Mardi 12 novembre 2013

- Présidence de Mme Jacqueline Gourault, présidente -

Audition de Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la Décentralisation

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Mes chers collègues, j'ai le grand plaisir d'accueillir Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la Décentralisation et - je tiens à le rappeler - ancien membre de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Nous lui avons demandé de venir pour évoquer, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, les sujets budgétaires concernant les collectivités territoriales. Nous évoquerons également les perspectives à plus long terme, car nous connaissons tous ici la situation des finances publiques de notre pays.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la Décentralisation. - Madame la présidente, Messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à dire le plaisir que j'ai de me retrouver parmi vous. Afin de répondre à l'inquiétude croissante des collectivités territoriales, et notamment des départements de France, je vais faire en sorte que mon propos soit le plus clair possible.

Le projet de finances pour 2014 a été construit par le gouvernement autour d'un double objectif. D'une part, il s'agit d'équilibrer les dispositions qui, ces dernières années, ont pénalisé les collectivités territoriales. Je pense notamment au remplacement de la taxe professionnelle par la CVAE et la CFE. Ces mesures ont fait l'objet de nombreuses analyses, notamment de la part du Parlement, et le constat est clair : les collectivités territoriales qui accueillaient physiquement des industries ont été désavantagées. Je pense également aux ressources des collectivités territoriales, notamment à celles des régions. Elles doivent bénéficier de ressources dynamiques et pas seulement de dotations. D'autre part, un travail est mené avec les départements pour faire en sorte que l'effet de la hausse des charges due aux allocations de solidarité puisse trouver une compensation de financement pérenne et suffisante, c'est-à-dire qui perdure et soit suffisante pour couvrir l'effet ciseau résultant de la stabilisation des recettes provenant de l'Etat alors que les dépenses des collectivités ne cessent d'augmenter. Le groupe de travail qui a travaillé sur ce sujet, présidé par M. Vincent Léna, a montré que la projection de ces dépenses sociales en 2014, 2015 et 2016 annonçait une hausse de 16% de celles-ci. Il y a donc absolue nécessité de travailler sur ce sujet.

Le projet de loi de finances pour 2014, à partir de la situation financière actuelle, tend à imposer un effort aux collectivités territoriales, tout comme il en impose un à l'État. D'ailleurs, la loi sur la modernisation de l'action publique prend aussi bien en compte l'État que les collectivités territoriales. L'effort dont on parle, l'État l'a consenti pour sa part et les collectivités territoriales l'ont accepté au cours du débat. Cela a conduit à la signature du pacte de confiance et de responsabilité, le 16 juillet 2013, par le Premier ministre et l'ensemble des représentants des collectivités territoriales. Pour éviter toute ambigüité, je souhaite revenir sur l'effort demandé aux collectivités territoriales. On entend souvent que l'effort demandé sera de 1,5 milliard d'euros en 2014 et de 1,5 milliard d'euros en 2015, soit un total de 3 milliards d'euros. Mais, ce calcul est erroné, car il s'agit d'un « effort soclé ». L'effort de 1,5 milliard d'euros en 2014 sera repris en 2015 et augmenté de 1,5 milliard d'euros, soit 3 milliards d'euros sur deux ans auxquels s'ajoute 1,5 milliard d'euros, ce qui représente au total 4,5 milliards d'euros. Cet effort a été consenti par les collectivités, sous réserve de trouver les moyens de l'adapter à chacun des niveaux de collectivités territoriales. Cela a demandé un travail de réflexion sur la façon de fixer une répartition égalitaire entre les trois niveaux de collectivités, à proportion de leurs recettes réelles de financement. Concrètement, la région dispose de recettes réelles de fonctionnement à hauteur de 16%. Il lui sera demandé un effort de 184 millions d'euros sur les 1,5 milliard demandés. Pour le département, l'effort sera de 476 millions d'euros, soit 32% des recettes réelles de fonctionnement, et pour la commune il sera 846 millions d'euros, soit 56% des recettes réelles de fonctionnement. Cette répartition est mathématique et égalitaire, je le dis avec force. Cet effort consenti n'est pas neutre. Il représente 0,69% de la masse des recettes réelles de fonctionnement des collectivités ; ce n'est pas rien, mais ce n'est pas non plus insurmontable.

