Mercredi 18 septembre 2013

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Communication de M. François Marc

La commission entend tout d'abord une communication de M. François Marc, rapporteur général, sur le projet de décret d'avance, destiné à financer des places nouvelles d'hébergement d'urgence et de logement adapté, transmis pour avis à la commission, en application de l'article 13 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

M. François Marc, rapporteur général. - Un projet de décret d'avance a été notifié à la commission des finances le 16 septembre dernier. Il porte ouverture et annulation de 107 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

L'unique objet du projet de décret d'avance est de permettre le financement des mesures nouvelles, annoncées par le Premier ministre le 21 janvier 2013, au titre de l'hébergement d'urgence et du logement adapté, dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Ces mesures ne pouvaient donc pas être prises en compte par la loi de finances pour 2013.

Le montant des ouvertures de crédits, à hauteur de 107 millions d'euros, est inférieur au besoin de financement du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale initialement estimé à 112,7 millions d'euros pour l'année 2013. Au regard par ailleurs du fort dynamisme de la dépense au titre de l'hébergement d'urgence au cours de l'exercice 2013, les ouvertures de crédits proposées ne couvrent pas l'intégralité des dépenses prévisionnelles au titre de l'année 2013.

Ces ouvertures n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année et les annulations n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année.

Les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant portant, d'une part, sur des crédits mis en réserve sur les autres programmes de la mission « Egalité des territoires, logement et ville » et, d'autre part, sur les crédits afférents aux pensions des régimes sociaux et de retraite des transports terrestres, compte tenu de la révision à la baisse de la prévision d'inflation. L'annulation des crédits d'autres programmes de la mission, à hauteur de près de la moitié de l'ensemble des annulations de crédits, met en oeuvre le principe d'auto-assurance.

L'ouverture de crédits supplémentaires a pu être différée par une avance de crédits en provenance d'autres dispositifs du programme. Pour autant, la fongibilité des crédits ne permet pas de couvrir les dépenses sur la totalité de l'exercice, compte tenu des autres dépenses que le programme doit prendre en charge.

Le montant des ouvertures de crédits nécessaires excède les possibilités de virement de crédits entre les programmes du ministère de l'égalité des territoires et du logement.

Il est donc nécessaire de recourir à un décret d'avance, l'urgence à ouvrir les crédits étant par ailleurs avérée, au regard notamment de la nécessité de payer rapidement les gestionnaires associatifs des dispositifs d'accueil.

En conséquence, je vous propose d'émettre un avis favorable au présent projet de décret d'avance.

Mme Marie-France Beaufils. - Alors qu'est ressentie partout en France la nécessité de mieux couvrir financièrement les dépenses relatives à l'hébergement d'urgence, je m'interroge sur l'impact des annulations de crédits, à hauteur de 15 millions d'euros, dans le domaine de la politique de la ville.

M. François Marc, rapporteur général. - Cette annulation porte sur des crédits mis en réserve qui n'avaient pas vocation à être dégelés. Il n'y aura pas de tension sur la dépense pour le reste de l'exercice. Ainsi, les annulations portent, à hauteur de 47 %, sur des crédits mis en réserve.

Mme Michèle André. - Depuis des années, comme l'observait déjà le rapporteur Roger Karoutchi, les crédits votés en loi de finances initiale au titre de l'hébergement d'urgence s'avèrent insuffisants. Il est clair que les associations qui composent le 115 ont besoin de recevoir des crédits à hauteur des engagements qu'elles doivent prendre, d'autant plus que des pays réputés sûrs, comme le Kosovo, ne le sont plus. Le décret d'avance est donc bienvenu pour le secteur associatif prenant en charge les bénéficiaires de l'hébergement d'urgence.

M. Philippe Marini, président. - Souvent les décrets d'avance dissimulent des sous-budgétisations initiales. C'est pourquoi je soupçonnais que ce soit à nouveau le cas s'agissant de l'hébergement d'urgence. Mais dès lors qu'il s'agit de répondre à des mesures annoncées le 21 janvier, celles-ci ne pouvaient prises en compte lors de la préparation et du vote du projet de loi de finances.

M. François Marc, rapporteur général. - Il s'agit de dépenses dynamiques, opérant une montée en puissance en 2013, pour répondre notamment à la demande d'hébergement de personnes venant du Kosovo et des autres pays des Balkans. Pour l'exercice 2014, il est prévu un rebasage en loi de finances initiale à hauteur de 113 millions d'euros afin de tenir compte de l'augmentation tendancielle des dépenses relatives à l'hébergement d'urgence.

Les mesures annoncées le 21 janvier dernier sont estimées à 112,7 millions d'euros, ce qui est sensiblement supérieur aux ouvertures de crédits proposées, à hauteur de 107 millions d'euros. Pour couvrir la différence, il faudra engager une discussion avec les gestionnaires. Les crédits demandés correspondent donc à une option basse.

M. Philippe Marini, président. - Il est vertueux d'opérer un peu de contrainte budgétaire. La question de l'hébergement d'urgence est susceptible de se poser à nouveau. S'agissant du projet d'avis, y a-t-il des oppositions ? Je n'en vois pas. Notre commission a donc rendu un avis favorable.

La commission donne acte de sa communication au rapporteur général et adopte l'avis sur le projet de décret d'avance.

L'avis est ainsi rédigé :

« La commission des finances,

« Vu les articles 13, 14 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

« Vu la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

« Vu le projet de décret d'avance notifié le 16 septembre 2013, portant ouverture et annulation de 107 000 000 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, le rapport de motivation qui l'accompagne et les réponses du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, au questionnaire du rapporteur général ;

« 1. Souligne que l'unique objet du projet de décret d'avance est de permettre le financement des mesures nouvelles, annoncées par le Premier ministre le 21 janvier 2013, au titre de l'hébergement d'urgence et du logement adapté, dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, qui ne pouvaient donc pas être prises en compte par la loi de finances pour 2013 ;

« 2. Constate que le montant des ouvertures de crédits, à hauteur de 107 millions d'euros, est inférieur au besoin de financement du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale initialement estimé à 112,7 millions d'euros pour l'année 2013 ;

« 3. Constate le fort dynamisme de la dépense au titre de l'hébergement d'urgence au cours de l'exercice 2013 ;

« 4. Note par conséquent que les ouvertures de crédits proposées ne couvrent pas l'intégralité des dépenses prévisionnelles au titre de l'année 2013 ;

« 5. Relève que ces ouvertures n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année et que les annulations n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année ;

« 6. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant portant, d'une part, sur des crédits mis en réserve sur les autres programmes de la mission « Egalité des territoires, logement et ville » et, d'autre part, sur les crédits afférents aux pensions des régimes sociaux et de retraite des transports terrestres, compte tenu de la révision à la baisse de la prévision d'inflation ;

« 7. Constate que l'annulation des crédits d'autres programmes de la mission, à hauteur de près de la moitié de l'ensemble des annulations de crédits, met en oeuvre le principe d'auto-assurance, posé par la loi n° 2012 1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et rappelé par la circulaire du Premier ministre du 14 janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publiques, selon lequel les aléas ou les priorités nouvelles affectant les dépenses d'une mission doivent être gérés dans la limite des plafonds de ses crédits, par des économies budgétaires ou des redéploiements de crédits entre les programmes ;

« 8. Relève que l'ouverture de crédits supplémentaires a pu être différée par une avance de crédits en provenance d'autres dispositifs du programme ; que, pour autant, la fongibilité des crédits ne permet pas de couvrir les dépenses sur la totalité de l'exercice, compte tenu des autres dépenses que le programme doit prendre en charge ;

« 9. Note que le montant des ouvertures de crédits nécessaires excède les possibilités de virement de crédits entre les programmes du ministère de l'égalité des territoires et du logement ;

« 10. Considère qu'il est donc nécessaire de recourir à un décret d'avance, l'urgence à ouvrir les crédits étant par ailleurs avérée, au regard notamment de la nécessité de payer rapidement les gestionnaires associatifs des dispositifs d'accueil ;

« 11. Émet en conséquence un avis favorable au présent projet de décret d'avance. »

Nomination de rapporteurs spéciaux

La commission procède ensuite à la nomination de rapporteurs spéciaux.

M. Philippe Marini, président. - Nos collègues François Trucy et Dominique de Legge ont proposé d'échanger leurs rapports spéciaux, François Trucy étant co-rapporteur de la mission « Défense » avec Yves Krattinger et Dominique de Legge étant le rapporteur des crédits de la sécurité civile, qui constitueront désormais un programme au sein de la mission « Sécurités ».

M. François Trucy. - Je suis rapporteur depuis vingt-trois ans des crédits de la défense. Il s'agit d'un domaine absolument passionnant, aux implications multiples, et j'espère m'être correctement acquitté de ma tâche. Mais je ne me représenterai pas aux prochaines élections sénatoriales, alors que cette année marquera l'adoption d'une nouvelle loi de programmation militaire. J'ai donc souhaité passer le relais à notre collègue Dominique de Legge qui a accepté de se charger de ce rapport.

Je remercie le président et le rapporteur général d'avoir accepté que nous échangions nos rapports, après que l'on m'a confié ce rapport essentiel pendant autant de temps. J'hérite du budget de la sécurité civile et je m'efforcerai de m'y impliquer jusqu'à la fin de mon mandat.

M. Philippe Marini, président. - Si l'heure n'est pas au bilan, chacun apprécie ici les qualités de notre collègue François Trucy, toujours très impliqué, et dont la bonne humeur est hautement appréciée.

M. Dominique de Legge. - Je m'investirai avec plaisir, enthousiasme et détermination, dans les pas de François Trucy et avec notre collègue Yves Krattinger, sur des questions éminemment d'actualité.

M. Philippe Marini, président. - Y a-t-il des objections à ce changement de rapporteurs spéciaux ? Je n'en vois pas.

La commission nomme M. Dominique de Legge rapporteur spécial de la mission « Défense », avec M. Yves Krattinger et en remplacement de M. François Trucy, et nomme M. François Trucy rapporteur spécial du programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités », en remplacement de M. Dominique de Legge.

Désignation de rapporteurs

Puis la commission procède à la désignation de rapporteurs.

La commission désigne Mme Michèle André rapporteure sur le projet de loi n° 517 (2012-2013), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et la fortune ;

La commission désigne ensuite M. François Marc rapporteur sur la proposition de loi organique n° 812 (2012-2013), de M. François Marc et de Mme Michèle André, relative à la nomination du président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne.

La commission désigne enfin M. Jean Germain rapporteur sur la proposition de loi n° 814 (2012-2013), de M. Gérard Le Cam et plusieurs de ses collègues, tendant au traitement équilibré des territoires par une réforme de la dotation globale de fonctionnement.

Mme Marie-France Beaufils. - J'avais envisagé avec notre groupe d'être candidate pour rapporter cette proposition de loi dont je suis co-signataire. Mais, dans la mesure où je serai associée au travail conduit par le rapporteur sur un sujet présentant une sensibilité particulière, j'accepte que Jean Germain soit le rapporteur de ce texte.

Demandes de saisine et désignations de rapporteurs

Puis la commission demande à se saisir pour avis et désigne plusieurs rapporteurs sur différents projets de loi.

M. Philippe Marini, président. - J'ai reçu la candidature d'Yves Krattinger en tant que rapporteur pour avis de la loi de programmation militaire. Je souhaite formuler une observation : si la commission des finances compte deux co-rapporteurs de la mission « Défense », il me semble préférable de ne pas désigner deux rapporteurs sur le projet de loi dont les conclusions pourraient être opposées.

