Mercredi 27 mars 2013

- Présidence de M. Serge Larcher, président -

La zone économique exclusive des outre-mer : quels enjeux ? - Présentation par M. Jean-Étienne Antoinette d'une étude de législation comparée sur les ressources minérales marine profondes

M.  Serge Larcher, président. - Mes chers collègues, M. Jean-Étienne Antoinette va nous présenter une étude réalisée par le service de législation comparée sur les ressources minérales profondes. Cette étude nourrira notre réflexion sur les enjeux des zones économiques exclusives.

M. Jean-Étienne Antoinette. - Je vous ai d'ores et déjà présenté, le 16 janvier dernier, en compagnie de mon collègue Georges Patient, le résultat de la première partie de nos travaux concernant les fonds marins. Elle concernait le régime juridique de l'exploration et de l'exploitation pétrolières dans la ZEE et sur le plateau continental.

Désireux de ne pas nous limiter à une approche « atlantique » de cette problématique, nous avons demandé aux services du Sénat de réaliser une seconde étude de législation comparée sur le régime applicable à l'extraction des produits minéraux tirés des fonds marins. Cette étude concerne le régime de recherche des ressources minérales profondes : les nodules polymétalliques, les encroûtements et les sulfures hydrothermaux que l'on trouve, entre autres, dans certaines zones du Pacifique. Elle tend à nous donner, elle aussi, des éléments de comparaison utiles dans la perspective de la réforme du code minier que M. Tuot a évoquée devant la commission du développement durable, en décembre dernier.

L'étude examine le régime applicable à l'exploration et à l'exploitation de ces ressources minérales dans six États extra-européens : le Brésil, les États-Unis, les Îles Cook, les Îles Fidji, la Nouvelle-Zélande et la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Hormis les États-Unis, tous sont membres de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM).

Je vous présenterai successivement :

- tout d'abord quelques éléments de contexte ;

- puis le régime applicable dans les diverses parties des océans ;

- avant d'aborder l'état d'avancement de l'exploration des ressources minières sous-marines ;

- et enfin de vous présenter les conclusions que cette étude nous permet de tirer.

Pour introduire le contexte, je vous rappellerai tout d'abord les définitions des minéraux auxquels nous nous intéressons.

Les nodules polymétalliques sont connus dans tous les océans sous toutes les latitudes à partir de fonds de 4 000 mètres, dans des zones caractérisées par une faible sédimentation. Ils se composent surtout d'hydroxyde de manganèse et de fer.

Les sulfures hydrothermaux sont, quant à eux, le produit de la circulation d'eau de mer dans la croûte océanique sous l'effet de forts gradients thermiques. On les trouve sur toutes les structures sous-marines d'origine volcanique. Ils se caractérisent par de forts enrichissements en métaux de base. Comme nous l'a indiqué l'IFREMER lors de son audition devant notre délégation, leur inventaire reste très incomplet.

Les encroûtements d'oxydes ferromanganèsifères ont été répertoriés dans tous les océans dans des environnements où la combinaison de courants et de faibles taux de sédimentation a empêché le dépôt de sédiments pendant des millions d'années. Ils varient de quelques centimètres à 25 centimètres d'épaisseur et couvrent des surfaces de plusieurs kilomètres carrés. Ils sont constitués d'oxydes de fer et de manganèse. Ils sont riches en cobalt et souvent fortement concentrés en platine.

Je désignerai désormais dans le cours de mon exposé, par commodité, les trois types de minéraux sous le nom commun de « nodules et autres substances ».

Comme j'aurai l'occasion de le dire à plusieurs reprises, le droit de l'exploration des nodules et autres substances est un droit « à l'état naissant ».

La rareté des législations spécifiquement applicables aux substances minières sous-marines résulte, en premier lieu, de l'état lacunaire des connaissances relatives à l'étendue et à la nature du domaine exploitable.

En effet, si les ressources en nodules polymétalliques disponibles - les plus prometteuses - de la zone de Clarion-Clipperton polarisent l'attention de plusieurs explorateurs, la cartographie des sulfures hydrothermaux et celle des encroûtements semble encore très incomplète. De même les techniques d'exploitation industrielle de ces minéraux ne sont-elles pas, au moins pour le moment, opérationnelles. Le droit peine à régir un objet dont les contours concrets ne sont pas clairement identifiés.

Certes, plusieurs États estiment qu'existent, dans leur législation, des normes qui sont appropriées pour régir tant les activités dans la ZEE et sur le plateau continental que celles des entreprises qu'ils pourraient patronner ou patronnent d'ores et déjà dans la « Zone » internationale placée sous la sauvegarde de l'AIFM.

J'observe cependant que nombre de ces législations ne sont pas spécifiquement consacrées à ces activités apparues récemment ou à des substances découvertes après leur entrée en vigueur.

Faute de pouvoir s'appuyer sur des compétences techniques pour lever tout doute sur ce point, la note qui nous a été remise s'attache à présenter l'« état d'avancement » des réformes législatives et réglementaires survenues dans plusieurs des États qui sont dotés de ressources potentielles ou qui manifestent un intérêt pour les recherches en la matière.

Il s'avère en effet que si la législation des États étudiés est loin d'être complète, un mouvement commun se dessine : de plus en plus de pays se préoccupent du sort de ces minéraux.

J'en viens à présent à un bref panorama des régimes applicables aux diverses parties des océans. Je distinguerai ici :

- tout d'abord le régime général qui concerne la Zone économique exclusive, la ZEE et plateau continental ;

- ensuite, la « Zone », soumise à l'AIFM, dont le siège est en Jamaïque ;

- et enfin le régime français.

S'agissant de la ZEE et du plateau continental, la convention des Nations-Unies sur le droit de la mer, conclue le 10 décembre 1982 à Montego Bay, reconnaît aux États côtiers la faculté d'exercer des droits souverains sur la ZEE, d'une part, et sur le plateau continental, d'autre part.

La ZEE est, selon les articles 55 à 57 de la convention, « une zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci » qui ne s'étend pas au-delà des 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée l'étendue de la mer territoriale. L'État côtier y a « des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol [...] ».

Aux termes de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République, la ZEE française s'étend jusqu'à 188 milles marins au-delà de la limite des eaux territoriales, elle-même fixée à 12 milles marins, soit 22,224 kilomètres à compter des lignes de base. La France y exerce des droits souverains en ce qui concerne l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux surjacentes.

Les articles 76 et 77 de la convention des Nations-Unies sur le droit de la mer, dite « convention de Montego Bay », précisent que le plateau continental d'un État côtier comprend : « les fonds marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l'étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet État jusqu'au rebord externe de la marge continentale ou jusqu'à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance inférieure ». L'État côtier y exerce « des droits souverains [...] aux fins de son exploration et de l'exploitation de ses ressources naturelles » qui sont « exclusifs » au sens que, si l'État côtier n'explore pas le plateau continental ou n'en exploite pas les ressources naturelles, nul ne peut entreprendre de telles activités sans son consentement exprès.

Ce qui ne relève pas de la juridiction nationale relève donc de l'AIFM.

Le deuxième régime applicable aux océans est celui de la « Zone » soumise à l'AIFM. En vertu des articles 1, 139 et 153 de la convention de Montego Bay, les fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale constituent la « Zone ». Celle-ci couvre au moins la moitié des fonds marins de la planète, soit 260 millions de kilomètres carrés. Les activités qui s'y déroulent sont organisées, menées et contrôlées par l'AIFM, pour le compte de l'humanité tout entière.

Ces activités sont actuellement mises en oeuvre, en association avec cette autorité, par les États eux-mêmes ou par les entreprises qu'ils « patronnent », dans le respect des deux règlements adoptés par l'AIFM sur la prospection et l'exploration dans la « Zone » des nodules polymétalliques, d'une part, et des sulfures polymétalliques, d'autre part. En vertu de ces textes, la prospection ne confère au prospecteur aucun droit sur les ressources.

Les articles 2 et 3 de l'Annexe III de la même convention précisent que l'exploration et l'exploitation de la Zone ne sont effectuées que lorsque le prospecteur s'est engagé par écrit à respecter la convention dans des secteurs spécifiés par des plans de travail approuvés par l'Autorité.

Les États qui patronnent des activités d'exploration sont en outre tenus de prendre les « mesures raisonnablement appropriées » afin d'assurer le « respect effectif » des obligations qui résultent de la convention sur le droit de la mer par les cocontractants qu'ils patronnent dans l'activité d'exploration et d'exploitation de la Zone, soit au-delà des eaux qui sont soumises à leur juridiction, sauf à voir leur responsabilité engagée du fait des dommages qui peuvent survenir.

La Commission juridique de l'AIFM a, du reste, proposé l'établissement d'une législation-type pour aider les États parrainant des activités à honorer leurs obligations. Puis le Conseil de l'Autorité a décidé de faire réaliser un rapport sur les lois, règlements et dispositions administratives concernant les activités dans la Zone adoptés par les « États patronnant ». Selon ce rapport, publié au printemps 2012, dix États avaient, à cette époque, communiqué des renseignements concernant leurs législations respectives.

J'en viens enfin à la législation nationale.

Le régime applicable à l'exploration et à l'exploitation des substances minières sous-marines résulte, pour ce qui concerne la France, de divers textes.

Aux termes de l'article L.123-2 du code minier, la recherche de l'ensemble des substances minérales ou fossiles contenues dans le sous-sol du plateau continental ou dans le fond de la mer et le sous-sol de la ZEE, ou existant à leur surface, est soumise au régime applicable aux substances de mine.

Le statut, fixé par une loi organique, des collectivités d'outre-mer (COM) qui sont régies par l'article 74 de la Constitution, peut prévoir que l'adoption d'un tel régime relève de leur compétence. À titre d'exemple, la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, portant statut d'autonomie de la Polynésie française, prévoit que cette COM « réglemente et exerce le droit d'exploration et le droit d'exploitation des ressources naturelles biologiques et non biologiques du sol, du sous-sol et des eaux surjacentes de la mer territoriale et de la ZEE dans le respect des engagements internationaux ».

En application de l'article L. 671-1 du code minier national, la compétence en matière d'exploration et d'exploitation des matières premières stratégiques ne relève toutefois pas de la Polynésie française.

Je vais maintenant aborder l'état d'avancement de l'exploration des ressources minières sous-marines. Les entités qui cherchent à prospecter des nodules et d'autres substances minières sous-marines peuvent recevoir des permis d'exploration ou d'exploitation :

- soit des États côtiers sur leur ZEE ou de leur plateau continental ;

- soit de l'AIFM dans la « Zone » internationale, au-delà du plateau continental.

En matière d'exploration, on retiendra que plusieurs États ont attribué des permis concernant des zones sous-marines. Je ne citerai que l'exemple des Fidji qui, en décembre 2011, avaient délivré 17 permis et celui de la France qui a, quant à elle, délivré le 20 juillet 2010 une autorisation de prospection préalable de substances minérales ou fossiles dans les fonds marins de la ZEE des îles de Wallis et Futuna à l'Institut français de recherche pour l'exploration de la mer (IFREMER) et aux sociétés de la Compagnie française de mines et métaux, ERAMET et BRGM SA, pour deux ans.

En matière d'exploitation, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a délivré, en janvier 2011, un permis d'exploitation dénommé « Solwara 1 » à la société Nautilus Minerals Inc. pour une zone située à 1 600 mètres de profondeur, dans la mer de Bismarck, laquelle contient des gisements de sulfures massifs riches en cuivre et en or. C'est une première.

