Mardi 16 juillet 2013

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Caisse des dépôts et consignations - Résultats de 2012- Audition de MM. Henri Emmanuelli, président de la commission de surveillance, et Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations

La commission procède tout d'abord à l'audition de MM. Henri Emmanuelli, président de la commission de surveillance, et Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, sur les résultats de 2012.

M. Philippe Marini, président. - Nous sommes réunis pour l'audition annuelle du président de la commission de surveillance et du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui fait suite à la remise du rapport annuel au Parlement et à la présentation des résultats 2012. Voilà un an que la gouvernance bicéphale de la CDC a été renouvelée. 2012 n'a pas été une année calme, puisqu'elle s'est traduite par une perte comptable d'environ 450 millions d'euros. Quelle expérience tirez-vous de ces difficultés ?

Sur le plan institutionnel, on note la mise en place de la Banque publique d'investissement (BPI) : quel équilibre trouver pour ce nouvel acteur, sans porter atteinte à l'intégrité de la CDC ?

Cette audition est également l'occasion de nous présenter les perspectives d'avenir. De ce point de vue, le Premier ministre a récemment confirmé que l'accès des collectivités territoriales à l'emprunt sera facilité, notamment grâce aux ressources du Fonds d'épargne et dans des conditions favorables aux investissements à long terme, d'autant plus que l'on s'attend à une baisse, logique d'ailleurs, du taux de rémunération du Livret A.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. - La Caisse des dépôts est placée sous la surveillance du Parlement. A cet égard, le président de la commission de surveillance, qui vous présente les résultats annuels, est un objet non identifiable, aux côtés du directeur général, avec qui, toutefois, la collaboration est toujours efficace.

J'appelle votre attention sur le fait que, désormais, les réunions de la commission de surveillance se concluent par des avis synthétiques, qui parfois sont assez vagues mais parfois très précis.

La commission de surveillance veille sur l'orientation générale, la stratégie, le modèle prudentiel et sur le montant des émissions obligataires. Notre mission est de faire en sorte que la CDC se porte le mieux possible, au service de l'intérêt général.

Malgré la perte comptable consolidée d'environ 450 millions d'euros, la Caisse des dépôts a versé plus de 500 millions d'euros à l'Etat au titre de la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés (CRIS). Cela n'est pas sans poser problème et je pense qu'il faut revoir les termes de la convention de 2010 qui nous lie avec l'Etat. La Caisse des dépôts, qui n'a pas d'actionnaires, d'apporteurs de capitaux, ne peut augmenter ses fonds propres qu'en intégrant une partie de ses résultats. Cela devra être vu avec la direction générale du Trésor et le Gouvernement.

Nous avons connu, en 2012, trois dossiers majeurs.

Le premier est celui de Dexia, qui a coûté 4 milliards d'euros à la CDC, dont un milliard pour le Fonds d'épargne. Nous ne sommes plus engagés car le protocole de résolution, qui a abouti à la mise en place de la Société de financement local (SFIL) et de la caisse française de financement local (CAFFIL), prévoit que la CDC est présente au capital de la SFIL, à hauteur de 20 %, avec des actions préférentielles qui la mettent à l'abri de toute nécessité de recapitalisation. Si la SFIL avait besoin d'être recapitalisée, en raison, notamment, de son portefeuille difficile de prêts aux collectivités, la CDC ne pourrait pas être appelée en recapitalisation. En revanche, nous avons accordé un prêt d'un montant maximal de 12,5 milliards d'euros à la SFIL dont nous pouvons nous demander quel en sera l'amortissement. Je note toutefois que la CAFFIL a récemment réalisé une émission obligatoire qui s'est très bien déroulée.

Mais l'évolution de ce dossier dépendra également d'une décision de l'exécutif pour mettre la SFIL à l'abri d'éventuelles décisions judiciaires. Il s'agit de créer un fonds pour venir en aide aux collectivités les plus en difficulté qui cantonnerait les dégâts que pourraient faire ces crédits sur la santé financière de la SFIL. Ce fonds devrait être examiné par le Parlement à l'automne. Mon avis, sur cette question, est tranché : même si, dans certains cas l'ex-Dexia avait dépassé les bornes, je considère que, dans d'autres cas, ceux qui ont signé un contrat sont responsables.

Le deuxième dossier lourd est Veolia Transdev, qui a coûté 1,5 milliard d'euros, en raison de logiques non financières en réalité. Sans rentrer dans le détail, je souhaite seulement faire un point sur la SNCM. Elle était dans le patrimoine de Veolia Environnement et a été apportée à Veolia Transdev. A l'occasion du protocole signé avec la CDC pour reprendre la main dans Transdev, il a ensuite été explicitement prévu que la SNCM resterait dans Veolia Environnement. La finalisation du dossier devait avoir lieu fin juin, puis a été reportée à la rentrée. En tout état de cause, l'objectif de la Caisse des dépôts n'est pas de revenir dans le capital de la SNCM. Nous n'en avons pas les moyens, même si nous pouvons faciliter certaines solutions pour les territoires concernés (la région PACA, la collectivité de Corse, etc.).

Enfin, le troisième principal dossier est celui de la création de la BPI. La Caisse des dépôts a apporté 50 % des fonds propres de la BPI. La CDC a la prééminence, en termes stratégiques, sur l'action de la BPI dans la partie investissement, tandis que la partie bancaire, issue d'Oséo, sur laquelle la CDC est moins investie, est plutôt pilotée par l'Etat.

En conclusion, j'insiste sur deux points. Tout d'abord, comme je le disais précédemment, il faut revenir sur le protocole financier qui nous lie à l'Etat. Par ailleurs, nous faisons des prêts aux collectivités territoriales à des maturités allant de 20 à 40 ans, ce que le marché ne fait pas. Le taux d'intérêt, qui est celui du Livret A augmenté de 130 points de base, pourrait évoluer dans le bon sens. Nous rencontrons parfois des difficultés avec la direction générale du Trésor dont la maîtrise, justifiée par la garantie de l'Etat sur le Fonds d'épargne, nous apparaît parfois envahissante. Là aussi, les choses vont s'améliorer puisque le Trésor devrait renoncer à donner systématiquement son feu vert a priori aux prêts, ce qui permettra d'alléger les procédures.

Le Fonds d'épargne est aujourd'hui surliquide en raison d'une collecte très importante. C'est pourquoi l'on envisage une réallocation au système bancaire d'une enveloppe de 25 à 30 milliards d'euros, soit 15 milliards d'euros sur le Livret A et le LDD, ainsi qu'une dizaine ou quinzaine de milliards d'euros sur le LEP. Cela ne pose pas de problème car cela n'hypothèque pas notre politique de financement du logement social et, par ailleurs, cela pourrait nous rapporter un peu... En échange, nous espérons de la part des établissements de crédit une certaine bonne volonté pour mettre en place, à nos côtés, un fonds de retournement pour les entreprises en difficulté.

M. Philippe Marini, président. - Vous aviez annoncé au moins un milliard d'euros pour un tel fonds.

M. Henri Emmanuelli. - Vous savez, j'ai dit cela parce que je suis du Sud-Ouest...

M. Philippe Marini, président. - C'est vrai, il faut demander plus pour obtenir moins. Cela ne revient-il pas à créer au sein de la CDC ce que la BPI aurait pu faire ?

M. Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la Caisse des dépôts et des consignations. - En dépit des difficultés décrites par le président de la commission de surveillance, qui font que la CDC connaît, en cinq ans, la deuxième année de perte de son histoire, celle-ci s'est mobilisée pour rester un acteur du financement de l'intérêt général. Ainsi, en 2012, le Fonds d'épargne a atteint un niveau d'activité inégalé avec 24 milliards d'euros de prêts. Nos directions régionales sont restées très mobilisées pour financer des projets d'équipement territoriaux. Nos filiales ont continué à se développer. Je pense en particulier à Icade qui, par son rapprochement avec Silic, va devenir la première foncière de bureaux de France ; à CNP Assurances, qui a engagé un processus de diversification de ses produits et reste la filiale ayant la plus forte contribution aux résultats de la Caisse des dépôts ; à la SNI, qui a connu un bon niveau d'activité en 2012.

Sur le dossier de Veolia Transdev, je souligne que la perspective d'une reprise de capital par la CDC redonne des couleurs à cette société. La nomination de Jean-Marc Janaillac, ancien responsable des transports internationaux à la RATP, a permis par ailleurs de renouer les liens avec les collectivités territoriales.

Comme l'a souligné le président de la commission de surveillance, la création de la BPI a été l'événement majeur de l'année. Nous avons fait un effort important pour l'apport en capital. La BPI est désormais opérationnelle, sa doctrine d'intervention a été adoptée le 25 juin dernier par le conseil d'administration et les opérations d'apport et de valorisation ont été achevées. Les instances de gouvernance sont également en place, que ce soit le comité national d'orientation, au sein duquel siègent deux membres de votre commission, ou les comités régionaux d'orientation, une dizaine d'entre eux s'étant déjà réunis.

De façon générale, 2012 a été une année d'évolution qui a mis le modèle économique de la CDC sous contrainte. Nous devons revoir nos missions. Cela s'explique notamment par l'accroissement important du poids de nos participations stratégiques, qui équivalaient à environ 75 % de nos fonds propres sociaux en 2007, 100 % en 2009 et qui pourraient représenter 130 % en 2017. C'est un facteur de rigidité dans la gestion de la Caisse des dépôts.

Par ailleurs, notre bilan a évolué en raison d'un accroissement de notre endettement et de notre appel aux marchés financiers.

Certes, la Caisse des dépôts reste un établissement solide. Elle est classée parmi les six institutions financières les plus fiables au monde, grâce à notre capital de confiance issu de la surveillance du Parlement et à notre capital humain. Mais nos marges de manoeuvre se sont réduites et nous devons être désormais plus recentrés, plus sélectifs.

Nous devons rester un acteur important du financement des entreprises. Nous le serons à travers notre activité d'investisseur institutionnel, à travers notre capacité à élaborer des dispositifs de place. Nous venons ainsi de participer au lancement des fonds dits « Novo », fonds obligataires de près d'un milliard d'euros destinés au financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). La CDC a été l'architecte de cette initiative aux côtés de dix-sept assureurs. Elle envisage d'investir à hauteur de 100 millions d'euros dans ces fonds avec l'objectif d'orienter l'épargne financière vers le financement des entreprises.

Notre groupe restera également, plus que jamais, un partenaire privilégié des collectivités locales, en tant que prêteur, investisseur, opérateur, mais aussi, à travers nos filiales, comme apporteur de solutions d'ingénierie, à l'image d'Egis ou de la SCET. La Caisse des dépôts doit être reconnue en la matière, qu'il s'agisse de nos expertises ou de nos capacités d'investissement.

Depuis le retrait de Dexia, le centre de gravité du groupe a basculé vers le financement des collectivités locales, à travers la mise en place d'une enveloppe de 20 milliards d'euros sur Fonds d'épargne et un partenariat avec La Banque Postale pour des prêts de court et moyen terme, et les accords avec la Banque européenne d'investissement signés le 13 juin dernier, pour co-financer des projets d'investissements dans l'énergie, le haut débit, la transition énergétique ou encore les transports urbains.

Nous revenons également à nos fondamentaux - notre activité de mandataire et de dépositaire - pour trouver des nouveaux mandats ou nouveaux dépôts. Par exemple, nous sommes disponibles pour gérer, comme le propose la Cour des comptes, les contrats d'assurance-vie en déshérence, qui représentent tout de même 4 milliards d'euros.

Nous sommes concernés par la réforme des retraites : la CDC doit apporter des solutions pour mieux gérer la retraite des personnes ayant commencé à travailler tôt, avec une forte mobilité et une importante pénibilité. Ce sont des régimes de retraite différents, avec une gestion délicate, et la Caisse des dépôts est à la disposition des pouvoirs publics pour s'en charger.

Malgré la baisse des transactions immobilières, les dépôts des notaires s'élèvent en 2012 à environ 20 milliards d'euros. Le rendement est cependant moins important, dans un contexte général de taux très bas.

S'agissant de la gestion et de la protection de l'épargne, le Fonds d'épargne, qui collecte aujourd'hui 65 % des fonds du Livret A et du LDD, transforme une épargne liquide en emplois de long, voire de très long terme, au service du financement de l'économie, notamment du logement social qui représente 80 % de son emploi, avec un objectif, fixé par les pouvoirs publics, de construction de 150 000 logements sociaux par an.

Quelques mots sur les priorités sectorielles de notre plan stratégique. La transition énergétique et environnementale sera un axe important de développement, en matière de rénovation thermique et de promotion des énergies renouvelables.

Notre groupe se positionnera également sur la question du numérique, que ce soit sur le développement des réseaux d'infrastructures ou la consignation des données numériques.

La CDC réaffirmera son rôle d'entraînement et de mobilisation dans la modernisation des politiques du logement. Il en va ainsi du développement des logements intermédiaires avec des co-investisseurs, mais aussi des solutions innovantes pour répondre aux enjeux d'autonomie et de vieillissement de la population en matière d'habitat.

Enfin, la Caisse des dépôts joue un rôle international, puisque 25 % de son activité est réalisée à l'étranger. Elle a vocation à attirer les fonds souverains sur des projets français. Nous avons déjà conclu en ce sens avec le Qatar un projet de fonds de 300 millions d'euros ; d'autres suivront, si la commission de surveillance nous y autorise.

En conclusion, la CDC a engagé la transformation de son modèle économique pour dégager de nouvelles marges de manoeuvre et continuer à répondre aux besoins des entreprises et des collectivités territoriales.

M. Henri Emmanuelli. - Je précise qu'au moment de nos apports à la BPI, nous avons dû passer des provisions énormes, en particulier sur France Télécom, qui sinon auraient dû être faites par la BPI l'année suivante. C'est une somme supérieure à un milliard, qui explique l'essentiel de notre perte sur 2012.

M. Philippe Marini, président. - Cela ne fait que renforcer le scepticisme de certains sur l'utilité de la création de la BPI...

M. Henri Emmanuelli. - Avec ou sans BPI, il aurait fallu faire ces dépréciations tôt ou tard !

M. Philippe Marini, président. - Vous avez malgré tout acquitté la contribution représentative d'impôt sur les sociétés.

M. Henri Emmanuelli. - En effet, car nous avons un protocole - auquel, d'ailleurs, le rapporteur général de l'époque avait dû donner son accord -, qui est injuste.

Par ailleurs, Bruxelles réfléchit à un livre vert, qui correspond à un projet de directive dont on peut soupçonner qu'elle limite le rôle des « banques publiques d'investissement » présentes dans les différents Etats, comme la KfW en Allemagne ou la Cassa depositi e prestiti en Italie. Je le signale, car nous pourrions être amenés à appeler à nouveau votre attention sur cette directive.

M. Jean-Pierre Jouyet. - J'insiste sur le fait que, pour France Telecom, nous aurions été obligés de déprécier, cette année ou l'année prochaine, comme nous l'avons fait pour d'autres sociétés. Initialement, nous avons enregistré dans nos comptes l'action à 16 euros. Aujourd'hui, nous l'avons provisionnée à 9 euros.

M. François Marc, rapporteur général. - Etant membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, j'ai déjà partiellement connaissance des dossiers que nous venons d'évoquer. Je m'en tiendrai donc à un propos bref.

La CDC est à un moment charnière de son existence, en phase de mutation. Avec 287 milliards d'euros de bilan consolidé, elle conserve une puissance incontestable, mais on assiste à une progressive rigidification qui réduit les marges de manoeuvre pour l'avenir, alors que la Caisse des dépôts doit rester un partenaire de l'Etat pour financer l'économie. Pouvez-vous, de ce point de vue, préciser les orientations du plan stratégique pour affirmer la vocation de la CDC en matière de financement d'intérêt général ?

S'agissant de la BPI, pouvez-vous nous préciser comment fonctionne concrètement la gouvernance partagée entre vous-même et l'Etat ?

Concernant le Fonds d'épargne, les nouvelles modalités de collecte ne tiennent pas compte d'une baisse probable du taux de rémunération du Livret A. Si cette baisse se traduit par une décollecte, quelles en seront les conséquences pour le financement de l'économie ?

Pouvez-nous nous exposer précisément dans quelle mesure la Caisse des dépôts est exposée aux prêts toxiques repris par la SFIL ?

Enfin, sur les financements aux collectivités, des ajustements sont opérés. Le ministère de l'économie s'est récemment engagé à assouplir les modalités d'attribution des prêts. En particulier, pouvez-vous nous préciser l'élargissement des champs d'intervention pour lesquels de tels prêts pourront être obtenus ?

M. Jean-Pierre Jouyet. - S'agissant du plan stratégique, comme je l'ai indiqué, nous devons adapter notre stratégie aux marges de manoeuvre qui sont les nôtres. Nous allons chercher à assouplir les contraintes qui pèsent sur notre bilan, étant entendu que certains choix de participations, par exemple dans La Poste, nous engagent pendant un certain temps. Et nous n'avons aucune garantie, compte tenu des difficultés de La Poste notamment sur l'activité courrier, sur le montant des dividendes qui nous sera versé. Nous allons donc mener une stratégie de diversification, en termes de participations et de liquidité.