De son côté, le gouvernement va garantir un certain nombre d'avantages aux collectivités territoriales. Il va veiller à ce que la péréquation puisse être maintenue et continuer de fonctionner comme il s'y était engagé l'année dernière. Il y a deux types de péréquation : la péréquation verticale et la péréquation horizontale au niveau du bloc communal. La péréquation verticale passe par plusieurs dotations particulières, en particulier la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR). La DSU augmente de 60 millions d'euros par rapport à 2012, soit 4%. La DSR augmente également de 4%, soit 39 millions d'euros. La dotation nationale de péréquation augmente (DNP) de 10 millions d'euros. Il en est de même pour la dotation de péréquation départementale. On reste ainsi sur les bases décidées l'année dernière et donc dans le prolongement de l'engagement qui avait été pris alors. La péréquation horizontale passe par le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), qui s'adresse au bloc communal. Elle a été réclamée dans tous les travaux menés avec les parlementaires - nous avons notamment travaillé avec les commissions des Finances, ainsi qu'avec le Comité des finances locales. Il fallait continuer à augmenter les montants consacrés au FPIC. Il passera de 360 à 570 millions d'euros en 2014. Le Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) passera, pour sa part, de 230 à 250 millions d'euros en 2014.

Par ailleurs, le gouvernement a été très vigilant sur la capacité d'investir des collectivités territoriales. Lorsque l'on regarde les rapports rédigés sur ce sujet, on constate certes un freinage de l'investissement des régions et des départements en 2013, mais le bloc communal a maintenu son effort. Les collectivités territoriales continuent à représenter 70% de l'investissement public. Il n'est pas question de les contraindre à réduire leur investissement local. C'est pourquoi la compensation du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) est maintenue.

Les critères de prélèvement et de reversement au titre du FPIC et du FSRIF méritent d'être revus et aménagés. Nous n'agirons que sur la base de simulations.

Nous avons choisi en ce qui concerne le FPIC de conforter le critère du revenu par habitant, qui passera de 20 à 25 %. Le plafond de ressources sera relevé de 11 à 13 % et le critère de l'effort fiscal passera - c'est la proposition du gouvernement - de 0, 75 à 0,85%. Lors de la discussion par l'Assemblée nationale de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », les députés ont porté ce chiffre à 0,9%, et ont mentionné l'objectif de le voir rapidement passer à 1 %. Le gouvernement ne s'est pas opposé à ce vote, mais a fait valoir que les simulations avaient été jusqu'à présent réalisées sur la base de 0,85 %.

Par ailleurs, le gouvernement a pris des engagements sur :

- une révision des bases locatives de la taxe d'habitation, aujourd'hui établies sur des éléments remontant à 1970. Un groupe de travail va être constitué sur ce sujet, avec l'objectif de définir de nouvelles bases, de mener une expérimentation à partir d'elles, et de généraliser leur application après 2018 ;

- une révision des modalités de calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF), dont une stratification de mécanismes de péréquation a rendu la compréhension difficile. Il s'agit d'un gros travail, qui sera mené en concertation avec le Parlement et avec le Comité des finances locales. Il commencera début 2014 pour s'achever durant l'année 2015.

Je voudrais enfin revenir sur question de l'évolution de la DGF en 2016 et 2017. J'ai dit dans la presse qu'il ne serait pas raisonnable de se prononcer aujourd'hui sur ce point. En effet, tout dépendra de l'impact des efforts consentis aujourd'hui pour le redressement de nos comptes.

M. Hervé Maurey. - Je n'avais pas compris que l'effort réclamé par l'État aux collectivités territoriales portait, pour 2014 et 2015, sur une somme de 4,5 milliards d'euros. Vous avez parlé d'un effort réparti de façon égalitaire entre les différentes collectivités territoriales. Le Comité des finances locales a, pour sa part, estimé que les deux tiers de cet effort proviendraient du bloc communal, dont 60 % des communes. Si ces chiffres étaient confirmés, ils auraient un fort impact sur les budgets communaux. Les élus comprennent qu'il est nécessaire de diminuer les dépenses de l'État, mais constatent que seules les collectivités territoriales subissent une réduction nette de leur dotation, alors que les autres postes de dépenses de l'Etat sont simplement stabilisés. Cela est difficile à comprendre alors que, dans le même temps, les transferts de charges de l'État aux collectivités territoriales se poursuivent, comme l'illustre la réforme des rythmes scolaires. Cela mettra immanquablement les communes face à l'impossibilité de boucler leur section de fonctionnement dans les années à venir. Elles seront alors contraintes de puiser dans leur budget d'investissement.