Quant à l'AIFM, elle a, d'ores et déjà, conclu des contrats avec des partenaires qui explorent des surfaces situées dans la « Zone ». Le contractant y a le droit exclusif d'explorer un secteur dont la superficie initiale peut atteindre 150 000 kilomètres carrés. Huit ans après la signature du contrat, la moitié de ce secteur doit être restituée. Six de ces secteurs d'exploration sont situés dans le sud du Pacifique central et au sud-est d'Hawaï et le septième au milieu de l'océan Indien. Ces contrats ont été conclus avec :

- le Gouvernement indien (2002) ;

- l'IFREMER et l'Association française pour l'étude de la recherche des nodules (2001) ;

- une société japonaise (2001) ;

- une entreprise publique russe (2001) ;

- l'Association chinoise de recherche-développement concernant les ressources minérales des fonds marins (2001) ;

- un consortium formé par la Bulgarie, Cuba, la Fédération de Russie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie (2001) ;

- le Gouvernement de la République de Corée (2001) ;

- et l'Institut fédéral des géosciences d'Allemagne (2006).

Le conseil de l'AIFM a également approuvé :

- en juillet 2011, des plans de travail pour l'exploration de la Zone parrainés par Nauru, d'une part, et Tonga, d'autre part ;

- en juillet 2012, des plans de travail présentés par diverses entités, dont l'IFREMER.

Les dates que je viens de citer montrent bien que plusieurs États se préoccupent dès à présent du sort de ces ressources.

J'observe du reste que le Brésil et la Nouvelle Zélande y ont consacré des développements spécifiques dans les rapports établis pour préparer la modification de leur législation minière.

Mais, me direz-vous, quelles conclusions tirer de l'étude des législations que j'ai évoquées ?

L'analyse des six législations précitées permet de constater :

- en premier lieu que les nodules, encroûtements et sulfures hydrothermaux demeurent des objets juridiques assez mal identifiés : si parmi les législations étudiées celles des États-Unis dans les fonds marins hors plateau continental et des Îles Cook dans leur ZEE font explicitement référence aux « nodules polymétalliques », la prospection et l'exploitation de ces éléments ne sont pas encore bien appréhendées par les autres droits en vigueur, alors même que l'exploitation des ressources minérales de la ZEE et du plateau continental semble devenir une préoccupation de plus en plus partagée.

- en second lieu qu'il existe un paradoxe : on ressent le besoin de règles en matière d'exploitation minière sous-marine, mais on rencontre des difficultés pour concevoir ces normes. L'analyse des six législations permet de constater que le besoin de règles en matière de prospection et d'exploitation minières sous-marines se fait sentir.

De son côté, l'AIFM travaille à faire mieux prendre en compte le principe de responsabilité des États en la matière, pour ce qui concerne la « Zone ». Cette démarche a une incidence indirecte, elle exerce un « effet d'entraînement » sur les législations nationales des États. Plusieurs de ces États ont, en effet, entamé un processus de réflexion à l'instar des Fidji et de la Nouvelle-Zélande. Les Îles Cook font, sous cet angle, figure d'exception en ayant d'ores et déjà modifié leur législation dans la perspective d'une intensification des recherches sous-marines de minéraux solides.

Deux des États considérés, le Brésil et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, estiment que la législation minière en vigueur permet de faire face aux besoins qui sont, du reste, encore mal connus : si les recherches semblent progresser sur la localisation des gisements de ressources minérales, une inconnue demeure quant à leur réelle « exploitabilité ».

On ne connaît aujourd'hui ni les méthodes industrielles d'extraction, ni la rentabilité réelle de la production compte tenu des fluctuations du cours des matières premières. Cette question, soulignée par les autorités néozélandaises en 2005 dans le document qu'elles ont consacré à la gestion des effets environnementaux des activités offshore dans la ZEE, est d'autant plus importante que le recours à une méthode d'extraction plutôt qu'à une autre pourrait avoir des effets plus ou moins importants sur le milieu environnant :

-  le respect de l'environnement est une préoccupation partagée : toutes les législations étudiées accordent une place importante à l'environnement dont on constate que des défenseurs s'avèrent hostiles à l'exploitation minière en eaux profondes ;

- enfin, on constate qu'il existe un réel besoin de coopération internationale, y compris pour l'élaboration des législations nationales, afin d'éviter que ne se constituent des vides juridiques et que ne prévale le « moins disant législatif ». Les initiatives repérées montrent l'intérêt d'une telle coopération internationale. J'en veux pour preuve l'action de l'AIFM et de celles d'organisations régionales du Pacifique dont la préoccupation semble être de définir des règles communes qui éviteraient toute forme de « moins disant législatif ».

Pour conclure mon propos, je vous dirai, mes chers collègues, qu'il m'apparaît souhaitable que ce dossier soit évoqué au cours de la préparation de la réforme du code minier qui nous sera présentée dans quelques mois.

M. Serge Larcher, président. - Merci. Avez-vous des questions ?

M. Charles Revet.- Je suis très heureux d'entendre parler des nodules polymétalliques, ce qui me rappelle mon jeune temps d'élu quand je faisais partie de la conférence internationale pour le droit de la mer à l'ONU de 1978 à 1981. J'étais, à l'époque, surpris d'apprendre que ces nodules en eau profonde constituaient une perspective intéressante pour l'avenir. On y vient peut-être. J'ai plusieurs questions : dans les zones économiques, c'est l'État riverain qui autorise les recherches et éventuellement l'exploitation. Mais dans la Zone internationale, qui est habilité à donner les autorisations ? Dans les années 1980, en vertu de la philosophie onusienne, le produit des ressources exploitées dans les eaux internationales profondes était destiné à financer les pays en voie de développement. Est-ce toujours le cas aujourd'hui ? Enfin, quel est l'intérêt d'inscrire ces ressources dans le droit minier ? Celui-ci concerne en effet l'exploitation des ressources terrestres. Dans quelles conditions se font les autorisations de recherche du pétrole en mer ?

Mme Odette Herviaux.- S'agissant de l'état des recherches, je me souviens que dans les années 2005, des travaux sur l'extraction des ressources en haute mer m'avaient été présentés par l'IFREMER, notamment sur les recherches concernant les nodules. À la faveur de l'extraction des granulats en bordure de côte, nous avions eu accès à certains dossiers des chercheurs. Les travaux en eau profonde existaient donc à l'époque. A-t-on évolué depuis ?

M. Serge Larcher, président. - Je rappelle qu'il convient de distinguer la mer territoriale, la zone exclusive économique, puis, au-delà, le plateau continental.

Mme Odette Herviaux.- Mais les conséquences environnementales dans chacune de ces zones ne sont pas prises en compte par les scientifiques. Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous avez présenté votre étude en corrélation avec la réforme du code minier ; faites-vous partie du groupe de travail coordonné par M. Thierry Tuot sur cette réforme ?

M. Jean-Étienne Antoinette. - En réponse à mon collègue Charles Revet, la Zone internationale est soumise à l'autorité de l'AIFM, qui délivre des autorisations d'exploration, mais ne délivre pas d'autorisations d'exploitation. Se pose alors la question de la prévisibilité pour sécuriser les investisseurs, qui a été évoquée par le groupe de travail de M. Tuot. Il est évident que ces derniers seront incités à engager des explorations seulement s'ils ont la perspective de possibilités d'exploitation. On distingue, en effet, deux phases dans la livraison des permis : une première phase d'exploration, mais qui n'engage pas la seconde phase d'exploitation.

Concernant l'état des connaissances en haute mer, il demeure modeste, comme l'a souligné l'IFREMER, ce qui n'incite pas les investisseurs à s'engager.

Nos collègues MM. Georges Patient et Richard Tuheiava nous représentent au sein du groupe de travail de M. Thierry Tuot, dont je ne connais pas le calendrier exact. Ses travaux, qui ont pris du retard, pourraient être présentés fin 2013.

M. Serge Larcher, président. - Je rappelle que même dans la zone économique exclusive, la souveraineté de l'État côtier n'est pas totale.

Mme Odette Herviaux.- Nous devons aussi nous pencher sur les conséquences sur l'environnement, et les anticiper.

M. Serge Larcher, président. - D'où l'intérêt du code minier. Le cas de la Guyane en est une illustration : il faut des normes environnementales.

M. Jean-Étienne Antoinette. - Il ressort en effet des auditions sur la réforme du code minier, que certains des enjeux de cette réforme consistent justement à se mettre en phase avec les normes environnementales et de tenir compte des impacts sur l'environnement, ainsi qu'à prévoir la participation du public dans le processus.

Mme Odette Herviaux. - Qui aura les connaissances techniques nécessaires au sein du groupe de travail de M. Tuot ?

M. Jean-Étienne Antoinette. - Il y a différents collèges, dont un composé de spécialistes. Le code minier est un outil très technique. L'un des objectifs de la réforme est aussi de le rendre plus compréhensible.

M. Serge Larcher, président.- Je vous félicite pour la qualité de votre présentation.

Renouvellement du régime fiscal applicable au rhum traditionnel des DOM - Examen de la proposition de résolution européenne sur le renouvellement du régime fiscal applicable au rhum traditionnel des DOM

M. Serge Larcher, président. - Nous passons maintenant à l'examen de la proposition de résolution européenne sur le renouvellement du régime fiscal applicable au rhum traditionnel des DOM.

M. Jacques Gillot, rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, les rhums traditionnels des DOM bénéficient d'un régime fiscal propre leur permettant d'accéder au marché national et garantissant ainsi la survie d'une filière canne-sucre-rhum dans ces territoires. Le maintien de cette filière revêt une importance fondamentale pour ces territoires aux économies peu diversifiées et qui connaissent des taux de chômage record et en progression constante. Cette aide fiscale, autorisée par plusieurs décisions du Conseil et de la Commission européenne, vient à échéance le 31 décembre 2013, soit dans moins d'un an.

Or, les discussions avec la Commission européenne pour le renouvellement de ce régime n'ont pu s'ouvrir, du fait d'un différend entre les autorités communautaires et françaises sur l'application du dispositif en 2012 et 2013. C'est pourquoi notre délégation a souhaité se saisir de ce dossier important pour les économies ultramarines et m'a nommé, avec Gérard César, rapporteur.

Comme vous le savez, nous avons mené plusieurs auditions devant la délégation, qui nous ont permis d'entendre des dirigeants de distilleries indépendantes et des représentants de la filière, du ministère de l'agriculture, du ministère de l'économie et des finances, ainsi que des représentants de la Délégation générale à l'Outre-mer, de l'ODEADOM et d'Eurodom. Nous avons également eu le plaisir de recevoir le ministre des outre-mer, M. Victorin Lurel.

À l'issue de ces travaux, nous vous soumettons cette proposition de résolution européenne qui vise à faire valoir auprès des autorités européennes l'impérieuse nécessité de renouveler le régime fiscal pour la période 2014-2020 et à souligner l'urgence de ce renouvellement du fait de la proximité de l'échéance.

Tout d'abord, la filière canne-sucre-rhum revêt une importance considérable pour les DOM. La surface agricole utile consacrée à la culture de la canne en témoigne. En effet, tous DOM confondus, la surface cannière occupe 40 000 ha, soit 34 % de la SAU. Cette part est encore supérieure en Guadeloupe (43 %) et à La Réunion (57 %).

La surface cannière connaît toutefois depuis quelques années une légère diminution, avec une baisse de 2,86 % entre 2006 et 2011, qui reste néanmoins inférieure à celle de la SAU totale (- 3,06 %), montrant ainsi que la culture cannière résiste bien à la pression foncière.

Malgré ce léger retrait de la surface cannière, la production de canne est, pour sa part, en augmentation (+ 1,5 % sur cinq ans), ce qui traduit une hausse des rendements.

Au total, on comptait, en 2011, plus de 8 000 exploitations cultivant de la canne, réparties essentiellement en Guadeloupe (4 300 environ) et à La Réunion (près de 3 500). Outre la production sucrière, ces exploitations fournissent la matière première aux distilleries pour la fabrication du rhum.

