Mercredi 30 janvier 2013

- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -

Nomination d'un rapporteur

La commission nomme Mme Françoise Cartron rapporteure sur le projet de loi n° 653 (AN) d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (sous réserve de sa transmission par l'Assemblée nationale).

Économie du film français - Table ronde

La commission organise une table ronde sur l'économie du film français. Sont entendus :

M. Michel Hazanavicius, réalisateur, président de la Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (ARP) ;

- M. Thomas Langmann, producteur, vice-président de l'Union des producteurs française (UPF) ;

- M. Vincent Perez, acteur ;

Mme Elisabeth Tanner, présidente du Syndicat des agents artistiques et littéraires ;

M. Franck Weber, directeur des acquisitions du cinéma français du groupe Canal +.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - La tribune du producteur Vincent Maraval, publiée le 28 décembre dernier dans Le Monde, a suscité une tempête de réactions et beaucoup de conversations au « Café du commerce ». Selon lui, le film français est condamné à ne pas être rentable ; l'argent public finance les salaires des acteurs et des réalisateurs et non la diversité de la création. Dès lors, les films à gros budgets ne contribueraient pas à financer les films plus originaux et ambitieux. Au contraire, ils seraient financés par ces derniers. Cet article a eu le mérite d'ouvrir le débat sur l'économie du cinéma français.

Notre objectif, avec cette table ronde réunissant tous les acteurs de la chaîne de production d'un film, n'est pas de traiter du mode de financement du cinéma français dans son ensemble, que la commission soutient, mais d'étudier précisément le financement de chaque film et le détail des postes de dépenses. Le coût des films français est-il trop élevé ? Pourquoi nos acteurs sont-ils mieux rémunérés en France que dans les films américains ? Les chaînes de télévision sont-elles responsables de l'envolée des cachets et du star system ? Indexer les salaires sur la réussite des films est-il une solution ? Quel est le rôle des agents ? Qu'attendez-vous des pouvoirs publics, par exemple en matière de transparence dans les contrats ?

M. Michel Hazanavicius, réalisateur, président de la Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (ARP). - M'adressant à la commission de la culture, je n'ai pas besoin d'insister sur l'importance du cinéma français dans notre société. La tribune de Vincent Maraval s'intéresse à la rentabilité des films et à l'inflation de leur coût. Quand nous faisons un film, nous avons une autre approche. Chaque film constitue d'ailleurs un prototype, chacun a une économie particulière. C'est pourquoi il n'est pas possible d'évaluer la rentabilité d'un film comme cela se fait pour un produit manufacturé : si nous savions calculer le succès ex ante, aucun problème de rentabilité ne se poserait. L'inflation des films a pour conséquence une concentration des budgets sur quelques uns dont on espère le succès en termes de recettes. Reste que les gros films ont besoin des talents qui émergent dans les petits films, tournés avec moins de contraintes. L'inflation peut éventuellement avoir pour effet de réduire le nombre de films intermédiaires.

La rémunération des acteurs est-elle excessive ? Ne désolidarisons pas les acteurs des autres ayants droit : producteurs, réalisateurs, équipes techniques. Si l'intéressement sur le succès du film fonctionnait, beaucoup joueraient cette carte proposée par Vincent Maraval. Le sujet n'est pas nouveau, Yves Montand en parlait quarante ans auparavant dans une interview visible sur le site de l'INA (Institut national de l'audiovisuel). Quand les recettes dégagées par le film ne remontent pas, beaucoup préfèrent être payés en amont. Aussi la transparence sur les recettes contribuerait-elle à la désinflation des cachets.

Pourquoi les acteurs français sont-ils moins payés aux États-Unis ? Il s'agit de deux marchés différents. En France, ils sont leaders sur un petit marché ; aux États-Unis, le marché est plus étendu et leur position moindre. Parier sur le marché américain renforce leur position en France. C'est un investissement de bon sens - pourquoi y mettre de la morale ? Ne demandons pas aux acteurs d'être plus vertueux que le système.

Les pouvoirs publics ne pourraient guère répondre aux questions soulevées par Vincent Maraval. Les enjeux d'avenir sont ailleurs : la révolution du numérique, après avoir touché la réalisation, bouleverse désormais le modèle économique des diffuseurs, qui sont les principaux financeurs du système. L'enjeu pour les pouvoirs publics est d'intégrer les nouveaux acteurs du numérique et d'Internet au système français de financement. Il faut peser à Bruxelles, car ces géants du net sont parfois plus puissants que des États et déploient un lobbying efficace.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Soyez rassurés. Malgré les sollicitations, c'est vous que nous souhaitons entendre aujourd'hui, et non Google ou Amazon.

M. Thomas Langmann, producteur, vice-président de l'Union des producteurs français (UPF). - Je partage l'avis de Michel Hazanavicius. Le Maravalgate me paraît d'ordre conjoncturel : sa société indépendante a traversé une phase difficile avec l'échec d'un film important. Vincent Maraval pose les bonnes questions, mais y apporte de mauvaises réponses.

