contexte actuel de réduction des crédits destinés au rayonnement de la France à l'étranger, cette affirmation n'en a que plus de sens. Il me paraît d'ailleurs révélateur d'avoir été récemment interpellé par un ambassadeur de cette région en vue de participer, dans le cadre de la réserve parlementaire, au financement d'une association locale de promotion de la langue française.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Certes, l'environnement économique est difficile mais la fuite en avant dans l'austérité que propose le projet de budget pour 2014 ne représente pas une solution efficace pour revenir à la croissance. J'estime à cet égard particulièrement regrettable que les crédits destinés aux politiques culturelles soient à nouveau sacrifiées alors même que ces dernières sont indispensables au « vivre ensemble ».

M. André Gattolin. - Il est exact que certains domaines de l'action extérieure de la France, notamment pour ce qui concerne l'immobilier diplomatique, peuvent encore être rationalisés. En revanche, il ne faut pas négliger la diplomatie d'influence au bénéfice de la seule diplomatie économique. À long terme, les effets négatifs d'une telle politique sur le rayonnement de la France et du français pourraient bien être définitifs, d'autant qu'à la faiblesse des crédits s'ajoute l'absence de grandes fondations françaises à l'international, à l'instar de celles qui existent en Allemagne et au Royaume-Uni. À titre d'exemple, la commission des affaires européennes du Sénat a récemment reçu une délégation du Sénat italien. Il y a 20 ou 30 ans, l'ensemble des parlementaires invités auraient maîtrisé la langue française. Aujourd'hui, seul le président de la délégation possédait quelques notions de français.

M. David Assouline. - Si nul ne peut contester la priorité donnée par le Gouvernement aux politiques culturelles, la nécessité globale de réduire les dépenses publiques ne peut non plus être occultée, comme le fait notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin. Je m'étonne également de la position paradoxale de notre collègue Jacques Legendre, qui critique la réduction des crédits alloués en 2014 à l'action culturelle extérieure, tout en approuvant ceux qui contestent toute augmentation de la pression fiscale.

J'estime, s'agissant du présent programme, que des économies supplémentaires peuvent encore être réalisées par la poursuite des efforts de rationalisation afin d'éviter de réduire par trop les investissements.

Mme Marie-Annick Duchêne. - Je partage entièrement l'analyse de notre collègue André Gattolin : la francophonie ne se limite pas à la culture ; elle transmet également des valeurs. Toutefois, la diplomatie économique ne doit pas être négligée. Lors d'un déplacement au Cambodge, j'ai ainsi constaté que, depuis le financement de cours d'anglais dans les écoles par Toyota en lieu et place des anciens coopérants français, les voitures Peugeot avaient disparu.

M. Jacques Legendre. - Si le rapport que je vous ai présenté est celui de notre collègue Louis Duvernois, il ne diffère en rien de l'opinion qui est la mienne. Je m'inquiète en effet depuis de nombreuses années de l'érosion progressive des crédits destinés à l'action culturelle extérieure, et ce quelle que soit la majorité au pouvoir. J'ai notamment déjà dénoncé devant notre commission les difficultés de fonctionnement de certains postes culturels à l'étranger.

Plus largement, les gouvernements successifs ont réduit, ces dix dernières années, les moyens alloués à la diplomatie française profitant du caractère légitimiste des diplomates. Or, l'exercice atteint aujourd'hui ses limites : le budget du ministère des affaires étrangères ne correspond plus aux ambitions affichées. C'est pourquoi je vous propose, chers collègues, d'aider le ministère à défendre les moyens de son action en donnant un avis défavorable aux crédits du programme 185 inscrits au projet de loi de finances pour 2014.

Contrairement à la position du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

Mme Dominique Gillot. - La création de Campus France devait constituer un facteur de rationalisation des coûts en matière de coopération universitaire et d'accueil des étudiants étrangers. Toutefois, force est de constater que l'installation de l'opérateur fut quelque peu agitée entraînant même la démission de son président Christian Demuynck. Ces temps difficiles ont passé : la nomination d'une nouvelle présidente, la modernisation de l'organisation interne et l'élaboration d'un contrat d'objectifs et de moyens en sont la preuve.

Ce premier contrat est le résultat d'un rapprochement des deux ministères de tutelle et du développement bienvenu d'une concertation efficace avec la Conférence des présidents d'université (CPU), qui contribue également à la politique de rayonnement universitaire de la France grâce à des partenariats avec des établissements étrangers.

En outre, un accord d'établissement a été signé avec les représentants des personnels, il instaure une grille unique de classification des emplois de l'opérateur.

Par ailleurs, la situation financière de Campus France ne constitue pas à ce jour une source d'inquiétude : si les ressources issues des produits d'exploitation diminuent le résultat net de l'établissement demeure positif et devrait s'établir à 1,5 million d'euros en 2014. À cet égard, il convient de rappeler que les contraintes budgétaires qui s'imposent à l'opérateur ne sont pas sans rapport avec les conditions chaotiques de son installation, d'une part, et l'assouplissement récent des conditions d'accueil des étudiants étrangers, d'autre part.

Si des progrès demeurent nécessaires, notamment en matière de formation des agents locaux, j'estime que le bilan d'activité de Campus France est positif et que les crédits dont il disposera en 2014 devraient, grâce à un effort de rationalisation du fonctionnement, être suffisants.

Conformément à la position du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable au contrat d'objectifs et de moyens 2013-2015 de Campus France.

Loi de finances pour 2014 - Mission « Jeunesse et vie associative » - Examen du rapport pour avis

Puis la commission examine le rapport pour avis de M. Pierre Martin sur le projet de loi de finances pour 2014 sur les crédits « Jeunesse et vie associative » au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - J'invite M. Pierre Martin à nous présenter les crédits consacrés à la jeunesse et à la vie associative au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » dans le projet de loi de finances pour 2014.

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. - Les crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative » s'établissent, dans le projet de loi de finances pour 2014, à un peu plus de 229 millions d'euros en crédits de paiement, contre 232 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2013, soit une diminution légèrement supérieure à 1 %. Si l'on tient compte du rapatriement sur le service civique de trois millions d'euros supplémentaires issus du reliquat du fonds d'expérimentation de la jeunesse obtenu par la ministre, la diminution est ramenée à 0,3 %, après extraction de la réserve parlementaire. Les dépenses d'intervention dans les secteurs de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative sont donc globalement préservées. Ce sont les services déconcentrés du ministère qui supportent l'effort le plus important de réduction des dépenses de fonctionnement.

Les moyens du programme 163 sont complétés par les crédits inscrits sur le nouveau programme 411 « Projets innovants en faveur de la jeunesse », à hauteur de 100 millions d'euros, en vue de favoriser, par le biais d'appels à projets, la conception et la mise en oeuvre de politiques de jeunesse intégrées et coopératives à l'échelle des territoires. Je souligne, néanmoins, que les premiers appels à projet ne seront pas lancés avant début 2015, l'année prochaine devant être consacrée à la réflexion avec l'ensemble des partenaires.

Le comité interministériel de la jeunesse (CIJ) du 21 février 2013, placé sous la présidence du Premier ministre, a élaboré un plan « Priorité jeunesse » définissant treize chantiers prioritaires et 47 mesures destinés à soutenir l'intégration, l'autonomie et l'employabilité des jeunes. Ce plan se caractérise par l'expérimentation de trois mesures phares :

- les emplois francs, qui reposent sur une aide forfaitaire de 5 000 euros pour l'embauche en CDI d'un jeune de moins de trente ans résidant dans les zones urbaines sensibles ;

- le service public régional de l'orientation, qui est expérimenté dans huit régions pilotes depuis septembre 2013 ;

- et la « garantie jeunes », expérimentée à partir d'octobre 2013 dans dix territoires afin d'apporter aux jeunes de moins de 25 ans un accompagnement intensif et des propositions adaptées de formation et d'emploi, ainsi qu'une garantie financière légèrement inférieure au revenu de solidarité active (RSA). Cette garantie préfigure, en quelque sorte, l'allocation de revenu minimum promise par le Président de la République aux jeunes de moins de 25 ans.

À ces dispositifs expérimentaux d'aide à l'insertion professionnelle des jeunes, s'ajoutent les emplois d'avenir et les contrats de génération. Face à la multiplication et à la fragmentation des dispositifs destinés au renforcement de l'autonomie et de l'employabilité des jeunes, il faut néanmoins se poser la question de la cohérence.