S'agissant de la production de rhum, on distingue le « rhum agricole », produit par fermentation alcoolique et distillation du jus de la canne, du « rhum de sucrerie », produit à partir de la mélasse, résidu du raffinage du sucre.

La part relative de chaque type de production varie d'un territoire à l'autre : La Réunion produit quasi exclusivement du rhum de sucrerie quand la Martinique produit très majoritairement, à 83 %, du rhum agricole. La situation est plus équilibrée en Guadeloupe, avec près de 45 % de rhum agricole. Enfin, la Guyane ne produit que du rhum agricole. Le nombre de distilleries pour l'ensemble des DOM s'élève à 24 : 12 en Guadeloupe, 8 en Martinique, 3 à La Réunion et 1 en Guyane.

Il s'agit d'un secteur productif dynamique où le rhum joue un rôle moteur. En témoigne la production, pour l'ensemble des DOM qui connaît une progression importante, avec une augmentation en hectolitres d'alcool pur (HAP) de 17,8 % entre 2006 et 2011.

Il faut en outre souligner une spécificité de cette filière dans les DOM par rapport à d'autres pays : son intégration. Celle-ci découle de la définition communautaire du rhum traditionnel qui exige qu'il soit exclusivement produit à partir de matières premières locales.

Ainsi, l'aide fiscale portant sur le rhum profite à l'ensemble de la filière et la fragilisation de son activité la plus porteuse risquerait de la mettre en péril dans sa globalité.

L'importance économique de cette filière s'illustre dans la place qu'elle occupe dans la balance commerciale de ces territoires. Les échanges des DOM sont largement déficitaires : le déficit global est supérieur à 10 milliards d'euros avec un taux de couverture restreint, de seulement 6 % à La Réunion et de 11 % à la Martinique. Si l'on considère les seules exportations, elles s'élevaient, en 2010, à environ 830 millions d'euros dans les trois départements où la production de rhum est la plus significative, à savoir la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion.

La filière canne-sucre-rhum représente pour sa part un chiffre d'affaires de 250 millions d'euros pour les quatre départements. Elle contribue donc de façon significative à limiter le déséquilibre de la balance commerciale. L'impact local en termes d'emplois est considérable : on peut estimer que dans les trois départements précités, les plus concernés par la production et la transformation de la canne, cette filière est pourvoyeuse d'environ 40 000 emplois, dont 22 000 emplois directs. Ces chiffres sont cités par la Commission européenne elle-même dans sa décision du 27 juin 2007.

La filière canne-sucre-rhum joue également un rôle substantiel en matière de préservation de l'environnement.

Tout d'abord, la culture de la canne prévient l'érosion des sols dans des territoires souvent accidentés et soumis à des phénomènes climatiques extrêmes ; cette culture est en outre économe en eau car elle ne nécessite pas d'irrigation systématique.

Par ailleurs, la mélasse et la paille peuvent être utilisés comme fertilisants, et contribuer ainsi au maintien de la qualité agronomique des sols, ou pour l'alimentation du bétail, ce qui réduit la nécessité d'importer des aliments, importations génératrices d'émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, la filière participe à l'indépendance énergétique de ces territoires et à la lutte contre le changement climatique, grâce à la bagasse. Ce résidu fibreux résultant de l'exploitation de la canne est utilisé comme source d'énergie par combustion pour produire de l'électricité dans les sucreries et distilleries, à La Réunion et en Guadeloupe.

Ainsi, à travers un dispositif fiscal consacré au rhum, c'est bien l'ensemble de la filière canne-sucre-rhum qui est touchée, et au-delà de la filière, l'ensemble de l'économie et de l'environnement de ces territoires.

La Commission européenne partage d'ailleurs ce jugement : elle considérait ainsi dans sa décision précitée que « la fiscalité préférentielle bénéficie aux différents acteurs de la filière canne-sucre-rhum » et assure « le maintien de la culture cannière, la pérennisation des emplois qui lui sont liés, et contribue à l'aménagement du territoire des régions d'outre-mer ».

J'en viens au deuxième point de mon exposé : le dynamisme du marché du rhum profite avant tout aux pays tiers et ACP. Les rhums des DOM sont confrontés à une concurrence toujours plus importante. Une part prépondérante de la production de rhum des DOM est consommée sur place ou exportée d'un DOM à l'autre, notamment des Antilles vers la Guyane. Mais environ le quart de la production est exporté vers le marché communautaire, dont 70 % vers le marché métropolitain.

Sur ces marchés, les rhums des DOM doivent affronter la concurrence de groupes internationaux comme le groupe Bacardi, qui possède notamment la marque de rhum éponyme, ou le groupe français Pernod-Ricard, qui commercialise la marque Havana Club. Ces rhums bon marché et de bien moindre qualité bénéficient d'une politique commerciale agressive de captation de marché qui tend à façonner les modes de consommation.

Ces dernières années, on a également observé la montée en puissance sur le marché communautaire des rhums des pays tiers (Cuba, Venezuela, Brésil, États-Unis, Mexique) et des pays ACP (Barbade, Guyana, Trinité et Tobago, Jamaïque, République dominicaine).

Il faut noter que les accords commerciaux conclus par l'Union européenne avec les pays d'Amérique centrale ou d'Amérique latine aggravent cette concurrence. Ainsi, le groupe Diageo, premier groupe de spiritueux au niveau mondial, a-t-il récemment investi au Guatemala pour profiter de cette libéralisation.

Face à cette concurrence, les rhums des DOM doivent supporter des contraintes qu'ignorent leurs concurrents. Le règlement du Conseil du 15 janvier 2008 définit les boissons spiritueuses dans l'Union Européenne, et en particulier le rhum et le rhum traditionnel des DOM. Celui-ci doit tout d'abord, comme cela a été dit précédemment, être produit uniquement à partir de produits alcooligènes originaires du lieu de production considéré.

Les distilleries des DOM ne peuvent donc pas profiter du coût plus faible de la canne ou de la mélasse sur d'autres marchés ; bien au contraire, ce coût inférieur sur ces marchés renchérit comparativement le rhum des DOM.

À l'inverse, le groupe Bacardi, qui produit exclusivement du rhum issu de mélasse, fait varier son approvisionnement en fonction des cours mondiaux. De même l'implantation de la production varie selon les opportunités fiscales ou en fonction des possibilités offertes de percevoir des subventions. Ainsi, le groupe Pernod-Ricard est-il implanté à Cuba où il bénéficie d'aides et de coûts de production moins élevés, tandis que les États-Unis n'hésitent pas à subventionner massivement les producteurs de rhum : on estime à 263 millions de dollars par an les aides accordées aux Îles Vierges et à Porto Rico.

Au total, le prix de la canne payé par une distillerie des DOM peut être six fois supérieur à celui payé par son homologue brésilien. À ce surcoût de la matière première, s'ajoutent les surcoûts induits par les normes environnementales et sociales ou par la différence du niveau des salaires, ceux-ci n'étant évidemment pas les mêmes dans les DOM et dans les pays tiers. Enfin, s'ajoutent encore des surcoûts liés au transport, au prix de l'énergie ou aux intrants.

Par ailleurs, pour des raisons culturelles et historiques, les rhums des DOM se caractérisent par un degré d'alcool plus élevé : 60 % de la production est à 40 °, un quart est à 50 ° et même 13 % à 55 °. D'autre part, les rhums des DOM sont pour plus de moitié commercialisés en bouteilles d'un litre, le reste étant commercialisé dans des bouteilles de 70 centilitres.

À l'inverse, les produits des pays tiers sont essentiellement des rhums à 37,5 °, commercialisés en bouteilles de 70 centilitres. Or, ces différences ne sont pas anodines dans la mesure où la fiscalité sur les alcools - que ce soit le droit d'accise ou la vignette de sécurité sociale - porte sur le volume d'alcool pur contenu par chaque bouteille.

Ainsi, une bouteille de rhum d'un litre à 50 ° comportera environ deux fois plus d'alcool pur qu'une bouteille de rhum de 70 centilitres à 37,5 °. Cette différence sur le prix d'une bouteille rend plus difficile le référencement en rayon des rhums des DOM par la grande distribution : c'est le surcoût lié à « l'accès au marché ».

Si l'on s'intéresse maintenant au marché du rhum, on observe que celui-ci est en expansion. Au niveau communautaire, les ventes de rhum ont ainsi augmenté de 2,3 % entre 2006 et 2011. Sur le marché français, le rhum (hors punch) occupe une place encore limitée : 7 % des spiritueux contre 40 % pour les whiskies ou 30 % pour les anisés. Mais il connaît une évolution particulièrement dynamique : + 9,8 % par an en moyenne sur les 10 dernières années.

Cependant, du fait des surcoûts présentés précédemment, les rhums des DOM ne profitent pas à plein de ce dynamisme. Ainsi, leur part de marché communautaire régresse : elle est passée de plus de la moitié en 1986 à près d'un tiers en 1996 et un quart en 2011.

Sur le marché français, entre 2008 et 2011, les rhums des DOM ont connu une progression de 9 %, quand elle était de près de 39 % pour les rhums des pays tiers ou ACP. Et encore, cette différence de progression est-elle probablement sous-estimée dans la mesure où ces chiffres portent uniquement sur les ventes en grande surface ; en effet, les rhums de marques disposent d'une grande puissance marketing et sont largement consommés dans les bars ou les discothèques, souvent sous forme de cocktails comme le mojito.

Enfin, j'en viens au troisième point, conséquence des deux premiers : le dispositif d'aide revisité en 2012 doit désormais être renouvelé pour l'après 2013.

C'est afin de compenser ces surcoûts et de maintenir l'accès du rhum des DOM au marché hexagonal qu'a été mis en place un régime fiscal dérogatoire pour le rhum traditionnel produit dans les DOM, à travers un droit d'accise sur les alcools inférieur pour ce produit à celui applicable aux autres alcools.

Cette aide repose juridiquement sur l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui prévoit, dans la mesure où « la situation économique et sociale structurelle » des régions ultrapériphériques « est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles », la possibilité d'arrêter des mesures spécifiques à ces régions portant, en particulier, sur la politique fiscale et les aides d'État, « en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières de ces territoires ».

Le régime dérogatoire est encadré par une décision du Conseil du 9 octobre 2007, complétée par une nouvelle décision du Conseil du 19 décembre 2011, et par une décision de la Commission européenne du 27 juin 2007, au titre des aides d'État.

Ces décisions prévoient notamment que :

- le taux d'accise ne peut être inférieur de plus de 50 % à celui pratiqué sur les autres alcools,

- qu'il s'applique uniquement au rhum traditionnel défini au plan communautaire,

- et dans la limite d'un contingent s'élevant, en 2011, après plusieurs augmentations, à 120 000 HAP.

La dernière augmentation de volume consentie par la Commission européenne pour 2011 n'est cependant entrée en vigueur que tardivement, fin 2011, ce qui a empêché les producteurs d'en bénéficier effectivement.

Le montant de l'aide initialement notifié à la Commission, en 2007, s'élevait à 66,4 millions d'euros. En 2011, avec un taux d'accise de 1 514 euros par HAP applicable au rhum des pays tiers et un taux réduit de 859 euros applicable au rhum des DOM, le différentiel de taxation s'élevait à 42 % et le montant de l'aide à 78,6 millions d'euros.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, complétée par la première loi de finances rectificative pour 2012, ont modifié la fiscalité applicable au rhum des DOM.