Nous souhaitons également développer un nouveau mode d'organisation. Déjà, avec la commission de surveillance, - je dis cela sous le contrôle de son président - nous essayons de travailler davantage ensemble : cela aussi fait partie des aspects stratégiques. Nous voulons que notre organisation interne soit plus lisible, plus compréhensible, notamment par les élus sur l'ensemble du territoire. A mon arrivée, j'ai pu constater qu'il n'y avait pas toujours au sein du groupe Caisse des dépôts une coordination suffisamment bonne entre les filiales et l'établissement public.

Notre stratégie doit être déterminée au niveau global du groupe. Et, s'agissant des priorités qui ont été dégagées, comme le numérique, la transition énergétique, etc., je pense que nos différents pôles doivent devenir plus responsables : nous avons des actions qui sont par trop disséminées.

En ce qui concerne le pacte d'actionnaires au sein de la BPI, je crois que nous avons trouvé des solutions satisfaisantes avec l'Etat. Nous avons trouvé un accord sur les apports.

Au sein du conseil d'administration, siégeront quatre représentants de l'Etat, quatre représentants de la Caisse des dépôts et trois personnalités indépendantes, dont le directeur général et deux représentants des régions. Le président du conseil national d'orientation a un statut d'observateur. Dans les deux principales filiales, l'Etat aura la majorité au sein du conseil d'administration de la filiale de financement et la Caisse des dépôts aura la majorité dans celui de la filiale d'investissement, car c'est là où les plus gros apports ont été fait via le FSI et CDC Entreprises. Le directeur général dispose d'un pouvoir exécutif au niveau central et dans chacune des deux filiales.

Après des débuts un peu chahutés, nous trouvons notre rythme de croisière en matière de gouvernance. Il était bien sûr important d'avoir des discussions sur le mode de fonctionnement de la BPI, sur sa doctrine d'intervention. Désormais, je crois que tout le monde a bien compris qu'il faut s'en tenir à un mode de fonctionnement plus normal du conseil d'administration.

En un mot, le président non exécutif que je suis est satisfait des relations que nous entretenons avec l'Etat. A titre personnel, j'entretiens des relations très transparentes et très fluides avec David Azéma, commissaire aux participations de l'Etat, et sans qu'il y ait de conflit particulier. Nous avons pu le constater la semaine dernière sur le dossier Rio Tinto dans la vallée de la Maurienne. Nous avons travaillé ensemble de manière ouverte.

En ce qui concerne le Fonds d'épargne, même s'il y a une baisse de la collecte avec la diminution du Livret A, nous pourrons faire face à nos engagements. Je rappelle que nous sommes « protégés » par deux ratios : nous devons toujours disposer d'un taux de centralisation d'au moins 125 % de l'encours des prêts au logement social et à la politique de la ville et d'au moins 135 % sur l'ensemble de l'encours des prêts du Fonds d'épargne.

Même si la collecte devait être plus molle, le taux de centralisation à 65 % reste le taux de référence. Nous insistons toujours sur ce point. Si nous disposons d'un surcroît de liquidités, comme c'est le cas actuellement, nous pouvons toujours apporter un concours au secteur bancaire.

S'agissant de la SFIL, la Caisse des dépôts détient 20 % de la société et il est acté qu'elle ne participera pas à son éventuelle recapitalisation. Elle n'est donc pas exposée aux prêts toxiques que porte la SFIL. En revanche, si cette dernière avait des difficultés à se refinancer - ce qui n'est pas le cas et c'est encourageant -, là il est clair que le rythme de remboursement des prêts accordés par la Caisse des dépôts pourrait être plus lent que prévu.

Enfin, pour ce qui est de l'enveloppe de 20 milliards d'euros de prêts aux collectivités sur Fonds d'épargne, je vous confirme qu'il y a eu un assouplissement qui concerne l'eau et les réseaux d'assainissement. Nous avons trouvé un accord avec Bercy. Il est clair également, suite aux échanges que j'ai eus avec le ministre de l'économie et le directeur général du Trésor, que nous nous orientons vers un contrôle a posteriori des prêts accordés et non a priori comme cela était initialement envisagé. Notre travail va être facilité et j'ajoute que, pour avoir dirigé le Trésor, ce n'est pas sa mission que de valider chaque prêt. En revanche, la direction générale du Trésor pourra toujours nous taper sur les doigts si nous avons pris tel ou tel risque de manière inconsidérée.

M. Henri Emmanuelli. - Dans le pacte d'actionnaires entre la CDC et l'Etat, il n'y a pas de clause secrète. Il pourra donc être transmis à la commission des finances, si elle le souhaite.

Pour faire simple, l'Etat a la main sur toute la partie bancaire et la Caisse des dépôts sur toute la partie investissement - le haut de bilan et le capital-risque.

Un autre point sur le Livret A. Bien sûr, on peut craindre une décollecte. La baisse des taux est prévue même si nous ne savons pas si elle sera de 0,25 ou de 0,5 point. Pour ma part, je ne pense pas que ce soit de nature à créer une réelle différence pour le Livret A moyen - je ne parle pas de ceux qui sont au plafond. L'immense majorité des livrets sont modestes et la baisse ne représentera que 5 à 6 euros par an.

Je ne crois pas à une décollecte, mais il peut y avoir un frein sur la collecte. En même temps, faut-il s'en plaindre ? On ne peut pas espérer un rebond de la consommation et un accroissement de l'épargne des Français. A titre personnel, j'estime qu'il n'y a pas de danger en la demeure. Surtout, on ne voit pas ce qui pourrait remplacer l'épargne défiscalisée en France. Il n'y a pas mieux : elle n'a pas de concurrence.

Enfin, le fonds de soutien aux collectivités territoriales, annoncé ce matin par le Premier ministre, confortera la position de la SFIL et de la Banque postale. Il faut trouver une solution raisonnable à ce problème.

M. Jean Germain. - Ma question part d'une constatation. Il me semble qu'avec le relèvement des plafonds du Livret A et du LDD, intervenus respectivement au 1er octobre 2012 et au 1er janvier 2013, il y a eu une augmentation importante des dépôts centralisés au Fonds d'épargne. Le montant total de la collecte, au 31 décembre 2012, serait de 255 milliards d'euros, soit 34 milliards de plus qu'une année auparavant.

Parallèlement, si l'on regarde l'encours des prêts sur Fonds d'épargne, le ratio n'a jamais été inférieur à 155 % au cours des quatre dernières années et il est même remonté à 165 % en 2012, alors que, réglementairement, il est fixé à 125 %. La capacité de prêts du Fonds d'épargne s'élevait donc à 222,5 milliards d'euros et les prêts n'ont atteint que 150 milliards d'euros.

Je constate donc que la Caisse des dépôts a disposé l'année dernière d'une capacité excédentaire de prêts de 70 milliards d'euros non utilisée, qui peut-être aurait pu être affectée à des projets de développement significatifs.

La véritable question est de savoir ce qui est stratégique ? Devant la multiplication des activités, on ne le ressent pas bien. On ne voit pas la partie stratégique, au-delà de la participation dans La Poste. A quoi faut-il affecter cette capacité excédentaire de prêts ? Il se dit que la Caisse des dépôts achèterait de la dette française. Pourquoi pas ? Ce n'est pas une critique : si c'est utile, c'est tout de même convenu.

D'un point de vue stratégique, que peut faire la CDC au-delà de ce que fait déjà la BPI ?

Vous avez évoqué une politique contra-cyclique. Est-ce que, dans une économie internationalisée, nous pouvons utiliser ces instruments de politique contra-cyclique ? Nous sommes dans une période où les prêts sont très bas et, alors que les Etats de la zone euro ne disposent plus des instruments de la politique monétaire pour intervenir, que peut faire la CDC ?

M. Vincent Delahaye. - Je partage les mêmes interrogations sur les orientations stratégiques majeures. Avec un groupe multiforme - peut-être un colosse aux pieds d'argile -, on ne les distingue pas bien.

En 2012, Dexia est responsable de pertes importantes. Est-ce terminé ? Quelles parts de ces pertes reviennent à l'Etat et à la CDC ?

Par ailleurs, je me permets une remarque de forme sur la présentation de vos comptes dans lesquels il me semble que vous avez omis de faire précéder le résultat net d'un signe « moins ».

M. Henri Emmanuelli. - On n'est pas habitués...

M. Francis Delattre. - Je constate que la CDC et l'Agence des participations de l'Etat (APE) gèrent toutes les deux des participations dans des grandes entreprises. Quel est l'intérêt d'avoir deux structures ? N'aurait-on pas intérêt à tout regrouper ? Ce serait l'ébauche d'un fonds souverain. Mais peut-être chacun veut-il conserver son pré carré, ce qui serait stupide.

En outre, la BPI préfinance le CICE. Comment financez-vous cette ligne ? Comment serez-vous remboursés ?

J'ajoute que, s'agissant de la BPI, nous constatons des signes extérieurs dommageables. Notre capitalisme est organisé à l'image de l'organisation administrative de notre pays, c'est-à-dire que toutes les équipes sont regroupées à Paris. Ce n'est pas le cas en Allemagne. Je pensais que la BPI était plutôt construite sur ce dernier modèle. Or, voilà que les équipes déménagent du Val-de-Marne vers la capitale, dans des conditions financières qui soulèvent d'ailleurs des interrogations.

Le soutien des équipes régionales doit-il nécessairement être opéré depuis les quartiers centraux de Paris ? Ou bien l'idée de créer des équipes dans les grandes régions a-t-elle fait long feu ?

La véritable innovation de la BPI aurait été d'être au plus près du terrain dans les régions et ce n'est pas le cas.

M. Éric Doligé. - Je suis également intéressé par le CICE. Quel est le taux d'évolution et vos perspectives ? On annonce toujours, dans tous les domaines, des milliards et des milliards... Finalement, on s'aperçoit que l'utilisation sur le terrain - la consommation des crédits - n'est pas toujours aussi aisée. Quels freins rencontrez-vous ?

Les responsables régionaux de la BPI semblent surtout préoccupés par l'idée d'atteindre des objectifs chiffrés, comme les préfets avec les emplois d'avenir.

Vous avez cité plusieurs participations préoccupantes : Dexia, France Telecom, Transdev, etc. Avez-vous des inquiétudes sur d'autres sujets ? Pensez-vous en avoir terminé avec le plus gros des problèmes ?

L'enveloppe de prêts de 20 milliards d'euros pourra être utilisée pour le numérique, les réseaux et les infrastructures. J'aimerais savoir si les consommations sont réelles. Y a-t-il des projets effectifs ? On s'aperçoit en effet que certaines subventions sont promises à ceux qui réalisent des projets et pourtant les financements arrivent plus tard.

Enfin, s'agissant de la variation des taux, disposez-vous d'étude d'impact ? On voit bien qu'une hausse des taux provoque un mouvement de collecte, parfois fort, qu'en est-il en sens inverse ? Quels sont les impacts de ces mouvements sur la consommation et l'investissement ? Si vous baissez les taux, peut-on espérer une forme de relance ?

M. Philippe Dallier. - Je voudrais évoquer le programme national de rénovation urbaine (PNRU). On est en voie d'achèvement du PNRU 1. Quel est le niveau de consommation des subventions et des prêts que vous avez accordés ?

On parle maintenant d'un PNRU 2, qui pourrait être doté de 5 milliards d'euros - contre 12 milliards pour le PNRU 1. L'effet de levier pourrait porter la somme totale du PNRU à 20 milliards d'euros.

Ceci étant dit, il y a fort peu de chance que l'Etat mette à disposition 5 milliards d'euros par le biais de crédits budgétaires. Que peut-on attendre de la Caisse des dépôts ? Est-elle susceptible d'apporter tout ou partie de cette somme ?

M. Philippe Marini, président. - Pour ma part, je m'interroge sur la position tenue par la CDC et le FSI dans le groupe Accor. N'y a-t-il pas eu, de votre part, une attitude aussi court-termiste que celle des fonds anglo-saxons qui se trouvaient également au capital ? In fine, on a abouti à une logique quasi-liquidative de ce groupe et à des perspectives inquiétantes alors que sa position de marché était plutôt bonne. A mon sens, ce n'est pas un bon exemple de gestion publique. Mais peut-être n'avez-vous pas été en mesure de contrarier une tendance déjà bien engagée ?

Votre branche immobilière s'est beaucoup développée. C'est une orientation extrêmement utile et féconde dans la palette d'activités de la CDC. Au demeurant, c'est assez conforme à l'histoire et vous retrouvez une des vocations d'origine de la Caisse des dépôts. Le développement d'Icade et l'opération brillante avec Silic renforcent l'intérêt juridique et fiscal du régime des sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC).

Désormais, la Caisse des dépôts contrôle un des intervenants principaux de ce secteur. J'aurais souhaité connaître les perspectives de développement en ce domaine, car les enjeux du marché immobilier professionnel sont très importants dans une phase, que l'on peut espérer être un jour une phase de reprise de l'économie.

M. Jean-Pierre Jouyet. - Sur Accor, nous étions contre la position qui a été prise, mais notre niveau de participation ne nous permettrait pas d'être décisionnaire ni sur le management, ni sur les orientations. Le FSI était opposé à la scission. Depuis, le FSI a engagé une politique de réduction de la ligne car nous avions bien conscience de la direction prise.

D'ailleurs, je reprends un instant mes anciennes fonctions, pour souligner que les problèmes de gouvernance ont conduit les groupes que vous avez mentionnés, dont l'un est anglo-saxon et l'autre pas, à disposer d'une majorité dans la gouvernance sans pour autant détenir la majorité des actions. Je reste à cet égard interrogatif sur l'évolution du système capitaliste français.

J'en viens maintenant à Icade et je répondrai à d'autres questions sur la stratégie. Certes nous avons des participations rigides mais cela ne doit pas nous dispenser de faire des arbitrages. Nous serons amenés à réaliser des arbitrages entre les actifs pour rendre une partie de nos positions plus liquides.

En tout état de cause, nous conserverons des intérêts dans ce secteur. La maîtrise du foncier est tellement importante qu'un acteur public doit rester présent, surtout dans le contexte du Grand Paris.

Pour répondre à Jean Germain, je vous trouve assez sévère avec nous. Avec le relèvement des plafonds des deux livrets, la collecte 2012 s'est élevée à 30 milliards d'euros. Le niveau des prêts, sur la même année, est lui aussi historique puisque nous avons signé pour 24 milliards d'euros de prêts, soit 2 milliards de plus qu'en 2011. L'encours de prêts a progressé de 14 milliards d'euros sur un an, soit la moitié de la collecte.

En outre, les ratios de couverture que vous mentionnez sont des minima : ce ne sont pas des cibles.

Nous n'avons pas toujours une concordance entre notre offre et la demande de prêts, notamment lors d'une année pré-municipales. En revanche, d'après nos prévisions, l'encours de prêts devrait s'accroître de 70 milliards d'euros sur cinq ans, compte tenu des besoins en logements sociaux, des 20 milliards d'euros de prêts aux collectivités territoriales et du prélèvement de 10 milliards d'euros que la BPI peut opérer sur le Fonds d'épargne. Et un niveau élevé de collecte reste nécessaire pour maintenir la liquidité du fonds.

Je vous confirme que nous achetons de la dette française et heureusement. Nous le faisons comme les autres investisseurs institutionnels, assureurs, banques et gestionnaires d'actifs.

S'agissant du caractère contra-cyclique de nos interventions, la Caisse des dépôts n'est pas immunisée face au cycle économique et boursier. Elle est sensible au niveau des marchés financiers et des taux d'intérêts. Vous avez raison, elle ne peut donc être totalement contra-cyclique. Elle s'efforce de ne pas avoir un comportement de court terme. Elle s'engage, comme l'a souligné le président de la commission de surveillance, sur le long terme. Nous nous efforçons de ne pas adopter un comportement trop pro-cyclique et nous maintenons nos efforts d'investissements et de prêts dans les périodes de crise.

Nous pouvons agir ainsi car les secteurs dans lesquels nous investissons sont peu sensibles à l'environnement international. Qu'il s'agisse du logement, des infrastructures, des universités, etc., c'est essentiellement de la demande intérieure. Je crois, pour ma part, que c'est l'ADN de la Caisse des dépôts et elle doit garder cette tradition d'investissement, y compris dans un contexte économique maussade.

En réponse à ce qu'a indiqué Francis Delattre, je voudrais être parfaitement clair. L'APE gère les participations de l'Etat les plus importantes. La CDC intervient dans le CAC 40 de manière très limitée. Nous faisons de la gestion de portefeuille. Je ne suis absolument pas favorable au rapprochement des deux entités.

Dans la situation actuelle, si nous n'avions pas une gestion de portefeuille active avec des rendements élevés, nous serions dans une situation très délicate. Ce qui nous permet de surmonter les difficultés cette année et les suivantes, c'est d'avoir une gestion optimale de notre portefeuille d'actions et d'obligations. Heureusement que nous avons des participations dans différentes entreprises, mais ce sont toujours des participations minoritaires. Dans le CAC 40, notre position la plus importante est dans Veolia, avec 9 % du capital. Et les dirigeants des entreprises préfèrent parfois avoir la CDC à leur capital plutôt que l'Etat. Nous sommes moins visibles, nous sommes engagés dans le long terme et, pour le dire clairement, notre rôle est plus neutre et notre gestion moins politique.

En ce qui concerne le CICE, nous faisons des avances et nous serons effectivement remboursés. Nous allons probablement faire moins durant le dernier trimestre car les entreprises vont attendre le 1er janvier et vont moins demander de préfinancement. Il est vrai que ce fut un succès important, y compris pour les autres intervenants bancaires.