Tout d'abord, il est difficile de comparer les rémunérations des acteurs français et américains. Ces derniers peuvent gagner à l'occasion d'un seul film une somme qui leur donnera les moyens de pourvoir à leur existence jusqu'à la fin de leurs jours. Mais, à l'image de Johnny Depp, ils ont bien compris l'intérêt d'alterner les tournages de films à succès et des films d'auteurs, car ceux-ci, bien que moins bien rémunérés, leur apportent des prix et leur ouvrent de nouveaux publics, par exemple en Europe.

L'inflation du coût des acteurs est réelle : le cinéma français est victime de son succès. Il est énergique et vivant. Grâce aux vocations différentes des chaînes de télévision, France Télévisions ayant des obligations différentes des chaînes privées, grâce à la variété des aides du CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée), orientées vers différentes formes de cinéma, il présente une diversité enviée dans le monde entier. Bien sûr, des travers existent. J'avais souligné un défaut du mécanisme d'avances sur recettes, qui ne constitue d'ailleurs qu'une petite part du budget du CNC (20 à 30 millions d'euros sur un budget de 700 millions). Sa vocation est d'aider le cinéma d'auteur et il doit la conserver. Pourtant, ni The Artist, ni Polisse, ni La guerre est déclarée, non plus qu'Intouchables, n'ont bénéficié d'une avance sur recettes. Il est nécessaire que les créateurs puissent défendre leurs projets ; la commission mise en place par Éric Garandeau y a remédié.

Il est facile pour la presse de mettre en exergue telle ou telle star. Même si c'est du pain béni pour certains, attention aux amalgames : la vraie raison de l'inflation c'est le succès. Il y a quinze ans, outre Pathé et Gaumont, on ne comptait que quelques producteurs indépendants. Désormais, à côté de ces acteurs-là et des majors américaines, une vingtaine de sociétés de production indépendantes sont capables de faire des offres. Dès lors, comme dans le sport, les stars deviennent indispensables. On compte entre dix et quinze acteurs vedettes, capables par leur seule présence de faciliter le bouclage du budget d'un film. Aussi les producteurs se livrent une vive concurrence pour les faire signer, d'où l'inflation observée. D'un autre côté, grâce à cette concurrence, nous produisons davantage de films, ce qui procure plus de travail à l'ensemble de la filière.

Pour les pouvoirs publics, il existe des chantiers plus importants. Certes, les salaires des stars peuvent apparaître très élevés. Pour l'instant, la presse a diffusé des chiffres inexacts. Ainsi, Vincent Cassel n'a pas touché deux millions d'euros pour les deux Mesrine, mais un million, pour huit mois de tournage. De même, Jean Dujardin n'a perçu que 200 000 euros, plus un intéressement, pour The Artist, et non deux millions. En apportant un million d'euros, France Télévisions a constitué le seul contributeur public de ce film très rentable. Les autres financeurs étaient privés. Les acteurs ont réduit leur salaire pour que le film existe. Je salue les mesures qui facilitent les tournages en France ou en faveur du numérique. Nous n'avons pas profité du crédit d'impôt, parce que le sujet nécessitait de tourner aux États-Unis - sans doute n'est-ce pas étranger aux Oscars qui nous ont été décernés. Méfions-nous des amalgames. Chaque film est unique.

Les grosses productions aident-elles les plus petits films ? Indéniablement, The Artist ou Indigènes n'auraient jamais vu le jour sans Obélix ou Le Boulet. De même Claude Berri a produit La Reine Margot de Patrice Chéreau, grâce aux films des Inconnus et à Gazon maudit : les producteurs ont besoin de films rentables.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Notre objet n'est pas de légiférer sur l'économie interne des montages des films. Tous les groupes politiques veulent trouver des outils pour intégrer les acteurs du numérique dans le circuit de financement. Une proposition de loi sera examinée demain à l'initiative de notre collègue Philippe Marini. Claude Domeizel en est le rapporteur pour notre commission. Dans le même temps, le rapport de MM. Collin et Colin a été rendu public ; Pierre Lescure prépare le sien et Mme Fleur Pellerin a exprimé sa détermination. En dépit du clivage entre la gauche et la droite, nous défendons collectivement le bel outil qu'est le CNC.

M. Vincent Perez, acteur. - N'étant pas producteur, mon approche sera différente. Les films français sont souvent tournés en Belgique ou au Luxembourg car ces pays offrent des facilités, au détriment de l'emploi des équipes en France. Pourquoi ne pas mettre en place un système similaire afin que les productions françaises soient tournées en France ? De même, l'accueil de productions étrangères serait une source de richesse. La Cité du Cinéma avec ses neuf studios de 2 000 mètres carrés constitue un outil formidable. Pourtant, les producteurs étrangers pensent que tourner en France est trop cher.