La commission demande à se saisir pour avis du projet de loi n° 822 (2012-2013) relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, et nomme M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis.

Puis la commission demande à se saisir pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, sous réserve de son adoption en Conseil des ministres et de son dépôt, et nomme M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis.

Enfin, la commission demande à se saisir pour avis du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, sous réserve de son adoption en Conseil des ministres et de son dépôt, et nomme M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis.

Questions diverses

Examen en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière

M. Philippe Marini, président. - La commission des finances va examiner pour avis en nouvelle lecture le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale. En accord avec la commission des lois, il est envisagé que nous ayons une délégation au fond sur les articles relevant clairement de notre compétence.

Nous serons donc amenés, en vue de la réunion de la commission saisie au fond pour l'établissement de son texte puis de la séance publique, à examiner les amendements extérieurs sur les articles qui nous auront été délégués au fond.

Aides à la presse - Audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes

La commission procède à une audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur les aides de l'Etat à la presse écrite.

M. Philippe Marini, président. - Nous sommes réunis pour une audition pour suite à donner à l'enquête réalisée par la Cour des comptes sur les aides de l'Etat à la presse écrite. Je rappelle que cette enquête a été menée à la demande de la commission des finances du Sénat, en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Nous avons défini le thème et avons été régulièrement informés du déroulement de cette mission ; avec le concours essentiel du rapporteur spécial de la mission concernée, Claude Belot, nous avons préparé cette matinée.

Il s'agit donc de traiter d'un thème sensible, important sur le plan budgétaire, d'une exception française : les aides de l'Etat à la presse écrite.

Ce sujet revient souvent dans l'actualité, en particulier ces tous derniers temps : la ministre de la culture et de la communication a annoncé au mois de juillet quelques propositions de réforme que nous aurons à aborder. Le sujet des aides à la presse revêt au moins trois dimensions : économique, sectorielle et technologique. Il convient donc de s'interroger sur le niveau et l'adéquation du soutien que l'Etat apporte à un secteur qui, du point de vue de sa diffusion - je me limite à la seule presse écrite - est un secteur en déclin et qui peine à se réformer. Cette aide doit être appréciée alors que la consolidation de nos finances publiques est particulièrement difficile.

En dépit des très nombreuses évaluations réalisées, notamment depuis 2009, sur cette politique publique et ses résultats, nous ne pouvons pas dire que les pratiques ont été réellement réformées ni même substantiellement adaptées.

Par rapport à ses partenaires, notre pays se distingue par une politique de soutien que l'on peut qualifier, du point de vue budgétaire, de particulièrement généreuse, même si elle est sans doute considérée de la part des récipiendaires comme insuffisante. Ce soutien, qui mobilise aussi bien des aides directes qu'indirectes, n'a pas son équivalent chez nos principaux partenaires, où les groupes de presse sont certes plus puissants d'un point de vue capitalistique que les nôtres, et qui estiment que le rapport à la puissance publique serait gravement perturbé par une relation budgétaire susceptible de nuire à l'indépendance des organes de presse.

De surcroît, la grande majorité des aides ne fait l'objet d'aucune conditionnalité, ce qui peut créer une véritable « dépendance » - voire une certaine « addiction » - des entreprises de presse au soutien de l'Etat, sans que l'on puisse constater de résultat tangible en termes de restructuration, de modernisation du secteur et de coup d'arrêt apporté à l'érosion de ses ventes. Dans le contexte actuel des finances publiques, peut-on encore se permettre un tel niveau de soutien, sans contrepartie ? Qui plus est, je voudrais souligner le manque de transparence associé à cette politique, dont on a du mal à mesurer les résultats. Dispose-t-on d'indicateurs de performance suffisamment précis et pertinents pour apprécier l'efficacité des aides à la presse ?

Cette politique ne peut que s'inscrire dans le cadre de la contrainte globale pesant sur les finances publiques. La justification de certaines aides - et je me permets d'en parler à une période où la question des niches fiscales est encore d'actualité - comme par exemple l'abattement fiscal en faveur des journalistes et des entreprises de presse, n'est-elle pas parfois ténue ? De même, comment expliquer que des magazines de télévision, dont la rentabilité économique est supérieure à celle des publications d'information politique et générale, et qui ne contribuent pas à l'objectif de pluralisme, soient presque autant subventionnés que la presse politique et généraliste ? Dans ce domaine, il y a une sédimentation des décisions prises dans le temps et des contradictions nées de cet empilement, mais cela coûte toujours plus cher.

Au total, je m'interroge sur l'avenir, à moyen terme, de notre modèle de soutien public à la presse écrite.

Pour cette audition, je vous propose de procéder ainsi : tout d'abord, M. Patrick Lefas, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, assisté de MM. Philippe Duboscq et Joël Montarnal, rapporteurs, ainsi que de M. Jacques Tournier, contre-rapporteur, présentera en une quinzaine de minutes une synthèse de l'enquête. Puis le rapporteur spécial Claude Belot s'exprimera, avant que nous entendions les professionnels : M. Denis Bouchez, directeur du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) ; M. Jean Viansson-Ponté, président du Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) ; M. Nicolas Routier, directeur général-adjoint du groupe La Poste, directeur général du courrier et président de SOFIPOST ; M. Maurice Botbol, président du Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL). J'ouvrirai ensuite le débat aux sénateurs, et j'inviterai ensuite Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), et M. Alexandre Grosse, sous-directeur de la 8ème sous-direction du budget, à nous faire part de leurs réactions et de leurs réponses aux propos et questions entendus depuis le début de l'audition.

Cette réunion a également été ouverte aux membres de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, ainsi qu'à la presse.

Je donne maintenant la parole à Patrick Lefas, que nous remercions très vivement, ainsi que ses collaborateurs, pour la qualité et la profondeur du travail accompli.

M. Patrick Lefas, président de la troisième chambre de la Cour des comptes. - J'ai l'honneur de vous présenter un rapport que la commission des finances du Sénat a demandé au titre de l'article 58-2° de la LOLF sur les aides de l'Etat à la presse écrite.

Pour vous le présenter et répondre à vos questions, j'ai à mes côtés Jacques Tournier, président de section, ainsi que Philippe Duboscq et Joël Montarnal, conseillers référendaires.

L'enquête de la Cour avait pour objet d'examiner l'efficacité et l'efficience des dispositifs directs et indirects de soutien public aux entreprises de presse, en abordant les aides à la diffusion, à la modernisation, en faveur du pluralisme, ainsi que le soutien de l'Etat à l'Agence France-Presse (AFP).

Cette enquête a démarré en février 2013. Parallèlement aux procédures d'instruction et de contradiction écrite de la Cour, de nombreuses auditions ont permis de recueillir les analyses et positions de l'administration, des représentants des entreprises de presse et de plusieurs syndicats de salariés dont vous avez invité des représentants. A cette occasion, je salue vos invités avec lesquels, j'en suis sûr, un dialogue fructueux va se poursuivre.

L'enquête s'est également fondée sur les comparaisons internationales disponibles qui mettent en lumière les spécificités du modèle français en matière de soutien à la presse. Enfin, elle a pris en compte les décisions récentes du Gouvernement qui visent à engager un processus de réforme des aides de l'Etat à la presse.

Le rapport qui vous est présenté aborde trois aspects et les questions posées par le président trouveront, je l'espère, un éclairage satisfaisant au cours de mon exposé. Les trois questions sont : la gestion des différents dispositifs d'aides directes et indirectes à la presse écrite ; l'impact de ces aides sur les entreprises de presse confrontées à des difficultés économiques croissantes et à la nécessité d'affronter une transition technologique de la presse sur support papier à la presse sur support numérique ; enfin, la gouvernance de la politique publique en faveur de ce secteur économique et donc en particulier les problématiques de conditionnalité et de transparence dans le cadre du processus conventionnel.

La Cour en tire trois grands constats et 14 recommandations et appelle à une réflexion de plus long terme sur les fondements et l'économie générale de la politique publique.

Le premier constat est que le secteur de la presse écrite est fortement aidé par l'Etat et qu'il en est, de ce fait, fortement dépendant. Ce secteur regroupe environ 2 200 entreprises qui emploient 80 000 salariés, dont 25 000 journalistes, et qui éditent environ 9 000 titres.

Le soutien de l'Etat à la presse est ancien puisqu'il s'appuie sur l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui affirme le principe de la libre communication des pensées et des opinions. Ce principe a été consacré à plusieurs reprises par la loi et, en dernier lieu par le Conseil constitutionnel, pour justifier les aides publiques à la presse, au nom de la défense du pluralisme.

Au fil des décennies, le soutien de l'Etat à la presse a abouti à une politique complexe qui poursuit des objectifs multiples et qui juxtapose de nombreuses aides, directes, sur crédits budgétaires, et indirectes, sous forme d'avantages fiscaux ou - ce qui est moins connu - d'exonérations sociales non compensées par l'Etat et donc prises en charge par le régime général de la sécurité sociale. Cette accumulation d'aides hétérogènes s'est encore accentuée depuis les états généraux de la presse écrite de 2008, avec la mise en oeuvre d'un plan exceptionnel d'aide à la presse sur la période 2009-2011 dont on n'est pas véritablement sorti.

Les aides directes qui s'imputent principalement sur le programme 180 « Presse » du ministère de la culture et de la communication concernent aussi bien la diffusion (308 millions d'euros en 2013) et le soutien au pluralisme (12 millions d'euros) que la modernisation (75 millions d'euros). Il faut également mentionner les crédits versés à l'Agence France-Presse (120 millions d'euros) qui mêlent encore indistinctement l'achat d'abonnements par l'Etat - 350 à ce jour - et la compensation des missions d'intérêt général assumées par cette agence d'envergure mondiale - mais cette situation est appelée à évoluer à l'issue des négociations avec la Commission européenne. En tout, on peut recenser près d'une quinzaine de dispositifs sur le programme 180.

S'y ajoutent les financements émargeant sur d'autres programmes budgétaires. C'est le cas de l'aide au transport postal qui, sans réelle justification, était pour partie financée jusqu'en 2012 par le programme 134 « Développement des entreprises et des services » relevant du ministère de l'économie et des finances. Cette aide est, depuis la loi de finances initiale pour  2013, rattachée au programme 180, conformément aux recommandations formulées par la Cour dans ses notes d'exécution budgétaire. On peut aussi mentionner le plan d'accompagnement social IMPRIME financé par le programme « Anticipation des mutations économiques et développement de l'emploi » géré par le ministère chargé des affaires sociales à hauteur de 19,5 millions d'euros.

Au total, cet ensemble de dépenses budgétaires s'élève, en 2013, à 534 millions d'euros.

Au-delà de ces aides directes, un ensemble d'aides indirectes bénéficie également à la presse écrite. La principale aide est constituée par le taux préférentiel de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 2,1 % qui est appliqué à la presse écrite, la presse en ligne étant imposée au taux de normal de 19,6 % qui sera porté à 20 % au 1er janvier 2014. Si cette mesure bénéficie in fine aux lecteurs, elle constitue de toute évidence une aide au secteur de la presse en abaissant le prix de vente des journaux, même si cette appréciation est parfois contestée. Son coût pour l'Etat se situe autour de 200 millions d'euros lorsqu'on le rapporte au taux réduit de TVA à 5,5 %, méthode de calcul adoptée dans les documents budgétaires (dans le fascicule des voies et moyens), mais serait proche du milliard d'euros si on le rapportait au taux normal de TVA à 19,6 %.