Les montants des droits d'accise ont été relevés, de sorte que le différentiel est passé de 655 euros à 757 euros par HAP. Parallèlement, la vignette de sécurité sociale, précédemment assise sur le litre volume, a été augmentée et assise sur la quantité d'alcool pur, comme le droit d'accise. C'est important. Elle a également fait l'objet d'un plafonnement à 40 % du droit d'accise, ce plafonnement ne s'appliquant, dans les faits, qu'aux rhums traditionnels des DOM.

Ainsi, le différentiel total de fiscalité (droit d'accise et vignette de sécurité sociale) a été porté au total à 111,4 millions d'euros en 2012.

Cette nouvelle fiscalité a :

- augmenté le montant de l'aide sur le droit d'accise au-delà de la limite de 20 % de taux d'accroissement fixée par la réglementation européenne sur les aides d'État. Était donc nécessaire une nouvelle notification ;

- créé une nouvelle aide d'État du fait du plafonnement de la vignette de sécurité sociale, sans notification préalable, ce qui rend la mesure « illégale » au regard des règles de la concurrence de la Commission européenne. Nous avons des arguments pour expliquer cette absence de notification qui aurait dû intervenir en début d'année 2012, et qui n'a été envoyée que le 7 août 2012 à la Commission.

Mais cette dernière remet en cause le montant de l'augmentation de l'aide depuis 2011, qui lui semble excessif. La DG concurrence analyse ainsi la possibilité d'inscrire l'aide au registre des aides illégales.

Afin de vider ce contentieux potentiel, le Gouvernement français a transmis à la Commission européenne, le 18 février 2013, une proposition, qui prévoit :

- le déplafonnement de la vignette de sécurité sociale ;

- la modification du taux d'accise de façon à ce que le différentiel soit porté au maximum autorisé par la décision du Conseil, c'est-à-dire 50 % ;

- un mécanisme spécifique pour les petites distilleries, c'est-à-dire celles produisant moins de 2 000 HAP, qui seraient les plus touchées par la nouvelle vignette du fait du haut degré alcoolique de leur production.

Avec un tel dispositif, le montant global de l'aide serait ramené à 103 millions d'euros. La hausse par rapport à 2011 s'explique par l'augmentation des coûts de production (+ 9,5 millions d'euros), du coût d'accès au marché (+ 6,4 millions d'euros) et par la mise en place du dispositif relatif aux petites distilleries (+ 1,3 millions d'euros).

Il faut également y ajouter 7,4 millions d'euros pour tenir compte du fonctionnement de la vignette de sécurité sociale avant 2012 : en effet, jusqu'en 2011, celle-ci portait sur le volume de boisson et non sur le volume d'alcool pur, ce qui représentait, de fait, un avantage comparatif pour les rhums des DOM.

Cette proposition vise à résoudre le différend avec la Commission pour la période courant depuis le 1er janvier 2012.

Nous estimons, avec mon collègue Gérard César, que ce dispositif est particulièrement équilibré. En effet, il est de nature à continuer à assurer la survie de la filière canne-sucre-rhum des DOM en prenant en compte ses spécificités sur la base de l'article 349 du TFUE, tout en répondant aux préoccupations de respect du principe de libre concurrence émanant de la Commission européenne. Il devrait donc préfigurer, à notre sens, le régime fiscal applicable au rhum des DOM à compter du 1er janvier 2014. Telle est notre proposition.

Enfin, nous soulignons l'urgence à faire aboutir la procédure afin de donner la visibilité économique indispensable aux entreprises de la filière, dont nous rappelons encore une fois le rôle majeur pour la vitalité économique et donc l'emploi, le maillage des territoires ainsi que la préservation de l'environnement.

Je vous remercie de votre attention au terme de cet exposé quelque peu technique !

M. Serge Larcher, président. - Merci. Avez-vous des questions ?

M. Éric Doligé. - Le ministre des outre-mer, M. Victorin Lurel, a évoqué devant notre délégation ses interventions auprès de la Commission européenne sur ce sujet. Ses propositions ont-elles des chances d'aboutir ? Les spécificités qu'il avance peuvent-elles être prises en compte dans la négociation ? Les arguments du ministre peuvent-ils emporter un résultat positif, compte tenu de l'impact économique crucial de cette filière pour les DOM ?

M. Jacques Gillot, rapporteur. - À ce stade, le ministre nous dit que les négociations pourraient aboutir favorablement si nous faisons baisser l'aide de 111 à 103 millions d'euros. L'article 349 du TFUE joue en notre faveur. Si nous n'obtenons pas ces aides, nous risquons d'avoir des difficultés compte tenu des accords passés avec les pays ACP et les pays de la zone. Si nous voulons sauver non seulement le rhum, mais aussi toute la filière canne-sucre-rhum, la représentation nationale doit unir ses forces à celles du gouvernement et montrer l'intérêt de notre proposition de résolution européenne.

M. Serge Larcher, président. - Le risque contentieux avec la Commission européenne freine les négociations...

M. Christian Cointat.- Quelle est la différence entre le rhum de mélasse et le rhum agricole ? Bacardi a une réputation de rhum de qualité alors qu'il produit du rhum de mélasse ! Quelles sont les différences de coût et de positionnement sur le marché entre un rhum de mélasse et un rhum de distillation ?

M. Jacques Gillot, rapporteur. - Le rhum agricole vient du jus de canne alors que la mélasse est un résidu. La qualité et le goût ne sont donc pas du tout les mêmes ! Le rhum issu de la mélasse est moins fort en alcool, et a un coût de production moindre ; il est donc plus facilement consommé. Alors que seul le rhum agricole est du vrai rhum !

M. Christian Cointat.- Il est clair que le rhum agricole est de bien meilleure qualité. Mais les DOM n'auraient-ils pas intérêt, pour conquérir des parts de marché européen, à produire du rhum moins fort en alcool ?

M. Serge Larcher, président. - Le rhum industriel, sous-produit du sucre et bon marché, est souvent vendu par des sociétés américaines, alors que le rhum des Antilles est un rhum traditionnel estampillé AOC, à au moins 43 ° et régi par des normes. Or, on constate une progression du marché du rhum industriel en Europe, ce rhum de qualité inférieure entrant dans la consommation de nombreux cocktails comme le mojito. Mais les producteurs de rhum martiniquais et guadeloupéens font des efforts de promotion de leur rhum agricole. Les rhums Dillon et Clément, notamment, font l'objet de campagnes publicitaires d'affichage à Paris. Cependant, le rhum AOC ne peut pas descendre en-dessous de 37 ° sauf à perdre sa norme AOC, et à perdre beaucoup en qualité. Alors que le rhum industriel importé arrive dans des containers et on y ajoute de l'eau pour abaisser le degré d'alcool ! À cet égard, je constate et déplore qu'un groupe français, Pernod Ricard, soit le cheval de Troie du rhum cubain notamment, Havana, puisqu'il le commercialise sur le territoire français.

Pour résumer, nous nous battons à armes inégales. Et il est difficile de faire valoir la qualité !

M. Éric Doligé. - Ces questions sont très importantes. On peut supposer que les négociations aboutiront prochainement ; mais demeure le dossier de la commercialisation... Pourrait-on réfléchir à d'autres produits, d'autres débouchés, et aux moyens de valoriser davantage notre rhum ? S'il est plus cher, c'est parce qu'il est de meilleure qualité : il faut que cette qualité soit davantage reconnue !

M. Serge Larcher, président. - Les Martiniquais et Guadeloupéens savent qu'ils ne peuvent pas produire au même coût que les Américains. Ils font des efforts : ils diversifient les produits, mettent sur le marché des rhums à moindre teneur en alcool, modifient la capacité des bouteilles en vendant aussi des bouteilles à 70 centilitres, comme les Américains.

Nous cherchons de nouveaux débouchés, en Chine et au Japon notamment. Le tourisme ouvre aussi le rhum à de nouveaux consommateurs. Sur les marchés français et européen, sans une fiscalité favorable, nous serons en difficulté, même avec une meilleure qualité, compte tenu de la différence de prix avec le rhum industriel.

Je rappelle enfin que la production de rhum n'est pas affectée par les intempéries locales et en particulier les cyclones : la canne se plie en cas de cyclone, et se redresse, sans se casser.

Je propose maintenant au rapporteur de nous lire les considérants de la proposition de résolution européenne.

M. Jacques Gillot, rapporteur. - Considérant, comme le rappelle l'article 349 du TFUE, que « la situation économique et sociale structurelle » des régions ultrapériphériques « est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles »,

Considérant que ce même article 349 souligne la « dépendance économique » de ces régions « vis-à-vis d'un petit nombre de produits »,

Considérant que ledit article prévoit, en conséquence, la possibilité d'arrêter des mesures spécifiques aux régions ultrapériphériques portant, en particulier, sur la politique fiscale et les aides d'État, « en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières de ces territoires »,

Considérant que l'application d'un taux d'accise réduit pour le rhum traditionnel produit dans les départements d'outre-mer (DOM) a été autorisée par les décisions du Conseil et de la Commission européenne susvisées,

Considérant que cette aide d'État à finalité régionale vient à échéance le 31 décembre 2013, soit dans moins d'un an,

Constate que ces territoires sont soumis à une situation économique particulièrement alarmante et connaissent un taux de chômage extrêmement élevé,

Rappelle que la filière canne-sucre-rhum est un des piliers de l'économie des DOM et qu'elle occupe une place prépondérante dans leurs exportations, alors même que leur balance commerciale est largement déficitaire,

Souligne que cette filière génère plusieurs dizaines de milliers d'emplois directs et indirects,

Observe que ladite filière est l'exemple le plus significatif d'activité intégrée dans les DOM, que la production de rhum, indissociable de la production locale de canne et de sucre, en est le véritable moteur et qu'elle joue un rôle essentiel en matière d'aménagement du territoire,

Fait valoir que cette filière contribue également à la préservation de l'environnement, en évitant l'érosion des sols, ainsi qu'à la lutte contre le changement climatique et à l'indépendance énergétique de ces territoires, à travers la production d'électricité à partir de la bagasse et le développement de bioénergies,

Rappelle que cette production traditionnelle contribue à « la diversité et la qualité de la production agricole de l'Union européenne », saluée en ces termes par la Commission dans sa communication susvisée, et, au-delà de la filière, constitue un produit phare de ces territoires en termes d'image et de tourisme, illustrant le patrimoine économique et culturel ultramarin,

Réaffirme que les accords commerciaux conclus par l'Union européenne avec les pays d'Amérique latine et d'Amérique centrale sont une véritable menace pour les DOM, qui s'illustre dans la hausse importante des ventes des rhums des pays tiers entre 2008 et 2011, plus de quatre fois supérieure à celle des rhums des DOM, et précise que les négociations commerciales menées par la Commission européenne avec l'Inde pourraient aggraver encore cette situation,

Souligne les écarts considérables et croissants de coûts de production entre les DOM et les autres pays producteurs, avec un rapport de un à quatre,

Relève que la définition communautaire du rhum traditionnel, gage de la qualité du produit, soumet les producteurs à des obligations particulièrement contraignantes qui creusent ce différentiel de compétitivité,

Note que d'autres pays, à commencer par les États-Unis, subventionnent massivement leur propre filière, le plus souvent à travers des aides directes aux producteurs,

En conséquence :

Considère que l'aide fiscale est indispensable au maintien de l'accès au marché national des rhums des DOM, et, corrélativement, à la survie d'une filière canne-sucre-rhum dans ces territoires,

Observe que la Commission européenne partage ce jugement, considérant dans sa décision susvisée que « la fiscalité préférentielle bénéficie aux différents acteurs de la filière canne-sucre-rhum » et assure « le maintien de la culture cannière, la pérennisation des emplois qui lui sont liés, et contribue à l'aménagement du territoire des régions d'outre-mer »,