Les acteurs français sont mieux payés en France parce que la participation d'un interprète appartenant à la liste des quinze évoquée par Thomas Langmann crée une formidable caisse de résonance dans les médias. Les comédiens travaillent pendant des années pour représenter quelque chose dans la production et la promotion d'un film. L'on n'intègre pas seulement le talent, mais aussi cette notoriété médiatique - cela a une valeur. Ils sont moins payés aux États-Unis, parce qu'ils n'apportent pas cet effet caisse de résonance.

Le rôle des agents ? Les salaires fluctuent selon que l'on est dans le vent, ou pas. Elisabeth Tanner, mon agent, ajuste mes cachets en fonction des exigences du montage financier des films. Il me semble que tous les agents devraient faire de même.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Pour vous répondre sur la fiscalité, je précise que la dernière loi de finances comporte des mesures incitatives pour relocaliser les tournages en France, à l'image du dispositif qui existe en Belgique. Un petit levier peut avoir bien des conséquences sur la fuite de nos artistes et techniciens de part et d'autre de la frontière. Le rapporteur pour le cinéma de notre commission, Jean-Pierre Leleux, interviendra sans doute à ce sujet dans la suite de nos discussions.

Mme Elisabeth Tanner, présidente du Syndicat des agents artistiques et littéraires. - Je partage l'avis de Thomas Langmann : la tribune de Vincent Maraval obéit à des considérations circonstancielles et catégorielles.

En ce qui concerne la différence de rémunération des acteurs en France et aux États-Unis, les mécanismes sont connus. Les films américains s'adressent à un public mondial, jouer dans ces films s'apparente à un investissement, dont l'acteur espère un retour sur investissement. Il accepte une moindre rémunération parce qu'il escompte élargir sa filmographie et renforcer sa position sur le marché français.

Le cinéma français ne se réduit pas à quinze vedettes. Nombreux sont les acteurs qui vivent difficilement, sans compter que, dans ce métier à haut risque, la roue peut tourner. Plus fondamentale est la question du renouvellement des talents. Leur émergence, remède à la concentration des rémunérations sur quelques stars, est difficile, et les carrières se révèlent aujourd'hui plus volatiles. Nul masochisme dans ce métier : si les acteurs obtiennent ces salaires, c'est qu'ils le méritent. A l'image du football où on engage un joueur sans savoir s'il marquera des buts, l'économie du cinéma repose sur un pari en amont. La présence de certains acteurs facilite le bouclage des plans de financement, au même titre que la cohérence du projet, qui détermine leur place dans le film, ou la notoriété du réalisateur. Un metteur en scène aura une plus grande liberté de casting si son projet a un faible coût et des figures nouvelles pourront émerger. Mais il ne s'agira pas d'inconnus. Dans le métier d'acteur, l'on mûrit lentement. Il n'existe pas de générations spontanées.

Les cachets s'ajustent à l'économie du film. Un film à gros budget doit créer sa marque, dont dépend la réussite de la chaîne d'exploitation à toutes les étapes et sur tous les supports. Il lui faut une vedette qui lui donnera une visibilité dans les médias. Le box-office est un autre paramètre pris en compte. Certes, l'effet de suivi n'est pas toujours au rendez-vous et l'on constate des échecs, l'économie du cinéma étant une économie de prototype. A de nombreuses reprises, j'ai dû revoir à la baisse l'ensemble des contrats des ayants droit car les promesses de financement n'étaient pas à la hauteur des espérances du producteur. Cet ajustement est légitime et s'opère naturellement. Les dysfonctionnements sont rares : cependant, la présence d'une vedette ne suffit pas à compenser de mauvais projets.

Je veux souligner la grande diversité de films en termes de budgets. Pascale Ferran l'a dit, les films intermédiaires souffrent beaucoup : considérés comme trop chers, ils ont du mal à correspondre à un modèle de financement. Cependant, cette diversité est essentielle. Comme leurs homologues américains, les acteurs français oscillent entre films à grand succès et films d'auteur, les prix et la consécration des festivals étant essentiels à leur valorisation. La diversité, qui autorise l'émergence de nouveaux talents, est liée au système vertueux de financement du cinéma français.

Plusieurs modèles de financement coexistent. Lorsque les promesses de financement sont faibles, les comptes, plus serrés, sont tributaires du budget d'exploitation. La transparence de la remontée des recettes est une question controversée. Chaque film est spécifique et il est difficile de généraliser. Certains partenaires inspirent confiance parce qu'ils maîtrisent la chaîne de remontée des recettes. Dans des cas minoritaires, la multiplicité des partenaires ou les montages financiers conduisent à une captation de la recette, d'où des rémunérations en amont - il faut peut-être y regarder de plus près. Pour le reste, nous sommes pragmatiques, les contrats ne cessent d'évoluer.

Enfin, les pouvoirs publics doivent préserver ce système de financement qui est bénéfique pour l'image de la France dans le monde entier. La diffusion sur le numérique pose problème. Nous devrons solliciter les fournisseurs d'accès pour financer les contenus.