Je vous trouve sévère sur le fait que la BPI ne soit pas régionalisée. Avec Nicolas Dufourcq, nous installons en ce moment toutes les agences régionales de Bpifrance. Les trois quart sont déjà en place. Très concrètement, 80 % des prêts seront régionalisés et, pour le financement en capital, les dossiers seront instruits au niveau régional jusqu'à 4 millions d'euros. De même, les aides à l'exportation et le soutien à l'innovation seront régionalisés. La visibilité régionale de Bpifrance sera donc très forte.

Enfin, je voudrais corriger un point sur les implantations immobilières de la BPI. Il n'y a pas du tout de déménagement depuis le Val-de-Marne vers Paris : les équipes d'Oséo restent dans l'immeuble qu'elles occupent aujourd'hui. Nous sommes installés dans un immeuble sis boulevard Haussmann, à Richelieu-Drouot - 30 mètres plus loin, nous étions situés boulevard Montmartre...

M. Philippe Marini, président. - Ce n'est pas loin du boulevard du Crime !

M. Jean-Pierre Jouyet. - On s'en rapproche !

Plus sérieusement, pour la partie investissement, il fallait regrouper les 300 personnes issues du FSI et de CDC Entreprises. La direction générale a estimé qu'il fallait les installer à Paris - et c'est ce que demandaient les syndicats de la CDC.

Pour répondre à Eric Doligé, s'agissant des participations stratégiques, nous avons fait un gros effort de provisionnement en 2012. A priori, nous n'avons pas de dépréciations significatives à effectuer sur nos participations. Les perspectives sur La Poste se sont toutefois dégradées et nous devons rester prudents, avec l'Etat, pour éviter qu'il y ait une diminution trop importante du dividende.

Les infrastructures seront un secteur d'intervention très essentiel pour la Caisse des dépôts, que ce soit dans l'énergie, les transports et la transition énergétique. Notre volonté est de rassembler les moyens dont nous disposons - ici à la CNP, ici au Fonds d'épargne, là à la Section générale - pour aller plus vite sur le terrain. Nos modes d'intervention doivent être plus lisibles.

S'agissant du numérique, les projets doivent être éligibles au Fonds pour la société numérique (FSN). Ce sont des projets lourds à mettre en oeuvre. Dans votre région, ils sont aussi financés par la Banque européenne d'investissement. Si le Fonds pour la société numérique approuve ces projets, nous les financerons immédiatement. Tout comme vous, la CDC souhaite qu'il y ait une lisibilité plus grande de l'action des pouvoirs publics en ce domaine.

En ce qui concerne les questions de Philippe Dallier, sur le PNRU 1, le volume des prêts sera de 16 milliards d'euros ; 4 milliards devraient encore s'y ajouter. En investissement, 600 millions d'euros ont déjà été consommés et 250 millions d'euros pour les subventions. En vue du PNRU 2, le Fonds d'épargne travaille avec l'Etat afin d'assurer le financement en prêts à des taux attractifs. Ces prêts devraient bénéficier au logement dans les quartiers et à la rénovation thermique. Il y a des discussions par ailleurs avec l'Etat pour assurer une continuité des moyens en fonds propres par rapport au décaissement effectif des années précédentes.

J'en termine avec la question de Vincent Delahaye sur Dexia. La CDC a provisionné à 100 % sa participation et nous n'avons donc plus d'exposition sur Dexia, qui est maintenant détenu quasi-intégralement par les Etats belge et français.

M. Henri Emmanuelli. - Je voudrais rebondir sur l'intervention de Jean Germain. La structure de la CDC comporte une ambiguïté. Au sein de l'établissement public, il y a le Fonds d'épargne, qui collecte les dépôts sur les livrets, et puis la Section générale.

Les sommes considérables que vous évoquez sont logées dans le Fonds d'épargne. Ce n'est pas l'argent de la Caisse des dépôts, mais bien celui des épargnants. S'il y a, aujourd'hui, sur-liquidité, c'est-à-dire une somme d'argent inemployée, c'est parce que la demande est faible. Et cet excédent d'épargne, le Fonds d'épargne n'a pas le droit de l'engager dans des projets.

M. Jean Germain. - Il serait possible de le restituer aux banques.

M. Henri Emmanuelli. - Oui, nous étudions la possibilité de le mettre à leur disposition pour qu'elles octroient des prêts aux entreprises ou à l'économie.

S'il y a sur-liquidité, c'est parce que la demande ne suit pas la croissance de la collecte. On ne refuse pas de prêts.

M. Jean Germain. - C'est un vrai problème économique.

M. Henri Emmanuelli. - Par exemple, on n'a pas atteint encore le niveau de prêts attendu pour construire 150 000 logements sociaux.

M. Jean-Pierre Jouyet. - Pour aller dans le sens du président de la commission de surveillance, c'est un problème de court terme. On doit trouver un équilibre à long terme. Nous sommes engagés dans des discussions avec la direction générale du Trésor pour faciliter l'instruction des prêts.

Dans le projet de décret relatif à la mise à disposition d'une partie des ressources aux banques, il est prévu un retour rapide de ces sommes au Fonds d'épargne dès lors que ses emplois augmentent. C'est un dispositif temporaire.

M. Jean Arthuis. - C'était le modèle de financement du Crédit immobilier de France...

M. Philippe Marini, président. - La Caisse des dépôts reste un animal sui generis pour le meilleur comme pour le pire !

Il me reste à remercier le président de la commission de surveillance et le directeur général.

Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière - Échange de vues

Puis la commission procède à un échange de vues dans la perspective de l'examen en séance publique du texte de la commission n° 739 (2012-2013) sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

M. Philippe Marini, président. - Nous avons convenu, la semaine dernière, de procéder à un échange de vues sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière sur lequel la commission des lois a été saisie au fond. L'objet de notre réunion est d'évoquer les principaux enjeux du texte et de passer en revue nos points d'accord et de désaccord.

M. François Marc, rapporteur général. - Comme vous le savez, la commission des lois a adopté un texte lors de sa réunion de mercredi dernier et examinera, demain matin, les amendements en vue de la séance publique. Le texte ayant fait l'objet de l'engagement de la procédure accélérée, une éventuelle commission mixte paritaire pourrait être réunie dès la semaine prochaine, en vue d'une adoption définitive dans les derniers jours de cette session extraordinaire.

Pour commencer cet échange de vue, je vais d'abord présenter rapidement les grandes lignes du texte adopté par la commission des lois, avant d'évoquer quelques sujets portés par les amendements déposés en vue de la séance.

Le texte établi par la commission des lois vous a été distribué, ainsi que les amendements qui m'ont semblé relever du champ de compétence de notre commission. Je vous précise que la liasse d'amendements, ainsi que le dérouleur, ne constituent qu'une sélection, représentant un peu plus de la moitié des amendements déposés sur le texte, qui sont environ 150 : notre échange de vues a en effet vocation à rester dans le périmètre qui correspond au champ de compétence de la commission et ne pas s'étendre à des parties du texte, comme celle relative à la création du procureur de la République financier, qui soulèvent des questions très différentes et relèvent pleinement de la compétence de la commission des lois.

J'en viens au texte établi par la commission des lois, qui comporte 72 articles, soit 9 de plus que celui transmis par l'Assemblée nationale : le texte continue donc de croître avec l'intégration d'un certain nombre d'articles additionnels, dont ceux que nous avons adopté en commission des finances la semaine dernière. Il pourrait augmenter encore, puisque plus de 50 amendements déposés en vue de la séance publique portent articles additionnels.

La commission des lois a adopté 39 amendements, dont 19 de son rapporteur, Alain Anziani, et 10 des 12 amendements que nous avions proposés.

Le rapporteur de la commission des lois a notamment supprimé l'article 2 bis, considérant que celui-ci obligerait une personne soupçonnée de blanchiment d'apporter la preuve de l'origine licite de biens ou de revenus qu'elle détient, indépendamment de toute infraction sous-jacente, et que cette inversion de la preuve n'était pas acceptable à ses yeux.

Il a aussi supprimé l'article 11 sexies, qui proposait de faire passer de trois ans à six ans le délai de prescription du délit de fraude fiscale, compte tenu notamment de l'attachement de la commission des lois au maintien d'une certaine cohérence dans les régimes de prescription.

Dans le même esprit, la commission des lois a adopté un amendement du Gouvernement supprimant l'article 9 quater, qui tendait, en cas de dissimulation d'une infraction, à ne faire courir le délai de prescription de l'action publique qu'à compter du jour de sa découverte.

Surtout, la commission des lois a adopté deux amendements concernant des sujets importants et sur lesquels nos deux commissions ont des visions assez divergentes.

Tout d'abord, concernant la question de la recevabilité de la preuve, la commission des lois a souhaité revenir au texte initial du Gouvernement, c'est-à-dire de limiter la recevabilité des preuves illicites à celles transmises par la justice ou une autorité étrangère, et non dans le cadre de l'exercice, par l'administration fiscale, de son droit de communication. C'est un point important pour la portée de cette disposition, puisque le droit de communication de l'administration vise toutes les entreprises, les administrations et établissements publics, ou encore les organismes de sécurité sociale. Vous vous en souvenez, nous avons adopté, en commission des finances, un amendement élargissant la recevabilité à tout mode de preuve, de manière à permettre l'utilisation par l'administration fiscale de preuves apportées directement par un particulier, le cas échéant, comme cela a été le cas pour la liste HSBC. La commission des lois a adopté une position inverse à la nôtre.

M. Francis Delattre. - N'était-ce pas la question des fichiers volés ?

M. François Marc, rapporteur général. - C'est un autre problème. Du reste, le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Christian Eckert, a récemment produit un rapport qui souligne les obstacles juridiques auxquels a été confrontée l'administration fiscale pour exploiter cette liste, qu'elle ne pouvait pas opposer aux contribuables.

J'ai redéposé, comme la commission m'y avait autorisé, l'amendement qui était incompatible avec celui du rapporteur de la commission des lois, et note que notre président Philippe Marini propose en quelque sorte un amendement « de repli » : il revient au texte de l'Assemblée nationale et réintroduit donc les preuves issues de l'exercice du droit de communication par l'administration.

Sur le second amendement en débat, concernant le monopole de l'administration fiscale pour l'engagement des poursuites en matière de fraude fiscale, que d'aucuns qualifient de « verrou » de Bercy, la commission des lois a adopté un article additionnel tendant à prévoir une « brèche » dans ce principe, en permettant à l'autorité judiciaire d'engager des poursuites sans autorisation préalable, ceci lorsque les faits sont apparus à l'occasion d'une enquête ou d'une instruction portant sur d'autres faits ou bien lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou par le recours à diverses manoeuvres.

En outre, cet article ouvre la possibilité de transaction pénale, sous le contrôle du parquet, pour les faits de fraude fiscale commis dans ces circonstances.

Le rapporteur de la commission des lois, Alain Anziani, a considéré qu'il était « particulièrement regrettable que l'autorité judiciaire ne puisse avoir connaissance des faits de fraude fiscale complexe, notamment lorsqu'elle est commise par le recours à des montages sophistiqués ou à des structures implantées à l'étranger ». Il a en effet considéré, je cite, que « les faits de fraude fiscale commis en de telles circonstances peuvent souvent révéler d'autres infractions qui ne peuvent être poursuivies que par la voie pénale ».

M. Jean Germain. - C'est une vision civiliste, pas fiscaliste.

M. François Marc, rapporteur général. - Je comprends l'intention du rapporteur de la commission des lois. Cependant, ouvrir une brèche dans le monopole des poursuites pourrait s'avérer problématique pour les finances publiques, car l'action judiciaire est de nature à freiner le recouvrement de l'impôt éludé et l'application des pénalités fiscales.

M. Philippe Marini, président. - Bien sûr.

M. François Marc, rapporteur général. - Or, le dispositif actuel sanctionne de manière rapide et efficace les fraudeurs, avec des sanctions financières très dissuasives, tout en portant environ 1 000 affaires par an devant la justice, c'est-à-dire les délits les plus graves, après avis conforme de la commission des infractions fiscales (CIF). Je rappelle aussi que la justice peut déjà prendre l'initiative des poursuites dans les cas de blanchiment de fraude fiscale ; c'est ce qui s'est passé dans le cas de Jérôme Cahuzac.

Si l'article introduit par la commission des lois devait être voté, l'autorité judiciaire verrait son stock d'affaires augmenter substantiellement, sans qu'elle dispose ni des effectifs, ni de l'expertise nécessaire pour les traiter de manière satisfaisante. On peut donc craindre que le processus soit à la fois plus lent, moins efficient et moins efficace que le mode de fonctionnement actuel, qui a fait ses preuves.

J'ai constaté que quatre amendements, émanant d'auteurs appartenant à des groupes différents, tendaient à supprimer cet article : j'en ai déposé un, à titre personnel, de même que le président Philippe Marini et nos collègues Jacques Mézard et Vincent Delahaye.

Je précise qu'a contrario, plusieurs amendements proposent de supprimer de manière assez radicale le monopole des poursuites ; nous devrions donc avoir un beau débat en séance car il y aura la palette complète des positions.

J'en viens maintenant aux amendements déposés sur le texte. Deux d'entre eux sont des amendements que nous avions adoptés en commission : celui sur la preuve, que j'ai évoqué il y a quelques instants, et celui sur les obligations déclaratives des entreprises en matière de prix de transfert, qui a été rejeté par la commission des lois. Des doutes ont en effet été exprimés sur la pertinence du dispositif, ce qui a conduit à maintenir le texte de l'Assemblée nationale plutôt que de retenir notre rédaction que nous estimons pourtant meilleure. Nous aurons ce débat en séance, avec le choix de supprimer le dispositif ou d'améliorer celui voté par l'Assemblée nationale, étant entendu que son maintien en l'état ne paraît pas être une solution satisfaisante.

Il convient de noter que plusieurs autres amendements portent sur les prix de transfert, dont celui présenté par notre président Philippe Marini, issu de sa proposition de loi, qui a été rejoint par le groupe CRC. Il s'agit d'un sujet important pour lequel le Gouvernement a annoncé vouloir introduire des dispositions nouvelles dans le projet de loi de finances pour 2014, suite au rapport de l'Inspection générale des finances de ce printemps, rendu public en juin.

Le président Marini a également déposé un amendement tendant à renforcer l'efficacité de l'abus de droit en élargissant son champ aux montages ayant une finalité essentiellement - et non plus exclusivement - fiscale. Sur ce point aussi, une proximité de points de vue a été exprimée par le groupe CRC.

Parmi les autres sujets évoqués par les amendements que ceux déjà mentionnés, je vous propose de sélectionner quelques thèmes de manière à susciter les échanges au sein de la commission.

De nombreux amendements portent sur l'article 3, qui vise à élargir les circonstances aggravantes de la fraude fiscale et à alourdir les sanctions applicables. Ces amendements visent généralement à étendre encore le champ de ces circonstances aggravantes et les sanctions, même si, en pratique, un certain nombre d'entre eux sont satisfaits.

Plusieurs amendements tendent à créer un délit d'incitation à la fraude fiscale. La nécessité de cette création paraît difficile à établir de manière certaine, mais celle de réprimer ceux qui font profession de la fraude fiscale, et non de l'optimisation comme on le dit avec retenue, ne pose en revanche guère question.

Plusieurs amendements entendent allonger les délais de prescription, ce qui va à l'encontre de la position de la commission des lois, ou, dans le même esprit, suppriment la possibilité pour l'administration fiscale de transiger. Plusieurs amendements renforcent les obligations déclaratives des entreprises. Enfin, des amendements concernent la mise en place - probablement prématurée compte tenu de ce qui nous a été indiqué il y a peu en commission - d'une législation de type « FATCA » ou portent sur la liste des états et territoires non coopératifs.

Pour conclure, je rappelle qu'il est indispensable de proportionner les obligations déclaratives à leur utilité en termes de contrôle et donc, de rendement. Il en va de même des amendements concernant tant les durées de prescription que les sanctions : il faut bien entendu que les dispositions soient dissuasives mais aussi qu'elles restent proportionnées à la nature du délit. Enfin, quels que soient les votes en séance, il me semble que ce texte permettra à l'administration fiscale d'être mieux armée pour déceler et sanctionner les fraudes, en particulier les plus complexes. C'est un motif de satisfaction. En effet, nos concitoyens, qui sont parfois l'objet de « tracasseries » administratives, ont du mal à comprendre que l'Etat puisse être impuissant face à des fraudes de grande ampleur, parce qu'elles font l'objet de montages complexes et astucieux.

Je vous ai donc rendu compte des positions tranchées sur les questions du monopole et de la licéité des preuves.

M. Francis Delattre. - Je voudrais apporter des précisions sur la question des fichiers communiqués aux fins de poursuites. La Cour de cassation interdit toute poursuite dès lors que les éléments de preuve auraient été volés et non achetés. Dans ce dernier cas, il ne doit pas y avoir de problème. Mais je vous mets en garde ici sur l'inconstitutionnalité qui ne manquera pas d'être soulevée à l'encontre de la prise en compte de fichiers dérobés.

Ensuite, je m'élève contre la suppression de l'article 2 ter qui prévoit d'atténuer le monopole exercé par l'administration fiscale en matière de saisie de l'action publique pour des faits de fraude fiscale. Ceci remettrait en cause l'efficacité des groupements interrégionaux (GIR) dans la lutte contre l'économie souterraine. Je rappelle que cette levée partielle du « verrou de Bercy » prévoit la possibilité d'engager des poursuites judiciaires à deux conditions : d'une part, lorsque les faits sont apparus à l'occasion d'une enquête portant sur d'autres faits, je pense notamment au trafic de stupéfiants ; d'autre part, lorsque les faits ont été commis en bande organisée.