Constate que cette aide n'a pas provoqué de distorsion de concurrence au détriment des autres pays producteurs, comme l'attestent la progression importante de leurs parts de marché et le fait qu'aucune entreprise de ces pays ne se soit installée dans les DOM pour bénéficier de l'aide fiscale,

Estime que l'aide fiscale doit permettre de compenser l'ensemble des surcoûts subis par les producteurs de ces territoires, afin de garantir un débouché commercial au rhum des DOM, dans le respect des règles communautaires et notamment de l'article 349 susvisé,

Considère que l'appréciation des caractéristiques et contraintes particulières des DOM doit notamment prendre en compte les coûts majorés des matières premières, de l'énergie, du transport et des intrants, ainsi que ceux résultant du respect des normes environnementales et sociales et de l'évolution de la masse salariale,

Fait valoir qu'à côté des coûts de production, doivent également être pris en compte les surcoûts liés à l'accès au marché, comme le soulignait la Commission européenne dans sa décision susvisée mentionnant que les rhums traditionnels faisaient l'objet « d'un type de conditionnement (degré et contenance) augmentant le prix de vente en valeur absolue »,

Constate que les coûts de production comme les coûts d'accès au marché ont considérablement augmenté depuis 2007,

Préconise le renouvellement à l'identique de la décision du Conseil susvisée, la procédure suivant son cours,

Souligne l'urgence pour la Commission européenne à ouvrir les discussions sur le renouvellement du dispositif d'aide d'État au-delà du 31 décembre 2013,

Souhaite que le régime dérogatoire applicable aux rhums traditionnels des DOM puisse être renouvelé sur la base du dispositif, particulièrement équilibré, présenté par le Gouvernement français à la Commission européenne le 18 février 2013,

Salue la mesure spécifique que ce dispositif propose en faveur des petites distilleries, dans la mesure où celles-ci, particulièrement vulnérables, participent au maillage du territoire et à une production diversifiée et de qualité.

M. Serge Larcher, président. - Je remercie le rapporteur.

Jeudi 28 mars 2013

- Présidence de M. Serge Larcher, président -

La zone économique exclusive des outre-mer : quels enjeux ? - Audition de M. Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières

M.  Serge Larcher, président. - Nous poursuivons nos travaux sur les enjeux des zones économiques exclusives ultramarines.

Notre collègue Jean-Étienne Antoinette est le seul de nos trois rapporteurs présent aujourd'hui, Joël Guerriau et Richard Tuheiava étant empêchés.

Les trois auditions de ce matin concernent l'extraction pétrolière et la question énergétique. Il s'agit d'examiner les potentiels de nos outre-mer dans ce domaine mais également de mettre en perspective ces questions avec la discussion prochaine du nouveau code minier.

Nous commençons avec M. Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières, à qui je souhaite la bienvenue.

M. Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières. - Je vous remercie. Le potentiel de la zone économique exclusive (ZEE) ultramarine est très important pour notre pays. La révision du code minier est fondamentale, tant pour les travaux onshore en métropole que pour les travaux offshore dans les ZEE.

Nous avons été reçus par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale sur le code minier, où nous avons insisté sur l'importance de la refonte envisagée.

L'UFIP, qui regroupe toutes les grandes entreprises françaises du secteur, est le syndicat professionnel du pétrole et couvre de nombreuses activités en France et outre-mer. En ce qui concerne l'exploration et la production, nous comptons une vingtaine de petites et moyennes entreprises adhérentes, de diverses nationalités. Il y a une soixantaine de concessions d'exploitations sur le territoire métropolitain et autant de permis d'exploration en cours.

La production nationale est de 800 000 tonnes de pétrole et, pour le gaz, notre production se monte à 800 millions de m3, soit respectivement 1 % et 2 % de la consommation française, c'est dire notre dépendance aux importations.

La facture d'hydrocarbures s'élève à 60 milliards d'euros par an, dont 80 % pour le pétrole et 20 % pour le gaz ; toute production nationale améliore donc notre balance des paiements.

La France est l'un des pays où existe une véritable filière du pétrole, avec de grands groupes comme Total, Schlumberger, Technip, CGG Veritas et Vallourec (qui fabrique des tubes).

Notre pays est le deuxième exportateur mondial d'équipements et de services de cette filière. L'outre-mer entre dans le champ des missions de l'UFIP, aussi bien pour l'amont pétrolier que pour l'aval, qui concerne le raffinage, la distribution et le traitement des huiles usagées.

Les opérateurs ne sont pas tous adhérents de l'UFIP, à l'instar de Rubis qui est présent aux Antilles.

Le développement de l'amont pétrolier est important : aujourd'hui, il y a quatre grands permis en cours de validité : Guyane Maritime, Caravelle (Martinique), Juan de Nova profond et Est (maritime profond, dans les Îles Éparses du Canal de Mozambique, entre le Mozambique et Madagascar) et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le permis de Caravelle n'est pas actif et celui de Juan de Nova donne lieu à des recherches sismiques, sans forage.

Nous avons, par ailleurs, sept demandes de permis : Concorde en Guadeloupe, un autre permis au large de la Martinique (Gwo Ka Caribbean), Bardoil à Saint-Pierre-et-Miquelon. En Guyane, nous avons quatre demandes de permis : Papillon, Udo/Total, Shelf/Total, Demerara Est. Cela démontre l'importance de cette collectivité en matière de recherche pétrolière et l'intérêt d'un domaine maritime étendu.

La refonte du code minier ne devra pas introduire de nouveaux freins. Nous avons l'habitude de dire que lorsqu'on modifie le code de la route, ce n'est pas pour arrêter la circulation, mais pour améliorer la sécurité. Nous attendons la même chose pour le code minier. Nous serons donc très attentifs aux évolutions à venir.

M. Bruno Ageorges, directeur des relations institutionnelles et des affaires juridiques de l'Union française des industries pétrolières. - La réforme du code minier a été engagée via un communiqué du Conseil des ministres en septembre 2012. Mme Batho a dit son souhait d'intégrer la charte de l'environnement, de modifier la fiscalité applicable et de prendre en compte les spécificités de l'outre-mer.

Un comité informel de concertation a été confié à Thierry Tuot, conseiller d'État, où siègent les parties intéressées, dans l'esprit du Grenelle. Ce comité est chargé de présenter des propositions. Il s'est réuni onze fois, de début octobre à mi-décembre 2012, chacune de ses réunions ayant été consacrée à un grand thème. Ont été traités, notamment, les fins de travaux, les restitutions des sites miniers en fin d'exploitation, la fiscalité, l'outre-mer. L'outre-mer a fait l'objet de cette dernière réunion et il n'y a pas eu de compte rendu officiel. Le conseiller d'État a ensuite rédigé ses propositions informelles personnelles.

Lors d'un conseil des ministres de février, de nouvelles orientations ont été présentées, notamment un schéma national minier, le renforcement de la surveillance en fin d'exploitation, une refonte de la fiscalité.

Nous abordons maintenant une nouvelle phase de concertation qui tarde à s'amorcer. Une esquisse de projet de loi est en préparation : on parle d'un dépôt en juin pour une adoption à l'automne, mais ce calendrier nous semble ambitieux.

Nous souhaitons que la réforme du code minier favorise le développement des activités de recherche et de production et incite à investir. Nous avons trois préoccupations majeures : cette réforme doit favoriser la participation et l'appropriation des projets par le public, faciliter l'exercice de l'activité et stabiliser la fiscalité pour donner une visibilité aux investisseurs. Il y a quelques années, la simplification du code minier avait été envisagée pour rendre les délais d'instruction compatibles avec la nature et l'importance des investissements nécessaires. Dans le code minier actuel, il existe des dispositions relatives à la ZEE et à l'outre-mer mais elles sont dispersées.

Pour l'outre-mer, les compétences des régions sont reconnues spécifiquement, contrairement à la situation qui prévaut en métropole.

Pour la ZEE et l'outre-mer, trois points sont essentiels : la stabilité du cadre institutionnel, la clarification et l'adaptation des règles d'information et de consultation du public et la visibilité fiscale.

Tout d'abord, le cadre institutionnel. Les compétences régionales doivent être identifiées dans le code minier. Notre préférence va à un code minier général et national, pour assurer la cohérence des différentes autorités et du droit applicable, ce qui n'empêche pas les spécificités régionales. Si certaines collectivités souhaitent un code minier régional pour renforcer leurs pouvoirs dans la définition et l'octroi des titres, sur le plan global, il faut de la cohérence.

J'en arrive aux conditions de réalisation des travaux en ZEE. Depuis décembre 2011, la réglementation nationale a soumis à enquête publique les travaux offshore, ce qui pose problème. Quid du périmètre des enquêtes publiques quand le gisement se situe à 150 km des côtes ? En outre, la durée des enquêtes publiques compromet l'activité économique, compte tenu des investissements à réaliser. Ainsi, tout retard peut coûter un million de dollars par jour.

Dernier point : la fiscalité doit être stable. Fin 2011, un projet de loi de finances rectificatives a supprimé le système de suspension de TVA pour les travaux sur le plateau continental. Or, c'était une des rares incitations fiscales en la matière.

La loi de finances pour 2012 a prévu une redevance spécifique de 12 %, partagée entre la région et l'État, dans des conditions qui seront mises en oeuvre par décret, théoriquement en 2014. On comprend l'idée de partage, mais tout dépend des découvertes qui pourront être faites.

M. Jean-Louis Schilansky. - Sur l'ensemble de notre territoire, nous sommes aujourd'hui dans une situation très délicate. Les demandes de permis sont bloquées par le Gouvernement : ainsi, il y a quelques 120 demandes qui ne trouvent pas d'issue. La stabilité du cadre règlementaire est fondamentale. À l'heure actuelle, on se perd dans les dédales administratifs car les interlocuteurs sont multiples. Notre industrie est, je le répète, dans une situation très difficile.

Le cas de la Guyane est exemplaire. Est-il parfait ? Non, mais il est de loin préférable à tout ce qui a été fait auparavant. Dix groupes de travail ont été créés, les parties prenantes se sont investies et l'opérateur est dynamique. Lorsqu'il avait été question de suspendre le permis de Guyane, nous avons été réconfortés de voir des élus soutenir le projet, ce qui prouve que nous avions fait un bon travail d'appropriation. Peut-être faudrait-il s'inspirer de cette expérience pour rédiger le nouveau code minier ?

Le domaine maritime national représente 11 millions de km2, ce qui est considérable. Nous sommes, j'y insiste, dans un domaine concurrentiel. Aujourd'hui, des sociétés pétrolières, indépendantes et moyennes, sont extrêmement actives. Voyez ce qui se passe au Mozambique, pour ne citer que ce pays.

Le code minier devra confirmer l'attractivité de notre pays pour ces investissements, en posant des règles acceptables. Si la législation est trop contraignante, il n'y aura plus d'investissements car les opérateurs iront ailleurs. Sans être laxiste, il faudra bien mesurer l'impact réglementaire dans le différentiel de compétitivité.

Nous sommes prêts à participer à la rédaction du code minier. Si le champ de Guyane est au niveau de Jubilé en Angola - ce que nous espérons, sans bien sûr le savoir -, cela devrait représenter 120 000 barils par jour, soit 5 milliards de dollars par an. C'est dire l'importance de l'enjeu.

M.  Serge Larcher, président. - Merci pour votre présentation.

M. Jean-Étienne Antoinette, sénateur, rapporteur. - Vous avez cité des chiffres intéressants que l'exploitant n'a pu nous donner. Y a-t-il une stratégie des industriels par rapport aux outre-mer ? Y a-t-il une filière spécifique ? Avez-vous évalué les impacts sur les territoires ? Que penser de la situation au Brésil et au Vénézuela ? Avez-vous une approche régionale ? Vous avez parlé d'appropriation des projets par le public. Qu'en est-il du régime des concessions ? Le Sénat a présenté une analyse comparative des diverses législations : y a-t-il un modèle qui a votre préférence ? Avez-vous des préconisations en matière fiscale ? Je suis maire de Kourou et je sais quelles furent les erreurs commises avec le centre spatial. Il ne faut pas les renouveler.