En particulier, comment s'assurera-t-on que l'engagement de service civique demeurera attractif auprès des jeunes les moins qualifiés, face à la multitude de dispositifs d'emplois aidés et de revenu minimum qui s'offrent à eux ? Il faut clairement distinguer et éviter toute confusion dans l'esprit des jeunes de moins de 25 ans entre, d'une part, le service civique qui constitue d'abord et avant tout un dispositif d'insertion civique et de sensibilisation à la notion d'intérêt général, et, d'autre part, les différents types de contrats aidés et de revenu minimum qui visent l'insertion professionnelle des jeunes les plus défavorisés. On est sur deux logiques bien distinctes, mais parfois concurrentielles, en particulier pour les jeunes les plus défavorisés.

N'oublions pas que les marges de progrès en termes de mixité sociale parmi les volontaires du service civique sont encore très importantes : seulement 25 % des engagés de service civique ont un niveau inférieur au baccalauréat, alors que 41 % ont un niveau supérieur au bac. Il faut donc faire attention à ce que le service civique, et plus largement l'engagement des jeunes au service de l'intérêt général, ne soit pas le privilège d'une poignée de jeunes diplômés ou poursuivant des études supérieures et que les jeunes les moins qualifiés et les plus vulnérables soient, eux, cantonnés aux dispositifs de contrats aidés.

J'en viens ainsi à l'évolution des moyens consacrés au développement du service civique. Le service civique continue de constituer le poste de dépenses le plus important du programme avec 149 millions d'euros prévus en 2014, soit quatre millions d'euros de plus qu'en 2013 et 64 % des moyens mobilisés au sein du programme 163.

Le problème le plus préoccupant est bien celui de la soutenabilité budgétaire de la montée en charge de ce dispositif.

En effet, le coût total d'une mission de service civique pour l'État est aujourd'hui d'environ 970 euros. Il sera ramené prochainement, après simplification du régime des cotisations retraite par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, à 820 euros. Compte tenu de la durée moyenne d'un contrat de service civique qui s'établit à huit mois, la prise en charge d'un volontaire par l'État pendant un an revient à 6 560 euros. Dans ces conditions, pour satisfaire l'objectif de 100 000 volontaires effectuant un service civique en année pleine, il faudrait accorder à l'Agence du service civique 656 millions d'euros.

Nous sommes très, très loin du compte, et la Cour des comptes n'a pas manqué de s'en inquiéter dans son rapport sur l'exécution budgétaire de 2012 et le rappellera prochainement dans les conclusions de son contrôle sur les finances de l'Agence du service civique. Rappelons que la loi de programmation triennale ne prévoit à terme, en 2015, qu'une augmentation de 70 millions d'euros pour la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». En admettant que l'augmentation ne bénéficie qu'au service civique, elle demeurerait bien insuffisante pour remplir l'objectif de 50 000 engagés de service civique en 2015 : il manquerait à l'agence encore 100 millions d'euros !

La Cour des comptes recommande la réduction du coût unitaire des missions de service civique. Mais je vois mal comment on pourrait aller plus loin dans cette réduction, sauf à choisir de diminuer le montant de l'indemnité de service civique pour le jeune, ce qui n'est certainement pas souhaitable, on en conviendra tous. On ne peut pas non plus diminuer les aides consenties aux structures d'accueil, puisque les associations doivent précisément permettre au jeune, via le tutorat, d'assumer en pleine autonomie l'exécution de sa mission, sans être en situation de subordination hiérarchique. C'est bien l'apprentissage de la responsabilité qui est au coeur du service civique. Les marges de réduction du coût des missions me semblent donc très faibles. Nous allons droit au mur si nous n'assurons pas une montée en charge puissante sur le plan budgétaire du dispositif pour être à la hauteur de l'ambition.

Malgré cette inquiétude forte sur la soutenabilité budgétaire du service civique, on peut relever quelques signes encourageants pour la jeunesse et la vie associative :

- la mobilité internationale des jeunes est confortée, puisque l'Office franco-allemand pour la jeunesse bénéficie de deux millions d'euros supplémentaires, consentis à parts égales par chacun des deux gouvernements partenaires, la France et l'Allemagne ;

- les dépenses fiscales en faveur du tissu associatif sont renforcées par l'augmentation de 6 000 à 20 000 euros de l'abattement de la taxe sur les salaires dont bénéficient les associations, soit 314 millions d'euros supplémentaires de dépenses fiscales. Dans ces conditions, 70 % des associations ne paieront plus de taxe sur les salaires.

N'oublions pas que les collectivités territoriales, en particulier les communes et les départements, sont au coeur de l'action en faveur des jeunes et du mouvement associatif. Or, j'ai le sentiment qu'on leur envoie un signal assez négatif lorsque l'État diminue le montant des crédits consacrés aux politiques partenariales locales de jeunesse et d'éducation populaire de presque 20 % par rapport à 2013 et de 26 % par rapport à 2012. Ce soutien est pourtant crucial car il permet d'accompagner les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de leurs politiques éducatives locales et l'amélioration de la qualité de l'accès des jeunes aux loisirs.

Le ministère justifie cette baisse significative par la montée en charge des dispositifs de droit commun dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires : 250 millions d'euros au titre de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et la mise en place du « fonds d'amorçage » par l'État. Toutefois, de lourdes incertitudes continuent de peser sur la capacité des collectivités territoriales, elles-mêmes exposées à d'importantes contraintes budgétaires, à mettre en place des projets éducatifs territoriaux ambitieux et à développer l'offre d'activités périscolaires.

Je rappelle, par exemple, la situation préoccupante que connaissent certains départements en matière d'accueil collectif des mineurs. Confrontés à un phénomène de saturation des capacités d'accueil de leurs centres de loisirs et de vacances, des départements tels que le Loiret, la Côte-d'Or, le Bas-Rhin, la Mayenne et la Moselle ont été contraints de limiter l'accueil de nouveaux mineurs étrangers, en remettant en question le dispositif de répartition des jeunes étrangers isolés et le manque de transparence sur les quotas affectés à chaque département pour l'accueil de mineurs étrangers. Il faut donc alerter le Gouvernement sur les difficultés croissantes rencontrées par certains départements pour assurer une prise en charge éducative de qualité de l'ensemble des mineurs et, en particulier, des mineurs étrangers qui souffrent d'isolement.

En conclusion, je vous proposerai de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la jeunesse et de la vie associative en raison des lourdes incertitudes qui pèsent sur la soutenabilité budgétaire de la montée en puissance du dispositif de service civique.

M. Jacques-Bernard Magner. - Je crois que, dans son réquisitoire, le rapporteur fait un amalgame entre plusieurs sujets pour n'en souligner que les aspects qui peuvent à première vue apparaître négatifs en raison de transferts de crédits d'une ligne à l'autre. Vous soulevez la question des besoins de financement des associations pour faire face à la réforme des rythmes scolaires. Certes, le milieu associatif sera fortement impliqué dans la mise en place des nouveaux rythmes, mais je rappelle que la CNAF contribue à hauteur de 54 euros par élève et par an versés aux écoles qui mettent en oeuvre la réforme, à partir d'une enveloppe de 250 millions d'euros créée pour soutenir le développement des activités périscolaires.

Il est vrai que nous devons financer, dans un contexte contraint, la montée en charge du service civique, qui témoigne d'un véritable engouement des jeunes pour ce dispositif. Mais n'oublions pas que la tension sur le plan budgétaire aurait été encore plus forte si c'était l'objectif de 150 000 jeunes engagés dans le service civique, défendu par la précédente majorité, qui devait être mis en oeuvre. Quand on constate que la durée moyenne des contrats de service civique avoisine les sept mois et demi, au lieu des neuf mois initialement envisagés, on peut imaginer que des économies pourront être faites sur la durée de l'engagement.

L'augmentation de l'abattement de la taxe sur les salaires, de 6 000 à 20 000 euros, offrira une véritable bouffée d'air à plus de 70 % des associations, sollicitées de façon croissante pour la formation des bénévoles et l'organisation d'activités périscolaires dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires.

Nous ne partageons pas l'analyse sévère que le rapporteur fait de ce budget et les membres du groupe socialiste voteront les crédits de cette mission.

Mme Françoise Laborde. - J'aurais souhaité quelques explications sur le type d'associations intervenant dans l'accueil collectif des mineurs étrangers isolés.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Pour rebondir sur les remarques de M. Magner sur les conditions de maîtrise du coût de l'engagement de service civique, je rappelle qu'un certain nombre d'associations insistent sur la nécessité de ne pas réduire la durée du contrat en-dessous d'un certain seuil car elles investissent fortement dans la formation des volontaires qu'elles accueillent dans l'exécution de leur mission. Une fois formés, ces volontaires, épanouis, deviennent une aide précieuse pour l'association. À trop diminuer la durée, on prend le risque d'une coopération un peu vaine pour l'une et l'autre parties.