M. Franck Weber, directeur des acquisitions du cinéma français du groupe Canal +. - La diversité vaut aussi pour les chaînes de télévision. Canal + est une des colonnes vertébrales du système. Elle est née et évolue avec lui dans une interaction que j'espère vertueuse. Sa particularité est d'être une chaîne privée mais payante. Son obligation principale est de reverser 12,5 % de son chiffre d'affaires annuel au cinéma français par le biais de préachats, soit 170 millions d'euros en 2012, pour 110 films produits. Ceux-ci sont très divers, aussi bien ceux de groupes que de producteurs indépendants. Nous avons une clause de diversité. Un tiers des films produits coûtent moins de 4 millions d'euros : il s'agit de films fragiles, souvent sans casting, comme Tomboy ou La guerre est déclarée - Valérie Donzelli, inconnue à l'époque, n'avait pas bénéficié du concours du CNC ; avec Vincent Maraval et Édouard Weil nous l'avons aidée. Nous intervenons sur des films à un million d'euros, pour La guerre est déclarée, comme à 30 millions d'euros pour l'adaptation de La Belle et la Bête, avec Vincent Cassel, actuellement en tournage. Dans les cas de gros projets, destinés à mettre en valeur notre grille auprès de nos abonnés, nous sommes heureux de faire jouer des acteurs célèbres. Mais nous prenons aussi des paris. Quand Jacques Audiard vient nous voir avec Tahar Rahim, connu seulement pour un documentaire, nous faisons confiance à un grand cinéaste. Son talent en fait émerger un autre et cela donne Un Prophète, preuve que le système est vertueux.

Nous fondons notre approche sur les devis et sur leur adéquation avec le succès escompté. Pour un petit film, le budget sera consacré au développement et la question du casting ne se pose pas. Pour les gros films, si le devis est trop important, nous limiterons notre financement, sans décrier le poste de l'interprétation ni aucun autre.

Ce système est bien compris par tous les intervenants. Le groupe Canal + a co-financé 110 films avec 170 millions d'euros, quand TF1 a participé à une quinzaine de films à hauteur de 40 millions d'euros : différente de la nôtre, sa ligne éditoriale est cohérente avec ses objectifs, qui sont de développer quelques très grosses comédies populaires et un ou deux films policiers avec de bons acteurs. France Télévisions, qui était notre partenaire pour The Artist et pour Polisse, a des attentes encore différentes.

Nous ne voulons pas entrer dans la polémique sur la rémunération des acteurs. Elle peut présenter un intérêt, en termes de philosophie politique : une cinquantaine de personnes gagnent énormément d'argent, cela pose évidemment un problème de société dans un environnement de crise. Centré sur ce sujet-là, l'article a suscité les débordements qui étaient à craindre : on a parlé de gabegie, d'abus de fonds publics... Pourtant, ce système fonctionne majoritairement sur des fonds privés : être abonné à Canal +, c'est financer le cinéma français de manière privée, et la redistribution faite par le CNC entre les acteurs du système est celle des recettes dégagées par les films. L'exception culturelle, c'est la survie du cinéma français - les cinématographies anglaise, espagnole, allemande... ont toutes périclité, par manque d'un système comparable au nôtre. Il s'agit d'un choix de civilisation. Faire avancer la culture, la connaissance, ou même divertir, un film coûtant un million d'euros le peut aussi bien qu'un film à trente millions d'euros. Nous discutons tranquillement dès le début d'un projet avec les producteurs, les agents, avec la volonté que le film se fasse et que le cinéma français vive : nous avons eu, grâce à Michel Hazanavicius, cinq Oscars et nous nous apprêtons - je l'espère -, grâce à Amour, à en recevoir un, deux ou trois autres dans quelques semaines. Le cinéma français vit, il rayonne.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits du cinéma. - Je suis un rapporteur heureux, puisque c'est un des rares sujets qui recueille un très large consensus. Nous intervenons souvent pour défendre le cinéma, et avec beaucoup de combativité, notamment à l'occasion de l'examen de la loi de finances. Voilà plusieurs années que nous essayons de réformer le crédit d'impôt cinéma. Un grand pas en avant a été franchi lors de la dernière loi de finances. Le plafond du crédit d'impôt international a été porté à dix millions d'euros - j'aurais préféré vingt. Nous verrons dans un an les effets positifs du retour en France de quelques tournages. Le crédit d'impôt cinéma est rentable car ce que l'État perd d'un côté, il le récupère largement de l'autre.

J'ai vu dans la polémique déclenchée par M. Maraval un risque et une opportunité. Le risque est celui de jeter le discrédit sur l'un des rares secteurs qui fonctionnent merveilleusement bien dans notre pays. C'est un peu notre « talent », en France : dès qu'on aperçoit une imperfection, on se focalise dessus jusqu'à dénigrer le système. Loin de nous culpabiliser, nous devons défendre le cinéma français, qui a été victime d'attaques récentes, de la part de la Cour des comptes, voire même de collègues d'autres commissions, plus attentifs à des considérations financières qu'à une vision globale. Nous sommes pourtant les meilleurs d'Europe et pourrions l'être du monde en améliorant encore notre modèle économique. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain.