Ces cas me semblent suffisamment encadrés et supprimer l'article 2 ter reviendrait à empêcher le recours aux GIR dont je salue l'efficacité. Je suis d'autant moins défavorable à l'ébrèchement du monopole de l'administration fiscale dans le déclenchement des poursuites que, comme vous le savez, les GIR font également intervenir des inspecteurs des impôts et des douanes.

M. Jean Germain. - La commission des lois aborde ce projet de loi avec son propre point de vue, ce qui est d'ailleurs bien normal, c'est-à-dire avec comme première optique de défendre des principes civilistes et les droits individuels.

L'autonomie de la loi fiscale s'intègre mal dans un tel schéma. Pourtant, le domaine fiscal n'est pas le domaine civil : le domicile fiscal n'est pas le domicile civil, l'administration fiscale peut être amenée à taxer des activités illégales, etc.

Or dans un cadre médiatique souvent simplificateur, nos concitoyens peuvent ne pas bien saisir cette différence d'approche, néanmoins bien réelle.

S'agissant de l'article 2 ter, sa suppression ne supprimerait pas les GIR. Actuellement, ces groupements font montre de leur efficacité dans le cadre d'une législation accordant une certaine primauté à l'administration fiscale.

A mes yeux, le vrai sujet est que le droit fiscal est exorbitant du droit commun. Or le rapporteur de la commission des lois aborde ce texte avec des yeux d'un avocat civiliste, qui a le sentiment de défendre un peu plus la personne humaine à travers ses propositions. De plus, dans la période actuelle, certains de nos collègues « sortent une kalachnikov » dès qu'on prononce les mots « fraude fiscale ». Prenons garde, toutefois, à ne pas nous lancer dans le « concours Lépine » de la fiscalité et contre la fraude fiscale car nos concitoyens sont, eux, à fleur de peau dès que l'on parle d'impôt.

La commission des finances doit donc faire preuve de pédagogie afin d'expliquer la logique du droit fiscal, y compris sur la question des transactions : la fiscalité n'est pas qu'affaire de morale, mais aussi de rendement...

M. Jean Arthuis. - Je crois, en effet, qu'il faut être prudent car confier certaines expertises à l'autorité judiciaire reviendrait à prendre un risque majeur. La justice n'en a tout simplement pas les moyens, l'expertise se trouvant objectivement au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP) qui doit évaluer et, dans certains cas, trouver un compromis avec le contribuable.

Par ailleurs, je réclame le soutien de la commission sur un amendement que j'ai déposé visant à lutter contre une dérive de la grande distribution. Afin de lutter contre les règles en vigueur sur les marges arrière, ces groupes ont établi des officines à l'étranger pour prélever des redevances calculées en fonction du chiffre d'affaires. Ainsi les fournisseurs établis en France qui livrent ces groupes doivent payer des ristournes à ces entités. Ces pratiques me paraissant contestables, j'ai déposé un amendement aux termes duquel les revenus correspondants doivent être déclarés et soumis à l'impôt en France.

Il faut sortir de l'omerta sur ce sujet, les enseignes profitant de leur position dominante.

M. Philippe Marini, président. - Monsieur le rapporteur général, savez-vous quel accueil le Gouvernement réservera à cette initiative que la plupart d'entre nous devraient soutenir ?

M. François Marc, rapporteur général. - Je soutiendrai la proposition de Jean Arthuis, le Gouvernement devant peut-être s'exprimer quant à sa faisabilité technique.

M. Jean Arthuis. - Mettons ce texte, peut-être imparfait en l'état, dans la navette !

M. Philippe Marini, président. - Cela pourrait constituer de la « monnaie de commission mixte paritaire (CMP) »...

M. François Marc, rapporteur général. - Je souhaiterais apporter une précision sur la question des listes, qu'a abordée Francis Delattre. Le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, Christian Eckert, a publié récemment un rapport sur l'exploitation du fichier communément appelé « liste HSBC ». Il montre bien que l'administration fiscale peut se trouver désarmée face à certains contribuables ayant des comptes à l'étranger. Or quand l'Allemagne achète des listes, elle traite bien avec des gens qui les ont dérobées. Le transit par la justice ou une autorité nationale peut les « blanchir ». Mais le réalisme devrait nous commander de pouvoir traiter avec des personnes comme l'ex-informaticien de HSBC Hervé Falciani.

M. Francis Delattre. - Vous risquez de vous heurter à la jurisprudence de la Cour de cassation !

M. François Marc, rapporteur général. - C'est bien pour cela qu'il convient de changer la loi.

M. Francis Delattre. - Un problème de constitutionnalité pourrait aussi survenir. Cela étant, mon principal souci demeure votre amendement de suppression de l'article 2 ter du projet de loi.

M. Philippe Marini, président. - Je vous assure que cette suppression n'altérerait en rien les moyens d'action actuels des GIR, à laquelle vous êtes légitimement attaché.

M. Francis Delattre. - Ne nous méprenons pas ! Quand on saisit une bande dans un quartier, l'affaire est complexe. On ne saurait retirer le volet fiscal du dossier car les dealers craignent l'amende davantage que la prison. La presse en rend bien compte !

M. Jean Germain. - L'amende est pénale, non fiscale...

M. Philippe Marini, président. - Nous sommes d'accord sur l'intention mais pas sur l'interprétation de l'article 2 ter. En conscience, la suppression de l'article 2 ter, qui vise à sauvegarder l'autonomie du droit fiscal et celle des poursuites fiscales, ne retirerait rien - peut-être même au contraire - à l'efficacité de ces actions répressives.

M. Francis Delattre. - Les intéressés devraient donc discuter avec l'administration fiscale depuis leur prison ?

M. Philippe Marini, président. - Nous proposons de ne pas faire évoluer le droit existant donc, par définition, de conserver le statu quo.

M. Francis Delattre. - En tout cas, ne cassons pas des instruments efficaces !

M. François Marc, rapporteur général. - L'un des griefs de la commission des lois au droit actuel, qui a motivé l'insertion de cet article, est le manque de transparence des pratiques de l'administration fiscale s'agissant des transactions, des remises, etc. Pour couper court à cette critique, il est proposé de maintenir l'autonomie du droit fiscal tout en levant cette opacité au moyen de la remise au Parlement d'un rapport annuel de la commission des infractions fiscales et d'un autre sur la politique de remise et de transactions. Ces deux rapports pourront d'ailleurs donner lieu chaque année à un débat au sein de notre commission.

M. Philippe Marini, président. - Merci au rapporteur général ainsi qu'à vous, mes chers collègues. Le débat en séance publique s'annonce riche.

Mercredi 17 juillet 2013

- Présidence de M. Philippe Marini, président, puis de M. Yvon Collin, vice-président -

Contrôle budgétaire - Communication de M. Philippe Dominati, rapporteur spécial, sur le pilotage du projet de « Centre du Gouvernement »

La commission entend tout d'abord une communication de M. Philippe Dominati, rapporteur spécial, sur le pilotage du projet de « Centre de Gouvernement ».

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Je vais vous rendre compte de la mission que la commission des finances m'a confiée concernant le pilotage du projet de « Centre de Gouvernement ». Il s'agit d'un ensemble immobilier qui est situé dans le VIIe arrondissement de Paris, avenue de Ségur et place de Fontenoy, et composé de deux bâtiments. Dans le budget de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », les loyers représentent des dépenses relativement importantes : ce projet, par son ampleur et par sa nature financière, aura donc un impact durable sur le budget de cette mission.

Cet ensemble immobilier d'environ 55 000 mètres carrés est situé à proximité de Matignon et il est composé de deux bâtiments, dont l'un est l'ancien Hôtel de la Marine dans lequel on peut observer des fresques intéressantes.

Depuis une trentaine d'années, ces bâtiments ont eu des destinations diverses et plusieurs ministères y ont été installés. A partir de 2004, les services de l'Etat ont étudié un projet d'installation de la Maison de la Francophonie. Finalement, la Maison de la Francophonie a été installée avenue Bosquet et l'Etat a conservé ces deux immeubles qui n'ont pas été rénovés et se sont dégradés.

Après cet échec, il a été envisagé, en février 2009, de vendre le bien, notamment pour pouvoir en affecter son produit à quatre ministères, dont les ministères financiers, comme l'indique une décision de Christine Lagarde et d'Eric Woerth, à l'époque respectivement ministre de l'économie et des comptes publics. Le service France Domaine a alors été chargé d'évaluer le bien : en avril 2009, il retient une valeur pivot de 300 millions d'euros. Parallèlement, il a été demandé au cabinet privé Jones Lang Lasalle (JLL) de produire une autre évaluation. Celle-ci, qui date de juin 2009, conclut à une valeur de 195 millions d'euros.

En l'espace de quelques mois, ce même bien est estimé à 300 millions d'euros par France Domaine - dont le rapport, avant de retenir la valeur pivot de 300 millions d'euros, déterminait une fourchette plus large - et à une valeur inférieure d'un tiers par le cabinet privé. J'estime que l'évaluation de France Domaine pose question et elle me semble peu crédible : comment justifier un différentiel de plus de 30 % à quelques mois d'intervalle ? C'est inquiétant pour toutes les autres évaluations de France Domaine !

Dans ce rapport, France Domaine conclut à la nécessité de céder ce bien pour réaffecter le produit aux quatre ministères et notamment le ministère des affaires étrangères.

En raison de ces évaluations « différenciées », et alors que dans le cadre du débat sur la Maison de la Francophonie, Roger Romani et Catherine Tasca, membres de la commission des affaires étrangères du Sénat, s'étaient étonnés que l'Etat veuille vendre ce patrimoine, il a finalement été décidé, en novembre 2009, de le conserver.

Cette décision est prise alors que le Secrétaire général du Gouvernement a besoin de rationaliser le parc immobilier des services et des autorités indépendantes qui relèvent du Premier ministre. En effet, il gère des sites qui sont dispersés, des locaux parfois vétustes, peu adaptés ou trop grands. Le Secrétaire général du Gouvernement voit donc l'occasion, si ce site est rénové et restructuré, de réduire de trente-huit à dix-huit le nombre d'implantations et de faire passer la surface utile de ses services de 122 000 mètres carrés à 113 000 mètres carrés. Une telle opération aurait pour effet de ramener le ratio par agent de 17,11 mètres à 11,43 mètres carrés et donc de se conformer à la norme de 12 mètres carrés par agent définie par France Domaine. Par ailleurs, des mutualisations sont prévues et divers besoins identifiés pour les services utilisateurs.

Je souscris au souhait du Secrétaire général du Gouvernement qui permet au Premier ministre de disposer, dans un lieu peu éloigné de Matignon, d'une grande partie des services qui sont éparpillés sur trente-huit sites.

Je vous ai présenté le site, les errements quant à la valorisation du site, et l'impulsion donnée par le Secrétaire général du Gouvernement. Il me reste à vous indiquer le montage juridique et financier un peu atypique qui a été choisi pour cette opération.

L'Etat avait la possibilité de vendre à un propriétaire privé et de relouer les locaux, dans le cadre d'un partenariat public-privé. Il a choisi, en 2011, de nouer un partenariat public-privé avec une société qui est une société de l'Etat.

M. Philippe Marini, président. - C'est un partenariat public-privé avec une société publique !

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Oui, le schéma est celui d'un partenariat public-privé mais l'Etat ne prend pas de risque. Il a trouvé une petite société publique dont, monsieur le président, le rapporteur général de la commission des finances que vous étiez a permis qu'elle prospère.

M. Philippe Marini, président. - Absolument. J'ai contribué à étendre ses missions.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Cette société, totalement contrôlée par l'Etat, s'appelle la SOVAFIM. Elle avait été créée pour mettre en valeur le patrimoine de Réseau ferré de France, mais devant l'absence d'activité liée à cette mission, le rapporteur général de la commission des finances a permis, en 2006, à cette société d'étendre ses missions à d'autres domaines.

M. Philippe Marini, président. - Votre mémoire est très exacte !

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - C'est d'ailleurs cette société qui a réalisé, pour le compte de l'Etat, la Maison de la Francophonie, avenue Bosquet. Cette opération a apparemment donné satisfaction à tous les acteurs concernés. Mais il s'agissait d'une petite opération.

Là, heureusement ou curieusement, l'Etat a trouvé une solution adaptée au devenir de la SOVAFIM. En 2009, au moment où France Domaine évaluait le patrimoine, la SOVAFIM proposait d'acquérir le bien pour 350 millions d'euros. Il faut dire qu'au Conseil d'administration de la SOVAFIM, il y a deux administrateurs qui sont des représentants de France Domaine. C'est pour cela que je parle d'une opération très « consanguine », c'est la main droite qui parle à la main gauche ! Mais la SOVAFIM, pour continuer d'avoir une activité, avait un objectif : dégager un taux de rendement de 6 %.

L'étude de JLL en 2009 tombe à point car elle justifie de ne pas vendre et le Secrétaire général du Gouvernement souhaite regrouper ses services : chaque partie est donc en mesure de remplir ses objectifs. Mais il apparaît alors que l'Etat ne dispose pas des moyens nécessaires. En 2011, est fixé le principe de ne pas de céder le bien à la SOVAFIM, mais de lui transférer des droits de superficie pour une période déterminée (trente ans finalement), et l'Etat s'engage à payer un loyer : cet engagement se traduit juridiquement en 2013. Ce loyer sera, à la fin de l'opération, un peu supérieur à ce que paient ces mêmes administrations à l'heure actuelle. Mais cela permet quand même, monsieur le président de la commission des finances, d'être hors budget de l'Etat puisqu'on fait une opération avec une société privée ; et d'autre part, cela permet de lisser cette opération : la valeur du bien est estimée entre 200 et 300 millions d'euros et les travaux de l'ordre de 200 millions d'euros. C'est donc une opération globale de l'ordre de 500 millions d'euros et l'Etat conserve ce patrimoine, puisqu'à l'issue de cette période de trente ans, les bâtiments rénovés lui reviendront. La SOVAFIM se sera rémunérée grâce à un taux de rendement qui devrait s'établir à 6 %. Donc, alors que sa dissolution aurait pu être discutée, l'opération « tombe bien » pour cette société.

Par conséquent, même si je considère que le regroupement des services du Premier ministre est pertinent, j'ai qualifié la solution choisie d'un petit peu « acrobatique », sur le plan juridique et financier. En effet, il est difficile de distinguer la réalité des coûts : les loyers sont fixés non en fonction de la valeur du marché mais en fonction de l'équilibre de cette opération et il est impossible de savoir si les coûts de cette opération vont déraper. Comme vous le savez, il est très important de tenir un calendrier pour une opération de cette nature.

Or, le calendrier a pris du retard parce que cette opération dépend des services du Premier ministre et il y a eu, l'an dernier, un changement de majorité et de Premier ministre. La dernière lettre adressée à la SOVAFIM avant le changement de Gouvernement, signée par Valérie Pécresse, ministre du budget, a ainsi été signée deux jours avant l'élection présidentielle. Certes, je ne pense pas que ce dossier soit prioritaire pour le nouveau Premier ministre, mais à ce jour, le projet a déjà pris un an et demi de retard. Cela pose des problèmes, notamment pour certaines autorités indépendantes, et en particulier par exemple pour le Défenseur des droits, qui a essayé de regrouper ses équipes sur deux sites au lieu de quatre ; ses baux arrivant à échéance fin 2014, il souhaitait ardemment s'installer à Fontenoy, où devraient être regroupées les autorités indépendantes. En raison du retard pris, le Défenseur des droits ne pourra s'installer dans les locaux à l'expiration de ses baux.

Par ailleurs, j'estime que ce projet est conduit a minima. En plus de ce montage financier astucieux mais acrobatique, on a essayé de faire des économies. Par exemple, alors que 2 300 à 2 500 agents travailleront sur ce site, seules trente-huit places de parking ont été prévues parce que l'Etat a décidé, à quelques mois des élections présidentielles, de supprimer le parking pour des raisons financières. Or on sait qu'il y aura des usagers qui viendront rencontrer les agents de l'Etat et qu'il s'agit d'un lieu où des problèmes avec les riverains existent, notamment avenue de Ségur. Que l'Etat fasse une opération aussi importante, dans le VIIe arrondissement et sacrifie, pour une économie de 10 millions d'euros, cinq étages de parking parce qu'il a un an et demi de retard, illustre l'absence, à ce jour, de pilotage réel. Ce n'est évidemment pas le Premier ministre qui a vocation à tenir ce rôle. J'ai interrogé l'ancien Premier ministre qui, aujourd'hui, est le député de la circonscription : au temps où il était Premier ministre, il n'a pas été mis au courant de ces modalités pratiques et j'imagine évidemment bien volontiers que c'est également le cas de l'actuel Premier ministre.

La solution financière choisie est atypique et onéreuse : on estime son surcoût à près de 30 %, mais elle a le mérite de tenir compte des contraintes budgétaires et peut-être de ne pas trop attirer l'attention d'un certain nombre d'acteurs, je dirais même peut-être du Parlement, sur ce sujet. A ce jour, ce projet suscite une certaine insatisfaction et on peut se demander si la SOVAFIM, qui est une petite structure, est suffisamment armée pour piloter un tel projet ; il n'y pas, à ce jour, d'architecte, puisque la SOVAFIM, qui a signé l'arrêté de transfert et le protocole locatif avec l'Etat il y a quelques semaines, va maintenant mettre en concurrence des promoteurs, et chacun des promoteurs choisira un architecte. Je trouve dommage, pour un projet immobilier de cette nature, de ne pas en avoir fait un enjeu architectural.