M. François Grosdidier. - Vous avez évoqué la nécessité de « réparer » les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle (TP). Je ne comprends pas cette expression, car si l'actuel gouvernement n'y était pas favorable, il lui revenait de rétablir la situation antérieure. Je rappelle que la taxe professionnelle pénalisait les secteurs économiques délocalisables en amputant leur compétitivité.

Les collectivités territoriales subissent aujourd'hui des diminutions de dotations qui n'ont pas été annoncées, lors de la campagne électorale, par l'actuel Président de la République, elles n'ont donc pas pu s'y préparer. À cela s'ajoutent la création de charges nouvelles, telles que celles induites par la réforme des rythmes scolaires. Mentionnons aussi la création incessante de besoins par le discours gouvernemental, je pense par exemple au « service public universel de la petite enfance » évoqué par votre collègue Mme Bertinotti : quel en sera le coût pour les collectivités territoriales ? Nous voulons bien économiser, à condition que le discours gouvernemental ne laisse pas penser en permanence qu'il peut y avoir des prestations nouvelles à la charge des collectivités. Le fonds d'amorçage versé par l'État pour faciliter la mise en place des nouveaux rythmes, d'un montant de 50 € par enfant, sera-t-il pérennisé ?

Par ailleurs, je relève que le régime de sécurité sociale obligatoire des élus a suscité un prélèvement de 140 millions d'euros, alors que seuls 40 millions d'euros ont été alloués aux élus bénéficiaires. Cette discordance suscite des interrogations.

Quant à l'investissement public, 70 % en sont toujours assurés par les communes. Ce chiffre est stable, mais porte sur une somme globale en baisse. De plus, on sait que l'investissement communal est cyclique, et plus élevé en fin de mandat.

M. Charles Guené. - Je voudrais revenir sur le premier aspect, qui est le prélèvement sur les ressources des collectivités.

En ce qui concerne l'effort demandé aux collectivités territoriales, vous parlez de 0,7 % sur deux ans, mais à quelles recettes cela s'applique-t-il ? Cela a-t-il été tranché ?

Quant à la question du FPIC, je suis atterré par les décisions prises. On est en train de tuer le système. Ceux qui sont prélevés vont être encore moins nombreux. On organise une redistribution entre ceux qui ont des moyens. Je crois en outre qu'il est indispensable de mettre les taux nouveaux envisagés progressivement en place : que l'on passe à 0,75 et que l'on observe les résultats, puis que l'on passe à 0,85 et l'on observe à nouveau, etc. Ou bien que l'on nous donne des simulations.

On sait par ailleurs que les valeurs locatives demandent à être révisées. Le système est explosif.

Enfin, on parle souvent du problème des normes et de ce qu'on impose aux collectivités, en ce moment les rythmes scolaires. Comme certains collègues, j'ai fait mes propres calculs dans ma collectivité. Et par rapport à ce qui résultera des nouveaux rythmes scolaires, le prélèvement de 3 milliards sur les ressources des collectivités est presque acceptable. En effet, sur ce prélèvement j'ai calculé par rapport à ma base fiscale que cela va me coûter 1 % sur les deux ans. Les rythmes scolaires, quant à eux, vont coûter 3,7 %, et même 5,5 % si je prends ma seule collectivité, c'est-à-dire 5,5 fois plus cher que le prélèvement qui est fait. Lorsque les élus vont s'en apercevoir, ils vont être surpris.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la Décentralisation. - Je vais essayer de répondre à chacun des intervenants. Concernant la répartition de l'effort du bloc communal, Monsieur Maurey, elle s'effectue bien sur la base des recettes réelles de fonctionnement. D'autres critères de répartition avaient été envisagés dans le débat, par exemple une répartition sur la base des dépenses. Mais le Comité des finances locales a bien retenu le critère des recettes réelles de fonctionnement lors de la réunion du 16 juillet 2013. Il a aussi été retenu, en accord avec nos partenaires, que sur l'effort demandé au bloc communal et intercommunal - soit 56% de l'effort total - la part de l'effort des communes serait de 70% et celle des intercommunalités de 30%.