M. Jean-Louis Schilansky. - Il n'y a pas de stratégie spécifique vers les outre-mer, mais les prix sont très élevés. Le baril de pétrole est à 110 euros. Toutes les sociétés ont redéployé leurs ressources vers l'amont de façon massive afin de trouver de nouvelles ressources.

La technologie a beaucoup progressé pour les forages en eau profonde et très profonde. Il y a donc un énorme redéploiement vers l'offshore, ce qui explique les recherches en Guyane.

Les groupes pétroliers souhaitent des retombées sur les territoires où ils opèrent, mais ils ont leur propre façon de procéder. Cette industrie est très mondialisée. Le navire au large de la Guyane a été fabriqué en Corée. Il convient de discuter avec chaque opérateur.

L'appropriation est fondamentale. Aujourd'hui, il faut consulter et obtenir l'approbation du public à tous les stades. Ce qui s'est passé en matière de gaz de schiste en France métropolitaine est une catastrophe, alors même que le code minier avait été respecté, ce qui montre qu'il est inadapté. La révolte populaire a entraîné des dispositions bloquant un développement utile à notre pays. Nous devons travailler avec les populations, non seulement pour expliquer les dossiers, mais pour qu'ils soient compris. Le film Gasland qui vient des États-Unis est faux et a eu des répercussions très négatives.

M. Bruno Ageorges. - La concertation informelle avec M. Tuot n'est pas entrée dans les détails. Peut-on faire participer les populations, tout au long de la trajectoire des permis avec toutes leurs conséquences, pour parvenir à une vision globale ? Comme il est nécessaire de distinguer exploration et exploitation, il est difficile de définir des trajectoires - fiscales, financières, de retombées - d'emblée. Nous restons attachés aux permis d'exploration, suivis de permis d'exploitation : il faut dissocier les deux titres car ils n'emportent pas les mêmes conséquences juridiques.

Quant au partage de production outre-mer, tout dépend de l'ampleur des projets et des discussions entre les collectivités concernées et les opérateurs.

M.  Serge Larcher, président. - Merci pour vos présentations très complètes.

La zone économique exclusive des outre-mer : quels enjeux ? - Audition de M. Olivier Appert, président de l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles et de M. Honoré Le Leuch, conseiller auprès du président

M. Olivier Appert, président de l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN). - Nous sommes un établissement public. Notre métier, c'est l'intervention dans le domaine de l'énergie et de la transition énergétique. Je vous remets un dossier de synthèse de ma présentation.

Je rappelle l'enjeu international de l'offshore : il concerne 25 % des réserves d'hydrocarbures - les volumes augmentent année après année - les réserves de gaz offshore représentent environ 30 % des réserves totales.

Aujourd'hui, l'offshore représente 30 % de la production d'hydrocarbures conventionnels, la plus grande partie de la production vient des gisements situés à plus de 1 000 mètres de profondeur. Les progrès technologiques ont rendu possible l'exploration de gisements de plus en plus profonds. On met, actuellement, en production des gisements à des profondeurs supérieures à 2 500 mètres.

Vous connaissez l'ampleur du domaine maritime français : il pourrait s'agrandir encore si toutes les demandes d'extension du plateau continental déposées auprès de l'ONU étaient acceptées.

Le potentiel pétrolier des ZEE françaises doit s'apprécier par rapport à la proximité des gisements des zones de consommation, d'où l'intérêt du Golfe du Lion, zone encore inexplorée, mais des découvertes ont été faites en Égypte, au Liban, en Israël, à Chypre ; Saint-Pierre-et-Miquelon est une zone attractive, mais la ZEE est extrêmement réduite.

La Nouvelle-Calédonie est totalement inexplorée, mais pourrait être intéressante. Les Îles éparses présentent aujourd'hui un intérêt particulier, suite à des découvertes importantes de gaz au Mozambique et en Tanzanie. Les Antilles représentent aussi un potentiel.

Les enjeux de l'exploration-production s'expliquent par leur impact sur la facture énergétique, le déficit commercial étant de l'ordre de 70 milliards d'euros, dont les importations d'énergie représentent la quasi-totalité.

Les exportations d'électricité atténuent la facture énergétique, pour un solde exportateur de 2 à 3 milliards d'euros par an seulement, à comparer avec la facture pétrolière de 50 milliards d'euros.

Le développement de l'offshore est une opportunité de création d'emplois pour les entreprises françaises : les investissements totaux s'élèvent dans ce secteur à 200 milliards d'euros dans le monde.

Grâce à une politique continue depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la France dispose de leaders mondiaux : CGG, Vallourec, Technip, sociétés créatrices d'emploi. Le chiffre d'affaires total du secteur parapétrolier s'élève à 35 milliards d'euros.

M. Le Leuch, conseiller du président de l'IFPEN. - La Guyane française présente des analogies avec la marge équatoriale africaine, au Ghana et en Sierra-Leone. Les premiers résultats des explorations menées sont encourageants. Il faudra néanmoins plusieurs forages d'évaluation avant qu'une décision d'exploitation puisse être prise.

La marge offshore de la Guyane présente également des analogies avec le Surinam et le Guyana. De nouveaux permis d'exploration viennent d'être ouverts début 2013 au Surinam et au Brésil. Dans tous ces pays riverains, l'exploration nécessitera beaucoup plus de forages, pour en estimer le potentiel commercial.

Il y a 90 millions d'années, avant la séparation du Brésil et de l'Afrique, il y avait une continuité entre les marges équatoriales américaine et africaine. En Afrique, les gisements commerciaux ont nécessité une trentaine d'années d'exploration. Tout a changé en 2007, où une impulsion forte a été donnée, notamment au Ghana et en Sierra Leone. Les découvertes en Afrique redonnent de l'intérêt au bassin des Guyanes, dont le dossier qui vous a été remis présente une carte.

Au Surinam, des découvertes ont été faites à terre, il y a longtemps, mais la production reste faible. Ce pays espère des découvertes offshore. Au Guyana, une découverte a été faite par Shell dont le potentiel commercial n'a pas été considéré comme suffisant. Un puits offshore a été abandonné pour des raisons techniques (surpression). Exxon fait actuellement une sismique 3 D en vue de décider de nouveaux forages. Ce bassin est situé entre ceux du Brésil et du Venezuela, très riches.

Les activités pétrolières offrent des opportunités de développement économique. Le nombre d'emplois induits est plus important dans le secteur des services. Le contenu local des activités est relativement faible pendant les phases d'exploration, mais augmente dans la phase de production et d'exploitation commerciale des gisements.

L'aspect formation est particulièrement important, l'IFP School a participé à des activités en Guyane, pour anticiper les besoins.

On ne peut parler d'hydrocarbures offshore sans parler de Macondo. Le risque zéro n'existe pas, même si le dernier état de l'art est utilisé pour éviter les risques.

La plus importante pollution eut lieu au Koweït lors de la guerre du Golfe en 1991. Il y eut auparavant, en 1979, une pollution importante au Mexique. Les accidents les plus nombreux sur les quarante dernières années sont liés au transport par tanker ; tout le monde se souvient de l'Amoco Cadiz. Mais ils diminuent ces dernières années. La catastrophe de Macondo a été un coup de semonce pour le monde pétrolier. Macondo a coûté environ 50 milliards de dollars à BP, compagnie qui est en train de passer du premier rang à la seconde division.

La profession a mis en place des moyens d'intervention rapides. Des équipements peuvent ainsi être mobilisés dans le Golfe de Guinée, dans le Golfe du Mexique, en Mer du Nord : c'est la Marine Well Containment Company, qui remédierait à la pollution en cas d'accident.

Sur la modernisation du code minier, nous avons participé aux travaux du groupe Tuot qui devrait se réunir à nouveau à partir de début avril. Cette réforme est justifiée, car les précédentes adaptations ont été faites à droit constant.

Des pays de l'OCDE ont récemment modernisé leur code minier. Chez nous, il est fort ancien et les dispositions relatives aux hydrocarbures conventionnels ont été progressivement rajoutées.

Les modernisations sont liées aux orientations nouvelles de la politique du secteur.

L'exploration du sous-sol est faite de manière à entraîner des retombées pour l'économie et l'emploi. Il importe d'analyser les difficultés d'application des codes existants et de lever les freins qui brident le développement des activités minières.

Les meilleures pratiques suivies à l'étranger se concentrent sur le respect de l'environnement, l'information du public, une plus grande concurrence, une meilleure surveillance administrative, une modernisation de la fiscalité.

Il importe de définir si l'on veut modifier ou refondre le code. Une solution mixte regroupant les dispositions spécifiques aux hydrocarbures emporte notre faveur.

Quels en sont les enjeux principaux ? Moderniser les procédures d'octroi de permis serait intéressant, en raccourcissant les délais, avec une procédure d'appel d'offres sur des périmètres prédéfinis.

Deuxième objectif : le respect de l'environnement et la responsabilité environnementale ; l'information du public est nécessaire, dans des délais raisonnables, par des procédures appropriées.

Le nouveau code doit accroître la surveillance par l'approbation (et non la simple déclaration) préalable des travaux majeurs.

Il importe aussi d'améliorer la sécurité juridique des titres miniers par plus de transparence et de réactivité dans les procédures administratives, pour réduire les retards dans les prises de décisions qui limitent l'attractivité des permis, donc les investissements et la valorisation du sous-sol.

La participation du public, l'acceptation des procédures de recours sont également nécessaires.

M. Jean-Étienne Antoinette, rapporteur. - Merci de votre exposé.

Pour moderniser la délivrance des permis, êtes-vous en faveur d'un titre unique ? Quels en seraient les avantages et les inconvénients ? Le Brésil, dites-vous, s'inscrit davantage dans une procédure d'appels d'offres : est-elle à généraliser ? Le directeur de Shell nous a confirmé que, dans une première phase, l'impact sur l'emploi et sur l'activité économique est faible : sur 10 millions d'euros, 8 millions d'euros se trouvent hors du territoire concerné, la Guyane. Ne faudrait-il pas contractualiser ces retours sur le territoire, sans pour autant les inscrire dans le code minier ? Lors de l'audition, un sénateur a fait observer que la part des industriels français n'est guère importante. N'y a-t-il pas là une incitation à revoir les procédures de délivrance de permis d'exploration et d'exploitation ? Enfin, la réforme du code minier tire-t-elle les enseignements des accidents intervenus ?

M. Honoré Le Leuch. - Un titre minier unique, non. Le schéma actuel prévalant dans la plupart des pays, est celui d'un titre exclusif de recherche, qui conduit à l'octroi d'une concession d'exploitation en cas de découverte aboutissant à un gisement commercial. En ce cas, un plan de développement et d'exploitation est préparé.

Le permis d'exploration couvre plusieurs milliers de kilomètres carrés. Pour Jubilé, la concession d'exploitation fait 110 kilomètres carrés. Cette différence de taille explique pourquoi il y a deux titres miniers et non un titre unique.

Les bonnes pratiques internationales que nous avons étudiées donnent le maximum de flexibilité. Il faut maintenir un système mixte avec des appels d'offres et des demandes spontanées suivies de mises en concurrence, imposées par Bruxelles, qui ne portent pas nécessairement sur des périmètres identiques.

La diversité des ZEE françaises nécessite ces deux systèmes. Les appels d'offres pourraient être utilisés dans certains cas.