J'ai interrogé la Mairie de Paris, qui est d'ailleurs la seule institution n'a pas donné suite à mes demandes d'auditions. J'ai interrogé le maire du VIIe arrondissement, à qui j'ai fait connaître l'opération. L'architecte des bâtiments de France rencontré m'a expliqué que le site était sous surveillance du ministère de la culture, mais que pour autant, l'architecte n'était pas associé au projet.

Nous faisons donc face au panorama suivant : France Domaine a répondu à la demande des services de l'Etat, l'opération permet à la SOVAFIM de bénéficier de 6 % de rendement et le Secrétaire général du Gouvernement a résolu ses problèmes immobiliers - heureusement pour l'Etat, d'ailleurs !

Mais désormais, maintenant que les droits ont été transférés à la SOVAFIM, se pose la question de la communication et du pilotage du projet : la SOVAFIM peut-elle véritablement représenter l'Etat, dans la conduite d'un tel projet et alors qu'il s'agit des services du Premier ministre ? Je ne le pense pas, et il me semble que l'on pourrait préconiser au Premier ministre de désigner quelqu'un dans son cabinet ou dans ses services, pour assurer une communication intelligente de l'Etat sur ce projet vis-à-vis de l'extérieur, et notamment des riverains.

M. Philippe Marini, président. - C'est un sujet tout à fait passionnant, monsieur le rapporteur spécial.

Je salue la présence parmi nous de notre collègue Sophie Joissains qui est rapporteur pour avis du programme « Coordination du travail gouvernemental » à la commission des lois.

J'aurais simplement une question supplémentaire : vous nous dîtes, qu'à terme, en fonction du devis réel, de la date réelle de l'achèvement, le loyer annuel s'élèvera à 20 millions d'euros. Comment ce chiffre se compare-t-il par rapport aux loyers actuellement versés par les différents services qui vont être regroupés ? Ce serait intéressant pour savoir si ce sera supportable par le budget de fonctionnement des services du Premier ministre.

En outre la SOVAFIM est certes une structure légère, mais elle peut se doter de moyens, d'études, de conseils très performants. Ce n'est pas parce que ses salariés ne sont pas des fonctionnaires qu'ils sont moins compétents.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Actuellement les loyers s'élèvent à environ 24 millions d'euros. A la fin de l'opération cependant, en 2029, les loyers versés seraient de l'ordre de 3 millions d'euros supérieurs aux loyers actuellement versés, mais cette différence est difficile à estimer dans la mesure où on ne sait pas, pour les loyers actuels, s'ils n'auraient pas également été indexés. De plus, les locaux qui, à terme, reviendront à l'Etat, seront rénovés et, enfin, vous avez bien compris que cette somme englobe les loyers et le financement de l'opération. S'agissant des loyers, je pense qu'à terme le calcul économique est bon. La réduction du nombre d'implantations, de trente-huit à dix-huit sites pourrait permettre de dégager 165 millions d'euros de produits de cession ; j'espère que la valorisation de ces sites sera effectuée d'une autre manière que pour ce bien.

S'agissant de votre appréciation sur la SOVAFIM, monsieur le président, je la partage totalement : c'est une petite structure, j'ai rencontré ses dirigeants. Incontestablement, sa légèreté peut être un signe de compétitivité et de compétences. Je signale simplement à la commission que c'est une petite entreprise et qu'un certain nombre d'interlocuteurs de l'Etat ont été satisfaits de la réalisation de la mission qui lui avait été confiée s'agissant de la Maison de la Francophonie. Pour autant, elle a fait l'objet d'une critique de la Cour des comptes, qui ne porte pas sur son action mais sur l'utilité pour l'Etat d'être propriétaire d'une société comme celle-là, dont on peut se demander s'il n'aurait pas fallu la dissoudre. Cette opération, qui est beaucoup plus importante que celle de l'avenue Bosquet, procure une activité pour trente ans à la SOVAFIM. Pour autant, je partage votre appréciation : c'est une structure légère, et a priori compétitive.

M. Vincent Delahaye. - C'est un dossier qui montre les carences dans la gestion immobilière de l'Etat. Je suis assez effaré de voir un projet dont l'enjeu global est de l'ordre de 500 millions d'euros et dont le précédent Premier ministre n'était pas courant. L'actuel n'a pas l'air non plus d'en prendre le pilotage.

Vous parlez d'un site d'exception, mais à Paris il n'y a que cela ! Il faut donc faire attention avec l'expression « site d'exception » : j'ai eu l'occasion de visiter les bâtiments à plusieurs reprises, ils n'ont rien d'exceptionnel, mais sont bien situés dans Paris...

Ensuite, passer de trente-huit à dix-huit implantations me semble aller dans le sens de la rationalisation. On passe de 17 à 11 mètres carrés par agent, mais par rapport aux 55 000 mètres carrés, si je fais le rapport, j'économise normalement 27 000 mètres carrés, mais il est prévu seulement une diminution de 9 000 mètres carrés ? L'économie de 17 à 11 mètres carrés par agent devrait être beaucoup plus importante. Le ratio de 11 ou 12 mètres carrés par agent est un bon ratio, qui est utilisé par les entreprises. Dès lors, je ne vois pas pourquoi les services de l'Etat ne s'appliqueraient pas.

De plus, je pense qu'on peut trouver des loyers nettement inférieurs à 400 euros par mètres carrés en région parisienne, voire dans certains quartiers de Paris. Aujourd'hui, malgré notre déficit budgétaire colossal, investit 20 millions d'euros par an sur trente ans. Et d'ailleurs, pourquoi 370 millions d'euros d'ouvertures d'autorisations d'engagement ? Ils ne correspondent pas aux loyers pendant trente ans.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Le calcul est effectué sur douze ans, et le loyer est indexé chaque année.

M. Vincent Delahaye. - En tout cas, cette somme me paraît très importante.

Je suis aussi surpris que des procédures d'exception soient permises : il y a beaucoup de règles et de procédures que les collectivités territoriales doivent appliquer et dont les services de l'Etat s'affranchissent.

J'ai donc beaucoup d'interrogations. Je ne mésestime pas les travaux du rapporteur spécial, mais je trouve que sur un projet comme celui-ci, il faudrait disposer d'un pilotage beaucoup plus fin du projet, et notamment quels biens pourront être vendus du fait de sa réalisation.

Ne pourrait-on pas aller ailleurs : à Massy, je connais des bâtiments à 200 euros le mètre carré ! Le Défenseur des droits par exemple, qui nous interpelle souvent, pourrait venir à Massy.

M. Philippe Marini, président. - Il y a quand même une différence entre payer aujourd'hui environ 23 millions d'euros de loyers à des propriétaires privés et, à terme, 20 millions d'euros à une entreprise détenue à 100 % par l'Etat, tout en gardant la propriété du bien. En termes patrimoniaux, ce n'est pas du tout le même équilibre.

M. Jean Germain. - Une première observation, qui revient souvent finalement, sur l'importance des différences d'évaluation entre France Domaine et la vérité du prix du marché. Est-ce que cela peut durer ? Soit on a une structure d'Etat qui évalue correctement les choses, soit on ne peut plus avoir confiance dans cette structure. Pour les collectivités territoriales, une telle appréciation peut interdire tout projet sur un site, tout peut être bloqué et c'est gênant. On me dit que, maintenant, la valeur du terrain sera évaluée lorsque le projet implanté sur ce terrain sera achevé

Qu'un ancien Premier ministre ou un nouveau ne soit pas au courant de ces questions, personnellement, cela ne me choque pas trop car je pense que c'est le Secrétaire général du Gouvernement qui doit suivre ce genre de sujet.

En revanche, le montage est un peu curieux.

M. Philippe Marini, président. - Il est innovant.

M. Jean Germain. - Tout à fait. Mais, comme en matière d'opération chirurgicale, on aime que ce qui est innovant soit également sérieux.

Quant aux compétences de la SOVAFIM, je ne suis pas assez instruit pour répondre à cette question. Je rappelle simplement que la Cour des comptes a demandé la dissolution de cette société, en considérant qu'elle avait été créée pour gérer des friches de Réseau ferré de France et qu'elle n'a pas le volume financier suffisant pour réaliser de grosses opérations. Effectivement, quand on regarde ce qu'a fait la SOVAFIM en dehors de la Maison de la Francophonie, elle a réhabilité d'anciennes maisons d'arrêt et des gendarmeries. Cela lui donne-t-il la compétence pour un tel projet ? Dans un contexte où nous devons être vigilants vis-à-vis des finances publiques, peut-on se lancer dans une telle opération avec tant d'incertitudes ? Poser la question est un peu y répondre.

M. Philippe Marini, président. - Je me permets de rappeler que, s'agissant des finances publiques et du patrimoine public, on reste quand même dans un « univers Etat ». C'est un montage entre l'Etat et lui-même.

M. Jean Germain. - Oui, un montage entre l'Etat et lui-même, par lequel il considère qu'il est nécessaire de faire un partenariat public-privé avec une société publique de droit privé, qui sont des choses qu'on interdirait aux collectivités territoriales.

M. Philippe Marini, président. - Ce n'est pas autre chose qu'une société d'économie mixte et de multiples opérations sont faites par de nombreuses collectivités territoriales avec de telles sociétés d'économie mixte.

M. Jean Germain. - Je ne parlais pas de cela : faire appel à ce genre de société, pour intervenir dans le VIIe arrondissement, lieu où se concentrent d'illustres services de l'Etat, et alors qu'il y a déjà eu par exemple l'histoire de l'auditorium de Paris, me paraît un peu curieux. Personnellement, je suis assez réservé.

M. Roger Karoutchi. - Je remercie le rapporteur spécial de sa présentation, car je me demandais ce que devenait ce bâtiment, que j'ai également bien connu, puisque le ministère de Fadela Amara y avait ses bureaux à un étage.

Nous faisons face, je crois, à un manque de volonté, et que ce soit de la part de la gauche ou de la droite. L'Etat a décidé de vendre des ministères, des bâtiments publics. L'hôtel de Clermont a été estimé par France Domaine à un prix tel que, par définition, il n'y avait aucun client. Les services de France Domaine considèrent qu'il ne faut pas brader les intérêts de l'Etat, mais l'estimation de n'importe quel cabinet privé est inférieure de 20 à 25 % à celle de France Domaine. Après réflexion et face à l'absence de client, l'Hôtel de Clermont a été retiré de la vente. En réalité, très peu d'immeubles d'Etat ayant été des ministères ont été vendus. Je ne dis pas que France Domaine surévalue, mais France Domaine ne veut pas être accusé d'avoir sous-évalué.

Je ne suis pas sûr qu'il faille mettre en cause l'ancien Premier ministre. Le ministre, même dans un petit ministère, n'est pas toujours très informé de ce type de projet.

Dans l'Hôtel de Clermont, un service dépendait directement du Premier ministre, qui était la direction de la communication et devait partir en banlieue. Elle ne l'a jamais fait, et la direction, dans la pratique, n'avait qu'assez peu de liens avec Matignon, situé à 200 mètres. A part la directrice, qui allait à Matignon une fois par semaine, les autres agents ne bougeaient pas.

Aujourd'hui, malheureusement, personne ne porte la responsabilité globale de la vente des bâtiments publics prestigieux.

Sur les 2 300 personnes que l'on va mettre dans ce centre, sincèrement, il y en a quelques-uns seulement qui auront des réunions à Matignon et les autres travailleront sur place mais n'auront pas de lien réel, physique, avec Matignon.

J'ai protesté contre un projet de recentralisation de services de la région, car c'est trop cher et je m'oppose systématiquement à toutes les locations ou achats dans le VIIarrondissement. Il faut certes que les ministres et les cabinets ministériels soient au coeur de Paris, mais que tous les services rattachés se situent dans l'un des quartiers les plus chers de Paris n'est pas utile. Cette opération est coûteuse, et je ne suis pas convaincu de son intérêt.

M. Philippe Marini, président. - En réalité, sur un plan patrimonial, on pourrait se dire : en 2017 et après rénovation, est-ce que l'Etat pourrait revendre cet immeuble à son prix de revient, rénovation comprise ? Si oui, bonne opération. Si non, risque.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Pour répondre à Vincent Delahaye, je n'ai pas dit que le Premier ministre, l'ancien ou le nouveau, se désintéressait de ce projet : mais ce sont en effet les services qui gèrent ce dossier. Ils ont été informés de l'existence de ce dossier et, une fois le feu vert donné, celui-ci relève de la logistique.

S'agissant de la qualification de « site d'exception », les bâtiments en eux-mêmes ne le sont peut-être pas, mais il s'agit des services du Premier ministre. Et cela me permet de répondre à Roger Karoutchi : si l'on souhaite que les services du Premier ministre soient situés à proximité de Matignon, il y a peu d'endroit où 55 000 mètres carrés sont disponibles. Le meilleur moyen de diminuer le loyer serait encore de déménager Matignon !

Sur le passage de 17 à 11 mètres carrés par agent : 55 000 mètres carrés sur les 122 000 mètres carrés des services du Premier ministre seront occupés par le Centre du Gouvernement, le ratio indiqué et qui diminue grâce au projet concerne les seuls services concernés par le déménagement. Grâce au projet, le ratio diminue donc, pour les services concernés par le déménagement, mais les architectes feront face à des difficultés car les couloirs sont particulièrement larges et il sera difficile de faire des plateaux comme dans les bureaux modernes. Les services du Premier ministre entrent en conformité avec la norme de 12 mètres carrés par agent grâce à cette rénovation immobilière.

Concernant l'évaluation de France Domaine, je partage les observations de nos collègues Jean Germain et Roger Karoutchi : les services ne veulent pas brader, mais le résultat est dramatique pour le décideur, quel qu'il soit, puisqu'on aboutit à un écart de 33 % pour des évaluations réalisées à trois mois d'intervalle.

Le montage est curieux. En cas de dérapage, le taux de rentabilité de la SOVAFIM ne serait plus de 6 %. Il s'agit de l'argent de l'Etat et c'est peut-être cela qui a conduit à s'affranchir de la rigueur que vous souhaitez. C'est pour cette raison que je m'interroge sur le devenir de la SOVAFIM, qui s'est vue confier ce projet à point nommé.

Enfin, le manque de volonté évoqué par Roger Karoutchi risque de perdurer avec le pilotage assuré à partir de maintenant par la SOVAFIM. C'est pourquoi je suggère que l'Etat assure le suivi de l'opération, voire la pilote. Car je suis persuadé que la SOVAFIM ne peut assurer le pilotage compte tenu de sa nature : elle a une technicité mais elle n'a pas la compétence pour représenter l'Etat dans le devenir de cette opération.

A l'issue de ce débat, la commission donne acte de sa communication à M. Philippe Dominati, rapporteur spécial et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Pacte de confiance et de responsabilité entre l'Etat et les collectivités territoriales - Audition de M. André Laignel, président du comité des finances locales (CFL)

La commission procède ensuite à l'audition de M. André Laignel, président du comité des finances locales (CFL) sur les propositions du comité des finances locales sur le « Pacte de confiance et de responsabilité entre l'Etat et les collectivités territoriales ».

M. Philippe Marini, président. - Mes chers collègues, nous poursuivons notre réunion en accueillant André Laignel, président du comité des finances locales (CFL).

Je rappelle que le 12 mars dernier, à l'issue de la première conférence des finances locales, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a annoncé le lancement de six chantiers concernant les finances locales, dans la perspective de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2014. Premièrement, comment répartir l'effort de 3 milliards d'euros entre les différents niveaux de collectivités territoriales ? Deuxièmement, qu'en est-il de l'évolution des dépenses contraintes, plus particulièrement celles issues de la prolifération des normes ? Troisièmement, comment évoluent les ressources des différents niveaux de collectivités, et notamment comment permettre aux régions de retrouver davantage d'autonomie fiscale et aux départements de faire face à leurs dépenses contraintes ? Quatrièmement, quelle doit-être l'évolution de la péréquation ? Cinquièmement, qu'en est-il de l'accès au crédit des collectivités à la suite des difficultés de ces dernières années - avec, en filigrane, la question du devenir des crédits alloués par Dexia. Enfin, sixièmement, quel est l'avenir de la contractualisation entre l'Etat et les régions ?

Le CFL a activement participé à cette réflexion. Après de nombreuses réunions du comité et la mise en place de deux groupes de travail dédiés, le CFL a adopté, le 25 juin 2013, vingt-cinq propositions. Vous avez eu connaissance, mes chers collègues, du relevé de décision retraçant ces propositions.

André Laignel va nous rappeler l'approche du CFL.

M. André Laignel, président du comité des finances locales (CFL). - Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, le Premier ministre avait effectivement confié au CFL six chantiers. Celui-ci s'est réuni à douze reprises en moins de trois mois et est arrivé à un large consensus sur vingt-cinq propositions. Pour la première fois, nous avions pour tâche de diminuer les ressources des collectivités territoriales et donc d'organiser la répartition de cette baisse.

Lors de nos travaux, nous avions plusieurs préoccupations. Premièrement, nous ne souhaitions pas utiliser la baisse des dotations pour faire de la péréquation. Ceci impliquait donc un renforcement de la péréquation elle-même, de façon à ce que les injustices ne s'aggravent pas.