Concernant la problématique des charges nouvelles, je vais revenir exclusivement sur les rythmes scolaires, si vous le voulez bien. Le ministre de l'Éducation le répétait cet après-midi à l'occasion des questions d'actualité : le gouvernement a entendu les objections des élus locaux et a pris trois mesures. Il a accepté, d'une part, que la réforme soit faite non pas sur une mais sur deux années : 2013-2014 puis 2014-2015. D'autre part, il a accepté que le taux d'encadrement puisse ne pas être aussi strict que celui qui avait été indiqué initialement, de façon à alléger la charge financière de la réforme. Il a enfin accepté que les animateurs ne soient pas tous munis de tous les diplômes normalement prévus : ces diplômes représentent un coût pour les collectivités. Sur le plan financier, le gouvernement s'est engagé à reconduire en 2014-2015 la ressource d'amorçage de la réforme : 50 euros par élève, et 40 euros supplémentaires dans les zones fragilisées, soit 90 euros par élève pour certaines collectivités.

J'ai entendu certains chiffres abracadabrants sur le coût de la réforme - prétendument jusqu'à 400 euros par enfant. Mais on en est très loin : la moyenne retenue par l'Association des maires de France est de 140 euros par enfant pour mettre en place une animation périscolaire convenable. S'ajoutent à cette somme, certes, les frais de transport, qui incombent au département. Mais, là aussi, les situations sont différentes. Dans certains départements, on va chercher les enfants à leur domicile - or ce n'est pas une obligation. Dans d'autres, on a instauré la gratuité totale des transports ; tous les parents se sont donc inscrits, ce qui a conduit à retenir des cars immenses alors que seuls une dizaine ou une quinzaine d'élèves utiliseront effectivement le service. Nous avons besoin les uns et les autres de bien maitriser nos dépenses. Je connais la difficulté de la réforme et les charges qu'elle représente : je note le chiffre de 3,5% de la fiscalité locale indiqué par Charles Guené.

Concernant la nécessité, cher Hervé Maurey, de réduire les dépenses de fonctionnement, nous y sommes tous contraints, État comme collectivités locales. Le dernier rapport de la Cour des comptes a très clairement montré les évolutions des dépenses de fonctionnement de nos collectivités depuis quelques années, et la maîtrise possible de ces dépenses. Encore une fois, je ne nie pas l'effort qu'il y aura à faire.

S'agissant de l'investissement, la question nous a été posée de savoir s'il était possible d'imposer qu'une part des recettes d'une collectivité soit réservée à l'investissement. La réponse est non, en vertu de la Constitution. Une collectivité locale reçoit une dotation, des ressources financières, c'est à elle de les répartir sur le fonctionnement puis sur l'investissement.

Monsieur François Grosdidier, je suis désolée d'avoir eu des propos qui auront pu vous paraître déplacés en ce qui concerne la réforme de la taxe professionnelle. Nous avons fait au Sénat, lorsque j'étais encore sénateur, un travail collégial à ce sujet et je vous invite à vous référer au rapport de Charles Guené. Notre constat a été que la réforme de la taxe professionnelle n'avait pas été « tout bénéfice » pour les collectivités, en particulier celles qui accueillaient des entreprises, des industries. Il n'est pas imaginable, nous en sommes tous d'accord, de revenir sur le dispositif existant. Mais nous sommes en train de l'améliorer, comme nous nous y étions engagés.

S'agissant de la diminution des dotations, que vous trouvez sévère, un candidat malheureux à une récente élection présidentielle avait annoncé une réduction de ces dotations de 2 milliards par an. Nous disons aujourd'hui qu'il faut faire cet effort, qu'il est nécessaire de travailler au redressement de la France. Cet effort, je l'ai dit à plusieurs reprises, a été consenti. Quant à la compensation du FCTVA, il y a bien un engagement du gouvernement à ce qu'elle suive la hausse de la TVA elle-même. Je crois avoir répondu à l'ensemble de vos questions.