Surveiller et adapter notre modèle, pour qu'il ne devienne pas très rapidement obsolète, constitue une opportunité. La ministre l'a bien compris, qui a lancé les assises du cinéma que relayera le président Garandeau : au mois de juin, des propositions seront faites. La question des rémunérations des acteurs ne constitue qu'un des aspects du dossier. Il faudra nous pencher de nouveau sur les vrais enjeux : la prise en compte par l'Europe du financement par les distributeurs de télévision ; la TVA, puisque le pacte de compétitivité a soumis le cinéma au taux plein, à l'inverse des autres produits culturels ; la régulation du secteur, parce que la concentration, qui offre des avantages, ne doit pas empêcher l'émergence de nouveaux talents ; l'exposition des films, enfin, dès lors que l'on ne parle que de quelques-uns des 270 films qui sortent chaque année.

Au-delà du crédit d'impôt, les commissions du film (nationale, régionales, départementales) ont pour vocation d'attirer des tournages. Celle de la Côte-d'Azur, que je préside, enregistre de bons résultats et aide considérablement, davantage en termes de logistique que sur le plan financier. Ces commissions peuvent favoriser le retour de tournages en France.

Le piratage doit donner des insomnies à Pierre Lescure, dont le rapport est attendu avec beaucoup d'impatience. J'ai toujours défendu la loi Hadopi, qui est une première étape pour lutter contre ce revers de l'ère numérique qu'est le piratage, un fléau qu'il faudra éradiquer.

Mme Dominique Gillot. - Les travaux du Sénat pourraient être une source d'inspiration pour un scénario... Nous sommes tous fiers du cinéma français, comme en témoignent de nombreuses initiatives locales : la commission régionale d'Île-de-France, par exemple, soutient l'accueil de tournages dans la région. Le Val-d'Oise a élaboré un répertoire des lieux de tournage accessibles à moins de cinquante kilomètres de Paris, dont les fiches apportent de nombreuses précisions sur l'environnement : accès, capacité de puissance électrique... Le centre de rencontres de Royaumont accueille chaque année un séminaire de jeunes scénaristes américains pour leur faire découvrir les possibilités de tournage atypiques de la région : cela va des égouts de Paris à des usines désaffectées...

Je souhaiterais également aborder un sujet qui me tient particulièrement à coeur, celui du handicap, quelques soient les formes qu'il prend. Je fais la promotion d'un créateur, acteur et réalisateur, Joël Chalude, qui est sourd, et n'arrive pas à faire reconnaître son talent ; c'est un créateur à part entière qui ne doit pas être considéré comme un handicapé. Il a réalisé sur ses fonds propres un film de qualité, avec des acteurs sourds, pour montrer la réalité de la création par ces personnes. Les films mettant en scène des personnages handicapés et qui ont eu un grand succès, comme Sur mes lèvres ou Intouchables, emploient toujours des acteurs valides.

M. Franck Weber, directeur des acquisitions du cinéma français du groupe Canal +. - Pascal Duquenne a tout de même joué dans plusieurs films, dont le plus récent n'est pas encore sorti. Quand nous accompagnons Nicolas Philibert Au Pays des sourds, nous sommes parfaitement sensibles à la diversité, au fait que la société française est faite de multiples ethnies, religions. Chaque année, quand nous répondons à l'association Averroès, nous constatons que, dans quinze à vingt de nos films, les héros appartiennent aux minorités visibles, ou sont handicapés - sans que nous l'ayons véritablement recherché. Que le film ait du succès ou non dépend aussi des goûts d'un public encore un peu frileux.

Mme Maryvonne Blondin. - Nous avons parlé de l'inflation du coût des acteurs, et surtout des plus célèbres. Les professionnels du cinéma les plus modestes, les intermittents du spectacle, sont essentiels à la réalisation du film. Qu'ils soient artistes ou techniciens, ont-ils vu leur rémunération évoluer au cours des dernières années ? Quel est le pourcentage d'intermittents que vous employez pour réaliser un film ?

M. Thomas Langmann, producteur, vice-président de l'Union des producteurs français (UPF). - Les maisons de production emploient des salariés permanents ; en revanche, sur les tournages, la quasi-totalité des intervenants sont des intermittents. La contrainte, à mon avis, ne réussit pas au cinéma. Les productions télévisuelles se ressemblent du point de vue économique. Au cinéma, en revanche, les budgets peuvent aller de un à cinquante millions d'euros... La contrainte, acceptable pour des films comme Astérix, l'est beaucoup moins pour des productions où l'on doit, souvent avec l'accord des techniciens eux-mêmes, accepter une certaine souplesse en termes de rémunérations, quitte à leur renvoyer l'ascenseur lors d'un prochain tournage. Or, une minorité syndicale nous oblige à respecter des conventions qui vont à l'encontre de l'effet souhaité.