S'agissant de la répartition de la baisse des dotations, nous avons souhaité prendre les critères les plus simples possibles : le choix s'est donc porté sur les ressources des différents niveaux de collectivités territoriales. Concernant les communes et les intercommunalités, la baisse des dotations sera de 840 millions d'euros, soit 56 % de l'effort d'économie. Pour les départements, la baisse sera de 476 millions d'euros, soit 32 % de l'effort. S'agissant enfin des régions, la baisse représentera 184 millions d'euros, c'est-à-dire 12 % du montant de la baisse des dotations. Cette répartition, confirmée hier par le Premier ministre, est conforme au scénario retenu par le CFL.

En contrepartie de la répartition « linéaire » de la baisse des dotations, un effort en matière de péréquation horizontale, entre collectivités territoriales, a été souhaité. Il a ainsi été décidé que l'effort de péréquation consenti au titre des dotations de solidarité urbaine (DSU), de dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation nationale de péréquation (DNP) soit le même que celui effectué en 2012, c'est-à-dire en deçà de l'effort exceptionnel de 2013, et ce afin de ne pas trop alourdir les charges des collectivités qui feront face à la fois à la baisse des dotations et aux prélèvements au titre de la péréquation. Cette hausse de la péréquation horizontale représente au total 119 millions d'euros.

En outre, nous avons souhaité conserver le rythme d'évolution du fonds national de péréquation des ressources communales et intercommunales (FPIC) inscrit dans la loi. Celui-ci passera donc de 360 millions d'euros à 570 millions d'euros.

A cela s'ajoute notre souhait d'améliorer la prise en compte de trois paramètres essentiels dans l'évolution de la péréquation. Tout d'abord le niveau du plafond du FPIC doit être relevé, dans la mesure où il aboutit paradoxalement à ce qu'un certain nombre de communes très riches ne soient pas prélevées. Deuxièmement, nous avons souhaité que soient mieux intégrés, d'une part, le revenu par habitant - un effort avait déjà été fait dans la loi de finances pour 2013 - et d'autre part, l'effort fiscal, en partant du principe que les collectivités qui prélèvent peu de fiscalité ne sont pas forcément légitimes à recevoir des aides de leurs voisins.

Notre troisième préoccupation était l'évaluation des charges contraintes des collectivités pour 2014. Au total, celles-ci représenteraient 902 millions d'euros, sans compter la réforme des rythmes scolaires, dont le coût est estimé à 600 millions d'euros en année pleine, soit 100 euros par élève en moyenne.

M. Philippe Dallier. - Cela paraît peu.

M. André Laignel. - Il s'agit d'une moyenne, effectuée sur la base d'une estimation des associations d'élus, dont les grandes lignes ont été validées par l'Etat.

A cela s'ajoutera la revalorisation des fonctionnaires de catégorie C, qui devrait représenter 200 millions d'euros selon le Conseil supérieur de la fonction publique. Enfin, il faudra prendre en compte le coût de la hausse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au 1er janvier 2014. Il reste toutefois une question ouverte concernant le réajustement du taux de remboursement de la TVA pour les investissements. Même si la hausse est compensée par le fonds de compensation de la TVA (FCTVA), il restera néanmoins une charge nette en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, pour lesquelles il n'y a pas de remboursement de TVA.

En 2014, les charges obligatoires des collectivités territoriales devraient donc représenter entre 1,5  et 2 milliards d'euros. Avec la baisse des dotations et en tenant compte de l'inflation, il devrait y avoir une baisse du « pouvoir d'action » des collectivités d'environ 4,5 milliards d'euros en cumulé.

Enfin, je souhaiterais ajouter quelques mots sur le rapport de l'observatoire des finances locales (OFL), présenté le 9 juillet 2013 au CFL par votre collègue Charles Guené qui en est le rapporteur.

En 2012, les dépenses d'équipement ont progressé de 4,2 % pour le bloc communal - ce qui correspond au cycle communal d'investissement - tandis qu'elles ont baissé de 3,1 % dans les départements et de 5,9 % dans les régions. Entre 2009 et 2012, les dépenses d'équipement ont ainsi diminué de 23 % dans les départements et de 29 % dans les régions. J'ai attiré l'attention du Premier ministre et des membres du Gouvernement sur le risque d'une baisse très importante des investissements au lendemain des élections municipales. Nous souhaitons, au sein du CFL, que le Gouvernement réfléchisse à la mise en place d'un dispositif facilitant l'investissement des collectivités territoriales.

En 2012, l'épargne nette a reculé de 6 % pour le bloc communal, de 25,5 % pour les départements et de 10 % pour les régions. Les besoins de financement des collectivités sont passés de 1,5 milliard d'euros en 2011 à 3,1 milliards d'euros en 2012. La baisse de l'épargne nette a donc été compensée soit par la baisse des investissements, soit par de l'emprunt supplémentaire.

Pour tous les niveaux de collectivités confondus, les emprunts ont progressé de 12,5 %. Ils ont augmenté encore plus massivement pour les communes, avec une hausse de 16,5 %. La progression des emprunts est de 5,9 % pour les départements et de 9 % pour les régions. Un tel rythme est peu soutenable dans la durée. Que gagneront les comptes de la nation, si les dotations des collectivités baissent mais que nous sommes obligés de compenser cette baisse par de nouveaux emprunts ?

Enfin, la dette a augmenté de 3,6 % pour le bloc communal, 2 % pour les départements et de 6,1 % pour les régions. Voici, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénateurs, les quelques éléments de réflexion que je souhaitais vous soumettre.

M. François Marc, rapporteur général. - Je remercie André Laignel pour sa présentation des propositions du CFL. En premier lieu, je souhaite vous interroger sur le fonctionnement du CFL. Face aux décisions courageuses du Gouvernement, pouvez-vous nous indiquer si le CFL est parvenu à dégager l'unanimité sur tous les points et quels ont été les sujets qui ont fait débat ?

Deuxièmement, le CFL est-il globalement satisfait des arbitrages du Premier ministre concernant la répartition de la baisse des dotations ?

Enfin, un rapport de l'inspection générale de l'administration et de l'inspection générale des finances plaide pour une modulation de la baisse des dotations en fonction de critères péréquateurs ou pour un renforcement plus conséquent du FPIC. Qu'en pensez-vous ?

M. Philippe Marini, président. - Je souhaiterais ajouter un élément d'information. Le Gouvernement a annoncé hier l'abandon par l'Etat, à due concurrence, des frais de recouvrement des taxes foncières, ce qui représente 830 millions d'euros. Il a également été indiqué que les départements pourraient être autorisés à majorer le niveau des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) - dans le cas où leurs recettes s'éloigneraient trop des niveaux prévus. De mon point de vue, ceci pose un problème de principe, étant donné la situation du marché immobilier. Par ailleurs, il y a une série d'annonces concernant les régions, en raison du problème du financement de la politique de formation.

M. André Laignel. - Je n'avais pas évoqué ces points dans ma présentation car il s'agit d'initiatives du Gouvernement et non du CFL. Je pense que la ministre pourra vous donner plus de détails.

Pour répondre à la question du rapporteur général, je tiens à préciser qu'il n'y a pas eu unanimité du CFL mais un large consensus. En conclusion du compte-rendu du CFL, il a d'ailleurs été indiqué qu'un membre - votre collègue Marie-France Beaufils - avait refusé de s'inscrire dans le débat sur la baisse des dotations. De plus, figure au compte rendu la réserve émise par les représentants des départements, tant qu'ils n'auraient pas connaissance des résultats de la négociation parallèle avec l'Etat s'agissant de leur situation.

Sur le renforcement du FPIC, le débat a été compliqué. Certains étaient en faveur du gel de l'évolution du FPIC et d'autres souhaitaient au contraire aller plus loin que ce que la loi prévoit aujourd'hui. Aller plus loin implique néanmoins que ceci soit soutenable pour les collectivités qui sont dans une meilleure situation financière que d'autres. Mais dès l'instant où l'on relève le plafonnement et que l'on renforce la prise en compte du revenu par habitant et de l'effort fiscal, cela accentue la péréquation. Nous avons essayé de mieux répartir l'effort sans modifier les paramètres fixés dans la loi. Le FPIC augmentera donc de 360 millions d'euros à 570 millions d'euros entre 2013 et 2014, ce qui correspond à un effort non négligeable.

M. Philippe Marini, président. - Il y a de nombreuses demandes de parole. Je commencerai par les rapporteurs spéciaux, Jean Germain et Pierre Jarlier.

M. Jean Germain, rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». - Premièrement, je souhaiterais rappeler qu'à partir du moment où tout le monde a souhaité le maintien de la clause générale de compétences, il ne faut pas s'étonner d'être confronté au problème de la baisse de l'investissement. Quand chaque collectivité dispose d'une compétence, il y a une course aux dépenses de fonctionnement et l'investissement diminue, ce qui est grave pour notre pays. Comme vous le savez, je défends cette position depuis longtemps.

Deuxièmement, l'arbitrage du Premier ministre concernant la péréquation me satisfait. Si la montée en puissance de la péréquation, au nom d'un objectif de justice, se traduit par l'arrêt de l'investissement dans la plupart des collectivités territoriales encore capables d'en faire, le résultat final serait terrible. Je reprends ainsi à mon compte la phrase selon laquelle : « Généralement, les pauvres votent socialiste, mais il ne faudrait pas devenir pauvre en votant socialiste ».

Enfin, j'ai une question au président du CFL concernant le développement des ressources, hors fiscalité et hors taxes, notamment dans le domaine de l'énergie. Quand permettra-t-on aux collectivités territoriales de développer facilement les énergies renouvelables, de les utiliser pour elles-mêmes et de les interconnecter sans être obligées de les revendre à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF). Le moment est venu que nous réfléchissions ensemble sur ce sujet.

M. Pierre Jarlier rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». - Le travail du CFL a été considérable, plus de douze réunions ont eu lieu au printemps. J'ai seulement un regret, celui de ne pas avoir pu mener un travail plus approfondi sur les départements, en raison de ce groupe de travail parallèle sur les dépenses des départements, car nous n'avons pas pu avoir de vision globale.

Les informations communiquées par André Laignel concernant les travaux de l'OFL sont très utiles. On observe bien que la baisse des dotations se traduit par un transfert de dette de l'Etat aux collectivités territoriales. Or il va falloir trouver un moyen de maintenir l'investissement afin de contribuer au redressement du pays.

Les propositions retenues hier par le Gouvernement sont justes et équitables. Le CFL avait été très clair : la diminution des dotations devait être proportionnelle entre chaque groupe de collectivités.

S'agissant de la péréquation, je pense qu'il serait intéressant d'aller au-delà de ce qui a été proposé par le CFL car certaines collectivités seront très affectées par la baisse des dotations. Personnellement, j'étais favorable à la poursuite de la péréquation verticale - sur les parties DSU et DSR - au rythme de l'année 2013 afin de diminuer les écarts de richesse. Je souhaiterais rappeler que, concernant le bloc communal, malgré la péréquation, les écarts de richesse continuent d'augmenter.

Concernant la péréquation horizontale, je pense que la proposition du CFL est équitable. Il convient de mieux tenir compte des fragilités des territoires en retenant le critère du revenu par habitant mais sans le ramener au nombre d'habitants, comme cela avait été fait l'année dernière par l'Assemblée nationale. Je crois qu'il serait préférable d'augmenter la pondération de ce critère de 20 à 25 % d'ici deux à trois ans, afin d'éviter de contraindre les élus à augmenter trop fortement les impôts sur une seule année.

Concernant la possibilité donnée aux départements de majorer les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), je considère qu'il s'agirait d'une double peine : en plus de disposer de moindres ressources, leurs contribuables devront acquitter davantage de droits de mutation. C'est à l'inverse même du principe de la péréquation !

M. Philippe Marini. - Merci de cet éloge que vous adressez à la quadrature du cercle, à laquelle s'assimilent les finances locales.

M. François Patriat. - Je m'interroge sur les incohérences des décisions prises. Il est envisagé d'une part de ramener l'exonération sur les plus-values immobilières à une durée de 30 à 22 ans pour les résidences secondaires, et d'autre part d'augmenter les DMTO. De même, alors que l'apprentissage constitue une priorité, les primes aux employeurs d'apprentis diminuent de 500 millions d'euros pour les collectivités locales, dont 25 millions d'euros pour la région Bourgogne, car un inspecteur général des affaires sociales a mis en cause cette prime. Mais dix autres inspecteurs généraux des affaires sociales reconnaîtront au contraire l'impact positif de celle-ci !

Bien qu'il ne soit pas de bon ton ici de faire pleurer les parlementaires sur le sort des régions, il n'en demeure pas moins que la baisse de l'investissement a eu un impact plus fort sur ces dernières.

Je note que, dans ses propositions, le CFL souhaite qu'à l'avenir il n'y ait plus de transformation d'impôts locaux en dotations, mais les régions n'ont plus que des dotations ! Comme disait Coluche, « je me marre » ! La seule ressource fiscale qu'il reste aux régions est constituée par le produit des cartes grises, qui représente 9 % de nos ressources, mais qui est mis au taquet. Dans le même temps, j'entends dire que les départements bénéficieront de plus de 2 milliards d'euros de ressources nouvelles.

Depuis la réforme de la taxe professionnelle il y a près de deux ans, nous demandons à disposer de ressources nouvelles basées sur nos compétences, et non d'affecter aux régions une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers alors que nous avons une compétence sur les trains !

Avec l'Association des régions de France, j'ai interrogé le Gouvernement pour connaître les ressources nouvelles dont nous pourrions disposer à l'avenir, afin de bénéficier d'une plus grande autonomie. Je demande donc au CFL d'aider les régions à résoudre la quadrature du cercle.

Enfin, j'ai toujours été partisan de la suppression de la clause de compétence générale. On ne peut pas demander aux collectivités de tout faire chaque jour sans leur en donner les moyens.

Mme Marie-France Beaufils. - André Laignel a rappelé l'état d'esprit avec lequel j'avais abordé ces questions au CFL. La réduction des ressources des collectivités locales est utilisée comme outil de redressement des finances publiques. Cette démarche ne me semble pas pertinente pour répondre aux besoins actuels du pays. Je pense qu'il existe d'autres moyens d'accroître les ressources du budget de l'Etat, comme le montrent les travaux en cours sur l'évasion fiscale. Je n'ai donc pas voulu participer aux choix élaborés par le CFL, même si j'ai exprimé mon point de vue à certains moments.

Je veux dire mon inquiétude sur la baisse actuelle de l'épargne nette des collectivités locales. Si on veut maintenir les programmes d'investissement, il faudra recourir davantage à l'emprunt, ce qui n'est pas cohérent par rapport à l'objectif d'équilibre des finances publiques. Nous savons pourtant que les investissements sur nos territoires permettent de maintenir des activités économiques de proximité, non délocalisables, ce qui apporte des recettes supplémentaires au budget de l'Etat.

Par ailleurs, la réforme de la taxe professionnelle a eu un impact fort sur les recettes des territoires industriels, ce qui aura des conséquences sur les réponses qu'ils apportent aux populations, qui sont souvent les plus fragiles.

André Laignel a-t-il reçu une réponse quant à la possibilité d'un lissage sur trois ans de la baisse des dotations ?

M. Éric Doligé. - J'observe que les présidents des grandes associations nationales sont satisfaits de tout, alors qu'il y a moins de deux ans, ils n'avaient pas de mots assez durs contre une possible baisse des dotations. Cette réduction s'élèvera pourtant au total à 4,5 milliards d'euros. Or, le relevé des conclusions de la réunion qui s'est tenue le 16 juillet dernier à l'hôtel Matignon fait part d'une relative satisfaction.

Les départements obtiennent 2,5 milliards d'euros par le déblocage du plafond du taux applicable aux DMTO, présenté comme des ressources nouvelles. Mais c'est se moquer du monde ! Si tel est le cas, il suffit de tout déplafonner pour affirmer que les ressources nouvelles augmenteront de 150 milliards d'euros !

Le président du CFL a évoqué des critères linéaires pour la répartition de la baisse de 1,5 milliard d'euros, dont 476 millions d'euros pour les départements, en observant qu'il n'est pas opéré de péréquation. Mais aujourd'hui, tout le monde opère une péréquation sur une autre péréquation ! C'est devenu un sport national dès lors que des difficultés apparaissent ! Au final, la péréquation n'a plus aucun sens.

S'agissant de la baisse à hauteur de 476 millions d'euros de la dotation des départements, il y a bien une péréquation qui s'opère puisque seulement la moitié des départements sont mis à contribution.

Il a été évoqué la prise en compte du revenu par habitant, mais les ressources des collectivités locales ne sont pas forcément proportionnelles au revenu par habitant. Les collectivités locales ont également des passifs et d'autres engagements. Certaines d'entre elles se retrouveront en difficulté et il faudra faire une nouvelle péréquation.

S'agissant de la compétence générale, je sais que tout le monde n'est pas d'accord sur ce sujet. Il faudra trouver un autre principe que la compétence générale qui conduit à ce que chaque collectivité fasse tout, ce qui est facteur de complexité.

Il n'y a pas lieu de se satisfaire de la baisse des dotations. La conséquence en sera l'augmentation des impôts et des difficultés considérables en matière d'investissement.