S'agissant du prélèvement au titre du FPIC, il concernait jusqu'à présent les collectivités dont le seuil d'effort fiscal était à 0,75%. Le gouvernement a accepté l'amendement relevant ce seuil à 0,9% car les simulations réalisées ont montré qu'avec un seuil à 0,85%, seules 96 collectivités sortaient du dispositif. Un seuil à 0,9% porte à 160 le nombre de ces collectivités, ce qui est relativement acceptable. Mais si nous avons indiqué, Mme Lebranchu et moi-même, que le relèvement à 1% est une hypothèse à terme, il conviendra de réaliser un bilan avant toute décision et de voir si ce relèvement doit intervenir dès 2015 ou seulement après. Car, vous le disiez, l'effet de seuil est contraire à la philosophie même de ce dispositif de péréquation.

Sur la problématique des normes, je veux rappeler que le Sénat et l'Assemblée nationale ont adopté la proposition de loi de Mme Gourault et de M. Sueur. Un Conseil national d'évaluation des normes sera très vite mis en place. Il sera alors possible aux parlementaires, mais aussi aux élus locaux, de suggérer des améliorations de normes, ce qui devrait alléger certaines contraintes financières. Un observatoire sera aussi mis en place pour observer les conditions dans lesquelles les normes peuvent être réduites.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Chacun a évoqué les charges nouvelles que l'État crée en décidant de certaines politiques - la réforme des rythmes scolaire en est un dernier exemple. Mais on pâtit aussi de la politique de compensation permanente qui dure depuis des années. Ainsi, l'ancien gouvernement avait un jour décidé d'exonérer le monde agricole d'une partie des taxes sur le foncier non-bâti en apportant une compensation de l'État. On pourrait remonter longtemps en arrière ainsi. Il faut arrêter ces politiques d'exonérations et de compensations.

Par ailleurs, on annonce une réduction des heures de travail des sapeurs-pompiers : cela va trop loin et nous avons à cet égard une responsabilité collective, au-delà des questions de majorité et d'opposition. C'est la même chose avec l'écotaxe : la responsabilité est collective puisqu'il est clair que c'est l'ancien gouvernement qui a décidé d'instituer cette taxe, même si des erreurs ont pu intervenir dans sa mise en oeuvre. Il y a ainsi une responsabilité collective qu'il ne faut pas négliger à l'égard des finances de la France. Des erreurs ont été faites sous toutes les majorités, y compris aujourd'hui.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Nous sommes arrivés au bout du bout avec le système des compensations. Il n'y a plus de marges de manoeuvre aujourd'hui. Cela a commencé avec la suppression de la vignette automobile par Laurent Fabius, puis cela s'est progressivement étendu au foncier. Lorsque j'étais président de conseil général, l'autonomie fiscale était de 40%. Elle n'est plus aujourd'hui que de 10%. Les droits de mutation à titre onéreux ne suffisent plus aujourd'hui à garantir l'autonomie fiscale. La mise en place d'une péréquation sur ces droits va accentuer la tendance à la perte de l'autonomie fiscale. Ainsi, il n'y aura aucune incitation à les augmenter, dans la mesure où la hausse espérée sera drastiquement réduite par le versement au fonds de péréquation. La réforme des rythmes scolaires est coûteuse, en fonction de ce que les communes faisaient avant. Dans mon département, 80% des communes ont adopté cette réforme et il n'y a pas eu de problèmes particuliers, mais cela repose principalement sur le fait que nous faisions déjà de l'accueil périscolaire. En revanche, pour les départements la facture est lourde, car organiser le transport scolaire un jour de plus coûte cher.

Je finirai mon intervention par une question qui n'a pas encore été évoquée jusqu'à présent : la seule marge de manoeuvre qui reste possible est l'actualisation des bases. Est-ce qu'elle se fera sur l'inflation ou est-ce qu'elle sera supérieure à celle-ci ?

M. Antoine Lefèvre. - S'il est exact que le bloc communal garde quelques marges de manoeuvre en matière d'investissement, je crains qu'elles ne suffisent pas à faire face aux contraintes d'accessibilité qui doivent être satisfaites d'ici à 2015. En effet, la baisse des dotations et une fiscalité « au taquet » ne permettront pas de réaliser les travaux requis par la loi de 2005. Or le travail de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) ne permettra pas de résoudre ces difficultés en temps utile.