Il faut, par ailleurs, mentionner plusieurs mesures fiscales anciennes qui font l'objet d'évaluations insuffisantes de leur coût comme de leur efficacité et qui suscitent certaines interrogations quant à leur légitimité.

Ainsi, lors du remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale, l'exonération dont bénéficient les entreprises de presse, comme c'était déjà le cas pour la patente, a été reconduite sans réexamen de sa pertinence, et son coût n'a jamais fait l'objet d'une évaluation et demeure donc inconnu.

Les deux mesures existantes en faveur de l'investissement dans les entreprises de presse, inférieures chacune à un million d'euros en dépenses fiscales, s'avèrent de ce fait même très peu utilisées, et leur efficacité n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact.

Enfin, l'abattement fiscal bénéficiant aux journalistes ne fait l'objet d'aucune estimation officielle de son coût, même si les services de l'Etat ont pu, dans le cadre de l'enquête de la Cour, l'estimer à 60 millions d'euros. De plus, les justifications de cette mesure très ancienne, restée inchangée depuis 1998, sont devenues plus incertaines tant au regard des conditions d'exercice du métier, y compris la protection des sources, que du principe d'égalité devant l'impôt au sein de la profession comme à l'égard des autres salariés.

Ces évaluations approximatives ou manquantes empêchent donc un chiffrage exhaustif et précis de la politique d'aide à la presse. Sur la base des seuls chiffrages fiables existants, elle mobilise au moins 700 millions d'euros et plus de 1,5 milliard d'euros si, comme précédemment mentionné, on se réfère au taux normal de TVA. En tout état de cause, si la plupart des autres pays comparables présentent des dispositifs de soutien à la presse, principalement sous la forme de taux préférentiels de TVA, la France se distingue à la fois par l'extrême diversité et le caractère massif des aides à ce secteur économique ; le président Marini a évoqué la question de la problématique de la dépendance de ce secteur au regard de l'aide publique.

Au vu des montants engagés, la politique de l'Etat en faveur de la presse écrite place les éditeurs de presse et les acteurs majeurs du système de distribution (société Presstalis, marchands de journaux) dans un état de dépendance vis-à-vis du soutien public, au point de représenter 7,5 % du chiffre d'affaires des entreprises de presse sur la base des seules mesures officiellement chiffrées. Cette dépendance se mesure tant par la multiplication, depuis une dizaine d'années, de mesures exceptionnelles de soutien, que par le montant élevé d'aide apporté par l'Etat à chaque exemplaire diffusé, comme le montre le tableau qui figure à la page 40 du rapport de la Cour.

A cet égard, il faut rappeler que la mise en oeuvre du plan d'aide 2009-2011 a conduit à un quasi-doublement des dépenses budgétaires : 324 millions d'euros en 2009 contre 165 millions d'euros en 2008 sur le programme 180 « Presse », hors abonnements de l'Etat à l'Agence France-Presse. Ce plan constituait un effort massif mais exceptionnel et limité dans le temps. Or les baisses intervenues depuis 2012 dans le cadre de l'actuelle programmation budgétaire triennale n'ont pas permis, loin de là, de revenir à la situation antérieure au plan d'aide 2009-2011. En 2013, à périmètre constant, c'est-à-dire en neutralisant les effets du transfert des crédits du programme 134, les crédits ouverts sur le programme 180 « presse » restent supérieurs de plus de 72 millions d'euros à ceux ouverts en 2008, alors que le plan de relance a, lui, été entièrement exécuté.

Les arbitrages à rendre sur le niveau pertinent des dépenses budgétaires et fiscales en faveur de la presse s'inscrivent nécessairement dans le cadre des contraintes de retour à l'équilibre des comptes publics.

Au terme de ce premier constat, la Cour formule les principales recommandations suivantes : estimer le coût de l'exonération de contribution économique territoriale ; évaluer la pertinence des deux mesures fiscales relatives aux investissements dans les entreprises de presse et les supprimer si leur efficacité n'est pas démontrée ; réexaminer les justifications du régime de l'abattement pour frais professionnels des journalistes ; procéder à la juste évaluation des missions d'intérêt général de l'AFP et au réexamen du nombre et de la nature des abonnements de l'Etat à l'AFP.

Le deuxième grand constat est que, pour coûteuses qu'elles soient, les aides à la presse n'ont pas réellement démontré leur efficacité. De nombreux facteurs inhérents à cette politique contribuent à expliquer ces résultats décevants par rapport aux objectifs poursuivis et aux moyens engagés. Ces constatations portent sur les trois grands ensembles d'aides directes à la presse : les aides à la diffusion et à la distribution, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation.

Les aides à la diffusion et à la distribution de la presse, qui visent à réduire son coût d'acheminement vers les lecteurs, présentent en premier lieu des contradictions majeures entre les objectifs poursuivis, dont l'exemple le plus frappant concerne l'aide au portage et l'aide au transport postal. De l'avis général, l'acheminement par des porteurs est plus rapide que l'acheminement par voie postale et donc mieux adapté aux délais très contraints de distribution de la presse quotidienne, notamment pour les abonnés (puisqu'ils peuvent trouver leur journal dès 6h30 dans leur boîte aux lettres). A la suite des états généraux, l'Etat a donc logiquement fait du développement du portage une priorité et accru son aide de plus de 60 millions d'euros.

Pour atteindre cet objectif, il aurait fallu baisser parallèlement l'aide au transport postal afin de permettre une substitution progressive du portage au postage. Or, de manière peu cohérente, l'Etat a non seulement maintenu un niveau élevé d'aide au transport postal à hauteur de 242 millions d'euros de 2009 à 2011, mais il a aussi accepté le principe d'un moratoire qui a retardé d'un an la hausse des tarifs postaux et coûte de l'ordre de 25 à 30 millions d'euros chaque année. Cette contradiction n'est toujours pas levée en 2013 : bien que la priorité au portage demeure, l'aide qui lui est consacrée a été ramenée à 37,6 millions d'euros alors que l'aide au transport postal, moratoire inclus, avoisine encore les 250 millions d'euros.

Circonstance aggravante, les modalités d'attribution de l'aide au portage ont été mal conçues en 2009, de telle sorte que l'aide a surtout bénéficié aux entreprises qui recouraient déjà au portage, en particulier la presse quotidienne régionale, alors que l'Etat souhaitait surtout développer le portage de la presse quotidienne nationale, encore trop limité. Les chiffres sont éloquents, en 2009 et 2010, la presse régionale a reçu près de 80 % de l'aide contre 20 % seulement pour la presse nationale.

Si ce défaut de calibrage initial a été corrigé, le débat demeure sur les modalités d'attribution et de calcul de l'aide au portage, en particulier sur la répartition des crédits entre une aide fondée sur le nombre total d'exemplaires portés (c'est-à-dire l'aide au stock) et une aide fondée sur la progression annuelle du nombre d'exemplaires portés (appelée aide au flux). On peut observer que les différentes familles de la presse quotidienne ont, à cet égard, des points de vue différents.

L'ensemble de ces facteurs explique notamment la progression modeste du portage au regard des montants engagés et des objectifs annoncés lors des états généraux.

La politique de soutien de l'Etat à la diffusion et à la distribution de la presse présente d'autres défauts majeurs. Alors que l'Etat revendique une neutralité de son intervention afin de ne pas influer sur les choix faits par les éditeurs de presse, l'enquête de la Cour a montré qu'elle bénéficie plus à certains titres qu'à d'autres en fonction des modes d'acheminement que ceux-ci ont privilégiés.

La juxtaposition, sans aucune cohérence d'ensemble, de dispositifs d'aide conçus à des périodes différentes avec des modalités d'attribution très diverses, conduit en effet à rendre tel mode de transport plus intéressant qu'un autre, indépendamment de toute logique économique. Elle a, en outre, pour effet de ne pas inciter les entreprises à opérer des choix rationnels, par exemple en mutualisant leurs réseaux.

Cette politique conduit enfin à des situations de déficits structurels comme ceux constatés dans les comptes de La Poste où la mission de service public de transport de la presse occasionne encore un déficit de plus de 280 millions d'euros en 2012.

S'agissant maintenant du deuxième grand ensemble d'aides, les aides au pluralisme, qui passent principalement par un ciblage des aides sur la presse d'information politique et générale, des défauts persistent et réduisent leur efficacité.

L'enquête de la Cour a ainsi constaté que les modalités de calcul de l'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, qui bénéficie principalement à quatre titres nationaux - vous trouverez le détail dans l'enquête de la Cour - étaient déconnectées du nombre d'exemplaires diffusés comme de leur pourcentage de recettes publicitaires.

Autre constat de la Cour, le ciblage des aides sur la presse d'information politique et générale reste insuffisant, en particulier en matière de bonifications de tarif de transport postal, et conduit donc à une dispersion des moyens engagés par l'Etat. Est-il conforme à cet objectif de ciblage que les magazines de télévision bénéficient d'un taux bonifié proche de 60 % du tarif universel, ou plus largement, que 46 % de l'aide au transport postal, soit 100 millions d'euros, aille à des familles de presse qui ne présentent pas d'enjeu majeur au regard de l'objectif de préservation du pluralisme qui constitue la principale justification des aides de l'Etat ?

Enfin, s'agissant du dernier ensemble d'aides à la presse, les aides à la modernisation, les résultats sont pour le moins incertains puisque ces aides ont servi, par exemple, au financement d'achat de rotatives, alors même que décroît le lectorat sur support papier ; au développement de sites de presse en ligne consacrés à des pratiques sportives ou alimentaires, ou encore à l'achat de téléphones portables. En d'autres termes, ces aides paraissent avoir insuffisamment incité les entreprises à engager leurs nécessaires mutations technologiques dans un contexte général marqué par le développement de la presse sur support numérique. Ce phénomène est accentué par le fait que la presse en ligne ne bénéficie pas du même taux de TVA que la presse sur support papier, et les arbitrages récents du Gouvernement n'ont pas remis en cause cette situation.

Si les moyens importants engagés par l'Etat ont probablement permis d'atténuer quelque peu les effets de la crise, ils n'ont pas eu d'effet structurel notable. La crise de la presse persiste et tend même à s'accroître. Les difficultés aiguës de restructuration de la messagerie Presstalis, que le rapport analyse en détail, et la diminution du nombre de créations nettes de points de ventes de la presse, c'est-à-dire les marchands de journaux, en témoignent. Les données relatives à la diffusion de la presse au cours du premier semestre 2013 le démontrent également : par rapport à 2012, la plupart des titres de la presse nationale voient leur diffusion diminuer de 5 % à 14 %, ceux de la presse régionale de 4 % à 7 %, les magazines n'étant pas davantage épargnés avec des baisses pouvant dépasser les 20 %.

En donnant des signaux de prix contradictoires, en n'incitant pas à la constitution d'opérateurs du portage, en n'encourageant pas suffisamment les projets innovants concourant à l'émergence d'un modèle économique viable, la politique publique n'a eu pour effet que de freiner ou de retarder les nécessaires évolutions technologiques. En effet, un double défi reste à relever pour les sites de presse en ligne : une tarification adaptée aux attentes des lecteurs en contenu et en images en s'inspirant des meilleures pratiques étrangères et une optimisation de leurs recettes publicitaires dans un marché devenu fortement concurrentiel.

Au terme de ces constats, la Cour formule les principales recommandations suivantes : encourager la transition du postage vers le portage ; réaliser une évaluation incontestable sur le coût réel pour La Poste de la mission de service public de transport de la presse et sur l'écart entre les tarifs du service public et ceux du service universel ; mieux moduler le calcul de l'aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires en fonction du pourcentage de recettes publicitaires et du nombre d'exemplaires diffusés.