M. Joël Bourdin. - Je souhaite présenter deux observations et formuler une question.

Ma première observation est tirée des travaux, de grande qualité, de l'Observatoire des finances locales. L'épargne nette commence à diminuer à partir de 2012 et cette baisse est appelée à se poursuivre. Ce retournement est historique, car l'épargne nette n'avait cessé de croître. Les collectivités territoriales auront des difficultés de plus en plus grandes à financer des investissements et devront recourir à l'emprunt. Après la fin du cycle électoral, la reprise de l'investissement se traduira par une augmentation de leurs emprunts à partir de 2015.

Ma deuxième observation porte sur la prise en compte du critère du revenu par habitant pour la péréquation. Je souhaiterais que soit pris en compte le revenu médian et non le revenu moyen, car la présence d'un contribuable très riche dans une commune peut tirer la moyenne vers le haut.

Ma question est relative à l'effet des diminutions de recettes sur les différentes catégories de collectivités locales. Le bloc communal devient un ensemble très hétérogène, qui intègre également les intercommunalités. Étant attaché au mécanisme des dotations de solidarité urbaine (DSU) et rurale (DSR), je crains que le développement des intercommunalités et l'extension de leurs compétences ne conduise à une augmentation de la dotation d'intercommunalité et donc à un ajustement au détriment de la DSU et de la DSR.

M. Philippe Adnot. - Le président Laignel a bien fait de modérer l'unanimité qu'il avait affichée au départ.

M. André Laignel. - Ah non, jamais !

M. Philippe Adnot. - Car plus que des réserves, c'est une opposition qui a été exprimée par les départements face à une baisse des moyens. Les départements avaient d'autant plus de raisons d'être opposés à un prélèvement de 500 millions d'euros sur leurs ressources qu'ils doivent faire face à des dépenses sociales obligatoires.

Ceux qui croient que les difficultés viennent de la clause de compétence générale se trompent. Cette clause permet de prendre des initiatives. Mais quand le Premier ministre annonce une augmentation du RSA de 10 %, dont il précise qu'elle sera compensée, avant de faire savoir que cette compensation portera sur les DMTO, c'est se moquer du monde ! Le problème ne provient pas de la clause de compétence générale, qui donne la liberté de faire ou de ne pas faire, mais de l'impossibilité de financer certaines dépenses.

Seuls les départements doivent faire face à des dépenses obligatoires en matière sociale, et chaque jour de nouvelles dépenses apparaissent. L'Etat vient de décider de mettre à la charge des départements les dépenses informatiques des collèges. Certains maires doivent faire 60 kilomètres en voiture et perdre une demi-journée pour disposer de leur enveloppe budgétaire, parce que les préfectures n'ont plus les moyens d'envoyer des courriers ! L'Etat vient également de décider d'augmenter les vacations pour les sapeurs-pompiers : il s'agit d'une dépense obligatoire non compensée. Il faut cesser d'augmenter quotidiennement la dépense si l'on veut maîtriser nos déficits publics.

Cette situation a une conséquence sur les financements croisés. Pour ma part, j'ai été sollicité par le préfet de région pour cofinancer des investissements dans les gares pour les handicapés et j'ai répondu que l'aménagement des gares ne figurait pas dans les compétences des départements.

Je souhaite toutefois annoncer une bonne nouvelle : suite à une réunion la semaine dernière de la Commission consultative sur l'évaluation des charges, le Gouvernement est revenu sur sa décision de supprimer le dispositif d'emplois aidés dans les collèges et les lycées, auquel il contribue à hauteur de 70 % : non seulement ces emplois aidés perdureront mais la participation à hauteur de 70 % est maintenue. Il s'agit d'un beau résultat obtenu par la Commission consultative sur l'évaluation des charges.

M. Charles Guené. - Après avoir participé aux douze réunions du CFL, je souscris aux propos du président Laignel en ce qui concerne la péréquation. Pour reprendre une expression chère au président de notre commission des finances, on a essayé de faire en sorte que le système soit soutenable.

Je m'interroge toutefois, s'agissant du FPIC, sur la prise en compte du critère d'effort fiscal qui conduit à une exclusion totale de la péréquation dès lors qu'un seuil est atteint. Fixer ce critère à 1 présente des difficultés, en créant un effet de seuil et en conduisant à un prélèvement sur un nombre réduit de collectivités. Il me semble nécessaire que ce critère, comme c'est le cas pour d'autres critères, soit un critère pondéré et non un critère d'exclusion.

Je rappelle que les départements n'ont pas voulu que le CFL s'occupe d'eux dans la mesure où une négociation était ouverte directement avec les services du Premier ministre.

S'agissant des régions, nous avions identifié quatre pistes : le numérique, les autoroutes, le transport interstitiel et les taxes d'urbanisme. Or, celles-ci n'apparaissent plus dans les solutions proposées, ce qui est un peu frustrant. Par ailleurs, en réalisant cet exercice, nous avons observé la difficulté d'affecter des impôts à certaines compétences, surtout au regard des disparités de potentiel fiscal entre régions. Certaines ont des autoroutes, d'autres ont développé du numérique. Il apparaît donc nécessaire de rechercher d'autres ressources.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - N'étant pas président de conseil général, je ne peux pas être soupçonnée de pratiquer du lobbying. Je n'en suis pas moins attachée au principe d'autonomie fiscale, et je me félicite que le relevé de conclusions du CFL précise que l'autonomie fiscale doit être préservée.

La décision récente du Gouvernement sur les DMTO m'apparaît comme une atteinte à l'autonomie fiscale des départements. Le CFL partage-t-il mon analyse ? S'il a des arguments contraires, je les entendrai.

Vous avez rappelé que les transferts de compétences aux collectivités territoriales doivent donner lieu à une compensation intégrale, conformément à un principe constitutionnel. Or, les nouveaux niveaux de collectivités, comme les métropoles, sont financés sur le pot commun. Il ne faut donc pas seulement évoquer la diminution de nos dotations, mais aussi s'insurger contre ce transfert de compétences sans financement ! Je souhaiterais que le CFL le proclame plus fortement. Personne ne le dit, mais je le souligne !

M. Yannick Botrel. - Le Gouvernement et les collectivités locales sont engagés dans un nécessaire effort de redressement des finances publiques, et je ne trouve pas illogique que les collectivités y prennent leur part. Nous prenons acte de la baisse des dotations, même si l'on peut s'en désoler. Je salue l'effort de péréquation qui est recherché, notamment à travers la prise en compte de l'effort fiscal car il existe une disparité de comportements entre les territoires et on ne peut demander aux autres de faire les efforts que l'on refuse soi-même d'accomplir.

Un point, évoqué par André  Laignel, me désole cependant. Il s'agit des charges contraintes. L'aménagement des rythmes scolaires illustre cette tendance de l'effort accru demandé aux collectivités. Il faut aussi tenir compte des effets du « Grenelle II » : non seulement les coûts d'un plan local d'urbanisme ont flambé, mais des effets indirects ont été engendrés par le recours quasi-obligatoire des collectivités à un avocat pour couvrir les risques contentieux. Ces charges contraintes ont-elles pu être évoquées dans les travaux du CFL ?

Je voudrais rassurer Jean Germain sur la clause de compétence générale, dont je ne suis pas un fanatique. J'ai tendance à penser qu'elle va s'appliquer avec parcimonie et que chaque collectivité, qu'il y ait ou non clause de compétence générale, va se replier sur son champ clos. Cette tendance est constatée aujourd'hui. J'observe d'ores et déjà que les conseils généraux, ce que je comprends, se désengagent des politiques de solidarité territoriale qui leur incombaient jusqu'à présent.

M. Francis Delattre. - Heureusement que nos collègues Philippe Adnot et Marie-France Beaufils siègent au CFL ! Car j'estime que nous avons déjà atteint l'insoutenable.

En réalité, qui paye l'essentiel du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales ? Ce sont nos villes de banlieue parisienne et de banlieue lyonnaise. Nous sommes pris au piège.

Normalement, la péréquation devrait être l'affaire de l'Etat. Or aujourd'hui, pour la péréquation du bloc communal, ce sont les collectivités qui doivent décider entre elles. On organise leur division ! Le ministère de l'économie et des finances doit s'en réjouir. De plus, nous avons perdu la visibilité que nous apportait la programmation sur trois ans. Ceux qui s'y retrouvent s'accommodent du système, mais les problèmes de fond demeurent.

Les revenus ne sont pas identiques dans le Cantal et le Val-d'Oise. En région parisienne, c'est le revenu réel qui doit être pris en compte en déduisant les dépenses de transport et de logement. Il n'est pas normal que des collectivités territoriales comme les nôtres soient les principaux financeurs de la péréquation horizontale. Avant, il existait une force de proposition parlementaire, aujourd'hui nous n'avons plus voix au chapitre.

Ma seule question est de savoir combien le relèvement du plafond des DMTO rapportera.

M. Philippe Marini, président. - La présente audition durant un peu plus longtemps que prévu, nous avons le plaisir d'accueillir Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Madame le ministre, je vous propose d'entendre les réponses d'André Laignel aux questions de la commission puis d'enchaîner avec votre audition.

M. André Laignel  - Merci pour toutes ces questions. Je répondrai tout d'abord à Jean Germain qui a évoqué une problématique générale : en tant que président du CFL, je n'ai pas à commenter la clause de compétence générale. Concernant les ressources nouvelles des collectivités locales, ces dernières doivent en effet en chercher même si ce n'est pas forcément simple. Moi-même en tant que maire de ma commune, j'ai trouvé des solutions via un montage avec une société d'économie mixte (SEM) dans le domaine des énergies renouvelables, par exemple. Beaucoup d'élus font preuve d'imagination pour diversifier les ressources de leurs collectivités.

Comme Pierre Jarlier, j'ai regretté la création du groupe de réflexion parallèle concernant les départements et le fait que nous ne puissions pas mettre en débat ce qui était prévu pour les départements. Mais je respecte le souhait de l'Association des départements de France (ADF), et c'est pourquoi je n'ai pas commenté les propositions s'agissant des départements, sauf sur un point : le souhait des présidents de conseils généraux que la baisse de leurs ressources soit modulée par la prise en compte du critère du revenu par habitant.

Concernant la DSU/DSR et la DNP, nous avons précisé que ce qui a été finalement été retenu l'avait été à minima et je vous renvoie à nos débats au sein du CFL ; s'il le souhaite, il appartient au Parlement de modifier ces propositions.

A propos de l'évolution de la pondération du critère du revenu par habitant dans le calcul de l'indice synthétique intervenant dans les règles de répartition du FPIC, je peux vous donner ma position personnelle : je suis favorable à une pondération à hauteur de 30 %. Le CFL pour sa part s'est prononcé pour 25 %. Par ailleurs, personnellement, je pense qu'il conviendrait de prendre en compte non pas le revenu moyen mais le revenu médian.

François Patriat a évoqué les ressources des régions : aucun des points évoqués par le Premier Ministre ne figurait dans les propositions du CFL. Le Comité avait avancé quatre pistes fiscales mais aucune n'a été retenue pour redonner de l'autonomie fiscale aux régions.

Je suis d'accord avec Marie-France Beaufils : la baisse des ressources doit être considérée comme ayant un caractère exceptionnel. Je l'ai répété hier au Premier ministre.

Le lissage de cette baisse de trois milliards d'euros sur trois ans a été évoqué mais aucune réponse n'a été apportée pour l'instant.

S'agissant de votre observation sur les territoires industriels, le CFL a en revanche été suivi par le Gouvernement. Je pense que Madame la ministre pourra détailler ce point.

Sur le « dilemme » entre l'emprunt et l'investissement, le cumul de la baisse des ressources pour un montant d'1,5 milliard d'euros, de la hausse des charges et de l'augmentation de l'inflation conduit à une réduction brutale de l'investissement. Je pense que le résultat sera négatif pour l'Etat. Aussi le Gouvernement doit-il réfléchir à un dispositif spécifique visant à encourager l'investissement.

Si, pour maintenir l'investissement, on doit emprunter 1,5 milliard d'euros, les comptes de la nation n'y auront rien gagné. Il s'agira juste d'un transfert entre l'Etat et les collectivités locales.

S'agissant de la baisse péréquée, il s'agit bien de cela pour les seuls départements

Pour redonner une autonomie fiscale aux régions, les propositions du CFL portaient sur quatre pistes fiscales.

Joël Bourdin a raison de remarquer que la baisse de l'épargne nette touche tous les niveaux de collectivités. C'est d'ailleurs une nouveauté, qui s'explique, comme le montre le rapport de l'Observatoire des finances locales, par une autre nouveauté : désormais même le bloc communal subit l'effet de ciseaux. En effet, il voit, pour la première fois en 2012, ses ressources ordinaires augmenter moins vite que ses dépenses ordinaires.

S'agissant du niveau des emprunts, je rappelle que pour maintenir l'investissement à son niveau alors que l'épargne est en baisse, il faut augmenter soit l'emprunt, soit l'impôt. A ceux qui ont déjà fait un effort fiscal important, il ne reste plus que la solution de l'emprunt.

L'interrogation de Marie-Hélène des Esgaulx sur le financement de l'intercommunalité est importante. J'ai demandé à la direction générale des collectivités locales (DGCL) un chiffrage de l'évolution de son financement. Le CFL ne s'est pas saisi de cette question car le débat parlementaire n'est pas terminé. Nous ne savons pas encore combien il y aura de nouvelles communautés urbaines et de nouvelles métropoles. Le chiffrage dépend de la réponse apportée à cette question. Si l'enveloppe de financement est fermée et que les métropoles et les communautés urbaines se multiplient, ce sont essentiellement les autres intercommunalités, c'est-à-dire les communautés d'agglomération et les communautés de communes, qui paieront. C'est une vraie préoccupation du CFL.

Pour la DSU/DSR et la DNP, le système a changé : leur hausse est fixée indépendamment de l'évolution de la dotation de base. La croissance de la dotation d'intercommunalité pèsera donc sur les variables d'ajustement, mais pas sur la péréquation.

Philippe  Adnot a critiqué la contribution demandée aux départements. En tant que président du CFL, je n'ai pas de commentaire.

Charles  Guéné s'est interrogé sur les DMTO. J'ai rappelé hier que les DMTO concernent les départements mais aussi les communes : 30 % des produits reviennent aux communes, soit environ 2 milliards d'euros. J'ai donc voulu savoir ce qui était prévu pour la part communale des DMTO.

Marie-Hélène  des Esgaulx a estimé que cette disposition entrainait un recul de l'autonomie fiscale. Pourtant, c'est le contraire puisque les départements auront la possibilité de moduler le taux.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Si ! Car c'est un transfert de plus sur l'impôt...

M. André Laignel - C'est une ouverture de liberté, donc cela donne, techniquement, des marges d'autonomie fiscale en plus.

Yannick  Botrel, vous avez évoqué les charges et les normes. Le Gouvernement a proposé un volet riche de mesures dans ce domaine, en allant dans le sens d'une limitation des dépenses contraintes, notamment grâce à la mise en place d'un véritable moratoire. Espérons que ces mesures soient efficaces.

Francis  Delattre, en tant que président du CFL, je ne partage pas votre position sur la péréquation. S'agissant du montant que rapportera la possibilité de relever le plafond des DMTO, je ne peux pas vous répondre.

M. Philippe Marini, président. - Merci beaucoup Monsieur le président. Nous allons maintenant procéder à l'audition d'Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation.

Pacte de confiance et de responsabilité entre l'Etat et les collectivités territoriales - Audition de Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation

La commission procède enfin à l'audition de Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation, sur le « Pacte de confiance et de responsabilité entre l'Etat et les collectivités territoriales ».

M. Philippe Marini, président. - Madame la ministre, il paraît utile que vous puissiez nous apporter toutes informations utiles sur les annonces faites hier par le Premier ministre.

Parmi ces annonces, je relève d'ailleurs des dispositions astucieuses, dont notamment la substitution à la dotation générale de décentralisation des 600 millions d'euros de frais de gestion de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui permet, sans augmenter les ressources des régions, d'afficher une amélioration de leur autonomie fiscale.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. - J'ai le plaisir ce matin de vous présenter les conclusions du long travail de consultation et de concertation des élus, décidé le 5 octobre 2012 à l'issue des états généraux de la démocratie territoriale. Il s'agit d'un pacte de confiance et de responsabilité ; les deux mots ont un sens. La confiance, parce que le Gouvernement veille au redressement des finances publiques. La responsabilité parce que lors de la première réunion de la conférence des finances locales, le 12 mars 2013, l'ensemble des associations d'élus se sont engagées sur la maîtrise des dépenses et l'effort de redressement. Ce pacte a été présenté hier.

A propos du groupe de travail sur les départements, le Président de la République s'est engagé en 2012 sur la couverture de l'écart entre la progression des dépenses liées aux trois allocations (le revenu de solidarité active, la prestation de compensation du handicap et l'allocation personnalisée d'autonomie) gérées par les départements et leurs ressources. L'objectif est de parvenir à une couverture pérenne et stable.

Aujourd'hui les départements sont d'accord pour ne plus parler du passé et des 4,6 à 5,8 milliards d'euros de reste à charge. Mais il convient de leur octroyer une ressource pour couvrir cet écart pour le futur. Le Gouvernement propose de leur attribuer les 830 millions d'euros perçus sur les frais de gestion relatifs aux taxes foncières et de leur permettre de relever le plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 3,8 % à 4,5 %, sur les années 2014 et 2015.

Il s'agit de couvrir l'ensemble de l'écart, y compris la part résultant du relèvement du revenu de solidarité active (RSA). Je le précise pour faire écho aux propos de Marie-Hélène Des Esgaulx lors de l'audition, il y a quelques minutes, du président du Comité des finances locales. Les trois allocations seront couvertes entièrement, la compensation sera intégrale.