Mme Dominique Gillot. - À nos collègues de l'opposition qui sont très précis dans leurs critiques du projet de loi de finances, je rappelle que la révision générale des politiques publiques conduite sous le précédent gouvernement a saigné dramatiquement les moyens des services déconcentrés de l'État. La ministre est consciente de l'état de nos relais dans les territoires et s'emploie à restaurer les conditions d'un travail efficace de partenariat avec les collectivités territoriales à la hauteur des enjeux.

Même si la majorité gouvernementale a changé, les problèmes se sont amplifiés. On ne peut pas, d'un côté, dire que le Gouvernement n'est pas en capacité de faire les bons choix et de réaliser les économies qui s'imposent, et, de l'autre, appeler aux augmentations de crédits sur tous les plans. Le projet de budget doit procéder à une réduction des dépenses de 15 milliards d'euros en 2014, cela a nécessairement des répercussions. Préférons les discours de vérité compte tenu des responsabilités qui sont les nôtres, en tant que parlementaires, quelle que soit notre couleur politique.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Mes chers collègues, je vous rappelle que les crédits que nous discutons aujourd'hui s'insèrent dans la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour laquelle notre commission se prononcera par un seul vote le 26 novembre, à la suite de l'examen des crédits du sport et la présentation de l'avis de notre collègue Jean-Jacques Lozach.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - J'aimerais insister sur la difficulté à disposer d'indicateurs budgétaires fiables, face à tous ces transferts et changements de périmètre qui compliquent fortement la lisibilité du budget d'une année sur l'autre.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Le labyrinthe de Bercy est contesté une fois de plus de façon unanime par notre commission.

M. Jacques Legendre. - Il est parfaitement légitime pour un rapporteur de l'opposition, quelle qu'elle soit, de porter un regard plus aigu sur un budget que ne l'aurait fait un rapporteur de la majorité. Je n'ai pas souvenir que les membres de notre commission appartenant à la majorité sénatoriale, lorsqu'ils étaient dans l'opposition, aient fait de cadeaux au budget de la majorité de l'époque. L'exercice auquel nous nous prêtons est justement l'occasion de comparer les analyses des uns et des autres et de nous forger notre opinion de façon éclairée.

Je crois que la pensée de notre collègue Dominique Gillot a dépassé ses propos lorsqu'elle a déclaré que, bien que la majorité ait changé, les problèmes se sont amplifiés.

Mme Dominique Gillot. - Vous sortez ma remarque de son contexte, qui valait pour un autre sujet.

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. - Je partage l'observation de Mme Gonthier-Maurin, la complexité des aides et des dispositifs qui se multiplient et se cumulent est préoccupante.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - La majorité précédente n'y est pas non plus étrangère...

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. - Reconnaissons que le paysage de l'ensemble des dispositifs qui s'adressent aux jeunes, entre le service civique, les emplois d'avenir, les contrats de génération et d'autres encore, est pour le moins confus. Le jeune sans emploi à la recherche d'une solution se gratte la tête devant la multitude de ces dispositifs qui correspondent, à chaque fois, à une logique, un traitement et une forme de soutien différents.

Comme le fait remarquer M. Magner, le milieu associatif sera fortement sollicité dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. Nous disposons déjà de remontées d'associations qui s'interrogent sur leur capacité à rémunérer leurs intervenants pour conduire les activités périscolaires. Nous n'allons pas rouvrir le débat sur les rythmes scolaires, une mission commune d'information a été constituée au sein de notre assemblée sur ce sujet. À titre personnel, je comprendrais mal qu'on exige de nos enseignants qu'ils disposent d'un master pour exercer et que, dans le même temps, on appellent des personnels à encadrer nos jeunes dans leurs activités périscolaires sans que soit requise une qualification ou une formation spécifique. Quoi qu'il en soit, pour financer l'ensemble de ces besoins, on en est rendu, aujourd'hui comme hier, à prendre à Pierre pour donner à Paul.

Pour répondre à Mme Laborde, les départements s'appuient, pour la mise en oeuvre du dispositif d'accueil des mineurs étrangers isolés, sur les associations agréées « Jeunesse et éducation populaire » spécialisées dans l'accompagnement socio-éducatif, l'aide sociale à l'enfance et l'hébergement d'urgence des mineurs isolés.

Les responsabilités partagées de l'État et des associations dans l'accueil et la formation des volontaires de service civique et les bénéfices que les associations peuvent légitimement espérer retirer de ce tutorat auxquels faisait référence Mme Blandin, pourront être utilement rappelés et précisés dans la nouvelle charte d'engagements réciproques entre l'État, les collectivités territoriales et les associations, en cours d'élaboration.

Le véritable problème, pour la cohérence de notre politique en faveur de la jeunesse et de la vie associative, est de savoir clairement quels sont nos objectifs et comment nous entendons raisonnablement les atteindre. N'oublions pas que les collectivités territoriales, fortement impliquées dans ce secteur, sont en droit d'attendre de l'État cet effort de cohérence, en particulier sur le plan financier.

Le vote de l'avis sur les crédits est réservé.

Création d'un groupe de travail sur l'Université des Antilles et de la Guyane - Échange de vues

Enfin, la commission procède à un échange de vues sur la création d'un groupe de travail conjoint avec la délégation sénatoriale à l'Outre-mer, sur la situation de l'Université des Antilles et de la Guyane.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Notre collègue Serge Larcher, président de la délégation sénatoriale à l'Outre-mer, sur une proposition du sénateur Jean-Étienne Antoinette s'alertant de la situation troublée que connaît à l'heure actuelle l'Université des Antilles et de la Guyane, a souhaité que nous mettions en place une mission d'information sur ce sujet. L'installation d'une telle structure me semble difficile, compte tenu à la fois de notre manque de moyens et du fait que le législateur n'a pas forcément vocation à intervenir dans le règlement de chacune des crises aiguës que connaissent, du reste, d'autres universités, comme Montpellier III et son antenne de Béziers. La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche nous a indiqué, au cours de son audition, s'employer à régler au plus vite la situation afin de mettre un terme aux blocages de l'université. Avant-hier, un protocole d'accord entre l'intersyndicale et le collectif des étudiants et le ministère a été signé et contre-signé par tous les élus locaux et nationaux de ce territoire. Il vise à sanctuariser les moyens et dessiner les perspectives d'autonomisation du pôle universitaire guyanais.

Pour donner suite à la demande de la délégation sénatoriale à l'Outre-mer, il nous a semblé préférable au niveau de notre commission de constituer un groupe de travail conjoint à notre commission et la délégation, au sein duquel seraient représentés tous les groupes politiques et dont le rapporteur, pour la commission, pourrait être notre rapporteure des crédits de l'enseignement supérieur Dominique Gillot.

Il en est ainsi décidé.

Jeudi 14 novembre 2013

- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -

Projet de loi de finances pour 2014 - Audition de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

La commission auditionne Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de loi de finances pour 2014.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nous sommes heureux de vous accueillir, madame la ministre de la culture et de la communication, pour la présentation de votre budget.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. - En 2014, ce budget sera de 7,26 milliards d'euros, en baisse de 2 %. Il est conforme à la programmation triennale votée par le Parlement en 2012 et s'inscrit dans l'effort de redressement des finances publiques. La baisse ne sera pas uniforme ; j'ai fait des choix et commencé un travail de restructuration en profondeur. Ainsi je préserverai les missions fondamentales du ministère en faveur de la création : spectacle vivant, arts plastiques, musique. De plus, l'effort portera en priorité sur les entreprises et les opérateurs les plus solides financièrement, disposant de financements propres ou ayant accès à des fonds de mécénat. Je pourrai ainsi conserver ou augmenter les crédits d'intervention en région et les actions qui garantissent l'emploi et l'activité des entreprises culturelles, par exemple celles qui s'occupent de restauration des monuments historiques. Il s'agit d'un budget sélectif et responsable.