Le troisième grand constat est qu'en matière de gouvernance des aides à la presse, les ajustements récemment opérés restent encore insuffisants au regard des enjeux.

Bien que centrale, la question de l'amélioration de la gouvernance des aides à la presse n'a été abordée qu'à l'issue du plan d'aide 2009-2011, avec la publication du décret du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse et au fonds stratégique pour le développement de la presse.

Les mesures prises vont incontestablement dans le bon sens en renforçant les moyens de pilotage de l'Etat. A ce titre, elles accroissent la transparence sur le montant des aides allouées qui font désormais l'objet d'une publication sous une forme, il est vrai, encore perfectible. Comme le président l'a signalé, cette transparence n'est pas encore totale dans le cadre conventionnel qui régit désormais les relations entre l'Etat et les entreprises de presse. Elles instaurent également des démarches de contractualisation avec les bénéficiaires, ce qui constitue une étape indispensable pour renforcer la pertinence et le suivi des soutiens publics aux entreprises de presse. Enfin elles mettent en place une globalisation des aides à la modernisation de la presse, en fusionnant plusieurs dispositifs qui faisaient l'objet d'une gestion trop cloisonnée.

Toutefois, à la date d'achèvement de l'enquête de la Cour, ces mesures n'étaient que très partiellement mises en oeuvre.

Des lacunes importantes persistent, tout particulièrement dans le domaine du contrôle et de l'évaluation des aides allouées, mais aussi des indicateurs. Les anciennes commissions de contrôle des aides à la modernisation ont été supprimées, sans que soit encore formalisé un cadre institutionnel et méthodologique pour pallier une telle carence.

De plus, l'Etat ne dispose encore que de données lacunaires pour appréhender la situation économique du secteur de la presse et pour mesurer l'impact de la transition technologique vers le numérique. Des progrès en matière de transparence sont encore indispensables pour permettre à l'Etat de pouvoir réellement apprécier l'efficacité de son soutien au secteur de la presse.

Au terme de ce troisième grand constat, la Cour formule les principales recommandations suivantes : rendre public le montant annuel des aides accordées à chaque titre de presse, en consolidant l'ensemble des financements ; approfondir la contractualisation ; mettre en oeuvre des procédures effectives d'évaluation et de contrôle ; réaliser périodiquement des études permettant d'apprécier les niveaux de rentabilité respectifs des différentes familles de presse.

Au-delà de ces constats et des 14 recommandations que nous formulons, la Cour appelle à une réflexion à moyen terme dont les quatre axes de réforme présentés en Conseil des ministres, le 10 juillet 2013, par la ministre de la culture et de la communication, constituent, à notre avis, la première étape.

Le rapport propose, en conclusion, des orientations qui visent à remédier de manière plus structurelle aux faiblesses de la politique publique en faveur de la presse écrite.

L'objectif que la Cour propose de poursuivre est, à la fois, de simplifier cette politique en réduisant fortement le nombre de dispositifs ; de mieux maîtriser les dépenses que celle-ci entraîne, dans un contexte contraint pour l'Etat, en rappelant notamment le caractère exceptionnel et limité dans le temps de l'effort financier consenti par l'Etat de 2009 à 2011 ; de centrer les soutiens publics sur les deux objectifs majeurs, que sont, d'une part, la préservation du pluralisme qui conduit à concentrer l'aide sur la presse d'information politique et générale, cette famille de presse étant de surcroît la plus fragile sur le plan économique ; et d'autre part, la modernisation, les projets devant être soutenus, non pas en fonction des intérêts particuliers des entreprises, mais dans le souci d'inciter l'ensemble de la filière de la presse à assumer sa transition technologique.

Afin de donner corps à ces orientations, le présent rapport suggère, sous la forme d'un schéma-cible, une nouvelle architecture des aides à la presse qui s'articulerait autour de quatre mesures, deux aides indirectes et deux aides directes. Les dispositifs fiscaux dont la pertinence ne serait pas établie devraient être remis en cause, hormis le taux préférentiel de la TVA qui devrait être étendu à la presse en ligne et à l'exonération ancienne de contribution économique territoriale, dont il faudrait évaluer le coût avec précision ; les aides à la distribution et à la diffusion seraient supprimées, en raison de leur manque de cohérence globale, au profit d'un fonds de soutien au pluralisme qui serait exclusivement dédié à la presse d'information politique et générale, le soutien de l'Etat en faveur de cette famille prioritaire n'étant dès lors pas affecté par les réductions budgétaires ; une partie des économies dégagées dans le cadre de cette réforme (entre 135 et 150 millions d'euros selon les hypothèses retenues) pourrait, outre l'abondement du nouveau fonds de soutien au pluralisme, être réinvestie dans le fonds stratégique pour le développement de la presse dont l'impact en faveur de la modernisation se trouverait ainsi renforcé.

Le schéma de réforme proposé par la Cour pourrait être mis en oeuvre dans un délai de trois à cinq ans, cet horizon étant indispensable pour permettre aux acteurs économiques de s'y préparer, compte tenu du contexte de crise et de mutation auxquels ils sont confrontés. Il n'impliquerait nullement la remise en cause des mesures récemment annoncées dont il constituerait, au contraire, un prolongement logique.

Au terme de cette présentation du rapport de la Cour, nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. Philippe Marini, président. - Avant de passer la parole au rapporteur spécial Claude Belot, je propose à notre collègue François Laborde, en tant que représentant de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, de nous faire part de ses observations.

Mme Françoise Laborde. - Merci de m'accueillir ici au nom de Marie-Christine Blandin. Cet exposé est très éclairant car nous avons l'habitude, au sein de la commission de la culture, de travailler de façon séquencée, notamment au moment de l'examen du budget, et nous avons ici un exposé global clair pour l'ensemble de la presse écrite. Pour ma part, je crois que le fort soutien de principe à ces entreprises est légitime du point de vue de la démocratie ; mais ce soutien est contesté en raison, notamment de son manque de transparence.

J'insiste sur le fait que nous sommes en pleine évolution, avec le développement du numérique et du portage : ceux qui sont attachés à la presse écrite préfèrent la lire le matin.

S'agissant des aides ciblées, nous avons récemment fait un déplacement au festival Visa pour l'image de Perpignan. Or, les journaux télévisés utilisent des clichés photographiques qu'ils ne rémunèrent pas, contrairement à la presse écrite. Il y a donc un vrai problème pour les photos-reporters. Nous aimerions donc que certaines aides ciblées puissent également bénéficier aux photographes.

Par ailleurs, il faut en effet aider la transition vers le numérique.

M. Philippe Marini, président. - Merci d'ajouter cette question des photos-reporters, qui est en effet un sujet en soi.

M. Claude Belot, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». - Je remercie le Président Patrick Lefas et ceux qui, à la Cour des comptes, nous ont éclairé sur une politique essentielle à la démocratie mais qui présente des problèmes structurels. Je suis rapporteur spécial de cette mission depuis quinze ans, les difficultés sont toujours les mêmes et je constate que rien n'a vraiment changé, sauf la stratification continue des dispositifs d'aides nouvelles créées pour éteindre un incendie dans telle ou telle catégorie de presse.

Tout le dispositif des aides à la presse est né après la Seconde guerre mondiale, pour faire renaître notre démocratie - je pense notamment à la loi Bichet de 1947. Mais cette aide au pluralisme ne représente que 12 millions d'euros ! Or, c'est toujours cette justification que l'on met en avant. Pourtant, les difficultés et les rigidités du secteur sont profondes, qu'il s'agisse de la production, les concentrations n'ayant pas eu lieu, du transport - notamment du transport via La Poste, qui représente 60 % de la diffusion - et de la modernisation, la révolution numérique ne faisant que commencer. Sur ce dernier point, la presse française est en retard par rapport à nos voisins : certains journaux, qui restent en dehors du numérique, risquent de disparaître car la jeune génération lit de moins en moins la presse papier.

Au total, notre presse réussit le tour de force d'être à la fois la plus aidée et la plus en difficulté en Europe. Il y a un problème existentiel pour certains titres, mais aussi pour le transport. Ce n'est pas qu'une question financière, l'enjeu est de conserver une presse francophone de qualité.

Je remercie à nouveau la Cour dont le travail nous permet de sortir de « l'impressionnisme » et de donner une vision à la fois globale et précise de la situation.

La Cour relève plusieurs incohérences dans le dispositif actuel : pourquoi la presse quotidienne régionale (PQR) bénéficie-t-elle de quatre fois moins d'aides que la presse nationale ?

Par ailleurs, en 2008, nous avions décidé de faire arriver le journal avant le petit-déjeuner pour tous les Français, où qu'ils soient : il s'agissait donc de développer les aides au portage, que la PQR avait déjà anticipé. Mais ce plan n'a pas eu les effets escomptés : les marchands de journaux sont toujours incontournables pour accéder à la presse nationale, les synergies n'ont pas été trouvées, mais les dispositifs mis en place sont coûteux, sans que l'aide au postage n'ait été réduite !

De surcroît, l'aide au pluralisme représente peu de choses mais elle constitue un aspect symbolique du dispositif. Enfin, s'agissant des aides à la modernisation, la Cour nous montre qu'elle a été utilisée pour l'achat de machines - ou de téléphones portables ! - alors qu'elle avait été conçue pour assurer la transition numérique.

Au total, comment les représentants de la presse ici présents voient-ils l'avenir de leur métier ?

Aux pouvoirs publics, je voudrais demander quelle est la cohérence à créer un fonds stratégique pour le développement économique de la presse pour rationaliser l'ensemble du dispositif d'aide, mais sans l'abonder - ou trop peu ?

Nous sommes, je le crois, à un tournant et il faut donner plus d'efficacité au milliard d'euros d'aides à la presse, faute de quoi nous aurons bientôt une presse écrite à Londres ou à New York et traduite par une machine en français...

M. Philippe Marini, président. - Avant de lui passer la parole, je voudrais poser une question provocatrice à Denis Bouchez : qu'est-ce qui s'opposerait à ce que chaque titre de presse publie le montant total des aides annuellement reçues ?

M. Denis Bouchez, directeur du syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN). - Je vous remercie et je remercie également la Cour des comptes pour son travail. Pour répondre à votre question, on peut jouer la transparence dans une certaine mesure seulement. Pour les journaux, les aides directes sont connues, elles rentrent même dans le compte d'exploitation de chaque entreprise. En revanche, il est difficile de quantifier les aides indirectes. C'est notamment le cas de l'aide au postage, calculée au prorata de la diffusion des journaux, mais dont les éditeurs ignorent, de fait, le montant exact.

Il y a en réalité deux grandes questions à ne pas confondre. La première est de savoir si notre secteur est capable de se moderniser. Je pense quant à moi, malgré les critiques récurrentes, qu'il s'agit d'un secteur dynamique, qui a su développer une offre numérique et dispose d'une audience massive, notamment auprès des jeunes. La seconde question, distincte de la première, est de savoir si le soutien public au secteur est efficace.

Le chiffre d'affaires global des entreprises de presse s'établit autour de 9 milliards d'euros. C'est un milliard de moins qu'il y a dix ans, mais le nombre des ventes, quant à lui, s'est maintenu. En réalité, la baisse de l'activité correspond à une baisse des recettes publicitaires, en raison, notamment, d'un transfert vers les acteurs technologiques.