S'agissant de la baisse des dotations, le Gouvernement propose une base égalitaire et proportionnelle aux recettes des collectivités locales, ce qui conduit à une diminution de 840 millions d'euros pour les communes, de 476 millions d'euros pour les départements et de 184 millions d'euros pour les régions.

Aucun groupe de travail n'a été mis en place pour les régions, mais les négociations ont été régulières avec elles. Elles retrouveront des ressources fiscales dynamiques en remplacement de dotations, ce qui, à terme, améliorera leur situation. Il s'agit, d'une part des 800 millions d'euros de dotation en provenance du compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » qui seront remplacés par une nouvelle taxe d'apprentissage dynamique, dont les modalités devront être discutées dans le cadre de la réforme et, d'autre part, des 900 millions d'euros de la dotation générale de décentralisation qui seront remplacés par 600 millions d'euros provenant des frais de gestion de la collecte de la CVAE et par 300 millions d'euros au titre de la « taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) garantie ».

Du côté des communes et des départements, les interlocuteurs se sont montrés satisfaits. Les régions se sont inquiétées. Il faut encore retravailler les conditions de réforme de la taxe d'apprentissage.

M. François Marc, rapporteur général. - Je remercie la ministre pour le complément d'information qu'elle nous a apporté après la présentation du président du CFL. Ayant pour ma part assisté à la conférence des finances locales qui s'est tenue hier, je dispose déjà de la plupart des éléments, mais je souhaitais faire deux observations.

D'une part, j'ai entendu certains collègues exprimer leurs réserves sur la poursuite de l'augmentation de la péréquation. Mais je tiens à souligner que c'est une véritable nécessité pour garantir l'égalité entre les territoires.

D'autre part, j'appelle de mes voeux une véritable refonte de la dotation globale de fonctionnement dont les critères de répartition sont vieillissants. Les différences de dotation par habitant d'une strate à l'autre de collectivités suscitent une grande incompréhension chez certains élus.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». - Le travail qui a été mené par le CFL pour arriver à ce pacte de confiance et de responsabilité était très délicat, puisqu'il s'agissait de diminuer les dotations. Je veux témoigner ici de la qualité de la concertation qui a été menée. Je pense qu'elle était indispensable pour restaurer la confiance.

Certains départements sont satisfaits de bénéficier du transfert de la ressource fiscale correspondant aux frais de gestion de la taxe foncière et de la possibilité de relever le plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Je crois cependant que ce dernier point nécessite de revoir les dispositifs de péréquation départementale. Les départements les moins aisés subissent une double peine : ils ne disposent que d'un faible produit au titre de cette imposition et ils ne pourront pas relever les taux sans mettre excessivement à contribution leurs habitants, qui sont aussi les plus fragiles. Le Gouvernement compte-t-il revenir sur le fonctionnement du fonds de péréquation des DMTO, dont la modification l'automne dernier avait fait tant de bruit au Sénat ?

D'autre part, pour que la péréquation soit juste il faut qu'elle se fonde sur des critères justes. Or les modalités de calcul du potentiel financier des départements sont profondément injustes. J'ai d'ailleurs déposé une proposition de loi pour résoudre ce problème. Le Gouvernement envisage-t-il de revenir sur ce critère ?

Enfin, je crois qu'il faut veiller à ce que la création des métropoles ne pèse pas sur les dotations des autres collectivités. De même, le fonds destiné à aider les collectivités ayant contracté des emprunts toxiques ne doit pas être alimenté par un prélèvement sur les autres collectivités.

Mme Anne-Marie Escoffier. - Je partage votre préoccupation de maintenir la progression de la péréquation comme celle de revoir la péréquation départementale. L'Assemblée des départements de France (ADF) a travaillé sur une nouvelle définition du potentiel financier, que mes services sont en train d'expertiser.

Le Gouvernement est tout à fait conscient de l'impact que pourrait avoir la création des métropoles. Il s'était engagé lors des débats à ce que la transformation des communautés d'agglomération en communautés urbaines soit réalisée à enveloppe constante. Il faut y réfléchir pour les métropoles.

Concernant les emprunts toxiques, le pacte comprend des informations précises sur le fonds qui va être mis en place pour soulager les collectivités concernées, après de longues négociations avec Bercy, le secteur bancaire et les collectivités. Le Gouvernement va faire en sorte que des ressources importantes soient disponibles, de l'ordre de 100 millions d'euros par an. De même, des dispositions législatives ont été adoptées pour empêcher que ces erreurs se reproduisent.

M. Jean Germain, rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». - L'accord intervenu au CFL sur une évolution maîtrisée de la péréquation verticale est un bon accord. Car dans notre pays, il y a un problème de justice, mais aussi un problème de croissance. Il faut que les communautés d'agglomération et les communautés urbaines puissent continuer à investir.

L'idée proposée par le CFL de lisser sur trois ans la baisse des dotations sera-t-elle retenue par le Gouvernement ? Et pouvez-vous nous détailler en quoi consisterait le « choc de simplification » en matière de normes applicables aux collectivités ?

Enfin, concernant les métropoles, je m'étais exprimé en tant que rapporteur pour avis sur le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles pour que ce soit l'Etat qui finance le coût de ce projet, comme il entendait le faire dans son projet initial pour la métropole de Paris, qui n'est pas le territoire le plus pauvre de la République.

L'abaissement du seuil de création des communautés urbaines était une nécessité. Il est absurde de voir des communautés urbaines de 60 000 habitants quand on empêche des communautés d'agglomération de 300 000 habitants d'accéder à ce statut. En revanche, il faut que ces changements se fassent à enveloppe constante.

M. François Patriat. - Madame la ministre, vous nous avez rappelé l'effort de concertation qui a été mené pour aboutir à ce pacte de confiance et de responsabilité. En revanche, c'est par une fuite que j'ai appris que l'Etat envisageait de supprimer la prime aux employeurs d'apprentis, qui représente tout de même 800 millions d'euros par an ! Vous nous parlez d'une réforme de la taxe d'apprentissage, mais je ne vois pas comment elle pourrait compenser une perte aussi importante. Cela va nuire à l'apprentissage, que nous nous efforçons par ailleurs de développer !

Enfin, cela fait longtemps que les régions sollicitent le Gouvernement pour disposer de ressources nouvelles et je souscrits à l'idée de s'intéresser à la production d'énergie, comme l'a évoqué tout à l'heure notre collègue Jean Germain pendant l'audition du président Laignel. Et je regrette justement que les régions ne profitent pas du déploiement des éoliennes, qui bénéficie au bloc communal et aux départements, alors que ce sont les régions qui portent ces projets !

M. François Fortassin. - On ne peut que souscrire à la participation des collectivités au redressement des finances publiques à travers la baisse de leurs dotations. Cela rend cependant nécessaire une forte péréquation, sur le principe de laquelle tout le monde est favorable, mais dont la mise en oeuvre est plus difficile. La diminution des dotations proportionnelle aux recettes ne prend pas en compte les difficultés de chaque territoire. Que va faire le Gouvernement pour rendre la baisse supportable aux communes les plus pauvres ? Nous nous souvenons encore des mauvaises manières qui ont été faites par l'Assemblée nationale aux communes rurales sur le fonds de péréquation des DMTO.

M. Yvon Collin. - Je m'interroge pour ma part sur l'efficience du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), destiné à corriger les déséquilibres attendus de la réforme de la fiscalité locale. Le fait que ces prélèvements et reversements soient figés ne prend pas en compte le dynamisme des ressources. Ne faut-il pas revenir là-dessus ou au moins apporter quelques corrections ?

Par ailleurs, avez-vous le sentiment que le maintien de la clause de compétence générale entraîne des effets pervers concernant les finances locales ?

Présidence de M. Yvon Collin, vice président

M. Éric Doligé. - Je félicite la ministre pour la façon dont elle a enjolivé ce pacte de confiance et de responsabilité qui, rappelons-le, diminue de 4,5 milliards d'euros les dotations des collectivités ! Le Président du CFL y ajoutait tout à l'heure le coût des mesures nouvelles - 1,5 milliard d'euros en 2014 - et le coût de l'inflation - encore 1,5 milliard d'euros. Sans parler des dépenses que l'on nous transfère, que ce soient les équipements informatiques des collèges ou la réforme des rythmes scolaires !

Certains collègues ont eu le sentiment que les départements faisaient bande à part, avec la mise en place du groupe de travail Etat-Départements. Mais je rappelle qu'il s'agissait d'un engagement du Président de la République, pris le 22 octobre dernier, pour tenir compte du fait que ce niveau de collectivité est soumis à un fort effet ciseau entre l'évolution de ses recettes et de ses dépenses. Le montant du reste à charge pour les départements a été estimé par le groupe de travail entre 4,6 et 5,8 milliards d'euros ; nous nous sommes finalement accordés sur le montant de 4,8 milliards d'euros par an.

Or on nous annonce que les départements vont bénéficier de 2 milliards d'euros de ressources supplémentaires. Le compte n'y est donc pas ! Et ce ne sont pas de vraies ressources supplémentaires : on nous autorise à augmenter les impôts de 1,3 milliard d'euros, ce n'est pas la même chose. Si on nous avait permis d'augmenter les impôts de 20 milliards d'euros auriez-vous prétendu que l'Etat nous accordait 20 milliards ? Cette recette supplémentaire pourrait en outre être péréquée. Je ne vois pas l'intérêt d'augmenter ses impôts si c'est pour en donner le produit au voisin. Il en sera de même pour les 830 millions provenant des frais de gestion de la taxe foncière. Tout le monde fait de la péréquation ! Sauf le département de la Seine, qui va s'extraire de la péréquation nationale, et ce sont les départements les plus fragiles qui vont devoir le supporter.

L'Etat n'augmente donc pas sa participation au financement des allocations de solidarité, qui sont pourtant d'intérêt national.

Vous nous annoncez également un choc de simplification. Mais depuis son annonce, sur le terrain, je constate que l'administration déconcentrée, et notamment les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement ou les directions régionales des affaires culturelles, se fait un plaisir d'appliquer les réglementations de la façon la plus tatillonne possible. La circulaire invitant à une lecture souple des règlementations n'est pas appliquée. Même les préfets le reconnaissent et disent qu'ils n'ont pas d'autorité sur ces services ! Et tous nos dossiers se retrouvent bloqués. Or cela ne coûterait pas cher à l'Etat de tenir ses fonctionnaires.

Les départements sont sous perfusion et vous venez de débrancher la machine ! Un jour nous vous rendrons les clés de la maison et nous verrons comment vous vous en sortirez... Voilà les remarques que je souhaitais faire, à titre tout à fait amical.

M. Charles Guené. - Les points que souhaitais aborder ont déjà été soulevés par mes collègues, je me limiterai donc à une question : la baisse de 476 millions d'euros des dotations pour les départements sera-t-elle péréquée ?

M. Dominique de Legge. - Un pacte de confiance implique le respect de la parole donnée. Après les annonces du chef de l'Etat lors de son allocution du 14 juillet, peut-on encore considérer qu'il maintiendra sa parole de ne plus augmenter les impôts ?

Je rappelle qu'il n'y a pas un contribuable local et un contribuable national, mais bien un seul et même contribuable. Or, Madame la ministre, vous incitez les départements à augmenter la fiscalité locale, pour financer une dépense de solidarité nationale.

Mme Marie-France Beaufils. - Je rappellerai à mon collègue Dominique de Legge qu'un précédent Gouvernement dont il partagerait l'orientation nous disait que, lorsque les collectivités voudraient augmenter les impôts locaux, elles auraient à l'assumer devant leurs citoyens.

André Laignel nous a indiqué tout à l'heure que l'épargne nette des collectivités était en baisse en 2012, y compris et pour la première fois dans le bloc communal. Ce qui signifie que les collectivités vont devoir recourir davantage à l'emprunt ou diminuer leurs investissements.

Or cette baisse pèsera sur les recettes de l'Etat car les investissements des collectivités maintiennent l'emploi localement. Si je suis contre la baisse des dotations, c'est parce qu'elle est contradictoire avec l'objectif affiché.

S'agissant des territoires industriels, le rapport de la mission commune d'information sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle, que vous présidiez lorsque vous étiez encore sénatrice, avait souligné l'impact négatif qu'elle avait pour ces territoires. Les propositions du pacte me semblent insuffisantes pour résoudre ce problème, alors même que les habitants de ces territoires sont souvent parmi les plus fragiles. La conséquence est un affaiblissement des services publics dont ils bénéficient.

M. Jean-Claude Frécon. - Je faisais partie du conseil d'administration de l'établissement public de réalisation de défaisance qui gérait le soutien financier de l'État aux deux défaisances successives du comptoir des entrepreneurs et la commission des finances m'a récemment nommé au conseil d'administration de l'établissement public de financement et de restructuration qui fait le même travail sur la défaisance du Crédit lyonnais. Je connais donc bien cette problématique de la défaisance, de laquelle, au fond, on se rapproche avec le mécanisme mis en place sur les emprunts toxiques contractés par les collectivités.

A ce titre, j'approuve la proposition du Gouvernement pour la résolution de ce problème. Il ne faut pas qu'on le traîne pendant vingt ans.

Mme Anne-Marie Escoffier. - Je souhaitais souscrire aux remarques de Jean Germain sur l'accord intervenu au CFL sur l'évolution de la péréquation. Il montre la volonté du Gouvernement de maintenir la capacité d'investissement des collectivités. Le Gouvernement a également oeuvré pour garantir leur accès au crédit. Je pense notamment à l'enveloppe de 20 milliards d'euros ouverte par la Caisse des dépôts et consignations ou à la mise en place de la nouvelle banque de financement des collectivités. La Banque postale a ouvert son réseau local, qui permettra notamment de financer les petites collectivités.

Concernant l'idée d'un lissage sur trois ans de la baisse des dotations, elle a été soumise au Premier ministre qui ne s'est pas exprimé dessus. A ce stade, nous en restons donc à une baisse répartie sur deux ans. Je rappelle cependant que le Gouvernement précédent envisageait une diminution de 10 milliards d'euros.

S'agissant du choc de simplification, je salue Éric Doligé, qui est un artiste en la matière, qui a notamment rendu un rapport et déposé une proposition de loi sur le sujet. La mission menée par Alain Lambert et Jean-Claude Boulard a proposé de s'attaquer au stock de normes existant, en pointant notamment certains cas particulièrement éloquents. Le Gouvernement travaille à leur suppression. Sur le flux de normes, la proposition de loi déposée par vos collègues Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault permettra de renforcer l'actuelle commission consultative d'évaluation des normes. Enfin, dès cet après-midi, le Premier ministre va annoncer des mesures permettant de simplifier les normes, dans le cadre du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique. Une circulaire invitant les préfets à se montrer moins tatillons dans l'application des réglementations a été envoyée aux préfets ; je ne peux croire qu'ils y resteront insensibles ou qu'ils ne sauront se faire entendre par les services déconcentrés.

En ce qui concerne l'abaissement du seuil de constitution des communautés urbaines, le Gouvernement s'est engagé à ce qu'il se fasse à enveloppe constante. Il faudra peut-être y réfléchir pour les métropoles. L'étude d'impact annexée au projet de loi avait estimé le coût de leur création à 70 millions d'euros environ.

Les primes aux employeurs d'apprentis représentent 550 millions d'euros. Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a évoqué leur suppression, mais la négociation n'est pas fermée.

Je veux dire à François Fortassin que la solidarité nationale n'est pas un simple voeu ; elle doit être une réalité, et la péréquation doit venir soulager les collectivités les plus fragiles.

Concernant les difficultés des départements, l'inspection générale de l'administration a été amenée à apprécier les finances des 58 départements ayant demandé à bénéficier de la seconde part du fonds de soutien exceptionnel créé à la fin de l'année dernière. Sur la base de cette analyse objective, 29 départements devraient en bénéficier. Nous travaillons à ce qu'ils soient informés des montants qu'ils percevront dès cet été.

Yvon Collin m'a interrogé sur les perspectives du FNGIR. Je pense qu'il faudrait disposer de travaux d'évaluation pour savoir si des ajustements sont nécessaires.

J'ai bien entendu les remarques d'Eric Doligé sur la situation des départements. Ils doivent faire face à des dépenses obligatoires, mais ils financent aussi des dépenses facultatives, sur lesquelles ils peuvent trouver des marges de manoeuvre, et je sais qu'ils le font déjà.

Je précise à Charles Guené que la baisse des dotations pour les départements - de 476 millions d'euros - sera bien péréquée.

Je crois Monsieur de Legge, que la parole donnée a été respectée et que personne ne peut dire que ce Gouvernement ne met pas en oeuvre ce qu'il avait annoncé. Encore une fois, je rappelle que le précédent gouvernement envisageait une baisse de 10 milliards d'euros des dotations.

Je souhaite dire à Marie-France Beaufils que certes, l'épargne nette des collectivités a diminué, mais que le Gouvernement a tout mis en oeuvre pour faciliter leur accès au crédit. Quant à la question des territoires industriels, elle est sur la table, comme celle de l'évolution de la cotisation foncière des entreprises, et nous devrons, ensemble, y apporter une réponse.

Enfin, le Gouvernement entend bien respecter les engagements qu'il a pris sur la question des emprunts toxiques des collectivités.

M. Yvon Collin, vice-président. - Merci beaucoup, Madame la ministre.