Quant aux retombées, tout dépend de la nature de l'exploration, phase où il y a des travaux intermittents. Un forage d'exploration dure de trois à six mois et implique des investissements extrêmement coûteux. Les forages au large de la Guyane coûtent plus de cent millions de dollars. En phase de développement, on passe à une autre échelle, de durée, trois ans, et d'investissements, de plusieurs milliards de dollars.

Il faut préparer le futur par la formation, pour être prêts quand il y aura de la production.

L'exemple de BP le montre, un opérateur pétrolier doit être bien choisi - il faut vérifier ses compétences techniques et financières - afin qu'en cas d'accident, avec ses associés, il soit en mesure de réparer. Ces mesures de réparation sont à la charge des titulaires de permis qui doivent aussi prendre toutes les dispositions pour nettoyer la zone polluée. Ces principes valent partout dans le monde.

En outre, en cas de gisement commercial, existe une obligation, à la fin de l'exploitation, d'enlever toutes les installations et de remettre en état la zone concernée. Cela fait partie des modernisations à inclure dans le code minier.

M. Olivier Appert. - Shell fait partie des sociétés qui présentent toutes les garanties. Macondo a exclu de l'offshore profond les compagnies moyennes qui n'auraient pas les moyens financiers d'assumer leurs responsabilités, comme peuvent le faire BP, Total ou d'autres.

Le code minier actuel est très complexe, ce qui conduit à de longs délais qui dissuadent les investisseurs, sans pour autant instituer de garanties suffisantes de respect de l'environnement et d'information du public. C'est l'une des préoccupations de Delphine Batho. Tels sont les enseignements que nous tirons du benchmark international que nous avons réalisé avec Honoré Le Leuch, expert près la Banque Mondiale, qui connaît très bien les codes miniers de nombreux pays.

M. Jean-Étienne Antoinette, rapporteur. - Selon nos auditions, nous arriverons courant mai à une troisième phase d'exploration. De nouvelles demandes affluent. Quel est le potentiel de cette zone ? Les profondeurs sont importantes. Les investissements sont très lourds. Nous pensons qu'il y aura des retours. Quel en sera le cycle, quelles en seront les retombées macroéconomiques ? Au bout de combien d'années apparaîtront-elles ?

M. Olivier Appert. - Dans la profession pétrolière, un forage qui donne du pétrole ou du gaz, c'est la bonanza ; un forage sec, c'est la vie. La première phase a été encourageante, la deuxième un peu décevante, le gisement semblant moins étendu qu'il y paraissait au premier abord. Néanmoins, des points intéressants ont été constatés, qui font l'objet des forages actuels. Le propre du métier pétrolier est d'alterner les succès et les échecs. De nouveaux travaux sont nécessaires avant de prendre la décision d'engager des milliards de dollars d'investissements. La phase d'exploration dure cinq ans, avant la phase de développement. Même s'il n'y a pas de production, c'est au cours de cette phase de développement qu'il faut prévoir des installations sur place, plus intéressantes pour les opérateurs qu'une logistique organisée, comme elle l'est actuellement, sur des bases arrière plus éloignées à partir du Surinam et de Trinidad et Tobago. D'où l'enjeu crucial de la formation locale.

M. Honoré Le Leuch. - Aujourd'hui, les retombées socio-économiques sont un objectif nécessaire pour toutes les compagnies pétrolières. Dans une phase de développement, les aspects techniques et d'investissements sont complétés par un plan visant à maximiser ces retombées locales et décliné en programmes d'action revus annuellement. Vous avez créé une commission en ce sens. Je reviens d'un pays où l'explorateur a facilité la mise en place d'un centre destiné à créer des entreprises locales et à leur donner du travail.

M. Olivier Appert. - Je reviens sur l'attractivité de la zone des Guyanes. En 2005, elle ne présentait guère d'intérêt. Mais, depuis, le paradigme a changé avec les découvertes faites au Brésil et au Ghana, qui ont donné une actualité nouvelle à cette zone. Cela ne veut pas dire que dans cinq à dix ans il y aura des productions considérables. Il en va de même en Afrique de l'Est, où aucun pétrolier ne serait allé il y a dix ans. Espérons que les découvertes seront couronnées de succès et que les retombées sur l'économie locale de la manne pétrolière seront anticipées.

M. Michel Vergoz. - Les moyens de l'IFPEN sont-ils conformes à ses missions ?

M. Olivier Appert. - Non. Je vous ai remis une brochure présentant l'IFPEN. Notre raison d'être, à l'origine, c'était les hydrocarbures. Nous l'avons élargie aux nouvelles technologies nécessaires pour assurer la transition énergétique. Nous travaillons en liaison étroite avec les entreprises pour leur fournir, grâce à nos recherches, les technologies et les produits et services dont elles ont besoin. Nous valorisons nos travaux par les filiales que nous créons, ce qui finance la moitié de notre budget et crée des emplois. Ainsi, l'une de nos filiales a embauché 300 personnes sur le site industriel traditionnel d'Alès. Ce modèle a prouvé son efficacité. Mais notre financement budgétaire a été réduit depuis 10 ans de 45 % en euros constants et je suis inquiet, compte tenu des informations qui me parviennent sur notre dotation budgétaire pour 2013 : on nous annonce une réduction de 8 millions d'euros et une nouvelle baisse pour l'an prochain. Nous devrons, en ce cas, arrêter des programmes et réduire les effectifs.

M. Jean-Étienne Antoinette, rapporteur. - Ne peut-on imaginer qu'un établissement national soit chargé de la phase d'exploration avant de lancer des appels d'offres pour l'exploitation ? Il est vrai que cela nécessiterait des moyens financiers très importants.

M. Olivier Appert. - Ce mécanisme a été mis en place en Norvège, pays pétrolier très mature. Je peux y réfléchir. Mais tout dépend du succès du forage en Guyane. Dois-je rappeler que la mode, il y a encore quatre ou cinq ans, prétendait que le pétrole était fini ? On peut y penser. Nous disposons des compétences liées à notre histoire. Nous avons travaillé dans le domaine des technologies des plateformes offshore. Nous avons des compétences en géosciences que nous mettons à disposition des pouvoirs publics, notamment à travers notre participation au groupe de travail sur la réforme du code minier.

La zone économique exclusive des outre-mer : quels enjeux ? - Audition de Mme Marie-Anne Besançon, directeur juridique de Total Exploration & Production, et de M. François Tribot-Laspiere, adjoint au directeur des affaires institutionnelles Total

M. Serge Larcher, président. - Nous sommes en train d'examiner la zone économique exclusive. En outre, l'actualité guyanaise nous interpelle. Nous accueillons Mme Marie-Anne Besançon, directeur juridique et Accords Exploration-Production de Total, pour entendre ses points de vue.

Mme Marie-Anne Besançon, directeur juridique de Total Exploration & Production. Merci de m'accueillir. J'ai fait mes études à l'IFP et j'ai démarré ma carrière au ministère de l'industrie. Je travaille depuis 25 ans dans le privé.

Pour commencer par des aspects non strictement juridiques, je tiens à rappeler tout d'abord que l'industrie pétrolière rencontre des difficultés spécifiques, liées à la nature géologique de notre activité. Je vous ai apporté deux échantillons de pétrole : vous voyez, ce sont des roches, qui sont difficiles à trouver et à produire.

Les taux d'échec des forages de recherche sont extrêmement importants : sur trois forages, deux sont secs. Les investissements infructueux doivent donc être compensés. Il convient aussi de distinguer trouver et produire. Le taux de récupération pour le pétrole est de l'ordre de 30 % à 35 % par rapport aux réserves estimées et, pour le gaz, il est d'environ 80 % à 90 %. Grâce aux améliorations techniques, ces taux peuvent progresser.

Cette industrie est caractérisée par un cycle long : entre l'attribution du permis de recherche et l'exploitation, il peut s'écouler dix ans.

L'aspect économique est fondamental : même si l'on peut techniquement produire du pétrole, encore faut-il que l'exploitation soit rentable. Si le prix du pétrole baisse, certaines productions ne le sont plus et il faut interrompre la production. Nous avons donc des stocks de réserves non exploités.

Il y a dix ans, en mer du Nord, le coût d'un appareil de forage était de 50 000 dollars par jour. Aujourd'hui, il en coûte dix fois plus !

Les prix de vente doivent également être pris en considération ; or, ils sont très volatiles. En 1998, le baril coûtait 15 dollars et, en 2008, pour le même pétrole, 140 dollars.

Ce marché est fongible, mondial ; ses acteurs sont organisés sous forme de cartel. Ainsi, l'OPEP organise la raréfaction de la ressource pour imposer des prix élevés. La fiscalité pétrolière n'a rien à voir avec la fiscalité de droit commun : les taux sont bien plus élevés.

Toute notre activité d'exploration est financée uniquement sur fonds propres. Aucune banque n'accorde de prêt à une activité qui se solde par deux tiers d'échec. Les dix ans d'investissements nécessaires à l'exploitation d'un puits ne sont donc réalisés qu'avec l'argent de nos actionnaires.

Autre caractéristique extra-juridique de l'activité pétrolière : l'aspect géopolitique. Les ressources pétrolières sont largement répandues dans le monde, mais, en dehors des États-Unis, ce sont les États qui accordent les droits d'exploiter. En outre, le Mexique et le Koweït interdisent d'attribuer des titres d'exploitation à des sociétés étrangères. Depuis une quarantaine d'années, les sociétés publiques étatiques se sont développées. Les grandes sociétés privées ne représentent plus que 15 % de l'exploitation du pétrole. Nous sommes ainsi des nains au côté de sociétés d'État vénézuéliennes, koweitiennes, saoudiennes et iraniennes. Dans bon nombre de pays, la sécurité pose problème et, parfois, des investissements sont réduits à néant pour des raisons sur lesquelles nous n'avons aucune prise.

Une société pétrolière n'investit que si elle a la certitude d'exploiter, si elle a trouvé un gisement, et si la rentabilité est suffisante pour couvrir ses investissements infructueux.

J'en arrive aux deux grands systèmes miniers dans le monde. Le premier est celui de la concession que l'on trouve dans la plupart des pays de l'OCDE et le second est le régime contractuel de partage de production dans les pays dits en développement. Dans les deux cas, hors des États-Unis, c'est l'État qui dispose du droit d'autoriser l'exploration et l'exploitation du sous-sol.

Dans le système de concession minière, l'État concède à une société le droit de valoriser les ressources. Pour les contrats de partage de production, il n'y a pas toujours d'attribution de titres miniers. Dans le premier système, la société est propriétaire du pétrole, dans le second, l'État rémunère la société qui travaille le sous-sol par une quote-part de production.

Fiscalement, on est dans un système de droit commun dans le premier système, où il n'y a ni négociation, ni stabilité fiscale assurée. Dans le deuxième système, la fiscalité est négociée contractuellement : une première tranche est consacrée au remboursement des investissements et une seconde tranche donne lieu à un partage entre l'État et la société. Traditionnellement, il y a une clause de stabilité fiscale, ce qui est très important pour une industrie à cycle long.

Dans le système de la concession, la manne fiscale est différée pour l'État, du fait du report déficitaire. Dans le deuxième système, dès la production du premier baril, l'État bénéficie de sa quote-part du profit oil. C'est pourquoi ce système, inventé par l'Indonésie, a autant de succès dans les pays en développement.

Nous vivons donc avec ces deux systèmes : le second a une fiscalité plus forte, mais il a le gros avantage d'être stable, prévisible, ce que nous apprécions beaucoup.

Il existe un troisième système dont je ne vous ai pas parlé, développé par l'Iran et l'Irak : il s'agit de contrats de services à risques ; la rémunération correspond à un fixe par baril quel que soit le volume produit. La rentabilité est réduite pour les compagnies pétrolières, ce qui explique son faible succès.