La diffusion papier est en érosion mais le portage connaît une dynamique positive. Surtout, il y a une vraie évolution vers les nouvelles technologies, dans lesquelles les journaux français ont investi massivement. C'est le cas d'Internet, avec 25 millions de lecteurs, des téléphones intelligents, avec 8 millions de lecteurs et des tablettes, depuis deux ans, avec 3 millions de lecteurs français. Certes, les jeunes consultent ces sites mais il reste difficile de leur vendre du contenu. Cependant, de façon générale, la presse française a fait sa transition vers le numérique.

La presse écrite représente 200 000 emplois et emploie 66 % des journalistes français. C'est là qu'est l'expertise, la profondeur de l'analyse.

S'agissant de l'impression, le parc a été modernisé, en particulier vers le tout-couleur pour séduire les lecteurs et les annonceurs. Les imprimeries sont désormais communes à plusieurs journaux. Cette modernisation a certes été aidée mais elle n'en est pas moins réussie.

S'agissant du portage, on constate, dans les pays voisins, que la presse quotidienne régionale est forte dès lors qu'il existe un réseau de portage. Il s'agit d'un levier de développement et d'attractivité important, car on peut capter ce moment privilégié du petit-déjeuner, où le journal n'est pas en concurrence avec la télévision. Développer le portage est un défi compliqué car il faut aller chercher les lecteurs, constituer des listes d'adresse, etc. mais la démarche est lancée et il faut la poursuivre. La presse quotidienne régionale a les réseaux nécessaires et nous devrions davantage travailler en synergie pour s'appuyer sur cet acquis.

De façon générale, en matière de soutien public, les entreprises ont besoin d'aides qui soient prévisibles, qui anticipent sur les besoins des acteurs et qui donnent une vision pluriannuelle, pour éviter les à-coups liés au principe d'annualité budgétaire. Il faut une politique de soutien qui s'inscrive dans le long terme.

M. Philippe Marini, président. - Mais comme le disait Lord Keynes, à long terme, nous serons tous morts... Je souhaiterais également ouvrir le débat sur les conditions de fonctionnement du futur fonds Google.

M. Jean Viansson-Ponté, président du syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR). - Nous avons encore entendu que la presse française était une exception et la plus aidée du monde. Je pense que nous n'avons pas à avoir honte car si, pour nos confrères irlandais ou britanniques, la comptabilité publique prenait en compte le taux zéro de TVA qui leur est appliqué, si leurs gouvernements prenaient la décision de soutenir une grande agence internationale d'information et imputaient ce soutien sur le budget de la presse au même titre que l'aide à la Poste et aux opérateurs de portage, je pense que l'on pourrait dire la même chose de ces pays-là.

Par ailleurs, il me semble qu'il faut distinguer ce qui relève de l'aide ponctuelle pour soutenir des phases de transition, compte tenu du rôle d'information de la presse et de pivot du jeu démocratique, de ce qui relève de la contrepartie au déficit structurel du secteur en raison de cette mission d'intérêt général. Aujourd'hui, la presse quotidienne régionale (PQR) a 18,5 millions de lecteurs par jour pour 5,2 millions de journaux vendus. Sur les sites Internet, nous retrouvons 16 millions de visiteurs uniques tous les mois et 700 millions de pages vues. Le papier représente 90 % de notre économie, contre à peine 10 % pour le numérique. Nous sommes dans une phase de transition où, contrairement aux pure-players, nous devons réadapter l'ensemble de notre structure. Pour la PQR, 5 500 journalistes garantissent le professionnalisme de la presse. La société vers laquelle nous allons n'est pas une société sans papier mais une société multi-supports. Cela signifie que soutenir la distribution n'est pas jeter l'argent de l'Etat par la fenêtre.

L'efficacité, l'équité et la transparence sont des impératifs s'agissant d'argent public et encore plus en période de crise. Nous saluons donc les études qui sont faites et sommes demandeurs de la transparence.

Après ces considérations préliminaires, je voudrais maintenant aborder la problématique de la distribution. En France, un quotidien régional est vendu en moyenne un euro, dont un coût d'acheminement postal de 66 centimes par exemplaire, ce qui représente une part très importante. La participation demandée pour l'acheminement de la presse nationale est, quant à elle, de 45 centimes par exemplaire. Par comparaison, nos confrères de la presse belge effectuent cet acheminement pour 20 centimes. En France, qui est un pays peu dense, - trois fois moins que la Belgique -, l'aide à l'acheminement et à la distribution est le type d'aide structurelle nécessaire qui permet de maintenir le prix de vente au public à un niveau acceptable.

Dans cette logique d'empilement « presse - la Poste », les abonnements à la presse régionale sont acheminés à 10 % par la poste. La contrepartie du service postal à ce titre aura été de 40 millions d'euros en 2012. Parallèlement, pour acheminer 50 % de sa diffusion par portage, la PQR a perçu 30 millions d'euros. Cela pose question et nous partageons les constats de la Cour mais nous n'arrivons pas aux mêmes conclusions. L'année dernière, l'abondement moyen par quotidien régional posté a été de 24 centimes, contre seulement 3,5 centimes pour un journal porté. De plus, selon les titres, toute catégorie confondue, l'aide à l'exemplaire peut aller de 2,5 centimes à 25 centimes selon les éditeurs. Ces écarts posent question.

Globalement, j'estime, contrairement à la Cour des comptes, que le portage est une réussite. Sur la décennie 2002-2012, le portage de la PQR a augmenté de 12 % alors que tous les autres canaux ont chuté de 37 %. En outre, la couverture par les réseaux de portage de la PQR a augmenté entre 2009 et 2012 de 13 %. Cela représente une couverture totale de 25 000 communes de France, soit 67 % des communes. Nous avons créé des emplois de porteurs, le plus souvent à temps partiel, dont le nombre est aujourd'hui de 22 500.

M. Philippe Marini, président. - 22 500 personnes ou équivalent temps plein ?

M. Jean Viansson-Ponté, président du syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR). - Il s'agit bien de personnes.

M. Philippe Marini, président. - C'est loin d'être négligeable en matière d'emplois !

M. Jean Viansson-Ponté, président du syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR). - Et nous pouvons constater que la loi « Seguin » du 3 janvier 1991 a permis de développer un réseau de portage efficace sur la France entière. Pour présenter une vision prospective de l'aide à la distribution, il faut rappeler que l'aide ne va pas à celui qui porte mais à celui qui est porté, c'est-à-dire l'éditeur. L'opérateur du portage ne perçoit aucune aide à ce titre, mais bénéfice d'allègement de charges. Aujourd'hui, on évoque la prime à la mutualisation. Or, pour qu'une aide soit efficace, elle doit être universelle, lisible et neutre. Nous ne comprenons pas bien ce que signifie la prime à la mutualisation car cette dernière est déjà une réalité : la PQR acheminait quotidiennement 68 000 journaux nationaux en 2009 contre 90 000 aujourd'hui. L'intérêt économique commun est de développer du chiffre d'affaires sans qu'il y ait besoin d'aide. Pourquoi compliquer davantage le dispositif ?

J'estime qu'une aide au portage juste, transparente et efficace doit être une aide à l'exemplaire porté et, à terme, une aide unique à la distribution versée directement aux éditeurs, réservée exclusivement à la presse IPG, et se substituant aux régimes différenciés existants « portage - Poste ».

Je n'évoquerai pas la distribution au numéro car la PQR entretient ses 60 000 points de vente en dehors du système coopératif et de Prestaliss.

M. Philippe Marini, président. - On est tenté de penser que le portage crée plus d'emplois que le postage et que ce dernier ralentit les grandes évolutions que la Poste doit mener. M. Routier, qu'en pensez-vous ?

M. Nicolas Routier, directeur général adjoint du groupe la Poste, directeur général du courrier, président de SOFIPOST. - Je remercie également la Cour des comptes pour la synthèse de ce rapport que nous allons examiner attentivement. La Poste représente 270 000 emplois à temps plein. Je présenterai quatre éléments sur les conditions de diffusion de la presse. Le premier est que la distribution de la presse est la première des quatre missions de service public de La Poste, créée à la Révolution française. Concrètement, cela représente 1,3 milliard d'exemplaires dont la répartition géographique est très variée, sachant que le coût du dernier kilomètre entre des zones très denses et rurales varie de 1 à 8. Jean Viansson-Ponté a souligné que La Poste réalise 10 % du portage de la PQR : pour des raisons propres à la rationalité économique des éditeurs, cette proportion correspond aux zones les moins denses. Il faut donc prendre en compte la zone de distribution pour apprécier les coûts.

La Poste distribue aussi près de un quotidien national sur cinq (18 %). En outre, Sur les différentes familles de magazines, le rôle de La Poste évolue de 70 % à 100 % de la diffusion. Le taux de qualité sur les quotidiens en j + 1 est de 97 % dans le cadre de la tournée du facteur, et de 99 % pour les magazines à j + 4.

Dans le courrier, la presse représente 9 % du nombre de plis, 22 % du poids de la sacoche du facteur et 4 % du chiffre d'affaires de la Poste. Cette mission de service public implique donc une logistique spécifique, un niveau de qualité de service élevé et des tarifs très inférieurs aux coûts mais aussi au tarif universel qui s'applique à l'ensemble du courrier.

En 2012, ce coût s'est élevé à 946 millions d'euros et le montant payé par les éditeurs était de 404 millions d'euros. L'aide postale à la presse est donc de 542 millions d'euros, montant dont moins de la moitié est pris en charge par l'Etat. Au total, un peu plus de la moitié reste donc à la charge de La Poste, soit 284 millions d'euros.

Le déficit lié à cette activité a été divisé par deux en dix ans, grâce aux efforts des différents acteurs et aux économies réalisées par La Poste, mais cela reste un montant important dans un contexte de diminution du volume global du courrier : 18 milliards de plis en 2007, 14 milliards en 2013 et sans doute 9 milliards à la fin de la décennie. Au total, cette mission de service public est assumée avec fierté mais elle s'inscrit dans un cadre économique général difficile que l'entreprise ne peut pas ignorer.

M. Philippe Marini, président. - Pour la clarté des chiffres, vous nous dites que les tarifs de service public sont inférieurs au coût réel du transport. L'aide publique est-elle de nature à combler le manque à gagner pour La Poste ?

M. Nicolas Routier, directeur général-adjoint du groupe La Poste, directeur général du courrier, président de SOFIPOST. - En arrondissant les chiffres, le coût global est de 950 millions d'euros et le chiffre d'affaires versé pour les éditeurs est de 400 millions. Donc il reste 550 millions d'euros à financer répartis entre 260 millions d'euros pour l'Etat et 290 millions pour La Poste. Ce chiffre doit être rapproché du résultat d'exploitation du groupe qui avoisine 650 à 700 millions d'euros ; c'est donc une proportion conséquente.

M. Philippe Marini, président. - En quelque sorte, le manque à gagner est partagé entre l'Etat et La Poste.

M. Nicolas Routier, directeur général-adjoint du groupe La Poste, directeur général du courrier, président de SOFIPOST. - Tout à fait. Troisième élément, La Poste préconise l'application de l'accord de 2008 entre l'Etat, la presse et La Poste, jusqu'à son terme fin 2015. Il s'agit d'un accord unanime et équilibré entre tous les acteurs : La Poste a pris des engagements d'économie et de qualité de service, la presse a accepté des augmentations tarifaires significatives contre le maintien d'un système d'aides large et l'Etat a accepté de s'engager sur la durée, soit sept ans, pour une aide passant de 240 millions d'euros à 180 millions sur la période. Les efforts consentis dans cet accord sont soutenables, progressifs et conformes à deux priorités politiques : l'aide postale est universelle, lisible et neutre, sans pour autant être indifférenciée. La preuve en est qu'il existe trois catégories de tarifs selon les familles de presse :

- les quotidiens à faibles ressources publicitaires paient 16 % du tarif universel ;

- c'est 35 % pour la presse d'information politique et générale ;

- et 57 % pour les autres titres.