Mon département compte 816 mairies, dont beaucoup sont desservies par un double escalier qui les rend peu accessibles. Elles n'ont pas la possibilité financière d'installer un escalier mécanique. Certaines recourent à des solutions pragmatiques, comme la vente des bâtiments dans lesquels elles sont installées et l'installation dans des constructions facilement accessibles.

Je souhaiterais connaître la position du gouvernement sur ce point : envisage-t-on un report de l'application de la loi au-delà de 2015 ? Facilitera-t-on une souplesse dans les modalités de son application ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la Décentralisation. - À Monsieur Peyronnet, je précise que l'objectif du gouvernement est de substituer à des dotations - qui se réduisent d'année en année -, des recettes dynamiques. C'est ainsi que les départements bénéficieront en 2014 de 827 millions d'euros de frais de gestion, que les régions en recevront 900 millions, dont 600 de frais de gestion, et 300 de TIPCE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques). Quant aux bases, elles sont actualisées chaque année.

À Monsieur Lefèvre, je rappelle que le Premier ministre a réuni en septembre dernier un comité interministériel du handicap, ce qui est une première depuis sa création en 2009. En matière d'accessibilité, deux principales décisions ont été prises : d'une part, de demander à la sénatrice Claire-Lise Campion d'actualiser les conclusions de son rapport sur l'application de la loi handicap ; d'autre part, tout en maintenant la date de 2015 pour l'application de cette loi, de laisser une possibilité pragmatique aux décideurs publics et privés de s'adapter en fonction des contraintes architecturales des lieux encore difficiles d'accès. Je fais d'ailleurs confiance aux élus pour trouver des solutions adaptées à chacune des situations rencontrées. Pour ma part, j'ai installé ma permanence dans un immeuble Renaissance desservi par un escalier tournant ; je reçois donc les personnes dont la mobilité est réduite autour d'un petit déjeuner dans un café voisin.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Notre délégation va se pencher sur la question de l'accessibilité. Elle a confié un rapport à M. Vial sur ce dossier très important. Nous avons assisté dans cette salle, le 1er octobre dernier, à une réunion de la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), au cours de laquelle ont été examinés un décret et un arrêté relatifs à l'accessibilité des logements temporaires ou saisonniers. Au-delà de la question de l'échéance fixée à 2015, pour laquelle les pouvoirs publics ne disposent guère de marge de manoeuvre, il faut introduire de la souplesse dans la mise en oeuvre de la loi de 2005 sur l'accessibilité des personnes handicapées au logement, aux établissements recevant du public, au transport, à la voirie et aux espaces publics. Il faut du bon sens : dans l'église de ma commune, l'entrée principale, sur la façade, comporte des marches, mais une porte latérale est de plain-pied. Or il s'est trouvé un fonctionnaire pour m'indiquer qu'il fallait faire un aménagement sur la façade parce que faire entrer les handicapés par la porte latérale aurait un caractère discriminatoire ! Il faut arrêter les excès.

M. François Grosdidier. - Je reviens sur la sécurité sociale obligatoire des élus. À la veille de l'examen du PLFSS, on peut espérer que la question du cumul emploi retraite sera réglée. Il ne serait pas acceptable que soit confirmé le recul des droits des élus locaux dans certains domaines.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - J'ai déposé un amendement proposant, pour le calcul de l'assiette des cotisations de sécurité sociale des élus locaux, la non prise en compte de la fraction des indemnités de fonction représentative des frais d'emploi. Dans le même sens, la proposition de loi visant à faciliter l'exercice par les élus locaux de leur mandat, que j'ai déposée avec Jean-Pierre Sueur, prévoit d'exclure des revenus pris en compte pour le versement d'une prestation sociale sous condition de ressources la fraction représentative des frais d'emploi des indemnités de fonction perçues par les élus locaux, laquelle ne constitue pas un revenu.

Je vous remercie, Madame la ministre, de votre présence et de vos précisions.

Mes chers collègues, à la suite de l'audition du président de l'ADF, le 8 octobre dernier, sur le financement pérenne des allocations individuelles de solidarité par les départements, j'ai rédigé, en introduction au compte rendu de cette audition, un petit rapport d'information que je vous demande l'autorisation de publier. Je vous remercie de votre accord.