De manière générale, il y a toujours deux ou trois phases d'exploration, avant une longue phase de développement, suivie elle-même d'une phase d'exploitation qui peut aussi durer longtemps. Je vous renvoie, pour plus de détails, au tableau qui figure dans le document que je vous ai remis.

Pour nous, il est important de disposer d'un code minier ou de lois spécifiques, pour établir plus de clarté et de prévisibilité, notamment pour ce qui concerne les règles fiscales, mais aussi, pour disposer d'un seul guichet administratif, d'un interlocuteur unique stable dans le temps.

Une compagnie pétrolière ne décidera d'explorer que si elle a la certitude de pouvoir exploiter. Dans ce domaine, toute incertitude a des impacts extrêmement négatifs.

J'en arrive au système minier français. La demande initiale, pour l'attribution d'un titre d'exploration, revient à l'initiative privée. Quand nos géologues estiment que tel ou tel bassin est intéressant, nos juristes demandent à l'État concerné un permis d'exploration. Ce dernier instruit cette demande de titre et informe les divers acteurs intéressés, notamment les collectivités territoriales. Comme dans tous les pays de l'Union européenne, une mise en concurrence est organisée. La demande est publiée. Des demandes concurrentes peuvent alors s'exprimer. Classiquement, le demandeur doit justifier de capacités techniques et financières : l'État ne peut, en effet, se permettre d'attribuer un permis à une société qui, n'ayant pas les moyens d'explorer, gèlerait la zone en question. Le soumissionnaire présente des études environnementales et prend l'engagement financier correspondant aux travaux. Enfin, l'État attribue le titre minier de façon discrétionnaire. Cela est le cas dans la majorité des pays du monde. Une fois attribué, ce titre est exclusif : l'acteur économique n'accepterait pas, en effet, de mener des recherches s'il n'était pas certain d'être seul à les effectuer. La sécurité contractuelle est essentielle. Le titre de recherche est accordé, en général, pour cinq ans, renouvelable une à deux fois.

Depuis la loi du 28 décembre 2012, l'État a mis en place une concertation avec le public après la phase de mise en concurrence européenne et avant de prendre une quelconque décision d'attribution des permis de recherche. Cette modification était nécessaire pour se conformer à la Charte de l'environnement. Pour pouvoir confirmer le titre d'exploitation, l'attribution est désormais soumise à une enquête publique.

Il faut bien distinguer le titre minier des autorisations de travaux. Le titre minier est un droit patrimonial, alors qu'une autorisation de travaux est le titre opérationnel. L'obtention d'un titre minier est donc nécessaire, mais pas suffisant, car il faut une autorisation de la puissance publique pour réaliser les travaux physiques sur le terrain. Notre activité est extrêmement surveillée et réglementée. Depuis le 1er juin 2012, les autorisations de forage de plus de 100 mètres de profondeur sont soumises à une enquête publique.

L'État intervient donc à divers niveaux, notamment pour la délivrance des titres et pour les travaux. En cas d'infraction, il peut retirer les titres donnés, de plus, il assure en permanence la police les mines. De même, lorsqu'il y a inertie ou absence d'exploration, l'État peut retirer les titres accordés.

J'en arrive aux aspects fiscaux de l'activité pétrolière en France, sur lesquels je vous ai remis une note. La fiscalité y est de deux natures : la fiscalité de droit commun, qui est une fiscalité centrale, c'est-à-dire l'impôt sur les sociétés, la TVA, mais aussi les impôts locaux que vous connaissez bien. S'y ajoute de surcroît une fiscalité pétrolière, au bénéfice de l'État ou des collectivités territoriales. Une redevance de 12 % revient ainsi à l'État sur la production. À partir de 2014, pour les zones offshore, cette redevance sera partagée par moitié entre les collectivités et l'État. Peuvent également exister des sur-prélèvements, l'État surtaxant les produits, quand il considère que la rentabilité est trop importante. Enfin, la redevance départementale et communale des mines (RDCM) est fixée par les collectivités locales.

Un point sur les différents types de paiements : il peut exister un premier paiement avant même le premier forage, mais il varie beaucoup en fonction des pays. Quand il y a beaucoup de ressources, ces primes de signature peuvent être conséquentes, par exemple, en Angola. De tels paiements sont inenvisageables dans des pays où l'on trouve peu de pétrole, ils décourageraient les investisseurs.

Les royalties sur la production sont une fiscalité certaine pour les États et les investisseurs prennent évidemment en compte ces coûts dans leurs calculs de rentabilité.

Les redevances superficiaires ou préfoncières sont souvent versées durant la phase d'exploration. Cette taxe a pour effet d'inciter l'opérateur à travailler le plus rapidement possible sur la zone pour éviter de la geler trop longtemps.

Dernier type de taxation qui s'est développé depuis trente ans : celle des surprofits déterminée par les lois de finances. N'intervenant que pour les concessions, ces prélèvements dégradent la rentabilité d'un projet et donc l'attractivité du pays. Les yoyos fiscaux n'incitent pas à l'investissement.

J'en arrive au partage de la fiscalité pétrolière entre l'État et les collectivités territoriales. La plupart du temps, cette fiscalité revient à l'État, ce qui est d'ailleurs source de frictions, voire de tensions avec les collectivités : voyez ce qui se passe au Nigeria.

Un équilibre doit être trouvé : il nous semble qu'un certain retour local est nécessaire, car les collectivités locales financent toutes les infrastructures indispensables à l'exploitation. Les dépenses régaliennes de l'État doivent, bien sûr, être financées. De plus, l'activité pétrolière peut générer des hausses de revenus massives, ce qui peut déstabiliser les collectivités qui en bénéficient et encore plus quand la manne tarit brutalement.

La France, assez pauvre en hydrocarbures, est un pays neuf à cet égard, et elle doit rester attractive pour les investisseurs.

M. Jean-Étienne Antoinette, rapporteur. - Merci pour cet exposé très complet.

M. Michel Vergoz. - Je suis content de me retrouver assis à la même table qu'un « nain » de votre taille !

Mme Marie-Anne Besançon. - Nous faisons effectivement partie du « club des nains » et nous sommes la cinquième compagnie intégrée internationale derrière Exxon, Shell, Chevron et BP...

M. Michel Vergoz. - Eh bien, je suis heureux de me retrouver parmi ces grands « nains » ! Quel est le regard d'une grande compagnie comme Total sur les stocks mondiaux ? La France pourrait-elle passer de la pauvreté à la richesse ?

Mme Marie-Anne Besançon. - Votre question revient à traiter de l'offshore. Certes, le domaine maritime français est important, mais nos géologues ne sont pas très optimistes en la matière. Seule exception, la Guyane, où nous avons un permis en coopération avec d'autres sociétés. Cette zone se trouve dans le prolongement de celle du Brésil où de grandes découvertes ont été faites.

La géologie n'est pas une science exacte et nous devons réactualiser régulièrement nos connaissances. Je suis cependant désolée de vous dire que la France a peu de chances de devenir le Brésil de demain...

M. Michel Vergoz. - Quid du Golfe du Lion et du canal du Mozambique ?

Mme Marie-Anne Besançon. - Le canal du Mozambique est prometteur, mais je ne suis pas géologue.

M. François Tribot-Laspiere, adjoint au directeur des affaires institutionnelles de Total . - Il y a effectivement en Afrique de l'Est de nouvelles zones intéressantes. Nous sommes présents en Ouganda et au Kenya, où nous explorons des thématiques géologiques nouvelles, à l'opposé de la zone de l'Afrique occidentale où nous sommes traditionnellement implantés. Les investissements, mais aussi les espoirs sont importants.

M. Jean-Étienne Antoinette, rapporteur. - Pour les forages positifs, les taux de rentabilité sont élevés. Ne peut-on imaginer une nouvelle gouvernance à l'échelle de l'Europe en créant un organisme étatique dédié à l'exploration ? Vous avez dit apprécier le contrat de partage, parce qu'il apporte une grande prévisibilité, mais les conclusions de M. Tuot ne paraissent pas aller dans ce sens ; il semble préférer le régime de la concession. Que faire pour inverser cette tendance ?

Une loi pétrolière est nécessaire, dites-vous, mais nous allons vers une réécriture du code minier.

Mme Marie-Anne Besançon. - C'est la même chose.

M. Jean-Étienne Antoinette, rapporteur. - Je n'en suis pas sûr. Ainsi, le Brésil a légiféré de façon très précise en matière pétrolière.

Sur la fiscalité, comment se situe la France par rapport aux autres pays ? Restons-nous attractifs ? Enfin, vous n'avez rien dit de la responsabilité des industriels en cas d'accidents ...

M. Michel Vergoz. - Comment rendre la France plus attractive, à supposer qu'elle ne le soit pas suffisamment ?

Mme Marie-Anne Besançon. - Nous n'avons pas eu connaissance des propositions de M. Tuot. Total n'a pas été directement associé à ses travaux. L'organisme professionnel a, en revanche, été consulté. Le code minier actuel nous permet de travailler. M. Tuot a semblé vouloir remettre en cause l'automaticité du droit d'exploitation, une fois le gisement trouvé, ce qui était inenvisageable.

Par la fiscalité, la France ponctionne à peu près 40 % de la valeur ajoutée de notre production, ce qui nous situe dans une moyenne basse. Par exemple, le Royaume-Uni est à 50 %, mais il s'agit d'un grand pays pétrolier, ce qui n'est pas notre cas. Si la pression fiscale augmentait chez nous, elle découragerait les investissements. En Indonésie, la fiscalité a tellement augmenté que les investissements ont disparu. La fiscalité détermine les investissements d'aujourd'hui et les productions de demain. La fiscalité française n'étant pas confiscatoire, nous continuons à investir.

Une mutualisation des phases de recherche au niveau national ou européen impliquerait que l'on fasse payer par les contribuables la recherche plutôt que par des capitaux privés. À l'heure actuelle, c'est plutôt la deuxième solution qui a la faveur de tous les pays du monde.

Nous pouvons vivre avec les contrats de partage de production, du fait de la prévisibilité fiscale. De plus, ces pays s'attachent à ne pas tuer la poule aux oeufs d'or.

Quant à la différence que vous faites entre loi pétrolière et code minier, nous estimons que les deux sont très proches. La France a une longue tradition, son code minier date de plus de 200 ans et il ne concerne pas que les hydrocarbures, mais aussi les mines, le charbon, les granulats, les carrières. Il s'agit donc d'un code qui assemble toutes les dispositions relatives aux diverses strates du sous-sol. Au Brésil, la loi pétrolière règle les modalités d'attribution et la fiscalité : là aussi, l'ensemble est cohérent.

Une autorisation de travaux ne se revend pas, contrairement aux titres miniers. Un préfet ne peut pas empêcher un acteur économique de travailler sur une zone déterminée si toutes les conditions sont remplies. Le titre minier est un droit de propriété, pas l'autorisation de travaux.

Vous m'avez interrogé également sur les dommages environnementaux et sur la responsabilité des industriels. Ces derniers doivent respecter la législation, notamment en ce qui concerne le droit du travail et de l'environnement. L'industrie pétrolière n'est pas différente des autres industries et lorsqu'elle crée un dommage à un tiers, ce dernier a droit à une indemnisation. Une fois l'exploitation terminée, nous devons reboucher le forage, mais comme nous travaillons dans des zones extrêmement profondes, nous n'avons pas de problème d'effondrement de galeries.

M. Jean-Étienne Antoinette, rapporteur. - La France reste-t-elle un pays attractif ?

Mme Marie-Anne Besançon. - Fiscalement, oui ; géologiquement, c'est un pays où nous souhaiterions travailler davantage.