J'ajoute que ce système permet une péréquation tarifaire au bénéfice des zones peu peuplées.

Symétriquement, nous pensons que toute remise en cause de ces accords avant leur terme serait déstabilisatrice.

Bien entendu, La Poste est disponible pour participer activement aux étapes suivantes et à toute évolution du système. Nous proposons trois conditions initiales pour aborder cette réflexion :

- la progressivité et la prévisibilité sur le long terme est la seule méthode raisonnable pour faire évoluer le dispositif ;

- La Poste partage la conviction qu'un portage multi-titres, rentable, avec un modèle social et responsable, est possible au moins sur la moitié du territoire ;

- nous devrons également étudier la question du surcoût spécifique aux zones peu denses car c'est un point important de l'équilibre du système.

M. Philippe Marini, président. - Je crois comprendre que vous souhaitez le maintien ad aeternam du système actuel ?

M. Nicolas Routier, directeur général-adjoint du groupe La Poste, directeur général du courrier, président de SOFIPOST. - Nous pensons simplement que les évolutions doivent être progressives et anticipables pour l'ensemble des acteurs.

M. Philippe Marini, président. - Nous avons donc là une perspective utile et il est bon que vous l'ayez dit.

M. Maurice Botbol, président du syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL). - Le SPIIL est le dernier syndicat né de la presse, précisément en 2009, et le plus petit, car avant cette date, la presse numérique n'était pas considérée comme étant de la presse. Ce qui a changé fondamentalement, c'est la prise en compte de ce nouveau statut. Nous ne demandons pas plus d'aide car nous avons été suffisamment critiques vis-à-vis du système actuel ; nous souscrivons d'ailleurs pour une grande partie aux analyses de la Cour des comptes.

Nous avons été parmi les premiers à demander la transparence des aides et à vérifier leur efficacité. Comme nous sommes issus du monde numérique, nous ne vivons pas les pesanteurs ou l'héritage de la presse traditionnelle, bien que les fondateurs de notre syndicat soient tous issus de la presse traditionnelle. Nous en partageons par ailleurs totalement les valeurs.

Le SPIIL comporte 70 membres et représente toutes les familles de presse : gratuite et payante, d'information politique et générale (IPG) et non IPG, nationale et régionale. C'est pourquoi nous ne raisonnons pas en termes de familles car nous pensons que la presse est une et indivisible.

Le principe essentiel est celui du pluralisme car c'est un élément fondamental de notre démocratie. C'est la seule justification réelle à l'existence de l'aide de l'Etat pour ce secteur économique. Je voudrais, à ce sujet, citer la page 644 du dernier rapport annuel de la Cour des comptes : « ce principe, reconnu par le Conseil constitutionnel, constitue le fondement historique de l'aide de l'Etat et le coeur de sa politique actuelle ». Cette citation résume nos débats car depuis la libération, avons-nous constaté que ces mécanismes d'aide ont favorisé le pluralisme de la presse ? La réponse est clairement non.

Aujourd'hui, le nombre de quotidiens nationaux a été considérablement réduit et seul  Libération a été créé depuis la guerre, puis, tout récemment, l'Opinion. Ce système n'a donc pas favorisé le pluralisme de la presse nationale. Encore plus grave, dans la presse quotidienne régionale, il n'y a plus quasiment que des monopoles. Le rapport de la Cour des comptes est même plus sévère que je ne l'aurais jamais été, mais il faut réaffirmer le fait que ces aides n'ont pas atteint leur objectif.

Le rapport de M. Roch-Olivier Maistre, président de l'autorité de régulation et de distribution de la presse, demandé par Mme Aurélie Filipetti, ministre de la culture et de la communication, présenté au mois d'avril dernier, a émis des constats similaires et aussi des propositions, auxquelles nous souscrivons mais qui n'ont pas été suivies d'effet. Deux mesures très courageuses étaient proposées :

- la TVA à 2,1 % pour toute la presse, alors qu'elle est toujours à 19,6 % pour la presse en ligne. Les aides indirectes comme la TVA sont plus vertueuses que les aides directes pour favoriser tout le secteur de la presse, à égalité pour tous les acteurs et les lecteurs dans un cadre neutre. Cela rejoint le même débat sur la neutralité fiscale de la TVA pour le livre papier et le livre numérique. Comment peut-on vouloir soutenir l'innovation, donc le numérique, et surtaxer les nouvelles technologies ? Il y a une sorte d'incohérence ;

- sur le second point, la distinction entre presse IPG et non IPG doit être supprimée car elle n'a aucune justification dans la presse numérique, et aucune capacité d'être contrôlée. Il y a 180 sites de presse reconnus comme IPG et plus de 5 000 qui ne le sont pas. Au nom de quoi l'Etat déciderait-il que l'innovation serait cantonnée à la presse IPG ? Pourquoi exclure la presse scientifique, économique, sportive et médicale ? Il n'y a pas de raison pour que la presse dédiée à la connaissance et au savoir soit exclue du soutien à l'innovation. Le rapport « Maistre » a conclu qu'il n'était pas souhaitable de maintenir la distinction entre la presse IPG et la presse qui ne l'est pas. D'ailleurs, il était proposé une forme de troc en demandant à la presse magazine de soutenir la diffusion de la presse quotidienne en échange de la suppression de cette barrière. Cette solution est louable, c'est pourquoi je regrette qu'elle n'ait pas été retenue par la ministre et par la Cour des comptes.

Pour aggraver cette situation, il y a le fonds « Google » que vous avez évoqué, Monsieur le Président. Il s'agit d'un fonds totalement privé, créé par une société multinationale américaine, qui va soutenir uniquement la presse IPG, laquelle bénéficiera à la fois des aides publiques et de fonds privés. Google, avec la bénédiction du Président de la République et de l'Etat, va fixer ses propres règles de distribution des aides à un seul secteur, qui plus est très étroit, de la presse. Je salue la capacité de lobbying de nos confrères, mais est-il normal que l'Etat ne remplisse pas sa fonction de soutien au pluralisme à travers les aides publiques et, dans le même temps, abandonne ses prérogatives de politique publique à un fonds privé ?

M. Philippe Marini, président. - C'est effectivement une problématique très importante et je partage l'avis de M. Edwy Plenel sur les conditions de création et de fonctionnement de ce fonds.

M. Maurice Botbol, président du syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL). - C'est aussi l'avis du SPIIL dans son ensemble.

M. Philippe Marini, président. - Je vais maintenant ouvrir le débat à mes collègues sénateurs.

M. Yvon Collin. - Je voudrais à mon tour adresser mes remerciements à la Cour des comptes. Si j'en juge par les conclusions de cette enquête très riche, le contribuable n'en a pas pour son argent, puisque, malgré l'effort public consenti, les aides n'ont pas démontré leur efficacité. Je m'interroge sur le tableau de la page 40 du rapport, qui retrace les aides perçues par les différents journaux, et qui révèle de fortes disparités selon les titres. Peut-on connaître les critères ayant présidé à ce calcul ?

De plus, je tiens à souligner que le principe du pluralisme est mis à mal dans la plupart de nos régions, où n'existe souvent qu'un seul titre, du fait de certains regroupements. Les éditorialistes de la presse locale peuvent donc prendre des positions politiques, sans « contre-pouvoir ».

S'agissant de l'abattement fiscal dont bénéficient les journalistes et les entreprises de presse, je me souviens que la presse avait dénoncé en son temps un traitement fiscal favorable aux parlementaires, qui avait abouti à sa suppression, et que Michel Charasse, alors ministre, avait prédit, dans son sillage, la disparition de la niche favorable aux journalistes. Pourtant, cette mesure favorable demeure, même si elle a pu être aménagée. Quelle est en la justification ?

M. Éric Bocquet. - Je suis très intéressé par l'ensemble des interventions que nous avons entendues. La notion de pluralisme est évidemment très importante. Avec la multiplication des supports et des moyens de communication des médias, on assiste à une uniformisation dans le traitement de l'information, ce qui ne me paraît pas très sain pour la démocratie. Je suis interpellé par la conclusion selon laquelle les aides mises en place au lendemain de la guerre n'ont jamais garanti le développement du pluralisme. C'est même plutôt le contraire qui se produit aujourd'hui, du fait des concentrations entre grands groupes de presse qui se partagent la diffusion de la presse écrite.

Par ailleurs, je souhaiterais disposer d'un éclaircissement sur deux pistes évoquées : le portage multi-titres et l'accompagnement de la mutation numérique. A mon sens, il ne faut pas opposer le papier et le numérique. Tous les supports ont leur place dans l'espace médiatique actuel.

M. Francis Delattre. - Sur le pluralisme, nous sommes nombreux, au sein de l'UMP, à estimer qu'il relève de la fiction au regard du traitement médiatique de la dernière élection présidentielle, constat qui ne nous empêche pas de dire que la presse a besoin de l'aide publique.

Je me demande pourquoi la presse écrite traditionnelle est complètement absente des grands groupes radio et télévision, alors que ceux-ci posent un vrai problème de démocratie, à partir du moment où ils sont entre les mains de puissances tributaires de la commande publique pour la plupart. Je pense qu'il faudrait mener une réflexion approfondie à ce sujet. En la matière, les réponses varient selon que l'on appartient à la majorité ou à l'opposition. De plus, je suis un élu de la région parisienne, mais je constate qu'en province, même si le journal local est en situation de monopole, l'éditorial parisien relaie l'opinion dominante. C'est une forme d'uniformisation de l'information telle que l'a décrite mon collègue précédemment.

Enfin, quel est l'intérêt de subventionner des magazines télé qui ne contribuent pas au pluralisme ? Je pense qu'il serait plus utile de subventionner la presse spécialisée (environnementale, scientifique...) , car celle-ci contribue à améliorer la qualité des débats sur les différents sujets de société (par exemple les OGM), quand le traitement qui en est fait par la presse généraliste est parfois réducteur.

M. Philippe Marini, président. - Puis-je demander à nos intervenants de réagir à ces questions, avant d'entendre les représentants de l'administration et la synthèse du Président Lefas qui conclura nos travaux ? MM. Bouchez et Viansson-Ponté ont pour point commun d'être administrateurs du fonds Google AIPG. Comment fonctionnera ce fonds ? Dans quel délai seront examinés les dossiers ? Existe-t-il un règlement, accessible à tous ? L'aide sera-t-elle temporaire ou reconductible ?

M. Jean Viansson-Ponté, président du syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR). - Sur le portage multi-titres, je donnerai un exemple concret. En Bourgogne, en 1991, il n'y avait pas de portage. Trente ans après, 55 % des journaux sont portés. Ce réseau a été monté avec volontarisme, pour des raisons de qualité, car le journal doit arriver avant sept heures le matin. Nous mettons notre réseau de porteurs et vendeurs-colporteurs de presse au profit d'autres publications quotidiennes d'information politique et générale (IPG) et assimilées. Il a été annoncé que cette ouverture serait étendue aux magazines d'IPG. Sur notre réseau, nous pouvons intégrer la distribution de confrères de la presse nationale. Actuellement, nous portons la moitié des exemplaires de la presse quotidienne nationale qui sont distribués par portage (soit 90 000). Les freins à la mutualisation sont les horaires d'arrivée. En effet, on ne peut pas retarder le journal tiré sur place pour attendre celui qui est tiré plus loin. De plus, se pose la question des tarifs. Nous sommes dans un rapport client-fournisseurs. Cela dépend des zones. Sur certaines, on sera moins chers, sur d'autres, on sera plus chers.