Le financement des priorités arrêtées en 2012 est assuré. La première est de favoriser la jeunesse, en développant un projet national pour l'éducation artistique et culturelle, et en confortant les moyens de l'enseignement supérieur du ministère de la culture, qui forme 35 000 étudiants par an. Il s'agit aussi de maintenir l'effort national en faveur du patrimoine et de préserver les moyens d'intervention de l'État en région, particulièrement dans le domaine de la création. Enfin, à l'heure de la transition numérique, il est nécessaire d'instaurer une régulation adaptée de l'offre - lutte contre la contrefaçon commerciale et la piraterie, développement de l'offre légal, nouveaux outils de financement de la création. Le numérique est un outil non seulement de diffusion mais aussi de création. J'ai organisé l'Automne numérique, lors duquel les pratiques artistiques fondées sur l'utilisation des oeuvres et données publiques de nos établissements ont été encouragées. Un calculateur sera installé, indiquant la date d'entrée dans le domaine public des oeuvres. De même, en 2014, la loi sur la création comportera un volet numérique. Je présenterai également une loi sur les patrimoines l'an prochain.

Il convient de prendre en compte le poids économique de la culture. La presse s'est fait l'écho d'une étude commandée par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). J'avais pour ma part, avec Pierre Moscovici, demandé à l'inspection générale des affaires culturelles et à l'inspection générale des finances une étude pour évaluer cette dimension. La culture représente 59 milliards d'euros de valeur ajoutée, plus de 3 % du PIB, près de 5,5 % si l'on ajoute les retombées indirectes. Avec la mode, le luxe ou la gastronomie, on dépasse les 10 %... Cette étude montrera comment le développement d'équipements culturels peut générer de la richesse sur les territoires.

J'en viens aux politiques thématiques. J'ai présenté le 10 juillet dernier les principaux axes de la réforme des aides à la presse. J'ai réaffirmé à cette occasion la légitimité du soutien de l'État. Le système d'aides était très complexe et méritait d'être revu. Je me suis appuyée sur les préconisations du groupe d'experts animé par M. Roch-Olivier Maistre : accompagnement de la transition numérique pour les titres, garantie d'une distribution économiquement efficace. Le taux de TVA super-réduit de 2,1 % sera maintenu pour la presse imprimée. Nous assumons le choix de ne pas recentrer la TVA sur la seule presse d'information politique et générale, ciblage difficile à mettre en oeuvre sans s'immiscer dans les lignes éditoriales. Je souhaite que cette mesure s'applique à la presse en ligne en 2014. Nous sommes en discussion avec la Commission européenne sur ce sujet comme sur celui de la TVA du livre numérique. Les aides directes, notamment celles du Fonds stratégique pour le développement de la presse, seront rationalisées et réorientées en faveur de l'innovation.

De plus, l'État souhaite engager une réflexion sur la coexistence des canaux de diffusion - postage, portage, vente au numéro - car, en 2015, les accords liant la presse, la Poste et l'État arriveront à échéance. Le moratoire à la hausse tarifaire du transport postal, financé par l'État, cessera dès 2014. Le renchérissement des tarifs est étalé sur deux ans, pour faciliter l'anticipation des acteurs. Parallèlement, l'État augmentera de plus de 4 millions son aide en faveur de l'exonération de cotisations sociales des porteurs de presse. Le budget 2014 marque ainsi un positionnement stratégique de l'État en matière de distribution, ce qui est nouveau. Je ne méconnais pas les difficultés que la hausse des tarifs postaux peut engendrer pour certains titres, c'est pourquoi j'ai prévu une mesure d'atténuation pour la presse d'intérêt général. Je nommerai dans les prochains jours un médiateur, qui aura une mission d'expertise et réfléchira aux conditions de sortie du moratoire.

Je confirme nos engagements concernant le portage : 37 millions d'euros lui seront consacrés en 2014, autant qu'en 2013. Mais les critères de cette aide seront revus, afin de favoriser le portage multi-titres, des quotidiens comme des magazines. Outre l'aide exceptionnelle mise en place en 2013 pour les diffuseurs les plus touchés par les grèves chez Presstalis, le soutien aux marchands de journaux passera par un plan d'accompagnement à la modernisation des kiosques. J'ai aussi demandé au Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) de proposer des mesures structurantes pour améliorer la rémunération des diffuseurs de niveau 3, autrement dit les détaillants, qui est actuellement la plus faible d'Europe. Je souhaite aussi renforcer les pouvoirs de l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), afin d'accélérer les réformes.

L'audiovisuel public contribuera à l'effort national de redressement des finances publiques, avec une dotation publique totale en recul de 1 %. Les missions ne sont pas remises en cause. Le Gouvernement a choisi la voie du dialogue et un avenant au contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, qui vous a été soumis, sera bientôt signé. À cela s'ajoute la finalisation d'un premier COM avec France Médias Monde.

À titre exceptionnel, nous avons aussi décidé de procéder à des prélèvements sur les fonds de roulement de certains établissements, notamment l'Institut national de l'audiovisuel (INA) à hauteur de 20 millions d'euros. L'institut a accumulé des réserves de 30 millions. Il avait un projet immobilier très ambitieux... auquel l'État aurait dû contribuer à hauteur de 55 millions d'euros. Cela n'est pas envisageable dans la période de contrainte forte des finances publiques que nous connaissons actuellement. J'ai demandé à l'INA de me soumettre un nouveau projet pour la protection des archives. La même question s'était posée pour les réserves du Louvre : un projet pharaonique avait été élaboré, mais non financé. Finalement les réserves seront implantées près de Lens.

Le prélèvement opéré sur Radio France est compatible avec le calendrier actualisé du chantier de la Maison de la Radio et ne remet pas en cause les conditions de son financement. Enfin, s'agissant d'Arte France, le prélèvement de 1 million n'affectera en rien le niveau des investissements dans la création audiovisuelle.

Ainsi, en 2014, les financements publics confortent la place du service public dans le secteur audiovisuel et en préservent les missions. Les crédits de France Médias Monde et de TV5 Monde sont même en augmentation.

La situation financière de France Télévisions est préoccupante. Les recettes publicitaires se dégradent. Sa participation à l'effort de redressement des finances publiques est modérée ; la dotation ne diminuera que de 1,7 % sur la période 2012 à 2015. La dégradation récente des recettes commerciales de l'entreprise n'est pas liée à la suppression de la publicité en soirée, qui existe depuis quatre ans, mais s'explique par le recul des audiences, en baisse de plus de 4 % entre 2010 et 2012 tandis que les recettes publicitaires chutaient de plus de 15 %. L'élaboration du projet d'avenant a révélé qu'une réforme en profondeur de l'offre régionale de télévision publique exigerait une reconfiguration du réseau : une vaste réflexion sera donc lancée sur l'offre de proximité et sur l'avenir de l'offre régionale de France 3. Une mission sera prochainement confiée à Anne Brucy, ancienne directrice du réseau France Bleu, qui associera des parlementaires, France Télévisions, les administrations concernées et des experts. Elle étudiera l'opportunité d'élargir les plages de diffusion d'émissions régionales et proposera des scénarios d'évolution.

Les crédits des politiques transversales, 10,48 millions d'euros, sont en baisse de deux millions. La subvention à la Hadopi diminue, mais son fonds de roulement lui permettra d'assurer la continuité de ses missions, dans l'attente d'une évolution du cadre législatif.

Les moyens consacrés à la politique en faveur du livre et de la lecture sont consolidés en 2014, y compris ceux du Centre National du Livre (CNL), qui a un nouveau directeur, M. Vincent Monadé. Nous cherchons à préserver la chaîne du livre dans sa diversité, avec une attention particulière pour les libraires indépendants, le maillon en danger. Vous avez voté la création d'une autorité administrative indépendante, le médiateur du livre, qui pourra s'appuyer sur les agents du ministère, lesquels seront assermentés pour contrôler le respect des lois sur le prix unique du livre de 1981 et de 2011. Le soutien au réseau des librairies indépendantes sera l'une des priorités du plan Livre en 2014, afin de favoriser le maintien d'un réseau dense et diversifié sur l'ensemble du territoire. Les services déconcentrés disposeront à cet effet de plus d'un million d'euros. Nous continuerons à soutenir la mise en place de contrats de filière, pour dynamiser le secteur du livre en région. Le fonds du CNL en faveur de la création et du développement des librairies sera doté de deux millions d'euros. Ces mesures s'ajoutent aux neuf millions d'euros du plan Livre. Le fonds d'avances destiné à consolider la trésorerie des librairies, soit cinq millions d'euros en 2014, sera géré par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) ; et le fonds d'aide à la transmission des commerces (quatre millions d'euros), par l'association pour le développement de la librairie de création (Adelc). À quoi s'ajoutera une contribution volontaire des éditeurs en faveur des librairies indépendantes de sept millions d'euros. Enfin, en 2014, sera engagée une réflexion sur la hausse des coûts de transport, en coordination avec les autres ministères, afin de redéfinir le dispositif de soutien à la présence du livre en outre-mer. Le CNL continuera à apporter ses concours à des projets d'ouvrages de qualité. L'État, en région, maintiendra son soutien aux projets de publication et de développement des éditeurs locaux.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - J'invite maintenant nos rapporteurs pour la presse, les industries culturelles, l'audiovisuel et la politique du livre à intervenir.