Les artistes n'ont pas vu leur rémunération progresser comme celle des stars. Parfois, même sur des films à gros budget, les producteurs ne sont pas rémunérés sous forme de salaires et ne sont pas remboursés de leurs frais généraux en amont ; ils espèrent récupérer leurs investissements en aval, lors de l'exploitation du film. Comme ils prennent les risques, ils sont les plus incités à faire des sacrifices pour que le projet aboutisse. En fait, ils lissent ces aspects d'un film à l'autre, c'est pourquoi la souplesse doit rester une spécificité du cinéma parce qu'à la diversité des budgets répond celle de leur financement.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Mme Blondin présidera un groupe de travail pour le compte de notre commission, où siègeront tous les groupes politiques, sur l'intermittence, dont le protocole vient à échéance à la fin de l'année : des pans complets de la culture, dont le cinéma, peuvent en ressentir les effets, positifs ou négatifs selon les modalités de son renouvellement.

M. Thomas Langmann, producteur, vice-président de l'Union des producteurs français (UPF). - Les producteurs et les metteurs en scène (qui sont parfois coproducteurs) sont très sensibles au talent des techniciens. Souvent, ils tiennent à travailler avec un technicien, ou un musicien, qu'ils apprécient. Il existe donc une vraie possibilité de souplesse.

M. Michel Hazanavicius, réalisateur, président de la Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (ARP). - Le cinéma ne se réduit pas au tournage - où, en effet, la majorité des intervenants sont des intermittents. Il y a beaucoup d'autres étapes, qui impliquent de nombreuses personnes qui ne sont pas des intermittents. Quand on emploie un intermittent, on paie 62 % de charges, ce qui constitue une recette pour l'assurance chômage.

Mme Elisabeth Tanner, présidente du Syndicat des agents artistiques et littéraires. - Certains films demandent de grands efforts en termes de rémunération aux intermittents, qui ont le sentiment que la vedette est surpayée. Il y a beaucoup plus d'acteurs qu'auparavant. En outre, certaines productions, voire des organismes publics, au lieu d'embaucher à temps complet, multiplient les postes d'intermittents. C'est le principal problème à régler.

Mme Sophie Primas. - Nous sommes fiers du cinéma français, et je suis pour ma part une inconditionnelle d'Hubert Bonisseur de La Bath. Le statut des intermittents, si souvent décrié, est-il véritablement un atout pour le cinéma français ? Les charges sont importantes : apporte-t-il la flexibilité requise ? M. Weber nous a dit qu'un tiers des investissements que Canal + consacrait au cinéma français finançait des films dont le budget était inférieur à quatre millions d'euros. Où vont les deux autres tiers ? On déplore souvent que le cinéma français se focalise autour d'une dizaine de producteurs, toujours les mêmes, et qu'il n'y ait pas assez de financement pour des films moins prestigieux, d'action ou autre, qui pourraient être vendus à l'étranger. Qu'en pensez-vous ?

M. Franck Weber, directeur des acquisitions du cinéma français du groupe Canal +. - Sur les 110 films que Canal + a financés en 2012, le budget de 43 d'entre eux était inférieur à quatre millions d'euros. La clause de diversité, obligation contractuelle vis-à-vis du cinéma français que nous renouvelons tous les cinq ans, nous oblige à consacrer 17 % de notre enveloppe à ce type de films, sous forme de financements allant de deux cent mille à un million d'euros. Une petite cinquantaine de films avaient un budget compris entre quatre et quinze millions d'euros, et quatorze un budget supérieur à quinze millions d'euros - des blockbusters. Nous avons constaté un léger tassement du nombre de films intermédiaires et une petite augmentation du nombre de films coûtant entre sept et dix millions d'euros. Nous mettons un point d'honneur à financer de nombreux films dans toutes les catégories. Quant à l'exportation, plusieurs films d'action et d'aventure - qui sortiront au cours des prochains mois, comme La Belle et la Bête, Angélique et En solitaire avec François Cluzet- illustrent un retour à de grosses productions ambitieuses susceptibles de traverser les frontières. Notre cinéma est singulier, il intéresse des Chinois, des Américains ou des Africains.