M. Nicolas Routier, directeur-général adjoint du groupe La Poste, directeur général du courrier, président de SOFIPOST. - Le portage mono-titres couvre actuellement tout le territoire, sauf les zones les moins denses. L'enjeu est aujourd'hui de démontrer la viabilité d'un portage multi-titres - qui concerne plusieurs quotidiens - et multi-format - qui concerne les quotidiens et les magazines. A la Poste, nous sommes convaincus, comme les éditeurs, que le portage constitue une réponse à la crise de la distribution de la presse. C'est l'objet de la création de Neopress en 2007, filiale à 100 % de La Poste, opérateur multi-titres et multi-format. Si nous avons fait la preuve que cela fonctionne dans les zones denses (essentiellement Paris, l'Île-de-France et Lyon), la démonstration reste à faire dans les zones moins denses. Cet opérateur porte une dizaine de quotidiens (20 millions par an) et 4 millions de magazines. Il répond au niveau d'exigence élevé de la clientèle. Il repose sur un modèle social salarial, et un modèle économique dans lequel, hors frais de structure, nous sommes maintenant à l'équilibre. Pourtant, Neopress ne reçoit aucune subvention, n'étant pas une filiale d'éditeur. Tous ses résultats exigent des investissements lourds en systèmes d'information. Le modèle salarial se prête mieux, à mon sens, au portage multi-titres. Sans l'étendre à tout le territoire, une mobilisation générale permettrait de couvrir une fraction plus importante du territoire français.

M. Denis Bouchez, directeur du syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN). - Je souhaiterais apporter quelques éléments complémentaires sur le portage. Nous sommes convaincus que l'avenir passera par le portage multi-titres, compte tenu des économies d'échelle. En effet, il faut avoir un volume suffisant pour que le réseau de portage soit économique viable. Nous, PQN et PQR, avons donc besoin de travailler ensemble pour apporter suffisamment de volume. Nous avons du stock et nous cherchons à développer le portage. Je dois dire qu'en 2009, la PQN a cru en la capacité de La Poste à développer ce mode de distribution. Des engagements écrits avaient été pris, avec une cible de 75 % de couverture par portage. Or, ces ambitions ont été brutalement revues à la baisse, à travers la fermeture de plusieurs centres de portage. Tant mieux si cela repart avec Neopress. Au final, le portage se développe, mais encore difficilement car il s'agit d'un métier complexe. Je pense par ailleurs qu'il faudra s'interroger sur les synergies possibles entre les différents acteurs de la distribution (messageries, poste...).

Je voudrais aussi aborder la question de la TVA applicable à la presse en ligne, et rappeler que le développement du numérique ne passe pas que par les pure-players. Cela concerne aussi massivement la presse traditionnelle. Comme le SPIIL, nous réclamons donc la neutralité technologique à travers l'application du taux super réduit de TVA à la presse en ligne.

M. Philippe Marini, président. - Une telle extension coûterait cher...

M. Denis Bouchez, directeur du syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN). - Pour le moment, ça ne coûte rien car nous ne vendons pas beaucoup d'offres numériques. Abaisser immédiatement le taux permettrait, d'après les estimations que nous avons fait réaliser par des cabinets extérieurs, de multiplier par 10 les ventes de contenus, certes sur un taux abaissé. Mais, compte tenu de la multiplication des contenus, cela rapporterait autant, sinon plus, à l'Etat. Tel est le paradoxe ! Je conclus sur ce sujet en soulignant que nous ne nous ne comprenons pas bien la stratégie du Gouvernement dans ce dossier, alors que le taux réduit de TVA en faveur du livre numérique, lui, semble acquis.

S'agissant de l'accord de la presse écrite avec Google, le fonds sera opérationnel d'ici la fin de la semaine. Il est doté de 20 millions d'euros par an sur trois ans, soit 60 millions d'euros au total, aux termes des accords signés. Au-delà de la collaboration entre Google et les éditeurs de presse pour leur développement numérique, c'est la première fois que des acteurs privés mettent en oeuvre une forme de partenariat. J'insiste sur ce point : c'est une expérience unique et inédite. Aucun autre secteur d'offres culturelles privées, dans aucun autre pays, n'a mis en place une telle forme de partenariat.

M. Philippe Marini, président. - Pourriez-vous nous préciser qui on aide, et selon quelle répartition ?

M. Denis Bouchez, directeur du syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN). - Cette opération sera bien sûr transparente. L'ensemble de la mécanique sera rendue publique, y compris l'attribution des aides. Concrètement, le fonds aidera les projets innovants de développement numérique reconnus comme tels de manière extérieure, tels que les sites Internet de la presse IPG.

M. Philippe Marini, président. - Cet accord ne pose-t-il pas des questions en termes d'indépendance vis-à-vis de Google, et de neutralité technologique ?

M. Denis Bouchez, directeur du syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN). - Non, car le fonds prendra la forme d'une association totalement autonome, qui prendra ses propres décisions, et dotée pour ce faire d'un conseil d'administration composé de sept membres (un représentant de Google, trois représentants de la presse et trois personnalités qualifiées extérieures). Il n'y a plus de lien avec la technologie Google.

M. Philippe Marini, président. - C'est important de le dire...

M. Botbol, président du syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL). - Je voudrais préciser que le SPIIL s'est prononcé pour la suppression de l'abattement fiscal des journalistes, en cohérence avec notre position globale. Nous ne nous sommes d'ailleurs pas fait que des amis à cette occasion...

Par ailleurs, je souhaiterais compléter - et nuancer - les propos de Denis Bouchez sur l'accord Google/presse. Il faut préciser que l'accord signé à l'Elysée comprend deux volets : l'un, relatif au fonds, qui sera rendu public. L'autre, de nature commerciale, qui porte sur des questions publicitaires et s'avère beaucoup plus opaque et secret. Ce deuxième volet est directement lié aux technologies Google et intéresse davantage le géant du numérique pour dominer le marché français. Si l'on veut être complètement transparent, j'estime que cette partie de l'accord devrait également être rendue publique.

M. Philippe Marini, président. - Elle le sera probablement dans le cadre du respect des règles communautaires sur la concurrence. Les enquêtes diligentées par la Commission s'appuieront sur des constatations de cette nature.

M. Denis Bouchez, directeur du syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN). - Il est vrai que l'accord comprend deux volets. D'un côté, le fonds précédemment mentionné, qui est autonome. De l'autre, la possibilité, pour tous les éditeurs de presse qui le souhaitent, de conclure des accords commerciaux avec Google. L'idée est de permettre aux éditeurs de presse de créer des synergies de volume pour améliorer leurs performances publicitaires.

M. Francis Delattre. - Quelle sera la fiscalité de tout cela ? Peut-on connaître le contenu de ce volet commercial ?

M. Denis Bouchez, directeur du syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN). - Il n'y a pas de fiscalité particulière à cet accord. Ne nous demandez pas de régler le problème de la fiscalité des grands acteurs du numérique ! Les accords commerciaux devraient relever en théorie du secret des affaires entre les différents partenaires.

M. Philippe Marini, président. - Je vous remercie, nous avons déjà bien progressé sur ce sujet pour aujourd'hui.

M. Philippe Dominati. - Il y a donc un fonds, d'une part, et des accords commerciaux secrets, d'autre part. Mais sont-ils vraiment différenciés de l'action du fonds ?

M. Denis Bouchez, directeur du syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN). - Ce sont deux choses différentes. Le fonds sera autonome. Nous créons un objet totalement nouveau, cela prend du temps mais son architecture devrait être connue à la fin de cette semaine. En tout cas, le fait d'être éligible ou non au fonds Google est sans lien avec le bénéfice ou non des accords commerciaux.

M. Claude Belot, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». - Mais l'un a précédé l'autre !

M. Philippe Marini, président. - En effet, on imagine que s'il n'y avait pas eu d'accords commerciaux, il n'y aurait pas eu de fonds. Il reviendra, en tout état de cause, à la Commission européenne, dans le cadre de ses prérogatives en matière de concurrence, de savoir si elle recherche un accord transactionnel avec Google pour tâcher de réduire sa position dominante ou si, comme je le souhaite, la question doit être traitée par la jurisprudence, via la Cour de justice de l'Union européenne.

Pour faire la synthèse de notre audition, je donne maintenant la parole aux représentants du Gouvernement.

Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles (DGMIC). - Je tiens moi aussi à saluer le travail de la Cour des comptes, qui est riche et intéressant et qui contient des propositions structurantes pour la politique publique à mettre en oeuvre dans ce domaine.

Le rapporteur spécial a dit que nous ne parvenions pas à tourner la page du système d'après-guerre. C'est vrai que cette page est lourde et que certains aspects, en particulier celui, primordial, du pluralisme, demeurent au coeur de la politique.

Nous faisons face depuis 2009 à une double difficulté : le secteur de la presse a été confronté à une évolution de son modèle, du fait du développement du numérique, en même temps qu'il était frappé, comme l'ensemble des secteurs, par la crise économique. L'argent public injecté entre 2009 et 2011 n'a peut-être, de ce fait, pas eu toute l'efficacité espérée.

Les entreprises de presse sont avant tout des entreprises et ont besoin d'une certaine stabilité. C'est, comme le souligne la Cour des comptes, une filière économique où la solidarité entre les familles de presse et les différents types de presse (gratuit, payant, généraliste, spécialisé, etc.) doit jouer.

Je pense, contrairement à Claude Belot, que les choses ont changé. J'ai parlé du tournant de 2009 : nous avons créé récemment le fonds pour les services de presse en ligne, doté de 20 millions d'euros ; quelques années auparavant avait été créé le fonds d'aide pour la distribution de la vente au numéro et, surtout, le fonds de modernisation.

Les nouvelles technologies sont souvent présentées comme une menace. Nous sommes, je crois, dans une période intermédiaire en termes de « transition » numérique. Il faut s'en saisir car la presse en ligne peut représenter une grande chance pour accroître la diffusion des idées auprès de nos jeunes concitoyens.

L'aide au transport postal, dans la séquence des accords conclus en 2008, est en baisse, l'accent étant mis davantage sur le portage. Le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) a été doté, à cette fin, d'un montant d'environ 30 millions d'euros.

Depuis 2012, il y a une évolution qui devrait être prolongée à la suite de la remise du rapport de Roch-Olivier Maistre au printemps dernier. Il s'agit notamment du développement de la contractualisation - nous avons signé une convention avec 21 groupes de presse et 5 sont en cours de finalisation -, de la création du fonds stratégique pour le développement de la presse, de la volonté d'évaluer la presse et, enfin, du renforcement de la transparence. Cette dernière est en effet souhaitable et, sur le site de notre direction générale, nous avons publié le montant des aides ; je crois que cela doit toutefois être accompagné de commentaires, faute de quoi ces publications entraîneraient des réactions de la part d'autres secteurs.