M. Pierre Laurent, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. - Je ne partage pas votre optimisme sur la presse. Ce secteur est déstabilisé, en très grande difficulté, en alarme maximum. Le soutenir est un impératif démocratique. Une très profonde mutation est à l'oeuvre, dont personne ne sait prédire l'issue. Des titres risquent de disparaître. Pourquoi ne pas baisser la TVA sur la presse numérique dès maintenant, puisque vous souhaitez un alignement ? Cette mesure aurait un effet minime pour le budget, mais elle est vitale pour la presse.

Les aides au pluralisme diminueront, en 2014, de 500 000 euros pour s'établir à 11,5 millions d'euros. Elles ne représentent que 3 % des aides directes à la presse mais sont les plus justifiées. Pourtant, les titres d'information politique et générale qui en bénéficient se trouvent dans une situation financière des plus dramatiques. Quelles dispositions envisagez-vous afin d'assurer la survie de ces titres, alors que la vente au numéro s'effondre ?

Le 1er juillet dernier, vous avez signé, avec quatre autres ministres, le contrat triennal d'entreprise liant La Poste à l'État. Trois jours plus tard était annoncée la fin du moratoire postal et le retour à l'application des accords Schwartz sur les tarifs postaux, entraînant une augmentation de charges de 60 millions d'euros pour les éditeurs. Pourquoi une telle précipitation, pourquoi cette absence de concertation ? Cette annonce a créé de vives tensions entre La Poste et les éditeurs, alors qu'une coopération entre eux est indispensable. Un médiateur sera nommé : avec quel mandat ? Envisage-t-on une refonte des modes de distribution ? Quel mécanisme équitable instaurer pour que La Poste y contribue également ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis sur les crédits de l'audiovisuel. - Madame la ministre, je salue votre combat pour préserver vos crédits. Bercy n'a pas pris pleinement conscience que la culture, en période de crise, ne représente pas seulement un supplément d'âme mais un élément essentiel du lien social et même du redressement productif. Dans une période de grand désarroi, elle maintient le vivre ensemble. Le budget de la culture représente une part infime du budget de l'État : il serait absurde de vouloir lui appliquer la toise.

Notre commission a discuté de l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions. Nous serons attentifs au plan de départs volontaires prévu chez France Télévisions afin d'éviter les effets pervers : son coût ne doit pas être excessif et surtout, il convient de s'assurer que la chaîne ne se vide pas de ses meilleurs éléments, dont on financerait le passage à la concurrence.

Je comprends votre explication concernant l'INA. Sa mission, toutefois, n'est pas secondaire ; la préservation des archives audiovisuelles est essentielle. Oui, le projet immobilier était pharaonique et l'État ne pouvait aligner les 55 millions demandés. Mais la ponction de 20 millions est-elle pour autant opportune ? Les archives sont stockées dans des conditions inquiétantes : au moindre incendie, ce sera la catastrophe ! Il est temps d'agir. L'INA peut supporter un prélèvement ponctuel sur son fonds de roulement, mais il ne faudrait pas qu'il se reproduise, sauf à compromettre l'accomplissement des missions qui lui sont confiées. Enfin, quand le rapport Vallet sera-t-il publié?

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « livres et industries culturelles ». - Votre prédécesseur s'était réjoui d'avoir préservé les crédits de son ministère. Nous partageons votre plaidoyer sur la place de la culture dans la société. J'observe toutefois que votre ministère participe désormais aux efforts de redressement des finances publiques, alors que ce secteur devrait être sanctuarisé.

La loi du 1er mars 2012 relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle, dont j'étais l'auteur et qui a fait l'objet d'un large consensus, aurait dû entrer pleinement en application, mais la phase de numérisation n'a pu encore débuter, faute de financements. La Bibliothèque nationale de France (BnF) a publié, le 21 mars dernier, une première liste de 60 000 titres, tandis que les droits d'exploitation numériques sont entrés en gestion collective le 21 septembre. Quelles solutions proposez-vous pour remédier aux blocages provenant, semble-t-il, des éditeurs d'une part, du Commissariat général à l'investissement d'autre part ? Il serait paradoxal que les oeuvres du XXe siècle ne soit pas accessibles à nos concitoyens, quand celles des siècles antérieurs le sont déjà.

La Hadopi avait été dotée de moyens importants pour lutter contre le piratage. En 2014, l'institution pourra, pour la dernière fois, puiser dans son fonds de roulement pour mener à bien ses missions. Celui-ci ayant alors atteint son seuil prudentiel, la dotation de la Hadopi devra mécaniquement augmenter en 2015. À moins que... Qu'envisagez-vous pour l'avenir de la Hadopi : la maintenir, avec un niveau de budget acceptable ou, comme le propose le rapport Lescure, transférer ses missions au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ? Pensez-vous que ce dernier représente l'instance la plus compétente pour intervenir dans le champ de l'Internet ?

M. André Gattolin. - Je partage le point de vue de David Assouline sur l'INA. Il existe un vrai risque pour notre patrimoine audiovisuel. Le projet immobilier était démesuré, mais nous devons prévoir des lieux de stockage. L'implantation au coeur de Paris ne pouvait durer, un transfert en périphérie était inéluctable. De plus, la multiplication des sites n'était pas judicieuse. Aujourd'hui, il faut agir.

Il y a un an jour pour jour, vous dénonciez devant nous des aides trop peu sélectives. Or vous vous refusez aujourd'hui à désolidariser presse magazine et presse d'intérêt général.

Aujourd'hui, 35 000 journalistes possèdent une carte de presse : 30 000 sont réellement en activité, seuls 10 % à 15 % travaillent dans l'information politique et générale. Avec la hausse des tarifs postaux de 15 % au 1er janvier, d'autres quotidiens vont tomber, après France Soir ou La Tribune. La presse d'information appartient au secteur privé mais exerce une mission de service public. Avec l'Agence France-Presse (AFP), les grandes agences de presse, les grands quotidiens et quelques grandes chaînes de télévision constituent les lieux d'élaboration de l'information, reprise ensuite par tous les autres médias audiovisuels, radios et internet compris. L'information diffusée sur internet est toujours la même, démultipliée.

La baisse des aides pour les frais postaux m'inquiète : 37 millions contre 38 l'an dernier. Le soutien au portage n'est pas une compensation. Seule la Poste peut néanmoins assurer une diffusion d'un titre sur tout le territoire, y compris dans les zones peu denses. Avec la hausse des frais postaux, les quotidiens nationaux comme régionaux sont condamnés à voir leur zone de diffusion restreinte aux seules zones urbaines, avec un risque de monopole accru, localement, pour un titre de presse quotidienne régionale. Économiste des médias, je me méfie toujours de la justification économique de la culture : il ne faut pas négliger son utilité sociale et publique.

M. Michel Le Scouarnec. - Le budget 2014 confirme la baisse des crédits, déjà contraints, de la culture. Les libraires indépendants sont menacés. Quelles seront les modalités de l'aide de 18 millions ? La concurrence de la grande distribution est féroce. Les libraires indépendants ont aussi du mal à répondre aux appels d'offre des communes, pour équiper les bibliothèques et les médiathèques. Comment aménager la réglementation pour mieux les associer ? La survie des librairies de proximité n'est pas l'affaire des seuls libraires, elle nous concerne tous.

M. Michel Savin. - Au lieu de reporter le projet de l'INA et de prélever 30 millions d'euros sur son fonds de roulement, pourquoi ne pas prévoir un projet moins ambitieux, réalisable rapidement, avec les fonds disponibles, afin de protéger les archives ?

M. Pierre Bordier. - Il existe une commission de contrôle des publications destinées à la jeunesse. J'y ai longtemps représenté le Sénat, avant que sa composition soit modifiée - les parlementaires n'y siègent plus. Notre réforme est-elle appliquée ? Comment fonctionne désormais la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je m'associe aux inquiétudes exprimées à propos de l'INA. J'ai sollicité Bernard Cazeneuve à ce propos. Il y va de notre mémoire collective.