M. Thomas Langmann, producteur, vice-président de l'Union des producteurs français (UPF). - Je ne sais pas si les pouvoirs publics sont responsables, mais il y a trop de films. Le bouche-à-oreille fonctionne moins bien aujourd'hui : près de vingt-cinq films sortent en effet chaque semaine, et comme les exploitants veulent remplir leurs salles, et que les producteurs veulent présenter leurs films les plus récents, ils sont remplacés très rapidement. Quand nous avons sorti de nouveau The Artist avant les Oscars, le nombre d'entrées a doublé. Il existe un vrai problème d'embouteillage dans les salles, et sans doute de destination des films. Bien sûr, dire cela n'est pas très populaire dans le milieu : de qui veut-on couper la tête ? Il faudra pourtant que cette inflation cesse, que ce soit par une régulation interne ou extérieure. Peut-être devrait-on financer des films destinés plus particulièrement à la télévision ou à d'autres modes de diffusion. Actuellement, les films à gros budget et les petits se disputent les mêmes sources de financement, il faut trouver des solutions. Si un film n'a plus un nombre suffisant de spectateurs en salle, sa rentabilité est compromise, parce que la vente en DVD ou en VOD (vidéo à la demande) est proportionnelle, et que moins un film est exploité en salle, moins les étrangers veulent l'acheter.

M. Michel Hazanavicius, réalisateur, président de la Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (ARP). - Vincent Maraval évoquait justement la rentabilité des films sur le marché international, déplorant qu'ils soient trop chers, donc difficiles à vendre. Reconnaissons que la langue française complique l'exportation. De ce point de vue, The Artist a triché... Les exceptions, comme Intouchables, tiennent du miracle. Les pouvoirs publics devraient faire en sorte que quelques films s'ouvrent à l'anglais ou à d'autres langues étrangères. La souplesse est très importante dans nos métiers : fabriquer un film revient à résoudre en permanence des problèmes, ce qui est rigide est très compliqué à gérer pour nous. En revanche, je ne vois pas bien que faire de l'affirmation selon laquelle il y aurait trop de films. On peut aussi dire que nous sommes trop nombreux sur terre... Qui sera le grand maître de l'eugénisme des films ? Va-t-on mettre en place des mécanismes qui tueront les films économiquement ? Mieux vaut réfléchir aux modes de diffusion.

Tout le système tient sur la chronologie des médias. Pour inciter les nouveaux acteurs du numérique à contribuer au financement, il faudrait leur donner des droits, en ouvrant des fenêtres de diffusion à certains films, ce qui réduirait les fameux embouteillages. Un gros film peut faire une trentaine d'avant-premières en France, un petit film n'a pas de budget pour cela ; peut-être devrait-il pouvoir faire des avant-premières numériques. De même, l'exportation des films pourrait passer par le truchement d'une plateforme numérique qui les diffuserait à l'étranger au moment où ils sortent en France. Outre les quelques deux millions d'expatriés, de nombreux francophones dans le monde sont très à l'écoute de l'actualité culturelle française, mais ne peuvent découvrir les films que dix-huit mois après leur sortie en France.

M. Thomas Langmann, producteur, vice-président de l'Union des producteurs français (UPF). - Quand j'étais plus jeune, il existait de nombreux cinémas d'art et d'essai, dans lesquels sont sortis des films qui ont marqué l'histoire du cinéma. Nous avons désormais de plus en plus d'usines à pop-corn, de grands multiplexes, qu'une logique de rentabilité pousse à toujours remplacer un film par un nouveau. Pourquoi ne pas aider spécifiquement à la renaissance, en province et à Paris, de cinémas d'art et d'essai ? Ils auraient vocation à accueillir des premiers films ou des films d'auteur.

Mme Elisabeth Tanner, présidente du Syndicat des agents artistiques et littéraires. - La réforme de la chronologie des médias est en effet le grand débat dans la profession. A mon avis, elle ne peut intervenir qu'en contrepartie de la pérennisation des obligations de financement des fournisseurs d'accès à Internet ; la réaliser avant serait de la folie furieuse. L'exploitation du numérique ne pose pas de difficulté technique. Ainsi, les représentations du Met de New York sont régulièrement retransmises en direct dans les salles de cinéma, avec un grand succès. On a cru un moment que les petites salles des multiplexes prendraient le relais des cinémas d'art et d'essai. Nous devons réfléchir aux manières d'exposer les films d'auteurs, et de créer leur marque.

M. Vincent Perez, acteur. - En effet, trop de films sortent chaque semaine, et il est difficile de ne pas se sentir débordé. Et nous entendons cette phrase, qui nous fait du mal : « J'attendrai la sortie du DVD ». Le DVD ne sort-il pas trop vite après l'exploitation du film en salle ?

M. Franck Weber, directeur des acquisitions du cinéma français du groupe Canal +. - Canal + assure environ 20 % du financement des films - parfois jusqu'à 50 % - en contrepartie d'une diffusion du film proche de sa sortie en salle : dix mois après celle-ci. Bousculer cela, c'est lâcher la proie pour l'ombre : les fournisseurs d'accès sont loin d'être prêts à apporter le tiers du budget des films.

M. Jean-Pierre Plancade. - Y a-t-il suffisamment de salles de cinéma ? Je me réjouis qu'une réflexion soit engagée sur ce sujet dont je mesure les implications financières. Je voulais surtout dire combien je suis d'accord avec vous : la flexibilité et la souplesse sont des éléments majeurs du bon fonctionnement du cinéma.