S'agissant des réformes engagées, je citerai la volonté forte de la ministre de la culture et de la communication de porter le taux super réduit de TVA pour l'ensemble de la presse, y compris numérique ; le ciblage des aides mis en oeuvre via un fonds stratégique unifié. Cela se fera probablement en prenant en compte la remarque de Maurice Botbol sur la presse de la connaissance, en tout cas sur une période limitée ; la conditionnalité des aides sur des critères sociaux ou d'emplois ; et la réforme du portage, sur lequel une étude est en cours. Il faut aller dès que possible vers le portage multi-titres.

C'est aussi une réforme de la gouvernance, avec la création de trois instances : la conférence annuelle des éditeurs, afin que les familles de presse évaluent ensemble leurs besoins ; une commission de la distribution pour parler de l'ensemble des vecteurs de cette dernière ; enfin, une commission de l'innovation, pour que la presse relève le défi du numérique.

Au total, on observe une réorientation qui va dans le sens des recommandations de la Cour. Cette dernière a raison de fixer des objectifs à moyen terme car, j'y insiste, il s'agit d'entreprises qui ont besoin de visibilité. A cet égard, certaines d'entre elles souffrent d'une grande fragilité de leurs fonds propres, qu'il faudrait conforter.

M. Philippe Marini, président. - Je passe la parole à Alexandre Grosse, en lui demandant si le Budget est lui aussi favorable au taux réduit de TVA pour tous.

M. Alexandre Grosse, sous-directeur de la 8e sous-direction du budget. - Je salue à mon tour le travail de la Cour des comptes qui est riche, clair et surtout cohérent. Sur le bilan, la Cour a déjà tout dit : il s'agit d'un secteur qui a connu, et qui continue de connaître, des difficultés sérieuses. La direction du budget n'appréhende pas ce secteur uniquement sous l'angle des aides de l'Etat, mais aussi comme un secteur économique qui engendre, par ailleurs, de fortes externalités positives.

Cependant, les difficultés sont différentes selon les familles de presse : la presse magazine, par exemple, se porte moins mal que la presse IPG.

De plus, il ne faut pas sous-estimer la combinaison entre les problèmes structurels liés au passage au numérique et les difficultés conjoncturelles, renforcées par le fort effet démultiplicateur attaché aux recettes publicitaires dans un contexte de crise économique.

Le bilan dressé par la Cour est, de façon générale, un cas d'école ou presque des limites de l'intervention budgétaire sur un secteur économique. Même si le plan a été d'une ampleur exceptionnelle entre 2009 et 2011, l'effort s'est poursuivi en 2012, en 2013 et même dans le projet de loi de finances pour 2014, où le niveau des aides reste supérieur à ce qu'il était avant 2009.

M. Philippe Marini, président. - Est-il supérieur au niveau de 2013 ?

M. Alexandre Grosse, sous-directeur de la 8ème sous-direction du budget. - Non, il poursuit sa décroissance progressive.

M. Philippe Marini, président. - L'aide à la distribution postale est-elle également sur une tendance de baisse ?

M. Alexandre Grosse, sous-directeur de la 8ème sous-direction du budget. - Oui, les accords de 2008 prévoient une baisse qui court jusqu'en 2015. Il y a actuellement une concertation pour préparer l'après-2015.

En juillet, des annonces importantes ont été faites : la refonte des aides à la distribution ; le maintien de la TVA à taux réduit au profit de l'ensemble des familles de presse, qui a pour contrepartie la solidarité entre les groupes de presse s'agissant de la distribution ; l'élargissement du taux super réduit de TVA pour la presse en ligne. Sur ce dernier point, on ne peut pas dire que cela ne va pas être coûteux pour l'Etat, d'autant plus que le coût d'une telle mesure s'avèrera sans doute très dynamique au fil des années.

La Cour des comptes estime que l'on peut revenir au niveau qui prévalait avant 2009 pour les aides budgétaires. La prochaine loi de programmation des finances publiques comprendra un budget triennal qui courra jusqu'en 2017, permettant à l'ensemble des parties prenantes de se projeter. Les mutations du secteur sont tellement rapides qu'il est difficile de prévoir les aides qui seront les plus pertinentes dans deux, trois ou quatre ans : c'est pourquoi nous devrons privilégier les aides neutres, qui favorisent l'environnement global des entreprises de presse, et non pas des aides ciblées. Cela va dans le même sens, d'ailleurs, que les aides comme le crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE) ou le plan numérique, dont bénéficient pleinement les entreprises de presse.

En conclusion, les bonnes solutions ne sont donc pas toutes déjà imaginées et elles sont d'abord entre les mains du secteur lui-même.

M. Philippe Marini, président. - Monsieur le rapporteur spécial, avez-vous, au terme de ce débat très fructueux, des considérations supplémentaires à formuler ?

M. Claude Belot, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». - Nous avons vécu un moment intéressant et nous avons eu un débat fructueux sur le travail de grande qualité de la Cour. Il faut rester lucide et garder à l'esprit la vitesse d'évolution des mutations numériques en cours. Je vous citerai à cet égard une anecdote personnelle : je cherchais un livre épuisé. Je ne l'ai pas trouvé chez les bouquinistes, mais sur Amazon. Imprimé aux Etats-Unis, je l'ai reçu dans les 48 heures. J'en conclus que si l'on veut éviter que Google, Amazon et les autres ne prennent nos destins en main, nous devons garder à l'esprit la nécessité du mouvement : il faut s'adapter !

Par ailleurs, j'estime que le Gouvernement doit réaffirmer sa volonté d'avoir un taux homogène de TVA entre la presse écrite et la presse en ligne, et doit agir vite dans ce dossier, car il est réellement incompréhensible de pénaliser les nouvelles technologies.

M. Philippe Marini, président. - Dès lors que nous aurons des dépenses supplémentaires d'un côté, il faudra en supprimer de l'autre, surtout si l'on veut réduire le déficit et faire en sorte que la dette ne progresse plus... Je donne maintenant la parole au Président Lefas pour conclure nos travaux.

M. Patrick Lefas, président de la troisième chambre de la Cour des comptes. - La formule des auditions pour suite à donner à une enquête de la Cour des comptes, expérimentée depuis plusieurs années par votre commission, démontre aujourd'hui encore toute sa pertinence et son efficacité, en ce qu'elle a permis d'expliciter les positions des uns et des autres, de faire apparaître des points de convergence mais aussi des zones d'ombres et des points d'interrogation.

Nous aurions pu approfondir davantage certains aspects du sujet, mais nous étions tenus par le délai prévu par la LOLF. Nous nous sommes efforcés de réaliser le diagnostic le plus précis possible, dans sa réalité concrète. Il me semble déceler parmi nos intervenants une forme de consensus sur la nécessité de définir un horizon de moyen terme, car il y a des enjeux économiques et humains derrière toutes ces problématiques ! J'ai cru comprendre, à travers les propos de Mme Franceschini, que la réforme proposée par le Gouvernement s'inscrit dans cette perspective de moyen terme. De ce point de vue, je voudrais saluer la création de la commission de la distribution, car les enjeux sont particulièrement lourds en ce domaine (structures, chaîne de transport). Nous devons donc tracer un schéma d'action à moyen terme. Celui-ci doit à mon avis passer par la transparence, une contrepartie nécessaire en termes de résultat. C'est aussi le début de la pédagogie.

Deuxièmement, ce schéma implique une simplification du système des aides, notamment des aides à la distribution, les éditeurs ayant eux-mêmes du mal à appréhender les tenants et les aboutissants de l'aide au transport postal, comme l'a souligné M. Bouchez.

S'agissant du soutien ou non à la presse spécialisée (donc non IPG), les règles ont été fixées par la loi. Il appartient à la commission paritaire des publications et des agences de presse (CPPAP) de définir quelles publications relèvent de la catégorie IPG et peuvent donc prétendre aux aides directes.

En ce qui concerne le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), nous proposons que les aides soient fléchées principalement à destination des titres IPG, mais pas seulement. La presse non IPG pourrait donc en bénéficier aussi, notamment en cas de projets de mutualisation d'investissement dans les plateformes numériques.

Le troisième principe qui doit nous guider est, à mon sens, celui de la neutralité de l'Etat. De ce point de vue, il faut garder à l'esprit la problématique des conflits d'intérêts potentiels.

Le quatrième principe doit être celui de la prévisibilité et de la capacité d'anticipation des acteurs, dès lors que la trajectoire à moyen terme est fixée. Il reste un gros travail à faire sur le portage, à travers le développement d'opérateurs viables. Cela pose la question de la mutualisation et de ses conditions, et du dialogue entre la PQR et la PQN. L'enjeu est de favoriser la structuration d'acteurs pour réduire la charge budgétaire directe liée à l'aide au transport postal.

De surcroît, une réflexion m'apparaît également indispensable sur le modèle économique technologique et numérique. Si la presse quotidienne nationale a su relever le défi de l'accès aux nouveaux supports, il faut maintenant garantir la viabilité de ce nouveau modèle économique, ce qui passe par la collecte de recettes. De ce point de vue, il conviendrait de mener des réflexions approfondies en s'inspirant des plateformes de vidéo à la demande et des plateformes de vidéo à la demande par abonnement. Ces outils ont des impacts dans le domaine de la presse écrite (éditorialisation, moteurs de recherche, tarification intelligente susceptible d'attirer le lectorat jeune...). On pourrait s'inspirer à cet égard des modèles étrangers (le Guardian par exemple).

Au-delà, il faut bien sûr mettre l'accent sur les indicateurs, qui demeurent encore trop centrés sur les moyens et les résultats, et garder en tête la contrainte budgétaire forte, qui doit être intégrée dans le schéma à moyen terme.

Enfin, je tiens à souligner le rôle de l'Agence France Presse, essentiel dans ses trois compartiments stratégiques : bureaux à l'étranger, information de première main, là où il n'y a pas forcément de correspondant pour les grands titres de la presse nationale, mais aussi la vidéo et la photo, avec la problématique soulignée en début d'audition par Mme Laborde sur le statut des journalistes photographes.

S'agissant des niches fiscales, je note qu'il ne semble pas y avoir d'a priori négatif à la suppression de certaines d'entre elles...

M. Philippe Marini, président. - Nous n'avons pas traité toutes les questions aujourd'hui, mais beaucoup de choses ont été dites qui nous ont permis de mettre en perspective cette politique publique. Le travail de la Cour me paraît plutôt bien accueilli par nos intervenants, qui ont été consultés pour la réalisation de l'enquête. A partir de toutes ces réflexions, je pense que l'on peut faire évoluer prudemment le système. Dans votre dernière annexe, vous chiffrez une économie raisonnable de 150 millions d'euros par an. C'est un montant modeste mais toujours bon à prendre par les temps budgétaires actuels...

J'aurais aimé aller plus loin sur la rationalisation des comparaisons internationales et l'enseignement qu'on pourrait en tirer. Il faudrait arriver à réaliser un tableau comparatif permettant de rapprocher les performances économiques du secteur et le niveau d'aides publiques, tout en gardant à l'esprit que les comparaisons reposent toujours sur des conventions.

En tout état de cause, je propose à Mme Franceschini et à M. Grosse de bien vouloir répondre à un questionnaire budgétaire complémentaire, certaines questions n'ayant pu être approfondies aujourd'hui, faute de temps. Cela nous permettrait de renforcer encore notre expertise. Merci aux uns et autres d'avoir contribué à notre information. J'espère que la substance de cette audition sera bien diffusée et qu'elle contribuera à faire progresser les esprits dans le cadre de l'exigence de transparence et d'une nécessaire pédagogie.

La commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte-rendu de la présente audition sous la forme d'un rapport d'information.