D'aucuns ont appelé de leurs voeux la création d'un comité de déontologie de la presse. Cela manque cruellement : TF1 a récemment modifié la bande son d'un reportage pour faire coïncider les sifflets adressés au chef de l'État, lors de son déplacement à Oyonnax, avec sa sortie de véhicule. Ce sont des méthodes de voyous. La chaîne ne relève pas du service public, mais elle utilise le bien commun qu'est la fréquence attribuée par le CSA. Madame la ministre, usez de tout votre pouvoir pour qu'une telle instance voie le jour.

Mme Aurélie Filippetti, ministre. - Le CSA a été saisi de l'affaire. À l'occasion des Assises internationales du journalisme, la semaine dernière, j'ai annoncé le lancement d'une mission de réflexion sur la création d'une instance de déontologie de l'information, en étudiant les pratiques des pays voisins.

Les aides au pluralisme diminuent légèrement, en raison de la disparition de France Soir. Il n'était pas évident de maintenir ces 11 millions d'euros : j'y suis parvenue. Je me suis même opposée aux préconisations du rapport de Roch-Olivier Maistre qui préconisait de rassembler les aides dans un pot commun. J'ai tenu à maintenir la spécificité des aides au pluralisme. L'effort du gouvernement est remarquable sur ce point.

Si la TVA sur la presse en ligne n'a pas été abaissée en 2013, c'est que nous étions alors en contentieux avec la Commission européenne sur le livre. Nous discutons toujours de l'hypothèse d'une modification de la directive TVA. Quoiqu'il arrive, la TVA sur la presse en ligne sera réduite en 2014.

Nous souhaitons mieux cibler les aides de l'État sur l'accompagnement à la transition industrielle et numérique. Les interventions sont aujourd'hui nombreuses, dispersées ; et leurs effets parfois contradictoires. Nos choix reposent sur une aide transversale : la TVA à 2,1 % pour tous. Distinguer les taux de TVA selon la nature des titres n'était pas envisageable : voyez les suppléments et magazines du week-end, qui ne sont guère d'information politique et générale mais sont lancés par des titres relevant de cette catégorie.

L'évolution des technologies nous conduit aussi à rationaliser les aides : celle aux rotatives sera précédée d'une étude d'impact approfondie, afin de vérifier qu'il n'existe pas déjà alentour des surcapacités.

Les aides au postage seront supprimées pour éviter les effets d'aubaine. La presse doit faire sa transition économique et écologique. L'État ne peut être le recours systématique. La levée du moratoire sur les aides postales faisait partie des préconisations du rapport Maistre. En contrepartie, nous augmentons l'exonération de charges sociales pour les vendeurs-colporteurs de presse, y compris pour la presse magazine d'information politique et générale : c'est un choix fort. Le contrat qui lie La Poste à l'État peut évoluer. Un avenant a déjà été signé. Une mission travaillera sur la fin du moratoire et les relations entre l'État, la Poste et les éditeurs à horizon 2015, à l'échéance des accords Schwartz de 2009.

Les crédits du fonds stratégique ont été ciblés sur l'information politique et générale et les tarifs postaux modulés selon que les titres relevaient de l'information politique et générale ou non, et selon la part de ressources publiques reçues. Nous préparons le choc de 2015 : il est donc pertinent de lisser ces évolutions sur deux ans. La médiation sera conduite par l'inspection générale des affaires culturelles et l'inspection générale des finances. La fin du moratoire doit nous conduire à trouver un nouvel équilibre entre l'État, La Poste et les éditeurs.

Sur l'INA, je m'étonne que la trésorerie des établissements publics puisse être considérée comme leur propriété. Ils sont financés par l'argent public. En outre, pourquoi certains établissements accumulent-ils un tel fonds de roulement ? En temps de crise, la pratique est particulièrement contestable. Rien ne s'oppose à ce que l'État puise dans cette manne, du moment que cela ne remet pas en cause le fonctionnement de l'établissement. En l'occurrence, l'État n'a prélevé que 20 des 30 millions d'euros accumulés par l'INA, que celle-ci destinait au financement d'un projet, non de 80 mais de 120 millions d'euros - au départ... Les dérives de certains chantiers devraient nous faire réfléchir. On nous reproche de dépenser de l'argent pour achever la Philharmonie de Paris, mais on critique également mon refus de reproduire cette erreur ! Cela étant dit, je ne conteste pas qu'il faille des locaux adaptés à la conservation des archives : j'ai demandé une mise aux normes des bâtiments actuels. Le prochain contrat d'objectifs et de moyens pour 2015-2019, dont la négociation commencera au second semestre 2014, sera l'occasion de travailler à un autre projet. Je précise qu'il n'y a pas de recul de la dotation de l'INA, et que le point de départ pour établir les dotations futures sera le niveau de 90 millions d'euros inscrits en loi de programmation budgétaire, non les 69 millions de 2014.

Le rapport de Laurent Vallet me sera remis avant Noël. Il traitera notamment du pourcentage minimal de financement des oeuvres pour entrer dans la catégorie des coproductions, des mandats de commercialisation, etc.

Monsieur Legendre, sanctuariser un budget, souvent, signifie ne rien changer au fonctionnement présent. De plus, on peut sanctuariser un budget et tout modifier à l'intérieur, ou consacrer beaucoup de ressources à des dépenses inutiles.

Le financement de la numérisation des oeuvres indisponibles sera assuré par le Commissariat général à l'investissement, sur le programme des investissements d'avenir. Le CNL participera à cette opération à forte dimension patrimoniale. La numérisation sera effectuée par la BnF. La question de la participation patrimoniale est réglée, pas celle de la participation commerciale : néanmoins, que l'on ne compte pas sur l'État pour suppléer des partenaires privés réticents. J'ai reçu les éditeurs. J'ai fait une proposition, qui sera examinée par eux comme par le commissaire général à l'investissement.

Nous avons largement abordé la question de la Hadopi avec David Assouline ici-même. Nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi sur la création en 2014. La lutte contre la contrefaçon continue, comme en témoigne la condamnation prononcée mardi dernier à Thionville. Les 6 millions d'euros alloués à la Hadopi lui permettront d'exercer ses missions, sans compter qu'elle dispose de 5 à 6 millions d'euros de fonds de roulement. Nous travaillerons avec elle et le CSA pour cibler au mieux ses besoins pour l'année prochaine.

La Tribune n'est pas morte, elle a changé de modèle et le personnel semble très satisfait des nouvelles perspectives. Je n'ai en revanche pas de commentaires à faire sur la disparition de France Soir. Les titres vivent et meurent. Ce n'est pas à l'État de maintenir sous perfusion des quotidiens non viables.

Le poids économique de la culture, bien sûr, n'est pas le seul aspect à considérer. Cependant, il est légitime de s'interroger. Si les aides sont insuffisamment ciblées, ou contradictoires, elles deviennent contreproductives. Il était nécessaire de les réorienter afin d'accompagner la modernisation du secteur.

Je suis attentive au respect de la loi sur le prix unique du livre, et je veux éviter les contournements par le recours aux market places comme Amazon : certains vendeurs passent par ce canal pour vendre à prix d'occasion des livres neufs. Nous créons un médiateur du livre, et les agents du ministère seront assermentés pour constater les infractions à cette loi.

Monsieur Le Scouarnec, favoriser les libraires indépendants dans les appels d'offres des collectivités territoriales pour l'approvisionnement des bibliothèques nécessiterait de modifier le code des marchés publics, ce qui n'est pas facile et requiert la collaboration de Bercy.

Le nouveau système de contrôle des publications pour la jeunesse semble fonctionner correctement. Nous travaillons avec la Chancellerie et le ministère de l'Intérieur. Nous en dresserons un bilan en 2014.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je donne la parole à M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, qui est en quelque sorte notre Bercy à nous...

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances. - Je suis très heureux d'assister à vos remarquables travaux. Je constate la grande compétence des membres de cette commission : je suis ici moins pour parler que pour apprendre.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nous entamons la deuxième partie de cette réunion, relative à la création et à l'éducation artistique et culturelle.

Mme Maryvonne Blondin, rapporteure pour avis sur les crédits du programme « Création » consacrés au Spectacle vivant. - Je salue les efforts de la ministre pour nous présenter un budget qui préserve le coeur de ses missions. L'éducation artistique et culturelle fait partie des priorités. Vous avez réussi, madame la ministre, à la mettre en place avec le ministère de l'éducation nationale, et nous vous en félicitons. Il y va de la richesse future de notre nation.