M. Franck Weber, directeur des acquisitions du cinéma français du groupe Canal +. - Sur les 200 films franco-français, nous en soutenons entre 110 et 115. S'il y en avait vingt ou vingt-cinq de moins par an, cela désengorgerait les salles et le spectateur de cinéma s'y retrouverait mieux. Des problématiques sont à analyser, mais le système actuel, malgré de petits excès qu'il convient de corriger, a pour vertu d'aboutir à la création d'oeuvres artistiques : il vaut d'être défendu et pérennisé. Les enjeux sont économiques : la TVA, le régime de l'intermittence qu'il faudra revoir avant la fin de l'année... Examinons-les sans nous crisper sur des querelles de chapelle... N'oublions pas que la majorité des acteurs sont payés au Smic.

Mme Elisabeth Tanner, présidente du Syndicat des agents artistiques et littéraires. - La polémique créée par la tribune de Vincent Maraval était très préjudiciable au lien entre les artistes et le public, je me réjouis que nous en sortions pour aborder les vrais enjeux avec la hauteur nécessaire. Certaines problématiques sont fortement présentes : le trop grand nombre de films, ces « soirées chiffres » que nous regrettons tous car elles sont parfois la triste conclusion de deux ou trois années d'efforts. Il existe de vrais enjeux comme la diffusion en numérique. Nous sommes à la fin d'une période, mais il faut être prudent en déplaçant les lignes : avoir des réflexions transversales, ne pas être enfermé dans des revendications catégorielles. Le débat se focalise aujourd'hui sur les acteurs, mais n'oublions pas les scénaristes dont le travail doit être davantage reconnu. Donnons-leur le temps d'aller jusqu'au bout de leurs projets. Pour ma part, je sais combien nos intérêts sont liés, autour d'un rêve, pour nous, pour vous.

M. Thomas Langmann, producteur, vice-président de l'Union des producteurs français (UPF). - Gaumont, Pathé et UGC sont tous trois détenus par des familles françaises, qui ont fait beaucoup de bien au cinéma. La succession des dirigeants actuels mérite toute notre attention car ces sociétés détiennent les droits de très nombreuses oeuvres.

Je fais régulièrement une proposition qui n'est pas forcément populaire. Pendant longtemps, la publicité pour le cinéma a été interdite à la télévision, pour protéger les petites productions que les Batman et autres Astérix auraient cachées. Le budget de frais de sortie des gros films français varie entre 1,5 et 3 millions d'euros, et atteint parfois 4,5 millions d'euros pour les films américains. Puisque les chaînes de télévision sont à la recherche de publicité et que nous avons la culture de la contrepartie, imaginons que lorsqu'un Français ou un Américain achète 500 000 euros ou un million d'euros d'espace publicitaire sur une chaîne, l'on attribue 10 % de cette somme au CNC pour les redistribuer aux petits films dont le budget de promotion est limité. Comme avec le fonds de soutien, tout le monde gagnerait à ce système vertueux. Les petits films auraient plus d'argent pour acheter de l'espace sur le net, de l'affichage, des bandes-annonces, qui sont désormais payantes dans les salles. Sur certaines chaînes de la télévision numérique terrestre - la TNT -, les écrans publicitaires pourraient être moins chers, les gros films gardant accès à TF1, M6 et Canal +.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Vous avez beaucoup de propositions à nous faire !

M. Michel Hazanavicius, réalisateur, président de la Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (ARP). - Une des spécificités du cinéma est qu'il est à la fois considéré comme de la culture, parfois même de l'art, et une industrie. Attention au mépris et à la hiérarchisation des films selon leur qualité présumée. Pour réfléchir au système, il faut laisser de côté la cinéphilie. Les Charlots ont fait vivre le cinéma français pendant longtemps, et c'est peut-être grâce à eux que nous avons Haneke...

La Commission européenne va bientôt négocier un accord de libre-échange avec les États-Unis. Pour les négociations du GATT (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), il y a vingt ans, les Français avaient imaginé le concept d'exception culturelle, désormais reconnu à l'Unesco. Il est primordial, que le mandat de négociation de la Commission exclue la culture. A défaut, la puissance financière des groupes auxquels nous sommes confrontés rendrait ridicules les échanges que nous avons ici.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - C'est une des raisons pour lesquelles nous combattons un taux de TVA qui, en rangeant le cinéma parmi les activités économiques ordinaires, fragilise notre discours sur l'exception culturelle.

M. Vincent Perez, acteur. - Le piratage est notre poison, poursuivons ce combat, trouvons des solutions et, surtout, ne lâchons rien. Vincent Maraval aura eu le mérite de nous mettre autour de la table pour réaliser que notre système est assez merveilleux, et qu'il doit continuer à progresser.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Au nom de tous mes collègues, je vous remercie. Nous vous remercions en tant que parlementaires, mais aussi en tant que citoyens et spectateurs, pour tout le plaisir que vous nous donnez.