Les crédits dédiés à la création ont été moins épargnés. Les acteurs du secteur sont préoccupés par le gel de 7 % de ceux-ci. L'Opéra national de Paris a subi le gel d'une partie de son financement en cours d'année, susceptible de menacer des programmations qui s'étalent sur quatre ou cinq ans.

La culture est une source d'épanouissement individuel et collectif. Par les temps qui courent, nous avons plus que jamais besoin des valeurs qu'elle véhicule. Mais il faut aussi rappeler le poids économique du secteur, qui repose sur des emplois non délocalisables, et sur le dynamisme de nombreux jeunes.

À l'échelle européenne, le gouvernement affiche un certain volontarisme, comme en témoignent le document Promouvoir les secteurs de la culture et de la création pour la croissance et les emplois, ou, le programme d'ouverture à l'international dit Europe créative. Hélas le budget, en ce domaine, stagne.

Notre création est riche, mais la diffusion souffre de quelques faiblesses. L'introduction d'un nouvel indicateur de performance de diffusion va dans le bon sens.

Le projet de loi relatif à la création est très attendu. Nous avons en particulier besoin d'un observatoire national susceptible de recueillir des informations statistiques et de mieux prendre en compte les pratiques amateurs.

Ce budget laisse apparaître deux difficultés : d'une part, la baisse du plafond de la taxe affectée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), qui passera de 27 à 24 millions d'euros, redistribués aux compagnies et aux jeunes artistes qui animent les festivals, ainsi qu'aux entreprises de l'audiovisuel à petit budget. D'autre part, les multiples taux de TVA suivant les secteurs et les intervenants. L'Assemblée nationale a voté le taux réduit sur les billets de cinéma et sur l'importation des oeuvres d'art. Il est maintenu sur les billets de spectacle vivant et les livres. Mais nous allons taxer plus fortement les auteurs d'oeuvres : comme ils ne peuvent répercuter la taxe, elle va peser sur leurs revenus.

La Philharmonie de Paris reste un motif d'inquiétude. Si les collectivités territoriales géraient leurs budgets et leurs chantiers de cette façon, elles seraient jugées gravement irresponsables !

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « transmission des savoirs ». - Le budget dédié aux établissements d'enseignement est contrasté. Les établissements d'enseignement supérieur qui font partie du ministère de la culture voient leurs crédits progresser de 9,5 % en autorisations d'engagement et de 7 % en crédits de paiement. Leur fonctionnement est ainsi protégé. Les établissements spécialisés en région, essentiellement les conservatoires, sont en revanche privés de 31 % de leurs ressources, après une baisse de 25 % l'an dernier. L'État entend-il se désengager complètement ? Quel rôle les collectivités territoriales joueraient-elles alors ?

Tous les acteurs s'inquiètent des orientations prises en matière d'éducation artistique et culturelle en milieu scolaire. L'éducation nationale semble réticente à s'engager dans cette voie, pourtant fondamentale pour promouvoir l'égalité des chances.

Mme Dominique Gillot. - Je félicite Mme la ministre, dont le budget équilibré contribue au redressement des finances de l'État.

Quels engagements avez-vous pris sur le dégel des crédits du programme 131 « Création » ? L'administration est-elle disposée à mettre en oeuvre la mesure ?

Les crédits de la création artistique progressent de 4,5 millions d'euros, afin de renforcer les moyens des labels de scènes de musiques actuelles et de renouveler la direction des centres dramatiques nationaux et des centres chorégraphiques nationaux. Mais les marges des théâtres ont fondu ces dernières années, ce qui les oblige à diminuer leurs crédits artistiques, voire à annuler certaines productions. En Ile-de-France, région la mieux dotée en troupes et en institutions car la plus peuplée du pays, la précarité progresse.

La convergence des autorisations d'engagement et des crédits de paiement n'est pas mauvaise en soi mais elle freine le lancement de nouveaux projets, sans oublier les conséquences sur la maintenance des équipements. L'an prochain, il faudra revoir tout cela.

Je me félicite de la convention signée avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour la diffusion et le partage de la culture dans les établissements d'enseignement supérieur.

Enfin, je veux attirer votre attention sur l'importance du soutien à la création des artistes handicapés, qui s'épuisent, d'un ministère à un autre, à trouver des réponses à leurs questions. Ces artistes ont pourtant d'importantes capacités de dynamisation de la création.

Mme Françoise Cartron. - Ce budget affiche un certain nombre de priorités, qui sont autant de moyens de surmonter la période difficile que nous traversons.

L'éducation artistique et culturelle, qui vous tient à coeur, est un chantier majeur, surtout dans l'enseignement du premier degré. Allez-vous enfin donner des instructions claires sur ce sujet ? Les créateurs, les établissements labellisés en région, auront-ils enfin la reconnaissance qu'ils méritent pour leur travail de terrain ? Il faut sensibiliser les enfants dès le plus jeune âge aux pratiques artistiques.

Dispose-t-on d'un inventaire des informations recueillies par les observatoires régionaux ? Peut-on les mettre en réseau, plutôt que de créer un observatoire national ?

M. Pierre Bordier. - En 2012, j'ai travaillé avec Cécile Cukierman sur les établissements publics de coopération culturelle (EPCC), créés par les communes et les conseils généraux : alors que prises séparément ces collectivités ne sont pas assujetties à la taxe sur les salaires, elles le sont lorsqu'elles se regroupent dans le cadre d'un EPCC. Tous les cabinets ministériels que j'ai contactés m'ont indiqué que la prochaine loi relative à la décentralisation serait l'occasion de clarifier le droit applicable. Y êtes-vous favorable ?

M. Pierre Laurent. - L'éducation artistique en milieu scolaire doit être intégrée dans la réforme des rythmes scolaires. Or la mise en oeuvre de celle-ci ne se passe pas exactement comme prévu. Non pas en raison de boycotts ou de postures inspirées par des motivations politiques mais parce que l'affaire n'a pas été suffisamment pensée. Faisons-le avant que la crise ne s'aggrave car nous allons au-devant de grandes difficultés.

Mme Aurélie Filippetti, ministre. - L'enseignement artistique est une priorité : les crédits qui lui sont consacrés augmenteront de 33 % sur deux ans. Cela permettra de financer 1 000 projets supplémentaires par an. Ceux-ci ont vocation à s'inscrire dans la réforme des rythmes scolaires. Nous sommes favorables à la mise à disposition de professionnels de la culture pour en assurer le contenu. J'ai demandé aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) d'encourager la constitution de réseaux pour organiser ces parcours artistiques. Le ministère de la culture et les établissements culturels ne sont pas chefs de file sur cette politique, qui exige une forte implication des collectivités territoriales. Nous y travaillons au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel local. État et collectivités, nos actions sont complémentaires. Je suis une militante de ces sujets, car il y a là un moyen pour redonner confiance dans l'école.

Nous avons remporté une victoire contre la Commission européenne en matière de cinéma : Bruxelles plaidait pour la déterritorialisation des aides à la production cinématographique, mais le nouveau projet de communication cinéma présenté par le commissaire Almunia ce matin même nous donne gain de cause. Il faut remettre de la culture dans l'Europe et de l'Europe dans la culture. Vous êtes d'ailleurs invités au forum Europe et culture qu'organisera le ministère sur ce sujet les 11 et 12 avril prochains au théâtre national de Chaillot.

L'Opéra national de Paris a longtemps bénéficié d'un traitement de faveur en ne subissant aucun gel de crédits. Son fonds de roulement était important, l'établissement enregistrait même un fort excédent à la fin de 2012. Le gel de 4,5 millions d'euros de ses crédits était donc parfaitement absorbable et n'a pas altéré sa programmation artistique future.

Nous accordons la plus grande importance aux pratiques amateurs, qui feront l'objet de dispositions dans le prochain projet de loi création.

Le plafonnement de la taxe dont dispose l'Association de soutien au théâtre privé est abaissé à un niveau qui reste toutefois supérieur ou égal au rendement de celle-ci. Il est exact en revanche que pour le CNV, le nouveau plafond de la taxe est inférieur au rendement : 24 millions contre 24,3 millions de recettes. Je me battrai pour le relever. Je suis attachée à cette taxe, qui permet de soutenir l'économie du spectacle.

Je regrette le sort de la TVA sur les droits d'auteur. Toutefois, celle applicable aux billets de cinéma baissera, ainsi que celle sur l'importation d'oeuvres : c'est une victoire.

Les crédits dédiés à l'enseignement supérieur augmentent de façon importante. Je souhaite créer au sein du ministère un pôle chargé de l'enseignement culturel, sujet aujourd'hui éparpillé entre différents services. Je plaide également pour la création d'un conseil national de l'enseignement supérieur et de la culture, chargé d'étudier les questions transversales.

L'enseignement spécialisé a fait l'objet d'un transfert de compétences en 2004. Ce fut un choix politique. L'État ne finance plus ces établissements qu'à hauteur de 6 %. J'ai décidé de diminuer encore cette part, qui doit être compensée par les collectivités territoriales. En contrepartie, l'État réoriente ses moyens sur l'enseignement supérieur, l'éducation artistique et culturelle, et le soutien aux publics éloignés de la culture. Nous finançons également des bourses pour les étudiants qui se destinent à la professionnalisation, et soutenons les conservatoires rattachés à un pôle régional d'enseignement supérieur, à Toulouse, Strasbourg ou Aubervilliers. Le reste des crédits sera affecté aux DRAC en fonction du nombre d'élèves par établissement.

Madame Gillot, le dégel est totalement effectif sur le programme 131. Mais les DRAC ont un pouvoir d'appréciation, et ne sont donc pas tenues de maintenir au même niveau les crédits alloués à chaque bénéficiaire.

Mme Dominique Gillot. - Il faut leur dire, dans ce cas !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. - C'est ce que j'ai fait. Les DRAC doivent assumer leurs choix.

J'aurais aimé indexer les crédits de soutien à la création : c'est malheureusement impossible à ce stade.

Un article du projet de loi relatif à la création traitera la question des artistes handicapés. L'une de mes collaboratrices travaille spécifiquement sur ce sujet. De plus, nous soutenons entre autres le théâtre d'Emmanuelle Laborit et la Compagnie de l'oiseau mouche.

L'Ile-de-France ne connaît aucune baisse spécifique de ses crédits, c'est même le contraire. Nous avons sorti l'Orchestre national d'Ile-de-France de la crise qu'il traversait. La convention universités que nous venons de signer avec Geneviève Fioraso va également dans ce sens.

Je suis favorable à la constitution en réseau des observatoires régionaux existants. Nous pourrons le faire dans la loi sur la création. Il faut aussi valoriser les pôles d'observation, qui sont des outils stratégiques. Le bilan du spectacle vivant dressé dans le cadre de la modernisation de l'action publique fournit des chiffres intéressants sur les inégalités de crédits entre territoires. On y trouve la confirmation que l'Ile-de-France n'est nullement défavorisée.

Je suis également partisane d'une évolution du statut des EPCC. Nous poursuivons le travail en collaboration avec Mme Lebranchu.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nous en venons à la troisième partie de notre réunion, consacrée au patrimoine.

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « patrimoines ». - Vous savez l'intérêt du Sénat pour les collectivités territoriales, qui participent aux côtés de l'État à notre politique du patrimoine, qu'il s'agisse du bâti, des archives, de la valorisation et de l'accessibilité du patrimoine.

Les petites collectivités sont toujours aussi démunies dans l'assistance à maîtrise d'ouvrage. Elles ne connaissent pas les possibilités offertes en la matière, il faut les guider. Le décret relatif à l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) pourrait être modifié pour lui confier la mission de conseil gratuit aux collectivités territoriales, mais serait-ce compatible avec le droit européen ?

La diminution de la consommation des crédits de l'État en faveur du patrimoine monumental a un effet multiplicateur inversé, car avec la pratique des financements croisés, cela aboutit à des désengagements en cascade. Nous aurions besoin d'une nouvelle étude mesurant les dépenses culturelles de chaque catégorie de collectivités territoriales et évaluant les sommes destinées au petit patrimoine non protégé. La dernière du genre date de 2006 et les associations de collectivités disent ne pas avoir les moyens d'en réaliser de nouvelles.

Nous avons, je crois, la même définition du patrimoine, qui ne se réduit pas au critère chronologique. Il y a une actualité du patrimoine. L'architecture, art qui participe de notre cadre de vie, doit avoir toute son importance. Pouvez-vous nous préciser les crédits destinés au soutien à l'architecture innovante et dynamique ? La création de conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE), les Albums des jeunes architectes paysagistes ou la mission interministérielle sur la qualité des constructions publiques, sont autant d'initiatives qui vont dans le bon sens. Je veux aussi appeler votre attention sur l'importance du soutien à l'éducation dans ce domaine.

L'enjeu patrimonial touche même les nouvelles technologies. Les oeuvres de nature numérique ont des exigences de conservation propres. Un projet interministériel a été lancé et amorcé par 1,5 million d'euros de crédits. Sera-t-il pérennisé ?

Mme Corinne Bouchoux, rapporteure pour avis sur les crédits du programme « Création » consacrés aux arts visuels. - Une remarque : il serait opportun de réfléchir au bien-être au travail des salariés de l'INA.

Un grand nombre de structures publiques exposent des oeuvres d'artistes vivants sans respecter leur droit de présentation publique. Certains responsables n'hésitent pas à affirmer que les artistes « devraient déjà être contents d'être invités à exposer ». Comment faire respecter le droit si les acteurs publics eux-mêmes s'en affranchissent ?

M. Jacques Legendre. - Le dernier fabricant de piano français, Pleyel, est en faillite. Est-il encore envisageable de conserver en France cette marque historique ?

M. Pierre Bordier. - Les crédits de l'État en faveur du patrimoine monumental ne sont pas sous-consommés, ils sont insuffisants. Je dresse un constat totalement inverse de celui de notre rapporteur. Dans mon département, nos actions sont engagées conjointement avec celles de l'État. Nous irions volontiers plus loin, mais nous sommes limités par le montant des crédits nationaux.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - J'en profite pour saluer le rapport que vous avez rédigé avec Mme Cukierman sur les établissements publics de coopération culturelle (EPCC).

Mme Aurélie Filippetti, ministre. - Le rythme de consommation des crédits évolue en fonction des chantiers. Comme certains grands chantiers sont arrivés à terme, les crédits engagés baissent mécaniquement. Mais le rythme d'utilisation des crédits déconcentrés est conforme aux prévisions.

L'évaluation de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage des collectivités territoriales a révélé des difficultés. Le retour à une gestion par l'OPPIC, établissement centralisé dépourvu d'antennes sur le territoire, ne me semble pas une bonne solution. Il faut que l'État mette à disposition des collectivités territoriales des ressources en ligne, guides, contrats-types. Il faut aussi renforcer les contrôles scientifiques et techniques en amont et être plus sélectifs. Le bilan de la modernisation de l'action publique comportera sans doute des éléments à ce sujet.

Monsieur Eblé, il est difficile d'évaluer les dépenses des collectivités territoriales consacrées au patrimoine. Nous ne disposons pas des outils adéquats. Seule la direction générale des collectivités locales serait capable de réaliser une étude exhaustive, en exploitant toutes les comptabilités locales... Mais on pourrait aussi procéder par sondages.

La loi sur la création comprendra des mesures de soutien à l'architecture : les écoles d'architecture verront leurs crédits augmenter, 75 postes équivalent temps plein seront créés dans le prolongement du rapport de M. Vincent Feltesse. En matière de valorisation du patrimoine, le rôle des CAUE sera valorisé, j'adresserai une circulaire aux préfets sur ce point. Une nouvelle campagne sera lancée pour mettre en valeur le label Patrimoine du XXe siècle.

M. Vincent Eblé. - Et le XXIe siècle ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre. - On peut imaginer un centenaire glissant... Je suis attachée au développement des archives numériques. Le projet Vitam (Valeurs immatérielles transférées aux Archives pour mémoire) est important. Il est doté d'1,5 million d'euros. Madame Bouchoux, le droit de présentation est, en effet, insuffisamment respecté dans les établissements publics et les collectivités territoriales. Il faut développer les bonnes pratiques.

La souffrance au travail est un sujet qui me préoccupe. Mon cabinet a reçu les salariés de l'INA.

Le fabricant de pianos Pleyel fait l'objet d'un plan de sauvetage. Beaucoup de liquidités ont été injectées par le repreneur. Mais l'entreprise a perdu le marché des pianos d'études, désormais capté par les fabricants asiatiques et le positionnement haut de gamme n'a pas suffi à la sauver. L'État avait apporté sa contribution, après l'incendie des locaux à Saint-Denis. Mais la seule issue est de trouver un repreneur, sinon l'État ne pourra rien faire. Il conviendrait de saisir le ministre du redressement productif...